« Ministre d’un jour »
Le député-maire Pierre Chevallier tué par sa femme !
p. 255-274
Texte intégral
« Nous sommes sous le coup d’un tel drame que quatre jours écoulés ne nous ont pas permis de reprendre nos sens et le cours normal de nos pensées, d’accepter comme une réalité le brutal message qui entraîna aussi-tôt l’ordre des choses dans un vertige : le maire d’Orléans est mort1. »
1Le rédacteur en chef de La République du Centre, Roger Secrétain, exprimait ainsi la sidération des Orléanais lors des obsèques nationales et civiles de leur grand homme, le 16 août 19512. Médecin apprécié, officier décoré de la Croix de guerre, résistant à Libération Nord, Pierre Chevallier avait été nommé à la tête de la délégation municipale par le Comité départemental de Libération le 23 août 1944, puis élu et réélu maire en 1945 et 1947. À 35 ans, il avait entrepris la tâche gigantesque de reconstruire sa ville dévastée par les bombardements. Remarqué pour sa compétence, il était devenu le représentant des maires des grandes villes de France au conseil national de l’urbanisme. Membre de l’UDSR, le parti de Pierre Mendès France et François Mitterrand, il représenta le Loiret au Palais Bourbon d’octobre 1945 à sa mort. La veille du drame, le président du Conseil, René Pleven, l’avait nommé secrétaire d’État à l’Enseignement technique, à la Jeunesse et aux Sports. Il avait 41 ans.
2Mais ce 12 août 1951, lorsqu’il rentra de Paris chez lui à Orléans, pour se changer avant une inauguration, il fut abattu de plusieurs balles de revolver par sa femme, Yvonne, jalouse qu’il veuille la quitter pour une autre. « Un destin brisé » écrit La République du Centre soixante-cinq ans plus tard, le 16 août 2016, en notant qu’il reste peu de traces de l’homme politique dans la mémoire collective locale. Une simple voie « Allée Pierre Chevallier », une cité dans le quartier Madeleine et un portrait de lui à l’Hôtel Groslot contrastent avec le boulevard Pierre Segelle et l’avenue Roger Secrétain de ses successeurs à la mairie. L’épouse trompée fut, quant à elle, acquittée le 7 novembre 1952 au cours d’un procès dépaysé à Reims et dont le retentissement médiatique international lui valut de rejoindre le cercle des criminelles passionnelles, et ce jusqu’en ce début de xxie siècle.
3Pourquoi peut-on considérer aujourd’hui ce meurtre comme un lieu de mémoire, et non Pierre Chevallier lui-même, lui qui fut pourtant le reconstructeur d’Orléans3, l’une des villes martyres de la Seconde Guerre mondiale ? Une approche à la fois politique et anthropologique de ce fait divers permet d’examiner à la loupe la sortie de guerre en France et d’en évaluer le rythme, du local par le prisme d’une ville réputée pour sa modération, au national, voire à l’international4. On constate, tout d’abord, que ce drame banal de l’adultère provoqua des réactions passionnées d’une grande violence en rouvrant des blessures de guerre à peine cicatrisées dans l’opinion publique locale. Ensuite, Les Amis de Pierre Chevallier peinèrent à instaurer une mémoire durable de leur grand homme, d’autant que ses réalisations furent immédiatement reprises à leur compte par ses successeurs. Enfin, ce crime de la jalousie cristallisa des rapports de genre archétypaux, « très français » jugèrent alors les Anglo-Saxons, qui expliquent sa pérennité dans le catalogue des homicides célèbres, et donc sa prévalence5.
Des ondes de haine et de chagrin qui rejouent « les années noires »
4Ce fait divers aurait pu n’être qu’un drame ordinaire de la jalousie conjugale, certes plus alléchant qu’un autre pour les médias puisqu’il concernait un homme politique propulsé sur la scène ministérielle la veille même. « Ministre d’un jour » était, en effet, une formule qui faisait mouche à la Une de nombreux journaux. Or, à l’analyse, il révèle les traumatismes laissés par l’Occupation en prolongeant une sortie de guerre qui n’en finissait pas.
Une foule orléanaise qui crie vengeance
5Le 12 août 1951, la presse nationale saluait la nomination du gouvernement Pleven. France-Soir, par exemple, publia la traditionnelle photographie du nouveau gouvernement sur le perron de l’Élysée à sa Une, et présenta succinctement, en troisième page, ceux qui n’avaient encore jamais participé à l’exécutif, tel Pierre Chevallier, au côté d’un Pierre Montel, d’un Maurice Schumann, ou encore d’un Roger Duchet. Mais le lendemain, le député-maire d’Orléans fit, cette fois-ci bien malgré lui, la Une de ce journal à grand tirage. « La tragédie conjugale d’Orléans. Mme Chevallier a tué son mari en deux temps : elle abat le ministre de trois balles avec le revolver acheté la veille ; elle descend chez la concierge pour lui confier son enfant et revient achever le blessé de deux autres coups », titrait France-Soir, adoptant implicitement la thèse de l’assassinat et donc de la préméditation6. Son envoyé spécial, Jacques Chapus, y expliquait que « le ministre d’un jour » était revenu de la capitale en voiture au petit matin, le dimanche, pour présider le comice agricole de Châtillon-sur-Loire et inaugurer son nouveau pont. Dix minutes après qu’il fut monté chez lui au 13 rue Jeanne d’Arc, son chauffeur demeuré dans la rue entendit trois coups de feu. Après avoir confié son cadet à la concierge puis à nouveau tiré sur son mari, Yvonne Chevallier appela elle-même le commissaire et l’attendit. Chapus expliquait qu’elle avait toujours fait preuve d’une « jalousie maladive » et qu’elle « ne parvenait pas à suivre son mari dans son ascension ».
6Sur place, barrée d’un bandeau noir, la une de La République du Centre titrait « Orléans et le département du Loiret en deuil » juxtaposant la photographie du gouvernement Pleven à celle de Pierre Chevallier quelques heures plus tôt, lors des négociations. Les ministres de l’Intérieur, Charles Brune, et de la Marine, André Morice, lui rendaient en outre un vibrant hommage. Enfin, le journal dressait un tableau de « la carrière et de l’œuvre » du défunt7. Le numéro suivant déplorait « La mort tragique du Docteur Chevallier » en saluant la venue du Président Herriot à Orléans, entre autres personnalités, à la veillée mortuaire organisée au domicile du maire et en annonçant des obsèques nationales le jeudi en présence du président du Conseil et de plusieurs membres de son gouvernement. Pierre Dézarnaulds, député-maire de Gien, déplorait une « perte cruelle pour la ville d’Orléans », car il voyait en lui « le chef incontesté et brillant de la politique républicaine dans ce département, le continuateur de nos traditions, le porte-drapeau de nos idées et de nos espérances ». Et il accusait « une pauvre folle » d’avoir « en quelques minutes tout détruit8 ». Rien sur les mobiles possibles du meurtre n’était alors mentionné. La différence de ton entre le journal régional et la presse nationale était notable : alors que le premier pleurait son grand homme et lui rendait hommage, quitte à verser dans l’hagiographie, la seconde faisait dans le sensationnel, laissant espérer des révélations scabreuses les jours suivants.
7Ce que ne disait pas La République du Centre mais dont se délectait France-Soir, c’est que ce dimanche, alors qu’Yvonne Chevallier était interrogée par le substitut et le juge d’instruction sur les lieux même de son crime, pendant neuf longues heures, « deux mille personnes qui attendaient son départ pour la prison crièrent “à mort !” » lorsqu’elle fut enfin extraite de son domicile, « blottie entre deux inspecteurs, agenouillée, recroquevillée sur elle-même », dans une voiture de police9. Faute d’être plus amplement documentée, cette vindicte de la foule n’est pas sans rappeler l’ambiance enragée de l’épuration où la foule anonyme tondait les femmes et lynchait les traîtres. Quoi qu’il en fût exactement, le parquet jugea l’opinion orléanaise suffisamment échauffée pour décider de dépayser le procès à Reims arguant de « suspicion légitime ». Ce qui n’empêcha pas « une trentaine d’Orléanais » d’envoyer des lettres de menace de mort contre Yvonne au président du tribunal de Reims, lequel lui fit accorder une protection renforcée10. Que l’épouse du maire, terne et effacée mais respectable, fasse l’objet d’une telle haine dans une ville dont le général de Gaulle lui-même avait loué la modération11 à la Libération, ne peut s’expliquer par le seul sentiment de « perte irrémédiable » causé par le meurtre de son « restaurateur » et « bâtisseur12 ». Les tontes de la Libération, en faisant des femmes des victimes expiatoires de la honte ressentie sous l’Occupation13, avaient acclimaté des comportements collectifs où une violence genrée pouvait se donner libre cours. Six ans plus tard, alors même que la ville encore défigurée s’apprêtait à commémorer sa libération, ces comportements ressurgirent telle la réplique d’un séisme. Yvonne n’avait point trompé son mari mais, en le tuant, elle s’était montrée infidèle au statut du grand homme. Elle avait fait passer son intérêt personnel avant le bien public. En cela, elle méritait la mort pour la foule d’Orléanais en colère qui envahit la rue Jeanne d’Arc.
Ill. 1. – Une de La République du Centre, lundi 13 août 1951.

8En outre, ce deuil qui frappait Orléans n’était pas sans en rappeler un autre, aux circonstances et à la portée cependant toutes différentes, celui de Jean Zay.
Des obsèques nationales où plane le souvenir de Jean Zay
9En dépit de sa trivialité, le meurtre de Pierre Chevallier raviva en effet, chez les Orléanais, la blessure de l’assassinat du député-ministre par la milice le 20 juin 1944, cicatrice ulcérée par la disparition de son corps et par ses obsèques différées jusqu’au 15 mai 1948. « Le département du Loiret n’a vraiment pas de chance. La mort frappe à coups redoublés dans les rangs de ses meilleurs représentants. Après Jean Zay, Chevallier », écrivait Pierre Dézarnaulds.
« Que d’espérances disparues, que de possibilités à tout jamais détruites : deux hommes d’État dont l’un, Jean Zay, avait déjà fait ses preuves, dont l’autre, Chevallier, donnait les plus belles espérances14. »
10Outre leur disparition prématurée, le secrétariat d’État à l’Enseignement technique, à la Jeunesse et aux Sports que le second aurait dû occuper faisait écho au ministère de l’Éducation nationale du premier.
11Trois ans après les funérailles nationales accordées à l’ancien ministre du Front populaire assassiné par Vichy, Orléans prit à nouveau le deuil : les fêtes de la libération de la cité furent annulées, les magasins et cinémas fermés, les drapeaux en berne et la façade de l’Hôtel de ville tendue de noir et ses lustres voilés de crêpe. La comparaison des deux cérémonies, de leurs décors et accessoires, de leurs rituels et de leurs cortèges montre que celle de 1951 décalquait largement celle de 194815. Que ce fût volontaire – comme pourrait le laisser penser l’analogie assumée par Dézarnaulds – ou pas, les participants eurent certainement l’impression que l’histoire bégayait. À partir du mercredi 15 août, une chapelle ardente fut dressée dans le grand salon d’honneur de l’Hôtel de ville où les Orléanais, de « tous les âges » et de toutes « les classes de la société », défilèrent pour rendre un dernier hommage à leur maire16. Car comme pour Jean Zay, il fallait donner une image de rassemblement autour de l’un des serviteurs de la République restaurée. Le catafalque recouvert d’un drapeau tricolore, où reposait le corps, entouré de vingt cierges, de quatre grosses torchères d’argent à la flamme verte et de quatre gardiens de la paix figés au garde à vous, y était exposé. Sur un coussin voilé de crêpe étaient épinglés sa Croix de la Légion d’honneur, sa Croix de guerre et ses insignes de député et de maire. Le lendemain à 14 h 30, les autorités, les corps constitués en grande tenue et les délégations de la Résistance, des anciens combattants, des prisonniers de guerre et autres se rassemblèrent place de l’Étape. À 15 h, les troupes et la fanfare militaire rendirent hommage à la dépouille installée dans la cour de l’Hôtel Groslot, drapé d’immenses tentures noires brodées d’argent, exactement les mêmes que pour Jean Zay, mais timbrées cette fois-ci de l’initiale « C ». Puis les discours officiels furent prononcés par Roger Secrétain au nom des Amis du docteur Chevallier, René Dhiver, maire par intérim, au nom de la municipalité, et Pierre Dézarnaulds au nom des parlementaires. Si pour Jean Zay, le président de la République Vincent Auriol s’était déplacé en personne, ce fut le président du Conseil, René Pleven, accompagné de plusieurs de ses ministres, qui prit la parole au nom du gouvernement et de la Nation17. Les plus hautes instances étaient représentées : Présidence de la République, Assemblée nationale, Conseil de la République, Union française18… Jean Zay, depuis la préfecture, avait été conduit au « grand cimetière » d’Orléans au Nord ; Pierre Chevallier, depuis l’Hôtel de Ville à celui de Saint-Marceau au Sud, et les itinéraires de leurs cortèges funèbres différèrent par conséquent. Pour autant, ils se faisaient écho : même composition, même corbillard à panache entouré des porteurs de cordons et mêmes chars croulant sous les fleurs.
Ill. 2. – Une de La République du Centre (extrait), vendredi 17 août 1951.

12La manifestation de ce deuil collectif ne doit cependant pas masquer les divisions profondes héritées de la guerre qui fracturaient la société orléanaise et qui s’exprimaient par la voix des communistes.
La voix dissonante des communistes dénonce un « ennemi du peuple »
13À l’été 1951, l’union de la Résistance était rompue depuis bien longtemps et le contentieux entre le maire UDSR, partisan de la Troisième Force, et le PCF s’était lourdement aggravé avec la guerre froide, tant au sein du conseil municipal qu’au Parlement19. À l’Hôtel de ville, les altercations, parfois violentes, avec le député et conseiller municipal Albert Rigal avaient été récurrentes ; au Palais Bourbon, Pierre Chevallier avait voté le Pacte atlantique. Aussi fut-ce avec un tout autre ton que l’hebdomadaire de la fédération communiste du Loiret, Le Travailleur, couvrit l’affaire pour polémiquer.
14Sous le titre racoleur de « Pierre Chevallier tué par sa femme. Le jeune Mathieu C. qui assista au meurtre dit à la concierge : Papa a tiré Maman par les cheveux. Ensuite, il a eu la poitrine toute rouge ! », le journal accusait La République du Centre de s’être contenté d’évoquer un drame de la folie et d’avoir masqué les faits20. Selon les communistes, Yvonne, « d’une origine paysanne modeste », mais qui aurait apporté à son mari « une dot substantielle (qui a facilité sans doute ses débuts de médecin) », avait été volontairement tenue à l’écart par cet homme « d’une grande ambition ». « Elle semble devenir un affront » et, selon le journal, les scènes de ménage se multipliaient. « Les torts, bien sûr, pour les besoins d’une politique, il convient aux tenants du régime de les attribuer uniquement à celle qui a tué » écrit le journal. Et se défendant de toute « explication partisane », il insinuait que la phrase de l’enfant révélait que Pierre Chevallier maltraitait sa femme, et déclarait, de fait, qu’elle n’avait pu supporter l’idée du divorce.
15 Le Travailleur rappelait que le député-maire s’était fait « le champion de l’anticommunisme, en caution, sans doute du portefeuille de ministre qu’il attendait ! » Paranoïaque ou plus vraisemblablement de mauvaise foi, il allait même jusqu’à affirmer que pour obtenir un port d’arme, Yvonne Chevallier avait fait valoir qu’elle craignait un attentat communiste contre sa famille21 ! Enfin, il entreprit de démolir la réputation du défunt, à contre-pied du concert de louanges général. « Le Docteur Chevallier s’était classé dans le camp des fauteurs de guerre » : il était l’un « des soutiens de la politique de désastre, de misère et de guerre » poursuivie par le gouvernement Pleven. Il était « l’artisan de l’occupation américaine d’Orléans22 », faisant allusion à la caserne Coligny cédée aux Alliés ; son « antisoviétisme l’avait amené à suggérer la fabrication de bombes volantes devant aller semer la mort » à l’Est. « Par soumission aux impérialistes américains », il aurait préféré « l’intérêt de Wall Street à celui de la France23 », les communistes se posant comme les seuls vrais patriotes. À cette fin, le député-maire aurait voté toutes les lois visant à écraser d’impôts les commerçants – catégorie professionnelle que les communistes auraient aimé se rallier – les paysans et les ouvriers, citant en exemple son refus de céder aux revendications des ouvriers communaux d’Orléans24. Les communistes lui refusaient même le mérite de la reconstruction de la ville puisque, selon eux, elle n’aurait été réalisée qu’au seul bénéfice des Américains – argument démagogique, tant l’US Go Home prenait de l’ampleur dans l’opinion orléanaise à l’époque.
16Les funérailles de Pierre Chevallier où « les nombreux Orléanais » seraient « venus plus par curiosité que par sympathie » rappelaient aux communistes, non pas celles de Jean Zay – qu’ils n’appréciaient guère – mais celles d’Ambroise Croizat, ancien ministre du Travail de novembre 1945 à mai 1947, lesquelles avaient eu lieu quelques mois auparavant au Père-Lachaise en février 195125. Et de conclure que
« [l]’on a l’éloge que l’on mérite. Chevallier a eu ceux des ennemis du peuple et de la France. Croizat d’un peuple tout entier26 ».
17L’acquittement d’Yvonne ayant été prononcé à Reims en novembre 1952, Le Travailleur étoffa son histoire du ministre « indigne », à la vie privée « peu reluisante », se haussant au rang de gardien des bonnes mœurs – que la bolchevique Alexandra Kollontaï aurait pourtant qualifié de « bourgeoises ». Avec manichéisme, il opposait « Chevallier, un ambitieux, grisé par ses succès politiques, toujours plus implacable, plus cruel, plus dur, plus méprisant envers sa femme au fur et à mesure de son ascension », à « elle, une femme simple et effacée, fille de braves cultivateurs, aimant son mari et ses enfants27 ». En rabaissant ainsi Yvonne à l’état de victime, par sa condition même de femme et d’épouse, le journal communiste faisait d’ailleurs preuve d’une misogynie ordinaire bien de son temps. On y reviendra plus loin. Mais l’objectif des communistes était autre : dessiller les yeux des Orléanais en leur révélant que Chevallier était un ennemi du peuple en dépit de « l’habile propagande » animée par Roger Secrétain et son journal28. Une sorte de croisade de la vérité par conséquent.
18En dépit des efforts des Amis de Pierre Chevallier, la mémoire immédiate de l’homme politique se cristallisa d’emblée sur les circonstances tragiques de sa mort, à l’origine un banal fait divers de l’adultère, mais auquel l’acquittement de la meurtrière conféra une saveur particulière, fort éloignée de la mythologie républicaine.
Héritages et succession de Pierre Chevallier : Orléans tourne la page
19L’association Les Amis de Pierre Chevallier eut beau s’entremettre pour ériger – au moins symboliquement – la statue du grand homme à Orléans, il fut en réalité assez vite oublié en dépit des prévisions de ceux qui avaient annoncé une « perte irréparable ». Comment expliquer cette progressive amnésie ?
Les vains efforts des Amis de Pierre Chevallier
20L’association créée immédiatement après sa mort par l’équipe de La République du Centre, Roger Secrétain, son directeur, et René Dhiver, le nouveau maire, avait pour inconvénient de restreindre le cercle dévolu au devoir de mémoire du défunt et de le couper des autres groupements et forces politiques se réclamant de la Résistance, en particulier les socialistes. Certes, Roger Secrétain et Claude Lemaître29 avaient été membres de Libération Nord et Georges Carré avait présidé le CDL ; mais ils n’officiaient pas en tant que tels dans les cérémonies dédiées à la mémoire de Pierre Chevallier. L’adhésion à l’association de René Pleven, Claudius Petit et François Mitterrand révélait en outre un fort tropisme UDSR, en dépit de la présence des députés du Loiret Pierre Dézarnaulds, républicain radical-radical socialiste, et Pierre de Félice, radical30.
21Lors du premier anniversaire de sa mort, le 12 août 1952, l’association décida d’organiser « une sobre cérémonie » au cimetière Saint-Marceau, avec un service religieux et un moment de recueillement sur la tombe pour les membres de l’association et les représentants de la municipalité31. Comment expliquer cette discrétion qui contrastait si fortement avec les funérailles un an plus tôt ? Même si le procès de la meurtrière n’était pas encore ouvert et la vie privée du défunt pas encore étalée sur la place publique, les rumeurs allaient bon train et il est possible que ses amis aient jugé préférable de faire profil bas. Les Orléanais, en outre, étaient saturés de commémorations aux martyrs de la Résistance, aux victimes des bombardements… Et La République du Centre avait déjà eu l’occasion de déplorer leur démobilisation32. Mieux valait ne pas essuyer un échec. Sans la foule d’anonymes, on retrouve donc en partie les représentants des autorités qui avaient participé aux obsèques un an plus tôt : Les Amis de Pierre Chevallier avec leur président Roger Secrétain, des membres du Conseil municipal, l’Ordre des médecins, la Chambre de commerce, le Tribunal de commerce, l’association des sinistrés, le Centre hospitalier en la personne de son directeur Georges Carré, l’agence Havas, le Rotary Club, Maurice Genevoix de l’Académie française, ainsi que la préfecture et le conseil général. Mais on note que ni le gouvernement, ni le Parlement ne furent représentés en tant que tels. Les parlementaires présents, comme Pierre Segelle (SFIO) et Lucien Perdereau (républicain indépendant d’action sociale), étaient venus en leur nom propre33. René Pleven et François Mitterrand s’étaient excusés. Claudius Petit, ministre de la Reconstruction, avait envoyé son chef de cabinet pour honorer le reconstructeur UDSR d’une ville martyre. On était déjà dans l’entre-soi.
22Par ailleurs, l’association avait offert à la ville un portrait en pied exécuté par l’artiste peintre orléanais Georges Blanchard, portrait qui figurait désormais dans l’antichambre du grand salon de l’Hôtel Groslot. Pour couvrir les frais de cette œuvre, l’association lança une souscription publique à l’occasion de ce premier anniversaire34. Puis à partir de 1953, elle entreprit de réunir des documents cinématographiques, radiophoniques et autres, sans résultat bien concret à notre connaissance. De même, la plaquette sur sa vie et son œuvre, dont la réalisation avait été décidée lors de l’assemblée générale du 13 août 1953, ne se concrétisa qu’en 196235. Ce fut à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance que l’association publia finalement ladite brochure et fit sceller une plaque sur sa maison natale, 23 bis rue Dauphine, le 30 janvier 1962. L’inscription était sobre et elliptique :
« En ces lieux est né le 30 janvier 1909 Pierre Chevallier docteur en médecine maire d’Orléans député du Loiret secrétaire d’État à l’enseignement technique décédé tragiquement le 12 août 1951. »
23Les Amis de Pierre Chevallier essuyèrent, en effet, plusieurs revers. Il y eut tout d’abord le procès d’Yvonne des 6 et 7 novembre 1952 dépaysé à Reims. « Ici, on ne connaissait pas la victime, et on l’oublie trop facilement pour accorder toute la pitié à une épouse trahie », déplorait Roger Lemesle, qui couvrit l’affaire pour La République du Centre36. L’adultère était exposé au grand jour ; la maîtresse, Jeanne Perreau, et son époux, cités comme témoins, focalisaient tous les regards, y compris ceux de la presse internationale ; Pierre Chevallier y apparaissait sous un très mauvais jour et les témoins à charge, tels le secrétaire général de la ville d’Orléans, Léonce Desprès, le directeur des travaux municipaux, M. Bourdin, ou Maurice Bouilhaguet, ancien secrétaire général de la mairie devenu sous-préfet de Montbéliard, peinèrent à faire revivre la figure du maire reconstructeur37. Puis le verdict d’acquittement provoqua la stupéfaction – « De quoi diable est donc mort le docteur Chevallier ? » se gaussa Kléber Haedens dans Paris-presse – et la colère de ses amis : « Où est donc la justice ? » titrait La République du Centre le 8 novembre. Pierre Chevallier était « tué moralement une seconde fois38 ». Roger Secrétain protesta en vain auprès du garde des Sceaux39.
24Dès août 1952, l’association avait exprimé le vœu que le nom de Chevallier fût donné à une rue, une place ou un square dans la partie restaurée de la ville40. L’année suivante, la municipalité proposa le carrefour sud du pont Georges V, donc au sud de la Loire et en dehors du centre. Les Amis préféraient, quant à eux, la partie prolongée, après sa reconstruction, de la rue Jeanne d’Arc, parce qu’il s’agissait d’une « voie centrale, de caractère noble, au cœur des quartiers reconstruits » par Chevallier et qu’il y avait habité41. Mais la municipalité, dirigée à partir de 1954 par le socialiste Pierre Segelle, refusa de couper en deux la rue Jeanne d’Arc et proposa de baptiser « Cité Pierre Chevallier » la cité de deux cents logements, prévue à Saint-Marceau. Les Amis ne se rallièrent pas à cette proposition et maintinrent leur demande estimant que « pour que l’hommage ait toute sa valeur, le nom […] devait être donné à une rue au cœur de la ville reconstruite42 ». Ils renouvelèrent en vain leur demande en 195543 et durent finalement accepter, à contrecœur, une voie « Allées Pierre Chevallier » dans le nouveau quartier ouest en 195644. Comme partout, l’après-guerre avait été une période d’intense activité toponymique à Orléans, où la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, des martyrs de la résistance et des déportés, s’était inscrite dans la pierre. La ville présentait l’avantage – si l’on peut dire – d’être en pleine reconstruction et d’offrir par là même de nombreuses opportunités. Mais si importante que fût son œuvre, le député-maire fut assez vite remplacé, y compris dans les mémoires.
Claude Lemaître, Pierre Segelle et Roger Secrétain : ses héritiers ?
25Au gouvernement, ce fut Claude Lemaître-Basset qui hérita du secrétariat d’État à l’Enseignement technique, à la Jeunesse et aux Sports de Chevallier en septembre 1951. Réélu maire et conseiller général de Châteauneuf-sur-Loire depuis 1945, conseiller de la République RGR du Loiret depuis 1948, il avait dirigé Libération Nord dans le département après l’arrestation d’André Dessaux, Robert Goupil et Pierre Segelle en octobre 1943. Lorsqu’en 1956 Pierre Dézarnaulds abandonna la présidence du conseil général qu’il avait longtemps destinée à « son fils spirituel » Pierre Chevallier, Claude Lemaître ne put la reprendre tout de suite45, mais il la récupéra de 1961 à 1964.
26À la mairie, ce fut son premier adjoint, également membre de l’UDSR, René Dhiver, qui lui succéda. Il fut réélu triomphalement aux municipales du printemps 1953, mais poussé à la démission un an plus tard à cause d’une polémique sur les subventions scolaires. Or les élections d’avril 1954 portèrent à la mairie le député et ancien ministre socialiste Pierre Segelle. Si ce dernier avait toujours rendu hommage à son prédécesseur assassiné et s’il fut son allié au sein de la Troisième Force, il convient néanmoins de rappeler qu’ils s’étaient violemment affrontés lors de la scission du mouvement Libération Nord en 1945. Le grand parti travailliste souhaité par le MLN n’avait pas vu le jour et l’UDSR avait été fondée en juin 1945. Au congrès départemental de Libération Nord, le 26 août 1945, ce fut la scission : les socialistes, derrière Pierre Segelle revenu de déportation, demeurèrent à la SFIO, alors que les autres rejoignirent l’UDSR avec Pierre Chevallier et Roger Secrétain. L’UDSR et la SFIO présentèrent dès lors des listes séparées aux cantonales et aux législatives, et s’accusèrent mutuellement de déloyauté46. De sorte que ce fut Pierre Segelle, très investi par ailleurs dans les associations de déportés tant au niveau national que local, qui assuma l’héritage de la Résistance et la défense de sa mémoire à Orléans. Maire jusqu’en 1959 et décédé en 1960, son nom fut donné à un établissement scolaire et à un boulevard central, et une haute stèle « À la mémoire du Docteur Pierre Segelle, déporté de la Résistance, député du Loiret, ancien ministre, maire d’Orléans, 1899-1960 » fut érigée sur la place Charles de Gaulle.
27De sorte que le véritable héritier direct de Pierre Chevallier fut son ami Roger Secrétain. Élu député UDSR du Loiret pour le remplacer en novembre 1951, il ne prit sa succession à la tête du groupe parlementaire qu’en 1955 et ne fut pas réélu aux élections de janvier 1956. Mais, entré au conseil municipal d’Orléans en 1953, il succéda à Pierre Segelle au fauteuil de maire de 1959 à 197147. À l’origine de la fondation de la ville nouvelle de La Source et de l’Université, Roger Secrétain donna son nom à une école maternelle et à une longue avenue reliant La Source au centre-ville.
28La bataille de la mémoire urbaine fut bel et bien perdue par Les Amis de Pierre Chevallier dès les années qui suivirent sa mort. Lorsque Roger Secrétain devint maire, il marqua le dixième anniversaire de sa disparition par une brochure et une plaque en janvier 1962, mais ces gestes étaient bien trop modestes et tardifs pour compenser l’oubli dans lequel avait sombré l’homme politique Pierre Chevallier. Le souvenir de sa mort tragique, en revanche, ne put s’effacer.
Un crime passionnel qui cristallise des rapports de genre jusqu’à nos jours
29En ce début de xxie siècle, « l’affaire Yvonne Chevallier » trouve encore sa place dans les annales judiciaires, tant dans les ouvrages de journalistes que sur les sites spécialisés dans les crimes passionnels. Or cette résistance à l’érosion du temps interroge.
Les personnages archétypaux d’un drame bourgeois
30D’emblée, la presse conféra à l’affaire tous les attributs d’un drame bourgeois. Il faut reconnaître que tous les protagonistes attendus étaient réunis et qu’il s’agissait du « premier grand procès passionnel qui se soit ouvert depuis des années », comme le rappelait l’envoyé spécial de France-Soir48. L’opinion publique, gavée de procès d’épuration, allait pouvoir se mettre autre chose sous la dent ! « Pour ce supplice d’une femme, il faut dire que les amateurs sont nombreux. Le crime passionnel paye – du moins pour le public. Le président Jadin et l’avocat général Lindon ont refusé des milliers de cartes d’entrée. Il aurait fallu le Palais de Chaillot pour abriter tous ceux qu’attire le spectacle », poursuit Jean Laborde. Et de conclure : « guichet fermé donc49 ! ».
31Il y avait donc « le bon docteur », Pierre Chevallier, « héros de la guerre et de la Résistance », mais « mari volage » et homme politique « ambitieux », prêt à tout pour sa carrière. Il avait été abattu par son épouse, Yvonne, « la sage-femme beauceronne », une « fille du peuple », une « femme fruste », une « femme bafouée et humiliée »… Ce drame de la jalousie avait pour mobile « l’aventurière », « la Jeannette », une « femme rousse et piquante au béret vert », une « femme crâne », « l’amoureuse »… Même « le cocu complaisant » ne manquait pas à l’appel !
32Ce casting exemplaire dévoile combien la presse, en phase avec son lectorat, avait une vision très essentialiste de « la » femme : Marie et Ève, Maman et la Putain, Yvonne Chevallier et Jeanne Perreau incarnaient a priori les deux facettes. Dans Le Parisien libéré, Élisabeth Granet compara Yvonne à
« un spectre […] rongé par un désespoir inapaisable et qui, on en est sûr, ne chercherait même pas à lutter si la pensée de ses deux enfants n’était sans cesse présente derrière son front buté50 ».
33Quant à Jeanne, le même journal la décrivait avec réprobation :
« une assez jolie femme aux cheveux acajou déployés en boucles dans le dos genre voyant et qui visiblement n’a pas froid aux yeux », ajoutant que « satisfaite et cynique, [elle] a témoigné au milieu de l’hostilité du public51 ».
34Élisabeth Granet allait même plus loin, faisant d’Yvonne « une femme entre toutes » et évoquant « le gouffre immémorial qui sépare le monde des hommes de celui des femmes ». Selon elle, le monde des hommes était impénétrable,
« tellement plus vaste, plus aéré, d’une légèreté pour certaines choses », et Yvonne, « excessive dans ses vertus comme dans ses défauts » était incapable d’y entrer. Son domaine à elle, c’était « la maison, les enfants… le lit conjugal. […] Maîtresse du balai et du garde-manger, et de rien d’autre, Yvonne s’y complaît. Et son supplice ne commence que lorsque l’on veut la chasser de ce rôle qui est traditionnellement celui des femmes52 ».
35Tout était dit, et ce par une femme, journaliste dans un milieu professionnel encore très masculin.
36Dans Paris-presse – l’Intransigeant, l’écrivain d’extrême-droite Kléber Haedens53 conjugua, quant à lui, misogynie et mépris de classe. « L’affaire est un drame de la bêtise », fulminait-il.
« On sait qu’elle [Yvonne] est la fille de petits cultivateurs. Mais si on ne le savait pas, on pourrait le comprendre. Elle a le visage de la terre. Elle a montré pour son mari l’attachement des bêtes et des plantes. »
37Quant à Jeanne, c’est « un oiseau mécanique » qui fit « une entrée de cover-girl54 ».
38Les deux femmes, conformément aux représentations de l’éternel féminin, étaient donc mues par leurs passions. Le président Jadin, en homme averti, n’avait-il pas prévu deux médecins dans la salle, car il craignait « des évanouissements et des syncopes55 » ? De fait, la meurtrière s’évanouit en témoignant56. « En 3 heures d’un dramatique interrogatoire hier à Reims, Yvonne Chevallier a prouvé qu’elle avait tué le seul homme qu’elle aimait » titrait France-Soir57. « J’aimais Pierre. Il m’aimait. Pour moi, ma conscience c’est l’amour. C’est tout58 », déclara ensuite à la barre sa maîtresse. Sous la plume de Jean Laborde, qui ne cachait pas son faible pour cette rivale qui avait du « cran », Yvonne devenait « une bête d’amour », une « bête frustrée » : « pas de tête, un cœur. Intellectuellement, une fille assez fruste, assez simple59 ». Le président Jadin l’accusait : « Vous étiez une maîtresse, jamais une épouse, jamais une mère60 ! » Le procureur et l’avocat de la partie civile récusèrent pourtant, à plusieurs reprises, ce portrait qui faisait d’Yvonne une victime de ses pulsions aux circonstances atténuantes. Pour son avocat, elle avait déjà reçu son châtiment et « telle Antigone, elle porte son amant mort et elle pleure61 », confondant sans doute la fille d’Œdipe avec Phèdre !
39L’homme, Pierre Chevallier, séducteur par nature, était résistant et ministre ; cela ne lui conférait que plus d’éclat viril, d’autant que l’autre homme du drame était ce marchand de tissus et de draps, « mari complaisant » et « cocu glorieux ». Jean-Charles Pichon62, dans un article en regard de celui d’Élisabeth Granet, titrait « un homme comme un autre ». Mais il voulait dire par là que Pierre Chevallier avait fait preuve des faiblesses ordinaires d’un homme, car l’auteur n’oubliait pas, lui, le héros :
« C’était un homme public. Médecin, soldat, résistant, maire, député, il a vécu toute sa vie pour les autres. Autant pour servir que pour en être admiré. Ce besoin de séduire, c’est l’homme d’État, le constructeur ou le héros : il ne fait que rarement le parfait époux. […] Mais jusqu’au bout il s’est montré un homme63. »
40En contrepoint de sa consœur, il déroulait le film d’un éternel masculin, où l’homme doit dominer et séduire, film à peine actualisé par le contexte de l’après-guerre. Et Pichon de conclure :
« Il a passé pendant dix ans sur les faiblesses de sa femme : déséquilibre, inexpérience sociale, crises, égoïsme de son amour… Elle ne passera pas, elle, sur l’unique faiblesse de son mari : elle le condamnera immédiatement à mort. C’est tout de même très cher payé64 ! »
41Notons d’une part qu’Yvonne n’était pas l’épouse modèle, faire-valoir de son mari, que l’homme public aurait été en droit d’espérer, et d’autre part que la peine de mort n’était en rien une abstraction à cette époque pour les lecteurs.
42L’acquittement, alors que l’avocat général réclamait une peine de prison, certes courte, mais ferme, n’en fut que plus ahurissant, « un défi au bon sens » jugea Le Journal de Seine-et-Oise65.
Acquittée ! Mœurs conservatrices ou antiparlementarisme ?
43À Reims, l’ambiance était tout à l’opposé de celle d’Orléans. Des lettres au président Jadin, d’associations de défense de la morale et d’anonymes réclamaient l’acquittement. Les défenseurs de Mme Chevallier se firent entendre au cours du procès, aux alentours, et même dans son enceinte. Après la levée de l’audience du 6 novembre, une partie du public manifesta à la sortie du palais aux cris de « acquittement ! acquittement66 ! ». Or le lendemain, après 40 minutes seulement de délibérations, Yvonne fut effectivement acquittée par un jury exclusivement masculin, comprenant cinq cultivateurs sur sept jurés67. La défense aurait récusé toutes les femmes craignant, selon France-Soir, leur intransigeance envers leur pareille68… Le verdict provoqua des « applaudissements frénétiques » et le président dut faire évacuer la salle, pendant que le frère et la belle-sœur de la victime s’effondraient en pleurs69. Jean Laborde témoigna qu’il n’avait « jamais assisté à pareil spectacle. C’est sans doute la première fois que deux à trois mille personnes stationnaient dans toutes les rues depuis 5 heures de l’après-midi jusqu’à 18 h 30 pour attendre la décision ». Le fourgon cellulaire lui-même, qui emmenait l’acquittée pour sa levée d’écrou, fut ovationné70. Deux types de représentations se conjuguèrent peut-être pour expliquer ce phénomène.
44D’une part, une conception très genrée des rapports au sein du couple prédominait dans l’opinion publique de l’époque. Seul Jean Laborde71 se montra indulgent envers la maîtresse et donc la femme adultère. Le futur auteur de romans noirs déplorait : les Perreau « ont fui hier sous les huées de la foule et c’est injuste. […]. Combien parmi les manifestants étaient dignes de jeter la première pierre à celle qui a dit avec beaucoup de flamme : “C’était mon amour !” », faisant de Jeanne une Marie-Madeleine moderne72. Même l’avocat général Lindon ne pouvait se départir de cette conception très conservatrice en évoquant l’épouse :
« Yvonne Chevallier aurait dû se souvenir qu’un serviteur de la chose publique appartient à la patrie. Elle a préféré sacrifier à son égoïsme, à sa jalousie et à son désespoir un homme riche des plus belles promesses73. »
45Épouse au service du grand homme, voilà ce qu’Yvonne Chevallier n’avait pas réussi à être. Enfin, comme lors de l’affaire Henriette Caillaux de l’été 191474, son avocat sut jouer avec habileté des stéréotypes de genre pour faire du meurtre un crime passionnel, commis sous l’emprise hystérique – au sens étymologique du terme – de sa nature féminine.
46D’autre part, sans aller jusqu’à adopter la posture de classe contre classe des communistes évoquée plus haut, la presse insista sans relâche sur l’hétérogamie du couple. Pour la famille Chevallier, composée d’artisans potiers et de médecins, Pierre s’était mésallié en épousant cette fille de paysans, élève sage-femme, qui fut d’abord clandestinement sa maîtresse de 1935 à 1939, date à laquelle le mariage eut lieu contre l’assentiment de ses parents75. Pour Jean Laborde, les faits avaient « tout naturellement leur origine dans cette différence sociale », entre Yvonne « peu élégante, morne quand la société la sépare de son mari, peu cultivée et peu intelligente, et Pierre Chevallier, être brillant s’il en fut, attiré par la vie publique et les honneurs76 ». Claire Gonon renchérissait :
« Sortie de ses recettes de cuisine, elle n’avait aucune conversation et, à côté de Pierre Chevallier, président d’un groupe parlementaire important, familier des membres influents du gouvernement, elle reste la pauvre petite paysanne gauche et intimidée77. »
47En ce début des années cinquante, se superposaient d’une part une conception très hiérarchisée de la société, où l’ascension sociale et politique, en dépit de la rupture de la guerre, n’était pas accordée à tous, et une méfiance à l’égard des élites, y compris et peut-être surtout celles issues de la Résistance. On devine un relent d’antiparlementarisme et d’anti-résistancialisme dans cet engouement en faveur d’Yvonne.
48Les jurés d’assises n’ont pas à motiver leur jugement. L’historien ne peut donc conclure avec certitude ce que pensèrent ces sept jurés marnais ; tout au plus peut-il émettre cette hypothèse pour expliquer le verdict et l’attitude d’une partie de l’opinion.
« L’affaire Yvonne Chevallier » éclipse le député-maire
49Le procès des 6 et 7 novembre 1952 eut non seulement un retentissement exceptionnel, mais son audience nationale et internationale perdure jusqu’à nos jours.
50« À 13 h, c’était du délire. On n’avait jamais vu cela à Reims. Il a fallu une escouade de gardes pour refouler une multitude qui aurait volontiers forcé les portes » s’ébahit Jean Laborde78. « Le service d’ordre doit monter la garde dans une salle où plus une place n’est disponible » s’étonna, de même, La République du Centre illustrations à l’appui79. Près du box de l’accusée, une trentaine de photographes étaient à l’affût80. Le public se pressait comme au théâtre et – détail piquant – Bernard Blier fit même le déplacement « pour voir comment se comportaient des acteurs qui dépassent le stade des “Compagnons de la Marjolaine”81 ». En France, Jean Laborde consacra une partie sur six à « l’Affaire Chevallier » dans son Amour que de crimes… qu’il publia en 195482. Soixante après le procès, le chroniqueur judiciaire Paul Lefèvre y consacrait également un chapitre, « La passion d’Yvonne », dans son livre Tueuses. Quand les femmes passent à l’acte83 ; de même que Jean-Marc Loubier et Serge Cosseron qui racontèrent une soixantaine d’affaires s’étant déroulées de 1840 à 1998, dans Femmes criminelles84. Ces derniers se montrèrent très sévères envers Pierre Chevallier et l’émission « L’Heure du crime » sur RTL le 28 décembre 2012 s’en fit l’écho, ainsi que La République du Centre qui adopta, dans la foulée, la thèse de « l’épouse humiliée, brutalisée et trompée85 ». Mais en août 2016, la même République du Centre consacra un long article anniversaire à la mort du député-maire, évoquant, cette fois-ci, son « destin brisé86 ». Le premier pas vers un retour local du refoulé ?
51À l’étranger, le procès fut couvert grâce à deux envoyés spéciaux qui l’avaient suivi en direct et qui firent ensuite carrière : Ben Bradlee, journaliste au Washington Post, qui le raconta dans ses mémoires en 199587 et Stanley Karnow, alors au Time magazine, en 199788. Le crime passionnel étant inconnu en droit anglo-saxon, le verdict leur parut « très français » et, moqueurs, ils prévoyaient une explosion des ventes de revolvers en France ! De sorte que l’on retrouve « l’affaire Yvonne Chevallier » sur des sites à sensations de langue anglaise, tels que True Crime XL89 ou Murder revisited, comme archétype du crime passionnel. À l’analyse, ces sites perpétuent la même vision genrée caricaturale des rapports conjugaux et amoureux que dans les années 1950, et sont loin d’envisager la révolution des mœurs et des rapports entre sexes.
52Avec une telle médiatisation de son assassinat pour adultère, l’anamnèse de Pierre Chevallier, l’homme politique, reste donc encore difficile aujourd’hui, y compris dans sa propre ville d’Orléans.
*
53Les vertus de la micro-histoire ne sont plus à démontrer, et le jeu d’échelles est dans le cas de ce fait divers d’autant plus heuristique qu’Orléans est une ville où Libération et épuration n’entraînèrent guère de débordements et où les citoyens s’étaient très vite rassemblés dans les fêtes johanniques. Les cris de vengeance et les lettres haineuses des Orléanais contre la meurtrière n’en sont que plus troublants et contrastent avec ceux qui, à Reims et ailleurs, condamnaient à mort l’homme adultère.
54La ville de Jeanne d’Arc avait déjà enterré un grand homme, Jean Zay, et le souvenir de ses obsèques nationales différées en mai 1948 rejoua inévitablement lors de celles de Pierre Chevallier en août 1951. Dans ce concert de pleurs et de louanges, seuls les communistes détonnèrent avec leur partition de guerre froide. À ce titre, cet événement tragique confirme à quel point la sortie de guerre fut difficile et se prolongea au-delà de l’instauration de la IVe République90.
55Outre le fait que le député-maire fut remplacé, sur le plan politique, par d’autres élus de valeur, la bataille pour sa mémoire urbaine fut assez vite perdue par ses Amis, lesquels avaient privilégié l’entre-soi, se coupant des associations de résistants et déportés et de la gauche non communiste. La mémoire scripturaire et toponymique du socialiste Pierre Segelle est aujourd’hui bien plus visible à Orléans que celle de Pierre Chevallier, et il en est de même pour celui qui fut pourtant son héritier direct, Roger Secrétain.
56Le « destin brisé » de l’homme plein d’avenir ne suffit cependant pas à expliquer qu’il ne figure pas au rang des lieux de mémoire orléanais. C’est le procès de sa meurtrière, son étonnant verdict d’acquittement et leur exceptionnelle médiatisation qui achevèrent d’effacer son souvenir. Ils révèlent la permanence de représentations genrées très conservatrices au sein de la société française de l’époque, mâtinées sans doute d’antiparlementarisme ordinaire et d’anti-résistancialisme. De sorte qu’en ce début de xxie siècle, l’anamnèse de l’homme politique Pierre Chevallier est encore fragile : sexe et politique n’ont pas attendu l’affaire Strauss-Kahn pour faire recette.
Notes de bas de page
1Secrétain Roger, La République du Centre, 16 août 1951.
2Je remercie chaleureusement mon ami Pierre Allorant, qui a généreusement mis à ma disposition ses lumières d’Orléanais de souche pour identifier des lieux et personnages parfois obscurs à une Orléanaise d’adoption.
3Incontestablement, Pierre Chevallier fut « le maire reconstructeur » d’une ville dévastée par les bombardements de juin 1940 et juin 1944. Il se montra, en outre, un parlementaire très assidu et actif comme le confirment les Tables de l’Assemblée nationale.
4Faut-il rappeler ce que l’on doit à la micro-histoire depuis le Fromage et les vers. L’univers d’un meunier du xvie de Carlo Ginzburg (Paris, Aubier) en 1980, ou le Pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du xviie siècle de Giovanni Levi (Paris, Gallimard) en 1989 ? Voir Revel Jacques, Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Seuil, 1996.
5Les historiens des femmes et du genre nous ont montré tout l’intérêt de cette approche, en particulier Perrot Michelle, Les femmes ou les silences de l’histoire, Paris, Flammarion, 1998 et Bard Christine (dir.), Un siècle d’antiféminisme, Paris, Fayard, 1999.
6France-Soir, 14 août 1951, p. 1 et 3.
7La République du Centre, 13 août 1951.
8Le 17 août 1951, Roger Secrétain écrivit de même dans La République du Centre : « Le doigt d’une femme déséquilibrée sur la détente d’un revolver et l’édifice d’une vie s’écroule. »
9France-Soir, 14 août 1951, p. 3, alors que La République du Centre évoque une « foule inévitable de curieux », idem.
10Gonon Claire, « Le plus grand procès de l’année s’ouvre demain à Reims » et « Première audience à Reims », Paris-presse – l’Intransigeant, 5 et 6 novembre 1952. Jean Laborde corrobore : « elles [ces lettres] sont d’une violence terrible pour “cette ignoble femme”, pour celle qui a tué “le meilleur maire qu’ait eu Orléans” », France-Soir, 6 novembre 1952, dernière édition.
11« Le cœur serré à la vue des décombres, je parcourus la ville massacrée. Le commissaire de la République, André Mars, m’exposa les problèmes qu’il affrontait avec calme. D’ailleurs sa région, si éprouvée qu’elle fut, ne se montrait guère agitée. » Gaulle général de, Mémoires de guerre, t. 3 : Le salut, 1944-1946, Paris, Plon, 1959, p. 17.
12Secrétain Roger, La République du Centre, 17 août 1951.
13Voir Virgili Fabrice, La France virile. Des femmes tondues à la Libération, Paris, Payot, 2000.
14Dézarnaulds Pierre, La République du Centre, 13 août 1951.
15Le chercheur dispose du film amateur de René Duneau, de 2,26 mn, sur les funérailles de Jean Zay disponible sur « Mémoire. Les images d’archives en Centre Val de Loire », [http://memoire.ciclic.fr], page consultée le 20-12-2018.
16La République du Centre du 16 août 1951 insiste sur cette dimension.
17Il est possible de reconstituer le déroulement des obsèques à partir des descriptions et photographies de La République du Centre des 14, 16 et 17 août 1951 et des quelques minutes de film de René Duneau sur « Mémoire. Les images d’archives en Centre Val de Loire », [http://memoire.ciclic.fr/6512-obseques-du-docteur-chevallier-les], page consultée le 20-12-2018, après l’extrait sur les fêtes de Jeanne d’Arc de 1947.
18La présidence de la République fut représentée par Jacques Kosciusko-Morizet, directeur de cabinet de Vincent Auriol. Il est à noter que ce dernier n’en dit pas un mot dans son journal.
19Voir Castagnez Noëlline, « La mémoire de la Seconde Guerre mondiale dans la vie politique orléanaise après la Libération », in Pierre Allorant et Noëlline Castagnez (dir.), Mémoires des guerres. Le Centre-Val de Loire de Jeanne d’Arc à Jean Zay, Rennes, PUR, 2015, p. 269-286.
20Le Travailleur, 17 août 1951.
21La République du Centre, du 13 août 1951, donna une version quelque peu différente. « “Je crains les adversaires politiques de mon mari”, avait-elle déclaré pour obtenir le bon » qui lui servit à acheter le revolver deux jours avant le meurtre.
22Souligné par nous.
23Le Travailleur, 24 août 1951.
24Ibid.
25Mort prématurément d’un cancer du poumon à 50 ans, le PCF lui fit de grandioses funérailles auxquelles auraient participé, selon Michel Étiévent, près d’un million de personnes. Cf. « Ambroise Croizat, “militant ambulant” », L’Humanité, le 31 janvier 2001.
26Le Travailleur, 24 août 1951.
27Le Travailleur, 14 novembre 1952.
28Ibid. Roger Secrétain annonça la création de cette association lors de son éloge funèbre. Cf. La République du Centre, éditorial du 17 août 1951.
29Claude Lemaître avait dirigé le mouvement dans le Loiret à l’automne 1943 jusqu’à son arrestation par la gestapo en février 1944. Torturé, il fut déporté à Mauthausen.
30« Les Amis du Dr Pierre Chevallier ont tenu hier une réunion », La République du Centre, 4 août 1951.
31La République du Centre, 10 août 1952.
32Cf. Castagnez Noëlline, art. cité.
33« Le premier anniversaire de la mort de Pierre Chevallier », La République du Centre, 13 août 1952.
34La République du Centre, 10 août 1952.
35Hommage à Pierre Chevallier, docteur en médecine, maire d’Orléans, député du Loiret, secrétaire d’État à l’enseignement technique, à la jeunesse et aux sports (1909-1951), Orléans, Imprimerie du Bourdon-Blanc, 1962, 43 p., édité par Les Amis de Pierre Chevallier.
36Lemesle Roger, « Première journée du procès de Mme Chevallier aux Assises de Reims », La République du Centre, 6 novembre 1952.
37Lemesle Roger, « La Cour de Reims a rendu son verdict. Mme Chevallier est acquittée », La République du Centre, 7 novembre 1952.
38Ibid.
39La République du Centre, 13 août 1953.
40La République du Centre, 4 août 1951.
41La République du Centre, 13 août 1953.
42La République du Centre, 13 août 1954.
43La République du Centre, 13-14 août 1955.
44La République du Centre, 13 août 1956.
45Le républicain indépendant Maurice Charpentier présida le conseil général de 1956 à 1958, puis le Centre national indépendant et paysan Pierre Perroy de 1958 à 1961.
46Tribune libre, « À propos d’une tentative de scission à Libération », La République du Centre, no 333, 20 octobre 1945.
47À la tête d’une coalition de centre-droit comprenant même des gaullistes, il fut battu par la liste de Pierre Grosbois, rassemblant démocrates-chrétiens, radicaux et socialistes, dont émergea le nouveau maire, René Thinat.
48Laborde Jean, « À 13 h, aux assises de Reims, Yvonne Chevallier devant ses juges », France-Soir, 6 novembre 1952, p. 1.
49Ibid.
50Granet Élisabeth, « Avoir trop aimé est-ce un crime ? », Le Parisien libéré, 6 novembre 1952, p. 8.
51Le Parisien libéré, 6 novembre 1952.
52Granet Élisabeth, « Une femme entre toutes », Le Parisien libéré, 7 novembre 1952.
53Kléber Haedens (1913-1976) fut membre de l’Action française et l’un des secrétaires de Charles Maurras.
54Haedens Kléber, « Yvonne Chevallier est acquittée », Paris-presse – l’Intransigeant, 7 novembre 1952.
55France-Soir, 6 novembre 1952.
56« Le meurtre du député-maire d’Orléans », Le Parisien libéré, 6 novembre 1952.
57France-Soir, 7 novembre 1952, 1re édition, p. 1.
58Laborde Jean, ibid.
59Ibid.
60Ibid.
61France-Soir, 7 novembre 1952, toute dernière spéciale, p. 7.
62Jean-Charles Pichon (1920-2006) était un auteur prolifique, écrivain, poète et mathématicien qui connut le succès dans les années soixante et soixante-dix avec son œuvre ésotérique. Il effectua des reportages pour Le Parisien libéré en 1952 et 1953.
63Pichon Jean-Charles, « Un homme comme les autres », Le Parisien libéré, 7 novembre 1952.
64Ibid.
65Le Journal de Seine-et-Oise, le 13 novembre 1952.
66La République du Centre, 6 novembre 1952.
67Paris-presse – l’Intransigeant, 7 novembre 1952.
68France-Soir, 6 novembre 1952, dernière édition.
69Le Parisien libéré, 7 novembre 1952.
70Laborde Jean, France-Soir, 8 novembre 1952.
71Jean Laborde (1918-2007) écrivit, sous les pseudonymes de Jean Delion puis de Raf Vallet, des romans noirs, dont Mort d’un pourri en 1973 et Adieu poulet ! en 1974, tous deux adaptés au cinéma avec succès, l’un par Georges Lautner en 1977, l’autre par Pierre Granier-Deferre en 1975.
72Laborde Jean, « Le jury de la Marne n’a délibéré que 40 mn. Yvonne Chevallier acquittée », France-Soir, 7 novembre 1952, toute dernière spéciale, p. 7.
73Le Parisien libéré, 7 novembre 1952.
74Le 16 mars 1914, Henriette Caillaux, après une virulente campagne de presse menée par Gaston Calmette, qui publia des lettres de son couple avant son mariage, tua d’un coup de revolver ce dernier. Elle fut acquittée le 28 juillet 1914 alors que l’avocat général réclamait contre elle cinq ans de prison ferme.
75Laborde Jean, France-Soir, 6 novembre 1952, dernière édition.
76Ibid.
77Gonon Claire, Paris-presse – l’Intransigeant, 5 novembre 1952, p. 9. Claire Gonon était déjà une chroniqueuse judiciaire connue du Tout-Paris dans les années vingt. Cf. Détective, le grand hebdomadaire des faits divers, no 33, 13 juin 1929. Elle couvrit le procès Pétain pour La Nation
78Laborde Jean, France-Soir, 7 novembre 1952, dernière édition, p. 6.
79La République du Centre, 6 novembre 1952.
80Ibid.
81Ibid. avec la photographie du comédien, et France-Soir, 6 novembre 1952, dernière édition. La pièce Les compagnons de la Marjolaine de Pierre Achard, centrée sur un meurtre, était jouée au Théâtre Antoine depuis le début de ce mois d’octobre 1952.
82Laborde Jean, Amour que de crimes…, Paris, Gallimard, 1954, p. 7-13.
83Lefèvre Paul, Tueuses. Quand les femmes passent à l’acte, Paris, Éd. First-Gründ, 2012, p. 37-52.
84Loubier Jean-Marc et Cosseron Serge, Femmes criminelles, Paris, De Borée éditions, 1998, p. 266 sq. Où l’on y apprend qu’Yvonne a eu, en 1978, une fin digne des héroïnes de Guy des Cars, en Guyane, en soignant des malades de la lèpre !
85« Enquête sur l’affaire Yvonne Chevallier », La République du Centre, 30 décembre 2012. Souligné par nous.
86« Le destin brisé de Pierre Chevallier. Maire d’Orléans de 1944 à 1951 », La République du Centre, 16 août 2016, [http://www.larep.fr/paget/gf/gf_pierre_chevallier.html], page consultée le 20-12-2018.
87Bradlee Ben, A Good Life Newspapering and Other Adventures, Londres/Sydney, Simon & Schuster, 1995.
88Karnow Stanley, Paris in the Fifties, New York, 1997, traduit sous le titre Paris années 50, Paris, Exils éditeurs, 1999, p. 170-174.
89[http://truecrimecases.blogspot.fr/2012/08/crime-passionnel.html], page consultée le 20-12-2018.
90Voir Castagnez Noëlline, « La guerre franco-française au Parlement (1945-1953) ou comment refermer la parenthèse », Olivia Carpi (dir.), Guerres et paix civils de l’Antiquité à nos jours. Les sociétés face à elles-mêmes, Lille, Presses du Septentrion, 2018, p. 269-288.
Auteur
Professeur d’histoire contemporaine, université d’Orléans, Polen-Cepoc

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