L’expérience de l’exil de la noblesse lorraine au xviie siècle
Marginalité ou opportunité ?
p. 41-53
Texte intégral
1État frontalier, la Lorraine ducale1 est, malgré son indépendance, enclavée entre France et Empire. La situation géographique de ce pays d’entre-deux favorise depuis toujours les déplacements des nobles au-delà des frontières, ainsi que le service à l’étranger. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’un noble s’attache successivement à des souverains différents, tels que les Bassompierre qui, dès le xvie siècle, se partagent entre France, Empire et Lorraine. La conjoncture du xviie siècle, avec l’occupation française, l’exil des ducs et leur engagement dans la guerre de Trente Ans aux côtés des Impériaux, accroît encore la mobilité de la noblesse lorraine. En effet, face au changement soudain de souveraineté, un certain nombre de nobles décident de quitter le territoire, à la suite de leurs maîtres successifs, Charles IV (1624-1675) puis Charles V (1675-1690). Si l’exil ne s’est pas imposé comme un devoir pour tous les nobles, la majorité faisant le choix de rester et de s’accommoder à la nouvelle situation, ceux qui sont partis l’ont fait de leur plein gré, mus par le refus de se placer sous la tutelle française ou touchés de plein fouet par les malheurs de la guerre. Quelles que soient leurs motivations – il y a des profils migratoires plus qu’une physionomie d’ensemble –, les serviteurs du duc, issus pour la plupart des élites nobiliaires, se trouvent donc en situation de rupture avec leur patrie d’origine, et entrent dans une période de flottement identitaire, conséquence de l’éclatement des logiques sur lesquelles reposait leur supériorité au sein des duchés. Cette marginalisation est cependant rarement définitive, car si l’exil est vécu sur un mode négatif, il peut aussi devenir un espace de liberté où le noble trouve des possibilités d’accroître son nom, au prix, toutefois, d’un « remaniement identitaire2 ».
2Le flux migratoire des nobles lorrains s’étale des années 1630 jusqu’à la fin des années 1690. Aux documents officiels, peu diserts sur l’entourage des ducs en exil, il faut ajouter les sources narratives3 afin de repérer ceux qui ont quitté la Lorraine pour une période plus ou moins longue, voire définitivement. Ce sont plutôt des individus, rarement des familles, et, étant donné la durée des épreuves, plusieurs générations sont concernées par ce mouvement.
3La mise en lumière de l’arrière-plan historique du phénomène migratoire qui touche alors la Lorraine ducale, permet de montrer le glissement vers une forme de marginalisation des réfractaires à Louis XIII, stigmatisés par le terme de « refusants4 ». Une fois la frontière franchie, le noble, exclu du périmètre habituel de son pouvoir, est contraint de s’engager dans une quête de reconnaissance compensatoire, soit auprès de son maître, alors même que ce dernier a été dépouillé de ses prérogatives, soit auprès d’autres souverains, capables d’activer les mécanismes de la faveur. Tandis qu’une partie de ces exilés cherche à se reconstruire dans le pays d’accueil, d’autres considèrent toujours leur terre d’origine comme leur seule référence et la perspective unique pour la réalisation de leurs projets.
L’impératif de l’exil ou la mise en péril de l’identité nobiliaire
4Dans le contexte de la guerre de Trente Ans, Richelieu convoite la Lorraine pour des raisons stratégiques. La consolidation des frontières du royaume de France est d’autant plus urgente que le duc Charles IV a, non seulement pris ouvertement le parti de l’empereur Ferdinand II, mais il a accueilli sur son territoire des opposants à Louis XIII5. Devant l’urgence de l’entrée en guerre de la France dans le conflit européen, les tensions diplomatiques se transforment rapidement en opérations militaires : le 24 août 1633, Louis XIII est à Bar et le lendemain les troupes françaises achèvent le siège de Nancy, la capitale ducale. Outre l’occupation militaire du territoire, les hommes du roi instaurent un conseil souverain et imposent un serment d’obéissance aux représentants de la société lorraine6. Charles IV abandonne, quant à lui, son trône dès janvier 1634 et entame une vie de condottiere, comptant sur l’appui des Habsbourg pour organiser la reconquête militaire de son État. Ses serviteurs les plus fidèles ont refusé la nouvelle allégeance et ont choisi de fuir, soit pour suivre le duc et rester à ses côtés, de manière intermittente ou définitive, soit pour servir un autre souverain, temporairement ou plus durablement.
5Lorsque le duc retrouve ses duchés au lendemain du traité des Pyrénées7, rares sont ceux qui ne l’accompagnent pas dans ce retour. Après un répit de moins d’une petite décennie, Charles IV quitte à nouveau son territoire, à la suite de la deuxième occupation française, décidée cette fois par Louis XIV, en 1670, dans le cadre de la guerre de Hollande. Charles IV meurt sur le champ de bataille en 1675 et son héritier, Charles V, restera un prince sans territoire, n’ayant jamais pu fouler le sol de sa patrie durant son règne. Certains nobles ont à nouveau pris le chemin de l’exil en 1670 aux côtés de Charles IV, tandis que d’autres ont quitté les duchés à l’avènement de Charles V. À la mort de ce dernier, en 1690, les Lorrains doivent encore attendre sept ans avant de ressentir les bienfaits du traité de Ryswick qui instaure enfin la paix et restitue les duchés au duc Léopold, fils aîné et successeur de Charles V. Les tourments liés à la guerre et à l’occupation, ainsi que la vacance du trône, auront duré près d’un demi-siècle. Durant cette période, entre trente et quarante nobles ont connu l’expérience de l’exil d’une durée variable, de quelques mois à plusieurs années, voire définitivement.
6Cette longue parenthèse de l’histoire locale a provoqué la dispersion des élites nobiliaires, unies jusque-là dans un idéal de loyauté collective envers le duc. En effet, les liens entre la part la plus ancienne de la noblesse – l’ancienne chevalerie8 – et les ducs, sont particulièrement puissants en Lorraine : tissés patiemment depuis le Moyen Âge, ils se sont consolidés dans la lutte commune menée dès le xve siècle face aux menaces extérieures, ainsi que tout au long du processus de territorialisation du pouvoir ducal dans lequel la noblesse a été entraînée. Le service du prince est ainsi devenu le socle de l’honneur nobiliaire, autant pour l’ancienne chevalerie que pour la noblesse la plus récente. Le territoire a, quant à lui, joué un rôle déterminant, aussi bien pour la dynastie régnante dont le destin s’est confondu avec celui de l’État, que pour la construction de la conscience collective du second ordre. C’est précisément dans l’attachement à la terre natale et au patrimoine familial que les historiens reconnaissent le sens originel du mot patrie, or, les événements du xviie siècle provoquent, pour les « refusants », une rupture physique et le plus souvent brutale, avec le pays d’origine : avant même l’installation du conseil souverain à Nancy en septembre 1634, les Français prononcent la confiscation des terres et autres biens, de tous ceux qui s’aventureraient à rejoindre le duc en exil. Sur les quatre-vingts cas de confiscations de biens mentionnés par les registres du conseil souverain, un tiers environ concerne le second ordre9. La même menace pèse sur les récalcitrants au moment de la deuxième occupation française, car Louis XIV utilise lui aussi cette sanction pour forcer les nobles lorrains, le plus souvent en vain, à entrer dans ses armées. Les « refusants » sont donc privés de leurs terres et des droits qui y sont attachés, ce qui constitue une atteinte à la fois financière et symbolique à leur puissance seigneuriale. C’est la pauvreté qui est à l’origine d’un mouvement migratoire vers la capitale en 1636 dans lequel « se trouva plusieurs personnes de condition de tout sexe » couverts de « la honte de se voir déchus de leur premier état », attirés par l’assistance organisée par Vincent de Paul10.
7Dépossédés de leurs biens, ces nobles sont séparés de leur famille car les départs relèvent, la plupart du temps, d’un choix individuel. Dans une même maison, on peut servir des souverains différents, tel que l’illustre le couple emblématique d’Haraucourt, où le marquis a suivi le duc à la première heure, alors que son épouse, Madame de Saint-Baslemont, s’allie avec les Français, même s’il s’agit, pour cette dernière, de protéger avant tout sa seigneurie11. Dans certains cas, plusieurs membres d’un même lignage quittent les duchés, tels que les Le Bègue, Mercy ou Beauvau. Le plus souvent, les épouses restent et tentent de faire fléchir l’occupant en présentant des requêtes pour faire face à l’endettement et à la ruine des familles12.
8Dans tous les cas, les nobles lorrains sont, en outre, privés des bienfaits du prince car ce dernier n’est plus en mesure d’actionner le levier de la faveur. Avec la disparition d’un service princier effectif dans les duchés, et conçu comme central dans le maintien de l’honneur, le second ordre perd les récompenses recognitives de sa valeur dont il jouit depuis le Moyen Âge. Outre le fait qu’en Lorraine la noblesse est un véritable relais du pouvoir central, elle bénéficie d’une indépendance judiciaire à travers le tribunal des Assises, véritable cour des pairs, quasiment unique en Europe, en plein xviie siècle. L’institution disparaît de fait, en 1634, et enlève à l’ancienne chevalerie le principal marqueur de sa supériorité. Ainsi, prérogatives, distinctions et liens lignagers qui structurent le paysage nobiliaire en temps ordinaire, volent en éclat dans le chaos provoqué par l’irruption des Français. Non seulement biens et avantages sont menacés, mais la survie du lignage est mise en péril pour ceux qui se sont engagés sur le champ de bataille, soit parce qu’ils sont faits prisonniers tels que Henri de Livron en 1639, Anne-François de Bassompierre en 1641 ou encore le baron de Clinchamp en 1642, ou qu’ils trouvent la mort durant ces années funestes13.
9Par leur refus de reconnaître l’autorité du roi de France, les serviteurs du duc, contraints de quitter les duchés, sont soudainement marginalisés, en proie, de surcroît, aux représailles des Français. Leur identité se fragilise, d’autant que l’occupation se prolonge, réduisant les chances d’un retour du prince et obligeant les exilés à chercher des compensations, sur le champ de bataille ou dans d’autres cours.
La quête d’une reconnaissance compensatoire
10Bien que dépouillés de la souveraineté, les ducs exilés incarnent la survivance de l’État lorrain, et continuent, de ce fait, à légiférer et à récompenser les nobles à leurs côtés, en distribuant titres, lettres de noblesse ou de réhabilitation (Charles IV en a signées une quarantaine de 1642 à 1659, par exemple) et charges, que les destinataires espèrent faire valoir une fois le calme revenu (les lettres d’entérinement sont le plus souvent différées). Les nobles continuent à recevoir, de la même manière, de la part de Charles V, des charges de conseillers à la cour souveraine ou à la chambre des comptes, alors même que ces institutions n’existent plus depuis l’installation de l’administration française en 1671. Autant est-il difficile pour les nobles exilés de prétendre à un emploi aulique dans les cours éphémères que Charles IV tente de reconstituer dans les différentes villes où il séjourne14, autant lorsque son successeur, Charles V, reforme une petite cour, alors qu’il est nommé gouverneur d’Innsbruck en 1678, vingt nobles lorrains environ (soit 15 % de la maison ducale) sont nommés sur les rares et fragmentaires états de l’hôtel des années 1679-168315 ; certains appartiennent aux plus grandes familles, tel que le prince de Lixheim, nommé à la tête de l’hôtel, ou Louis de Beauvau, fils du mémorialiste Henri de Beauvau, ainsi que les Bassompierre ou les Ligniville. Ces mêmes individus servent à l’armée et reprennent leur service à la cour durant les quartiers d’hiver. Non seulement l’éphémère cour tyrolienne constitue un véritable creuset culturel où les exilés lorrains côtoient des Italiens, et surtout des Allemands et des Autrichiens qui entrent progressivement dans le sillage de la maison de Lorraine, mais elle représente aussi un lieu d’ancrage pour ces serviteurs expatriés. De ce fait, l’espace curial permet aux nobles de donner une visibilité à leur statut d’exilés, aux côtés de leur maître, en quête de légitimité. En plus de servir à la cour ou sur le champ de bataille, certains d’entre eux parcourent infatigablement les chemins d’Europe, pour faire entendre la cause de la maison de Lorraine auprès des souverains étrangers, espérant trouver des appuis pour la restitution des duchés. Ainsi, pour ceux-là, l’exil génère de nombreuses allées et venues qui, de surcroît, ne sont pas sans risque durant les périodes de guerre. Le comte de Couvonge, par exemple, fidèle serviteur, est emprisonné et ses biens sont confisqués16. Charles Parisot fait, lui aussi, partie de ces exilés qui cumulent et alternent les emplois de confiance : tantôt précepteur des enfants du duc, tantôt envoyé du duc, tantôt homme d’armes. Lorsque, dans sa correspondance, il évoque son départ d’Innsbruck pour l’Espagne, en septembre 1693, il relate une fin de voyage à dos de mule, après une poursuite par les pirates à la hauteur des îles d’Hyères, sans compter qu’il a été obligé de puiser dans sa propre cassette pour faire face aux dépenses d’apparat en Espagne17. Les récits de voyage fourmillent de péripéties qui confinent parfois au romanesque, mais qui ont, pour leurs auteurs, valeur d’édification. En exagérant les risques de la mission, ils rehaussent l’emploi exercé et valorisent ainsi leur propre témérité. Minoritaires autour du duc, ces nobles resserrent les liens entre eux et alimentent un petit faisceau de loyautés, comme en témoignent les échanges épistolaires entre les envoyés du duc. Les marques d’affection, à travers les expressions telles que « Je vous suis du fond du cœur » ou « je vous chéris et je vous honore », ou encore le terme « amy » ponctuent la correspondance échangée entre Parisot et l’ancien président de la cour souveraine, Claude-François Canon18. De même, le mot « patron », utilisé dans leurs lettres, rappelle que les auteurs jouent un rôle relatif dans les nominations et les promotions de leur entourage. Ainsi, lorsque Canon est sur le point de quitter sa fonction d’envoyé à La Haye, il suggère le nom de son ami Parisot « Lorrain de la bonne Lorraine et officier desjà de la Reyne et de Son Altesse Sérénissime et instruict beaucoup des affaires du Pays », précisant que celui-ci serait le meilleur pour prendre sa place19. Ainsi, à défaut de pouvoir compléter un cursus honorum avec une charge réellement investie, ces commissaires témoignent, à travers l’écrit, de leur dévouement sans limites au pouvoir central, durant l’exil.
11En dehors de la cour et des fonctions qui s’y rattachent, le champ de bataille offre une autre occasion au noble exilé de faire valoir son nom. En passant du côté des armées impériales, les ducs renouent avec la dimension guerrière de leur souveraineté et renvoient ainsi l’image de généraux exemplaires à leur noblesse, encore proche de cette élite d’épée « qui ne rêve que de chevauchées militaires et de croisades20 ». En devenant la terre d’un combat commun aux Habsbourg et à la maison de Lorraine pour la sauvegarde de la foi catholique, l’Empire a ouvert le service sur cet « au-delà peuplé de chimères héroïques21 » si propice aux honneurs. L’armée de Charles IV étant intermittente durant ses années d’errance, les nobles lorrains ont parfois servi la cause de leur maître sous le commandement de princes étrangers. Le transfert vers les régiments impériaux s’intensifie sous Charles V, d’autant que ce dernier a fondu son destin avec celui de l’empereur. De ce fait, la frontière entre le service du duc et le service de l’Empire tend à disparaître car les Lorrains affluent dans les armées impériales entre 1683 et 1688, à l’affût des emplois que le duc contrôle indirectement. Si les nobles lorrains sont reconnus pour leur valeur militaire, ils bénéficient aussi de distinctions liées à l’engagement de leur maître aux côtés des Impériaux, en particulier contre les Turcs22. Aussi, les grades militaires obtenus durant cette période de grande confusion sont-ils plutôt le fait de l’empereur que des ducs eux-mêmes. Florimont d’Allamont, passé au service de l’Autriche, est nommé generalfeldwachtmeister en 1674, tout comme Louis Bannerot en 1688, avant, pour ce dernier, d’atteindre le grade de Feld-maréchal-lieutenant en 1692, ainsi que Charles-Louis de Bassompierre, en 1694, pour ne citer que quelques exemples23. La fréquentation des cours allemandes, la recommandation de parents ou amis déjà insérés dans les réseaux indigènes, sont de première importance pour la progression lignagère et sociale. Charles-Nicolas de Mitry qui a fait carrière en tant que lieutenant-colonel des troupes impériales jusqu’à sa mort, en 1654, est le neveu de Nicolas Des Fours. Or, cette famille est installée en Bohême depuis la fin du xvie siècle où elle possède des biens et dont un de ses membres, Nicolas des Fours, vit à Vienne entre 1643 et 1646. Il en est de même des Huyn, des Montrichier, des Ligniville qui avaient déjà des parents dans l’Empire, avant le départ du duc en 1634. Dans le cas de la famille Le Bègue, François est le premier à se trouver auprès des ducs, avant d’être rejoint par son frère Joseph à partir de 1676. Même lorsque les membres d’une même famille ont pris des chemins contraires, la solidarité lignagère l’emporte : lorsque Philippe des Salles voit ses biens confisqués par Louis XIII pour avoir préféré l’empereur, son frère Claude, au service du roi de France, intervient en sa faveur24. Certains de ces nobles obtiennent par ailleurs des emplois à la cour autrichienne, tel que Jean-Henri du Hautoy qui, après la mort de Charles V en 1690, reste dans les armées impériales et devient chambellan de l’empereur. Il en va de même pour Ferdinand-Henri Montrichier, l’un des chambellans impériaux à Innsbruck. Le plus souvent honorifique, cette fonction domestique permet à ses détenteurs de figurer sur les états de l’hôtel, de jouir éventuellement de gages, et, surtout, de bénéficier d’un accès facilité au souverain. Parmi les Lorrains exilés, tous n’ont pas fait le choix de Vienne, à l’instar de Henri de Beauvau qui, après avoir participé aux campagnes de Charles IV, entre à la cour de Bavière, en 1668, en qualité de précepteur, tout comme quelques années plus tard, son beau-frère, Charles de Haraucourt, pourvu d’un emploi de colonel de cavalerie25. Des anoblis n’ont pas hésité à acheter un office au parlement de Metz, dans les années 1680, et à s’installer, au moins le temps du service, dans l’évêché26.
12Le contexte chaotique qui règne en Lorraine durant le xviie siècle explique la diversification des parcours au sein de la noblesse. D’une construction collective autour du projet politique princier, les nobles lorrains – ancienne chevalerie comme anoblis – ont glissé vers le sauve-qui-peut individuel, inventant, au gré d’opportunités démultipliées, de nouvelles trajectoires.
Rupture ou maintien : quelle stratégie ?
13Dans son analyse des mouvements de population vers Paris aux xixe et xxe siècles, Paul-André Rosental distingue deux types de migrations : il voit un acte de rupture chez le migrant à partir du moment où celui-ci prend ses distances par rapport à son pays d’origine, tandis que la stratégie de maintien désigne, selon lui, les efforts déployés pour conserver les liens avec son milieu d’origine27. Les résonances subjectives de l’exil sont difficiles à percevoir dans nos sources, aussi est-ce à partir des parcours individuels, et en nous inspirant de ce modèle d’analyse, que l’on peut avancer quelques hypothèses sur la manière dont les nobles lorrains se sont approprié l’expérience de l’exil. L’ancrage à l’étranger ne vaut finalement que pour quelques-uns, soit pour eux-mêmes, soit, le plus souvent, pour les descendants qui font le choix de poursuivre l’enracinement dans le pays d’accueil. Au retour du duc Léopold dans les duchés en 1698, seuls quelques nobles ne le suivent pas en Lorraine, sans compter que certaines familles, bien qu’au service de sa Maison, étaient déjà implantées dans le Saint-Empire au moment de la première occupation française, tels que les des Fours ou les Montrichier.
14Claude-Florimond, comte de Mercy, est l’un de ces nobles lorrains qui a passé la majeure partie de son existence au-delà de son pays d’origine. Né en 1666 en Lorraine, ce gentilhomme dont les ancêtres avaient déjà suivi le duc Charles IV lors de son premier départ, offre ses services à l’empereur Léopold Ier en 1682, alors que le prince lorrain est toujours en exil. Formé à l’école d’un des plus grands généraux du siècle, le prince Eugène de Savoie, il s’est signalé tant dans la levée du siège de Vienne en 1683 que durant la guerre de Succession d’Espagne, participation qui lui vaut successivement les titres de generalfeldwachtmeister, en 1704, et celui de feld-maréchal-lieutenant en 1706, titres dont la Clef du Cabinet des Princes se fait l’écho en mars 170928. C’est à partir de l’hiver 1718 qu’il se voit confier le gouvernement du Banat de Temesvar29. Si sa participation aux campagnes militaires l’éloigne à plusieurs reprises de sa nouvelle mission, il séjourne régulièrement dans la région, de 1720 à 1734, et contribue très largement à la remise en valeur d’un territoire dévasté par 164 années d’occupation ottomane. Son action concerne autant le domaine militaire, avec la rénovation des fortifications et la construction de casernes, que le renouvellement de l’agriculture, introduisant de nouvelles semences (seigle, avoine), encourageant l’élevage, ou encore l’industrie textile avec le développement de la sériciculture, tout comme la relance des mines de bronze, argent et fer. Mercy, dont le nom a été attribué à un village dans cette région, a largement contribué à faire entrer le Banat dans la modernité30. Élevé au rang de comte en septembre 1720, il obtient, en 1723, l’indigénat en Hongrie qui consacre son intégration dans le pays d’accueil. Pierre-Joseph de Vyard a, lui aussi, passé sa vie sur le champ de bataille, dans les troupes impériales, récompensé par le grade de feld-maréchal-lieutenant en 1716. Le titre de baron du Saint-Empire, octroyé par l’empereur en mars 1715, bien qu’honorifique, confirme la reconnaissance des Habsbourg à son égard et, surtout, marque son élévation au sein de la noblesse d’Empire. Célibataire, il meurt en 1718 en Transylvanie. Nicolas de Serainchamps est un autre noble exilé en 1636. Créé baron de Schönfeld, le 2 mars 1640, il fait carrière en Bohême où il devient un agent actif de la réforme catholique. Non seulement il obtient l’incolat le 5 décembre 1643, mais il acquiert quelques seigneuries et se marie en secondes noces avec Joosine van den Heede. François Hennequin, dont la famille est originaire de Champagne, choisit, de son côté, de s’installer en Haute-Marne à partir de 1678, après avoir suivi la famille ducale en exil, à compter de 1634, et après son retour en Lorraine en 166231. Dans ces quelques exemples, la terre de l’exil se confond avec « l’espace investi32 », c’est-à-dire le lieu dans lequel l’émigrant forme désormais ses projets, projets qui se matérialisent par l’investissement foncier, le service ou le mariage, les trois critères s’additionnant pour une intégration complète.
15Lorsque l’on regarde du côté des exilés qui sont revenus en Lorraine en 1698, certains ont passé suffisamment de temps au-delà des frontières pour avoir recherché un ancrage dans le pays d’accueil. Claude-François Canon qui a alterné épée et plume au service des ducs exilés, est parvenu, lui aussi, à se faire octroyer l’incolat en Bohême, ainsi qu’en Hongrie en 1687, avant d’acquérir, un an plus tard, des fiefs en Basse-Autriche. Les descendants reprennent bien souvent à leur compte cette stratégie d’enracinement : près de 50 % des enfants d’exilés poursuivent une carrière dans le pays d’accueil, même lorsque les parents prennent le chemin du retour. En revanche, environ 1 %, seulement des Lorrains exilés ont pris alliance à l’étranger, or, le mariage constitue le principal levier de l’intégration d’un individu dans son nouvel environnement. On peut s’étonner que Pierre-Joseph de Vyard, Étienne de Stainville ou Claude-Florimont de Mercy meurent dans le célibat, le premier à 63 ans, les suivants, respectivement à 67 ans et 71 ans, alors qu’ils ont passé une vie en exil. Ces trois exemples sont révélateurs de la difficulté pour les nobles de fonder une famille, dès lors qu’ils se partagent entre plusieurs souverainetés et privilégient le champ de bataille.
16Regagner son pays natal semble être l’objectif de la plupart des nobles lorrains, donnant ainsi raison à Antoine de Furetière, convaincu que « celui qui est en exil est toujours censé avoir l’esprit de retour33 ». Le 3 octobre 1698, le comte de Carlingford, envoyé à Nancy par le duc Léopold pour prendre possession des duchés, conseille à Charles Parisot de revenir en Lorraine : « Votre air natal […] vous remettra dans Vos premières forces34 », écrit-il, suggérant que la nostalgie et le mal-être sont inhérents à l’éloignement. Selon le marquis de Beauvau, on ne peut, d’ailleurs, que se « languir » ou « souffrir35 » en exil. Le mémorialiste rappelle que Charles IV se voit « contraint de permettre à la principale Noblesse, qui l’avoit suivi à ses dépens de retourner chez soi, parce qu’elle ne pouvoit plus s’entretenir sur le pavé de Cologne et qu’il faloit qu’elle allât donner ordre à ses affaires particulières, que l’absence et la ruine générale du Païs empiroient toujours36 ». En 1641, il encourage « les femmes de condition » à se réfugier à Metz37. De la même manière, Charles V a abrégé l’exil de ses serviteurs, les incitant à revenir sur leurs terres, dès lors que lui-même est réduit à « l’état d’un seigneur particulier38 », et, surtout, au lendemain de l’ordonnance de Louis XIV du 3 juillet 1673 menaçant les fugitifs de confisquer leurs biens39. La correspondance, ainsi que les retours effectués en Lorraine durant l’occupation française, sont la preuve même que les liens avec les duchés ne s’interrompent pas40. Malgré la distance, l’individu cherche à préserver la solidarité familiale, voire, dans certains cas, à tisser de nouveaux liens dans le pays d’origine, avec, parfois, un projet de mariage, à l’image de Marc-Antoine de Mahuet qui, l’année même (1678) où il obtient le titre de baron du Saint-Empire, rentre pour prendre alliance en Lorraine41. Par l’octroi de passeports, les autorités gardent un contrôle sur les « gens de qualité », tout en leur accordant un espace de liberté, indispensable pour maintenir et entretenir un lien avec le réseau local. Quel geste symbolique révélerait davantage la puissance de l’attachement à sa terre que celui de François-Ernest de Mercy, qui, dans son testament établi à Vienne en 1686, demande que son cœur soit, à sa mort, transféré en Lorraine, tandis que son corps devait être inhumé à Ingolstadt42 ?
17S’il reste difficile de mesurer la prégnance du pays d’origine chez les exilés, les retours, en 1698, sont à coup sûr révélateurs d’une stratégie de maintien. Lorsque le duc Léopold peut enfin recouvrer ses États, les nobles qui l’ont accompagné durant les épreuves, tentent de faire valoir leur expérience de l’exil pour solliciter ou susciter à nouveau sa grâce. En 1716, la chambre des comptes leur rend hommage : « Ce fut le prix de leur sang, de la perte de leurs biens, de l’exil, de la prison, de la torture, des supplices43. » La réhabilitation dans le second ordre, la régularisation d’une promotion laissée en suspens, la prise en compte d’une distinction octroyée par les Habsbourg, la distribution de titres et/ou de terres, expriment la libéralité réparatrice du duc envers ses serviteurs, et couronnent ainsi une réputation bâtie durant la période de l’exil. La cour, d’abord, à travers la renaissance des fonctions auliques44, mais aussi la réorganisation judiciaire et administrative des duchés, offrent à ces nobles des possibilités de reconversion. Les deux frères Le Bègue, François et Joseph, irréprochables serviteurs depuis le séjour de la cour à Innsbruck, ont été, l’un et l’autre, hissés aux plus hautes fonctions au retour de Léopold : le premier est nommé doyen de l’église primatiale de Nancy et le second cumule les fonctions de conseiller, d’envoyé et de garde des Sceaux (1711). Pour pouvoir s’extraire de la marginalité dans laquelle la situation de l’exil l’a précipité, se relever et se réapproprier un territoire dont il a été privé durant des années, le noble a besoin de la reconnaissance de son maître. De son côté, le duc doit recréer l’unité et faire revivre la loyauté collective, afin de mener à bien le projet de reconstruction des duchés. C’est bien sur ce pacte tacite que se nouent les relations entre les membres du second ordre et le nouveau duc, une fois le calme revenu. Dans tous les cas, le noble qui a survécu à l’épreuve, a trouvé dans l’exil une occasion de grandir son nom : non seulement il retrouve une place auprès du duc, bien souvent supérieure à celle qu’il détenait auparavant, mais il continue parfois à recevoir des titres de la part de souverains étrangers, à l’exemple de Joseph Le Bègue, élevé au titre de comte du Saint-Empire, en 1714, soit dix-sept ans après sa réinstallation dans les duchés45. D’autres poursuivent une carrière à l’étranger, tout en s’insérant dans l’armature administrative redessinée par le duc : Étienne de Stainville retrouve des fonctions en Lorraine, en tant que bailli des Vosges et capitaine d’une compagnie des gardes du corps, alors qu’il est toujours au service de l’empereur Léopold Ier : en 1703, il commande une armée en Hongrie, et, en 1708, il est nommé chambellan. Ainsi, le retour sur la terre d’origine n’interrompt pas, non plus, les liens tissés dans le pays d’accueil ; les nobles lorrains ont su profiter de l’essaimage des lignages lorrains en Europe pour se constituer de nouveaux réseaux, tels que les Mahuet qui ont su jouer des différentes fidélités pour se hisser jusqu’au cœur de l’État46. Si la stratégie de maintien semble l’emporter chez les nobles lorrains, ces deux exemples sont représentatifs de ces identités multiples qui se sont forgées durant les années passées en exil.
18L’exil des nobles lorrains, au xviie siècle, est d’abord un exil politique car il est consécutif à l’occupation française et au départ du prince. Réfugiés dans l’Empire, Charles IV, puis Charles V, ont délocalisé leur pouvoir, faisant de leur lieu de refuge le centre symbolique de la souveraineté lorraine. Les nobles les plus fidèles prennent à leur tour le chemin risqué de l’exil : alors que leur maître tente de minimiser l’image du vaincu par des exploits militaires accomplis aux côtés des Impériaux, eux, se lancent dans une quête compensatoire de bienfaits, afin de préserver l’honneur du lignage. Une minorité finit par s’installer au-delà des frontières, dans l’Empire, parfois en France, où ils parviennent à créer de nouveaux repères, au prix, toutefois, d’un remodelage de leur identité. Ceux qui ont fait le choix d’accompagner le nouveau duc en Lorraine, en 1698, brandissent l’expérience malheureuse de l’exil pour attirer la faveur de Léopold, avec succès. Cet épisode a tout particulièrement favorisé la promotion des nouveaux nobles qui ont trouvé, dans ces circonstances extrêmes, l’occasion de se démarquer dans le service, au même titre que l’ancienne chevalerie.
19La période chaotique que traverse la Lorraine durant la première moitié du xviie siècle a fait glisser la noblesse du centre vers la périphérie. Cependant, la déterritorialisation du pouvoir a démultiplié les opportunités, en termes de service et de trajectoire personnelle, opportunités qu’elle a su saisir pour se reconstruire, dans son « pays », ou dans une carrière transfrontalière adossée à un réseau désormais européen.
Notes de bas de page
1La Lorraine ducale comprend les duchés de Lorraine et de Bar.
2Honeth Axel, La Lutte pour la reconnaissance, Paris, Cerf, 2000 ; Tcholakova Albena, « Le remaniement identitaire entre reconnaissance et maintien de la cohérence biographique », in Sociologie, no 1, vol. 7, 2016, [http://journals.openedition.org/sociologie/2712], consulté le 12 novembre 2018.
3Beauvau Henri de, Mémoires pour servir à l’histoire de Charles IV, Cologne, Pierre Marteau, 1688 ; Journal de Forget, médecin de Charles IV (Bibliothèque municipale de Nancy [BmN], ms. 1673) ; Le Journal fidel De tout Ce qui s’est passé Dans L’armée impériale commandée par Charles V, duc de Lorraine en l’an 1683 (BmN, ms. 827 [350]).
4BnF, ms. Lorraine 495 : Registre des serments prêtés au roi de France.
5Charles IV accueille notamment Gaston d’Orléans et Madame de Chevreuse.
6BnF, ms. Lorraine 495, op. cit.
7Dans le prolongement de la paix des Pyrénées, le traité de Vincennes, signé le 28 février 1661 entre Louis XIV et le duc, rend les duchés à Charles IV.
8L’ancienne chevalerie compte les quatre familles les plus anciennes des duchés (du Châtelet, Haraucourt, Lenoncourt et Lignéville), auxquels sont venus se greffer les pairs fieffés, c’est-à-dire les gentilshommes étrangers ayant épousé une fille issue de ces maisons prestigieuses.
9Motta Anne, Noblesse et pouvoir princier dans la Lorraine ducale (1624-1737), Paris, Garnier, 2015, p. 201.
10Abélly Louis, La Vie du vénérable serviteur de Dieu, Vincent de Paul, Paris, 1664, livre 1, p. 167.
11Cuénin Micheline, La Dernière des Amazones, Madame de Saint-Baslemont, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1992.
12Motta Anne, op. cit., p. 221.
13Cf. Laperche-Fournel Marie-José, L’Intendance de Lorraine et Barrois à la fin du xviie siècle, éd. critique du mémoire « pour l’instruction du duc de Bourgogne », Paris, Comité des Travaux historiques et scientifiques, 2006, p. 241-264. D’après l’intendant J. B. Desmarets de Vaubourg, l’ancienne chevalerie a perdu environ la moitié de ses effectifs. Il totalise 35 lignages en 1695.
14Parmi les villes où Charles IV a séjourné : Ulm, Worms, Cologne, Bruxelles, Besançon.
15ADMM, 3 F 228, fo 112-117.
16Calmet Augustin (Dom), Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, Nancy, A. Leseure, 2e édition augmentée, t. VI, p. 796.
17ADMM, 3 F 410 : correspondance entre Claude-François Canon et Charles Parisot. Le premier évoque, lui aussi, des problèmes d’argent pendant son séjour à La Haye, précisant : « toujours pour le service » (ADMM, 3 F 420, 6 juillet 1697).
18ADMM, 3 F 420.
19ADMM, 3 F 420 : lettre du 27 mai 1697.
20Constant Jean-Marie, La Folle liberté des Baroques (1600-1661), Paris, Perrin, 2007, p. 283.
21Citée dans Chaline Olivier, Le règne de Louis XIV, Paris, Flammarion, 2005, p. 646.
22Gaber Stéphane, Et Charles V arrêta la marche contre les Turcs… Un Lorrain sauveur de l’Occident chrétien, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1986. Charles V s’est notamment illustré dans la levée du siège de Vienne en 1683.
23Pour plus de détails sur les parcours des nobles qui ont fait carrière dans l’Empire, mentionnés dans cet article, voir l’indispensable dictionnaire élaboré par Petiot Alain, Les Lorrains et les Habsbourg, Aix-en-Provence, Mémoire et Documents, 2014, 2 vol.
24Histoire de la Maison des Salles originaire de Béarn depuis son établissement en Lorraine jusqu’à présent. Avec les preuves de la Généalogie de cette Maison, Nancy, J. B. Cusson, 1716.
25Beauvau Henri de, op. cit., p. 315 et 372.
26Boutet Benoît, Messieurs du parlement de Metz au xviiie siècle Étude sociale, thèse sous la direction de Jean-François Solnon, université de Besançon, 2010, 2 vol. dactyl.
27Rosental Paul-André, « Maintien/rupture : un nouveau couple pour l’analyse des migrations », Annales, 1990, 45-6, p. 1403-1431.
28La Clef du cabinet du Cabinet des Princes de l’Europe, 1709, p. 329.
29Timisoara, dans l’actuelle Roumanie.
30Mercydorf. Klugesherz Lorenz et al., Mercydorf, die Geschichte einer deutschen Gemeinde im Banat, Seelbach, Heimatortsgemeinschaft, 1987.
31Calmet Augustin, Histoire de la Lorraine contenant La Bibliothèque lorraine, Nancy, 1751, tome IV, p. 483. ADMM, B 113, fo 60 et 95 ; B 114, fo 10-10 vo.
32Rosental Paul-André, op. cit., p. 1407.
33Furetière Antoine, Dictionnaire universel, La Haye, A. et R. Leers, 1701, tome 2, article « Exil ».
34ADMM, 3 F 411, fo 159.
35Beauvau Henri de, op. cit., p. 124 et p. 342.
36Ibid., p. 241-263.
37MAE, CP Lorraine, vol. 31, fo 5 ; 20-21 et 32.
38Calmet Augustin, op. cit., t. VI, p. 826.
39Service Historique de l’Armée de Terre (SHAT), A1 461, fo 103.
40La correspondance de Cl. François Canon évoque ses voyages en Lorraine entre 1687 et 1690 (ADMM, 3 F 129).
41Lipp Charles T., Noble strategies in an Early Modern Small State. The Mahuet of Lorraine, University of Rochester Press, 2011, p. 85.
42Petiot, op. cit., t. 2, p. 423.
43BmN, ms. 189 (106), p. 56.
44Entre 20 et 30 % des charges de la maison civile sont alors occupées par la noblesse.
45ADMM, B 139, fo 151 vo 153.
46Lipp Charles T., op. cit.
Auteur
Université de Lorraine – CRULH

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