La mort de Hannibal de Schönberg, comte de Nanteuil, à Prague en 1604
p. 17-27
Texte intégral
1Tandis qu’à la cour de Rodolphe II à Prague, les courtisans de diverses confessions religieuses affluaient des pays d’Europe, les nobles de France ou de régions francophones de Lorraine et des Pays-Bas ne venaient encore qu’exceptionnellement dans la capitale du royaume de Bohême1. La raison majeure en était la tension entre le roi de France et les chefs des deux branches de la Maison d’Autriche2. Cependant, dès que la paix fut signée en 1598 à Vervins avec Philippe II, Henri IV fit mine de manifester également de l’intérêt à une reprise des relations avec Rodolphe II3. Au milieu de l’année 1600, il envoya à Prague une ambassade dirigée par Urbain de Laval Boisdauphin dont la tâche consistait à informer l’empereur que Henri IV avait épousé Marie de Médicis, à propos de laquelle il se disait depuis longtemps, dans les cours des souverains européennes, qu’elle pourrait convoler en justes noces avec Rodolphe II. Quoi qu’il en soit, les missions diplomatiques de cet émissaire étaient plus étendues4.
2Avant son voyage à Prague, le Maréchal de France Urbain de Laval Boisdauphin rendit visite au puissant prince-électeur Wolfgang von Dalberg, ainsi qu’à Lothar von Metternich, prince-électeur de Trèves et à Maximilien von Wittelsbach, duc de Bavière5. L’état de santé de Rodolphe II s’aggravant, il les consulta au sujet de l’élection possible de Henri IV à la dignité d’Empereur du Saint-Empire6. Ces entretiens avec Urbain de Laval Boisdauphin furent ébruités et avivèrent à Prague, Madrid et Rome les tensions politiques avec la France. Mais Henri IV avait besoin, pour asseoir ses intérêts en Europe centrale, d’obtenir la confiance du Pape et des chefs des deux branches de la dynastie des Habsbourg. À cette fin, il n’exclut pas de faire entrer la France dans les ligues préparées contre la Turquie, dont la création avait depuis longtemps été encouragée par le Saint-Siège qui voulait accélérer la défaite des Turcs dans la guerre de Quinze Ans, alors en cours. Le déroulement des audiences pragoises révèle que Henri IV exigeait de ses diplomates qu’ils acquièrent une connaissance précise de la disposition des forces militaires en Hongrie et de leur financement, afin d’être en mesure de décider si la France allait ou non rejoindre la Ligue contre les Turcs. C’était en cela que résidait la raison principale de leurs voyages à la cour impériale à Prague7.
3Urbain de Laval Boisdauphin et les autres membres de l’ambassade envoyée par le roi de France se firent, pendant leur séjour dans la capitale du royaume de Bohême, les observateurs attentifs de la société nobiliaire et bourgeoise. Cependant, ne comprenant ni la langue ni les habitudes culturelles, ils eurent recours aux services d’un traducteur, Guillaume Ancel, agent de Henri IV à la cour impériale8. À Prague, ils fréquentèrent de manière bien visible Hans Reichard von Schönberg9. Ce guerrier qui avait gagné son expérience sur les champs de bataille français puis hongrois, membre du Conseil aulique de la Guerre et capitaine des archers au service de Rodolphe II, appartenait à la branche rhénane des Schönberg, une famille noble d’origine saxonne10. Les diplomates de Henri IV appréciaient sa parfaite maîtrise du français et, plus encore, sa connaissance précise des opérations de la guerre en cours en Hongrie, où, une fois signée la paix avec l’Espagne, commencèrent à venir prendre du service dans les armées habsbourgeoises des soldats de métier et des officiers bien nés de France et des régions francophones de Lorraine et des Pays-Bas11.
4Tandis qu’Urbain de Laval Boisdauphin séjournait à Prague, un grand aristocrate, Henri II de Rohan, ramena de Vienne à la capitale du Royaume de Bohême des nouvelles au sujet d’actes de trahison des hommes de guerre français et wallons. Ceux-ci, lors de la conquête de la place forte hongroise de Pápa, la livrèrent à l’ennemi turc, car ils n’avaient pas reçu le paiement de leurs arriérés de soldes12. De telles nouvelles des champs de bataille hongrois ne manquèrent pas de réveiller la vigilance des strates supérieures de la société pragoise à l’égard des diplomates français. C’est donc après avoir essuyé un échec que la délégation rentra à Paris, au terme de deux mois de séjour dans la capitale du Royaume de Bohême13. Car malgré les trois audiences que Rodolphe II accorda aux diplomates français, il n’obtint pas de réponse claire sur le soutien de Henri IV pour l’entrée de la France dans les ligues prévues contre les Turcs. La normalisation des relations diplomatiques mutuelles se trouvait, en outre, menacée par les prétentions du roi de France au trône impérial14.
5En retour, Rodolphe II envoya au début de l’année 1602 à Paris une ambassade conduite par Hans Reichard von Schönberg, celui-là même qui avait négocié avec Urbain de Laval Boisdauphin, dix-huit mois plus tôt à Prague. L’ambassadeur impérial devait transmettre les félicitations de l’empereur au roi de France pour la naissance de son fils Louis. Cependant son voyage diplomatique était avant tout guidé par des objectifs politiques et une mission que l’empereur lui avait confiée. Ainsi il exhorta le roi de France à ne pas différer son entrée dans la ligue contre les Turcs. Mais Henri IV, tout en retardant toujours sa décision, céda aux instances de Schönberg sous la pression du Saint-Siège et promit au nonce apostolique à Paris, Innocenzo del Bufalo, qu’en 1603 et 1604, un nombre plus important de soldats et d’officiers français rejoindraient les opérations en Hongrie afin de contribuer à stopper une puissante offensive turque15. En raison du caractère lacunaire des sources conservées, le destin des nobles français dans la guerre de Quinze Ans est resté jusqu’à présent à l’écart des préoccupations des historiens16.
6Au printemps 1603, Hannibal de Schönberg, comte de Nanteuil, âgé de 24 ans, quitta la France et prit le chemin pour la Hongrie à la tête d’un régiment de cavalerie, rejoignant dans la lutte contre les Turcs le colonel François de Bassompierre dans l’armée impériale commandée par Hermann Christoph Rußworm17. Ce guerrier français était le fils cadet du noble saxon Kaspar von Schönberg, de la branche de Meissen de cette famille passée au luthéranisme, et de son épouse française Jeanne de Chastaigner. Au début des années 1560, le père d’Hannibal était entré, avec l’accord de l’électeur de Saxe Auguste, au service militaire du roi de France depuis les champs de bataille de Hongrie. Une fois en France, il se convertit au catholicisme et, dans la décennie 1570, prit part aux combats contre les huguenots et fut plusieurs fois à la tête des délégations envoyées par les rois de France à la rencontre de princes du Saint-Empire. En 1578, pour le récompenser, Henri III lui donna des terres près de Nanteuil-le-Haudouin au nord-est de Paris et le fit comte de Nanteuil et, huit ans plus tard, le nomma maréchal18. Son fils Hannibal était nommé dans les milieux tchèques par diverses déformations de son nom issu de l’appellation française de Schomberg19.
7Quand à l’automne 1603, après une campagne infructueuse, le général en chef Hermann Christoph Rußworm replia l’armée impériale de Székesfehérvár (anciennement Alba Regia), François de Bassompierre se dirigea vers Prague et y attendit que l’empereur lui permette d’engager des troupes et de retourner au printemps 1604 combattre en Hongrie20. Comme les autres soldats venus de divers pays d’Europe, il tua le temps dans les auberges, dans les jeux de hasard et en faisant la cour aux dames de la noblesse et de la bourgeoisie dans les palais et les jardins21. Dans les premiers mois de 1604, la présence d’un très grand nombre de mercenaires attendant les revues de leurs régiments et la campagne consécutive en Hongrie fit grandir l’insécurité à Prague comme dans d’autres villes du royaume de Bohême. Les membres de la diète du royaume de Bohême allèrent même jusqu’à approuver quelques mesures sécuritaires exceptionnelles visant à limiter les vols de denrées, interdire la consommation excessive d’alcool, les jeux de hasard, les divertissements bruyants dans les rues et les bagarres entre mercenaires22.
8C’est au plus tard en février 1604 que se joignirent à ces réjouissances, dans la capitale du royaume de Bohême, François de Bassompierre, Hermann Christoph Rußworm ainsi que Hannibal de Schönberg, comte de Nanteuil, qui sortirent ensemble, le visage masqué, sur la place de la Vieille-Ville. Bien que les intendants de la ville leur enjoignissent à plusieurs reprises de retirer leurs masques, de descendre de cheval et de partir dans le calme, François de Bassompierre répondit en français qu’il ignorait ce qu’ils leur ordonnaient puisqu’il n’entendait pas le slave. La bruyante sortie de ces hommes de guerre masqués se termina dès lors dans une bataille sanglante avec les forces de l’ordre de la ville qui, selon les consignes impériales, devaient veiller à la sécurité dans les rues de Prague23.
9Le sentiment d’inquiétude résultant du désordre ambiant s’accrut encore lorsqu’on apprit le meurtre d’Hannibal de Schönberg, comte de Nanteuil, survenu au soir du 23 juillet 1604 dans un palais sis au coin de la place du quartier de Malá Strana à Prague, celui d’Adam Havel Popel de Lobkovic, un noble de Bohême24. Trois jours plus tard, à cause des nouvelles diffusées par les Fugger, l’Europe apprit avec sensation cet événement : le plus jeune fils d’un maréchal français de renom avait été tué à Prague en se rendant dans le palais d’Adam Havel Popel de Lobkovic à un rendez-vous secret avec la femme de celui-ci, Marguerite Lobkovic de Mollart, dont il s’était épris pendant son bref séjour. Le noble français avait succombé sous des dizaines de coups de couteau à la tête, à la gorge et à la poitrine25.
10Adam Havel Popel de Lobkovic avait fréquenté dans sa jeunesse les courtisans de Ferdinand de Tyrol à Innsbruck26. Il rejoignit la cour de Rodolphe II grâce à son mariage à Vienne en 1588 avec une jeune femme issue d’une famille ancienne de Savoie au service des Habsbourg, Marguerite de Mollart. Celle-ci n’était autre que la fille de Pierre de Mollart, grand-officier de l’impératrice Marie, et son frère, Ernst de Mollart, était un homme de confiance de Rodolphe II qui l’avait intégré dans ses services secrets à la cour Impériale27. Bien que ce soient les missions militaires et diplomatiques de Rodolphe II qu’Adam Havel Popel de Lobkovic avait rejointes au début des années quatre-vingt-dix du xvie siècle, il se retrouva dix ans plus tard parmi les chambellans du plus jeune frère de l’empereur, Matthias. Ce militaire, courtisan des Habsbourg, affectionnait la joyeuse compagnie des personnes bien-nées ; il était toutefois impulsif et au caractère explosif, gérant le moindre conflit rapière à la main, les duels se terminant alors généralement par de sanglantes blessures pour les deux adversaires. Son épouse se distinguait par un maquillage prononcé du visage, raison pour laquelle, dans les correspondances en espagnol des Lovkowic, elle était surnommée Afteitada, soit la très maquillée28. Bien qu’elle soit mariée, elle ne se trouvait pas en manque de compliments au sujet de sa beauté et de ses connaissances en langues de la part des visiteurs aristocrates de la Prague de Rodolphe.
11Le meurtre avait eu lieu au moment où, non loin de Chrudim, en Bohême orientale, se déroulait la revue des mercenaires engagés par le commandant en chef de l’armée impériale, Hermann Christoph Rußworm, afin de combattre les Turcs qui s’étaient emparés d’une série de places fortes en Haute-Hongrie29. Les jours suivants, Hannibal de Schönberg devait se rendre à Chrudim pour la revue de son propre régiment de cavalerie que Rodolphe II lui avait permis de lever, probablement après l’intercession de Hans Reichard de Schönberg et Hermann Christophe Rußworm. Ces deux hommes de guerre se rendaient régulièrement et de façon voyante à la place de Hradchin au palais de Christoph Popel le jeune de Lobkowic, grand maître de la cour du royaume de Bohême, un fidèle de Rodolphe II30. Il tenait chez lui des réunions politiques, auxquelles participaient les plus hauts officiers du pays, des courtisans, des artistes et des diplomates étrangers. L’hôte informait ensuite l’Empereur du contenu de ces rencontres. Comme les ambassadeurs étrangers purent s’en apercevoir, Hans Reichard de Schönberg, selon les besoins, déclarait publiquement sa proximité avec les rameaux de sa branche, en France, qui ne cachaient pas leurs contacts avec Henri IV31. Ensuite, cette unité allait se joindre aux troupes mercenaires de Rußworm et faire route avec elles jusqu’en Haute-Hongrie32.
12Hermann Christoph Rußworm, qui apprit de la bouche d’un serviteur des Schönberg, Henri Dijon, l’assassinat du guerrier français, signala cet événement tragique à Friedrich de Fürstenberg. Le grand maître de la cour Impériale envoya sur-le-champ un médecin au palais d’Adam Havel Popel pour qu’il examine le cadavre, ainsi que le peintre Gallus Grafer, afin que soit conservée sur le papier l’image du comte français après sa mort. Plus tard, sur une commande de Rodolphe II, Hans von Aachen peignit d’après ces croquis le portrait, malheureusement non conservé, de Hannibal de Schönberg33.
13L’enquête sur la mort du comte de Nanteuil démarra à la requête de son secrétaire, Sébastien Bregart, que Rußworm envoya de Chrudim à Prague. Lorsqu’il fit route le 27 juillet 1604 vers la capitale du royaume, le corps de l’officier français avait déjà été enterré. Le secrétaire de Schönberg demanda qu’une enquête soit autorisée par le grand maître de la cour du royaume de Bohême, Christoph Popel le jeune de Lobkovic, qui lui répondit le 3 août que le meurtre serait jugé selon le droit en vigueur en Bohême. Il adressa également une lettre de la même teneur à son jeune cousin Adam Havel Popel de Lobkovic qu’il alla voir en son palais pour le conseiller dans l’organisation de sa défense34.
14Dès que Sébastien Bregart eut connaissance de la réponse du grand maître de la cour, il partit sans attendre de Prague à Paris afin de donner au roi Henri IV son propre témoignage sur la mort du comte de Nanteuil. Le 25 août, le roi écrivit de Fontainebleau une lettre à Rodolphe II par laquelle il l’enjoignait fermement d’élucider le meurtre du comte35. C’est son agent à la cour impériale, Nicolas de Baugy, qui devait transmettre à Henri IV les nouvelles sur le cours de l’enquête36. Un mois plus tard, il envoya à Prague un envoyé extraordinaire, Johann Ulrich Sittinger de Kolenstein, qu’il chargea de préparer la mise en accusation d’Adam Havel Popel de Lobkovic pour le meurtre de Hannibal de Schönberg. Quoique l’empereur ne satisfît jamais les demandes d’audience répétées de Johann Ulrich Sittinger de Kolenstein, ce dernier rassembla suffisamment de documentation pour pouvoir, le 20 octobre 1604, rédiger contre Adam Havel Popel de Lobkovic l’accusation d’assassinat prémédité du jeune guerrier français37.
15Le noble accusé s’imagina dans un premier temps que l’enquête s’arrêterait rapidement grâce à la forte solidarité familiale des Lobkovic et à leur exceptionnelle influence politique dans les grands offices du royaume de Bohême38. Mais ses espoirs ne tardèrent pas à être déçus. Malgré les liens du sang, son cousin, Christoph Popel le jeune de Lobkovic, lui exprima le refus catégorique de la famille, écrivant dans son journal, le 25 décembre 1604, « je ne suis pas autorisé à conseiller contre l’empereur39 ». C’est que les Lobkovic gardaient le souvenir de leur défaite contre Rodolphe II, lorsque dix années auparavant ils avaient pris contre lui le parti des frères de Lobkovic, Jiří l’ancien et Ladislav l’ancien40.
16Faute de pouvoir bénéficier de l’assistance immédiate de sa famille, Adam Havel Popel de Lobkovic eut recours à deux stratégies de défense afin de justifier son acte. Lorsqu’il reçut la convocation au tribunal du pays, établie le 22 décembre 1604, il évoqua la première avec Christoph Popel de Lobkovic41. Il expliqua au grand maître de la cour du royaume de Bohême qu’il avait dû protéger, appuyé par plusieurs serviteurs armés, son siège de Malá Strana face à l’intrusion d’un inconnu, car il craignait le comportement violent de ce dernier. Bien qu’il exprimât sa compassion sincère envers Hannibal de Schönberg, il fut contraint d’utiliser contre lui une arme par légitime défense et par crainte pour ses biens. Christophe Popel le jeune de Lobkovic inscrivit dans son journal les termes exacts de la confession de son cousin : « il voulait que Šemberk vive, […] puisque qu’il ne l’avait pas mandé, pourquoi se rendit-il chez lui […]42 ». Il propagea oralement ces explications auprès des autres membres de sa parenté Lobkovic qui se rendaient régulièrement à son palais de la place Hradchin43.
17Adam Havel Popel de Lobkovic voulait, en présentant ses arguments, démontrer son innocence. Dans le comportement précipité de l’accusé transparaissait un sentiment d’insécurité à domicile qui accompagnait à cette époque la vie de tous les jours dans la Prague de Rodolphe. Par ailleurs, Adam Havel avait participé, en février 1604, à la séance de la diète du royaume de Bohème, où il avait exprimé, lors du vote final, son accord avec l’établissement de mesures exceptionnelles pour le rétablissement de l’ordre et de la sécurité sur le territoire44.
18Sa seconde stratégie de défense se rapportait à la prétendue infidélité de son épouse, Marguerite Lobkovic de Mollart, de qui il exigea un témoignage selon lequel Hannibal de Schönberg aurait usé de la violence pour parvenir à ses fins. L’intention coupable étant claire, celui-ci était donc convaincu de viol, ce qui le condamnait, selon les coutumes du royaume, à l’infamie et à la peine de mort45. La nouvelle de cette stratégie de l’accusé aristocrate se diffusa rapidement de Prague à l’étranger, néanmoins les autres Lobkovic n’en prirent pas connaissance.
19Bien qu’Adam Havel Popel de Lobkovic fût appelé à comparaître devant le tribunal du pays le 28 février 1605, ses interrogatoires n’étaient pas terminés46. L’accusé restait convaincu de son innocence et, entre ses interrogatoires largement espacés, il comblait le temps dans les palais de Prague par la consommation d’alcool et les jeux de hasard avec les nobles et les hommes de guerre revenus du champ de bataille hongrois47. Henri IV critiqua la manière dont l’enquête fut conduite et fit savoir à Rodolphe II que depuis la mort de Hannibal de Schönberg, en France, les parents du défunt persistaient à vouloir la mise en accusation et le châtiment du coupable48. Le roi de France, dans sa lettre à l’empereur, fit explicitement mention de la requête de Henri de Schönberg, comte de Nanteuil, frère aîné de la victime. Celui-ci, dans sa jeunesse, avait acquis en Hongrie son expérience militaire auprès des chefs militaires impériaux. Ensuite, il était revenu en France où il servit Henri IV puis Louis XIII dans la diplomatie et à la guerre. À la même époque, son fils aîné, Henri, obtint pour ses services militaires la dignité de maréchal, tout comme Gaspard de Schönberg.
20Puisque manquaient toujours les témoignages déterminants des serviteurs du palais d’Adam Havel de Lobkovic, qui avaient assisté aux derniers instants du comte de Nanteuil, l’audience du tribunal prévue pour le 28 février 1605 fut reportée de quatre mois. Mais la procédure ne reprit jamais. En effet, l’après-midi du 16 mai 1605, Adam Havel de Lobkovic mourut de manière inattendue dans son palais49. La cause de son décès à 48 ans demeura officiellement inconnue. Cependant, selon certains témoignages moralisateurs de l’époque, ne supportant plus depuis longtemps la vie désordonnée de sa femme et le meurtre de Hannibal de Schönberg qui avait fait irruption sans prévenir dans son palais, il aurait volontairement absorbé une boisson empoisonnée50. Les sources connues à l’heure actuelle n’écartent pas la possibilité qu’Adam Havel Popel de Lobkovic ait ignoré purement et simplement que la boisson qu’il ingurgitait fût empoisonnée51.
21Les auteurs de témoignages moralisateurs sur le décès d’Adam Popel de Lobkovic virent dans le comportement malséant de Marguerite Lobkovic de Mollart la cause principale de l’agression brutale de son mari trompé contre l’intrus français venu dans son palais courtiser son épouse52. Leur perception des événements concordait avec la stratégie de défense d’Adam Havel Popel de Lobkovic, selon laquelle un mari trompé disposait du droit à éliminer un coureur de jupons, s’il était prouvé que celui-ci avait abusé de la femme du plaignant par la violence. Ces témoignages n’ont jamais trouvé d’autres motifs à ce meurtre qu’Adam Havel Popel de Lobkovic n’aurait pu supporter, dix mois encore après la disparition tragique du Comte de Nanteuil. Dès que Rodolphe II eut connaissance de la mort de l’accusé, il fit savoir à Henri IV à Paris que toute poursuite de l’enquête serait désormais inutile, car il ne serait plus en mesure de satisfaire les demandes des proches du noble français qui tenaient à connaître le nom du responsable et le détail de son châtiment53.
22Vingt ans après la mort, restée non élucidée, d’Adam Havel Popel de Lobkovic, le grand chancelier du royaume Zdenĕk Vojtĕch Popel de Lobkovic se préoccupa des conditions de vie de la veuve toujours en vie. Il ne pouvait la condamner puisque sa liaison de juillet 1604 avec le comte de Nanteuil n’avait pu être établie. La conduite de ce neveu de la branche de Vysoký Chlumec envers la veuve, Marguerite Lobkovic de Mollart, était conforme à la forte tradition familiale poussant les multiples branches à se secourir mutuellement et à se protéger, qu’on soit du même sang ou non, homme ou femme. Comme il l’explique dans ses mémoires, Zdeňek Vojtěch Popel de Lobkovic ne voyait pas la cause principale du meurtre de Hannibal de Schönberg dans l’acte de vengeance d’un époux trompé lors d’un rendez-vous galant de son épouse. Ainsi il conseilla Marguerite Lobkovic de Mollart, à la fin de l’année 1625, pour son deuxième mariage. La veuve d’Adam Havel Popel de Lobkovic épousa à soixante-cinq ans le gouverneur de Basse-Autriche, Sigfried Christoph Breuner, union dans laquelle elle vécut les six dernières années de sa vie54. Le mobile de légitime défense face à une agression violente demeura, les vingt années qui suivirent le décès du comte français, dans la mémoire des Lobkovic. Adam Havel de Lobkovic n’avait fait que défendre son palais contre un intrus étranger au moment où régnait une forte insécurité dans les rues de Prague lorsqu’y affluaient en nombre croissant de mercenaires attendant que reprenne la guerre des Habsbourg contre les Turcs en Haute-Hongrie. Cette explication provenait de la stratégie de défense de l’accusé, dont le cousin, Christoph Popel de Lobkovic le jeune, avait pris note dans son journal pour en conserver la mémoire dans la famille55.
23Hannibal de Schönberg, comte de Nanteuil, ne fut pas le seul noble d’origine française ou francophone (lorraine ou wallonne), que François de Bassompierre emmena en février 1604 à Prague où il leva des troupes et des officiers pour la guerre contre les Turcs en Haute-Hongrie. Dans son régiment de cavalerie, des places d’officiers subalternes furent, par exemple, occupées par Charles de Comminges de Guitaut et Pierre Antoine de La Motte, parent de ce Charles de La Motte qui combattit seize ans plus tard lors de la bataille de la Montagne Blanche contre l’armée des États non catholiques56. Au cours de la guerre de Quinze Ans, François de Courier et Nicolas des Fours vinrent également acquérir de l’expérience auprès des officiers de l’armée impériale luttant contre les Turcs en Hongrie57. Enfin, lors de la guerre de Bohême, Charles Bonaventure de Longueval, comte de Buquoy fut un des commandants de l’armée des Habsbourg58.
24Quelques officiers nobles, français ou francophones, établirent alors les fondements de leurs futures seigneuries en Bohême. Ils reçurent des propriétés foncières confisquées à des nobles non catholiques en compensation des soldes que ne leur avait pas versées la Chambre de la Cour, et ce le plus souvent après la défaite de la révolte des états. Fait exception Charles Bonaventure de Longueval, comte de Buquoy, qui devint propriétaire de seigneuries en Bohême dès février 162059. Lorsque ces guerriers nobles firent les démarches en vue de l’inscription de leurs biens sur les Tables du Royaume, le souverain leur accorda en général l’incolat en récompense de leurs services militaires. Les destins des nobles qui arrivèrent, après 1600, de France ou des régions francophones de Lorraine et des Pays-Bas dans le Royaume de Bohême pour rejoindre les armées habsbourgeoises dans la lutte contre les Turcs au cours de la guerre de Quinze Ans sur les champs de bataille hongrois puis contre les armées non catholiques lors de la révolte de Bohême, restent encore peu connus. Leur étude représente dès lors une perspective intéressante pour les recherches conjointes des historiens tchèques et français de l’époque moderne.
Notes de bas de page
1Hausenblasová Jaroslava (éd.), Der Hof Kaiser Rudolfs II. Eine Edition der Hofstaatsverzeichnisse 1576-1612, Praha, 2002 (= Fontes historiae artium 9), p. 111-114.
2Kristen Zdeněk (éd.), Epistulae et acta nuntiorum apostolicorum apud imperatorem 1592-1628 Tomus III : Epistulae et acta Johannis Stephani Ferrerii 1604-1607, volumen I/1, Praha, 1944, p. 313-320, en particulier la communication de Stéphane Ferreri au pape Clément VIII, Prague, 26-07-1604.
3Kybal Vlastimil, Jindřich IV. a Evropa v létech 1609 a 1610, Praha, 1909, p. 24.
4Fučíková Eliška (éd.), Tři francouzští kavalíři v rudolfínské Praze. Pierre Bergeron, Jacques Esprinchard, François de Bassompierre, Praha, 1989, p. 38-41.
5Dans une perspective internationale plus large, voir surtout Jan Paul Niederkorn, Die europäischen Mächte und der » Lange Türkenkrieg « Kaiser Rudolfs II. (1593-1606), Vienne, 1993 (Archiv für österreichische Geschichte 135), p. 170.
6Sur l’état de santé de Rodolphe II, voir Bůžek Václav et Marek Pavel, « Krankheiten, Sterben und Tod Kaiser Rudolfs II. in Prag », Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung, 125, 2017, p. 40-67.
7Niederkorn Jan Paul, Die europäischen Mächte …, op. cit., p. 171-172.
8Fučíková Eliška (éd.), Tři francouzští kavalíři …, op. cit., Praha, 1989, p. 51 ; Kybal Vlastimil, Jindřich IV. a Evropa…, op. cit., Praha, 1909, p. 24 ; Stloukal Karel, « Z diplomatických styků mezi Francií a Čechami před Bílou horou », Český časopis historický, 32, 1926, p. 473-496, p. 481.
9Fučíková Eliška (éd.), Tři francouzští kavalíři…, op. cit., Praha, 1989, p. 50-51.
10Hausenblasová Jaroslava (éd.), Der Hof Kaiser Rudolfs II. Eine Edition der Hofstaatsverzeichnisse 1576-1612, Praha, 2002 (= Fontes historiae artium 9), p. 222, 322 ; Niederkorn Jan Paul, Die europäischen Mächte …, op. cit., p. 135, 172-173.
11Fučíková Eliška (éd.), Tři francouzští kavalíři…, op. cit., p. 55 ; Niederkorn Jan Paul, Die europäischen Mächte…, op. cit., p. 164-165.
12Fučíková Eliška (éd.), Tři francouzští kavalíři…, op. cit., p. 51-52.
13Ibid, p. 72.
14Ibid, p. 72-73 ; Niederkorn Jan Paul, Die europäischen Mächte…, op. cit., p. 171-172.
15Ibid, p. 172-173.
16Y font exception trois études de l’historien hongrois Péter Sahin-Tóth.
17Fučíková Eliška (éd.), Tři francouzští kavalíři…, op. cit., p. 92-95, 102.
18Fraustadt Albert et Schönberg B. von, Geschichte des Geschlechtes von Schönberg Meissnischen Stammes I, Leipzig, 1870, p. 332-369.
19Fraustadt Albert, Geschichte des Geschlechtes von Schönberg Meissnischen…, op. cit Die urkundliche Geschichte bis zur Mitte des 17. Jahrhunderts, Abteilung A, Leipzig, 1878, p. 504-505 ; sur les déformations du nom de Hannibal de Schönberg, voir Niederkorn Jan Paul, Die europäischen Mächte…, op. cit., p. 172 (note 68).
20François de Bassompierre, dans ses mémoires de février 1604, insista sur le fait qu’il se joignait à la campagne militaire en Haute Hongrie « au regard de la longue période de paix en France ». Sur le sujet Fučíková Eliška (éd.), Tři francouzští kavalíři…, op. cit., p. 100.
21Ibid, p. 96-105.
22Sněmy české od léta 1526 až po naši dobu X, Praha, 1900, p. 560-562 ; Janáček Josef, Rudolf II. a jeho doba, Praha, 1987, p. 352 ; Líva Václav (éd.), Regesta fondu Militare Archivu Ministerstva vnitra Republiky československé v Praze II, 1590-1617, Praha, 1938, p. 261-262, 264-265, 268-269.
23Fučíková Eliška (éd.), Tři francouzští kavalíři…, op. cit., p. 102-103.
24Koldinská Marie et Maťa Petr (éd.), Deník rudolfínského dvořana. Adam mladší z Valdštejna 1602-1633, Praha, 1997, p. 87, 353 ; Tieftrunk Karel (éd.), Pavla Skály ze Zhoře Historie česká od roku 1602 do roku 1623 I, Praha, 1865, p. 81 ; Svátek Josef, « Smrt hraběte Schönburga v Praze roku 1604 », in Odkazy z kulturních dějin českých II, Praha, 1891, p. 217-240 ; Janáček Josef, Rudolf II. a jeho doba, op. cit., p. 352-354 ; plus récemment, sur l’assassinat de Hannibal de Schönberg, Matyáš Jaroslav, Aféra Adama Havla Popela z Lobkovic. Nevěra a sebevražda v rudolfínské Praze, České Budějovice, 2004 (= mémoire de maîtrise). Cette étude se base essentiellement sur l’analyse des procès-verbaux des interrogatoires.
25Klarwill Victor, Ungedruckte Briefe an das Haus Fugger aus den Jahren 1568-1605, Vienne/Leipzig/Munich, 1923, p. 239-240 : « Aus Prag den 26. Juli 1604. Dieser Tage ist ein junger Herr von Schönberg, dessen Vater selig in Frankreich Feldmarschall gewesen ist, als er zu des Herrn Adam Popels Behausung zu dessen Gemahlin auf die Buhlschaft gehen wollte, jämmerlich mich Dolchen und Rapieren erstochen und zerhaut worden, so dass er allein an 20 Stiche um den Hals herum und über 40 Wunden und Stiche an seinem Leibe und Kopfe bekommen hat. »
26Bůžek Václav, Ferdinand von Tirol zwischen Prag und Innsbruck. Der Adel aus den böhmischen Ländern auf dem Weg zu den Höfen der ersten Habsburger, Vienne/Cologne/Weimar, Böhlau, 2009, p. 250, 258, 273.
27Hausenblasová Jaroslava (éd.), Der Hof Kaiser Rudolfs II. Eine Edition der Hofstaatsverzeichnisse 1576-1612, Praha, 2002 (= Fontes historiae artium 9), p. 203, 206, 208, 219, 394, 396-397.
28Marek Pavel (éd.), Svědectví o ztrátě starého světa. Manželská korespondence Zdeňka Votěcha Popela z Lobkovic a Polyxeny Lobkovické z Pernštejna, České Budějovice, 2005 (= Prameny k českým dějinám 16.-18. století, coll. B, tome 1), p. 33.
29Líva Václav (éd.), Regesta fondu Militare Archivu Ministerstva vnitra…, op. cit., p. 270-271, 275-276 ; Felix Stieve, Die Politik Baierns 1591-1607. Zweite Hälfte, Munich, 1883 (= Briefe und Acten zur Geschichte des Dreißigjährigen Krieges in den Zeiten des vorwaltenden Einflusses der Wittelsbacher V), p. 714-715.
30Hausenblasová Jaroslava (éd.), Der Hof Kaiser Rudolfs II. Eine Edition der Hofstaatsverzeichnisse…, op. cit., p. 394 ; Palacký František, « Přehled současný nejvyšších důstojníků a úředníků », in Charvát Jaroslav (éd.), Dílo Františka Palackého I, Praha, 1941, p. 371 ; Tůmová Ludmila, Svět Kryštofa Popela mladšího z Lobkowicz optikou jeho deníků, Praha, 2013 (= mémoire de maitrise), p. 201 (12-01-1604), p. 202 (15-01-1604), p. 215 (06-04-1604).
31Tůmová Ludmila, Svět Kryštofa Popela mladšího z Lobkowicz…, op. cit., p. 204 (25-01-1604), p. 240 (03-08-1604), p. 268 (29-11-1604).
32Líva Václav (éd.), Regesta fondu Militare Archivu Ministerstva vnitra …, op. cit., p. 270-271.
33Tieftrunk Karel (éd.), Pavla Skály ze Zhoře Historie česká…, op. cit., p. 81 ; Blanka Kubíková, Portrét v renesančním malířství v českých zemích. Jeho ikonografie a funkce ve šlechtické reprezentaci, Praha, 2016, p. 37.
34Tůmová Ludmila, Svět Kryštofa Popela mladšího z Lobkowicz…, op. cit., p. 237 (24-07-1604), p. 240 (02/03-08-1604).
35Archives nationales de Prague, Cote ancienne, S 168/2, cart. 2252, lettre de Henri IV à Rodolphe II, Fontainebleau, 25-08-1604.
36Ibid. ; Stloukal Karel, « Z diplomatických styků mezi Francií a Čechami před Bílou horou », Český časopis historický, 32, 1926, p. 473-496, à la p. 483.
37Archives nationales de Prague, Cote ancienne, S 168/2, cart. 2252, lettre de Johann Ulrich Sittinger de Kolenstein à Rodolphe II, Prague, 08-10-1604, 18-10-1604, 26-10-1604.
38Sur les manifestations de la solidarité de la branche des Lobkovic, voir Maťa Petr, Svět české aristokracie (1500-1700), Praha, 2004, p. 593-599.
39Tůmová Ludmila, Svět Kryštofa Popela mladšího z Lobkowicz…, op. cit, p. 274 (25-12-1604).
40Vybíral Zdeněk, Politická komunikace…, op. cit., p. 182-187.
41Archives nationales de Prague, Cote ancienne, S 168/2, cart. 2252, convocation d’Adam Havel Popel de Lobkovic au tribunal du pays, Prague, 22-12-1604.
42Tůmová Ludmila, Svět Kryštofa Popela mladšího z Lobkowicz…, op. cit., p. 274 (25-12-1604).
43Maťa Petr, Svět české aristokracie…, op. cit., Praha, 2004, p. 598-599.
44Sněmy české od léta 1526 až po naši dobu X, Praha, 1900, p. 575.
45Kozáková Anděla, Právní postavení ženy v českém právu zemském, Praha, 1926, p. 64-65 ; Karel Malý, Trestní právo v Čechách v 15.-16. století, Praha, 1989, p. 241-245.
46Archives nationales de Prague, Cote ancienne, S 168/2, cart. 2252, lettres du procurateur du roi Florián Mejstřický du Vatikán à Rodolphe II., Prague, 28-02-1605.
47Koldinská Marie et Maťa Petr (éd.), Deník rudolfínského dvořana…, op. cit., p. 101, 106.
48Archives nationales de Prague, Cote ancienne, S 168/2, cart. 2252, lettre de Henri IV à Rodolphe II., s. d., 24-02-1605.
49Tieftrunk Karel (éd.), Pavla Skály ze Zhoře Historie česká…, op. cit., I, p. 81 ; Mikulec Jiří (éd.), Mikuláš Dačický z Heslova, Paměti (s úvodem Josefa Janáčka), Praha, 1996, p. 161.
50Pánek Jaroslav (éd.), Václav Březan, Životy posledních Rožmberků II, Praha, 1985, p. 598.
51Cité d’après Mati Petra, Svět české aristokracie…, op. cit., p. 893, note 84.
52Tieftrunk Karel (éd.), Pavla Skály ze Zhoře Historie česká…, op. cit., I, p. 81.
53Archives nationales de Prague, Cote ancienne, S 168/2, cart. 2252, lettre non datée de Rudolphe II à Henri IV (postérieure au 16-05-1605).
54Marek Pavel (éd.), Svědectví o ztrátě starého světa…, op. cit., p. 389-390, Vienne, 07-03-1625 – 27-03-1625, lettre de Zdeňek Vojtěch Popel z Lobkovic à Polyxena Lobkovick z Pernštejna.
55Tůmová Ludmila, Svět Kryštofa Popela mladšího z Lobkowicz…, op. cit., p. 274 (25-12-1604).
56Fučíková Eliška (éd.), Tři francouzští kavalíři…, op. cit., p. 71, 100 ; Chaline Olivier, Bílá hora, Praha, 2013, p. 148.
57Skala Harald, « První Desfoursové v Čechách », Z Českého ráje a Podkrkonoší – Supplementum, 13, 2009, p. 26-32 ; Chaline Olivier, « Diskrétní přítomnost. Francouzská šlechta v Českém království 1620-1918 », Dějiny a současnost 35, 2013, no 9, p. 10-14.
58Chaline Olivier, « Charles Bonaventure de Longueval, comte de Buquoy (1571-1621) », xviie siècle, 60, 2008, p. 399-422.
59Bílek Tomáš Václav, Dějiny konfiskací v Čechách po roce 1618, I-II, Praha, 1882-1883, p. 256-257, 259, 263-264, 423-424, 456, 560, 626, 676, 776, 804-806, 854, 923.
Auteur
Université de Bohême du Sud – Institut historique

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