Chapitre VI. La mémoire au service du pouvoir mitterrandien
p. 323-415
Texte intégral
1Le congrès d’Épinay de juin 1971 est d’abord interprété par ses participants comme « une rupture ». Les mitterrandistes, de même que les « jeunes » du CERES, qui constituent la majorité, sont convaincus d’incarner une nouvelle génération politique, bien qu’ils aient commencé à militer entre les années trente et la guerre d’Algérie1. Par ailleurs, entre 1973 et 1976, le PS connaît un véritable renouvellement, passant de 65 000 adhérents à 150 0002, de sorte qu’en 1981, près de la moitié des adhérents sont nés après 1945. Aussi, la nouvelle direction craint-elle une dilution de l’identité partisane. Elle entend bien s’en prémunir d’autant qu’elle doit faire face à une vive concurrence sur sa gauche et à l’extrême gauche, les communistes, le PSU et les gauchistes renvoyant sans relâche aux fautes passées de la social-démocratie et contestant la légitimité des socialistes. Le congrès d’Épinay est aussi une refondation qui doit permettre de conquérir le pouvoir et d’imposer l’alternance à la droite. À cette fin, le PS entreprend de légitimer le choix d’une stratégie, l’union de la gauche, et d’un homme, François Mitterrand ; or, ni l’une ni l’autre ne vont de soi. Ces multiples facteurs concourent à une mobilisation de la représentation du passé avec une intensité inégalée depuis la Libération tout au long de la décennie. La victoire du 10 mai 1981 semble couronner de succès cet effort pour construire par le haut une mémoire partagée par tous. En 1982, un député PS déclare ainsi :
« En tant que socialistes, notre prétention à assumer aujourd’hui le destin de notre pays, dans une période qui appelle des choix difficiles et courageux, s’enracine dans certaines références historiques. Il en est deux fondamentales : la résistance contre le nazisme et le combat pour la décolonisation3. »
2Pourtant, si l’identité socialiste a plus que jamais partie liée avec les mémoires des guerres, il n’est pas certain que le processus d’homogénéisation des représentations militantes ait opéré pareillement sur tous les conflits et dans tous les territoires. « Les socialistes croient-ils à leurs mythes ? », s’interrogent ainsi les rocardiens en 19834.
3De 1971 à 1981, la mémoire collective est conçue, par l’appareil, comme un outil à la fois de renforcement de l’identité socialiste en rejetant toutes les erreurs passées, et de présidentialisation du parti en légitimant la candidature de François Mitterrand. La signature du programme commun de gouvernement, le 27 juin 1972, puis ses mésaventures interrogent l’opportunité de pratiquer également un programme commun des mémoires face à la droite. Néanmoins, après la victoire du 10 mai 1981, l’imaginaire des socialistes et leur corpus de valeurs sont confrontés à l’épreuve des faits, alors même que la mémoire présidentielle de François Mitterrand semble de plus en plus en porte-à-faux.
La refondation d’Épinay passe aussi par la mémoire
4Né d’une recomposition de la gauche, le parti issu d’Épinay doit définir et consolider son identité dès juin 1971, d’autant qu’il ne tarde pas à voir ses effectifs augmenter et que sa légitimité est toujours contestée sur sa gauche. Il doit ensuite assimiler et acculturer à la fois des militants du courant des Assises du socialisme d’octobre 1974 et les nouvelles vagues d’adhérents et d’élus que lui valent ses succès électoraux à partir des cantonales de 1976 et les municipales de 1977. Dans ce parti en plein essor et mutation, mémoires des guerres et identité sont donc indissociables et constituent un enjeu essentiel dont la direction mitterrandiste prend très vite conscience. Pour autant, la mémoire est un corps volatile, changeant et qui, dans un parti démocratique, échappe parfois au contrôle.
5Très vite, « la mémoire collective » est conçue comme la meilleure réponse aux besoins croissants de formation et aux risques de crise identitaire5. Pour conquérir le pouvoir, le PS se veut l’héritier de « la longue marche du peuple de gauche » et, en vertu de cette « union froide » avec le PCF préconisée par François Mitterrand, il se pose en rival de son partenaire6. Le « national-molletisme » apparaît alors comme un bouc émissaire d’autant plus nécessaire que la guerre d’Algérie a provoqué l’éclatement du mouvement socialiste et que, même refoulé, son souvenir est bel et bien présent. La SFIO molletiste est donc présentée comme une parenthèse dans une tradition dite « séculaire », revendiquée comme telle et reconstruite pour les besoins de la cause. Les contraintes ne s’arrêtent pas là. Dans ces années soixante-dix, à l’image du reste de la société française travaillée par « la mode rétro », les socialistes n’en ont pas fini avec les années sombres, car l’affaire Touvier, des films, des livres et des rumeurs font remonter à la surface des traumatismes que l’on voulait croire enfouis7. Si dénoncer le régime de Vichy et la Collaboration n’est pas chose nouvelle pour eux et leur fournit une arme bienvenue contre les présidents Georges Pompidou puis Valéry Giscard d’Estaing, d’autres sujets restent sensibles. Face à toutes ces difficultés, légitimer François Mitterrand comme le candidat naturel de la gauche et l’héritier de Blum et de Jaurès semble alors une solution pour conforter l’identité du parti.
La « mémoire collective » comme outil de formation
6« Identité du PS, qu’est-ce à dire ? », s’interroge d’emblée un dossier de formation en 19748. L’année suivante, l’expression « mémoire collective » fait son apparition dans le Guide du nouvel adhérent afin de prémunir le parti contre cette crise d’identité redoutée9. Car à la différence des organisations qui l’ont précédé, le parti d’Épinay n’est pas confronté à une baisse de ses effectifs et à un vieillissement de ses adhérents. Il doit, au contraire, être capable d’assimiler à la fois des militants de gauche, venus d’autres horizons et de sensibilités diverses, et une nouvelle génération qui méconnaît la tradition. Tous, d’où qu’ils viennent et quel que soit leur âge, se souviennent nécessairement de la guerre d’Algérie, laquelle a marqué l’entrée en politique des quadragénaires. Il n’est, cependant, pas certain qu’ils accordent le même intérêt aux guerres plus anciennes dont les socialistes ont pieusement entretenu la mémoire jusque-là. En outre, le parti compte désormais un plus grand nombre d’intellectuels qui appellent à changer de paradigme en Histoire et qui bousculent les représentations classiques du passé.
7Au lendemain du congrès d’Épinay, le PS se dote d’organismes chargés de raconter aux nouveaux militants l’histoire du mouvement ouvrier et de la maintenir vivante dans la mémoire collective. Dans les sections, la présence d’anciens qui ont vécu les temps héroïques du Front populaire et de la Seconde Guerre mondiale assure encore la transmission de ces événements-dateurs aux nouvelles générations qui ont surtout vécu la guerre d’Algérie ou « les années 68 », et favorise une proximité avec un passé qui ne s’estompe pas encore tout à fait. Des témoins sont ainsi mis à contribution pour animer des conférences10. Comme aux lendemains de la Libération et dans les années 1950, ces mémoires issues de la base peuvent toutefois porter des identités territoriales singulières dont le parti se méfie. En tout état de cause, il s’agit de constituer une « mémoire collective » partisane.
8En 1972, le nouveau secrétaire national à la formation, Pierre Joxe, n’écrit-il pas : « Étudier l’histoire du socialisme, c’est agir pour le socialisme11 ? » Face au renouvellement, il déclare, péremptoire, en 1974 : « Pas de génération qui tienne : comme à son tour chaque affluent d’un fleuve, tout militant d’un parti reçoit en adhérant, en demeurant, en combattant, un peu d’Histoire des autres qui est la sienne12. » À l’automne 1975, Gérard Delfau, explique que la moitié des adhérents a moins de trois ans d’ancienneté, ce qui constitue une situation, selon lui, comparable à la reconstruction des années vingt, au Front populaire, ou encore à la Libération13. « Cela nécessite une formation fondamentale, qui dépasse les seules données de l’actualité et englobe l’histoire et les thèmes qui fondent le socialisme d’aujourd’hui », conclut-il. Car il en va de la capacité de « ce parti multiforme » à se transformer en un « instrument homogène de la conquête et de l’exercice du pouvoir14 ». L’enjeu est donc clairement identifié, d’autant que le parti d’Épinay tolère à nouveau l’expression de courants en son sein15. Les Assises du socialisme, en octobre 1974, avec l’arrivée d’anciens PSU et de membres de la CFDT derrière Michel Rocard, puis la victoire aux municipales de mars 1977, entraînent une hausse bienvenue des effectifs, mais elle constitue une menace potentielle pour la direction mitterrandiste qui craint de voir son leadership ébranlé. À la veille du congrès de Nantes, en avril de la même année, le secrétaire fédéral des Deux-Sèvres, Marcel Jourdain, n’évoque-t-il pas des « problèmes de croissance […] en raison de l’hétérogénéité de nos adhérents, de la diversité des mentalités, des engagements, des sensibilités16 » ? François Mitterrand met ainsi en garde les militants contre les « fractions organisées » et plaide pour « une plus grande homogénéité dans le parti » dans une lettre reproduite dans toute la presse fédérale17. C’est pourquoi, un an plus tard, Gérard Delfau considère toujours qu’il faut « plus que jamais former les militants18 ». La priorité demeure donc « la mémorisation collective des acquis du socialisme19 ».
9Le secrétariat à la formation, dirigé par Pierre Joxe, alors marxiste et mitterrandiste, puis par Lionel Jospin, et le bureau national des adhésions, avec Françoise Seligmann et Gérard Delfau, délégué général à la formation, publient à cette époque une série de brochures dites « historiques », autant de récits qui construisent une mémoire par en haut du parti. Les références qu’ils ancrent ainsi dans la mémoire partisane sont répétées de congrès en congrès ou lors des grandes manifestations collectives et sont enseignées comme autant de repères dans les nombreux stages et conférences organisés par Gérard Delfau et Philippe Machefer au cours des années 197020. Entre 1972 et 1981, l’effort en termes de publications est si considérable qu’il faut remonter à l’immédiate après-guerre pour trouver l’équivalent. Le premier secrétaire s’appuie également sur les différents organes de presse dont le parti s’est doté au lendemain d’Épinay, en particulier l’hebdomadaire L’Unité qu’il a confié à Claude Estier.
10L’enjeu est de taille puisqu’il convient de préparer militants et sympathisants à la conquête et à l’exercice du pourvoir, tout en légitimant le programme commun, par la représentation collective d’une « longue marche du peuple de gauche ». Une conception linéaire et téléologique de l’Histoire, héritée du positivisme, du matérialisme historique de Marx et du roman national lavissien structurent, par conséquent, tous ces outils de formation21.
11Récits déterministes, ils ont pour objectifs d’inscrire le parti d’Épinay dans l’histoire plus que séculaire du mouvement ouvrier et de le conduire vers la conquête du pouvoir par les urnes. En 1972, l’Histoire du mouvement socialiste déroule un récit linéaire et orienté, qui fait de « l’alliance de la gauche la tâche du moment », laquelle « doit viser à engager, pour la première fois, le processus de la socialisation » en France22. De même, en 1974, Pierre Joxe, fait de « l’unité » le moyen qui conduira inéluctablement à « la libération » de la société23. La même année, l’Histoire du parti socialiste. De l’unité de 1905 à l’unité de 197124 de Maurice Benassayag et Marc Véron, saluant le résultat de François Mitterrand à la présidentielle de 1974, conclut par ses mots : « Rien n’est plus désormais comme avant. […] La victoire du socialisme démocratique est pour demain ». Aussi la déclaration finale des Assises du socialisme de Paris, les 12 et 13 octobre 1974, peut-elle postuler : « Voici plus d’un siècle aujourd’hui qu’est entamée cette longue marche pour la liberté des hommes. » De sorte que, dans toutes les rééditions du Guide du nouvel adhérent de 1975 à 1981, le premier secrétaire explique combien il est « nécessaire » de connaître cette « marche à l’unité ».
12Lorsqu’en 1977, le PS se dote d’un moyen original de formation et de propagande, avec une Histoire du socialisme en France en bande dessinée, coordonnée par Maurice Delotte, le procédé est à son comble. Le scénario est de Claude Moliterni, l’un des fondateurs du festival d’Angoulême trois ans plus tôt, alors directeur d’édition chez Dargaud, mais qui n’est pas crédité dans l’album, et les dessins sont de Paul Gillon, l’auteur des Naufragés du temps primé en 1982 à Angoulême. Les épreuves, à leurs différents stades, portent la marque des corrections manuscrites du secrétaire national, Pierre Mauroy, qui signe « le préambule ». La préface est de François Mitterrand lui-même25. La première page (ill. 9, cahier hors texte), sorte de prologue, est un résumé en vignettes de « ce chemin parcouru », digne d’une image d’Épinal.
13En projetant les militants et sympathisants vers un futur que l’on veut croire inéluctable, cette représentation du passé devient un outil de propagande d’autant plus efficace qu’elle dramatise la narration avec les guerres et autres luttes sanglantes du « peuple de gauche ». Pierre Mauroy en use pour « démystifier la droite » qui voudrait indûment s’identifier au camp de la Liberté :
« Ce n’est pas ce que nous enseigne l’Histoire : le camp de la Liberté est celui de Gavroche, et non pas celui de Louis-Philippe. Ceux qui sont morts pour elle étaient les fusillés et les socialistes communards et non la droite versaillaise. […] Venons-en à 1940 : qu’avons-nous vu sinon la grande bourgeoisie française se ranger dans le camp de la défaite et, en acceptant Vichy, prendre sa revanche sur le Front populaire de 193626 ? »
14Au nom du combat électoral, l’ancien professeur d’histoire-géographie s’autorise quelques raccourcis qui ne choquent pas les militants. Le centenaire de la Commune s’avère un enjeu symbolique dans la guerre des mémoires entre la gauche et le pouvoir. Celle-ci craint que le gouvernement ne favorise l’oubli. Aussi, dans Le Nouvel Observateur, Gilles Martinet déclare-t-il : « La Commune est vivante, comme sont vivantes la Révolution française et la Résistance27. » Les socialistes, qui préparent alors le congrès d’Épinay, créent un Comité du Centenaire de la Commune qu’ils confient à Jacques Enock, secrétaire général adjoint du nouveau PS. Car la Commune demeure une guerre civile, ainsi que le déclare à la Mutualité le secrétaire général Alain Savary28. Elle symbolise même la guerre civile par excellence, comme l’illustre Claude Fuzier, en mai 1973, dans un tourbillon temporel et spatial, où le passé affleure dans le présent :
« Et ceux qui, depuis cent ans, montent au Mur des fédérés ont été animés parfois par l’esprit de vengeance et, plus souvent encore, par le goût de l’espérance. Mais surtout quelle terrible leçon ! […] C’était hier. Mais était-ce hier ? Les tueries qui suivirent la guerre d’Espagne, les sanglantes répressions qui ont frappé et frappent encore en Amérique latine, dans les prisons grecques et vietnamiennes, et ces grands massacres hitlériens commis avant la guerre et dont furent victimes des dizaines de milliers de socialistes et de communistes allemands, sont là pour redire que la répression de M. Thiers n’est pas un accident de l’Histoire29. »
15La bande dessinée de 1977 illustre parfaitement cette guerre entre « frères de sang30 », avec une armée disciplinée tirant au canon dans les rues dévastées. « La répression commence. Durant plusieurs jours, on fusille sans jugement » hommes et femmes – ce qui est à noter, toutes catégories sociales confondues (ill. 10, cahier hors texte).
16La mémoire du mouvement ouvrier en général et celle de ses guerres en particulier sont donc investies d’une fonction à la fois identitaire et mobilisatrice. Des plumes, membres du parti, au côté d’auteurs d’horizons divers dont nombre de communistes, participent à de grandes collections de vulgarisation historique que la presse organique promeut avec assiduité comme des outils de formation. Certains ont quitté « la vieille maison » il y a bien longtemps avant d’y revenir, tel Jean Rous ; d’autres viennent juste de rejoindre le PS, tel Régis Debray. Publiée de 1971 à 1973, Liberté, Égalité, Fraternité – L’Humanité en marche, dirigée par Jean Rostand aux éditions Martinsart, comprend ainsi des volumes sur le Printemps des peuples par Jean Poperen, les révolutions industrielles par Jacques Guyard, la Commune de Paris par Robert Cheramy, le Front populaire par Roger Quilliot – qui s’associe pour l’occasion avec le communiste Jacques Chambaz, et un dernier sur la solidarité par Michel Cépède31. Puis en 1977-1978, Christiane Mora, Maurice Benassayag, Pierre Guidoni, Gérard Delfau, Jean Rous, Jean-Marcel Bichat, Claude Estier, Jacques Guyard, Robert Cheramy, Lionel Jospin, Régis Debray et Jean Rabaut collaborent à la collection « Les grands révolutionnaires », à nouveau chez Martinsart32. Dans L’Unité, une première publicité associant les portraits de Marx, Jaurès, Blum, le Che et Allende est remplacée par un nouveau photo-montage qui, à la figure de Marx, surimpose celle de Blum, dans une version très socialo-centriste de l’histoire du mouvement ouvrier33. De même, la découverte de « la longue marche du socialisme à travers les âges », grâce à la lecture de l’Histoire générale du socialisme dirigée Jacques Droz, est vivement recommandée, mais il s’agit cette fois-ci d’une somme académique écrite par des universitaires dont aucun n’est encarté au PS, même si certains sont plutôt socialisants34.
17Plus accessibles sans doute que ces gros ouvrages, des articles à contenu historique sont régulièrement proposés aux militants pour inscrire le mouvement socialiste dans une continuité, tout en commémorant les grands événements considérés comme fondateurs du mouvement ouvrier, dont 1789, la Commune, la Grande Guerre, le Front populaire ou la Résistance35. Ce sont ces repères qu’en décembre 1972, Le Poing et la Rose relie dans une même frise chronologique, illustrée de vignettes et dont les légendes traduisent une conception évolutionniste de l’Histoire par leur registre lexical (fig. 48). Cette représentation graphique est conçue pour mener inéluctablement au Congrès d’Épinay, à François Mitterrand et à l’union de la gauche.
18Les pratiques militantes sont également concernées. La métaphore de « la marche du peuple de gauche » est scandée dans tous les meetings et autres prises de parole publiques, comme au rassemblement de l’union de la gauche au Palais des Expositions, à la Porte de Versailles, le 1er décembre 197236. Cette « marche » s’inscrit dans la longue histoire de la République dont l’aboutissement doit être « la République socialiste », que Mitterrand appelle de ses vœux lors du centenaire de la République en 197537. Les fils de l’histoire de la République et de celle du mouvement ouvrier sont tissés dans une même représentation déterministe.
Fig. 48. – L’Histoire du socialisme en frise (Le Poing et la Rose, no 3, décembre 1972).

19Pour le 1er mai unitaire de 1973, Vasco rend hommage à La Liberté guidant le peuple de Delacroix avec une Marianne plutôt virile, en salopette de travail, avec le logo du poing serrant des brins de muguet sur sa poitrine (fig. 49), alors qu’une photographie du 1er mai 1937 illustre l’appel à défiler de l’Hôtel de Ville à la Nation. Lors de la montée unitaire au Père Lachaise, le 27 mai suivant, les Jeunesses socialistes (JS) arborent eux aussi une Marianne musclée et au sein dénudé, qu’ils ont peinte à la main sur un grand drapeau (fig. 50). Aux délégués du congrès extraordinaire du 8 avril 1974 qui viennent de l’investir comme candidat unique de la gauche, Mitterrand déclare : « Je pensais à l’histoire écrite par ses vivants et nourrie par ses morts, cette immense continuité ; je disais nous voilà, c’est à nous de préserver et de transmettre38. » La victoire de la gauche serait donc inexorable parce que ses « idées sont l’expression de sa propre Histoire », affirme encore Pierre Bourgeade à la veille du premier tour39. Il en est de même de l’affiche « Le socialisme, une idée qui fait son chemin » pour les élections municipales de mars 197740. Quand les anciens partenaires du programme commun élaborent à la hâte un accord pour le second tour des législatives de mars 1978, la Marianne de Moundi tourne sereinement son gouvernail « à gauche toute ! » (fig. 51). Pour fêter la victoire du 10 mai 1981, Pym campe aussi une Marianne arborant sur son bonnet la rose au poing à la place de sa cocarde et chantant avec ferveur « Dansons la Carmagnole » (fig. 52).
Fig. 49. – « Le 1er mai de l’union », Vasco (L’Unité, 27 avril 1973).

Fig. 50. – Les JS au Père Lachaise le 27 mai 1973 (L’Unité, no 67, 1er-7 juin 1973).

Fig. 51. – « Le 19 mars à gauche toute ! », L’Avenir (Haute-Garonne), 17-23 mars 1978.

Fig. 52. – « Dansons la Carmagnole », Pym, L’Unité, no 423 (16 mai 1981).

20L’allégorie de Marianne, acclimatée dans la culture symbolique des socialistes aux lendemains de la Libération, fait désormais partie intégrante de leur programme iconographique et illustre aussi bien des moments commémorés depuis longtemps par le mouvement ouvrier que les temps forts de la vie démocratique. Téléologiques l’une et l’autre, l’histoire du mouvement ouvrier est enchâssée dans celle de la République et retourne à sa source, 1789, avec la place de la Bastille.
21Pourtant, cette mémoire mitterrandiste construite par l’appareil du parti doit cohabiter avec les mémoires « latérales41 » des différents courants développées dans leurs propres revues. Si celle de Jean Poperen et Colette Audry avec Synthèse Flash ou celle des chevènementistes avec Volonté socialiste ne sont guère dissonantes, celle des rocardiens avec Faire emprunte souvent des chemins de traverse. Elle n’ignore pas le tournant épistémologique impulsé par Michel Foucault ou les tenants de la « Nouvelle Histoire », et regimbe souvent contre les usages politiques internes de l’Histoire par la direction du parti.
22En 1974, dans L’Unité, Nicolas Brimo, rend compte de Faire de l’Histoire dirigés par Jacques Le Goff et Pierre Nora. Il y considère « le sempiternel Malet-Isaac » comme dépassé : « L’Histoire a quitté les événements politiques, l’étude des institutions, la chronologie et les biographies » – sujets qu’affectionne toujours pourtant la plupart des socialistes, « pour de nouveaux rivages », constate-t-il42. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Histoire telle que la conçoit le parti est loin de suivre cet exemple. Ce sont donc essentiellement les rocardiens – sans doute parce qu’ils comptent plus d’intellectuels non-marxistes en leur sein – et leur revue Faire qui appellent à renoncer au « modèle évolutionniste ». Selon Pierre Rosanvallon, ce dernier est en train de mourir parce que la déstalinisation de 1956 et L’Archipel du Goulag de Soljenitsyne ont conduit à un « questionnement du fait totalitaire et [au] dépérissement de la rationalité positiviste ». Pour lui, le temps ne peut plus être conçu comme « un déroulement linéaire ». De sorte que les usages de l’Histoire doivent être tout autres :
« Il n’est pas question non plus de s’enfermer dans une pensée nostalgique : nostalgie théorique des grands ensembles bien huilés, de la Commune de Paris à l’insurrection d’octobre 1917. Ce n’est pas fonder une théorie que de se condamner à vivre le passé comme occasion manquée et l’avenir comme utopie lointaine. Entre un passé mythifié et un avenir impensé, il n’y a guère de place que pour une poétique ou une esthétique dans le meilleur des cas43. »
23Dans son rapport à l’Histoire, cette « nouvelle culture politique » que Rosanvallon préconise avec son camarade Patrick Viveret44 rompt, par conséquent, avec celles des mitterrandistes, des poperénistes et des chevènementistes. Toutefois, lorsque Michel Rocard distingue « deux cultures politiques dans la gauche française » lors du congrès de Nantes en juin 1977, il ne dit mot du sens de l’Histoire45. Trop ardue, l’idée met quelque temps à infuser, mais lorsque les relations entre les courants s’enveniment, le débat prend forme. Les mitterrandistes se réclament de la Révolution française pour défendre leur stratégie, rappelant « le front de classe de 1789 » que refuseraient – selon eux – les rocardiens, et veulent « refaire 178946 ». Ils souhaitent démontrer que leurs adversaires trahissent « la ligne d’Épinay47 », redéfinie par le premier secrétaire lors de la convention nationale du 25 novembre 1978. Pour ce faire, François Mitterrand développe une conception organique et évolutionniste du parti : « Nous n’assurerons au Parti socialiste sa vie adulte que dans la continuité du socialisme historique qui est né et qui a grandi, qu’elles qu’aient été ses erreurs de jugement, sur le terrain des luttes48. » Les rocardiens ne s’y trompent pas et appellent à ne pas transformer Épinay en « mythe des origines49 ». « La vérité, réplique Patrick Viveret, c’est qu’à partir de 1956-1958 s’est opéré un double mouvement qui a consisté à la fois à refuser les alliances de 3e Force et la politique coloniale pratiquées par la SFIO. » Or cette « stratégie du soupçon » est délétère parce que « toute l’énergie du PS est immobilisée dans une bataille fantastique sur le passé et non sur l’avenir50 … » Aussi, en février 1979, les rocardiens dotent-ils leur revue Faire d’une rubrique historique qu’ils intitulent « Mémoire ouverte » et qu’ils justifient ainsi : « La façon dont on conçoit l’histoire est déjà un enjeu politique, et, pour bien faire de la politique, il faut faire un peu d’histoire51. » D’une part, Faire entend « parler de choses quelquefois cachées depuis la fondation du PS et en tout cas rarement abordées », telle que la guerre d’Algérie, afin de « rompre avec certaines visions “officielles” de l’histoire ». D’autre part, la revue veut mettre en avant une conception différente de l’histoire du mouvement ouvrier : « Celle-ci, pour nous, n’est pas l’histoire de la montée progressive mais irrésistible de la conscience de classe appelée à déboucher sur l’inéluctable “parti de la classe ouvrière” », ce qui est une pierre dans le jardin de l’union à tout prix de la gauche.
24Ce sont, par conséquent, deux visions de l’Histoire qui s’opposent, lesquelles construisent des représentations différentes du passé. Or, celle de la direction mitterrandiste s’impose dans tous les outils de formation à cette période et conserve son hégémonie, même si à la marge – nous le verrons – des sensibilités différentes, voire des résistances, peuvent s’exprimer.
25À l’aube des années 1980, alors que la lutte interne entre Mitterrand et Rocard n’a pas baissé d’intensité, le temps commence à faire son œuvre, à l’image du coup de jeune impulsé par les nouveaux cadres élus au congrès de Metz en avril 197952. Pour autant, quand des môles de la mémoire des guerres s’effritent, d’autres résistent mieux. La guerre d’Algérie, plus proche, conserve sa puissance radioactive pendant toute la décennie et au-delà.
Le « national-molletisme » nécessaire bouc émissaire
26Comme l’a écrit Guy Mollet lui-même : « ce parti [d’Épinay], pour être nouveau, avait besoin d’un bouc émissaire qui veuille bien accepter en silence le poids du passé53 ». C’est essentiellement la politique algérienne de son gouvernement et de Robert Lacoste, stigmatisée dans l’expression infamante de « national-molletisme54 », qui permet de transformer la SFIO de la IVe République en contre-modèle. Miroir inversé, le parti, qui a abandonné son étiquette « SFIO » en 1969, supprime la numérotation continue de ses congrès et adopte la rose au poing, non sans rencontrer certaines résistances internes55. Si des anciens de la SFIO, tel Claude Fuzier, font acte de contrition à propos de « la sale guerre » depuis plusieurs années déjà, il s’agit de n’abandonner le terrain mémoriel ni au PSU ou à l’extrême gauche, ni surtout au PCF qui s’affiche comme le premier parti anticolonialiste56. Pour autant, à la différence de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, les socialistes vont devoir faire preuve, avec celle de la guerre d’Algérie, de moins de manichéisme et de plus de nuances s’ils veulent éviter de s’aliéner les anciens combattants d’Afrique du Nord et les rapatriés. Exercice de funambule ou quête d’une « juste mémoire57 », c’est à un véritable défi qu’ils sont confrontés.
27Les communistes stigmatisent avec virulence le gouvernement Mollet et le rôle des socialistes pendant la guerre d’Algérie. Leur manuel, Histoire du Parti communiste français de 1964, régulièrement réédité depuis, ainsi que les pages de L’Humanité et le film Votre avenir a 50 ans que le parti a consacré à son 50e anniversaire, en décembre 1970, sont féroces58. La charge va même au-delà, puisque « la SFIO, sans tirer aucune leçon de la faillite et de la trahison de 1914 » aurait toujours été « dans une tradition colonialiste59 ». Dans cette période où négociations, renégociations et rupture du programme commun compliquent les relations avec le PCF, le passé redevient une arme dans la lutte fratricide comme au temps de la IVe République. Le PS doit d’autant plus prendre ses distances avec « le national-molletisme » que plus personne ou presque ne veut le défendre face aux jeunes générations, pas même Guy Mollet. Le 18 octobre 1973, interrogé par Jacques Chancel, ne reconnaît-il pas : « Si j’avais eu vingt ans en 1956, je n’aurais pas été d’accord avec Guy Mollet, il n’y a pas de doute60 » ? Outre les dissidents de la SFIO qui l’ont quittée pour fonder le PSA, de nombreux militants plus jeunes, voire de futurs ténors, sont entrés en politique à l’occasion des combats contre la guerre d’Algérie. Toute une génération d’élus bretons qui émerge entre 1973 et 1981 s’est ainsi formée dans les combats anticolonialistes d’étudiants, tels Charles Josselin, président de l’Association générale des étudiants rennais entre 1957 et 1959, Louis le Pensec, Charles Gautier ou Yannick Guin61. Ces responsables font de leur hostilité à la guerre d’Algérie le principal moteur de leur politisation, tel Jean-Pierre Chevènement qui, dès 1974, écrit que c’est elle qui a cristallisé son engagement politique62. Or, si les chevènementistes avec Volonté socialiste et les Cahiers du CERES, ainsi que les rocardiens avec Faire – à l’unisson du Tribune socialiste de leurs anciens camarades du PSU, critiquent avec toujours autant de virulence le passé colonial de la SFIO, les mitterrandistes préfèrent le trou de mémoire.
28En 1972, le secrétaire national à la formation, Pierre Joxe, confie la rédaction d’une Histoire du mouvement socialiste à Colette Audry, militante anticolonialiste, passée par la Gauche révolutionnaire puis la Nouvelle Gauche et proche de Jean Poperen63. Elle y entreprend une lecture rédemptrice du passé qui lui permet de reconstruire une histoire où seule la figure mitterrandienne est mythifiée au détriment de Guy Mollet64. La décolonisation y est évoquée de façon lapidaire : la SFIO « cautionne la politique menée en Indochine d’abord, en Algérie plus tard » ; et « l’absence de l’union de la gauche » y favorise « le renversement de la IVe République par le Général de Gaulle » en 195865. Dans la frise chronologique de décembre 1972, si « Mollet » est nommé avec « Auriol, Blum, Ramadier », son gouvernement disparaît et la guerre d’Algérie est enjambée, ce qui permet d’écrire : « 1958-1965 Les socialistes défendent la République contre l’OAS » sans aucune allusion au rôle de la SFIO et encore moins à celui de François Mitterrand66. Rendant compte de La SFIO et l’exercice du pouvoir 1944-1958 de Roger Quilliot, L’Unité considère que l’ouvrage rappelle « un certain nombre d’événements que leurs protagonistes préféreraient sans doute voir définitivement oubliés67 ». La même année, Pierre Joxe est tout aussi elliptique dans son Parti socialiste :
« Les mesures sociales du gouvernement [Mollet] sont spectaculaires mais laissent entières les difficultés d’une situation économique qui se dégrade et qu’aggravent les dépenses de la guerre d’Algérie. Avec cette guerre, enfin, on assiste peu à peu à l’impuissance des pouvoirs publics. C’est le 13 mai 195868. »
29À partir de 1975, Le guide du nouvel adhérent reproduit le récit à l’identique à chaque édition, ainsi que Le Parti socialiste de Gérard Le Gall en 197769. Plus étoffé, Les chemins de l’unité. Déclin et renouveau du socialisme français depuis la Libération de Michel Berson, Gérard Delfau et de l’historien Pascal Ory, est aussi plus sévère, n’hésitant pas à dénoncer « une suite continue de démissions du pouvoir républicain » sous le gouvernement Mollet et à considérer le ralliement à de Gaulle, en mai 1958, comme la preuve même de sa décadence70. À la mort de Guy Mollet, le 3 octobre 1975, Robert Verdier, qui l’a tant combattu entre 1946 et 1958, lui rend hommage au nom du comité directeur en ces termes : « L’œuvre de l’homme politique, avec ses ombres et ses lumières, insérée dans son contexte, les historiens plus tard, en débattront et la jugeront71. » Renvoyer sa politique au tribunal de l’Histoire, permet de conserver son estime à l’homme et au militant72. La bande dessinée de Paul Gillon illustre cette synthèse en qualifiant la guerre d’Algérie de « drame poignant » pour les socialistes, en soulignant « deux initiatives importantes » du gouvernement Mollet – le marché commun et la loi-cadre Defferre – et en concluant : « Si son action politique a été jugée sévèrement, son attachement à la SFIO n’a jamais été contesté73. »
30Les anciens de la SFIO tentent, en effet, de construire une contre-mémoire. De 1949 à 1979, Gilbert Nowina anime l’Amicale des Anciens du PS-SFIO, qui constitue une butte témoin de la mémoire SFIO, laquelle refuse de s’éroder complètement. Les Anciens n’adoptent pas, par exemple, « la rose au poing » et lui préfèrent le poing dressé devant le soleil levant. L’Amicale fête les anniversaires de ses membres éminents74, commémore ceux des disparus, y compris au Panthéon pour Jaurès ou à Jouy-en-Josas pour Blum, milite pour baptiser des rues du nom de grandes figures socialistes et publie un périodique, Le Vétéran socialiste. Depuis le milieu des années soixante, l’Association s’essouffle, en dépit des efforts de son président, Gilbert Nowina, né en 1892. Elle n’en pousse pas moins quelques « coups de gueule » remarqués après juin 197175, parce qu’elle regrette l’abandon de l’étiquette « SFIO », qu’elle se méfie de la direction mitterrandiste, et qu’elle est très hostile au Programme commun.
31En outre, en juin 1969, Guy Mollet lui-même a créé l’Office universitaire de recherche socialiste (OURS). Association régie par la loi 1901, elle se veut indépendante, affiche une « optique socialiste et une démarche humaniste et laïque » et se fixe comme objectif « la recherche, l’étude, l’information, la publication, l’édition, la diffusion, de tout ce qui concerne les problèmes de l’homme et de sa société, notamment aux points de vue politique, social, économique, culturel et historique76 ». Animé par des molletistes fidèles, tels que Claude Fuzier, Ernest Cazelle et Denis Cépède, l’OURS est alors soutenu par environ 3 500 abonnés à ses publications77. Lorsqu’en octobre 1971, le parti d’Épinay soumet le renouvellement du contrat d’association qui le lie à l’OURS à des conditions de contrôle politique, l’OURS entre, sinon en dissidence, du moins en résistance78. Ses collaborateurs sont férus d’archives, qu’ils entreprennent d’inventorier, et d’histoire qu’ils écrivent à la manière des positivistes. À partir de 1972, sous la direction de Pierre Rimbert et Denis Cépède, les Cahier et Revue de l’OURS retracent l’histoire du parti mais, au lendemain de la victoire de mai 1981, ils abordent juste l’année 193979. La contre-offensive dans cette période vise donc essentiellement la version très critique de la politique de non-intervention en Espagne de Blum présentée par Colette Audry dans sa brochure de 1972. Jules Moch, furieux, tente de mobiliser les Vétérans et tous les militants contre ce qu’il considère une falsification de l’histoire mais, fidèle avant tout à la mémoire de Blum, il en oublie de défendre le gouvernement Mollet80. La brochure est retirée. Guy Bordes, un jeune militant qui a rejoint l’OURS dès sa fondation, accuse de partialité la brochure Les chemins de l’unité, précédemment évoquée, et appelle à plus de nuances pour écrire l’histoire de la SFIO81. Rien, toutefois, ne peut empêcher l’effacement du molletisme et, au-delà, du guesdisme, dans la tradition recomposée depuis Épinay. L’ancien molletiste Jacques Fleury explique bien plus tard :
« Les compagnons de Guy Mollet se sont tus. Les plus anciens se sont retirés sur la pointe des pieds. Les plus jeunes ont, plus ou moins discrètement, rejoint le camp des vainqueurs [d’Épinay]. […] Ils ont jeté un voile sur leurs souvenirs, ne voulant pas s’encombrer de regrets, d’amertumes82. »
32Parfois, cependant, le refoulé refait surface en dehors des outils de formation. L’Irlande est désormais qualifiée d’Algérie anglaise. L’analogie permet certes de relativiser la responsabilité de la France, mais la photographie à la une de L’Unité en février 1972 est aussi un aveu de mauvaise conscience : en faisant le point sur le cortège funéraire à l’arrière, elle transforme le soldat armé, en ombre chinoise au premier plan, en une sorte d’allégorie de la répression coloniale quelle qu’elle soit (fig. 53). Face aux indépendantistes et au terrorisme, les Britanniques ne font guère mieux que les Français en leur temps, lesquels ne peuvent donc tout à fait oublier la guerre d’Algérie. À terme, toutefois, la comparaison est défavorable aux Britanniques et l’intransigeance de Margaret Thatcher face à la grève de la faim de Bobby Sands heurte les consciences en mai 198183.
Fig. 53. – Photographie « L’Irlande : Algérie anglaise » (L’Unité, no 2, 4 février 1972).

33L’inconvénient d’oblitérer la guerre d’Algérie, en outre, c’est de passer sous silence l’engagement anticolonialiste des socialistes issus de la Nouvelle Gauche. C’est pourquoi un devoir de mémoire semble nécessaire face à l’amnésie collective qui engloutit « une guerre si oubliée, déplore Claude Fuzier, que, lorsque j’ai demandé à une vingtaine de personnes, dont une moitié de rapatriés, ce qui s’était passé le 18 mars 1962, aucune n’a été capable de me répondre84 ». Ce devoir de mémoire permet de désigner une nouvelle génération de martyrs et de doter la gauche d’un nouveau calendrier commémoratif. Lors du dixième anniversaire de la répression du 8 février 1962 au métro Charonne, Jean-Pierre Coureuil représente un policier soufflant sur neuf bougies à forme humaine, alors que Claude Fuzier, en racontant « l’histoire d’un crime », accuse le gouvernement Debré de collusion avec l’OAS et exalte la manifestation républicaine du 12 février comme un modèle à suivre85. Quelques semaines plus tard, pour les dix ans des accords d’Évian, le même Fuzier explique comment les partisans de l’Algérie française ont ramené de Gaulle au pouvoir en mai 1958 – omettant d’évoquer le rôle de Guy Mollet et d’autres socialistes – et comment, déçus dans leurs espoirs, ils ont tenté un putsch et créé l’OAS. C’est l’occasion pour lui de rendre hommage au maire SFIO d’Évian, Camille Blanc, assassiné le 31 mars 1961 pour avoir proposé d’accueillir dans sa ville les pourparlers qui devaient aboutir aux accords86. Vingt ans après la Toussaint rouge, Claude Estier présente l’indépendance de l’Algérie comme « l’aboutissement inéluctable de ce qui s’était passé le 1er novembre 1954 », alors que les avertissements n’avaient pas manqué de la part des socialistes anticolonialistes, rappelle-t-il87.
34Enfin, à l’instar du Nouvel Observateur ou de L’Express, L’Unité publie même les bonnes feuilles de La torture dans la République de Pierre Vidal-Naquet et, à cette occasion, dénonce « l’aveuglement, le misérable machiavélisme, ou la lâcheté de bien des gouvernements ou institutions de la République » qui l’ont permise et « l’amnésie délibérée » de « l’opinion publique88 ». Le film Avoir vingt-ans dans les Aurès de René Vautier, proche du FLN, de même que les volumes de La Guerre d’Algérie du grand reporter Yves Courrière, sont recensés et loués comme des œuvres salutaires contre l’oubli89. Guy Perrimond, journaliste passé du PCF au PS, se félicite aussi de la condamnation du général Massu, « le général Gégène », pour avoir diffamé Paul Teitgen, ancien secrétaire général de la préfecture d’Alger90.
35Dans cette perspective, il s’agit de ne pas oublier les anciens combattants d’Afrique du Nord, considérés, avec les rapatriés d’Algérie, comme des victimes de cette « sale guerre ». La presse socialiste ne manque jamais de les tenir informés des démarches entreprises au Parlement pour défendre leurs intérêts.
36Depuis un premier dépôt de loi le 29 juin 1967, le groupe socialiste tente en vain de faire reconnaître leur qualité de combattants militaires, et ses interventions à ce sujet sont fréquentes91. La presse fédérale relaye l’activité de leurs associations, en particulier la FNACA92. La bataille du 19 mars, pour en faire le jour du souvenir de la fin de la guerre, se poursuit. Si des municipalités socialistes comme Arras (Guy Mollet), Clermont-Ferrand (Roger Quilliot), Évreux (Augustin Azémia), ou encore Quimper (Léon Goraguer) ont leur rue du « 19 mars », à Toulouse, les socialistes en font un sujet de querelle avec Pierre Baudis93. À Nantes, le conseiller municipal socialiste Alain Chénard en fait lui aussi son cheval de bataille contre le maire, André Morice, l’un des fondateurs de l’Union pour le renouveau et le salut de l’Algérie française en 1956. Alors que la gauche a proposé la dénomination d’une « rue du 19 mars 1962 », la majorité municipale refuse en mai 1976, arguant que les plaies ne sont pas cicatrisées et que ce serait « inopportun ». Chénard proteste en ces termes :
« Je sais que le 8 mai, que le 11 novembre ont des résonances de victoire que n’a pas cette date. Mais qu’est-ce qu’une victoire dans ce genre de conflit ? Souvent une victoire à la Pyrrhus, malheureusement. La réalité de tout conflit, y compris celui de l’Algérie, c’est que c’est un drame pour tous. […] Beaucoup sont morts, beaucoup trop ! Mourir pour une victoire, mourir pour une défaite, c’est malheureusement toujours mourir. Ce qui compte, c’est de voir la fin de tout drame, c’est la volonté de tous ceux qui ont vécu ce drame, ce désir de beaucoup parmi ceux qui sont allés là-bas de voir cette fin reconnue par la ville de Nantes94. »
37Chénard renoue là avec la traditionnelle dénonciation pacifiste de l’absurdité de toute guerre puisque, en filigrane, opter pour le 19 mars signifie que ces soldats sont morts pour rien. Peut-être est-il déjà en campagne pour emporter la mairie à la tête d’une liste d’union de la gauche, ce qu’il fait, de justesse, en mars 1977 ? Quoi qu’il en soit, à peine élue, sa municipalité décide de commémorer la fin de la guerre d’Algérie avec un « square du 19 mars 196295 ». Ainsi, comme aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, les socialistes savent cultiver un devoir de mémoire propre aux anciens combattants, tissent des liens avec la FNACA et participent à leurs activités sur le terrain.
38Le parti socialiste ne veut pas non plus s’aliéner les pieds-noirs qui peuvent peser lourd dans l’électorat, notamment dans les Midi qui les accueillent. La sortie du film d’Alexandre Arcady, Le coup de sirocco, où le beau-frère de François Mitterrand, Roger Hanin, tient le premier rôle, est l’occasion de rendre hommage à leur capacité d’adaptation, tout en reconnaissant qu’ils souffrent du mal du pays96. Dans le Toulousain, comme en Provence, leur sort ne peut être oublié97. Les socialistes ont à cœur d’informer les rapatriés de leurs démarches pour défendre leurs intérêts, comme lorsque le groupe socialiste, avec Gaston Defferre (Bouches-du-Rhône), Francis Vals (l’Aude), Jean Dardé (Haute-Garonne), Paul Vignaux (Gers) et Georges Spénale (Tarn), dépose un projet de loi pour que « les Français spoliés en Afrique du Nord » soient mieux indemnisés qu’avec la loi du 15 juillet 197098. En 1978, le député de Haute-Garonne, Alain Savary monte encore au créneau pour dénoncer une indemnisation en « peau de chagrin99 ».
39Lorsqu’il s’agit de l’amnistie, c’est toutefois plus compliqué. Jusqu’à celle de 1968, on a vu que le parti avait laissé les députés méditerranéens monter au créneau100. Après l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, la loi d’amnistie du 16 juillet 1974 accorde une réparation symbolique aux militaires amnistiés de 1968 en leur restituant leurs décorations, mais les tentatives de Jacques Soustelle pour permettre la réintégration des derniers membres de l’OAS dans les ordres civils et militaires échouent. Alors que la droite, en la personne de l’UDR Pierre Guillain de Bénouville101, juge le projet trop réservé pour permettre une véritable réconciliation, le groupe socialiste se signale alors par sa discrétion qui tranche avec les débats des années soixante. Pas un seul de ses membres n’intervient à propos de la question de l’amnistie sur les faits survenus pendant la guerre d’Algérie, se réservant, semble-t-il, pour défendre le cas des travailleurs immigrés ou des étudiants dans la suite de la discussion. Seul le Corse Jean Zuccarelli, MRG, appelle à effacer « la tare de la condamnation » et « sa flétrissure ». Les socialistes laissent donc le devant de la scène au communiste Lucien Villa qui, en « patriote », refuse la réintégration des anciens de l’OAS en juin 1974102. Comparé à leur attitude lors des précédents débats sur l’amnistie, il est évident que, depuis le congrès d’Épinay, les députés socialistes éprouvent désormais des difficultés à concilier la condamnation officielle du « national-molletisme » avec la prise en compte de « la nostalgérie », quel que soit son poids politique dans certains territoires. C’est donc sur le terrain local qu’ils doivent faire des gestes en faveur des rapatriés, comme le député-maire de Marseille. Gaston Defferre organise, chaque année à partir de 1976, un voyage en Algérie, intitulé « Opération souvenir » pour ceux qui ont le mal du pays103 et, à partir de février 1981, une Semaine de l’amitié Alger-Marseille104.
40Du point de vue de la direction mitterrandiste, focaliser la mauvaise conscience sur « le national-molletisme » a l’avantage de laisser dans l’ombre l’ancien ministre de l’Intérieur de Mendès France et de la Justice de Mollet, François Mitterrand lui-même. Dans les municipalités et fédérations, moderato, la mémoire de la guerre d’Algérie semble trouver un point d’équilibre : le conflit a affecté l’unité du mouvement, mais il a aussi créé les conditions de son renouveau105 ; il a permis aux socialistes de dépasser leur vision colonialiste, mais il a entraîné des souffrances chez les pieds-noirs qui doivent être respectées. Cet art du compromis mémoriel tranche avec le manichéisme intransigeant de l’après Seconde Guerre mondiale et révèle une capacité à humer l’air du temps qui contribue à l’attractivité de leur parti.
Mémoire des années sombres : ne plus être à contretemps
41Pour conquérir le pouvoir, la direction mitterrandiste construit un roman socialiste avec ses mythes mobilisateurs et ses zones d’ombre pour l’enchâsser dans le roman national. Les socialistes sont en phase avec ces années soixante-dix où le souvenir de la collaboration refait surface avec des livres, des films et des affaires dont les médias se font l’écho et dénoncent le mythe vichyste du « bouclier et de l’épée106 ». Le très mouvementé Dossier de l’écran sur Pétain du 25 mai 1976 révèle au grand public l’étendue de la fracture mémorielle dans le pays107. Désormais, les socialistes ne pâtissent plus de ce que nous avons appelé « le syndrome d’Andromaque » mais se posent en précurseurs de la vérité historique sur l’Occupation. Ils ne sont plus en reste par rapport aux gaullistes et peuvent même dénoncer « le néo-vichysme » d’un Pompidou puis d’un Giscard d’Estaing en menant la bataille du 8 mai contre ce dernier, ce qui conforte leur implantation dans le milieu des anciens combattants. Et face à la recrudescence des actes antisémites, ils plaident pour un nouveau devoir de mémoire.
42Au lendemain même d’Épinay, les nouvelles brochures de formation reproduisent le manichéisme de la Libération entre munichois – futurs collaborateurs – et partisans de la fermeté – futurs résistants. D’une part, elles perpétuent le déficit d’image de la résistance socialiste constaté depuis la Libération, en diluant celle-ci dans la Résistance intérieure. D’autre part, elles prolongent la damnatio memoriae pour ceux qui ont failli.
43En décembre 1972, la frise chronologique du Poing et la Rose ne nomme pas Paul Faure, incarne la résistance socialiste avec une médaille à l’effigie de Pierre Brossolette, figure nationalisée depuis longtemps, et mentionne Libé-Nord, Combat, les MUR, mais ni le CAS ni Daniel Mayer108. La même année, la brochure rédigée par Colette Audry ne cite pas un seul résistant socialiste, évoque le tournant du 22 juin 1941 qui permet « un nouveau rapprochement entre socialistes et communistes associés dans la lutte clandestine contre les nazis » et ne nomme pas « leurs mouvements de résistance respectifs109 ». Si les Vétérans critiquent avec force d’autres passages, nul doute qu’ils sont choqués de sombrer ainsi dans l’oubli, et – on l’a vu, la brochure est retirée110. En 1973, Pierre Joxe est plus élogieux mais guère plus précis : « Le parti reprend son action après la défaite militaire pour jouer un rôle décisif dans la Résistance et devenir, lors de la Libération, une des principales forces politiques du pays », écrit-il, laconique111.
44Avec les Assises du socialisme en 1974, d’autres résistants reviennent au bercail. Aussi, la nouvelle brochure, rédigée par Maurice Benassayag et Marc Véron sous la houlette de Lionel Jospin, raconte-t-elle « la honte de Munich », le divorce entre les paul-fauristes pacifistes et les blumistes aux congrès de décembre 1938, puis de mai 1939, et le « non » des « 36 socialistes » le 10 juillet 1940, qui constitue « le premier ferment de la résistance », comme aux lendemains de la Libération. Dans ses mémoires publiés en 1976, Jules Moch ne dit pas autre chose112. Un chapitre entier de la nouvelle brochure est consacré aux « socialistes dans la Résistance », sorte de condensé de l’ouvrage de Daniel Mayer publié quelques années plus tôt et s’achève, comme lui, sur le sacrifice de milliers de socialistes113. À partir de 1975, bien que succinct, Le guide du nouvel adhérent est donc plus équilibré que la brochure de 1972 : Léon Blum et Daniel Mayer impulsent la reconstitution du parti clandestin, ainsi que la lutte des socialistes contre l’occupant et le régime de Vichy ; « la SFIO est partie prenante à toutes les organisations clandestines qui vont structurer la lutte contre l’occupant nazi » ; le rôle des uns et des autres au CNR et à Alger est évoqué114.
Fig. 54. – La résistance socialiste, Histoire du socialisme en France, 1977.

45En 1977, L’Histoire du socialisme en France en bande dessinée s’excuse de ne pouvoir citer tous les socialistes résistants et choisit « quatre membres du bureau clandestin toujours responsables en 1977 du PS : Gaston Defferre, Gérard Jaquet, Augustin Laurent et Robert Verdier ». Les vignettes mettent en avant les trois figures désormais habituelles : Brossolette, Mayer et Blum (fig. 54). Là où cet album va encore plus loin que toutes les Histoires qui l’ont précédée, c’est dans le traitement de l’ancien secrétaire général de la SFIO de 1920 à 1940. Paul Faure disparaît du Congrès de Tours de décembre 1920, où il devint secrétaire général, et du gouvernement de Front populaire, où il était pourtant ministre d’État. La photographie officielle du gouvernement, où il était au centre et au premier rang, est recadrée autour de Blum, selon un procédé qui n’est pas sans rappeler les photographies truquées de l’URSS stalinienne (fig. 55). À terme, la damnatio memoriae est si efficace qu’elle en devient inutile. En 1980, une belle photographie et sa légende « Les reconstructeurs de la “vieille maison” : Léon Blum avec Bracke, Grumbach, Renaudel, Faure… », où l’ancien tribun, banni des mémoires depuis trente-cinq ans, est non seulement conservé sur l’image mais nommé dans le texte, en sont le signe115. L’auteur de l’article, Gérard Le Gall, est alors trentenaire et n’y prête même pas garde. Faute de savoir qui est Paul Faure, qui se souvient désormais de lui ? Dans une brochure de formation de la fédération du Nord en 1981, le nom de celui qui fut le secrétaire général durant tout l’entre-deux-guerres est orthographié « Paul Fort116 ».
Fig. 55. – Paul Faure escamoté. Photographie officielle du premier gouvernement Blum (Keystone, 1936) et Histoire du socialisme en France (1977).

46Moins normative que les brochures de formation, la presse organique contribue à faire évoluer la mémoire socialiste de la Seconde Guerre mondiale en transmettant ses accès de fièvre mémorielle aux militants. Elle les informe des affaires qui défrayent la chronique et leur diffuse « la mode rétro » par ses chroniques littéraires et cinématographiques. En cela, elle ne cède en rien aux communistes et à l’extrême gauche qui sont, eux aussi, très réactifs. Ainsi, l’onde de choc provoquée par la censure à l’ORTF du Chagrin et la pitié (1969), chronique de Clermont-Ferrand sous l’Occupation de Marcel Ophüls, est entretenue tout au long de la décennie par d’autres résurgences qui seraient la preuve, selon la presse socialiste, que la droite souhaite occulter un passé qui la compromet117.
47L’affaire Touvier, tout d’abord, est une occasion de choix pour dénoncer le droit à l’oubli qu’a revendiqué le président Pompidou lorsqu’il a accordé sa grâce au milicien en novembre 1971 avec cet argument : « Le moment n’est-il pas venu de jeter le voile… ? » Des organisations de résistants et la Ligue contre l’antisémitisme (LICA) se mobilisent, soutenues par la gauche. Durant l’hiver 1972 et le printemps 1973, le PS n’est pas en reste au nom du devoir de mémoire et de la loi sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité que son groupe parlementaire a votée en décembre 1964. « L’Histoire est purement et simplement gommée », s’indigne Nicolas Brimo, quand Sabadel dénonce un président qui se détourne pour ne pas voir Touvier, stigmatisé par son imperméable de tortionnaire, montré du doigt par plusieurs squelettes (fig. 56)118. De sorte que la publication de La France de Vichy par l’historien américain Robert O. Paxton en janvier 1973 est vécue comme une salutaire rupture dans un monde de l’édition qui privilégierait « les plaidoyers pro domo des collaborateurs de tout poil et les mauvais livres français » : enfin, le mythe du bouclier serait renversé. Il est démontré que les Vichystes ont été « pleinement responsables de l’Histoire », et en particulier, du génocide des juifs de France119. Un mois plus tard, la trilogie d’André Harris et Alain Sédouy, Français si vous saviez suscite la même interprétation : les Français refusent de regarder en face leur passé sous l’Occupation. Serge Richard craint que ce film, comme son prédécesseur Le chagrin et la pitié co-réalisé par le même Harris, n’attire surtout en salle que les jeunes générations :
« Français si vous saviez verra-t-il se renouveler cette tentation de la volonté d’oubli ; de l’amnésie commode, de la “mémoire courte” élevée à la hauteur d’une institution ? […] Lorsque c’est un miroir qu’on vous tend ? Regardons-y, dans ce miroir, même si ce n’est pas une image très séduisante qu’il y a au fond. »
48Car comment se satisfaire de l’histoire enseignée dans les manuels scolaires puisqu’elle tendrait systématiquement à démontrer que les fractures successives du pays ne peuvent empêcher « une profonde unité nationale120 » ? Cette vision irénique va à l’encontre de celle d’une guerre contre le fascisme qui n’en finit pas et qui prévaut toujours chez les socialistes. Le second volet du documentaire d’Harris et Sédouy sur les lendemains de la Libération est ainsi apprécié parce qu’il dénonce « le rendez-vous manqué avec l’Histoire » de la génération issue de la Résistance, thèse développée par François Mitterrand dans Ma part de vérité en 1969121. De même, en février 1974, Lacombe Lucien de Louis Malle, sur un scénario de Patrick Modiano, qui raconte l’itinéraire d’un gestapiste français, est salué parce qu’il est « au rebours des manichéismes, au rebours de l’imagerie d’Épinal (99 % de résistants), au rebours de l’étonnante amnésie collective » dont souffrirait le pays122.
Fig. 56. – Pompidou et les dossiers Touvier, Sabadel (L’Unité, no 42, 14 décembre 1972).

49Le président Pompidou est certes une cible facile puisqu’il n’a pas participé à « l’aventure minoritaire » que fut la Résistance et semble n’être qu’un pâle successeur de l’homme du 18 juin123. Cependant, cette « mémoire courte » serait aussi le symptôme du néo-vichysme, voire du « pétainisme », du président et du second gouvernement Messmer selon Claude Estier en mai 1973124. Si le compagnon de la Libération Jacques Chaban-Delmas a échappé à cet usage purement politique du passé, le commandant en chef des FFI Pierre Messmer n’est donc pas épargné125. Amorcée à la fin du septennat de Pompidou, cette stigmatisation de la droite est attisée par la campagne présidentielle au printemps 1974 et se poursuit, systématique, sous celui de Giscard d’Estaing, au coude à coude avec L’Humanité126. À l’automne 1974, le tournage de Section Spéciale par Costa-Gavras, sur un scénario de Jorge Semprun, à Vichy même, est l’occasion pour Jean-Paul Liégeois d’observer, sur le terrain, « les vieux clivages » entre pétainistes et résistants qui ont fait la course à la figuration. Ayant interrogé les uns – Madame D. de la bonne société vichyssoise – et les autres – Jacques Guillaumin responsable de l’ANACR – Liégeois en conclut :
« À Vichy comme ailleurs, les pétainistes ont rejoint Giscard et les résistants se situent délibérément à gauche. Les partisans du Maréchal sont sans chagrin. “J’espère qu’ils savent que nous sommes sans pitié”, m’a dit un ancien maquisard127. »
50En 1979, l’affaire Radio-Riposte est l’occasion de montrer que le gouvernement trahit le gaullisme historique et ses valeurs. Le 28 juin, la fédération de Paris diffuse un programme, dont l’intervenant n’est autre que François Mitterrand, sur la bande FM, depuis les combles de la Cité Malesherbes. Elle commet ainsi une infraction au monopole d’État de la radiodiffusion en vigueur depuis la Libération. L’émission est brouillée ; la police intervient en flagrant-délit ; et A2 donne un écho considérable à l’affaire. Deux mois plus tard, François Mitterrand, Laurent Fabius et quelques autres seront inculpés128. Barrigue dessine un militant en train de se faire tabasser par la police, alors que résonne le jingle de l’émission de la BBC « Les Français parlent aux Français » sous l’Occupation, et qui s’écrie « Les Français essaient de parler aux Français » (fig. 57). Un an plus tard, pour l’anniversaire du 18 juin, Bellenger représente de Gaulle commençant la lecture de son célèbre appel, interrompu par un CRS hargneux qui l’assomme (fig. 58).
Fig. 57. – « Les Français essaient de parler aux Français », Barrigue (L’Unité, no 347, 6-12 juillet 1979).

51Comme aux lendemains de la Libération, par conséquent, élus et militants veulent exalter le souvenir de la Résistance, de ses héros et de ses martyrs tant dans leur presse que sur le terrain. À Roubaix, Jean Lebas demeure la figure tutélaire de la communauté, comme en témoigne cette photographie de la traditionnelle « ducasse à pierrots » dans la salle Watremez, sous son immense portrait (fig. 59). À Lille, la municipalité de Pierre Mauroy décide qu’à l’occasion du 30e anniversaire de la Libération, on nommera « rue du Train de Loos » une allée au pied de la citadelle en souvenir des 1 100 déportés du 1er septembre 1944, et « rue des déportés » celle menant à la Noble Tour qui abrite le musée de la Résistance et de la Déportation, lequel devient un Mémorial129. En Loire atlantique, en dépit d’années de brouille, la fédération PS appelle à participer à toutes les cérémonies commémorant la Résistance avec les communistes, y compris celle de Châteaubriant qu’ils avaient pourtant fini par boycotter, en octobre 1974130. Dans les Deux-Sèvres, le socialiste Robert Proust, président de la fédération des Combattants volontaires de la Résistance, ne manque jamais de rendre un hommage appuyé à tous ses camarades morts au combat ou en déportation lors de leurs funérailles, tels Raoul Auzanneau, ancien de Libération-Nord, ou « Mme Marsteau », institutrice de Saint-Eanne qui cacha nombre de résistants131. Dans le Limousin, les militants se réunissent pour regarder ensemble à la télévision un Dossier de l’écran consacré aux expérimentations « médicales » sur les juifs à Auschwitz-Birkenau à l’automne 1976132.
Fig. 58. – Bellenger, « Ici Londres… » (L’Unité, no 387, 13-19 juin 1980).

Fig. 59. – La mémoire de Jean Lebas au PS à Roubaix (Nord-Demain, décembre 1971).

52Au cours de cette décennie, par conséquent, le devoir de mémoire, quelles que soient sa forme et son échelle, retrouve une place primordiale dans les pratiques partisanes du PS qui entend le transmettre aux nouvelles générations. À partir de 1976, la bataille du 8 mai donne une plus grande visibilité à cet engagement et permet aux socialistes d’être à l’unisson d’un monde ancien combattant encore très influent puisqu’il pèse près de 4 millions de voix133.
53Le 9 mai 1975, en annonçant au Conseil européen que le gouvernement français ne commémorerait plus le 8 mai au nom de la réconciliation franco-allemande, le président Giscard d’Estaing offre à la gauche une belle opportunité de réaffirmer son attachement à la Résistance. Au même moment, François Mitterrand est reçu avec une délégation du PS par le PCUS à Moscou et participe aux commémorations soviétiques de la victoire. Claude Estier est impressionné par « cette obsession de la guerre souvent mal comprise chez nous » et regrette que le 8 mai ne suscite pas la même ferveur en France134. Or, même si un sondage de la SOFRES montre qu’à cette date seuls 48 % des Français sont contre cette décision quand 43 % y sont favorables135, la gauche entend bien prendre le contre-pied de la politique mémorielle présidentielle.
54Depuis un décret de janvier 1968, une célébration annuelle était à nouveau prévue le 8 mai, mais en fin de journée afin de ne pas augmenter le nombre de jours fériés, « à la sauvette » se plaignent les anciens combattants. À plusieurs reprises depuis 1973, des députés gaullistes, communistes et républicains indépendants ont déposé des projets de loi pour que le 8 mai redevienne une fête nationale fériée comme entre 1953 et 1959. La mesure figure dans le programme commun réactualisé. Alors que les anciens combattants ont déjà maille à partir avec leur ministre André Bord, la décision du président Giscard d’Estaing est vécue comme une provocation. Le 20 mai 1975, le PS Gilbert Faure, puis le 5 juin, le PCF Virgile Barel, remontent au créneau au Palais-Bourbon, en vain136. En octobre, au congrès national des ACPG, à Saint-Maixent, François Mitterrand redit haut et fort l’attachement du PS au 8 mai137. En 1976, l’UFAC demande aux anciens combattants de se mobiliser, aux mairies de pavoiser, et au gouvernement de rétablir le jour férié. Dans la soirée du 8 mai, Georges Marchais et Gaston Plissonnier conduisent une délégation du PCF, avec Marcel Paul et la veuve de Gabriel Péri, au Mont-Valérien, mais seul L’Humanité s’en fait l’écho138. C’est, en effet, le sursaut des municipalités, non seulement de gauche mais aussi gaullistes – comme Périgueux avec Yves Guéna – qui frappe le plus les médias.
55Les élus municipaux socialistes s’emparent du 8 mai à des fins politiques mais, par là même, contribuent à redonner de l’éclat à cette célébration qui avait été progressivement délaissée au profit du 11 novembre. À Marseille, dès l’annonce du chef de l’État, l’émoi est considérable au conseil municipal. Les communistes dénoncent « l’offense à toutes les forces de la Résistance, une offense aux peuples d’Europe […], aux dizaines de millions de victimes, aux combattants… » et proposent un vœu de protestation cinglant auquel s’associe le groupe socialiste. Le maire, Gaston Defferre, obtient l’abstention de la droite en modérant le propos et en décidant que la municipalité organiserait elle-même, désormais, la commémoration139. Le 8 mai 1976, il organise un vaste rassemblement sur la place Charles de Gaulle avec « toutes les associations de patriotes, de combattants, de déportés, le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix, et des représentants des Alliés », puis il conduit le cortège jusqu’au monument des Mobiles où il dévoile une plaque qualifiant le 8 mai 1945 de « date historique » pour « la victoire de la civilisation sur la barbarie nazie » (fig. 60). Lorsque les socialistes sont dans l’opposition, ils participent à des manifestations unitaires qui scandent « 8 mai fête nationale ! » devant l’hôtel de ville, comme à Lyon chez Louis Pradel ou à Nice chez Jacques Médecin140.
Fig. 60. – « Le 8 mai commémoré quand même… » (Le Provençal, 9 mai 1976).

56En mars 1977, la victoire des listes d’union de la gauche aux municipales donne une impulsion nouvelle pour réinvestir le 8 mai de toute sa charge symbolique. Les socialistes gèrent désormais 81 communes de plus de 30 000 habitants, au lieu de 46 auparavant. À Marseille, Gaston Defferre ne se contente plus de la traditionnelle prise d’armes au fort Saint-Nicolas mais préside une « fastueuse cérémonie à l’hôtel de Police ». Il accorde la gratuité des transports municipaux à tous les anciens combattants de plus de 65 ans et leur promet une Maison du combattant141. À Nantes, la nouvelle municipalité PS d’Alain Chénard, élue grâce à l’union de la gauche, annonce que le 8 mai sera chômé pour le personnel municipal en 1978. Le nouveau maire PS de Rennes, Edmond Hervé, fait de même142. À Toulouse, bien que dans l’opposition, la fédération PS appelle à célébrer le 8 mai « avec éclat » au côté des anciens combattants143.
57En septembre 1977, l’union de la gauche est officiellement rompue mais la commémoration du 8 mai reste un cheval de bataille pour les élus de gauche. En octobre, à l’Assemblée nationale, socialistes et communistes réclament à tour de rôle l’alignement du 8 mai sur le 11 novembre, au nom de la nécessaire transmission aux jeunes générations144. Le 8 mai 1978, à Nantes, Alain Chénard prend la tête du cortège qui dépose une gerbe au Monument aux 50 otages puis aux Tables mémoriales. La veuve d’Alexandre Fourny, l’ancien adjoint au maire SFIO fusillé le 22 octobre 1941, est certes à l’honneur, mais les communistes sont là. À Saint-Herblain, Jean-Marc Ayrault, lui aussi, accorde « une journée fériée et payée » au personnel municipal145. À Limoges, comme l’année précédente, le sénateur-maire PS Louis Longequeue est accompagné de la députée communiste Ellen Constans et ils associent « les trois générations du feu », représentées par l’UFAC et la FNACA, à la cérémonie146. Le congrès départemental de l’ACPG-CATM (Ancien combattants et prisonniers de guerre-combattants Algérie, Tunisie et Maroc) de la Haute-Vienne, auquel ils ont assisté la veille, vient encore de réclamer le rétablissement d’une fête nationale le 8 mai147. Il en est de même en Haute-Garonne où l’organe de la fédération PS consacre un grand dossier aux anciens combattants et plus particulièrement à cette revendication148. Celle-ci est réitérée à l’Assemblée nationale, le 24 octobre 1978, par le groupe socialiste qui dit y voir une leçon d’éducation civique pour la jeunesse, « un exemple pour les jeunes qui ne doivent pas ignorer le prix de la Liberté149 ».
58Au cours de cette décennie, en effet, les socialistes sont très préoccupés par l’érosion des années sombres dans les mémoires face à la résurgence de l’extrême droite et de l’antisémitisme. À la faveur de leur combat contre le racisme, ils appréhendent de mieux en mieux ce que fut le génocide des Juifs d’Europe. Pour autant, ils ne l’isolent pas de l’ensemble des crimes nazis et ne le singularisent pas encore, comme ils le feront dans les années 1990. Cette meilleure compréhension de la politique d’extermination du IIIe Reich les convainc qu’il faut, plus que jamais, lutter contre l’oubli.
59Si les socialistes dénoncent le nazisme depuis ses origines, ils n’ont compris son obsession génocidaire que peu à peu, grâce – entre autres – aux liens que le PS entretient avec la LICA, présidée par Jean Pierre-Bloch. Ainsi, la quête des époux Klarsfeld pour débusquer Klaus Barbie leur est bien connue, et L’Unité suit les actions des chasseurs de nazis. En février 1972, alors que l’ancien officier SS vient d’être piégé en Bolivie par le reporter Ladislas de Hoyos qui dévoile son identité, le journal publie la photographie de Klaus Altmann-Barbie à La Paz, que Pierre-Bloch a contribué à identifier150. Quant à Beate Klarsfeld, elle devient l’une de ces figures dont le journal relaye le combat et dont il recommande le livre, Partout où ils seront151. Car l’essor du « néo-nazisme », tant à l’étranger qu’en France, inquiète les socialistes, ainsi que les associations d’anciens résistants et déportés, de défenseurs des droits de l’homme et de lutte contre l’antisémitisme. Les deux milieux sont poreux et la presse socialiste informe sur leurs activités et relaye leurs appels. En 1972, l’activisme d’Ordre nouveau, avant même qu’il ne participe à la fondation du Front national, suscite la vigilance du PS, parce qu’il s’accompagne de la banalisation de la vente d’objets, disques et autres souvenirs du nazisme152. L’oubli des crimes passés semble prévaloir. Lorsqu’en 1974, le tribunal de Cologne condamne Beate Klarsfeld pour avoir tenté de kidnapper Kurt Lischka, ancien SS impliqué dans l’extermination des juifs de France, c’est toute la résistance antinazie allemande, quelle que soit sa sensibilité politique, qui est occultée selon L’Unité. En signe d’alerte, Huper brosse un portrait d’Hitler, martial et sûr de lui, en couverture (fig. 61)153. « Le réveil des vieux démons » en RFA est dénoncé parce que, pour faire face au terrorisme de la bande à Baader, elle adopte des lois jugées liberticides ; de même, l’éducation de la jeunesse allemande, qui semble incapable d’endiguer l’essor du néo-nazisme, est montrée du doigt154.
Fig. 61. – « Hitler, connais-pas ! », Huper (L’Unité, no 120, 19 juillet 1974).

60Alors qu’à partir de l’automne 1978, le négationniste Robert Faurisson commence à se faire entendre dans l’espace public, le groupe socialiste propose au Parlement que le 8 mai contribue à « une véritable éducation civique » qui explique aux élèves les combats passés « contre le nazisme et l’inhumanité155 ». De même, dans son projet présenté aux militants à l’hiver 1979, le PS souhaite que la télévision dise « tout simplement la vérité sur la société française sous l’Occupation156 ». Au même moment, le député et historien Louis Mexandeau prononce un vibrant plaidoyer en faveur de l’enseignement de l’Histoire « banni des instructions officielles » et victime de persécutions dignes du régime de Vichy selon lui157. Toutefois, les socialistes ne ciblent ni l’enseignement du génocide des Juifs d’Europe, ni la lutte contre le négationnisme, comme ils le feront dans les années quatre-vingt-dix : ils veulent que l’histoire du nazisme et de l’Occupation soit enseignée158. Ainsi, lorsque des municipalités socialistes s’impliquent dans la première vague de créations de musées sur la Seconde Guerre mondiale, elles privilégient la mémoire de la Résistance et de la déportation politique159. À Besançon, à la suite d’une exposition organisée par la FNDIRP et l’ADIF en 1964, c’est le maire Jean Minjoz, un ancien de Libération-Nord et du CDL, qui propose la mise en place d’un établissement permanent dans la citadelle où une centaine de résistants furent fusillés, en exigeant que toutes les tendances de la Résistance y soient représentées. Inauguré en 1971, lorsque Minjoz cède sa place à Robert Schwint en 1977, le musée de la citadelle conserve le soutien financier de la municipalité socialiste160. À Grenoble, chez Hubert Dubedout, le musée de la Résistance, inauguré en 1966, s’élargit à « la Déportation » en 1970, mais il n’évoque toujours pas la persécution des juifs, pas plus que leurs activités de résistance dans la ville même161.
61Au présent, en revanche, le PS se mobilise contre tous les attentats antisémites, dont l’assassinat de l’intellectuel gauchiste Pierre Goldman le 20 septembre 1979. « Le racisme tue », écrit son ami Pierre Guidoni, qui n’a jamais douté de son innocence lors des procès intentés contre lui pour banditisme162. Au début de l’été 1980, « le quartier de la grande rafle de 1942 » a été profané par des graffitis réalisés par des « nazillons », s’indigne Emmanuelle Plas. Même le mémorial juif de la rue Geoffroy L’Asnier n’a pas été épargné. Elle désigne la Fédération d’action nationale et européenne (FANE)163. Le pire semble atteint avec l’attentat de la rue Copernic, le 3 octobre 1980. Le lendemain matin, François Mitterrand assiste à l’office dans la synagogue dévastée, alors que le PS demande la démission du ministre de l’Intérieur Christian Bonnet164. Puis les socialistes participent aux manifestations, tous horizons politiques confondus, de solidarité avec la communauté juive et de protestation contre le racisme et le fascisme organisé par le MRAP à Paris et dans toutes les grandes villes de France165. L’un de leur slogan, « Ils ont tué Curiel166, ils ont assassiné Goldman ! Bologne, Munich, Paris, ça suffit ! », mêle anticolonialisme, dreyfusisme, antifascisme et lutte contre l’antisémitisme et l’antisionisme : il est symptomatique de leur mutation culturelle depuis 1971. Avec la gauche et l’extrême gauche, le PS accuse le gouvernement d’avoir fermé les yeux sur l’activisme des groupes néo-nazis. Claude Estier défend son parti de toute récupération politique lorsqu’il dénonce « l’évolution lente mais continue du pouvoir giscardien vers une forme de néo-pétainisme », qui encouragerait ce type d’action meurtrière. Il appelle à lutter sans relâche contre « la bête immonde qui renaît périodiquement de ses cendres » et, à cette fin, à ne pas oublier les crimes passés167. Pour autant, les socialistes eux-mêmes ne se seraient-ils pas donné « bonne conscience à bon compte » en dénonçant le fascisme à tout propos depuis des années et, surtout, n’auraient-ils pas contribué à le galvauder ? Sans explicitement viser leur propre parti, les rocardiens se posent la question en décembre 1980168.
62Dans cette décennie d’Épinay à l’Élysée, la mémoire de la Seconde Guerre mondiale a une double fonction. À l’intérieur du parti, elle contribue à fixer une vulgate pérenne sur l’Occupation. L’exaltation de la Résistance est poursuivie mais gomme la spécificité de la résistance socialiste ; et la damnatio memoriae de ceux qui ont failli, en accentuant le manichéisme des comportements, constitue une bombe à retardement pour les jeunes générations de militants, lorsqu’ils découvriront le passé de vichysto-résistant de Mitterrand en 1994. À l’extérieur, comme aux lendemains de la Libération, les socialistes se mobilisent au sein ou aux côtés des associations d’anciens combattants, résistants, déportés, et prisonniers de guerre, afin que ce passé ne soit pas enseveli. Or, dans ces années soixante-dix, ils sont désormais en phase avec une société civile qui, à son tour, réclame que lumière soit faite. Face aux « faux pas » de Georges Pompidou puis de Valéry Giscard d’Estaing169, ils font preuve d’un activisme mémoriel sur le terrain tout à fait dans l’air du temps.
Légitimer l’homme de l’alternance
63Pour ses adversaires, François Mitterrand devient premier secrétaire du PS à Épinay presque par effraction dans la mesure où il ne peut exciper de la sacro-sainte ancienneté qui, de tout temps, a été de mise à la SFIO pour occuper un tel poste de responsabilité. En réalité, il s’agit d’un congrès d’unification, et il est aussi légitime que les dirigeants des autres organisations ; mais il n’en reste pas moins qu’il doit asseoir son autorité en se posant en héritier de Jaurès et de Blum. Puis, si en 1974 son statut de présidentiable est incontesté puisqu’il apparaît comme le candidat « naturel », il en va autrement face à Michel Rocard à partir de 1978. Lorsque ce dernier se propulse au-devant de la scène au soir de la défaite des législatives, François Mitterrand doit affronter une forme de primaires avant la lettre. La présidentialisation du parti a opéré. Le congrès de Metz, en 1979, marque une personnalisation des affrontements idéologiques au sein du parti, et sa désignation comme candidat, en 1980, ne va pas de soi. Pour légitimer leur champion comme l’homme de l’alternance, les mitterrandistes doivent donc l’inscrire non seulement dans « la longue marche du peuple de gauche », mais aussi dans le récit légendaire de la Résistance.
64Comme chez tout homme politique, le récit autobiographique mitterrandien a pour objectif de marquer son destin historique du sceau de l’évidence. Or, ce récit, débuté en 1969 avec Ma part de vérité, se construit en grande partie dans cette décennie avec Un socialisme du possible (1971), La rose au poing (1973), La paille et le grain (1975), le documentaire François Mitterrand esquisse d’une ébauche (1976), puis les ouvrages Politique (1977), L’abeille et l’architecte (1978), et Ici et maintenant : conversations avec Guy Claisse (1980)170. Il doit certes démontrer le rôle déterminant que le premier secrétaire a su jouer pour fédérer la gauche non communiste, mais surtout le rattacher rétroactivement, de proche en proche, aux grandes figures tutélaires.
65Dès 1969, François Mitterrand ne cesse de se réclamer de Pierre Mendès France et de louer l’harmonie qui aurait régné entre eux. Or, l’annexion du mendésisme, conçu comme un gage de modernisme, se retrouve dans tous les outils de formation destinés aux militants. Grâce à Mendès France, le lien est fait avec le Front populaire dont il fut ministre, et donc avec Léon Blum. Depuis le décès de ce dernier en 1950, nous avons vu que le parti lui rendait hommage chaque année. Le centenaire de sa naissance, en 1972, doit être remarquable et remarqué. Un grand colloque est organisé à la Sorbonne par la Société des amis de Léon Blum, avec notamment des représentants de l’Internationale socialiste, et ses actes sont publiés171. Surtout, le secrétaire national à la propagande, Georges Fillioud, donne une ampleur inégalée à la manifestation du souvenir du 9 avril 1972 au cimetière de Jouy-en-Josas, en mobilisant toutes les fédérations de la région parisienne et en demandant à toutes les autres d’envoyer une délégation172. Il leur recommande également d’organiser des manifestations dans leur région et invite les municipalités socialistes à baptiser « Léon Blum » les rues, avenues, stades, écoles ou autres lieux qu’elles seraient amenées à inaugurer les mois suivants173. L’Unité ne manque pas de battre le rappel et, devant la tombe du défunt, le premier secrétaire prononce un vibrant hommage au disparu174. Le mois suivant, dans un face-à-face télévisé avec Michel Debré, il situe son combat dans la lignée directe du Front populaire : « Après la grande révolution de 89, la révolution libérale, l’avènement du citoyen et de la politique, après 48, après la Commune, après le Front populaire de 36, c’est la nécessaire libération moderne ». Et face à son adversaire qui soupire, il ajoute :
« Le socialisme c’est une libération. J’y crois profondément. J’y suis venu parce que je le croyais, vous pensez bien. Au nom de quoi faire, homme politique que je suis, le choix du socialisme, si ce n’était ma conviction175 ? »
66Quelques mois plus tard, face à Alexandre Sanguinetti, il évoque en 1936 : « C’était le Front populaire qui a gouverné en réalisant une œuvre sociale et économique importante, en tout cas, remarquée par l’Histoire. » Après 1920, grâce à Léon Blum, la SFIO a su renaître et conquérir le pouvoir en 1936 : « Je m’inspire de cette tradition », ajoute-t-il en comparant la vindicte dont souffrit Blum à l’époque à celle qu’il subit lui-même176. Désormais, François Mitterrand porte le chapeau à large bord et l’écharpe, comme son prédécesseur.
67Avec Blum, l’héritier de Jaurès, il récupère la veine jaurésienne dont il se réclame dans tous ses écrits évoqués précédemment. En 1977, il préface le Demain Jaurès de Michel Bataille dont la couverture est des plus explicites, puisqu’elle incruste la figure du vieux tribun sur le visage en couleurs de Mitterrand (ill. 11, cahier hors texte).
68De sorte que, comme les socialistes scandaient autrefois « Jaurès, Guesde et Blum », la direction mitterrandiste réussit à imposer un « Jaurès, Blum, Mitterrand ». Si Jaurès et Blum jalonnent « la longue marche du peuple de gauche » vers le pouvoir, François Mitterrand, lui, en incarnerait la fin inéluctable : la victoire. La frise chronologique de décembre 1972, déjà évoquée, aboutit à François Mitterrand à Épinay (fig. 58). Jusqu’en 1981, le Guide du nouvel adhérent achève toujours son « bref historique » par le score encourageant aux présidentielles de 1974. Dans le même esprit, L’Histoire du socialisme en France en bande dessinée se termine au Congrès de Nantes de 1977, en taisant la fronde des rocardiens : une image, en contre-plongée, confère à François Mitterrand un statut d’homme providentiel (ill. 12, cahier hors texte).
69Au-delà du parti et du cercle des sympathisants, François Mitterrand se construit un statut d’homme de lettres qui entretient un lien privilégié avec l’Histoire, comme lors des deux Apostrophes que lui consacre Bernard Pivot, le 7 février 1975, pour La Paille et le grain et, le 15 septembre 1978, pour L’Abeille et l’architecte177. À cette occasion, il invite, sur le plateau, l’historien moderniste Emmanuel Le Roy-Ladurie et l’auteur de Rue des boutiques obscures, Patrick Modiano. « Une relation privilégiée avec l’Histoire », peut alors titrer René Rémond qui, après avoir lu Politique, dit avoir rencontré « un historien de son temps178 ». De même, dans son premier véritable portrait télévisé, il dévoile son pèlerinage annuel sur la Roche de Solutré et, par la voix de Michel Piccoli, déclare : « De là, j’aperçois mieux ce qui va, ce qui vient et surtout ce qui ne bouge pas179. » Avec l’histoire de France en toile de fond, cette destinée politique a pour matrice la Résistance. François Mitterrand explique son engagement comme le faisait déjà Claude Manceron en 1966180. Interrogé en janvier 1973 sur son « tournant » socialiste, il décrit sa jeunesse et enchaîne :
« Bon ensuite, il y a eu la guerre et, si j’ai été candidat et quand j’ai été candidat en 1946, c’était au titre d’un petit parti qui s’appelait Union Démocratique et Socialiste [il souligne le terme] de la Résistance. Il y a déjà beaucoup d’éléments que l’on retrouve aujourd’hui181. »
70Son engagement résistant, s’il n’est jamais abordé frontalement mais esquissé par petites touches, est bel et bien présenté comme premier. Cette représentation a un double avantage. D’une part, son ombre portée est telle qu’elle occulte opportunément les guerres de décolonisation, en particulier celle d’Algérie, qui pourraient choquer les plus jeunes générations de gauche182. D’autre part, elle permet de justifier a posteriori la conversion de François Mitterrand au socialisme par son entrée en résistance.
71La campagne présidentielle de 1974 donne un nouvel élan à cette construction biographique et reprend les jalons posés la décennie précédente. Avant le premier tour, les socialistes qualifient plus que jamais Valéry Giscard d’Estaing de « néo-vichyste », et Teich le représente en démagogue, disant à chacun ce qu’il veut entendre. Aux nostalgiques de Vichy, parmi lesquels on distingue Jean-Marie Le Pen et un clone d’Hitler, il crie : « Travail, Famille, Patrie » (fig. 62). Valéry Giscard d’Estaing n’est pas le premier à avoir revendiqué avec plus ou moins de légitimité une affiliation – même tardive vu son âge – à la Résistance pour compenser le maréchalisme de son père, Edmond Giscard d’Estaing, et de son grand-père, Jacques Bardoux. En l’occurrence, cela constitue une faille dont les socialistes entendent bien profiter pour opposer avec manichéisme les deux candidats. Mille résistants, dont 19 compagnons de la Libération, publient un texte de soutien au candidat unique de la gauche au nom des valeurs pour lesquels ils ont combattu pendant la guerre, pendant que des gaullistes de la première heure, tels Louis Vallon, Edgar Pisani, ou Jean-Marcel Jeanneney, lui apportent également leur caution183. Dans l’entre-deux tours, l’écrivain Pierre Bourgeade signe une tribune dans Le Monde intitulée « la revanche de Vichy » pour désigner « cette droite qui nie de Gaulle184 ». Le 8 mai, Danielle Mitterrand dépose une gerbe au Mont-Valérien et révèle par là même au grand public son combat dans la clandestinité alors qu’elle était très jeune185. Les affaires de la Francisque et de l’Observatoire qui entachent la réputation de François Mitterrand n’ont pas été oubliées par ses adversaires, et il est sans doute plus habile de mettre en avant la figure incontestable, quoique peu connue jusqu’alors, de Danielle. De sorte qu’au lendemain du débat qui l’a opposé à Valéry Giscard d’Estaing, il choisit d’apparaître en compagnie de son épouse et de la mettre en avant lors de la campagne officielle à la télévision186. Paul Guimard, qui les interroge, le justifie en ces termes :
« On sait très peu de chose de vous deux. On sait que vous vous êtes connus très jeunes dans la Résistance. […] On sait même, depuis peu de temps, que vous avez, vous, Danielle, été l’une des plus jeunes médaillées de la Résistance. »
Fig. 62. – Giscard « néo-vichyste », Teich (L’Unité, no 110, 10-16 mai 1974).

72Comme il lui demande à quoi correspondait ce choix à l’époque, elle répond, avec pudeur :
« Vous savez c’était un refus de la contrainte, de l’injustice qui, à ce moment-là, étaient tellement flagrantes et c’est par instinct que je suis rentrée dans la Résistance. Je n’aime pas que l’on en parle ; je ne l’ai pas fait pour en parler. »
73Devant sa gêne évidente, son mari enchaîne sur son « milieu familial qui a beaucoup joué » et fait l’éloge de son beau-père, « un fonctionnaire qui avait refusé de s’insérer dans l’esprit conforme du moment, révoqué dès 1941 par le pouvoir politique en place, Vichy », ce qui ne manque pas de sel pour celui qui fut, un temps, fonctionnaire du régime de Vichy. Et pour souligner la singularité de son épouse, il dit sur le ton de la confidence avoir « été étonné tout de même d’apprendre qu’elle avait été dans un maquis avec 400 garçons », et conclut que « Danielle, à 18 ans, avait déjà tous les titres de guerre que nous avons pratiquement oubliés, car on ne vit pas sur ces souvenirs ». Pas un mot n’est dit de son propre passé, et l’entretien se poursuit sur le débat de la veille.
74Après la défaite, le PS et sa presse continuent de faire feu de tout bois. Le patron de presse de droite, Robert Hersant, qui a déjà eu maille à partir avec son passé sous l’Occupation en 1956, est leur cible favorite tout au long de la seconde moitié de la décennie. « La résistible ascension de Robert Hersant », en écho à l’Arturo Ui de Brecht, est dénoncée. Serge Richard retrace son parcours au Jeune Front sous l’Occupation, coupure de presse de l’époque à l’appui187. Puis Hersant est désigné comme « le Kaiser de la presse » et, enfin, comme « un homme à Chirac », qu’il convient de combattre à son tour depuis que ce dernier a remplacé l’UDR par le RPR en décembre 1976188. Parallèlement, à l’occasion du 40e anniversaire du Front populaire, Claire et Roger Quilliot publient L’Homme sur le pavois, roman historique très documenté qui retrace le tragique destin de Roger Salengro. Non seulement François Mitterrand le préface, mais les auteurs le lui dédicacent parmi tous ceux « qui ont eu à souffrir de l’incompréhension, de la haine et de la calomnie ». L’analogie avec Roger Salengro est donc poursuivie189. Et en 1978, le premier secrétaire ne manque pas de fêter le centenaire de la naissance du « héros et martyr de la Résistance » Jean Lebas en lui rendant un vibrant hommage et en inaugurant l’exposition que lui consacre Roubaix le 3 décembre190.
75À la veille des élections présidentielles de 1981, le choix des militants entre Mitterrand et Rocard est, un temps, incertain. Or si la bataille interne est rude, à aucun moment les rocardiens n’exploitent le passé de leur adversaire, ni sous l’Occupation, ni pendant la guerre d’Algérie. Leurs critiques se concentrent sur la stratégie d’union de la gauche de leur adversaire191. Michel Rocard ayant renoncé à briguer la candidature, le congrès de Créteil adoube François Mitterrand en février 1981. Lionel Jospin, qui lui succède en tant que premier secrétaire, rend alors hommage à « cet homme né des combats dangereux et presque solitaires de la Résistance192 ». Quant à Danielle, la presse socialiste ne manque jamais de rappeler son engagement très jeune dans le maquis193.
76L’objectif est, en outre, de se rallier les gaullistes historiques, au-delà de l’alliance secrète nouée avec Jacques Chirac chez Édith Cresson, comme en ont témoigné depuis Michèle Cotta et l’ancienne Premier ministre. Lors de sa première grande émission télévisée de campagne, le 16 mars, à Cartes sur table, François Mitterrand, après avoir raconté avec humour ses premières tentatives d’évasion ratées, dit vouloir mettre cette obstination qui lui a valu de reconquérir enfin sa liberté au service de « la libération des autres ». À cette fin, il souhaite réaliser un rassemblement de « tous les Français », sans exclure les électeurs communistes et en se montrant unitaire pour deux :
« J’ai travaillé depuis quinze ans à réunir sans exclusive tous ceux qui peuvent contribuer à reconstruire la France. Cela, quelqu’un l’a dit et l’a fait avant moi : de Gaulle en 1944. C’était la guerre, et il avait besoin de tout le monde. Maintenant, c’est la crise, et j’aurai besoin de tout le monde194. »
77Dans l’entre-deux tours, alors que le PCF s’est rallié à la candidature de François Mitterrand, Michel Jobert lui attribue un brevet de gaullisme en affirmant qu’il a été « de l’extérieur, un adversaire du général de Gaulle, après avoir été un combattant pour la même cause pendant la guerre195 ». Dans son comité de soutien, les résistants sont à nouveau mis en avant comme en 1974. Alors que le 7 mai, le général Alain de Boissieu, grand chancelier de l’ordre de la Légion d’honneur et gendre du général de Gaulle, disqualifie le passé de Mitterrand, le 9 mai, L’Unité titre « Les gaullistes de la Résistance avec Mitterrand » et donne la parole au Colonel Passy qui lui décerne un certificat de Résistance196. La guerre franco-française des mémoires est réouverte.
78En dix ans, la direction mitterrandiste réussit à imposer François Mitterrand comme le légitime héritier de Blum et de Jaurès à la tête du PS, et comme l’homme providentiel qui, seul, pourra mener « le peuple de gauche » au pouvoir. Ce tour de force s’explique par l’arrivée de nouvelles générations à la culture plus superficielle et perméable à une habile et intense propagande qui oriente l’histoire du mouvement socialiste en ce sens. Si le premier secrétaire est, à plusieurs reprises, contesté par le courant des Assises de 1974, jamais son parcours sous l’Occupation n’est utilisé dans les luttes internes. La plupart des militants est sans doute convaincue qu’il est victime de la plus vile calomnie comme Salengro en son temps, trop heureuse, en outre, de jouer la carte de la Résistance contre Giscard d’Estaing. Cette tactique permet au PS de dénoncer « le néo-vichysme » de la droite au pouvoir et de se rallier les gaullistes historiques au printemps 1981.
79Tout au long de la décennie, le PS fournit un effort exceptionnel en termes de formation et de propagande. Non seulement il produit de nombreuses publications à usage interne, mais ses militants investissent l’édition grand public. L’enjeu est de taille puisque la direction doit absolument acculturer les nouvelles sensibilités issues du courant des Assises, ainsi que les nouvelles générations. Elle réalise rapidement qu’il est impératif pour elle d’imposer par le haut une « mémoire collective », à défaut d’être partagée. Sens de l’Histoire, damnatio memoriae de certains personnages et événements, héroïsation et commémoration de figures tutélaires et de grands moments, tels sont les procédés mis en œuvre. Pour autant, les mémoires des guerres des socialistes évoluent vers plus de complexité. Certes, le « national-molletisme » joue à merveille son rôle de bouc émissaire, puisque jamais les militants ne s’interrogent sur le rôle du premier secrétaire pendant la guerre d’Algérie ; mais la nécessité de ne pas s’aliéner les anciens combattants et les pieds-noirs les conduit à intégrer des points de vue différents dans leurs représentations de ce conflit et à se montrer plus subtils qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Quant à l’Occupation, dans une société française en proie « au chagrin et à la pitié », leur manichéisme à propos de la Collaboration et de la Résistance ne semble plus aussi décalé. Bien insérés dans le milieu ancien combattant, les socialistes peuvent à nouveau se faire les champions d’un devoir de mémoire que la bataille du 8 mai remet au goût du jour, et élargir son sens à un combat plus universel contre le nazisme, le racisme et l’antisémitisme. Il reste aux mitterrandistes à transformer leur porte-drapeau en légitime héritier de Léon Blum, entré en socialisme comme il est entré en Résistance, le seul capable d’assurer la victoire face à une « droite néo-vichyste ». Néanmoins, pour apparaître véritablement comme l’homme de l’alternance, François Mitterrand doit donner de la consistance à l’unité d’action avec les communistes. Or, sur le terrain mouvant de la mémoire, l’entreprise s’avère plus délicate.
Un programme commun des mémoires face à la droite ?
80La stratégie d’union de la gauche, au-delà des négociations programmatiques et des alliances électorales, doit se traduire sur le terrain par des pratiques militantes communes, faute de quoi elle risque de ne pas résister à la première bourrasque. Non seulement il convient de montrer que les frères ennemis ont su tirer des leçons du passé, mais leur réconciliation mémorielle conférerait une véritable légitimité à l’union. Quoi de plus simple et efficace que de commémorer ensemble l’histoire du mouvement ouvrier ? Toutefois, à partir des présidentielles de 1974 où François Mitterrand redevient le candidat unique de la gauche, le PCF prend conscience que cette stratégie permet au PS d’inverser le rapport de force à son profit et de se hisser au rang de premier parti de France. Alors qu’il a amorcé son tournant eurocommuniste, le PCF demande l’actualisation du programme commun après le succès de la gauche aux municipales de mars 1977 : les renégociations échouent, l’union est rompue en septembre et les législatives de mars 1978 sont, pour tous, une déception197.
81En dépit de ces aléas, des pratiques mémorielles communes sont tentées, à défaut de modifier en profondeur les représentations du passé des uns et des autres. Dans la perspective du programme commun, la Commune de Paris semble s’y prêter, mais le Front populaire, dont on fête le 40e anniversaire en 1976, beaucoup moins – sans compter que la guerre d’Espagne reste un souvenir traumatique pour les socialistes. Quant à la Résistance, à la différence des lendemains de la Libération, le PS espère faire enfin jeu égal avec les communistes, au point de ne pas hésiter à relire toute l’histoire du PCF à la lumière de la pensée antitotalitaire à laquelle il contribue.
Au commencement, la Commune de Paris
82La Commune de Paris est un moment fondateur dans l’histoire du mouvement ouvrier, non seulement parce que la semaine sanglante a ancré dans la mémoire de gauche l’idée qu’une guerre civile larvée couvait encore entre le peuple et la bourgeoisie, même ralliée à la République, mais aussi parce qu’elle est commémorée par tous les courants de gauche et d’extrême gauche. Son souvenir a été ravivé par Mai 1968 ; tous ont reçu en héritage ses chants révolutionnaires, Le Temps des cerises et L’Internationale, et en chérissent encore les principales figures tels Jules Vallès, Louise Michel ou Prosper-Olivier Lissagaray. Lorsque le PCF fête ses 50 ans, il présente l’événement comme matriciel198. La Commune de Paris constitue donc bel et bien un lieu de mémoire commun à défaut d’être partagé. À Paris, nous avons déjà vu que sa mémoire bénéficiait d’un rituel bien rodé de montée au Mur des fédérés du Père Lachaise. Il a cependant l’inconvénient de ne guère mobiliser au-delà de la région parisienne.
83En 1971, le Centenaire de la Commune est utilisé par le nouveau PS d’Alain Savary pour impulser le rassemblement des forces de gauches. Jacques Enock est ainsi mandaté pour créer le Comité du Centenaire de la Commune de Paris, lequel organise un grand meeting le 18 mars et un défilé au Père Lachaise le 1er mai. Alain Savary pour le PS, ainsi que François Mitterrand pour la CIR, interviennent au meeting de la Mutualité du 18 mars 1971, au côté d’Albert Detraz de la CFDT, d’André Bergeron de FO et de Jacques Marangé de la FEN. Si anarchistes et trotskystes sont représentés dans le Comité, les communistes en sont exclus à ce stade199. Cependant, les municipales aidant, certaines sections vont localement plus loin. C’est le cas en Haute-Garonne, où le secrétaire fédéral Paul Aynié et le sénateur André Méric sont favorables à l’union de la gauche, et où L’Avenir appelle à suivre l’exemple de la Commune de Paris200. Ainsi, à Toulouse, après un premier tour en ordre dispersé, le maire socialiste sortant, Louis Bazerque, et le communiste Jean Llante organisent un meeting commun contre l’UDR Pierre Baudis en se plaçant sous les auspices de la Commune201. En ce printemps 1971, le mouvement des JS et ES est doté d’un journal, L’Insurgé qui, de par son nom, rend hommage au Communard par excellence, Jules Vallès, et qui reproduit les paroles et musique de L’Internationale d’Eugène Pottier202. À Paris, le Centenaire donne lieu à quatre défilés concurrents au Père Lachaise, le premier trotskyste, un second – tout aussi maigre – avec la CFDT et le PSU, un troisième avec le PS, et le dernier avec le PCF, la CGT, l’UNEF et la CIR203. Christian Pineau le déplore, d’autant que la gauche non communiste n’a guère mobilisé les foules, de même que les JS et ES qui en appellent à réaliser enfin l’union de la gauche204. Le samedi, le Comité du Centenaire de la Commune de Paris de Jacques Enock défile avec Alain Savary du PS, André Bergeron de FO et Jacques Marangé de la FEN. À la différence du meeting du 18 mars, la CIR préfère cependant l’unité d’action mémorielle, et trois de ses animateurs, Claude Estier, Georges Leygnac et Stelio Farandjis participent à l’imposant cortège du dimanche après-midi, qui dure près de cinq heures et rassemble au moins « 50 000 personnes ». Ils défilent derrière le comité central du PCF, le bureau confédéral de la CGT, l’Association des Amis de la Commune, les Pionniers de France, et devant la grande banderole de 50 m2 « Vive la Commune 1871-1971 », où Marianne brandit un drapeau rouge sur fond d’étendards de la même couleur205. Derrière, les étudiants de l’UNEF arborent une cocarde à l’effigie d’Angela Davis, certaines jeunes filles ayant revêtu la longue jupe et la charlotte blanche des « pétroleuses », quand ceux de l’UCJF dressent les drapeaux du parti communiste soviétique. Les vétérans républicains espagnols, accompagnés des anciens des Brigades internationales, de même que les anciens volontaires français de Garibaldi sont particulièrement applaudis. Le poing est levé ; on y chante L’Internationale, Le Temps des cerises, La Marseillaise, et l’on brandit autant de drapeaux tricolores que de rouges. Surtout l’on y crie : « Pompidou, Chaban, Versaillais ! », « Pompidou, Thiers, même combat ! », ce qui justifie la participation des mitterrandistes : « Unité, victoire, socialisme ! »
84En 1972, dans les premiers outils de formation mis à disposition des militants par le parti d’Épinay, la Commune de Paris est avant tout une guerre civile entre Communards patriotes et Versaillais à la solde de Bismarck206. La frise chronologique du Poing et la Rose est sans ambiguïté :
« La Commune : contre l’ennemi national et contre l’adversaire de classe, patriotisme et socialisme sont réunis dans la même affirmation d’une France plus libre et plus juste207. »
85La bibliographie de base recommande la lecture de L’Histoire de la Commune de 1871 de Prosper-Olivier Lissagaray que Maspero a rééditée en 1967 avec un avant-propos de l’historien Jean Maitron, ouvrage jugé « fondamental car il démontre en fait quelles sont les erreurs que ne doivent pas commettre les socialistes lorsqu’ils prennent le pouvoir, que cette prise de pouvoir soit violente ou non208 ».
86Le printemps 1973 est, enfin, l’occasion de mettre en scène l’union de la gauche avec de grandes manifestations unitaires commémorant le 1er mai puis la Commune le dimanche 27 mai209. Les dirigeants nationaux du PS, PCF, MRG et PSU prennent la tête du cortège de la Bastille au Père-Lachaise, au côté de ceux des organisations invitées telles que la CFDT, la FEN, la LDH et les Amis de la Commune. On y remarque François Mitterrand et Pierre Mauroy (PS), Georges Marchais, Jacques Duclos et Pierre Laurent (PCF), Robert Fabre (MRG), et les syndicalistes Benoît Frachon et Edmond Maire. Les JC et les JS se sont mobilisées et apportent un peu de leur folklore. Chacun dépose un œillet rouge au pied du mur210. Le 25 mai 1974, les mêmes formations se retrouvent au Père Lachaise et respectent le rituel : on chante La Carmagnole, on brandit drapeaux tricolores et drapeaux rouges ; et l’on dépose des « œillets, des roses et des glaïeuls rouges » au pied du mur211. En province, l’union de la gauche sort l’insurrection parisienne de l’oubli : au Tréport, PS et PCF s’unissent pour réclamer une rue de la Commune au maire renégat, l’ancien socialiste Louis Boisson ; dans le Nord, la fédération PS remémore l’histoire et les paroles de L’Internationale pour louer l’unité212.
87Toutefois, cette volonté de célébrer ensemble la Commune de Paris fait long feu, au point qu’en mars 1976, la place est laissée à l’extrême gauche, au Parti communiste révolutionnaire et à l’Union communiste de la jeunesse révolutionnaire213. La Commune a beau constituer un lieu de mémoire partagé par toute la gauche, sa commémoration ne résiste pas à ses divisions.
Le Front populaire : un 40e anniversaire en demi-teinte
88Par sa dimension antifasciste, le Front populaire semble a priori plus propice à des célébrations communes, même si les interprétations de l’événement divergent. Alors qu’un dialogue s’est instauré entre le nouveau PS et le PCF, Étienne Fajon, en décembre 1970, attribue aux seuls communistes la paternité du « front unique » pour faire barrage au fascisme en février 1934, et François Billoux fait porter la responsabilité de la non-participation au gouvernement des communistes sur les seuls socialistes214. En face, Jules Moch ne leur pardonne pas ce qu’il considère comme une trahison215. Toutefois, le programme commun de gouvernement signé, comment ne pas se souvenir de « l’accord des partis de gauche liés par le premier pacte d’unité d’action ? », s’écrie Pierre Guidoni, reconnaissant néanmoins qu’il est « difficile d’écrire objectivement l’histoire de cette période qui alimente encore bien des discussions et suscite des réactions passionnées216 ». Quelques tentatives éditoriales ont lieu, mais l’évolution des rapports de force entre les partenaires du programme commun fait qu’au printemps 1976, commémorer le 40e anniversaire ne relève pas de la même nécessité, y compris pour les différentes fédérations et municipalités socialistes.
89L’année de la signature du programme commun, en 1972, les éditions Martinsart publient un volume Front populaire dans la collection « L’Humanité en marche » en associant le maire socialiste de Clermont-Ferrand, Roger Quilliot, et le communiste Jacques Chambaz, membre du comité central217. Puis, lorsqu’en septembre 1973 le Chili sombre dans la dictature du général Pinochet, l’activisme d’Ordre nouveau, des Groupes d’action jeunesse (GAJ) et du Front national de Jean-Marie Le Pen conforte la gauche dans la crainte d’un fascisme sans cesse renaissant à l’étranger comme en France : « Ce sont toujours les mêmes vieux couplets, à commencer par l’anticommunisme viscéral », constatent Jean-Loup Revérier et Barrigue, lequel représente un fasciste la main levée en chasseur de prime de Marx (fig. 63)218. Le Chili de Pinochet, d’ailleurs, n’est-il pas devenu une terre d’asile pour les anciens SS219 ? Pour autant, si le souvenir du 6 février 1934 reste bien présent puisque le combat n’a jamais cessé, aucune manifestation unitaire n’est organisée en 1974 pour célébrer le 12 février220. Après les présidentielles et le succès de la gauche aux cantonales de mars 1976, le 40e anniversaire du Front populaire serait-il l’occasion de se retrouver221 ?
Fig. 63. – L’anticommunisme viscéral, Barrigue (L’Unité, 14-20 décembre 1973).

90Pour l’occasion, le PS mobilise ses intellectuels mais ne semble pas se donner les moyens d’une véritable manifestation populaire. L’union de la gauche est pourtant le sujet du congrès extraordinaire de Dijon des 15 et 16 mai 1976. La veille du congrès, le 14, L’Unité fait sa une sur les quarante ans du Front populaire en mettant en scène, avec des photographies, la joie populaire, les congés payés et l’unité d’action du mouvement ouvrier qui défile le poing levé (ill. 13, cahier hors texte). Le comité de rédaction ouvre son cahier spécial avec cet avertissement :
« L’Histoire nous apprend qu’il y a des anniversaires morts et des anniversaires vivants. […] Les seconds n’ont pas besoin de faire appel à l’intelligence, à la technique ou au génie de quelques-uns : ils parlent au cœur, parce qu’ils appartiennent au patrimoine des peuples et à leur enthousiasme. Le Front populaire fait partie des seconds. »
91Érigé en lieu de mémoire par excellence, le Front populaire doit susciter l’émotion mais il doit également éveiller la vigilance et la combativité. Les auteurs poursuivent :
« On ne gagne pas les guerres en se racontant des histoires. Or la gauche et le mouvement ouvrier sont en guerre. Et s’ils avaient tendance à ne plus se le rappeler, il se trouverait toujours un quelconque Pinochet à l’ombre d’un quelconque Kissinger pour remettre les idées à leur place. »
92Un récit de l’historien Philippe Machefer, un ancien de la CIR, y passe entièrement sous silence les divisions internes du Rassemblement pour souligner comment les conquêtes sociales ont été arrachées à la droite. Jean-Pierre Rioux y analyse le congrès de Huyghens du 30 mai au 1er juin 1936 pour montrer la conception blumiste du pouvoir, alors que Pascal Ory y évoque Léon Blum en rappelant la haine qu’il a pu susciter. Tous deux s’engagent dans leur conclusion, le premier pour louer l’union de la gauche, le second pour réhabiliter Léon Blum dans la culture socialiste. Pour conclure, Gérard Delfau y « interroge l’actualité du Front populaire » en constatant une même aspiration au changement. Cependant, alors que le Front populaire a pâti de l’abstention des communistes, il y aurait désormais un véritable programme commun de gouvernement : « Sur ce point la leçon de 1936 a porté ses fruits » espère-t-il. Au congrès de Dijon, François Mitterrand déçoit pourtant les espérances du PCF, en refusant d’étendre les listes d’union aux communes de moins de 30 000 habitants lors des municipales de 1977. Le bureau national veut tenir la dragée haute à son partenaire : la conjoncture n’est donc guère favorable à une commémoration unitaire du 40e anniversaire du Front populaire.
93Ces considérations tactiques ponctuelles n’empêchent cependant pas de faire œuvre de formation sur le long terme. Les JS et ES ne sont pas oubliés, et L’Insurgé confie à l’universitaire breton Alain Houlou une rétrospective historique d’autant plus nécessaire que le bilan du Front populaire serait « dénigré par les historiens bourgeois, souvent minimisé par les manuels scolaires222 ». Robert Verdier, président du comité directeur, publie PS-PC, une lutte pour l’entente, où « du congrès de Tours à aujourd’hui » il montre « leur nécessaire convergence dans la lutte pour le pouvoir223 ». Le Centre d’histoire du socialisme, animé par Philippe Machefer, organise un colloque, les 22 et 23 octobre, intitulé « Autour de 1936 : le parti socialiste SFIO et l’exercice du pouvoir ». Y interviennent des témoins, tels Madeleine Finidori et Maurice Paz, et surtout des historiens tels que Georges Lefranc224, Daniel Ligou, Alfred Walh, Jean Rabaut, Jean Suratteau, Jean Cavignac, Christian Gras, Jean-Pierre Rioux, René Girault, Rémy Pech, André Nouschi, Yves Person et Patrice Buffotot, en la présence d’autres historiens invités à débattre, tels Claude Nicolet, Pascal Ory et Maurice Agulhon225. La mobilisation d’une telle cohorte d’historiens de métier, pour la plupart universitaires, est le signe d’une indéniable attractivité du PS sur les intellectuels qui n’a plus rien à envier à celle exercée autrefois par le PCF, même si leur compagnonnage reste plus éphémère.
94Aucune manifestation unitaire nationale n’est envisagée par le PCF, déçu par la fermeté de son partenaire. L’Humanité ne dit pas un mot de ce 40e anniversaire, alors que le Front populaire était présenté comme un moment fort de l’histoire du parti lors de ses 50 ans226. Le PCF et son journal consacrent le mois de juin 1976 à la rencontre « historique » entre Georges Marchais et Enrico Berlinguer à la Mutualité et aux fêtes de printemps des fédérations communistes qui auraient réuni « 100 000 » participants227. La progression électorale du PS, associée aux décisions du congrès de Dijon en mai, font prendre conscience au PCF que le rapport de forces avec les socialistes est en train de s’inverser228 : il juge, par conséquent, lui aussi qu’une célébration unitaire serait inopportune.
95En province, toutefois, le choix de commémorer ou non ce 40e anniversaire, seuls ou avec les communistes, est laissé aux fédérations socialistes. Pour les aider, le secrétariat à la Formation, secondé par Jean-Pierre Rioux, leur distribue une cassette audio, « 1936-1976 : il y a 40 ans le Front populaire », où des discours de Léon Blum, Maurice Thorez, Roger Salengro, Victor Basch, ou encore Louise Weiss sont commentés par Colette Audry. Aucun autre outil commémoratif ne leur est proposé, et elles sont donc libres de se mobiliser comme elles l’entendent.
96Plusieurs d’entre elles profitent de la nouvelle Fête de la Rose pour célébrer l’union de la gauche et, selon les cas, commémorer le Front populaire. À Marseille, le 12 juin, la « Nuit de la Rose » organisée par la première fédération départementale du parti, celle des Bouches-du-Rhône dirigée par Charles-Émile Loo, est ouverte à tous, et communistes et radicaux de gauche y sont représentés, les uns par Marcel Tassy, les autres par Dominique Pomonti et Marcel Paoli. En lointain écho à 1936, la manifestation veut mêler « loisirs et politiques » : au Parc Chanot, l’après-midi est consacré à une porte ouverte de la fédération PS au travers différents stands ; puis à 20 h, le public assiste en direct, sur écran géant, à la finale de la coupe de France de football entre la cité phocéenne et Lyon – laquelle s’achève opportunément par la victoire de l’OM ; à 22 h, le secrétaire national Pierre Mauroy fait une courte allocution, suivie d’un récital de Julien Clerc. Animée par Jean-Pierre Foucault de Radio Monte-Carlo et soutenue par Le Provençal et Le Soir, cette Fête de la Rose aurait réuni « plus de 10 000 Marseillais ». Si cette manifestation montre que désormais les socialistes peuvent rivaliser avec les communistes sur le terrain de la mobilisation populaire – du moins dans le fief de Gaston Defferre –, elle ne fait référence au Front populaire que grâce à la concordance des temps, sans plus. Il en est de même de la Fête de la Rose lilloise le 27 juin : le député-maire Pierre Mauroy a succédé à Augustin Laurent en 1973, et il se contente de diffuser un numéro anniversaire de la Fédération nationale Léo-Lagrange pour l’occasion sans mettre en scène le Front populaire229.
97À Toulouse, il en va autrement car la municipalité est tenue par le Centre démocrate Pierre Baudis depuis 1971, et toute occasion est bonne pour mener l’offensive. C’est la fédération de Haute-Garonne qui a inventé la Fête de la Rose le 8 juin 1975 et, si celle des 19 et 20 juin 1976 est unitaire comme à Marseille, elle commémore explicitement le 40e anniversaire du Front populaire dans tout le département. En amont, L’Avenir retrace son histoire et veut croire que des leçons en ont été tirées pour le présent230. Car « le Front populaire appartient à notre conscience collective » affirme le premier secrétaire de la section toulousaine, qui campe « un patronat de droit divin, avare, obstiné et acariâtre » et une extrême droite antisémite qui « déborde de haine » face à un peuple « débonnaire » au soir du 3 mai 1936231. Au Parc des expositions de Toulouse, « la fête-kermesse », avec son concours de pétanque, la banda Lou Camelous et les shows de Nicoletta et Joe Dassin, célèbrent la mémoire de « l’embellie » de 1936. Le secrétaire départemental du PCF, Claude Llabres, tout sourire, et les radicaux de gauche, Gély et Boudey, sont accueillis par Paul Aynié, premier secrétaire PS de Haute-Garonne. La projection d’un documentaire historique est suivie de débats avec les historiens et militants Philippe Machefer et Rémy Pech, puis avec le rocardien Patrick Viveret. Enfin, un hommage est rendu à une centaine de militants comptant plus de quarante ans d’ancienneté, auxquels Alain Savary, député de Haute-Garonne et président du Conseil régional de Midi-Pyrénées, et Claude Estier remettent « une plaquette-souvenir à l’effigie de Léon Blum232 ». De même, la fédération de la Haute-Vienne entend donner plus de relief à sa traditionnelle fête dite de « l’Unité », au parc du château de Bayles à l’Isle, en juin, grâce à ce 40e anniversaire. Cinq mille participants, semble-t-il, y admirent une fresque historique illustrée sur le Front populaire dans le Limousin, qui honore, entre autres, l’enfant du pays, Suzanne Lacore, secrétaire d’État à l’Enfance du gouvernement Blum, ainsi que la visite de ce dernier à Limoges en 1937233.
98En 1976, alors qu’il est en plein essor, le PS n’oublie pas le Front populaire et entend que son souvenir soit transmis aux nouvelles générations, mais sa commémoration ne répond plus à un besoin vital de propagande. Selon les enjeux politiques locaux et la nécessité ou non d’animer l’union de la gauche, les fédérations célèbrent à leur convenance ce moment d’histoire du mouvement ouvrier.
99Jusqu’en mai 1981, la référence au Front populaire devient subliminale chez les socialistes et, par là même, révèle qu’elle n’a nul besoin d’être explicitée, y compris aux nouvelles générations. La transmission se fait même à bas bruit. Au congrès de Nantes de 1977, le nouvel hymne « Changer la vie » écrit par Herbert Pagani et mis en musique par Mikis Theodorákis a pour refrain : « Puisque tu existes France socialiste, Tout devient possible ici et maintenant ! », reprenant la célèbre formule de Marceau Pivert du 27 mai 1936. Puis les 110 propositions de 1981 y font encore écho avec « la défense du franc contre les manœuvres spéculatives », les nationalisations et, surtout, la réduction du temps de travail et la 5e semaine de congés payés, sorte de totems de la mémoire de gauche. Au soir de la victoire, le 10 mai, le nouveau président de la République s’écrie, comme Bracke-Desrousseaux en juin 1936 : « Enfin, les ennuis commencent234 ! » Quant au PCF, dans cette décennie où le rapport de force avec le PS est en train de s’inverser, le Front populaire devient un anti-lieu de mémoire.
La guerre civile espagnole ou l’impossible oubli
100Ce que les communistes n’oublient jamais, en revanche, pas plus d’ailleurs que les socialistes qui en souffrent, c’est la non-intervention du gouvernement Blum dans la guerre civile espagnole et l’abandon, selon eux, des républicains. Les communistes ont beau jeu de vilipender le rôle des socialistes, comme ils le font encore lors des 50 ans de leur parti en 1970235. Le remords d’avoir consenti à cette non-intervention taraude encore et toujours les socialistes depuis l’avènement de Franco. Leur mauvaise conscience s’apaise d’autant moins que des œuvres – telles que le film Mourir à Madrid de Frédéric Rossif (1963) ou le roman La Deuxième Mort de Ramón Mercader de Jorge Semprun (1969), ravivent la mémoire de la guerre civile et que, dans certains territoires, tel le Midi-Pyrénées, des réfugiés espagnols militent à leurs côtés depuis des décennies236.
101Avant même de se rassembler au congrès d’Épinay en juin 1971, les socialistes, avec les autres forces de gauche, ont dénoncé les crimes présents et passés du régime franquiste. Lors du procès de Burgos en décembre 1970, le PS et la CIR ont déjà participé à un rassemblement au côté du PCF sur les Champs-Élysées237. Après la signature du programme commun en juin 1972, manifester ensemble est encore plus facile.
102Lorsqu’en février 1974, un jeune militant catalan, Salvador Puig i Antich, est condamné à mort, les JS et ES grenoblois occupent le siège local de l’ORTF, accusée de taire les crimes de Franco, et en appellent à « l’Unité populaire – Programme commun ! » contre « la résurgence du fascisme en France238 ». Lorsque le condamné est exécuté au garrot, Coureuil dessine Franco en mort-vivant, alors que L’Unité prend cet engagement : « Salvador Puig Antich est mort comme on mourait pendant la guerre civile. Il n’est toujours pas question pour nous d’oublier l’Espagne239. » L’exécution de cinq militants du Front révolutionnaire antifasciste et patriotique (FRAP) et du mouvement nationaliste basque ETA suscite, en septembre 1975, une vague de protestation dans le monde entier. Barrigue représente Franco, vieillard décharné en uniforme, perdant son bras de fer avec la grande faucheuse, qui lui broie une main dégoulinante de sang (fig. 64). En France, la gauche unie défile à nouveau le 20 septembre à Paris : socialistes, communistes et militants de l’UNEF sont rejoints par les militants du PSU, de la CGT, de la CFDT, des radicaux de gauche, de la FEN, de la LDH, de la Jeune République, et de la Libre-Pensée240. Partenaires du programme commun, François Mitterrand et Georges Marchais, marchent côte à côte241.
103Toutefois, que l’on ne s’y trompe pas : cet activisme n’allège en rien le devoir de mémoire des socialistes. La guerre d’Espagne, au travers de livres ou de films, tels ceux de Jorge Semprun, recommandés par les rubriques littéraires ou cinématographiques de la presse organique ou de gauche, fait partie intégrante de leur culture242. Se mobiliser contre Franco ne favorise pas l’oubli.
Fig. 64. – « La cause espagnole », Barrigue (L’Unité, no 171, 26 septembre 1975).

104En novembre 1975, la longue agonie du caudillo réveille la mémoire des années sombres de Barrigue qui campe Hitler et Mussolini commandant au petit vieillard impotent de se dépêcher de mourir (fig. 65). Pour autant, cette mort annoncée ne met pas un terme aux regrets. Les rocardiens, entre autres, entretiennent la mauvaise conscience du parti : « la mort de Franco évoque d’abord la mort de ceux qu’il a fait tuer », proclame Faire243. Aussi L’Unité publie-t-elle un entretien de Malraux où, en expliquant la non-intervention par la pression des Britanniques, il exonère Léon Blum de toute responsabilité.244. Philippe Machefer accable, lui, « la droite française » qui « a pesé à fond en faveur de la non-intervention » pour préserver ses intérêts dans les mines espagnoles245. En 1976, revenant sur le Front populaire, l’historien René Girault, évoquant « l’ombre noire de l’Espagne », insiste sur les multiples contraintes qui pesaient sur le gouvernement Blum et le disculpe de la catastrophe finale :
« En 1936, la menace de guerre civile en France n’était pas une vue de l’esprit, Blum en était persuadé. Or, une politique de fermeté, voire d’audace à l’extérieur suppose ou bien un certain consensus national ou bien un gouvernement autoritaire ; la coalition électorale de 1936 ne possédait pas le premier, ne voulait pas du second. Au bout du chemin, ce fut Munich, puis Vichy246. »
Fig. 65. – « Alors, c’est pour aujourd’hui ou pour demain ? » (L’Unité, 24 octobre 1975).

105Parallèlement, Le guide du nouvel adhérent explique qu’il a été « impossible à Léon Blum de porter secours aux républicains247 ». L’Insurgé publie une mise au point « historique » pour permettre aux JS et ES de mieux comprendre les enjeux présents. La guerre civile y est comparée à la guerre du Vietnam parce que son « internationalisation » la transforme en « mythe mobilisateur pour l’opinion mondiale », mais seules les Brigades internationales sont citées et pas un mot n’est dit sur le rôle du gouvernement Blum : l’omission doit-elle éviter de troubler les jeunes consciences248 ? En 1977, l’Histoire du socialisme en France en bande dessinée, conçue pour un plus large public, présente un Léon Blum « de tout son cœur et de toutes ses convictions » au côté des républicains espagnols, mais entravé par « les principales autorités de l’État », « le président de la République Albert Lebrun, le président de la Chambre des députés Édouard Herriot et le président du Sénat Jules Jeanneney » et par l’hostilité des Britanniques249. Sur le terrain mémoriel de la guerre d’Espagne, tant que le régime franquiste est en place et que la répression fait rage, les socialistes ne peuvent oublier ce qu’il considère comme une désertion du Front populaire en 1936. Ils y parviennent d’autant moins qu’ils nourrissent un complexe d’infériorité envers les communistes qui, dans toutes leurs manifestations, mobilisent les anciens des Brigades internationales. C’est pourquoi, ils cherchent régulièrement à justifier la non-intervention, au lieu de tourner la page.
106Progressivement, néanmoins, l’actualité de la transition démocratique espagnole prend le pas. Alors que les différentes forces politiques espagnoles, dont le PSOE et le PCE, optent pour un pacte d’oubli sur les crimes des deux camps250, PS et PCF font de même. Ils soutiennent le PSOE de Felipe Gonzalez et le PCE de Santiago Carrillo, qui ont signé le pacte de la Moncloa le 25 octobre 1977, puis la constitution votée le 6 décembre 1978, contre les irréductibles du franquisme251. La mauvaise conscience socialiste s’apaise et, avec elle, le souvenir traumatique de la non-intervention, comme l’illustre Pym en revisitant Goya (ill. 14, cahier hors texte)252. Aux visages hallucinés et privés de conscience des participants à une messe noire – l’Espagne franquiste – l’artiste juxtapose une vive et gracieuse Espagnole et remplace son éventail par une rose rouge. Les socialistes tournent enfin la page et veulent croire, à juste titre, que le PSOE pourra bientôt conquérir le pouvoir en Espagne.
Faire jeu égal avec « le parti des 75 000 fusillés »
107Aux lendemains de la Libération, comme après le retour du général de Gaulle au pouvoir en mai 1958, nous avons vu que les socialistes n’avaient pas réussi à imposer leur mémoire de la résistance face aux gaullistes et aux communistes, ou que du moins ils ne l’avaient pas suffisamment souhaité pour y parvenir. La panthéonisation de Jean Moulin, en 1964, avait constitué le point d’orgue de ce retrait plus ou moins consenti. Les événements de mai 1968, puis la disparition du général de Gaulle en novembre 1970, ont néanmoins changé la donne, de même que l’inversion du rapport de force électoral avec les communistes au fil de la décennie. Dans le milieu éditorial, la signature du programme commun permet un rapprochement des points de vue sur la Résistance, du moins les premiers temps. Cependant, après la rupture de septembre 1977, les socialistes ne retiennent plus leurs coups et l’une des manières d’atteindre le PCF de Georges Marchais est de dénoncer le stalinisme comme un totalitarisme congénital.
108Dans l’euphorie du programme commun, une trêve, voire une collaboration, semble possible dans la manière de raconter l’histoire de la Résistance. Un monumental ouvrage, bien que publié par un communiste, est ainsi promu par la presse socialiste, alors qu’un autre est écrit en commun.
109En 1972-1973, L’Unité fait régulièrement de la publicité pour La Résistance, livre du journaliste de L’Humanité Alain Guérin253, présenté comme « le premier récit de toute la Résistance » parce qu’il couvre « une guerre de vingt ans » de 1930 à 1950, y compris « en Chine, en Espagne, et en Éthiopie ». L’ouvrage, monumental avec ses 2 500 pages et ses 3 000 photographies, est qualifié, à juste titre, de « récit de témoins », l’objectif du PCF étant précisément de conserver la main sur les témoignages de résistants communistes. Il se veut une réponse au Debout Partisans de Claude Angeli et Paul Gillet, paru chez Fayard en 1970, et concurrence l’Histoire de la Résistance en France d’Henri Noguères, dont la parution a commencé dès 1967 et qui concentre d’ailleurs les témoignages communistes dans ses premiers volumes. Or en 1973, dans le second volume d’Alain Guérin, Noguères et Henri Michel y sont désignés comme des sympathisants de « l’idéologie social-démocrate254 ». Peut-être l’équipe de L’Unité n’est-elle pas assez au fait de ces querelles historiographiques pour éviter de diffuser une telle publicité ? Dans la mesure où le PCF y est érigé en acteur principal de la Résistance intérieure et de son regroupement et en cible privilégiée de la répression – vulgate que les socialistes n’ont cessé de démentir tout au long des années précédentes – il est sans doute plus probable que la réussite de l’union de la gauche l’emporte alors sur toute autre considération chez les mitterrandistes. Dans la même période, Claude Fuzier entreprend une ode au patriotisme soviétique avec une chronique en plusieurs épisodes pour commémorer la bataille de Stalingrad255.
110Du côté socialiste, Henri Noguères poursuit sa collaboration avec le communiste Marcel Degliame-Fouché pour les troisième et quatrième volumes de son œuvre au long cours256. Mais lorsqu’il aborde l’année 1943 et ce qu’il considère comme les tentatives de noyautage de la Résistance par les communistes, les relations avec son co-auteur se dégradent. Au même moment, le PCF réalise que le PS est en train de le dépasser dans les urnes, et l’union de la gauche se fissure elle aussi. Noguères établit même un parallèle entre la période contemporaine et celle de 1943-1944257.
111En 1975, dans son rapport sur les relations PS-PC, Lionel Jospin met sur un même pied le ralliement au pacte germano-soviétique d’août 1939 du PCF, et le vote majoritaire des parlementaires socialistes le 10 juillet 1940258, pendant qu’au colloque de Toulon de la Fédération nationale des combattants et prisonniers de guerre (FNCPG), devant le premier secrétaire du PS, le communiste Georges Gosnat présente l’entente au camp de représailles pour officiers de Lübeck comme une préfiguration de l’union de la gauche259. D’un tacite accord, semble-t-il, les frères ennemis renoncent à utiliser les années sombres pour jeter de l’huile sur le feu. En interne, toutefois, les rocardiens n’hésitent pas à remettre d’ores et déjà en cause le marxisme et à pointer les erreurs que ses analyses auraient entraînées260. Ils n’hésitent pas à non plus à commémorer de tristes anniversaires, comme le coup de Prague de 1948261. L’union de la gauche ayant porté ses fruits aux municipales de mars 1977, à Besançon, Robert Schwintz – qui a succédé à Jean Minjoz – propose une rue Auguste Delaune, un sportif communiste assassiné par la Gestapo en 1943262. À Nantes, Alain Chénard va même plus loin en concédant une rue Maurice Thorez, ce qui lui vaut des courriers indignés de la part de certains militants et sympathisants socialistes263.
112Avec la rupture du programme commun, en septembre 1977, les socialistes retrouvent leurs réflexes de guerre froide, multiplient leurs critiques sur le passé communiste et, comble de la provocation, accueillent volontiers des transfuges du PCF dans leurs colonnes, voire leurs rangs. L’invasion de l’Afghanistan en 1979, puis la répression de Solidarność en Pologne en 1980 et 1981 donnent un coup de fouet à leur lecture antitotalitaire de l’histoire du communisme.
113Les mémoires de Charles Tillon, qui a été exclu du PCF en 1970 et qui, depuis, met en cause l’attitude de Georges Marchais sous l’Occupation, sont loués et leur lecture recommandée aux militants. Et comme Auguste Lecoeur au tournant des années cinquante et soixante, il devient un expert que l’hebdomadaire du PS consulte264. Avant même la traduction en français de L’Archipel du Goulag de Soljenitsyne en mai 1974, Claude Fuzier loue le courage de Pierre Daix, ancien résistant et déporté communiste, qui dévoile son désespoir depuis les révélations du dissident dans Ce que je sais de Soljenitsyne265. Cinq ans plus tard, Faire lui ouvre ses colonnes alors qu’il est devenu une figure du milieu intellectuel antitotalitaire266. Jorge Semprun, « un communiste qui a de la mémoire », est également enrôlé, surtout après que l’invasion de l’Afghanistan par les troupes soviétiques n’a suscité aucune condamnation de la part de Georges Marchais en 1979. L’ancien résistant et déporté, qui sous le nom de Federico Sanchez dirigea le parti communiste espagnol avant de tomber en disgrâce, écrit des romans et des scénarios, tel celui de L’Aveu de Costa-Gavras, considérés comme des œuvres salutaires par la presse socialiste. En mars 1980, Claude Estier loue Quel beau dimanche qui montre que « la grande espérance de la révolution d’Octobre » est désormais marquée par « la tâche indélébile du goulag » et, pour appuyer son propos, il juxtapose les photographies de Buchenwald et de « Siktiwkar » (sic)267. Comme aux grandes heures de la guerre froide, il s’agit donc de dénoncer les crimes du stalinisme, sorte de péché originel que le PCF est sommé de reconnaître comme tel268.
114L’Institut socialiste d’études et de recherches (l’ISER), dirigé par l’ancien communiste Jean Pronteau, organise ainsi, en 1979, un colloque sur « l’actualité du stalinisme » pour permettre « une analyse critique du passé » et, annonce François Mitterrand, poser une question fondamentale pour le présent : « Staline est-il le continuateur de Lénine, ce dernier étant celui de Marx ? » Si tel était le cas, « l’espoir doit être rangé au fin fond d’un placard », commente l’ancien communiste Guy Perrimond, alors qu’au même moment le PS soutient la stratégie eurocommuniste d’Enrico Berlinguer en Italie. Des intellectuels communistes, tels les historiens Jean Elleinstein, Philippe Robrieux, et Giuseppe Boffa, ainsi que des dissidents, tel le mathématicien ukrainien Léonid Pliouchtc, réfugié en France depuis 1976, participent aux débats et examinent les rapports que les partis communistes ont avec « leur passé, sans cesse réécrit, recomposé ». L’une de leurs conclusions est que seule l’alliance avec le PS peut permettre au PCF « d’éliminer la part de stalinisme encore présente en lui269 ». Ainsi faisant, le PS capte à son profit la mémoire antitotalitaire de la gauche et profite du porte-à-faux où le PCF est conduit par son soutien inconditionnel à l’URSS.
115Pour autant, les mitterrandistes semblent renoncer à exploiter ouvertement l’affaire Marchais. Que ce soit par scrupule ou par tactique, leurs motivations interrogent. Celle-ci a été lancée, en 1970, par Charles Tillon qui déclare au Nouvel Observateur que le secrétaire général a menti en prétendant être resté en France durant toute l’Occupation alors qu’il a participé au STO270. Le 3 juin 1970, avec Roger Garaudy, Maurice Kriegel-Valrimont et Jean Pronteau, ils signent un appel dans lequel ils déclarent qu’il ne leur est plus possible de se taire et où ils reprochent à Georges Marchais de n’avoir participé à aucun des « combats vitaux » du parti. Or, bien que Tillon ait droit de cité dans L’Unité et que Pronteau ait rejoint le PS en 1973 et son comité directeur en 1975, pas un propos explicite n’est repérable à ce sujet. Lorsqu’au mitan des législatives de mars 1973, Auguste Lecoeur, à la tête de La Nation socialiste publie, en même temps que les journaux d’extrême droite Minute et Rivarol, des documents tendant à établir que Marchais a devancé le STO, le PS préfère ne pas mettre en péril l’union de la gauche271. En mai 1976, c’est le ministre de l’Intérieur honni, Michel Poniatowski, qui porte l’attaque et il ne saurait être question de lui emboîter le pas272. Même après la rupture du programme commun en septembre 1977, les passes d’armes, pourtant violentes, avec le PCF évitent ce terrain, comme le montrent les arguments de François Mitterrand pour critiquer l’attitude du PCF à Cartes sur table sur A2 le 15 février 1978. Alors qu’il en appelle au « bon sens » des communistes et de leurs sympathisants, il serait malvenu de les braquer. D’autant que la campagne contre Marchais n’a nul besoin de son renfort : en juillet 1978, L’Express publie en feuilleton une étude signée de Jean-François Revel et Branko Lazitch et intitulée « La vraie vie de Georges Marchais ». Lorsque ce dernier doit à nouveau s’expliquer dans « Face au public » sur France-Inter, le 14 novembre 1979, le journaliste et militant PS Paul Quilès se contente de l’interroger sur le refus que le PCF oppose à toute tentative d’unité d’action273. À nouveau, en mars 1980, L’Express fait sa une sur « Le mensonge » de Marchais qui serait demeuré en Allemagne jusqu’en 1944. À la veille du Club de la presse sur Europe 1, qui doit confronter l’accusé à Jean-François Revel le 11 mars, le premier secrétaire du PS est interrogé sur l’affaire. Derrière une apparente neutralité, il en fait un problème de conscience personnelle pour son adversaire :
« Le débat doit être au niveau de la morale politique. Je parle seulement de ce que je connais, surtout dans une matière aussi délicate, lorsqu’il s’agit de mettre en cause l’honneur d’un homme. Comme je n’ai pas une nature inquisitoriale, je suis peu porté à juger de ces choses-là274. »
116Tout juste relève-t-on une allusion, ce même mois de mars 1980, sous la plume de Claude Estier : « À l’heure où tel dirigeant devenu communiste quelques années après la guerre s’efforce à grand-peine de restituer son itinéraire de ces années noires », dit-il avant de recommander la lecture de Jorge Semprun275. Il n’est point nécessaire de nommer le secrétaire général du PCF – nul doute que tout socialiste est au courant. Il serait maladroit de la part du PS de se mettre en avant alors qu’il espère se rallier les suffrages des communistes aux présidentielles, d’autant que le PCF a vite fait de dénoncer un complot socialiste276. Enfin, alors que Le Quotidien de Paris vient de révéler que 60 % des personnes interrogées estiment qu’il est « important de connaître avec précision le passé d’un candidat à la présidence de la République277 » et que la presse d’extrême droite exhume le passé « sulfureux » de Mitterrand, il n’est pas opportun de jouer la surenchère. Le PS ne réagit donc pas non plus au numéro du Point du 23 février 1981 qui porte l’estocade sur le même thème.
117En accueillant dans les colonnes de leurs journaux, voire dans leurs rangs, d’anciens résistants communistes en rupture de ban, les socialistes tiennent leur revanche sur « le parti des 75 000 fusillés ». Confortés électoralement, la stratégie d’union de la gauche ayant tourné à leur profit, ils ont beau jeu de ne pas accabler ouvertement le secrétaire général du PCF empêtré dans son passé au STO, tout en renouant avec leur antitotalitarisme de guerre froide.
118Au cours de cette décennie, les intérêts du présent divergent trop pour que PS et PCF puissent mettre en œuvre un programme commun mémoriel autre que de circonstance. Assez rapidement, la Commune de Paris semble récupérée par les gauchistes ; le Front populaire devient un lieu de mémoire socialiste et un non-lieu de mémoire communiste ; et la guerre civile espagnole demeure un traumatisme que les socialistes sont soulagés de pouvoir enfin transcender après la mort de Franco. Certes, en réaction à l’invasion de l’Afghanistan et au régime de Jaruzelski, les socialistes ne renouent par tout à fait avec leur anticommunisme de guerre froide en réservant leurs coups les plus rudes à l’URSS stalinienne plutôt qu’au PCF lui-même. Ne font-ils pas preuve d’une relative modération tout au long de l’affaire Marchais ? Néanmoins, ils usent de leur proximité avec les intellectuels antitotalitaires pour mettre en difficulté leurs partenaires communistes en jetant un éclairage cru sur « la grande lueur à l’Est » que ces derniers ont mythifiée et qui pâlit plus que jamais278. Armé face à une droite qu’il qualifie de « néo-vichyste » et en position de force face aux communistes, le PS a su humer l’air du temps mémoriel en se dotant d’une mémoire des guerres au large spectre : antitotalitaire, antifasciste, antiraciste et anticolonialiste, mâtinée de tiers-mondisme. La victoire acquise le 10 mai 1981, la mémoire mitterrandiste construite depuis la cité Malesherbes tout au long de la décennie devient présidentielle. La transmission entre l’Élysée et Solférino, nouveau siège du parti, ainsi que les différentes fédérations et municipalités, n’est plus aussi fluide.
S’accommoder d’une mémoire présidentielle en porte-à-faux
119François Mitterrand entretient avec l’Histoire un rapport privilégié et comparable à celui du général de Gaulle : la connaissance du passé doit répondre de l’avenir279. Prenant le contre-pied du septennat de Valéry Giscard d’Estaing, ses différents gouvernements s’emparent de la mémoire collective des Français pour tâcher d’en faire une mémoire nationale, avec un dispositif commémoratif sans précédent280. L’objectif est de faire face à la vague mémorielle des années quatre-vingt et de répondre, autant que faire se peut, au malaise identitaire que provoquent la mondialisation, l’intégration européenne et l’immigration. Or depuis la Libération, le parti socialiste est partie prenante d’un mouvement qui refuse l’oubli, avant même que la formule « devoir de mémoire » ne fasse florès dans le champ politique et social en 1992-1993281. Dans ce nouveau registre mémoriel, ce n’est ni la politique mémorielle de Mitterrand, ni sa ritualisation de la vie politique que nous interrogerons ici282, mais sa réception par les militants et sympathisants.
Du « Plus jamais ça ! » au « Plus jamais Munich ! »
120En théorie, l’adhésion de militants issus du courant des Assises et le rejet soigneusement entretenu du « national-molletisme » ont retrempé le pacifisme du PS dans sa source idéologique la plus pure, d’autant que l’ombre portée de Mai 1968, de l’antimilitarisme révolutionnaire et des mobilisations du Larzac s’étend sur les plus jeunes. En pratique, en janvier 1978, le premier secrétaire a chargé Charles Hernu, qui dirige la commission de la défense du PS, d’obtenir le ralliement du parti à la dissuasion nucléaire, ce qu’il fait en dépit d’une opposition certaine283. Élu président de la République et incarnant dès lors la fonction patriotique, François Mitterrand renforce cette orientation et crée une Force d’action rapide (FAR), conventionnelle et susceptible d’intervenir hors de France. L’exercice du pouvoir heurte ainsi la culture pacifiste « Plus jamais ça ! », alors qu’en pleine crise des euromissiles en 1983, un sondage révèle que 58 % des sondés se déclarant socialistes sont favorables aux initiatives pacifistes284. Comment Solférino, alors dirigé par Lionel Jospin, peut-il les amadouer285 ? Lorsque la guerre du Golfe fait irruption sous le gouvernement Rocard en 1990, le syndrome de Munich, développé lors de l’affaire de Suez en 1956286, réapparaît en provoquant la démission du ministre de la Défense le 29 janvier 1991. Circonscrite, la crise n’en est pas moins violente et pose à nouveau la question de l’identité du parti au regard de sa fidélité à son passé.
121En ce début des années quatre-vingt, le spectre d’une troisième guerre mondiale hante à nouveau les Européens. En octobre 1979, une vague pacifiste déferle lorsque l’OTAN décide d’opposer aux SS 20 soviétiques des missiles Pershing américains en Europe occidentale, des « euromissiles ». Or dès octobre 1981, la direction mitterrandiste du PS prend une position très ferme et « sans même recourir au souvenir de Munich » dénonce toute « l’ambiguïté » des manifestations pacifistes en RFA en y voyant la main de Moscou287. En dépit des efforts du Mouvement de la Paix et de l’Appel des Cent du 19 juin 1983, la France demeure à l’écart de cet élan pacifiste qui reste polarisé sur le PCF et la CGT288. Les socialistes, qui ont créé le Mouvement démocratique socialiste pour les États-Unis d’Europe (MDSEUE) en 1947, sont européistes parce qu’ils conçoivent la construction européenne comme une nouvelle forme d’internationalisme susceptible de préserver la paix. « Plus jamais la guerre ! », s’écrie Jacques Huntzinger appelant à « se battre pour l’Europe289 ». Trente ans après la querelle de la CED, l’amitié franco-allemande n’est plus discutée. La germanophobie, que nous avions vue encore à l’œuvre en 1954, a définitivement laissé la place à l’antitotalitarisme, et rares sont les militants qui confondraient désormais les Allemands avec les nazis290. À l’unisson de la majorité des forces politiques françaises, le PS peut donc souligner le déséquilibre stratégique qui existe entre l’Occident et le régime soviétique. Néanmoins, les militants pacifistes s’accommodent mal de cette position très ferme de l’Élysée et du premier secrétaire, Lionel Jospin, dont le passé lambertiste, alors méconnu du grand public, garantit l’antisoviétisme. Alors que le rapprochement franco-allemand fait consensus dans le parti, son hebdomadaire ne couvre pas le 20e anniversaire du traité de l’Élysée de 1963 où Mitterrand, en visite au Parlement de Bonn, apporte le soutien de la France aux euromissiles. Ce silence traduirait-il la volonté de ménager les pacifistes du parti291 ? Quoi qu’il en soit, après le discours du président à Bruxelles, le 13 octobre 1983, et sa formule restée célèbre : « Le pacifisme est à l’Ouest, les missiles à l’Est. Je pense qu’il s’agit là d’un rapport inégal », l’organe du parti emboîte ostensiblement le pas à Mitterrand, quand la presse fédérale se montre parfois plus réservée292. Dans ce contexte sensible, la geste mémorielle que déploie le président afin de resserrer l’amitié franco-allemande trouve un usage bienvenu en interne.
122François Mitterrand et Helmut Kohl partagent la ferme volonté de préserver la paix en Europe. Ils sont tous deux convaincus que renforcer l’intégration communautaire ne suffit pas, et qu’il convient également de resserrer leurs liens bilatéraux afin d’ancrer définitivement la réconciliation franco-allemande dans les mentalités. C’est pourquoi ils mettent en scène cette amitié, de façon littéralement théâtrale, le 22 septembre 1984 à Verdun293. « La guerre a laissé à nos peuples, ruines, peines et deuils. La France et la République d’Allemagne ont tiré la leçon de l’Histoire. L’Europe est notre foyer de civilisation commun et nous sommes les héritiers d’une grande tradition européenne », déclarent-ils ensemble294. Rapprochement franco-allemand oblige, les soldats des deux camps sont désormais les victimes d’une même tragédie. Plutôt que ce discours des deux chefs de l’État, c’est leur image, à l’ossuaire de Douaumont, main dans la main, rendant hommage aux soldats des deux nations morts au combat durant la Grande Guerre qui devient iconique chez les socialistes, à l’initiative de la direction. La photographie, en couleurs, diffusée dans le monde entier, est immédiatement reproduite par L’Unité295.
123Cinq ans plus tard, le même geste symbolique est repris sous un autre angle, lors de la campagne de juin 1989 pour les élections européennes. En noir et blanc, telle une image d’archive, la photographie est barrée au coin inférieur droit de la rose au poing rouge, auréolée des étoiles européennes jaunes, le tout sur fond bleu. Sous le slogan « Vers une nouvelle terre de paix », le cadrage du couple de dos en plan rapproché donne un effet « par le trou de la serrure » qui augmente le sentiment de connivence du spectateur – électeur. Cette affiche est la première d’un triptyque qui en comprend deux autres : l’une « Vers une nouvelle terre de justice » (une Marianne allaitant des jumeaux) et l’autre « Vers une nouvelle terre de progrès » (deux enfants se donnant la main et qui se retournent pour nous regarder)296. Lu dans son intégralité, le triptyque présente le rapport au temps et à l’histoire des socialistes, lesquels disent regarder le passé pour en tirer les leçons et se projeter dans l’avenir. L’affiche illustre aussi la présentation de la liste menée par Laurent Fabius (fig. 66)297.
124Dans son numéro célébrant le 10e anniversaire de la victoire de mai 1981, le nouvel hebdomadaire des socialistes, Vendredi, cite la commémoration du 22 septembre 1984 comme un repère essentiel. Ainsi, à l’occasion des législatives de mars 1993, son dossier sur les réalisations socialistes en politique extérieure reprend la photographie couleurs d’origine pour la mettre en valeur au milieu d’une double page298. Alors qu’au lendemain de la chute du mur de Berlin, en novembre 1989, Joël Bianco croit impossible la réunification prochaine de l’Allemagne, force lui est de reconnaître, dix mois plus tard, que la France va devoir s’adapter. La caricature de Bellenger traduit bien l’évolution de la mémoire des socialistes à l’égard du partenaire d’outre-Rhin. L’aigle germanique et le coq gaulois sont désormais des déguisements dont sont revêtus les deux chefs d’État : le petit Mitterrand semble quelque peu surpris par la soudaine éclosion sous son nez d’un œuf énorme d’où surgit, tout sourire, le massif Kohl. Aucun souvenir traumatique n’affleure et l’image se veut bon enfant (ill. 15, cahier hors texte)299. Les socialistes semblent, enfin, avoir trouvé leur « juste mémoire », telle que l’a définie Paul Ricœur : il n’y a ni déni, ni exagération de la culpabilité ou de la souffrance dans une représentation du passé qui se veut partagée de part et d’autre300.
Fig. 66. – Mémoire de Verdun : affiche électorale (Vendredi, no 21, 2 juin 1989).

125En 1984, par conséquent, cette représentation de la Grande Guerre satisfait les sentiments relevant du pacifisme « Plus jamais ça ! », mais au prix d’un malentendu. Le 8 mai 1995, à l’occasion du 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, le président Mitterrand s’interroge : « Est-ce une défaite que nous célébrons ? Est-ce une victoire ? C’est la victoire de la liberté sur l’oppression […], c’est surtout une victoire de l’Europe sur elle-même301. » Le mal, par conséquent, est bel et bien le nazisme, qu’il était alors juste de combattre, et non la guerre qui, dans la geste mémorielle présidentielle, n’est pas un mal en soi. D’ailleurs, François Mitterrand n’envisagera jamais une quelconque réhabilitation des mutins de 1917, à la différence de Lionel Jospin, devenu Premier ministre, le 5 novembre 1998, à Craonne. Dans les années quatre-vingt, le pacifisme « Plus jamais ça ! » semble devenir résiduel dans la culture socialiste, voire folklorique. À la veille des législatives de mars 1986, Solférino intègre l’objection de conscience à son « Socialisme du possible302 » ; et, au lendemain de la victoire aux municipales de mars 1989, Baringou ose un poilu, tout de rose vêtu, brandissant le poing et la rose au fusil, pour signifier la conquête par les urnes de Verdun (fig. 67)303.
126Le syndrome de Munich pèse donc encore sur les consciences françaises304 ainsi que sur les socialistes, même s’il n’est plus explicitement convoqué à tout instant. Or l’agression du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein, le 2 août 1990, les replonge dans une situation comparable à celles de 1954 avec la CED ou de 1956 avec l’affaire de Suez : c’est « l’heure du choix305 », choix entre deux conceptions du pacifisme, choix entre leur conscience et la discipline du parti. Depuis le désastreux congrès de Rennes de mars 1990 qui a vu les mitterrandistes s’entre-déchirer entre jospiniens et fabusiens, l’unité du parti semble ébranlée mais, contre toute attente, le risque de guerre rebat les cartes. Alors que dans leurs discours, le passé avait semblé moins éruptif que dans les années cinquante, brusquement, l’invective pour disqualifier l’adversaire en interne relève à nouveau de l’analogie historique.
Fig. 67. – « On a pris Verdun ! », Baringou (Vendredi, no 12, 24 mars 1989).

127Après avoir instauré un boycott commercial, financier et militaire de l’Irak le 6 août 1990, le conseil de sécurité de l’ONU réplique à l’annexion du Koweït par Saddam Hussein, le 25, avec la résolution 665 qui autorise le recours à la force pour faire respecter son embargo. Durant la crise, la France est intervenue pour mettre en œuvre une « politique de fermeté et de négociation diplomatique306 ». Le 27 août, le Premier ministre, Michel Rocard, présente à l’Assemblée nationale la politique du gouvernement au Moyen-Orient, pendant que Roland Dumas, le ministre des Affaires étrangères, fait de même au Sénat. « Aucun d’entre nous n’est belliciste et nous savons tous qu’il n’y a pas de guerre fraîche et joyeuse », déclare Michel Rocard, en reprenant une expression d’août 1914 diffusée par le gouvernement d’alors afin de convaincre les Français de partir « la fleur au fusil ». « Mais nul non plus ne se dérobera face à la situation créée par d’autres, s’il n’y a décidément aucun moyen de faire autrement dans le respect de nos principes », ajoute-t-il307. Tout est dit. La France fera tout ce qui est en son pouvoir pour préserver la voie diplomatique mais elle n’écarte pas le risque de guerre, comme l’avaient fait les paul-fauristes et autres munichois en 1938. Pierre Mauroy, député du Nord mais aussi premier secrétaire depuis mai 1988, ne dit pas autre chose au nom de son groupe, en affirmant que, sur le plan du droit international, « le présent conflit est exemplaire. Tout recul nous entraînerait dans un engrenage sans fin ». Car les socialistes, précise-t-il, « savent d’expérience, hélas, que les valeurs de l’humanité doivent parfois se défendre par les armes », ce qui est une claire allusion à la Résistance308. Quant au président du groupe au Sénat, Claude Estier, en rejetant toute « diplomatie de capitulation », il approuve le ministre des Affaires étrangères qui a déclaré que : « le Koweït ne sera pas les Sudètes car nous avons refusé le rendez-vous de Munich309 ». Dès septembre, les pacifistes se font entendre dans les capitales occidentales. En France, l’extrême gauche trotskyste et anarchiste, le PCF et la CGT se mobilisent contre la guerre à venir et pour une solution négociée. Le 13 octobre, L’Humanité publie, en une, l’Appel de 75 personnalités, dont le porte-parole est l’avocat Denis Langlois et, le 20 octobre, une manifestation pacifiste rassemble une trentaine de milliers de participants.
128Dans ce contexte, les socialistes sont en proie au doute. Jean-Pierre Bédéï préfère en sourire : « Toujours prompts à lancer un débat (vrai ou faux) en leur sein dès que surgit un problème, ils ne pouvaient pas manquer de faire émerger une discussion au gouvernement et au PS310. » D’un côté, certains, dont Jean-Pierre Chevènement, le ministre de la Défense, ainsi que d’autres membres de son courant « Socialisme et République311 », tels Pierre Guidoni ou Michel Charzat, mais aussi Lionel Jospin, sont alors clairement favorables à une solution diplomatique la plus poussée possible. « Il est évident que les socialistes ne doivent jamais désespérer de la paix, jamais se résigner à la “logique de guerre” », déclare ainsi le secrétaire national aux Relations internationales, Pierre Guidoni312. De l’autre, Michel Sapin ou Gérard Bapt ne veulent pas affaiblir la politique de dissuasion à laquelle le PS s’est rallié, et sont sur la même ligne que le président Mitterrand et son ministre des Affaires étrangères. Le 3 septembre, Roland Dumas est l’invité de L’heure de vérité313. L’embargo peut-il contraindre Saddam Hussein à négocier l’interroge Alain Duhamel ? « N’oubliez pas que l’Histoire porte ses enseignements », répond-il. La SDN a perdu tout crédit faute de détermination ; « si la communauté internationale ne fléchit pas », la paix peut être sauvée, ce qui est une pierre dans le jardin de ceux qui critiquent la politique de fermeté. Quant au malaise de tous ceux qui se méfient des États-Unis ou qui sont tiers-mondistes, Roland Dumas le balaye d’un revers de main : « Des sensibilités socialistes s’expriment mais ils sont unanimes sur le respect du droit international et des droits de l’Homme. » D’ailleurs, argue-t-il pour faire bonne mesure, il a connu, le 27 août, au Sénat, « l’un de ces rares moments d’union nationale comme nous en avons connu dans le passé, union nationale dont pour ma part j’ai conservé la nostalgie », rappelant, mine de rien, son engagement dans la Résistance314.
129Le 29 novembre, le conseil de sécurité vote la résolution 678 qui fixe au 15 janvier à minuit la fin de l’ultimatum à partir duquel les membres de l’ONU seront habilités à user de la force pour contraindre l’Irak à évacuer le Koweït. Michel Vauzelle, président socialiste de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, ne peut ignorer qu’il prend le contre-pied du livre pacifiste de Paul Faure, plusieurs fois réédité dans l’entre-deux-guerres, lorsqu’il rappelle le vieil adage, « Si tu veux la paix, prépare la guerre », à ses camarades315. Pour autant, par « horreur de la guerre », il rencontre proprio motu le dictateur à Bagdad, le 3 janvier, dans une ultime tentative de conciliation316. Dans le même temps, Max Gallo et Claude Cheysson, anciens ministres de Pierre Mauroy, signent « un appel des Trente » pour demander le retrait des troupes françaises du Golfe et participent à la manifestation qui réunit des pacifistes de diverses organisations, des anarchistes et des communistes le 12 janvier317. Symboliquement, leur appel a été lancé depuis le café du Croissant, là où fut assassiné Jaurès, ce qui scandalise le président de la commission d’Histoire du parti, Louis Mexandeau318. Jean-Pierre Chevènement, relayé au sein du parti par Pierre Guidoni, n’anticipe pas moins de 100 000 morts si la guerre avait lieu319. Le 4 janvier 1991, « Socialisme et République » publie un texte qui appelle « à une initiative de paix » et « à ne pas se résigner à une logique de guerre320 ». En fait, les chevènementistes partagent le refus de s’aligner sur les États-Unis et d’abandonner la politique arabe de la France avec les gaullistes orthodoxes, les communistes, les écologistes et même le Front National. Cependant, après le combat des chefs du congrès de Rennes, ce texte du 4 janvier est perçu comme une volonté séparatiste de leur part. Alors que le rocardien Gérard Lindeperg considère que le ministre de la Défense « a franchi la ligne jaune321 », Michel Debarge, numéro deux du PS et sénateur de Seine Saint-Denis, y voit une manœuvre politique car, confie-t-il à Radio J, « ceux qui veulent la paix à l’intérieur du PS, à condition que ce ne soit pas une paix bêlante, sont plus nombreux que les va-t’en guerre », faisant une allusion à peine voilée aux paul-fauristes en 1938322. L’ambiance au sein du parti s’est donc dégradée depuis que l’ultimatum a été lancé : ceux qui le critiquent sont accusés par leurs camarades d’être des antiaméricanistes primaires, des tiers-mondistes naïfs et – c’est là que le souvenir des années trente ressurgit – des « pacifistes bêlants » et des « munichois323 ». Roland Dumas va même plus loin en déclarant, à quelques heures de l’expiration de l’ultimatum : « On veut porter le veston de Briand et l’on se retrouve dans la vareuse de Laval324. » Pourquoi de tels mots entre eux ? S’agit-il seulement d’une instrumentalisation du passé ?
130À quelques heures à peine de l’expiration de l’ultimatum le 15 janvier, les socialistes, au pied du mur, débattent encore. Pierre Mauroy, les présidents des groupes à l’Assemblée nationale et au Sénat, Jean Auroux et Claude Estier, veulent que leur vote au Parlement soit unanime pour soutenir la politique d’intervention du gouvernement. La discipline n’ayant jamais été totalement d’airain au PS, le groupe parlementaire et le comité directeur se réunissent à cette fin. Dans le message que le Premier ministre leur adresse à l’ouverture de leurs débats, il rappelle qu’il n’y a pas, parmi eux, « d’un côté des partisans de la paix, de l’autre, des partisans de la guerre ». En d’autres termes, ils ne doivent pas rejouer le congrès de Nantes de mai 1939, entre blumistes et paul-fauristes, de sinistre mémoire pour ceux qui connaissent bien l’histoire de la SFIO. Cependant, « pour rétablir le droit contre la violence qui a détruit le droit », il faut savoir ne pas céder devant « le fait accompli ». Et de rappeler aux contestataires que « L’histoire n’est pas avare d’exemples de ce genre de conduite, et nous savons quelles en sont pour tous les conséquences », usant cette fois-ci explicitement de l’argument d’autorité historique. Quant à Jaurès que toute la gauche revendique depuis le début du conflit, Michel Rocard est convaincu qu’il aurait souhaité voir émerger de cette crise un nouvel ordre international, fondé sur une réelle sécurité collective. En affirmant que « ce souci est consubstantiel à notre identité de Socialistes », Rocard espère porter le coup de grâce à ceux qui, en interprétant Jaurès de manière erronée selon lui, ne seraient pas de vrais socialistes325. Plusieurs ténors lui emboîtent le pas. Le choix de soutenir le gouvernement est « compatible avec l’histoire des socialistes » d’après Pierre Mauroy326 et il n’empêche pas d’adhérer au slogan inspiré de Prévert et lancé par le PCF, « Quelle connerie la guerre ! », et ce sans même l’avoir connue, ajoute Gérard Fuchs327. Quant à l’antiaméricanisme de Julien Dray, qui met en cause le rôle de l’US Army à la Libération, l’ancien résistant Jean Poperen s’en indigne328. Le plus critique à l’égard de « Socialisme et République » est Lionel Jospin, peut-être parce qu’il est le fils – comme il le rappelle d’emblée – d’un pacifiste intégral de 1940, Robert Jospin. Rappelant qu’après de nombreux débats, le PS s’est rallié à la dissuasion nucléaire, il met ses camarades en garde :
« Si nous étions pour la paix à tout prix, nous ne pourrions pas justifier, par exemple, l’engagement dans la Résistance ou la Seconde Guerre mondiale. Nous ne pourrions pas dire que nous étions rétrospectivement pour le soutien à l’Espagne républicaine et tous, je crois, nous pensons que nous l’aurions fait, et certains d’ailleurs d’entre nous, plus âgés que nous, l’ont fait effectivement329. »
131En d’autres termes, ce serait un véritable reniement de leur histoire et de leur identité. Pour convaincre les « tiers-mondistes », Lionel Jospin écarte toute assimilation à la guerre d’Algérie contre laquelle sa génération s’est engagée, car l’Irak n’est pas en lutte contre une puissance coloniale. Il ne s’agit pas non plus de Suez, « où Nasser, quoi que l’on en ait pensé, s’est efforcé de reconquérir pour son pays une voie d’eau essentielle ». Il n’est donc pas question non plus de ressusciter un « national-molletisme » honni. Si la majorité du comité directeur et des parlementaires couvent un syndrome de Munich, c’est à bon escient, pour éviter une nouvelle capitulation.
132Le 16 janvier 1991, les députés Jean-Pierre Fourré, Roland Carraz, Jean-Pierre Michel, Hélène Mignon et Jean-François Delahais de « Socialisme et République », auxquels s’ajoutent Julien Dray et Marie-Noëlle Lienemann, ainsi que les sénateurs Paul Loridan, Jean-Luc Mélanchon et Maryse Bergé-Lavigne votent contre la déclaration gouvernementale330. Comparée à celle des années cinquante, la proportion d’indisciplinés est donc très faible : 2,9 % au Palais-Bourbon et 3 % au Palais du Luxembourg ; mais s’ils ne représentent que 6 % des opposants au Sénat, ils pèsent pour 16,2 % à l’Assemblée nationale, ce qui fait désordre. Alors que, comme à l’accoutumée, ils excipent de leur clause de conscience, le premier secrétaire décide de les sanctionner en les privant de leur droit de représentation331. Le climat se détériore encore : Le Nouvel Obs prétend que Jean Poperen aurait rappelé, à propos de Julien Dray, qu’en 1945, les trotskystes se seraient sentis plus proches des nazis que des Américains332, quand Bernard Chaouat rappelle les errances et erreurs de Paul Faure, Louis l’Hévéder et autres munichois333. L’usage du passé pour disqualifier les indisciplinés en interne est donc comparable à celui des crises de la CED en 1954 ou de Suez en 1956. La charge symbolique est même plus violente : bien moins nombreux, les dissidents ne sont pas protégés par leur engagement dans la Résistance comme dans les années cinquante. Pire, certains de ceux qui leur portent les coups les plus rudes, tels Roland Dumas ou Jean Poperen, utilisent leur autorité d’anciens résistants. En outre, à la différence des crises mémorielles et existentielles des années cinquante, ils sont isolés et ne sont pas suivis par leurs fédérations comme l’atteste la presse de celles-ci334.
133Pourtant, le débat que suscitent ces quelques réfractaires à travers le problème de leur indiscipline, pose à nouveau la question du lien entre l’identité socialiste et la fidélité au passé. Dans les statuts, le débat démocratique puis la décision de la majorité doivent mettre fin à tout cas de conscience, ce qui n’est jamais allé de soi face à la guerre. Être socialiste doit-il conduire à renoncer à sa propre éthique ? Léon Blum n’a-t-il pas écrit : « Le socialisme est donc une morale et presque une religion, autant qu’une doctrine335 » ? La question demeure lancinante. Max Gallo se veut iconoclaste :
« Je vais vous faire une confidence : je crois que dans les périodes de grands bouleversements […] comme cela arrive quelquefois dans l’histoire – et nous vivons l’une de ces périodes –, c’est d’abord par rapport à l’échelle de ses valeurs personnelles qu’il faut se déterminer336. »
134Face à la guerre, chacun se tourne vers le passé pour justifier son choix. Or nous avons déjà vu que, dans les années cinquante, un passé commun ne garantissait en rien une mémoire partagée ; il est donc à craindre que, faute d’expérience vécue, le consensus soit encore plus délicat à obtenir. C’est ainsi que Pierre Guidoni justifie ses doutes et ceux de ses camarades : « Après tout, pour presque tous ici, c’est notre première déclaration de guerre ! Cela mérite peut-être que l’on respecte les sentiments des uns et des autres337. » Le parti ne devrait-il pas autoriser « la crise de conscience » lorsque l’on commence « à toucher à la vie ou à la mort, à la paix ou à la guerre », interroge Marie-Noëlle Lienemann338 ? En réalité, ce type de débat, le mouvement socialiste n’a jamais pu le surmonter et, à chaque fois, il provoque au pire une scission, au mieux quelques exclusions ou départs. Cette crise du Golfe pourrait-elle justifier une révision des statuts ?
135Elle se solde par la démission du ministre de la Défense le 29 janvier 1991, qui reprend en main son courant Socialisme et République pour finalement quitter le parti à l’été 1992339. Son retentissement médiatique ne doit pas cacher qu’en réalité, la majorité des militants et sympathisants s’est ralliée à la politique présidentielle. Les jeunes, avec le MJS, approuvent la politique de fermeté de la majorité340 et aucune fédération n’adopte de position critique. Le souvenir de Munich n’est plus un syndrome : il a la force de l’évidence. Certes, la génération des anciens combattants s’est réduite avec le temps au sein du parti, mais ce quasi-consensus confirme que la transmission de la mémoire, assurée dans le cadre d’une formation très volontariste depuis le congrès d’Épinay, a été efficace. Acculturés à cette mémoire partagée, les socialistes semblent donc à l’abri des cas de conscience et n’ont nul besoin de remettre en cause les règles de leur discipline collective.
136La manière dont le président Mitterrand réagit à la guerre en ex-Yougoslavie, qui débute au printemps 1991, fait l’unanimité. Militants et sympathisants approuvent ses initiatives pour tenter d’y préserver la paix, en particulier le 28 juin 1992 où, en plein blocus de Sarajevo, avec le ministre de la Santé et des Affaires humanitaires, Bernard Kouchner, il fait une visite surprise et remarquée dans la ville assiégée341. Puis à partir de mars 1993, sous la seconde cohabitation, le PS a beau jeu de dénoncer l’abandon de la Bosnie et l’impuissance de l’ONU en la comparant à celle de la SDN dans les années trente, tout en brandissant « le souvenir contre l’inadmissible » et en comparant les villes bosniaques au ghetto de Varsovie342. Michel Rocard signe des éditoriaux qui n’ont rien à envier à ceux de Léon Blum dans Le Populaire aux lendemains de Munich, en évoquant à dessein la « honte » et « la capitulation » au printemps 1993343. Face à la purification ethnique, l’Europe et les Nations unies ne peuvent reproduire « les mêmes erreurs que par le passé, comme si Munich ne nous avait rien appris », s’indignent encore les socialistes bretons un an plus tard344.
137Ainsi, le retour de la guerre sur le territoire européen érode le pacifisme « Plus jamais ça » traditionnel des socialistes. Seule butte témoin, la commémoration de l’assassinat de Jean Jaurès, « l’homme qui voulait empêcher la guerre », à l’été 1994. La presse socialiste, y compris fédérale, se mobilise. Elle soutient le musée Jean-Jaurès, qui organise deux expositions, l’une à l’Assemblée nationale et l’autre à Castres, ainsi que les historiens, Rolande Trempé, Rémy Pech, Maurice Agulhon et Christophe Prochasson, qui font des conférences publiques ou écrivent dans ses colonnes345. Un spectacle, « Ils ont tué Jaurès ! », a lieu sur le site de la mine La Grande Découverte, à Carmaux, du 1er au 7 août, sous l’égide de l’Association Pays de Jaurès, présidée par le député PS du Tarn, Paul Quilès. Écrite par Alain Decaux et Elsa Chaudun, cette fresque est jouée par près de 450 bénévoles et quelques acteurs professionnels, dont Bernard-Pierre Donnadieu dans le rôle-titre346. Filmé par Serge Moati, le spectacle est retransmis sur France 3, mais son financement nécessite la participation du plus grand nombre, et le PS doit relayer sa campagne de souscriptions347.
138Au milieu des années quatre-vingt-dix, le pacifisme « Plus jamais ça ! » n’est plus un marqueur identitaire pour les socialistes qui, contrairement aux communistes et à l’extrême gauche, demeurent imperméables, à une large majorité, au mouvement pacifiste qui se manifeste pourtant un peu partout en Occident. Ils convoquent le souvenir des accords de Munich et de la Seconde Guerre mondiale pour justifier l’intervention de la France dans la guerre du Golfe et disqualifier leurs quelques opposants à l’intérieur du parti. Cette acculturation à la politique de fermeté, repérable du sommet du parti à sa base, est d’autant plus indolore qu’elle s’accompagne d’une révérence scrupuleuse envers la mémoire de la Grande Guerre et ce, de la geste présidentielle de Verdun en 1984 à la ferveur populaire autour de Jaurès dix ans plus tard.
Une mémoire qui se veut exemplaire
139La victoire de 1981 a été perçue par la gauche comme l’accomplissement de la République et la concrétisation des promesses de la Révolution Française et du Front populaire. Comme l’a proclamé le nouveau président socialiste depuis Château-Chinon le 10 mai au soir, « la longue marche du peuple de gauche » serait désormais enchâssée dans l’histoire nationale, et les socialistes, auxquels l’Histoire semble donner raison, jugent dès lors que leurs valeurs de progrès tendent à l’universel. Leur mémoire de la Seconde Guerre mondiale, qui conjugue désormais celle de la Résistance avec celle du génocide des Juifs d’Europe, se veut donc éthique et exemplaire. Chez les militants dont la moitié est née après 1945, cette mémoire héritée nourrit le rejet du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie et, en retour, est revitalisée par ce combat, leur principal cheval de bataille contre la droite et l’extrême droite sous les deux septennats Mitterrand. Solférino, élus, fédérations et presse organique s’accordent, par conséquent, à faire du devoir de mémoire une priorité. Le 30 juin 1990, leurs parlementaires votent la loi Gayssot qui pénalise le racisme, ainsi que le négationnisme.
140Le 10 mai au soir, le choix de la Bastille pour fêter la victoire a la force de l’évidence. Imposer l’alternance à la droite pour la première fois depuis près d’un quart de siècle, c’est reprendre la Bastille selon Paul Quilès, le directeur de la campagne et organisateur du rassemblement de la victoire348. Nous ne reviendrons pas ici sur la geste présidentielle au Panthéon le 21 mai, qui marque une rupture sémantique par rapport au passé, la mémoire devenant elle-même l’objet de la cérémonie349. En mai 1985, alors que le débat sur le vote des immigrés aux élections locales fait rage, Bellenger intitule « Le temps des cerises » son portrait d’une Marianne tricotant un drapeau national avec des fils de toutes les couleurs, Nicole Chaillot se chargeant de rappeler que leurs ancêtres sont morts pour la patrie à Verdun (ill. 16, cahier hors texte)350. Quelques mois plus tard, en hommage à Harlem Désir qui, à la tête de SOS racisme, mène la lutte antiraciste, le même Bellenger maquille de petits carreaux rouges, roses et blancs, une Marianne multi-ethnique, en buste, à la bouche et au décolleté généreux (ill. 17, cahier hors texte). Face à la droite accusée d’être responsable de la montée du racisme et de la xénophobie, le PS érige alors Mitterrand en « mémoire et conscience de la gauche351 ».
141Alors que la campagne pour les législatives de mars 1986 a pour slogan : « Au secours la droite revient ! », Nicole Chaillot profite de la sortie de La fièvre hexagonale de Michel Winock pour réaffirmer que « depuis 1789, révolution et contre-révolution ont maintenu une guerre civile latente », illustrant sa leçon avec le dessin d’une barricade de la Commune, encadré de photographies du 6 février 1934 et de Mai 1968352. La cohabitation avec Jacques Chirac instaurée, le 50e anniversaire du Front populaire est l’occasion de rappeler aux Français qu’ils doivent à Léon Blum leurs premiers congés payés et de réveiller l’antifascisme face à l’essor du Front national. L’Unité publie un beau numéro spécial mais la défaite aux législatives a entamé les finances des fédérations qui n’ont plus guère les moyens d’organiser de grandes célébrations353. La mobilisation dans les territoires ne peut donc être comparée à celle de 1976, et la tonalité est nettement moins offensive. Jean-Jacques Queyranne, secrétaire national du parti, veut y voir une défense et illustration des droits sociaux, et le Rassemblement populaire marque toujours le début de la guerre antifasciste354. Claude Estier écrit encore : « Le Front populaire s’est brisé sur le mur de l’argent. C’est l’impasse. Moins d’un an plus tard, ce sera la guerre355… » Dans ce contexte, l’opération « Mettons-nous sur notre 36 », à l’initiative du MJS de Nanterre, a un « petit air de fête suranné », parfaitement assumé d’ailleurs, costume et maillot de bain d’époque étant de rigueur (ill. 18, cahier hors texte). « Un train nommé 36 » (sic) est affrété gare Saint-Lazare pour emmener à Ouistreham les militants, accompagnés de Lionel Jospin, Laurent Fabius et Jack Lang, en souvenir des premiers congés payés. Le voyage se veut aussi « une leçon d’histoire » avec des conférences de Gérard Jaquet, Robert Verdier, Colette Audry et, une figure de l’éducation populaire, Benigno Cacérès. Balade à vélo ou tandem, pique-nique champêtre, accueil de Louis Mexandeau et Yvette Roudy députés du Calvados, rencontre avec les ouvriers de la société métallurgique de Normandie, baignade et projection du documentaire Blum à l’échelle humaine de Jacques Rutman sont au programme de cette journée festive qui s’achève par un bal populaire. « Souvenirs, souvenirs » proclame L’Unité : la commémoration de 1986 est nostalgique, voire folklorique.
142Quelle que soit sa forme, le Front populaire demeure donc un lieu de mémoire socialiste comme le montre encore le choix, incompréhensible pour les non-initiés, du nom du nouvel hebdomadaire Vendredi, en novembre 1988. Le premier secrétaire, Pierre Mauroy, veut un journal « écrit pour tout le monde, l’ensemble de la communauté socialiste ainsi que ses sympathisants » et juge le symbole approprié, même si Max Gallo doit expliquer par le menu à ses lecteurs ce que fut ce journal d’intellectuels de gauche lancé par Andrée Viollis, André Chamson et Jean Guéhenno le 14 juillet 1935356.
143Après le succès historique de la gauche aux municipales de mars 1989, le bicentenaire de la Révolution française est une occasion bienvenue pour le PS d’inscrire symboliquement l’histoire du mouvement ouvrier dans le roman national. Militants et sympathisants adhèrent à la représentation d’une Révolution française éthique, juridique et patriotique, contre celle d’une partie de la droite, tel Philippe de Villiers, qui ne voudrait y voir que la Terreur. L’historien Maurice Agulhon, nommé par le président Mitterrand au comité d’organisation du bicentenaire, leur apporte sa caution scientifique357. Les municipalités de gauche, qui plantent des arbres de la Liberté pour fêter leur victoire, s’emparent avec joie du bicentenaire, et sont secondées par les fédérations. Celle de Haute-Garonne se mobilise avec la LDH, la Ligue de l’Enseignement et la Fédération des œuvres laïques au sein du Comité Liberté Égalité Fraternité, présidé par l’historien et militant socialiste Rémy Pech. Car, « au moment où on assiste à une crispation de l’extrême droite et à des tentatives de révision de l’Histoire, il convient que cet événement soit éclairé dans toute sa vérité », explique-t-il358. Pour illustrer son propos, la une du journal fédéral juxtapose deux cartes à jouer, l’une avec un sans-culotte et l’autre avec une allégorie de la Vertu et de la Justice (fig. 68). Dans le Nord, la fédération participe à l’opération « L’Éléphant de la mémoire », financée par le conseil général du socialiste Bernard Derosier et la municipalité lilloise de Pierre Mauroy (fig. 69)359. Cette salle de projection itinérante parcourt le département et diffuse des films à vocation pédagogique sur les Droits de l’Homme. À Nantes, Jean-Marc Ayrault, qui vient d’arracher la mairie au RPR, se réjouit du bicentenaire qui vient :
« Je mesure tout l’honneur qui m’est fait d’être, dans cette magnifique cité de Nantes où le fleuve, comme les vieilles façades du xviiie siècle, portent à jamais la mémoire de tant d’évènements historiques, le maire du bicentenaire de la Révolution française. J’invite symboliquement tout le conseil municipal à venir planter avec moi, mardi 22 mars, jour de printemps, un arbre de la Liberté que je vous propose d’appeler “L’arbre des Droits de l’Homme”. […] Demain, je vous invite à vous recueillir devant les Tables mémoriales en hommage à tous les Nantais et toutes les Nantaises morts pour leur ville et pour leur nation, avec une pensée particulière pour le sacrifice des cinquante otages360. »
Fig. 68 et 69. – Bicentenaire de la Révolution (L’Avenir, octobre 1987) et L’Éléphant de la mémoire (Nord Demain, juillet-août 1991).

144Et comme le veut la tradition socialiste, il déroule une vision téléologique de l’Histoire, depuis la Révolution française à la victoire de la gauche, en passant par la Résistance et les fusillés de Châteaubriant.
145La mémoire socialiste de la Seconde Guerre mondiale, en effet, ne connaît aucun reflux et s’élargit en intégrant désormais celle de la Shoah. Pour autant, elle conserve une dimension manichéenne et peine encore à se représenter la complexité de l’Occupation, avec ses moments d’incertitude, ses accommodements insidieux, ses dérives et ses brusques revirements. Plusieurs facteurs expliquent cette crispation.
146D’abord, la mémoire de la Résistance des socialistes demeure sur la défensive, d’autant que le retour de la droite au pouvoir, en mars 1986, donne lieu à des passes d’armes hautes en couleurs. Le 20 mai, en plein débat sur la loi électorale, le ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, n’hésite pas à jeter à la gauche : « Je suis de ceux qui ont participé à l’Histoire pendant que vos amis se couchaient devant l’occupant ! Voulez-vous qu’on vous le rappelle ? », sous les applaudissements des groupes RPR et UDF et les cris d’indignation des socialistes et des communistes361. Sur le même mode, Nicole Chaillot réagit en comparant les appels du ministre à la délation pour lutter contre le terrorisme aux méthodes de la Gestapo et de la Milice362. La mémoire retombe dans le registre de l’invective, voire de l’insulte. Plus grave, toutefois, est l’oubli dans lequel la Résistance risque de tomber chez les plus jeunes et que les socialistes déplorent régulièrement, le temps passant363. Pire encore est l’affaire Jean Moulin en 1993, où le journaliste Thierry Wolton accuse le fédérateur de la Résistance en France d’avoir été un agent soviétique. Son collaborateur et biographe, Daniel Cordier, prend sa plume pour le réhabiliter non seulement dans L’Express, mais aussi dans Vendredi364. Pour défendre la mémoire de la Résistance, les socialistes font preuve d’un regain d’activisme mémoriel autour de la Seconde Guerre mondiale en faisant feu de tout bois.
147Parallèlement, depuis les affaires Faurisson et Darquier de Pellepoix en 1978 et la réaction d’historiens tel Pierre-Vidal Naquet, la gauche prend conscience de l’essor du « révisionnisme », tel qu’on le nomme alors. Se voulant pédagogue, la presse socialiste exerce une veille pour ses lecteurs dans ses rubriques littéraire, cinématographique et télévisuelle tout au long de la période. Le Choix de Sophie de William Styron, « portrait du mal absolu » à Auschwitz ; la diffusion, longtemps interdite, du Chagrin et la pitié de Marcel Ophüls à la télévision publique ; La nuit de San Lorenzo des frères Taviani ; ou encore la reprise de Shoah de Claude Lanzmann, tous sont signalés comme des événements à ne pas manquer365. Pour le 40e anniversaire du 8 mai, Colette Audry érige précisément l’œuvre fleuve de Lanzmann en « monument évocatoire […] qui porte un coup à tous ceux qui nient le génocide », même s’il est peu probable qu’il les réduise définitivement au silence366. Pym, en représentant un officier nazi, certes sans tête, mais comme une bougie encore fumante avec un soleil dont on ne sait s’il se couche ou se lève, alerte, lui aussi, sur une possible résurrection du nazisme (ill. 19, cahier hors texte).
148Après la profanation du cimetière juif de Carpentras en mai 1990, des manifestations scientifiques sont également recensées, telle l’exposition « La propagande sous Vichy » aux Invalides ou le colloque sur le statut des juifs de Vichy pour son 50e anniversaire367. Il n’existe toujours pas de synthèse dans l’édition dédiée à la résistance socialiste mais Henri Noguères réédite et complète son Histoire de la Résistance en France en 1981 et 1982368. La chronologie du no 100 de Vendredi, le 10 mai 1991, propose même un panthéon miniature de la résistance de gauche en mettant en valeur le nom de résistants décédés au cours de la décennie et que la mémoire socialiste, par là même, s’approprie : Pierre Mendès France369, Daniel Mayer, Gaston Defferre, René Cassin et Jean Monnet – ces deux derniers panthéonisés par le président Mitterrand –, Robert Lacoste, Augustin Laurent et Henri Noguères. L’hebdomadaire mêle ces repères à ceux du négationnisme et des procès pour crimes contre l’humanité : le processus d’assimilation de la mémoire de la Shoah est bel et bien achevé.
149Dans les territoires, les élus PS inventent de nouveaux lieux de mémoire locaux et entretiennent les anciens. À Marseille, en 1983, pour commémorer la grande rafle des juifs et autres « indésirables » du Vieux Port, une « Place du 23 janvier 1943 » est créée et un mémorial « à la mémoire des martyrs de la résistance et des victimes de la barbarie hitlérienne », œuvre de Louis Amaud – un corps décharné en bronze reposant tel un gisant sur un socle de granit rose – y est dressé à l’initiative de l’ADIF qui associe, sans les nommer, les juifs marseillais aux déportés de la résistance ; le 8 mai 1984, c’est la rue Audemar-Tibido qui est inaugurée, du nom de deux jeunes de la madrague de Montredon, Yves Audemar et Jules Tibido, tous deux morts en déportation370. Alors que les trois quarts des musées sur la Résistance et la Seconde Guerre mondiale voient le jour à partir de 1981 et que la plupart des musées antérieurs sont rénovés, les municipalités socialistes sont partie prenante de ce mouvement à forte dimension pédagogique371. En Haute-Garonne en 1987, des militants qui ont été déportés accompagnent les lauréats du concours du Conseil départemental de la Résistance à Mauthausen372. À Limoges, le 12 mai 1989, le président du Conseil général, Jean-Claude Peyronnet, le premier secrétaire fédéral, Robert Savy, et le maire, Louis Longequeue, organisent la projection du documentaire Les voix de la douleur sur le massacre d’Oradour-sur-Glane, en avant-première, pour le président Mitterrand et le ministre Jack Lang en visite dans le Limousin. Jean-Claude Peyronnet, qui est historien de formation, présente à cette occasion le projet de Centre de la mémoire qu’il a préparé avec l’Association nationale des familles de victimes d’Oradour373. La pancarte d’infamie, relevant le nom des parlementaires ayant voté l’amnistie des « malgré-nous » en 1953 et où figurait celui du chef de l’État, a été retirée depuis longtemps et il importe d’obtenir son appui. Les héros et martyrs sont de nouveau honorés. Dans le Tarn, en 1990, Lionel Jospin, devenu ministre de l’Éducation nationale, inaugure le collège « Augustin Malroux », du nom du député, résistant et mort à Bergen-Belsen, dans sa ville natale, Blaye-les-Mines. L’année suivante, il préface sa biographie écrite par sa fille à laquelle il accorde « une valeur d’universalité » et définit les fonctions qu’il attribue à la mémoire :
« Réflexion morale, invitation à retrouver au travers de l’évocation de périodes très sombres de notre histoire certaines racines de notre vie politique actuelle, cet ouvrage montre toute l’importance de la préservation de la mémoire. La mémoire est un guide, nécessaire à tous, et en particulier aux jeunes, pour comprendre, pour analyser, pour refuser parfois. Nous devons lui accorder toute sa place dans notre présent374. »
150À Nantes en 1991, la municipalité de Jean-Marc Ayrault célèbre le cinquantenaire de l’exécution des « 50 otages » avec éclat. À Châteaubriant, le 21 octobre, alors que la polémique fait rage autour de la présence de Gilbert Brustlein, militant communiste qui, en tuant l’officier allemand Hotz, fut à l’origine des représailles, le conseiller municipal PS, Pierre Marchi, un ancien de la division Leclerc, lui serre la main, montrant par ce geste que le sacrifice des otages avait un sens. Le lendemain, la cérémonie officielle a lieu en présence du ministre des Anciens Combattants, Louis Mexandeau375. Dans le Finistère, les socialistes cultivent également la mémoire de leurs héros locaux, Jean-Louis Rolland et, plus encore, Tanguy Prigent ; le premier secrétaire, François Cuillandre, déplore d’ailleurs encore, avec dépit, en 1994, l’oubli dans lequel leurs adversaires veulent voir sombrer la résistance socialiste376. Quant au Nord, il cultive sa mémoire territoriale sans complexe. La fédération publie sa propre histoire, où les résistants ont la part belle à l’été 1993 ; en décembre, elle organise un grand colloque universitaire, où la politique algérienne du gouvernement de Guy Mollet n’est pas éludée et où Antoine Prost peut conclure sur « les légitimités du socialisme septentrional » ; l’année suivante, elle promeut une nouvelle biographie de son héros et martyr local, Jean Lebas377.
151L’obsession de la Seconde Guerre mondiale qui s’empare des Français, diagnostiquée au tournant des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix par Henry Rousso378, ne peut épargner les socialistes qui souffraient, pour la plupart, d’un syndrome d’Andromaque depuis la Libération. Ils sont d’autant plus attachés au devoir de mémoire qu’ils font du combat contre le racisme et l’antisémitisme leur principal cheval de bataille contre la droite et l’extrême droite. Le 9 août 1982, l’attentat antisémite de la rue des Rosiers propage une onde de choc sur toute la décennie.
152Les socialistes, qui n’ont jamais cessé de dénoncer le régime de Vichy, l’accusent désormais d’être responsable du génocide des Juifs de France. Les travaux de Robert O. Paxton, entre autres, ont infusé et sont régulièrement invoqués. L’Unité donne la parole au psychanalyste Gérard Miller qui fait du pétainisme « le mal français par excellence », un buste de Pétain par Daullé rappelant que, sous l’Occupation, il a remplacé partout celui de Marianne (fig. 70)379. Avec Serge Klarsfeld, le président des Fils et Filles des déportés juifs de France, Max Gallo accuse les manuels d’histoire d’avoir occulté la vérité380. Lutter contre l’oubli et contre les falsificateurs de l’Histoire devient une priorité. L’enseignement de l’Histoire est décrété « affaire d’État » par le gouvernement Mauroy qui, avec le ministre de l’Éducation nationale, Alain Savary, organise un vaste colloque à Montpellier, en janvier 1984, après la remise du rapport de René Girault381. Le Premier ministre ouvre les débats avec cette mise en garde : « Un engourdissement progressif de notre mémoire serait un véritable danger national. Un tel risque est d’autant plus préoccupant que, dans le même temps, l’histoire est utilisée sous de multiples formes par nos contemporains382. » Le ministre de l’Éducation nationale, Alain Savary, rétablit l’histoire au primaire comme discipline fondamentale en juin 1984, et son successeur, Jean-Pierre Chevènement, l’introduit dans toutes les filières du secondaire en 1985. Après l’expulsion de Klaus Barbie de Bolivie en février 1983, le procès qui s’annonce doit être une manifestation de « la justice au service de l’histoire pour que celle-ci ne soit pas oubliée383 », car l’Europe semble à nouveau en proie à « ses vieux démons ». Du 15 au 17 septembre 1983, le groupe socialiste au Parlement européen organise un colloque à Strasbourg sur les thèmes « Nazisme et résistance » et « Une politique socialiste en Europe contre la droite » pour essayer de tirer les leçons des années trente et empêcher l’extrême droite d’infiltrer la droite384. Au lendemain de l’élection à Dreux du secrétaire général du FN, Jean-Pierre Stirbois, grâce à une alliance inédite avec le RPR, le sujet est d’actualité.
153Le tournant dit de la rigueur en 1983, le succès de la manifestation en faveur de l’école privée contre la loi Savary du 24 juin 1984, la non-participation des communistes au gouvernement Fabius au mois de juillet suivant, poussent le PS à trouver un terrain de lutte qui lui soit plus favorable : l’antiracisme, en dénonçant l’extrême droite et la porosité de la droite à ses idées.
Fig. 70. – Pétain toujours présent, Daullé (L’Unité, no 630, 10 janvier 1986).

154« Les méthodes de l’antiracisme “commémoratif” sont à revoir », constate Jean Liberman : il faut donc trouver de nouvelles formes d’action mais où les pires souvenirs de la Seconde Guerre mondiale demeureront employés385. En octobre 1984, est créée l’association « SOS Racisme » avec d’anciens trotskystes dans la mouvance du PS, Harlem Désir et Julien Dray. L’Unité lance une vaste enquête sur « le réveil des vieux démons » auprès d’intellectuels et de témoins durant un mois (ill. 20, cahier hors texte)386. En ouverture, le professeur Jean Bernard commence par montrer que « le racisme est une affaire classée » pour les scientifiques, de sorte que Bellenger peut se moquer d’un Hitler en culotte courte, véritable cancre en biologie (fig. 71).
155Dès lors, la mobilisation de la mémoire est au diapason de celle contre le racisme, lors de moments festifs comme le grand concert de « SOS Racisme » le 15 juin 1985, place de la Concorde, ou face aux provocations de Jean-Marie Le Pen les 13 septembre 1987 et 2 septembre 1988387. Les parlementaires socialistes soutiennent pleinement le projet de loi du communiste Jean-Claude Gayssot, déposé le 18 avril 1990, qui vise à renforcer la loi de 1972 pénalisant les écrits et propos racistes et, ce qui est sans précédent, à condamner le négationnisme388. Pour l’occasion, l’union de la gauche est ressuscitée au prix d’une concession : « Nous avons combattu les risques de stalinisme […], mais nous savons aussi que, sur le terrain de la lutte contre le nazisme, le parti communiste a payé, donné, contribué, il s’est battu », explique Jean Le Garrec389. De même, le PS appelle à manifester avec toute la gauche contre « le défilé de la honte » du FN le 1er mai390. Organisée par Bernard Roman, une campagne de 5 000 grandes affiches et de 200 000 plus petites avec pour slogan : « Le racisme sera-t-il le mur des Français ? », en rouge sur fond blanc, est alors mise à la disposition de toutes les fédérations le 8 mai. Le lendemain, on découvre que le cimetière juif de Carpentras a été profané. L’affaire va encore accentuer l’intrication de la mémoire et de la mobilisation antiraciste et politique.
Fig. 71. – Hitler le cancre, Bellenger (L’Unité, 15 février 1985).

156Immédiatement, le président Mitterrand et le gouvernement Rocard condamnent l’acte avec la plus grande solennité. Le président de l’Assemblée nationale, Laurent Fabius, visiblement bouleversé, considère que « l’on a voulu tuer deux fois ces gens. D’abord, parce que l’on a commis un acte homicide mais parce qu’en plus, on a voulu tuer le souvenir et la mémoire391 ». Le ministre de l’intérieur, Pierre Joxe, adresse alors ces mots à « la communauté juive de France » :
« Lorsque l’horreur est indicible, on ne doit rien dire, on doit se taire et méditer. C’est ce que nous venons de faire. Mais lorsque les criminels sont connus, on doit les dénoncer. Nous les connaissons ; je dénonce donc le racisme, l’antisémitisme, l’intolérance et je pense que tout le monde en France ressentira, comme nous, chagrin et pitié. »
157L’allusion au film de Marcel Ophüls dans un tel régime mémoriel est limpide. Les attaques de Jean-Marie Le Pen contre les juifs, notamment celle du 9 mai à L’Heure de vérité392, sont assimilées à celles du régime de Vichy qui promulgua le statut des juifs le 3 octobre 1940. L’historien Jean-Pierre Azéma apporte sa caution scientifique à cette analyse dans le JT d’Antenne 2393. Dès le samedi, des fédérations se mobilisent, comme celles du Midi toulousain qui se rassemblent à Montauban394. Le lundi 14 mai, le président Mitterrand en personne participe à la grande manifestation parisienne d’union nationale, alors que les responsables PS défilent une étoile jaune sur la poitrine (fig. 72)395.
Fig. 72. – La tête du cortège du PS à la manifestation du 14 mai 1990 (Vendredi, 18 mai 1990).

158On crie à l’amnésie : « La France pourra-t-elle vraiment isoler le racisme si elle n’analyse pas sérieusement son passé le plus trouble396 ? » Invité au Dossiers de l’écran sur le négationnisme le lendemain, le ministre de l’Éducation nationale, Lionel Jospin, associe la transmission des valeurs à celle de la mémoire, « y compris des périodes horribles de l’humanité, de nos propres responsabilités, y compris [celle des] Français pendant la collaboration397 ». Dans une circulaire, il demande à tous les professeurs d’Histoire-Géographie du secondaire de montrer et de commenter Nuit et Brouillard d’Alain Resnais, diffusé la veille sur les trois chaînes publiques, à leurs élèves398. Françoise Lorrain reconnaît que « toute éducation est un peu une atteinte à l’innocence » mais elle-même n’était-elle pas au courant du génocide « “depuis toujours”, avec la force et l’imprécision de l’évidence, quand se confondent souvenir individuel et mémoire collective399 » ? Le « No past, no future » des skinheads stigmatisés par Baringou montre bien l’urgence d’une éducation à la fois historique, civique et morale (fig. 73). Aux yeux des socialistes, l’Éducation nationale ferait de son mieux, alors que la Justice, elle, serait suspecte d’aveuglement volontaire (ill. 21, cahier hors texte), point de vue partagé par le MRAP et Serge Klarsfeld. Quant au Bureau exécutif du PS, le 16 mai, il lance une seconde vague de 3 000 affiches et 30 000 tracts « Contre Le Pen, avec les socialistes ». La loi Gayssot est donc votée par tous les parlementaires socialistes le 30 juin 1990, y compris et surtout son volet pénalisant le négationnisme. Batellier y voit le moyen de mettre au jour les héritages fascistes du passé en dessinant une corbeille renversée, d’où s’échappent en rampant, tels des insectes malfaisants, des sigles anciens – la croix gammée, ceux de la milice et de l’Action française, le bélier du RNP et la croix du PPF – et des plus récents – la croix celtique d’Ordre nouveau et le trident du Mouvement solidariste français (ill. 22, cahier hors texte). Ce dessin peut parfaitement être compris sans avoir besoin d’identifier chaque sigle mais, pour ceux qui ont de la mémoire ou qui connaissent les mouvements d’extrême droite contemporains, il les met littéralement tous dans le même panier.
Fig. 73. – La fabrique des skinheads, Baringou (Vendredi, 1er juin 1990).

159Le 10 mai 1981, les promesses de Liberté, d’Égalité et de Fraternité de la Révolution française, avortées sous le Front populaire et défendues dans les combats de la Résistance, semblent près de se réaliser. Les réalités du pouvoir et les désillusions socio-économiques ébranlent l’identité socialiste qui se retrempe dans la lutte antiraciste. Formées dans l’idée que « la bête immonde » des années trente n’est pas morte, les nouvelles générations de militants et sympathisants héritent de cette vision manichéenne qui offre une grille de lecture bienvenue à la bipolarisation de la vie politique française. Cet usage politique du passé permet de disqualifier, de stigmatiser et, parfois, d’insulter l’adversaire, de l’extrême droite honnie du FN à la droite classique. Le RPR de Jacques Chirac, avec lequel le président Mitterrand doit cohabiter de 1986 à 1988, est accusé de complaisance envers Jean-Marie Le Pen et ses idées, alors même que la droite accuse les socialistes d’avoir favorisé l’essor du FN, notamment avec la loi électorale de 1986 qui lui ouvre les portes du Parlement grâce à la proportionnelle. En retour, cette mobilisation antiraciste revitalise la mémoire de l’Occupation et l’élargit définitivement à celle du génocide des juifs en oubliant totalement celui des Tziganes. Traditionnellement attachés à l’Histoire et à son enseignement, les socialistes, y compris au gouvernement, en réclament davantage pour mieux lutter contre le « révisionnisme ». Par conséquent, leurs initiatives pour mettre en œuvre le devoir de mémoire, à tous les niveaux, révèlent que leur souvenir de la Seconde Guerre mondiale est bien constitutif de valeurs partagées, par-delà les écarts générationnels ou les identités territoriales.
À la recherche d’une « juste mémoire » : la guerre d’Algérie
160Entre la mémoire de « la sale guerre » et la « nostalgérie », le gouvernement Mauroy est à la recherche d’une « juste mémoire » où un devoir de mémoire « affranchi de ses abus » et un « devoir d’oubli » s’équilibreraient dans une perspective de justice dès 1981400. Alors que la plupart des militants et sympathisants du PS partagent une mémoire anticolonialiste du conflit, le gouvernement s’empresse de tenir les promesses du candidat Mitterrand aux rapatriés en leur dédiant un secrétaire d’État, Raymond Courrière, et en préparant une nouvelle loi d’indemnisation401. C’est dans ce contexte que le gouvernement veut faire voter par le Parlement l’amnistie des généraux et que, par là même, le PS « qui se veut autre chose que le parti du pouvoir » connaît sa première mise à l’épreuve402.
161La culture anticolonialiste de la Nouvelle Gauche perdure dans la presse organique. À l’automne 1981, L’Unité peut donner la parole à un ancien militant du FLN qui s’indigne que le tribunal de Créteil ait acquitté « un tueur d’Arabe », un « Algérie française », dans l’indifférence générale : « C’est ainsi que l’on se réveille un jour dans un pays grillagé et quadrillé. Peut-être alors viendra-t-on nous chercher, comme en 1914, comme en 1940 », conclut-il403. Et les morts de Charonne le 8 février 1962 sont toujours commémorés pour dénoncer « un certain Monsieur Papon » et « la rage » des policiers404. Les contacts de parti à parti, entre le PS et le FLN, se multiplient. Les socialistes ne réalisent pas, à ce moment-là, que la fièvre commémorative du FLN, autour de la guerre d’Indépendance ou de Libération, a permis de forger une légitimité militaire étatique, portée par un parti unique405.
162Parallèlement, dans les territoires qui ont accueilli des pieds-noirs, les élus socialistes continuent d’œuvrer en leur faveur. À Marseille, Gaston Defferre renouvelle ainsi la Semaine de l’amitié Marseille-Alger inaugurée l’année précédente406. Néanmoins, l’exercice consistant à maintenir l’équilibre entre des mémoires concurrentes trouve ses limites lorsque, le 11 novembre 1981, le ministre aux Ancien Combattants et aux Rapatriés, Jean Laurain, déclare qu’il n’y a pas de date unique pour commémorer la fin de la guerre d’Algérie, ce qui provoque immédiatement la réaction de l’opposition sur le terrain407. La date du 19 mars conservant la préférence de la FNACA et des socialistes, on ne trouve d’ailleurs nulle trace de la déclaration du ministre dans leurs journaux.
163Le candidat Mitterrand a promis une nouvelle amnistie sur l’Algérie lors d’un meeting à Avignon le 4 avril 1981, sans toutefois la faire figurer dans ses 110 propositions. D’une part, il espérait remporter une revanche posthume sur le Général, en reprenant l’idée que ce dernier portait la responsabilité des actes d’insoumission et qu’une autre politique aurait été possible408. D’autre part, des figures de l’Algérie française lui ont promis en échange leur soutien dès le premier tour contre Giscard d’Estaing409. Manifestement, le président ne s’attend pas à provoquer un tel haut-le-cœur chez les parlementaires socialistes. D’après le président du groupe à l’Assemblée nationale, Pierre Joxe, la nouvelle génération d’élus serait « politiquement très homogène », parce que les 272 députés seraient d’abord et avant tout des militants formés dans les mêmes luttes410. Or, le dépouillement de leurs professions de foi de juin 1981 révèle un très net recul de la cause des rapatriés par rapport aux législatives de 1967 et 1968. Seuls les candidats PS des Bouches-du-Rhône insèrent la proposition de « déclarer l’amnistie générale411 ». Cette discrétion se retrouve d’ailleurs chez leurs adversaires RPR et UDF, les candidats frontistes, en revanche, occupant avec profit ce terrain. Le 29 juillet 1981, la traditionnelle amnistie présidentielle d’heureux avènement ne permet nullement une réhabilitation complète des insoumis, et seul Gilbert Sénès, député PS de l’Hérault, se distingue en dénonçant l’article 16 qui aurait, selon lui, fait de militants OAS suspectés – mais non condamnés – des « victimes de véritables lettres de cachet […] internés arbitrairement dans un véritable goulag412 ». Le 29 septembre 1982, Raymond Courrière, secrétaire d’État aux Rapatriés, présente un projet de loi « portant réparation des préjudices par les agents publics et les personnes privées en raison des événements en Afrique du Nord », qui permettrait de réintégrer dans le cadre de réserve plusieurs officiers ayant participé au putsch d’avril 1961. Il suscite immédiatement un vif débat dans l’opinion publique et la presse nationale.
164Le 6 octobre, la réunion du groupe parlementaire est houleuse : une sensibilité que les observateurs qualifient de « méditerranéenne », y compris chez des élus du Sud-Ouest, comme Gérard Gouzes de Marmande ou Jean-Michel Baylet de Toulouse, s’oppose à une sensibilité dite « Nouvelle Gauche ou PSU413 », représentée par Pierre Joxe, Alain Richard et Jean-Pierre Worms, bientôt rejoints par Lionel Jospin, le premier secrétaire du parti, et le bureau exécutif. Le 21 octobre, le rapporteur du projet de loi, Gérard Gouzes, entreprend d’expliquer qu’il ne s’agit pas de réhabiliter et encore moins de pardonner ou de justifier, mais lorsqu’il annonce que les officiers généraux félons seront réintégrés, Pierre Joxe demande une suspension de séance414. Aux yeux de la majorité des députés, en dépit des pressions exercées par le président Mitterrand et le Premier ministre par l’intermédiaire du président de la Commission des lois, Raymond Forni, il faut exclure les officiers généraux félons de cette réintégration, en amendant le texte. Dès lors, les députés de sensibilité « méditerranéenne » se retrouvent partagés entre leur fidélité à la mémoire douloureuse des pieds-noirs et des harkis, tel Georges Frêche, et la culture anticolonialiste de leur génération. À Pierre Guidoni revient alors la tâche délicate d’expliquer à la tribune la fronde des socialistes :
« [Ce débat] interroge notre propre histoire, nos propres souvenirs, pour nombre d’entre nous ce qu’a été notre jeunesse. Il y a là, sous les cendres à peine froides, apparemment froides, des braises qui brûlent encore415. »
165Le groupe ne votera le texte que s’il est amendé car il veut « écarter du bénéfice de la loi les officiers généraux qui ont pris les armes contre la République et porté la responsabilité essentielle d’une entreprise de subversion416 ». Il reçoit le soutien des communistes, conformément à leurs prises de positions antérieures417. Lors du scrutin final, 15 députés seulement refusent l’amendement Jospin, alors que 262 autres l’acceptent. Leur ancrage électoral sur les rives de la Méditerranée ou dans le Sud-Ouest est patent avec Guy Durbec (Var), Jean-Paul Luisi (Haute-Corse), Raoul Bayou, Georges Frêche et Gilbert Sénès (tous trois de l’Hérault), Gérard Bapt et Jean-Michel Baylet (Haute-Garonne), Jean Duprat (Hautes-Pyrénées) et Gérard Gouzes (Lot-et-Garonne)418. L’identité territoriale joue là encore contre la discipline partisane. Pour faire passer le texte dans son intégralité et mettre un terme à cette situation dont les médias se font les gorges chaudes, le Premier ministre Pierre Mauroy doit se résoudre à recourir à son premier 49.3. Quelques jours plus tard, Claude Estier a beau minimiser l’affrontement en considérant qu’il s’agit juste d’un « problème de concertation » entre le gouvernement et le bureau exécutif du parti, il doit reconnaître qu’un grand nombre de militants ayant lutté contre la guerre d’Algérie, voire y ayant combattu, a « du mal à admettre qu’un oubli absolu recouvre désormais les événements qu’ils ont vécus il y a à peine plus de vingt ans419 ». La fracture générationnelle entre le président et les députés est évidente : Pierre Joxe s’appuie sur un groupe d’élus effectivement homogène, entré en politique avec la lutte anticoloniale et formé dans le dégoût du « national-molletisme » au PS d’Épinay. Les sénateurs, plus âgés et présidés par André Méric (Haute-Garonne), le défenseur permanent des anciens combattants, votent l’amnistie, eux, sans broncher420.
166Or, cette mémoire des députés à l’automne 1982 est parfaitement représentative de celle véhiculée par Solférino et la presse organique sous les deux septennats Mitterrand. Au début du mois de décembre, quelques semaines seulement après la fronde parlementaire, une délégation du PS, composée de Jacques Huntzinger, Michel Pezet, Alain Barrau et Annette Chépy, est accueillie à Alger par le FLN, pendant que Gilbert Sans explique « les blessures d’une histoire commune mais souvent opposée » en ces termes :
« En fait, l’Algérie n’avait jamais appartenu à la France que par le texte d’une Constitution d’une part, par la force des baïonnettes d’autre part. […] L’Algérie, en profondeur, n’a jamais été la France421. »
167Les élus locaux sont au diapason, comme l’ancien maire PS de Nantes, Alain Chénard, battu en 1983 par le RPR Michel Chauty, qui condamne la décision de la nouvelle municipalité de rebaptiser le « square du 19 mars 1962 », qu’il avait lui-même inauguré en 1978, en « square des Combattants de l’Afrique du Nord422 ». Cette mémoire anticolonialiste de la guerre d’Algérie est d’autant plus vivace qu’elle s’articule au combat de la gauche contre le racisme : en 1983, le PS est partie prenante de la Marche pour l’égalité et contre le racisme du 15 octobre au 3 décembre et, lors des législatives de mars 1986, il en fait encore l’un de ses mots d’ordre contre la droite423. Toutefois, cette mémoire demeure ouverte aux recherches de journalistes d’investigation, tel que le britannique Peter Batty dont le documentaire La guerre d’Algérie (1984) est diffusé en France le 9 septembre 1990, et à celles d’historiens tel que Benjamin Stora ou Denis Lefebvre, qui publie la première biographie de Guy Mollet en 1992424. Sur le terrain aussi, des élus tentent de cultiver une mémoire plus englobante. En 1992, à Nantes, la municipalité reconquise par Jean-Marc Ayrault commémore d’abord le 30e anniversaire du 19 mars avec la FNACA et le préfet, puis le 17 octobre avec quatre autres associations d’anciens combattants425. Lorsqu’en novembre 1994, le congrès de Liévin consacre une table ronde à la guerre civile qui sévit en Algérie, Solférino choisit d’inviter trois universitaires pour contribuer à leur réflexion : deux historiens, Ahmed Rouadjia et Benjamin Stora, et un anthropologue, Tassadite Yacine. Aussi, lorsque Gérard Fuchs ouvre leurs débats en intégrant les mémoires concurrentes de tous ceux – appelés du contingent, pieds-noirs, harkis, travailleurs algériens immigrés, et les Beurs – qui ont souffert et souffrent encore de la guerre d’Algérie, la recherche d’une « juste mémoire » est flagrante. Le parti fait même une sorte de mea culpa en regrettant d’avoir fait preuve d’une trop longue complaisance envers le FLN à cause de son engagement anticolonial et appelle à manifester, place de la République à Paris, pour soutenir les démocrates algériens, le 3 décembre suivant426.
168À la fin du second septennat de François Mitterrand, les socialistes ne songent pas à réclamer la reconnaissance officielle de la guerre d’Algérie et encore moins celle de la répression sanglante de la manifestation du 17 octobre 1961. Héritiers de l’anti-colonialisme ou de la Nouvelle Gauche, ils ont toujours tenu « la guerre sans nom » pour ce qu’elle était et ne voient sans doute pas la nécessité de porter un tel débat sous la seconde cohabitation, alors qu’ils mettraient en porte-à-faux leur président. Car, à aucun moment, ils n’interrogent explicitement le passé de ministre de l’Intérieur puis de garde des Sceaux de François Mitterrand pendant la guerre d’Algérie. Dans la mesure où, à la différence de son itinéraire sous l’Occupation, aucun mystère ne voile ses responsabilités entre juin 1954 et mai 1957, s’agit-il d’un « tabou du mitterrandisme427 » ? Ce non-dit semble plutôt un signe supplémentaire de cette recherche d’une « juste mémoire » sur la guerre d’Algérie susceptible, plus que de réconcilier, de concilier des mémoires concurrentes au sein de leur parti comme au sein de la nation.
Face aux passés recomposés de François Mitterrand
169En déposant une rose sur la tombe de Jean Moulin au Panthéon le 21 mai 1981, puis en scénarisant son ascension de la Roche de Solutré comme une commémoration à la Résistance le 7 juin suivant et, enfin, en restaurant le 8 mai comme jour férié en 1982, la geste présidentielle de François Mitterrand relève d’un résistancialisme dont les socialistes ont été tenus à l’écart depuis la Libération, du moins sur la scène nationale428. Pour autant, la mémoire mitterrandienne et la mémoire partagée des socialistes demeurent-elles à l’unisson de 1981 à 1995 ? Longtemps, les militants adhèrent à la politique mémorielle de leur président. Longtemps aussi, ils le défendent contre ce qu’ils considèrent comme de la calomnie lorsque d’aucuns, à l’extrême droite comme à droite, évoquent son passé trouble sous l’Occupation (fig. 74). Néanmoins, dans un régime mémoriel où la politique génocidaire nazie et la responsabilité du régime de Vichy dans celui-ci sont omniprésentes, le rapport au passé de celui que ses partisans surnomment affectueusement « Tonton » semble de plus en plus en décalage avec celui de la majorité des militants429. Des dissonances se font entendre à partir du printemps 1992, semant le doute et bientôt l’incompréhension chez nombre d’entre eux, quand d’autres font preuve d’une véritable résilience.
Fig. 74. – « En passant par la Francisque », Pinatel (Le Crapouillot, été 1981).

170Comme le candidat l’avait promis, le président rétablit le 8 mai comme jour férié et chômé en 1982, mettant ainsi un terme à la bataille menée dans toutes les municipalités de gauche depuis 1976 et donnant satisfaction aux associations d’anciens combattants. Par ailleurs, tout au long de ses deux septennats, le président entreprend un tour de France où il rend hommage aux lieux de mémoire de la Résistance et aux victimes de « la barbarie nazie », du Mont-Mouchet en juillet 1981, au monument de Prayols dans l’Ariège en octobre 1994, en passant par Oradour-sur-Glane en mai 1982 et juin 1994430. Dans la continuité de ses écrits antérieurs, il réaffirme la primauté de la Résistance intérieure sur la France libre et, du même coup, son engagement dans la première431. Les insinuations voire les attaques de la droite sur son passage à Vichy n’ont jamais cessé ; le 11 mai 1981, le général de Boissieu, grand chancelier de la Légion d’honneur, démissionne de ses fonctions pour ne pas avoir à lui remettre le grand collier de l’Ordre. En outre, le RPR raille celui qui voulait être l’opposant par excellence à de Gaulle et qui met ses pas dans les siens. À l’inverse, les militants PS se mobilisent à chacune de ses étapes et se réjouissent qu’un président socialiste compense « la confiscation » de la mémoire de la Résistance par de Gaulle et, surtout, rétablisse l’équilibre mémoriel en faveur de la Résistance intérieure432.
171Dans ce dispositif, un rituel singulier occupe bientôt une place à part : l’ascension de la Roche de Solutré que François Mitterrand gravit chaque année, à Pâques puis à la Pentecôte, avec sa famille et des amis. C’est le 7 juin 1981 que ce rituel privé est réellement rendu public grâce à une couverture médiatique nationale et internationale. Jusqu’à ce jour, seuls les lecteurs de L’Unité avaient eu la primeur de cette confidence sur son ancienneté et sa régularité en juin 1973 : « Je reste longtemps à contempler ce spectacle auquel je me suis abonné il y a vingt-huit ans », sans en dévoiler pour autant le motif433. Le spectateur n’en découvre pas plus dans le documentaire que TF1 consacre au premier secrétaire du PS en 1976 où ce dernier, filmé dans son ascension, glisse en passant : « Cela fait trente ans que j’ai rendez-vous avec ce paysage. Je n’y ai jamais manqué une fois encore, depuis 1946. On a connu ça par des jours de beau soleil, d’autres fois par une brume épaisse. C’est l’histoire d’une vie, quoi434. » Le 7 juin 1981, au JT de TF1, Bruno Masure précise que Solutré se situe « près de Cluny où il [le président] s’était réfugié après sa troisième évasion435 » ; de même, Le Courrier. Journal de Saône-et-Loire, qui n’en avait jamais dit mot, écrit : « M. Mitterrand ayant trouvé refuge dans cette demeure après son évasion d’Allemagne pendant la dernière guerre436. » D’année en année, les journalistes répéteront la même formule qui replace l’origine du rituel sous l’Occupation et donc au cœur de la Résistance : « fidèle à une promesse faite à des amis à l’époque de la Résistance » (JA2, 1986), « pour la 43e fois depuis la Libération […] un vœu qu’il avait fait pendant l’Occupation » (JA2, 1989), « ascension qu’il effectue depuis la fin de la guerre. Une promesse faite pendant la Résistance » (JA2, 1990)437. Il ne s’agit certes que d’une légère déformation de la vérité mais elle fait sens et nul besoin d’en dire plus, surtout aux militants. À quelques jours des législatives de juin 1981, L’Unité appelle à voter pour une majorité présidentielle en illustrant sa une d’une photographie de Mitterrand à Solutré sans aucun commentaire438. L’année suivante, dans ses mémoires, son beau-frère, Roger Gouze, dévoile, pour la première fois, la version officielle distillée jusque-là par bribes aux journalistes. Sous l’Occupation, les parents de Roger, Christine et Danielle Gouze ont hébergé nombre de résistants, dont Henri Frenay et Berty Albrecht, ainsi que Morland, pseudonyme de Mitterrand, le chef du Rassemblement national des prisonniers de guerre (RNPG), alors recherché par la Gestapo au début de l’année 1944 et, témoigne l’auteur :
« Nous fîmes en ce mois d’avril 1946, ce que nous nommons aujourd’hui avec un humour attendri “le serment de Solutré”, selon lequel nous nous retrouverions, les trois enfants Gouze, leurs alliés et leurs amis, chaque année à Pâques pour un repas – dirai-je une communion ? – qui suivrait l’escalade de la Roche. Nous n’y avons jamais failli439. »
172En fait, très vite, la dimension résistancialiste du rituel, déjà subliminale, cède la place à la mise en scène de « la force tranquille » sur ce haut lieu de la préhistoire440.
173D’autres sites sont donc privilégiés pour commémorer la Résistance intérieure en général et le rôle de Morland en particulier, le président insérant le dévoilement de « lieux témoins » de sa résistance dans ses voyages à chaque fois que cela lui est possible441. Le 26 juin 1981, fidèle là encore à un rituel annuel instauré en 1948, il commémore le massacre du village de Dun-les-Places dans son fief de la Nièvre, puis soutient la création d’un Musée de la Résistance du Morvan à Saint-Brisson, qu’il inaugurera le 26 juin 1983442. Au Mont-Mouchet, le 6 juillet 1981, « plus que le président, c’est l’ancien résistant qui a salué les maquis d’Auvergne », écrit La Montagne443. En octobre 1981, lors de son premier voyage présidentiel, il visite Boulay, près de Metz, parce qu’il y a séjourné lors de sa troisième évasion. Alors qu’il se rend dans le Limousin les 3 et 4 mai 1982, il se recueille à Oradour-sur-Glane en compagnie de Louis Longequeue, maire de Limoges et président du conseil régional, du creusois André Chandernagor et du corrézien Jacques Delors444. Il en profite pour faire étape en compagnie de Jean Védrine, « Chez Livet », là où fut lancé le mouvement clandestin d’aide aux prisonniers445. Le 11 novembre 1983, il célèbre la bravoure du maquis de l’Ain qui défila le 11 novembre 1943 à Oyonnax. Cependant, le 1er février 1984, la polémique sur le passé présidentiel refait surface au Parlement lors du débat sur les entreprises de presse. Emmanuel Aubert, Alain Madelin et Jacques Toubon, après avoir stigmatisé l’attitude du PCF à partir d’août 1939 et le rôle de Georges Marchais, enchaînent avec celui de François Mitterrand dénonçant « les falsifications de l’Histoire », face à Raymond Forni, Jean-Jacques Queyranne et Georges Fillioud446. En octobre de la même année, Le Noir et le Rouge ou l’histoire d’une ambition (Grasset) de Catherine Nay documente le passage à Vichy de Mitterrand avant son entrée dans la Résistance, et obtient un beau succès de librairie. C’est une révélation, du moins pour ceux qui l’ignoraient encore, telle Michèle Cotta447. Or, en octobre 1985, lors d’un voyage officiel en Bretagne, le président rencontre, à Beg-an-Fry, d’anciens résistants du réseau qui l’ont accueilli sur la plage après sa traversée de la Manche dans la nuit du 26 au 27 février 1944. C’est l’occasion de relater cet épisode de sa vie clandestine que toute la presse s’empresse de relayer, du Télégramme local au Monde. Benoîtement, le président entend rappeler qu’il fut aussi un authentique résistant, mais finit par s’expliquer sur sa francisque dans un « portrait total », d’abord publié en 1986, puis diffusé sur TF1 en 1987, reprenant sa version du double jeu448. Avec habileté, il retourne en sa faveur cette image d’homme mystérieux et secret que lui reprochent ses adversaires.
174Élus, militants et sympathisants l’accompagnent donc bien volontiers lors de ces hommages. Qu’il ne valorise guère la résistance socialiste n’a rien pour les décevoir, dans la mesure où eux-mêmes ne l’ont jamais vraiment fait. Quant aux attaques dont il fait l’objet, les plus anciens y sont accoutumés et les plus jeunes sont convaincus qu’il s’agit d’une calomnie montée de toutes pièces par la droite. Que l’homme garde son mystère. Après tout, ne le surnomme-t-on pas « le Sphinx » comme l’illustre avec gentillesse Bellenger ? (fig. 75). Un an après sa réélection en mai 1988, les œuvres complètes de Mitterrand (Éditions Rencontre, 1981) sont à nouveau promues auprès des militants en ces termes : « De l’engagement du résistant […] jusqu’à la veille de l’élection présidentielle, cette œuvre retrace le combat permanent d’un Humaniste449. » Dans son numéro anniversaire du 10 mai 1991, Vendredi signale la démission du général de Boissieu et les sanctions « pour injure au chef de l’État » des trois députés RPR en 1984 comme autant de signes de cette cabale contre l’homme qui a rendu possible l’alternance. L’usage du passé pour invectiver l’adversaire, quand bien même il serait à la tête de l’État, est devenu si banal qu’il s’est démonétisé ; les militants n’y croient pas.
Fig. 75. – L’homme du secret ou le Sphinx (L’Unité, 3 janvier 1986) et (Vendredi, 31 mars 1989).

175C’est au printemps 1992 que les premiers désaccords entre la mémoire présidentielle et celle des socialistes se font entendre. François Mitterrand est, en effet, le premier président de la République à être confronté à des demandes de révision du récit national, de reconnaissance des erreurs, des fautes, voire des crimes, commis envers des communautés450. Les militants de gauche, et en particulier les socialistes, sont d’autant moins étrangers à ce mouvement que leur lutte contre le FN est à la hauteur des provocations verbales et négationnistes de Jean-Marie Le Pen, au point de voter la loi Gayssot en 1990. Or en janvier 1992, la couverture de Vendredi « Agir, il est encore temps » de Lechien présente toujours aux militants la lutte contre la résurgence des idées nazies comme une course contre la montre (ill. 23, cahier hors texte). Les fédérations se mobilisent, comme celle de Haute-Garonne contre la tenue d’un meeting de Jean-Marie Le Pen à Toulouse ou celle des Bouches-du-Rhône contre les propositions xénophobes et « vichystes » de Bruno Mégret à Marseille451. Le 13 avril 1992, le non-lieu dont bénéficie le chef de la Milice, Paul Touvier, soulève une profonde émotion chez une majorité de Français. Les socialistes, qui ont dénoncé la grâce que lui avait accordée le président Pompidou vingt-ans plus tôt, sont scandalisés452. Dès le lendemain, le secrétaire d’État aux Anciens Combattants, un proche de Mitterrand, Louis Mexandeau, préside une cérémonie au Mémorial de la déportation de l’île de la Cité : l’agrégé d’Histoire qui, enfant, a vécu la guerre à Arras, y revendique « un devoir de mémoire453 ». Le 17 avril, Vendredi titre en une : « Touvier, quand la justice viole la mémoire » et se demande quand les Français regarderont enfin leur passé en face. Au côté d’une photographie où la Milice exécute des maquisards, Bellenger représente une justice fantomatique mettant à égalité dans sa balance un milicien goguenard avec une grappe de suppliciés qui tentent désespérément d’y grimper (fig. 76)454. Les fédérations envoient également des communiqués de protestation à la presse locale. Celle de Haute-Savoie, dirigée par Yves Lemoigne, non seulement dénonce une tentative « d’occultation de l’Histoire et de réhabilitation de Vichy », mais réclame aussi un geste qui permette « d’exorciser cette période infâme » à l’instar de celui de Willy Brandt au ghetto de Varsovie455. Sans doute, les socialistes attendaient-ils trop d’un éventuel procès Touvier, mais ils espèrent un geste de contrition. Ainsi, la jeune mitterrandiste Laurence Dumont, proche de Louis Mexandeau, crée l’Association « Le devoir de mémoire » en). Bellenger juin 1992456 : on peut donc être socialiste et mitterrandiste et ne pas avoir la même grille de lecture du passé que François Mitterrand.
Fig. 76. – Le non-lieu de Paul Touvier, Bellenger (Vendredi, 17 avril 1992).

176C’est dans ce contexte très sensible que s’annonce le 50e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1992. Alors que depuis le début de l’année Serge Barcellini, responsable de la DMIH, conseille vivement de donner une ampleur exceptionnelle à cette commémoration, le conseiller de François Mitterrand à l’Élysée, l’ancien de la France libre Jean Kahn, s’y refuse457. Après La Marche du siècle de Jean-Marie Cavada, consacrée à la rafle, le 10 juin, sur FR3, le président de la République est directement interpellé par le « Comité Vel’d’Hiv’42 » qui lance une pétition, le 17, pour que soit officiellement reconnue la responsabilité de l’État français dans les crimes commis contre les juifs de France. Or, le PS, par voie de presse, déclare y souscrire et, en disant « attend [re] avec confiance le geste que le président de la République ne peut manquer de faire », tente de faire pression sur lui458. Le 10 juillet, les délégués du parti se réunissent en congrès à Bordeaux et, concordance des temps oblige, commémorent les parlementaires qui ont refusé les pleins pouvoirs à Pétain, « ce qui prouve une certaine moralité, un attachement à la République », selon Daniel Mayer, définissant le socialisme comme une morale, sur le modèle de Blum en 1919459. Ils applaudissent également le président de la commission d’Histoire du parti et secrétaire d’État aux Anciens Combattants, Louis Mexandeau, qui en appelle au « devoir de mémoire face à l’évidente progression des thèses racistes, antisémites et, d’une manière générale, des idéologies d’extrême droite ». Selon lui, ceux qui nient la complicité du régime de Vichy avec l’occupant sont presque plus dangereux que les négationnistes, car ils sont plus susceptibles de convaincre certains leaders de droite, en particulier les anti-européistes, en cette année d’élections européennes. Alors que l’on s’apprête à commémorer le 50e anniversaire du Vel d’Hiv, il appelle tous les socialistes à lutter « contre les falsificateurs, contre la confusion des valeurs, contre l’oubli », en une formule qui ne saurait mieux résumer l’identité socialiste telle que la conçoivent les délégués460. Certaines fédérations vont plus loin et réclament explicitement que la France assume son passé par un geste symbolique461.
177Par la force des médias, les événements se précipitent. Ce même 10 juillet, L’Express révèle que le président, tous les 11 novembre depuis 1986, fait fleurir la tombe de celui qui fut, certes, le « Vainqueur de Verdun » en 1916, mais aussi le chef de l’État français de 1940 à 1944. Interrogé à ce sujet, lors du traditionnel entretien télévisé du 14 juillet, le président réitère la lecture gaullienne qui fait du régime de Vichy une parenthèse de l’Histoire et donc le bien-fondé de cet hommage selon lui462. Le 16, le président se rend avec Robert Badinter à la commémoration du Vel d’Hiv. La suite est connue, et Robert Badinter a témoigné depuis que les huées et les cris de « Mitterrand à Vichy ! » qui fusent contre lui ne l’ont sans doute pas ébranlé un seul instant parce qu’il en avait vu d’autres463. Si l’on ne trouve pas trace de cette journée dans la presse organique et pour cause, nul doute que les militants et sympathisants, eux, sont profondément troublés.
178Le 11 novembre 1992, l’Élysée tente de minimiser l’hommage à Pétain en faisant également fleurir la tombe des sept autres maréchaux de la Grande Guerre. L’entretien accordé à Radio J à quelques jours de la visite d’État du président en Israël, lors de laquelle il s’engage à « gérer autrement la contradiction » dans laquelle il se trouve, ne suffit pas à calmer les esprits. Le 15 novembre, le premier secrétaire Laurent Fabius exige que ce dépôt de gerbe cesse ; l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Lionel Jospin, déclare que « le Pétain de 1914 a été malheureusement emporté par le Pétain de 1940 » et qu’il faut « trancher une bonne fois pour toutes et dire notre honte de Vichy » ; tandis que le président de l’Assemblée nationale, Henri Emmanuelli, avoue ne pas comprendre464. Au-delà des querelles de succession dans cette ambiance de fin de règne du mitterrandisme après le congrès de Rennes, militants et sympathisants n’auraient pas compris que les responsables du PS réagissent autrement. Vendredi condamne de même cette « gerbe qui pèse lourd » et confirme que le PS soutient l’initiative de Jean Le Garrec qui, avec le groupe parlementaire socialiste, décide de réagir465. Il dépose, en effet, un projet de loi, le 25 novembre 1992, « tendant à reconnaître le 16 juillet journée nationale de commémoration des persécutions et des crimes racistes, antisémites et xénophobes perpétrés par le régime de Vichy ». Dans l’exposé des motifs, les députés prennent soin de ne pas désavouer le président lorsqu’il exempte la République de toute responsabilité dans les actes commis par l’État français mais dénoncent « le renouveau de l’idéologie vichyste » avec l’essor du FN, ainsi que « le renouveau d’une lecture révisionniste de l’Histoire » en citant le non-lieu Touvier, présentant en conclusion leur projet comme un prolongement de la loi Gayssot de 1990466. Alors que la loi tarde à venir à l’ordre du jour de l’Assemblée, Solférino maintient le sentiment d’urgence. Face à la fronde de l’Association des magistrats instructeurs (AFMI) qui refuse une réforme de la Justice trop libérale à leurs yeux, une jeune Marianne rebelle, dessinée par Lechien, les poings sur les hanches, défie un vieux magistrat en pseudo-statue de la Liberté qui foule aux pieds la Constitution et lui jette : « C’est sous Pétain que cela aurait eu de l’allure ! » (ill. 24, cahier hors texte).
179Finalement, avant que le projet de loi Le Garrec ne soit examiné, le décret du 3 février 1993, qui instaure une « journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité de fait dite “gouvernement de l’État français” (1940-1944) », prend les parlementaires socialistes de court et évite un débat qui s’annonçait pénible pour l’Élysée. Le lendemain, Louis Mexandeau inaugure le monument de Louis Mitelberg dédié aux déportés exterminés à Monowitz-Buna Auschwitz III au Père Lachaise. La politique mémorielle mitterrandienne semble désormais acquise au devoir de mémoire, mais la presse socialiste ne baisse pas la garde : elle recommande aux militants d’aller voir L’œil de Vichy de Claude Chabrol et de lire L’Histoire de l’extrême droite en France, dirigée par Michel Winock (Le Seuil, 1993)467.
180En fait, deux lectures des usages du passé dans le présent s’opposent : celle d’une nécessaire « histoire réconciliée » comme la défend le vieux président468 et celle des militants, dont la plupart n’ont pas connu la guerre et qui ont été formés, au sein même de leur parti, à dénoncer le régime de Vichy comme la matrice du racisme qui ronge aujourd’hui la France. Alors que, pour la génération du président, le climat de guerre civile larvée que connaît le pays depuis la Révolution française nécessite de le conjurer en favorisant « la réconciliation nationale », les militants ont changé de paradigme historique. Le roman national doit céder le pas devant l’imprescriptibilité des crimes, elle-même fondée sur les valeurs universelles des droits de l’homme qu’ils placent au cœur de leur identité. Cette mémoire que la direction du parti veut exemplaire depuis le congrès d’Épinay s’accommode donc mal des ambiguïtés mitterrandiennes. À cette date, plus de dix ans après la fronde parlementaire de l’automne 1982 contre l’amnistie des généraux putschistes, Solférino et les parlementaires socialistes regimbent de nouveau à suivre l’Élysée. Certes, les nuages s’accumulent sur le gouvernement Bérégovoy, et les législatives de mars 1993 s’annoncent très difficiles, mais la fracture qui se fait jour entre le président et les socialistes est plus profonde. Au-delà des enjeux de pouvoir internes au parti et d’un horizon électoral sombre, la politique mémorielle du président a jusque-là suscité l’incompréhension, même chez l’un de plus ses fidèles compagnons, Louis Mexandeau qui, sans jamais le reconnaître, a essayé de la compenser469.
181À partir de ce décret de février 1993, une certaine cohérence semble rétablie entre le PS et le président qui, à son tour, cède au devoir de mémoire. Les socialistes, qui ont subi l’une des pires défaites électorales de leur histoire aux législatives de mars 1993 et qui doivent affronter une seconde cohabitation, sont ensuite traumatisés par le suicide de Pierre Bérégovoy le 1er mai. Ils veulent croire à une renaissance avec les états généraux de Lyon en juillet 1993. Un peu de communion sur le terrain de la mémoire – et par là même des valeurs – est donc bienvenu.
182Le 16 juillet 1993, a lieu la première journée commémorative tant attendue, et les signes d’apaisement en provenance de l’Élysée se multiplient. Le 8 novembre, un communiqué annonce qu’il n’y aura plus de gerbe pour Pétain ; le 24 avril 1994, le président inaugure la Maison des enfants d’Izieu ; le 10 juin, il revient à Oradour-sur-Glane et y prononce un discours qui est presque un repentir personnel :
« Je ne dirai pas ici, en cet instant – et cependant je ne dois pas le taire – les ravages qu’ont causés quelques années plus tard le procès de Bordeaux et la loi qui a suivi. Et je veux dire, ayant vécu moi-même ces moments, à quel point je comprends le désarroi des familles que n’animait pas la soif de vengeance mais le sentiment d’un devoir envers les morts et qui, pendant des années, ont pu se croire abandonnées470. »
183Le 16 juillet 1994, enfin, il inaugure, avec le Premier ministre Balladur, le monument officiel à Paris prévu par le décret de février 1993. Le dépôt d’une plaque « aux frais de la République » est prévu dans chaque chef-lieu de Département471. Les élus socialistes peuvent donc s’emparer de la commémoration et retrouver le sentiment d’être en accord avec le chef de l’État. À Nantes, Jean-Marc Ayrault fait apposer la plaque près du Monument aux 50 otages et, surtout, fait éditer le livre d’Annie Lambert et Claude Toczé, Être juif à Nantes sous Vichy (Ville de Nantes, 1994). Tandis que le PS déplore l’assassinat de René Bousquet le 8 juin 1993 parce qu’il prive la nation du « vrai procès du régime de Vichy », celui de Paul Touvier s’ouvre pour sa plus grande satisfaction le 17 mars 1994472. En avril, lors de la cérémonie commémorant l’insurrection du ghetto de Varsovie, le député du Nord, Jean Le Garrec, cite son projet de loi de novembre 1992 pour réaffirmer qu’il est nécessaire de lutter contre « la marée irrésistible de l’oubli » et que la Shoah doit inviter à entendre les cris de la guerre civile en Algérie et en Bosnie473. Relégués dans l’opposition, les socialistes entendent encore afficher une mémoire exemplaire.
184C’est à la fin de l’été 1994 que le livre de Pierre Péan, Une jeunesse française. François Mitterrand 1934-1947 (Fayard) provoque l’emballement médiatique que l’on sait et une onde de choc chez les militants socialistes. Ceux-ci sont déjà fragilisés par la défaite de la liste Rocard aux européennes (14,6 % des voix) et – pire encore – par le résultat de Bernard Tapie (plus de 12 %) ; dans ce contexte, ils peinent à faire face aux attaques de tous ceux qui sont confortés dans leurs insinuations de toujours. Il ne s’agit plus, cette fois-ci, de deux conceptions de l’Histoire et de la mémoire, mais d’événements qui, parce qu’ils ont été volontairement occultés, jettent une ombre d’insincérité sur tout l’itinéraire de leur président. Nombre d’entre eux ont l’impression d’avoir été les dindons de la farce.
185Radio et télévision somment la classe politique de réagir, et tout un chacun y va de son commentaire. Les médias sont particulièrement attentifs à la réaction des principaux responsables du PS. Les rocardiens, Manuel Valls et le président des JS, Benoît Hamon, se disent choqués, mais ils ne doivent rien à Mitterrand et ont tout à gagner à incarner la vertu. Le trésorier, Pierre Moscovici, un ancien LCR venu au PS grâce à Dominique Strauss-Kahn, n’est pas non plus un mitterrandiste. Interrogé à l’université d’été de La Rochelle, il pointe ce qui cristallise l’incompréhension, voire l’indignation, des militants, à savoir que François Mitterrand ait continué à fréquenter René Bousquet après les révélations sur sa responsabilité dans la rafle du Vel d’Hiv à la fin des années soixante-dix : « C’est une chose qui, en tant que Français, en tant que socialiste, et, sur un plan plus personnel en tant que juif, ne reçoit pas mon assentiment et que j’ai d’extrêmes difficultés à encaisser », confie-t-il474. Jean Le Garrec, rocardien lui aussi et ancien du PSU, ne dira pas autre chose des années plus tard475. Il serait trop simple, toutefois, de n’y voir qu’un rejeu du clivage entre mitterrandistes et rocardiens. Laurent Fabius ou Lionel Jospin, qui déclare qu’il aurait préféré « un itinéraire peut-être plus simple et plus clair pour l’homme qui fut le leader de la gauche », sont également consternés. Et, lorsque le porte-parole du parti, Jean Glavany, tente de calmer le jeu en expliquant au Monde qu’en 1940, la plupart des Français avait été pétainiste et qu’une infime minorité était entrée dans la Résistance, une pétition est lancée au sein du parti pour demander sa démission pour « révisionnisme476 ». L’affaire tourne à la curée selon Jean-Pierre Chevènement, pourtant en rupture de ban477. François Mitterrand, sentant alors monter le désarroi de ses compatriotes, y compris socialistes, décide de s’expliquer à la télévision en répondant aux questions de Jean-Pierre Elkabbach, le 12 septembre, à 20 h 30, sur France 2478. Le cœur de son argumentation est l’incommunicabilité du passé : comment comprendre la complexité d’une telle période quand on ne l’a pas vécue479 ? Mais, s’interrogent nombre de responsables, comment le président ne comprend-il pas que c’est sa conception de l’histoire nationale qui est désormais perçue comme anachronique par ses concitoyens ?
186Le 14 septembre, après un bureau national houleux, le premier secrétaire, Henri Emmanuelli, déclare que le PS fait toujours confiance au chef de l’État et qu’il refuse d’être mis en demeure de rompre avec « le mitterrandisme480 ». Dans les fédérations, comme le perçoit d’ailleurs le journaliste François Bazin481, l’affaire ne soulève pas les mêmes polémiques que rue de Solférino. Les militants sont inégalement partagés entre un sentiment de trahison – ils ont longtemps défendu Mitterrand comme un nouveau Salengro –, l’incompréhension face à sa fidélité envers René Bousquet, et une reconnaissance mêlée de compassion envers celui qui a porté la gauche au pouvoir et qui mérite qu’on le laisse terminer sa vie et son septennat en paix. En outre, la lecture complotiste de ceux qui, non seulement à droite ou à gauche du PS, mais aussi en son sein, voient une cohérence machiavélique dans l’itinéraire tortueux de l’homme, provoque un réflexe instinctif de défense, voire de déni chez les militants. Dans le Limousin, Jacques Chevassus loue Mitterrand d’avoir su suivre le parcours inverse de nombre d’hommes politiques et, partant de la droite, d’être arrivé à gauche, argument invoqué par tous ses défenseurs482. En Bretagne, le premier secrétaire de la fédération du Finistère, François Cuillandre, n’est pas dupe : certains instrumentalisent cette affaire pour discréditer « la vieille garde mitterrandiste » et cette dernière en profite pour menacer de ses foudres « ceux qui légitimement s’interrogent ». Or les socialistes, en dépit de ce qu’ils doivent à Mitterrand, ont le droit de se poser des questions « parce que 50 ans après, il ne saurait être question de banaliser le régime de Vichy ». Pour autant, ils doivent s’interdire toute récupération politique en interne483. À Sainte-Foy-la-Grande, le secrétaire de section préfère y voir une manœuvre de la droite ou de l’extrême gauche : « Ce sentiment de division nationale que l’on veut attribuer au passé de Mitterrand est très malsain et destiné à masquer les vraies questions. Je préfère croire l’Histoire de 50 ans plutôt que les journalistes d’opinion484. » Le socialisme est « presque une religion », comme l’écrivait Blum en 1919.
187À l’automne, le président, bien que très affaibli par la maladie, se rend dans le Finistère où il est reçu « en famille ». Le Breton socialiste montre que les militants savent, sinon oublier, du moins pardonner :
« François Mitterrand arrive aujourd’hui à la fin de sa vie politique et, luttant avec courage contre la maladie, de sa vie, tout court. Sa visite était pour nous une forme d’adieu. Dépassant les querelles du passé qui, aujourd’hui, n’ont plus beaucoup de sens, les socialistes et, au-delà, la population tout entière lui ont réservé un accueil chaleureux et mérité. Kenavo485 ! »
188Le ton reste le même au congrès de Liévin en novembre 1994, lorsque le président, invité par Henri Emmanuelli et le premier secrétaire du Pas-de-Calais, son vieil ami Daniel Percheron, vient officiellement commémorer la catastrophe minière du 27 décembre 1974486. Il en profite pour saluer une dernière fois les militants et partager un repas avec ses compagnons. Soucieux d’afficher une unité retrouvée, le parti diffuse le discours en forme de testament politique qu’il prononce à l’Hôtel de Ville487. Il n’y a alors personne pour demander des comptes au vieux président qui s’en va. Le spectacle du mal qui le ronge et l’ars moriendi dont il fait preuve à l’égal des grands monarques de l’Ancien Régime font taire les critiques au sein du parti.
189À court terme, l’épisode Péan semble laisser peu de traces dans la mémoire socialiste. Lorsque l’ancien président achève son mandat en mai 1995, le bureau national rend un vibrant hommage à « l’homme peu ordinaire » et à « l’œuvre accomplie » : « Comme celles de Jaurès ou de Léon Blum, son action et sa stature ne marqueront pas seulement l’histoire de la gauche, elles s’inscriront également dans la mémoire du pays488. » Grâce à lui, cette histoire se fond dans celle de la nation et dans sa mémoire ; une telle réussite vaut bien que le PS oublie les fausses notes des dernières années. À son décès, le 8 janvier 1996, les fédérations sont unanimes à gommer les zones d’ombre, tant de l’homme que de ses septennats, même celle du Finistère, longtemps dominée par les rocardiens. Le 11 janvier, la fédération bretonne fait de Beg-an-Fry un double lieu de mémoire, dédié à la fois à la Résistance locale et au résistant Mitterrand489. Au-delà des hommages de circonstance de tous les responsables, militants et sympathisants témoignent de leur chagrin dans un livre d’or et se réunissent pour un dernier adieu à la Bastille le 10 janvier490. Manifestement, ils préfèrent conserver l’image du vainqueur du 10 mai 1981 et, oubliant leurs doutes de l’automne 1994, s’accommoder de ses mystères.
190De 1981 à 1995, la plupart des responsables, militants et sympathisants socialistes se satisfait des usages mitterrandiens du passé sur la scène internationale. Sa geste de Verdun au service de la construction européenne en 1984 renoue symboliquement avec leur tradition pacifiste des années vingt, alors que sa politique de fermeté face à l’Irak fait écho à la honte de Munich et aux sacrifices de la Résistance dont ils cultivent le souvenir. Avec le temps, la mémoire des deux guerres mondiales pèse donc moins sur leurs choix de politique étrangère mais sert toujours autant à les justifier. La guerre du Golfe et, dans une moindre mesure, celle de l’ex-Yougoslavie achèvent ainsi l’acculturation des socialistes au jus ad bellum, les chevènementistes se réclamant plus d’un nationalisme sourcilleux que d’un véritable pacifisme intégral. En revanche, sur le terrain national, alors que les déconvenues politiques s’accumulent, le registre mémoriel des militants se distingue de celui du président, et leur cohabitation tourne à l’affrontement. Dans la lignée du général de Gaulle, le registre présidentiel de François Mitterrand est celui de la réconciliation nationale, au prix de quelques accommodements avec l’Histoire diront ses détracteurs, d’un nécessaire oubli diront d’autres. Or, le registre des socialistes demeure justement le refus absolu de l’oubli au point qu’ils figurent parmi les premiers promoteurs du devoir de mémoire. De sorte que ni l’amnistie des généraux putschistes de 1982 voulue par le président, ni son absence de condamnation formelle du régime de Vichy en 1992 ne font consensus. Une fois la politique mémorielle de François Mitterrand conforme à leurs attentes, l’irruption de son passé vichysto-résistant ne provoque pas chez les militants le même séisme que rue de Solférino : moins préoccupés que leurs dirigeants de leur avenir politique, ils regardent avec nostalgie l’alternance passée que leur a offerte Mitterrand.
Conclusion : La « génération d’Épinay », une génération mémorielle
191Les adversaires du PS, et même les rocardiens, ont considéré que la « génération d’Épinay » était un mythe mitterrandiste destiné à conforter l’idée que le parti socialiste avait été refondé en juin 1971491. Au-delà de ses diverses classes d’âges et sensibilités d’origine, ils doutaient qu’une même culture politique ait pu en souder les membres. Pourtant, en une décennie, le PS d’Épinay réussit là où la SFIO issue de la Résistance a échoué : il parvient à instaurer une mémoire des guerres partagée chez ses militants et sympathisants.
192De 1971 à 1981, la nouvelle direction mitterrandiste s’est efforcée d’homogénéiser les représentations militantes des guerres passées grâce à des moyens de formation accrus et à leur intérêt traditionnel pour l’Histoire. Comme aux lendemains de la Libération, l’exaltation des héros et martyrs de la Commune, du Front populaire et de la Résistance se combine avec la damnatio memoriae de ceux qui ont fauté mais, le temps passant, ce dernier procédé se focalise sur quelques figures-repoussoirs. Si les militants semblent désormais ignorer que Paul Faure fut le secrétaire général de la SFIO tout au long de l’entre-deux-guerres, d’anciens pacifistes ont été peu à peu réintégrés, à l’image de l’historien Georges Lefranc. De même, si « le national-molletisme » est un bouc émissaire commode de la culture anticolonialiste teintée de tiers-mondisme, les Vétérans, l’OURS et des fédérations comme celle du Nord résistent à cet oubli programmé de Guy Mollet. Fédération de fédérations, traversé par de multiples courants qui, tantôt font sa richesse, tantôt le sapent, le PS issu d’Épinay doit compter avec les mémoires territoriales qui cultivent leurs propres héros, moments et commémorations mais qui, par-là même, contribuent à faire de lui un « parti attrapetout ». Avec le renouvellement de ses effectifs et de ses générations, il s’est ouvert aux influences « des années 68 » et intègre désormais pleinement la mémoire du génocide des juifs d’Europe, d’autant qu’en France ce crime contre l’humanité alourdit le passif du pétainisme. La nouvelle direction réussit à ériger François Mitterrand en héritier légitime de Jaurès et de Blum, en jouant de la présidentialisation du parti, même si le duel avec Michel Rocard dure jusqu’en décembre 1980. Enfin, la stratégie d’union de la gauche inaugurée en juin 1972, en dépit de ses aléas, n’est pas avantageuse pour le PS que dans les urnes. Elle permet également de renverser à son profit le rapport de force avec le PCF sur le terrain mémoriel. L’effet Soljenitsyne, l’invasion de l’Afghanistan, la répression de Solidarność, tout semble concourir à donner raison à la lecture antitotalitaire du communisme que les socialistes croient partager depuis toujours, à savoir le discours de Léon Blum au congrès de Tours.
193Ainsi, à la veille des élections présidentielles de mai 1981, militants et sympathisants sont convaincus d’appartenir à une famille politique qui mène une guerre permanente contre le fascisme depuis les années trente et dont les valeurs sont universelles. Cette croyance entre en résonance avec le retour obsessionnel du régime de Vichy dans la mémoire collective des Français et permet opportunément de soupçonner la droite du pire. Les socialistes se retrouvent ainsi dans l’air mémoriel du temps, ce qui contribue, entre autres, à leur victoire de 1981.
194Les deux septennats de François Mitterrand permettent alors de mesurer les effets de cette politique mémorielle du parti depuis le congrès d’Épinay sur ses militants et sympathisants. D’une part, l’adhésion des socialistes à l’usage mitterrandien des guerres passées sur la scène internationale, en particulier lors de la guerre du Golfe, montre que leur acculturation au jus ad bellum, amorcée dans la Résistance, est achevée au crépuscule du xxe siècle, en dépit d’un pacifisme intégral résiduel chez les plus gauchistes. D’autre part, leur incompréhension face à la politique mémorielle du président, tant en 1982 sur la guerre d’Algérie qu’en 1992 sur le génocide des juifs, révèle que « la génération d’Épinay » est dotée d’une mémoire partagée, construite par les mitterrandistes, mais qui se retourne contre François Mitterrand lui-même. Alors que le PS doit réviser sa doctrine en consentant à la social-démocratie, sa mémoire antifasciste, antitotalitaire et anticolonialiste légitime sa lutte contre le racisme et la xénophobie face à la droite et à l’extrême droite. Cette mémoire des guerres demeure le noyau irréductible de sa culture politique et participe activement à l’émergence du devoir de mémoire en France. Le décalage entre le registre mémoriel de la repentance des socialistes et celui de la réconciliation nationale du président Mitterrand était donc inévitable. C’est la nostalgie des espoirs de 1981 et, dans une moindre mesure, de 1988 qui tempère l’onde de choc provoquée par la redécouverte du passé de François Mitterrand en 1994 dans les fédérations. Si les militants ne renversent pas sa statue à la fin de son second septennat en mai 1995, Lionel Jospin, devenu Premier ministre en 1997, revendiquera quant à lui un droit d’inventaire mémoriel, et pratiquera une autre politique de mémoire des guerres.
Notes de bas de page
1Sur le concept de génération politique constituée par un événement fondateur, voir le no spécial « Générations », Vingtième siècle. Revue d’histoire, avril-juin 1989 et, pour les socialistes, Bergounioux Alain, « Générations socialistes ? », p. 93-102.
2Voir Bergounioux Alain et Grunberg Gérard, L’ambition et le remords. Les socialistes français et le pouvoir (1905-2005), Paris, Fayard, 2005, p. 192 et rapports d’activité du PS, CAS-FJJ. Sur les enjeux que constituent tant la publication de ces chiffres que les extrapolations des observateurs, voir Cepede Frédéric, « Du bon usage des chiffres en politique. À propos des effectifs socialistes et autres données chiffrées du PS français (1905-2017) », Histoire § Mesure, vol. XXXIII, no 1, 2018, p. 3-30.
3Worms Jean-Pierre, « Oui à l’amnistie, non à l’amnésie », Le Nouvel Observateur, 5 novembre 1982, au lendemain de la fronde parlementaire contre la loi Courrière, voir infra.
4« Les socialistes croient-ils à leurs mythes ? », Interventions, no septembre-octobre 1983. Jacques Julliard, auteur de l’introduction du dossier, renvoie à la problématique de Paul Veyne qui montre que si les Grecs y croient sans y croire, ils sont convaincus, tout du moins, de leur nécessité politique au sens littéral du terme.
5La formule apparait telle quelle dans le Guide du nouvel adhérent, PS – Bureau national des adhésions, sous la direction de Françoise Seligmann et Gérard Delfau, rédigée par André Laignel, Gérard Legrand et Marc Véron, septembre 1975.
6Bergounioux Alain et Grunberg Gérard, L’ambition et le remords, op. cit., p. 258.
7Rousso Henry, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Le Seuil, 1987, chap. 3 : « Le miroir brisé (1971-1974) », chap. 4 et 5 : « L’obsession (après 1974) ».
8Dossier de formation, L’Identité du PS, supplément no 37 au Combat socialiste, 1974, introduction.
9Guide du nouvel adhérent, op. cit. En 1979, le « Projet socialiste » déclare : « C’est la fonction d’un parti comme le nôtre, d’incarner la continuité d’une mémoire et d’un projet. » « Partie 2 : Vouloir. Ressusciter la mémoire et donner un sens à l’histoire de France », Le Poing et la Rose, no 85, novembre-décembre 1979, p. 45.
10Voir, par exemple, celle de l’antistalinien Gérard Rosenthal à Niort, le 22 mars 1976, qui fait « revivre Trotsky à travers ses souvenirs ». « Trotsky devant l’histoire », Le Travailleur des Deux-Sèvres, juin 1976.
11Secrétariat national à la formation du Parti, Histoire du mouvement socialiste, supplément au no 3 de la Documentation socialiste, 1972, préface.
12Joxe Pierre, préface à Berson Michel, Delfau Gérard et Ory Pascal, Les chemins de l’unité. Déclin et renouveau du socialisme français depuis la Libération, Paris, Tema Action, 1974.
13En 1925, la SFIO annonce 111 000 adhérents ; 287 000 en 1937 ; et 354 000 en 1946. Mais il s’effondre et retombe à moins de 100 000 dès 1950. Voir Bergounioux Alain et Grunberg Gérard, op. cit., p. 192.
14Delfau Gérard, « 1975-1976 : Année de la formation », Le Poing et la Rose, no 45, novembre 1975.
15Les statuts interdisent la création de tendances organisées, mais le congrès d’Épinay, en rassemblant diverses sensibilités et en rétablissant la représentation proportionnelle, les rend, de fait, possibles. Voir Bergounioux Alain et Grunberg Gérard, op. cit., p. 305-310.
16Jourdain Marcel, « L’Heure de la Discipline et de la Fraternité… », Le Travailleur des Deux-Sèvres, juin 1977. La fédération vient d’atteindre le chiffre record pour elle de 850 adhérents. C’est le congrès de Nantes de 1977 qui décide de mettre en place une formation systématique aux techniques de communication et à la gestion de l’actualité avec stages et séminaires. Puis en 1979, le congrès de Metz crée l’École du socialisme pour former les cadres fédéraux.
17Mitterrand François, « Lettre aux militants », Le Poing et la Rose, no 60, avril 1977.
18Delfau Gérard, « Plus que jamais, former les militants ! », Le Poing et la Rose, no 69, mars 1978.
19Delfau Gérard, Rapport sur la Formation, Le Poing et la Rose, no 77, décembre 1978.
20Les programmes et comptes rendus des stages et conférences sont publiés dans le Bulletin intérieur puis Le Poing et la Rose Voir aussi Cepede Frédéric, « Les socialistes sur les bancs : des écoles aux universités d’été (1958-1999) », Cahiers d’Histoire. Revue d’histoire critique, no 79, 2000, p. 101-120.
21François Mitterrand, lui-même, est révélateur de cette appréhension du temps historique. Interrogé par Jean-Yves Boulic sur sa lecture régulière de la Bible, il répond : « Je lis et relis sans me lasser tout ce qui est de nature historique – bien que le terme soit peut-être impropre pour les premiers temps de la Genèse – mais disons : le récit linéaire de l’aventure du peuple juif… » Voir Boulic Jean-Yves, Questions sur l’essentiel, t. 2, Paris, Le Cerf, 1979.
22Histoire du mouvement socialiste, op. cit., p. 57.
23Berson Michel, Delfau Gérard et Ory Pascal, op. cit. Les auteurs sont membres de Démocratie et Université, mouvement associé au PS.
24PS, Secrétariat national à la formation, Histoire du parti socialiste. De l’unité de 1905 à l’unité de 1971, supplément au no 31 du Poing et la Rose, 1974, 96 p.
25Histoire du socialisme en France, coordonné par Maurice Delotte, dessins de Paul Gillon, Paris, Service de l’Homme, 1977. Jeux d’épreuves annotés de la main de Pierre Mauroy déposés au CAS-FJJ.
26Mauroy Pierre, « Pour la Victoire », Le Poing et la Rose, no 68, février 1978. Il est alors député maire de Lille, responsable de la puissante fédération du Nord et directeur politique du Poing et la Rose.
27L’Express, 29 mars-4 avril 1971 et Le Nouvel Observateur, 15-21 mars 1971, cités par Fournier Éric, La Commune n’est pas morte. Les usages du passé de 1871 à nos jours, Paris, Libertalia, 2013, p. 130-131. Gilles Martinet n’a pas encore quitté le PSU pour le PS ; il le fait en février 1972.
28Alain Savary déclare, au meeting de la Mutualité du 18 mars 1971, que « cet épisode sanglant s’inscrit dans la lutte séculaire des classes, dans le combat permanent de la République contre les oligarchies bourgeoises ». « La Commune toujours vivante », L’Avenir, 2 avril 1971.
29Fuzier Claude, « La Commune vivante », L’Unité, no 66, 25-31 mai 1973.
30Caron Jean-Claude, Frères de sang. La guerre civile en France au xixe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2009.
31Cheramy Robert, La Commune de Paris (no 5, 1971), Poperen Jean, Des trois glorieuses au printemps des peuples 1830-1848 (no 3, 1972), Quilliot Roger et Chambaz Jacques, Le Front populaire. Juin 1936 (no 6, 1972), Guyard Jacques, Les révolutions industrielles (no 15, 1972), et Cepede Michel, La solidarité (no 19, 1973). Pierre Mauroy fait une critique très élogieuse de La Commune de Paris dans L’Unité, no 25, 14 juillet 1972. La collection compte aussi La conquête de la liberté, 1789 (no 1, 1971) de Georges Lefebvre, Les luttes pour l’égalité, 1793 (no 2, 1972) d’Albert Soboul, La Révolution d’Octobre (no 9, 1972) de Jean Elleinstein et Marc Ferro, tous communistes, et La Résistance. L’épreuve, d’Olga Wormser-Migot, la collaboratrice d’Henri Michel au CHSGM, préfacé par Daniel Mayer.
32Mora Christiane, Bennassayag Maurice, Guidoni Pierre et al., Socialistes, utopistes et anarchistes : à la recherche du bonheur (no 2, 1977) ; Delfau Gérard et al., Les socialistes scientifiques : la cité idéale (no 3, 1978) ; Rous Jean et Bichat Jean-Marcel et al., Les Révolutionnaires communistes à la conquête du pouvoir : l’espoir d’un siècle (no 4, 1978) avec Marc Ferro et une préface de Claude Estier ; Guyard Jacques, Cheramy Robert, Jospin Lionel et al., Anticolonialistes et anti-esclavagistes : les défenseurs des droits de l’homme (no 7, 1978) avec une préface d’Henri Noguères ; Les guérilleros à l’assaut du pouvoir : les feux de l’Amérique latine (no 6, 1978) est préfacé par Régis Debray ; Rabaut Jean, Bichat Jean-Marcel et al., Les socialistes et l’exercice du pouvoir : la justice dans la liberté (no 8, 1978) avec Jean-Pierre Rioux et une préface de Daniel Mayer.
33Pages de publicité à comparer dans L’Unité, no 275, 18-22 décembre 1977 et no 292, 21-27 avril 1978. Dans le Toulousain, L’Avenir conserve les cinq portraits (10-16 février 1978).
34Droz Jacques, Histoire générale du socialisme, Paris, PUF, 4 vol., 1972-1978. Le dernier, celui de 1945 à nos jours, est particulièrement vanté en 1978 par L’Unité. Parmi les auteurs, tous intellectuels de gauche, si l’on trouve des communistes tels Jean Bruhat ou Jean Chesneaux, et un compagnon de route du PCF tel Pierre Vilar, seuls Yves Person et Roger Portal ont une réelle proximité avec le PS.
35Citons parmi d’autres : Fuzier Claude, « Le socialisme sans patries (histoire de l’Internationale) », L’Unité, 23 juin 1972 ; « La Commune », ibid., no 25, 14 juillet 1972 ; Delfau Gérard, « 1936-1976 », L’Unité, no 205, 14-20 mai 1976 ; Manceron Claude, « Le front de classe de 1789 », L’Unité, no 259, 14-20 juillet 1977.
36« Vous vouliez être, ce soir, avec nous, pour célébrer la fête d’un peuple en marche », déclare le premier secrétaire. Voir Le Poing et la Rose, no 2, novembre (sic) 1972.
37Il est interrogé sur Antenne 2, en même temps que Valéry Giscard d’Estaing et Gaston Monnerville, et retrace l’histoire de la République depuis Gambetta. Voir « La République socialiste », L’Unité, 10 janvier 1975.
38Le Poing et la Rose, no 27, avril 1974 et L’Unité, 12-18 avril 1974.
39Bourgeade Pierre, « Le peuple en marche », L’Unité, no 109, 3-9 mai 1974.
40Affiche pour les élections Municipales de mars 1977 de Jacques Séguéla, 0,80 × 0,60 m, Collection A. Gesgon.
41Expression proposée par Alain Bergounioux lors du colloque Le Parti socialiste d’Épinay à l’Élysée, au CHSP à Paris, le 18 novembre 2011, et que je remercie.
42Brimo Nicolas, « L’Histoire change de peau », L’Unité, no 115, 14-20 juin 1974.
43Rosanvallon Pierre, « Une nouvelle culture politique », Faire, no 13, novembre 1976.
44Rosanvallon Pierre et Viveret Patrick, Pour une nouvelle culture politique, Paris, Le Seuil, janvier 1977.
45Congrès national du PS, Nantes, 18 juin 1977, matinée, CAS-FJJ, p. 36-37. Michel Rocard oppose la culture autogestionnaire, celle de son courant, à celle, étatique, de la majorité.
46Manceron Claude, « Le front de classe de 1789 », no 259, L’Unité, 14-20 juillet 1977 ; Pym, « Refaire 1789 », couverture en couleurs inspirée de l’Angélus de Millet et Gravelaine Frédérique, « Les Français et la terre : refaire 1789 ! », ibid., no 267, 21-27 octobre 1977.
47Voir Mermaz Louis et Audry Colette sur « La ligne d’Épinay », L’Unité, no 302, 30 juin 1978.
48Mitterrand François, « La ligne d’Épinay », § L’identité du parti, L’Unité, no 318, 8-14 décembre 1978.
49En 1992, le socialiste Maurice Andrieu écrit ainsi : « L’année 1971, associée au Congrès d’Épinay, restera dans la mémoire des socialistes, l’amorce d’un renouveau tant souhaité. » Andrieu Maurice, Cent ans de socialisme à Toulouse, Saint-Orens, imprimerie du Commerce, 1992, p. 415.
50Viveret Patrick, « Contre la stratégie du soupçon », Faire, no 40, février 1979.
51« Pourquoi une rubrique historique », Faire, no 40, février 1979.
52Voir « Les onze bleus de l’équipe socialiste », L’Unité, no 336, 20-26 avril 1979 : Marcel Debarge (né en 1930), Claude Germon (1934), Christiane Mora (1939), Paul Quilès, Véronique Neiertz et Michel Pezet (1942), Alain Busnel et Guy Bèche (1945), Laurent Fabius, Yves Durant et Anne Tregouët (1946).
53Cité par Lefebvre Denis, Guy Mollet, Paris, Fayard, 1992, p. 516-517. Sur ce rejet de la SFIO molletiste, voir aussi D’Almeida Fabrice, Histoire et politique, en France et en Italie : l’exemple des socialistes 1945-1983, Paris, École française de Rome, 1998, chap. 7.
54Werth Alexander, La France depuis la guerre (1944-1957), Paris, Gallimard, 1957. Voir Sadoun Marc, « Les socialistes, entre principes, pouvoir et mémoire », dans Rioux Jean-Pierre (dir.), La guerre d’Algérie et les Français, Paris, Fayard, 1990, p. 225-234.
55Cepede Frédéric, « Le poing et la rose, la saga d’un logo », Vingtième siècle. Revue d'histoire, no 49, janvier-mars 1996, p. 18-30.
56Segui Sandrine, Les communistes français et la guerre d’Algérie : histoire, mémoires et représentations (1954-1992), thèse de doctorat sous la direction de Robert Ilbert, université de Provence, 1994, 3 vol. Voir, par exemple, Suret-Canale Jean, « Le PCF et la lutte anticoloniale », Cahiers de l’institut Maurice Thorez, no 18, 1970.
57Voir l’usage que nous faisons de la définition de Paul Ricœur dans le chap. iv : « Que faire de et avec l’Allemagne ? » et chap. v : « Vingt après : écrire son histoire de la Seconde Guerre mondiale ».
58Histoire du Parti communiste français (manuel), Paris, Éditions sociales, (1964), éd. de 1975, chap. 14 : « Pour la paix en Algérie et contre la dégradation de la démocratie (janvier 1956-mai 1958) », « Résumé », p. 649 et « Enquête sur un anniversaire : le PCF a 50 ans. Réponses à onze questions », « VII. L’attitude du PCF devant la guerre d’Algérie », L’Humanité, Jean-Pierre Léonardini interroge Henri Martin, 23 décembre 1970 ; et Votre avenir a 50 ans, avec la collaboration des historiens Jacques Girault et Raoul Callas, production Dynadia, 1970, consultable sur Ciné-Archives.
59Moine André, « De la confusion social-démocrate à une politique anticoloniale conséquente », Cahiers de l’institut Maurice Thorez, no 26, mars-avril 1972.
60Radioscopie, France inter, 18 octobre 1973. Selon l’ancien président du Conseil, leur triptyque (cessez-le-feu, élections et négociations) était valable, mais ils se sont trompés en pensant qu’il était applicable alors que personne n’en voulait. Voir Bulletin de la Fondation Guy Mollet, no spécial, no 6, juillet-Décembre 1988.
61Prigent François, « Les socialistes bretons face au choc de la guerre d’Algérie », dans Joly Vincent et Harismendy Patrick, Algérie sortie(s) de guerre 1962-1965, Rennes, PUR, 2014, p. 187.
62Chevenement Jean-Pierre, Le vieux, la crise, le neuf, Paris, Flammarion, 1974, dès la 4e de couverture. Au crépuscule de leur carrière, la guerre d’Algérie leur apparaît comme le principal moteur de leur engagement : Jospin Lionel, Le temps de répondre. Entretiens avec Alain Duhamel, Paris, Stock, 2002, p. 11-12 et Algérie : mémoires meurtries, documentaire d’Éric Beauducel et Sébastien Mittault, avec entre autres Michel Rocard et Jean-Pierre Chevènement, ECPAD, 2011.
63Histoire du mouvement socialiste, op. cit. Sur sa rédactrice, voir Liatard Séverine, Colette Audry (1906-1990). Une femme intellectuelle au xxe siècle. Engagements et identités, thèse de doctorat sous la direction de Pascal Ory, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2007, p. 247-253.
64Colette Audry, pivertiste dans l’entre-deux-guerres, est aussi très critique envers la non-intervention en Espagne depuis son Léon Blum ou la politique du juste (R. Julliard, 1955). Aussi la brochure de 1972 provoque-t-elle de vives réactions chez les Vétérans et, en particulier, Jules Moch (voir infra).
65Histoire du mouvement socialiste, op. cit., p. 49.
66Le Poing et la Rose, no 3, décembre 1972. Voir fig. 48, supra.
67L’Unité, no 6, 3 mars 1972.
68Joxe Pierre, Parti socialiste, Paris, éditions de l’Épi, 1973, préface de François Mitterrand, p. 20.
69« Le drame algérien éclipse les mesures sociales avancées du gouvernement Guy Mollet », Guide du nouvel adhérent, PS – BNA, septembre 1975, avril 1976, mai 1978, janvier 1980. Et Le Parti socialiste, présenté par François Mitterrand, Paris, Flash actualité Marabout, 1977.
70Berson Michel, Delfau Gérard et Ory Pascal, op. cit. Le Poitevin Yves Garandeau ne s’y trompe pas : « Ce livre est autant un acte politique qu’un acte d’histoire » écrit-il avant de recommander chaudement sa lecture, en particulier « aux jeunes adhérents » (Le Travail des Deux-Sèvres, juillet 1975).
71Le Poing et la Rose, no 44, octobre 1975.
72Les journaux fédéraux adoptent la même position et insistent sur son dévouement au parti. « Guy Mollet 50 ans de militantisme et de vie politique », L’Avenir, 10 octobre 1975 ; Charron Samuel, « Guy Mollet », Le Travail des Deux-Sèvres, décembre 1975.
73Histoire du socialisme en France, op. cit., p. 39.
74Pour en être membre, il faut arguer de 25 ans d’ancienneté, si possible, sans interruption.
75Si Le Vétéran socialiste ne tire au maximum qu’à 1 300 exemplaires, il semble qu’il ait une audience plus large vu l’agacement de la direction. Il est vrai qu’il réunit des signatures prestigieuses.
76Lefebvre Denis, « Jalons pour une histoire de l’OURS », Recherche socialiste, no 7, juin 1999, p. 13-33 et Marliere Philippe, « L’OURS : trajectoire d’un lieu de mémoire socialiste », dans Andrieu Claire et al. (dir.), Associations et champ politique, Paris, Publications de la Sorbonne, 2001, p. 389-402.
77Voir la description chaleureuse de l’ambiance par un jeune molletiste de 27 ans à l’époque, Fleury Jacques, Cité Malesherbes, journal d’un jeune militant socialiste 1959-1973, Paris, Bruno Leprince, 1999, p. 292-293.
78À la mort de Guy Mollet, l’OURS est dirigé par Jacques Piette (1975-1978), puis par Adrien Spinetta (1978-1989), et enfin, pour la période qui nous occupe, par Claude Fuzier (1989-1997).
79« Histoire du parti socialiste SFIO », 20e partie. De janvier à mai 1939, Cahier et Revue de l’OURS, no 121, juin-juillet 1981. Le gouvernement Mollet fait l’objet de deux cahiers qui n’éludent ni « le problème algérien » ni « l’affaire de Suez » en 1988. « Histoire du parti socialiste SFIO. 29e partie janvier-juillet 1956 » et « 30e partie juillet 1956-juin 1957 », L’OURS Cahier et Revue, no 182, juillet-août 1988 et no 184, novembre-décembre 1988.
80Relevé de décision du comité directeur du 13 mai 1972, Archives du PS-comité directeur, OURS.
81Bordes Guy, « Un avatar de Clio sur les chemins de l’unité », OURS, no 58, mars 1975.
82Fleury Jacques, op. cit., p. 14. En juin 1973, au congrès de Grenoble, il juge que le courant molletiste est mort.
83« Face à l’OAS irlandaise », L’Unité, no 27, 28 juillet 1972 ; Sans Gilbert, « L’Algérie de la Grande-Bretagne », ibid., no 421, 2 mai 1981 à propos de la grève de la faim de Bobby Sands
84Fuzier Claude, « Que s’est-il passé le 18 mars 1962 ? », L’Unité, no 8, 17 mars 1972. Jean-Pierre Rioux parle d’une « guerre sans mémoire nationale », dans Rioux Jean-Pierre (dir.), La guerre d’Algérie et les Français, Paris, Fayard, 1990, p. 499 et voir aussi Stora Benjamin, La gangrène et l’oubli, Paris, La Découverte, 1992.
85Fuzier Claude, « Histoire d’un crime », L’Unité, no 2, 14 février 1972.
86Fuzier Claude, « Que s’est-il passé le 18 mars 1962 ? », art. cité.
87Estier Claude, « Algérie, vingt ans après », L’Unité, no 130, 1-7 novembre 1974.
88Dans la rubrique Le livre de la semaine : « La torture, déraison d’État », L’Unité, no 9, 24 mars 1972.
89Richard Serge, « La chanson aigre des Aurès », L’Unité, no 18, 26 mai 1972, et dans la rubrique littéraire « Feux du désespoir », L’Unité, no 26, 21 juillet 1972.
90Plusieurs pages de sa La vraie bataille d’Alger sont même censurées. Perrimond Guy, « Le général Gégène condamné », L’Unité, no 44, 22-28 décembre 1972.
91Le sénateur du Nord, Marcel Darou, monte régulièrement au créneau, soutenu par d’autres élus. Voir, par exemple, « Le gouvernement refuse d’attribuer la carte d’AC aux militaires ayant servi en Algérie », L’Avenir, 14 mai 1971 qui reproduit l’intervention d’André Méric, vice-président du Sénat et conseiller régional de Midi Pyrénées.
92L’Avenir (fédération de Haute-Garonne) rend régulièrement compte des congrès de la FNACA ; La République de Normandie (fédération de Seine maritime) promeut ou relaye L’Ancien d’Algérie etc.
93« 19 mars, jour du souvenir de la fin de la guerre d’Algérie », L’Avenir, 26 mai 1978.
94Séance du 17 mai 1976, Délibérations du Conseil municipal, AM de Nantes, p. 84.
95Séance du 31 mars 1978, Délibérations du Conseil municipal, AM de Nantes, p. 579.
96Simongiovanni Eugène, « Un film sur ceux et pour ceux qui ont encore “mal à l’Algérie” », L’Unité, no 337, 27 avril-3 mai 1979.
97Comme le montre la présence récurrente d’articles qui leur sont consacrés dans L’Avenir (fédération de Haute-Garonne) et Le Provençal.
98L’Avenir, 3 novembre 1972.
99« Indemnisation des rapatriés. Une intervention d’Alain Savary », L’Avenir, 1er juin 1970.
100Voir supra, chap. v.
101Pierre Guillain de Bénouville est, par ailleurs, un ami de longue date de François Mitterrand.
1021re séance du 20 juin 1974, AN, JO, p. 2819-2844. Interventions de Jean Zuccarelli p. 2827 et de Lucien Villa p. 2826.
103Tous les mois de novembre. Délibérations du conseil municipal de Marseille, AM de Marseille, Index 1973-1979.
104Délibérations du conseil municipal de Marseille, AM de Marseille, février 1981, 81/083/IP.
105Lionel Jospin l’énonce en ces termes mêmes dans son « Rapport sur les relations PS-PC pour la Convention nationale des 3-4 mai 1975 », Le Poing et la Rose, no 38, février 1975.
106Mythe qui n’a sans doute pas eu l’audience qu’ils lui attribuent pour le bien de leur cause. Voir Azouvi François, Français, on ne vous a rien caché. La Résistance, Vichy, notre mémoire, Paris, Gallimard, 2020.
107Dossier de l’écran – Pétain, d’Armand Jammot, avec un film spécialement réalisé par Francis Caillaud, Guy Darbois et Maurice Rose, 25 mai 1976, INA. Le studio ayant été envahi par des manifestants gauchistes, les participants doivent déménager et l’émission a lieu avec retard. Elle donne lieu à de très vifs échanges entre résistants (Henri Frenay, Pierre-Henri Teitgen et Pierre Lefranc) et pétainistes (l’amiral Auphan, Jacques Isorni et Louis-Dominique Girard) devant trois historiens (Henri Michel, Robert-O. Paxton et Jean Vanwelkenhuyzen).
108Le Poing et la Rose, no 3, décembre 1972. Voir fig. 48, supra.
109Histoire du mouvement socialiste, op. cit., p. 46.
110Voir supra, dans ce chapitre, « La “mémoire collective” comme outil de formation ».
111Joxe Pierre, Le Partis socialiste, op. cit., p. 19.
112Moch Jules, Une si longue vie, Paris, R. Laffont, 1976.
113Les 36 sont tous nommés. PS, Secrétariat national à la formation, Histoire du parti socialiste. op. cit., p. 32-37.
114Guide du nouvel adhérent, op. cit., p. 24.
115Le Gall Gérard, « Congrès de Tours : des chiffres surprenants », L’Unité, no 381, 2-8 mai 1980.
116PS-Fédération du Nord – Commission fédérale de formation, Histoire du parti socialiste et du mouvement ouvrier, avant-propos de Guy Allouche et Guy Cassar, Archives de l’OURS, 10 p. ronéotypées.
117L’expression « le chagrin et la pitié » revient régulièrement sur toute sorte de sujets. Voir, par exemple, la peine de mort (Reverier Jean-Loup, « Justice : le chagrin… sans la pitié », L’Unité, no 345, 22-28 juin 1979), l’immigration (Plas Emmanuelle, « Se débarrasser des immigrés. Sans honte, ni chagrin, ni pitié », L’Unité, no 350, 21-27 septembre 1979). Cette banalisation de la formule montre son intégration à la culture de gauche.
118Brimo Nicolas, « Pompidou et les dossiers Touvier » et « Affaire Touvier : la responsabilité de l’Élysée », L’Unité, no 42, 14 décembre et no 43, 15-21 décembre 1972 et « Un nouveau document contre Touvier », ibid., no 65, 18-24 mai 1973.
119Brimo Nicolas, « Vichy à la botte », L’Unité, no 49, 26 janvier 1973.
120Richard Serge, « La mémoire courte », L’Unité, no 54, 2-8 mars 1973. L’expression « mémoire courte » – dont l’origine est toujours rappelée – est récurrente à tout propos dans le journal mitterrandiste. Voir par exemple, sur la guerre d’Algérie, le no 356, 2-8 novembre 1979, ou sur Giscard d’Estaing, le no 421, 2 mai 1981. En l’occurrence, il semble qu’au primaire, les manuels scolaires aient, pour une partie d’entre eux, fait explicitement mention de l’extermination des Juifs à partir de 1948. Voir Lecureur Bertrand, « Un aperçu de l’image de la Shoah et du régime de Vichy dans les manuels de l’enseignement primaire (1945-2000) », Revue d’histoire de la Shoah, 2010/2, no 197, p. 77-97.
121Brimo Nicolas, « Un rendez-vous manqué avec l’Histoire », L’Unité, 8 mars 1973.
122Richard Serge, « Tous ces Lucien », L’Unité, no 97, 8-14 février 1974. Voir Feste-guidon Aurélie, « Lacombe Lucien de Louis Malle, histoire d’une polémique ou polémique sur l’Histoire ? », thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe de l’École nationale des chartes, sous la direction de Pascal Ory et Élisabeth Parinet, mars 2009.
123Nogueres Henri, « Le deuxième homme du 18 juin », L’Unité, no 70, 22-28 juin 1973.
124Estier Claude, « Travail, Famille, Patrie », L’Unité, no 65, 18-24 mai 1973.
125Pierre Messmer fut pourtant directeur de cabinet des ministres SFIO de la France d’outre-mer, Marius Moutet puis Gaston Defferre.
126Les communistes fustigent le Dossier de l’écran sur Pétain du 25 mai 1976 qui donne la parole à des pétainistes et soupçonnent l’ORTF de vouloir réhabiliter la thèse du « bouclier ». Ils approuvent les manifestations qui perturbent l’émission sur A2. Voir Durand Pierre, « Oui, Pétain ce fut la trahison ! », L’Humanité, 26 mai 1976 et Wurmser André, « Pétain la honte », ibid., 27 mai 1976.
127Liegeois Jean-Paul, « Vichy sans chagrin, ni pitié », L’Unité, 22 novembre 1974.
128JT du soir A2 du 28 juin 1979 ; Reportage de Pierre Allain, A2 et JT A2 de Daniel Bilalian, 29 juin 1979, INA. Voir Lefebvre Thierry, François Mitterrand pirate des ondes. L’affaire Radio Riposte, Paris, Le Square Éditeur, 2019. L’auteur, qui a retrouvé la bande-son dans un placard de l’INRP, vient de la déposer à l’INA (Le Monde, 12 juillet 2019).
129Délibérations du conseil municipal, AM de Lille, 9 mai 1975, p. 675-677. Le musée a été inauguré par le général de Gaulle en 1959.
130Presse Océan, 20 octobre 1974.
131Le Travail des Deux-Sèvres, décembre 1972 et avril 1976.
132Tranchant Jean-Baptiste, « Les Limousins, les socialistes se souviennent », L’Espoir. Organe des fédérations socialistes du Limousin, no 81, octobre 1976.
133D’après Robert M. Sheppard, président du Comité international de Mauthausen, Lettre du 24 janvier 1978, Dossier « Suppression de la célébration du 8 mai, 1977-1978 », Secrétariat du premier secrétaire, FJJ, 1 PS 23.
134Estier Claude, « La rencontre de Moscou », L’Unité, no 156, 2-8 mai 1975.
135Frank Robert, « Bilan d’une enquête », dans IHTP, La mémoire des Français. Quarante ans de commémorations de la Seconde Guerre mondiale, Paris, CNRS Éditions, 1986, p. 382.
136Jean Favre (UDR) le 12 avril 1973, Hector Rolland et Henri de Gastines (UDR) également le 12 avril 1973, André Tourné (PCF) le 10 mai 1973, et Gilbert Mathieu (RI) le 11 avril 1975, Table des matières 1973-1978, AN, JO, p. 628.
137« Le congrès national des ACPG », Le Travail des Deux-Sèvres, novembre 1975. François Mitterrand écrit à Robert M. Sheppard que « le 8 mai est une date sacrée qui doit être célébrée avec grandeur et respect ». Lettre non datée, Dossier « Suppression de la célébration du 8 mai, 1977-1978 », arch. cit.
138L’Humanité, 9 mai 1976.
139Délibérations municipales, séance du 26 mai 1975, AM de Marseille, feuilles ronéotypées, 1645W34.
140« Le 8 mai, une ampleur inaccoutumée », Le Maine libre, 10 mai 1976 ; « Un 8 mai pas comme les autres », Le Populaire du Centre, 8 mai 1976.
141Le Provençal, 8 et 9 mai 1977.
142« Commémorations patriotiques du 8 mai. Des cérémonies par centaines », Le Maine libre, 9 mai 1977.
143« N’en déplaise à Giscard… », L’Avenir (fédération de Haute-Garonne), 29 avril 1977.
144Interventions de Gilbert Faure (PS – Ariège) et d’André Tourné (PCF – Pyrénées orientales), séance du 28 octobre 1977, AN, JO, p. 6799 et p. 6803.
145« En souvenir du 8 mai 1945 », Presse Océan, 9 mai 1878.
146Le Populaire du Centre, 9 mai 1977 et 9 mai 1978. Rappelons que Ellen Constans a pourtant fait échouer le parachutage de Georges Sarre dans la Haute-Vienne, ce fief du socialiste René Regaudie.
147Au congrès de Dorat, le 7 mai. Le Populaire du Centre, 8 mai 1978.
148« Le monde combattant », L’Avenir, 26 mai-1er juin 1978.
149Intervention de Gilbert Faure (PS – Ariège), séance du 24 octobre 1978, AN, JO, p. 6500.
150Perrimond Guy, « Un honorable boucher », L’Unité, no 4, 18 février 1972.
151Voir, par exemple, L’Unité, no 42, 14 décembre 1972 et no 120, 19 juillet 1974.
152Brimo Nicolas, « Un ami qui a des relations » (sur Gilbert Le Cavelier) et « La voix de son Führer », L’Unité, no 9, 24 mars 1972.
153Édito, « Hitler, connais-pas ! », L’Unité, no 120, 19 juillet 1974.
154Collignon Stephan, « RFA le réveil des vieux démons », L’Unité, no 194, 27 février 1976 et Coureuil Jean-Pierre, dessin, ibid., no 287, 17 mars 1978.
155Intervention de Gilbert Faure (PS – Ariège), séance du 24 octobre 1978, AN, JO, p. 6500.
156« Projet socialiste », « Partie 2 Vouloir. Ressusciter la mémoire et donner un sens à l’histoire de France », Le Poing et la Rose, no 85, novembre-décembre 1979, p. 45.
157Question orale sans débat de Louis Mexandeau (PS – Calvados), séance du 30 novembre 1979, AN, JO, p. 11050-11051. Il déplore, entre autres, la réduction des postes au CAPES d’histoire-géographie de 650 en 1973 à 80 en 1979.
158Legris Patricia, L’écriture des programmes d’histoire en France (1944-2010), thèse de science politique, université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2010.
159Or, un tiers seulement de ce type de musées fut créé avant 1984. Boursier Jean-Yves, Musées de guerre et mémoriaux, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2005, p. 254.
160Pastwa Elisabeth, « Devenir et pérennisation d’un musée de la Résistance et de la déportation à Besançon », dans Boursier Jean-Yves, ibid., p. 181 sq. Et Délibérations du conseil municipal, AM de Besançon, 9 septembre 1976, p. 970-971 et 7 octobre 1977, p. 459.
161Rappelons que c’est à Grenoble qu’Isaac Schneersohn a fondé le Centre de Documentation juive contemporaine (CDJC) en avril 1943.
162Guidoni Pierre, « On a tué Pierre », L’Unité, no 351, 28 septembre 1979. Tout le milieu intellectuel et artistique de gauche s’est mobilisé lors de ses procès en 1974 et 1976 (Sartre, Beauvoir, Signoret, Le Forestier…). Voir DBMOF, notice de Claude Pennetier.
163Plas Emmanuelle, « Marais : l’antisémitisme ne passera plus ! », L’Unité, no 389, 27 juin-3 juillet 1980.
164JT A2, 4 octobre 1980, INA.
165JT A2, 7 octobre 1980, INA.
166Voir DBMOF, notice de René Galissot.
167Estier Claude, « Une République de Ponce Pilate », L’Unité, no 394, 10 octobre 1980.
168« Quand les mots sont ainsi galvaudés, il se produit une déperdition de sens : parler de fascisme à propos de de Gaulle, de fascisation à propos de la répression policière sous Pompidou comme nous l’avons à l’époque trop entendu, aboutit en définitive à faire oublier ce que fut le règne de “la bête immonde” ». D’Almeida Pierre, « Les mots et les choses. Dictionnaire du Fascisme », Faire, no 62, décembre 1980.
169Voir Wieviorka Olivier, La mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres de la Libération à nos jours, Paris, Le Seuil, 2010, p. 190.
170À l’exception d’Un socialisme du possible, avec Jean-Paul Bachy, Jean-Paul Baïetto, Maurice Benassayag et al. (Le Seuil, 1971), de Politique, textes choisis et présentés par Georgette Elgey (Fayard, 1977) et d’Ici et maintenant : conversations avec Guy Claisse (Fayard, 1980), tous les autres ouvrages sont publiés chez Flammarion qui édite aussi la collection « La rose au poing ». Jean-Claude Heberle, François Mitterrand, esquisse d’une ébauche, documentaire, INA, TF1, 30 septembre 1976, 68 min.
171Le Poing et la Rose, no 1 d’octobre 1972. La société des Amis de Léon Blum est alors présidée par Robert Verdier.
172Circulaire du 22 mars 1972 de Georges Filloud, secrétaire national à la propagande, aux secrétaires fédéraux, FJJ.
173Circulaire du 3 février 1972 de Georges Filloud, ibid.
174L’Unité, 7 avril 1972. Pour préparer son discours, il a demandé à Véronique Neiertz de lui constituer la documentation nécessaire. Dossier « Documentation sur Jaurès et Blum », premier secrétaire François Mitterrand, FJJ, 1PS100.
175À armes égales (Mitterrand – Debré), première chaîne de l’ORTF, 13 juin 1972, INA.
176À armes égales (Mitterrand – Sanguinetti), ibid., 10 janvier 1973, INA.
177Apostrophes, Antenne 2, 7 février 1975 et 15 septembre 1978, INA.
178Remond René, « Une relation privilégiée avec l’Histoire », L’Unité, 18 novembre 1977.
179Chronique du 10 juin 1973 publiée d’abord dans L’Unité, puis dans La Paille et le grain (op. cit., p. 184), et lu dans Heberle Jean-Claude, documentaire cité.
180Manceron Claude, Cent mille voix par jour pour Mitterrand, Paris, R. Laffont, 1966, voir supra, chap. v : « De l’art de farder son passé ».
181À armes égales, 10 janvier 1973, arch. cit.
182Dans ce même entretien, il se contente d’un « j’ai vu la situation en Indochine et en Algérie, puis j’ai compris » la nécessité du socialisme. Ibid.
183« Avec François Mitterrand », L’Unité, 17 mai 1974.
184Bourgeade Pierre, « La revanche de Vichy », Le Monde, 9 mai 1974.
185Namer Gérard, La commémoration en France de 1945 à nos jours, Paris, L’Harmattan, 1983, p. 189.
186Campagne électorale officielle, élection présidentielle, second tour, 11 mai 1974, présentateur Paul Guimard, ORTF, INA.
187Richard Serge, « La résistible ascension de Robert Hersant », L’Unité, no 165, 4-10 juillet 1975.
188Richard Serge, « Hersant, le Kaiser de la presse » L’Unité, no 204, 7-13 mai 1976 et Brimo Nicolas, « Hersant, un homme à Chirac », no 239, 25 février 1977. Il s’agit en fait d’un très long extrait du livre de l’ancien rédacteur à L’Unité passé au Canard Enchaîné : Dossier Hersant (Paris, Maspero, 1977).
189Quilliot Claire et Roger, L’Homme sur le pavois, Paris, Gallimard, 1976, avec une préface de François Mitterrand. Dédicacé d’abord à Roger Salengro, puis à Salvador Allende, Gaston Defferre, François Mitterrand et Gabriel Montpied. Sur les débuts de cette analogie, voir supra, chap. v : « Rastignac ou Salengro ? ».
190Le Monde, 5 décembre 1978.
191À cet égard, très révélateur est le manifeste de Martinet Gilles, « Mitterrand-Rocard : le sens d’un choix », Faire, no 61, novembre 1980.
192Intervention de Lionel Jospin, reproduite dans Le Poing et la Rose, no 91, février 1981.
193« L’injustice la révolte. Parce qu’elle ne le supportait pas, elle s’est engagée à dix-sept ans dans les maquis dans la Résistance », écrit Christine Cottin. « Danielle, une militante comme les autres », L’Unité, no 420, 25 avril 1981.
194Cartes sur table, interrogé par Jean-Pierre Elkabbach et Alain Duhamel, A2, 16 mars 1981, INA.
195« De Gaulle et Mitterrand », L’Unité, no 421, 2 mai 1981, supplément de campagne.
196De Boissieu dit citer le Général : Mitterrand « aura mangé à tous les râteliers », cité par Rousso Henry, Le syndrome de Vichy, op. cit., p. 209. Et L’Unité no 421 et no 422, 2 et 9 mai 1981.
197Tartakowsky Danielle et Bergounioux Alain (dir.), L’Union sans unité. Le programme commun de la gauche 1963-1978, Rennes, PUR, 2012.
198Votre avenir a 50 ans s’ouvre par une lettre de Marx de 1871 en ce sens sur fond d’images de l’insurrection parisienne, film cité.
199Figurent en outre au comité : un club d’origine maçonnique, l’Atelier républicain, le Cercle d’études Montaigne, la Fédération anarchiste, la FEN, la Grande Loge de France, le Grand Orient de France, la LDH, le mouvement Action et recherche critique, Objectif 1972, l’Organisation communiste internationaliste, les radicaux de Paris, les cercles Jean-Jaurès, le club Louise-Michel et le Centre national d’études et de promotion. Le Monde, 18 mars 1971.
200Granouillac A., « La Commune toujours vivante », L’Avenir, 2 avril 1971.
201La Dépêche du Midi, 15 mars 1971. Ayant succédé à Raymond Badiou en octobre 1958, Bazerque a été élu et réélu en maire en 1959 et 1965, sur une liste comprenant des radicaux, d’anciens MRP, des centristes, gaullistes et des indépendants, dont Pierre Baudis, son premier adjoint. L’union de la gauche au second tour n’empêche pas l’élection de Baudis.
202L’Insurgé, no 2, juin 1971.
203« Le défilé organisé par le parti communiste a réuni plus de 50 000 participants », Le Monde, 25 mai 1971.
204Pineau Christian, « Anniversaire de la Commune de Paris », L’Avenir (fédération de Haute-Garonne), 28 mai 1971 et L’Insurgé, no 2, juin 1971 qui publie quatre photographies de cortèges différents avec cette question : « Pourquoi pas tous ensemble ? »
205100e anniversaire de la Commune, documentaire muet et en couleurs de Roger Vuillemenot, militant communiste et cinéaste amateur, 1971, AD Seine-Saint-Denis, Ciné-Archives. On distingue très bien toutes les banderoles, moins bien les personnalités.
206Histoire du mouvement socialiste, op. cit., p. 17.
207Le Poing et la Rose, no 3, décembre 1972. Voir fig. 58.
208Histoire du mouvement socialiste, op. cit., p. 61.
209L’Unité, no 66, 25-31 mai 1973 et no 67, 1er-7 juin 1973.
210Il y aurait 20 000 manifestants selon l’article « Les partis de gauche ont célébré l’anniversaire de la Commune », Le Monde, 29 mai 1973. Les archives de « 24H sur la une », sur la première chaîne de l’ORTF, permettent d’observer le rituel, 27 mai 1973, INA.
211JT 20H, 25 mai 1974, INA ; « Les partis de gauche vont célébrer l’anniversaire de la Commune de Paris » et « Les partis de gauche ont célébré l’anniversaire de la Commune de Paris », Le Monde, 23 et 28 mai 1974.
212La République de Normandie, février 1974 ; Nord Demain, juin 1974.
213« Le PCR et l’Humanité rouge célèbrent le 105e anniversaire de la Commune », Le Monde, 23 mars 1976.
214« Enquête sur un anniversaire : le PCF a 50 ans. Réponses à onze questions », « II. Pourquoi les communistes proposent-ils le Front populaire ? », Nelly Feld interroge Étienne Fajon, L’Humanité, 16 décembre 1970 et « III. Pourquoi les communistes n’ont-ils pas participé au gouvernement de Front populaire ? », Claude Lecomte interroge François Billoux, idem, 17 décembre 1970. Dans le documentaire Votre avenir a 50 ans, Jacques Duclos ne dit pas autre chose (film cité).
215Moch Jules, Le Front populaire, grande espérance, Paris, Perrin, 1971.
216Guidoni Pierre, « Le Front populaire », L’Unité, no 74, 20 juillet 1973.
217Quilliot Roger et Chambaz Jacques, op. cit.
218Reverier Jean-Loup, « Les débris du fascisme », L’Unité, 14-20 décembre 1973.
219Bapt Gérard, « Chili : le retour des SS », L’Avenir, 19 juillet 1974.
220Fuzier Claude, « 6 février 1934 Un combat qui n’a pas cessé », L’Unité, no 96, 1er-7 février 1974.
221Cepede Frédéric, « 1936-2006 : commémorer le Front populaire. Les anniversaires de 36, les socialistes et les autres », Recherche socialiste, no 37, 2006, p. 51-65.
222Houlou Alain, « Le Front populaire 40 ans après », L’Insurgé. Mouvement de la jeunesse – étudiant socialiste, no 15, juin-juillet 1976.
223Verdier Robert, PS-PC, une lutte pour l’entente, Paris, Seghers, 1976.
224Il faut noter que Finidori, Lefranc et Paz ont été des amis de Paul Faure jusqu’à sa mort. Les deux premiers ont collaboré à La République libre, son journal d’après-guerre, et l’avocat Maurice Paz a contribué à son financement (archives Jean Castagnez). La page est tournée.
225Voir le programme détaillé dans le numéro spécial 205, L’Unité, 14 mai 1976, p. 16. Des militants de différentes fédérations apportent aussi un éclairage local : Pierre Brana (Gironde), Renaud Bérès (Paris) et Élie Cohen-Hadria (Tunisie).
226« Enquête sur un anniversaire : le PCF a 50 ans. Réponses à onze questions », « II. Pourquoi les communistes proposent-ils le Front populaire ? », art. cité ; et Votre avenir a 50 ans, film cité.
227« Historique ! Enrico Berlinguer et Georges Marchais », L’Humanité, 4 juin 1976 et compte rendu des fêtes du parti, ibid., 15 juin 1976.
228Voir Lefebvre Denis, « Le partis socialiste à l’heure de l’union de la gauche », dans Tartakowsky Danièle et Bergounioux Alain, L’Union sans unité. Le programme commun de la gauche 1963-1978, Rennes, PUR, 2012, p. 35-43.
229« 36 ans en 1936 : Léo Lagrange », Jeunesse an 2000. Revue de la Fédération nationale Léo-Lagrange, mars 1976 et Nord-Demain, juillet-août 1976.
230« 1936-1976. Il y a quarante ans le gouvernement du Front populaire », L’Avenir (fédération de Haute-Garonne), 14 mai 1976, suivi d’un dossier historique de quatre pages.
231Soubre Luc, « Été 1936 : la joie et la liberté pour les travailleurs », idem, 18 juin 1976.
232« Notre fête de la rose », ibid., 2 juillet 1976.
233Tranchant Jean-Baptiste, « Un anniversaire, le Front populaire », L’Espoir, organe des fédérations socialistes du Limousin, mai 1976 et Savy Robert, « Le sens de la Fête », ibid., juin 1976.
234Le 30 mars 2018, dans son discours d’intronisation, le nouveau secrétaire général du PS, Olivier Faure, a voulu, lui aussi, citer la célèbre formule. En direct, il l’attribue à « Black Dérumeaux ». (Depuis, l’extrait a disparu du site du PS.) Si le Front populaire constitue toujours un lieu de mémoire, ses références ne peuvent plus être subliminales au risque de ne pas être comprises !
235« Enquête sur un anniversaire : le PCF a 50 ans. Réponses à onze questions », « III. Pourquoi les communistes n’ont-ils pas participé au gouvernement de Front populaire ? », Claude Lecomte interroge François Billoux, art. cité.
236Le dépouillement de L’Avenir (fédération de Haute-Garonne) montre que les réfugiés espagnols sont étroitement associés à la vie de la fédération et que la guerre civile est omniprésente dans sa mémoire collective. La fédération du PS héberge ainsi El Socialista, le journal du PSOE en exil.
237L’Humanité, 10 et 11 décembre 1970. Ernest Cazelle et Robert Verdier représentent le nouveau PS et Claude Estier et Jean-Claude Salomon la CIR.
238L’Insurgé, février 1974.
239Dessin de Coureuil Jean-Pierre et article, « Franco la muerte », L’Unité, 8-14 mars 1974.
240« À Paris, manifestants de gauche et d’extrême-gauche ont défilé séparément », Le Monde, 23 septembre 1975.
241Une, L’Unité, 3-9 octobre 1975.
242Jorge Semprun est ainsi régulièrement interviewé par L’Unité pour ses romans ou scénarios. Son Deux mémoires, par exemple, montage de témoignages sur la guerre civile, est particulièrement recommandé (no 101, 8-14 mars 1974).
243« Franco : ceux qu’il a tués », Faire, no 2, novembre 1975.
244Liegeois Jean-Paul, « Malraux parle de la non-intervention » et Coureuil Jean-Pierre, « Guernica d’après Picasso », L’Unité, no 179, 14-20 novembre 1975.
245Machefer Philippe, « Comment Franco vint au pouvoir », Le Poing et la Rose, no 45, novembre 1975.
246L’Unité, 14 mai 1976, no spécial cit. René Girault prend donc le contre-pied de l’analyse très critique de Colette Audry dans son livre sur Blum et sa brochure de formation, contestée, de 1972 (voir supra) et s’inscrit dans la lignée du colloque de la FNSP Léon Blum, chef de gouvernement, op. cit.
247Guide du nouvel adhérent, op. cit., p. 23.
248« Espagne. La guerre civile et l’avènement du franquisme », L’Insurgé, janvier-février 1976. L’article n’est pas signé.
249Histoire du socialisme en France, op. cit., p. 33.
250Crimes des deux camps pendant la guerre civile, mais crimes franquistes pendant toute la durée de la dictature. La transition démocratique semble alors à ce prix. Voir Aguilar Fernandez Paloma, Memoria y olvido de la Guerra Civil española, Madrid, Alianza Editorial, 1996.
251Sans Gilbert, « Espagne, la deuxième mort de Francisco Franco », avec une longue déclaration de Felipe Gonzalez, L’Unité, no 317, 1er-7 décembre 1978.
252À un détail de l’une des « peintures noires » de Goya, Le Sabbat (1819-1923), Pym juxtapose l’un des cartons de tapisserie pour le Palais du Pardo du Prince des Asturies, le Quitasol (1777).
253Guerin Alain, La Résistance, 6 t., Paris, Livre-club Diderot, 1972-1976.
254Ibid., t. 2, 1973, p. 224.
255Fuzier Claude, « Stalingrad : la fin du commencement », L’Unité, no 29, 8 septembre 1972 ; « Piège pour la Wehrmacht », no 33, 6 octobre 1972 ; no 37, 3-9 novembre 1972 ; et « Le silence retomba sur Stalingrad », no 46, 5-11 janvier 1973.
256Voir supra, chap. v., Nogueres Henri, Histoire de la Résistance en France, Paris, R. Laffont, t. 3 : « Novembre 1942-septembre 1943 », 1972 et t. 4 : « Octobre 1943-mai 1944 », 1976.
257Ibid., t. 4, p. 352. Voir au sujet de cette brouille, Leroux Bruno, « Des historiographies parallèles et concurrentes du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale : L’Histoire de la Résistance en France d’Henri Noguères et La Résistance d’Alain Guérin », dans Douzou Laurent (dir.), Faire l’histoire de la Résistance, Rennes, PUR, 2010, p. 106-107.
258Jospin Lionel, « Rapport sur les relations PS-PC pour la Convention nationale des 3-4 mai 1975 », Le Poing et la Rose, février 1975.
259Durand Yves, « Les associations des anciens prisonniers de guerre », dans Wahl Alfred (dir.), Mémoire de la Seconde Guerre mondiale, actes du colloque de Metz des 6-8 octobre 1983, Délégation à l’information historique pour la Paix, 1984, p. 52.
260Ils se sont dotés de la revue Faire en 1975. « Marx est-il coupable ? », Faire, no 3, décembre 1975 ; Martinet Gilles, « Le PS, Marx et la SFIO », ibid., no 14, décembre 1976.
261Robrieux Philippe, « Les trente ans du coup de Prague », Faire, no 18, avril 1977.
262Délibérations municipales, séance du 1er septembre 1977, AM de Besançon, p. 414.
263Délibérations municipales, séance du 19 décembre 1977, AM de Nantes et Guyvarc’h Didier, La construction de la mémoire d’une ville, Nantes, 1914-1992, Villeneuve-d’Asq, Presse du Septentrion, 1994, p. 364. La rue Thorez redevient « rue amiral Chaffault » avec la municipalité RPR (Délibérations municipales, séance du 11 juillet 1983, AM de Nantes).
264Robrieux Philippe, « Celui qui a su dire non », L’Unité, no 275, 18-22 décembre 1977 et entretien de Charles Tillon avec Guy Perrimond, ibid., no 295, 12-18 mai 1978.
265Frameries Georges (Claude Fuzier), rubrique Livres, « Un calme entêtement », L’Unité, no 73, 13-19 juillet 1973.
266Daix Pierre, « Stalinisme : la vérité, toute la vérité », Faire, no 36, octobre 1978.
267Estier Claude, « Semprun, un communiste qui a de la mémoire », L’Unité, 14-20 mars 1980. Semprun a été déporté à Buchenwald. Syktyvkar est au nord-ouest de Moscou.
268Voir, par exemple, l’entretien avec le politologue Maurice Duverger, « Le national-stalinisme », L’Unité, no 278, 13-19 janvier 1978.
269Perrimond Guy, « Actualité du stalinisme », L’Unité, no 323, 19-25 janvier 1979.
270« L’Affaire Tillon donne lieu à une vive polémique », Le Monde, 23 juillet 1970.
271« M. Marchais a porté plainte en falsification de documents administratifs et usage de faux », Le Monde, 12 mars 1973. Voir La Nation socialiste, mars 1973, Minute, 7 mars 1973 et Rivarol, 8 mars 1973. L’affaire, portée en justice, débouche sur la relaxe au bénéfice du doute des accusés le 28 octobre 1977, mais est rejugée en appel en juin 1978. Georges Marchais est finalement débouté de sa plainte. Le Monde, 14 juillet 1978.
272« M. Marchais : on ne me fera pas le coup de Roger Salengro », Le Monde, 20 mai 1976.
273« M. Marchais : je ne suis pas de ceux qui se suicident », Le Monde, 16 novembre 1979.
274« Le secrétaire général du PCF estime que l’on veut l’écarter de l’élection présidentielle », Le Monde, 10 mars 1980.
275Estier Claude, « Semprun, un communiste qui a de la mémoire », art. cité.
276« Le PCF dénonce une “campagne favorisée par la droite” et “soutenue par les organes de presse socialistes” », Le Monde, 20 mars 1980.
277Le Monde, 26 mars 1980.
278Coeure Sophie, La grande lueur à l’Est. Les Français et l’Union soviétique (1917-1939), Paris, Le Seuil, 1999.
279Garcia Patrick, Grammaire de l’incarnation. Les présidents de la Ve République et l’histoire (1958-2007), mémoire d’HDR, sous la direction de Pascal Ory, université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 2011, p. 129.
280En 1982, est créée la Commission nationale de l’information historique à l’initiative de Serge Barcellini, puis la Mission permanente pour les commémorations et l’information historique en 1988. Voir Ledoux Sébastien, Le devoir de mémoire : une formule et son histoire, Paris, CNRS Éditions, 2016. Barcellini est élu premier secrétaire de la fédération PS de Moselle en 1977 et y rencontre le futur ministre Jean Laurain qui l’embauche dans son cabinet. En 1982, le gouvernement nomme aussi l’historienne Madeleine Rebérioux à la tête de la Délégation aux actions commémoratives. Voir Leclant Jean, « Les célébrations nationales. Une institution culturelle », Le Débat, no 105, 1999/3, p. 185-187.
281Ledoux Sébastien, op. cit., P. 2 « Naissance d’une formule 1992-1993 ». Selon l’auteur, la première occurrence officielle émanerait du ministre socialiste aux Anciens Combattants, Jean Laurain, le 11 novembre 1985, qui déclare : « Nous avons un devoir de mémoire » (p. 60).
282Lesquelles ont déjà été bien étudiées. Voir Bosseno Christian-Marc, « Du temps au temps, l’inventaire historique du premier septennat de François Mitterrand (1981-1988) », dans Andrieu Claire, Lavabre Marie-Claire et Tartakowsky (dir.), Politiques du passé. Usages politiques du passé dans la France contemporaine, Aix-en-Provence, PUP, 2006, p. 105-117 ; Wieviorka Olivier, La mémoire désunie…, op. cit., chap. v : « Les ambivalences de l’ère Mitterrand (1981-1995) » ; Garcia Patrick, « François Mitterrand : l’individu, le président et l’histoire », dans Crivello Maryline et Pelen Jean-Noël (dir.), Individu, récit, histoire, Aix-en-Provence, PUP, 2008, p. 159-176 ; Garcia Patrick, Grammaire de l’incarnation. op. cit. ; Vergnon Gilles, « Au nom de la France. Les discours des chefs d’État sur la Résistance intérieure (1958-2007) », Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 112, 2011/4, p. 139-152.
283Buffotot Patrice, Le socialisme français et la guerre. Du soldat citoyen à l’armée professionnelle (1871-1998), Bruxelles/Paris, Bruylant/LGDJ, 1998, p. 362-370. Les antinucléaires, menés par Patrick Viveret, jugent ce ralliement en totale contradiction avec le projet d’une société autogérée et leur motion obtient un tiers des voix.
284Sondage Louis Harris publié dans La Vie, 16 juin 1983, cité par Santamaria Yves, Le pacifisme une passion française, Paris, A. Colin, 2005, p. 275.
285Lionel Jospin est premier secrétaire du 24 janvier 1981 au 14 mai 1988.
286Voir supra, chap. iv : « La guerre sans nom ou la mémoire écran ».
287Estier Claude, « Les ambiguïtés du pacifisme », L’Unité, 17 octobre 1981. En une, derrière le mur, Pym a dessiné une grosse colombe surplombant les manifestants, un rameau d’olivier et un espion de l’Est dans son bec.
288Vaisse Maurice, « Le passé insupportable. Les pacifismes, 1984, 1938, 1914 », Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 3, juillet 1984, p. 27-40.
289Huntzinger Jacques, « Se battre pour l’Europe, c’est se battre pour la France », La Rose au Poing, no 106, avril 1984.
290Voir supra, chap. iv : « Solder la guerre de Trente Ans ». À la veille des européennes de 1984, par exemple, L’Espoir. Organe des fédérations socialistes du Limousin rappelle que les socialistes ont participé à la construction européenne pour tirer les leçons des deux guerres fratricides (no 20, 2d trimestre 1984). Les fédérations les plus marquées par la répression nazie en juin 1944 ont été les plus divisées lors de la querelle de la CED en 1952-1954.
291Aucune trace de cet anniversaire ni en janvier 1983 ni les mois qui suivent dans L’Unité En revanche, cette visite – sans évoquer le discours – est retenue dans « Un regard sur la décennie », Vendredi. Hebdomadaire des socialistes, no 100, 10 mai 1991. La chronologie des faits jugés remarquables court sur toutes les pages de ce numéro exceptionnel de 72 feuilles.
292Cité par Midi 2, A2, archives de l’INA, 13 octobre 1983. L’Unité fait écho, par exemple, avec sa une « Euromissiles. Déséquilibre de la terreur », le 21 octobre 1983. En revanche, L’Espoir (Limousin) met en garde contre les erreurs du « national-molletisme », no 145, 14 septembre 1984.
293Voir Gaillard Marion, « Mitterrand, le couple franco-allemand et l’Europe (1981-1995) », Matériaux pour l’histoire de notre temps, nos 1001-102, 2011/1, p. 9-12.
294Mitterrand François et Kohl Helmut, à Verdun, le 22 septembre 1984, cités dans La politique étrangère de la France. Textes et documents, Paris, La Documentation française, 1984, p. 49-50.
295L’Unité, no 572, 28 septembre 1984.
296Cepede Frédéric, « Des roses et des étoiles. L’Europe affichée par les socialistes lors des scrutins européens (1979-2004) », Notes de la Fondation Jean-Jaurès, no 39, juin 2004, p. 71-98.
297Liste et affiche dans Vendredi, no 21, 2 juin 1989. Voir aussi Archives du CAS-FJJ, 4SN32, Fonds PS, Secrétariat national à la propagande, Campagne électorale européenne de 1989.
298« 10 ans de socialisme. À la recherche de nouveaux équilibres », Vendredi, no 179, 12 mars 1993. La rédactrice en chef du nouvel hebdomadaire du PS est alors Lyne Cohen-Solal.
299Bianco Joël, « Il faut inventer une nouvelle phase de l’histoire de l’Europe » et « Quatre décennies gommées. Mercredi 3 octobre, l’unité allemande », Vendredi, no 38, 17 novembre 1989 et no 72, 28 septembre 1990. Sur l’état d’esprit des diplomates français, proche du dessin de Bellenger, voir Bozo Frédéric, François Mitterrand, la fin de la guerre froide et la fin de l’unification allemande, Paris, O. Jacob, 2005, p 293.
300Ricœur Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Le Seuil, 2000.
301Cité par Rosoux Valérie, « Mémoire(s) européenne(s) ? Force et limite de l’intervention politique dans la mise en scène de l’histoire », Politique et Sociétés, vol. 22, no 2, 2003, p. 27.
302« Le socialisme du possible de A à Z », L’Unité, no 636, 21 février 1986. Le jeu des abécédaires est toujours révélateur de l’identité qu’un groupe veut se donner.
303À Verdun, le socialiste Jean-Louis Dumont l’emporte sur l’UDF Jacques Barat-Dupont.
304Selon Vaisse Maurice, art. cité, p. 30.
305Intervention de Pierre Mauroy, Sténographie du comité directeur, séance du 16 janvier 1991, CAS-FJJ, p. 5 et p. 8.
306Jalabert Laurent, « Le PS de la guerre du Golfe à l’Afghanistan », Cahier d’Histoire immédiate, no 48, 2015, p. 71-84.
307Déclaration du Premier ministre, séance extraordinaire du 27 août 1990, AN, JO, p. 3216.
308Intervention de Pierre Mauroy, séance extraordinaire du 27 août 1990, arch. cit., p. 3227-3228.
309Estier Claude, « Quatre semaines d’action », Vendredi, no 68, 31 août 1990, Spécial guerre du Golfe.
310Bedei Jean-Pierre, « Vous avez dit débat ? », ibid.
311Au CERES, créé en 1966, a succédé Socialisme et République en 1986. En 1983, Chevènement a créé son club, République moderne.
312Entretien de Pierre Guidoni avec Maryline Trassard, « Un conflit d’un genre nouveau », ibid.
313Roland Dumas à L’heure de vérité, A2, 3 septembre 1990, au Quai d’Orsay. Réalisateur, Jean-Luc Leridon, journalistes : Alain Duhamel, Philippe Harrouard, Albert Du Roy, et Jean-Marie Colombani, et présentateur, François Henri de Virieu. INA, 1H20.
314Né en 1922, fils de Georges Dumas, membre de l’Armée secrète et chef régional du NAP, fusillé en mars 1944, Roland Dumas a lui-même été un résistant des MUR.
315Entretien de Michel Vauzelle avec Ghislaine Toutain, « Guerre ou paix dans le Golfe ? », Vendredi, no 82, 7 décembre 1990. Voir Faure Paul, Si tu veux la paix…, Limoges, Imprimerie nouvelle, 1935, 2e éd. 1936, 3e 1937, 281 p.
316« Au conseil des ministres, M. Dumas : “M. Vauzelle n’a aucun mandat de représentation” » et « M. Vauzelle ou l’horreur de la guerre », Le Monde, 4 janvier 1991.
317Lancé à l’initiative du journaliste Dominique Jamet, l’appel est signé non seulement par d’anciens ministres de Pierre Mauroy, tels Michel Jobert, Charles Fiterman et Jack Ralite, mais aussi deux personnalités d’extrême-droite, Alain de Benoist et le journaliste Martin Peltier.
318Mexandeau Louis, « Ne pas annexer Jaurès », Vendredi, no 86, 18 janvier 1991.
319Guidoni Pierre, « Des solutions pour la paix ? », Vendredi, no 69-70, 14 septembre 1990.
320Voir Le Monde, 5 janvier 1991. Le ministre a déjà proposé sa démission le 7 décembre 1990 et la présente à nouveau, en vain, le 7 janvier. Elle est finalement acceptée le 29. Voir Buffotot Patrice, op. cit., p. 415.
321« Les socialistes et le Golfe », Vendredi, no 85, 11 janvier 1991.
322Rappelons qu’en 1938-1939, les paul-fauristes sont qualifiés de « pacifistes bêlants ». « M. Chirac met en garde contre les conséquences de la guerre », Le Monde, 8 janvier 1991.
323Témoignages de Pierre Guidoni, Sténographie du comité directeur, séance du 15 janvier 1991, CAS-FJJ, p. 25, de Jean-Luc Mélenchon et Marie-Noëlle Lienemann, ibid., séance du 2 février 1991, p. 84 et 95.
324Chaouat Bernard, « Pacifisme : du veston de Briand à la vareuse de Laval », Vendredi, no 87, 25 janvier 1991.
325Message de Michel Rocard, sténographie du comité directeur, séance du 15 janvier 1991, CAS-FJJ, p. 2-5.
326Intervention de Pierre Mauroy, ibid., p. 5-6.
327Intervention de Gérard Fuchs, secrétaire national aux relations internationales, ibid., p. 23. À l’initiative des MJC, le slogan « Quelle connerie la guerre ! », sur fond jaune, fleurit à la boutonnière des tous les manifestants pacifistes.
328Julien Dray est né en 1955 ; Jean Poperen en 1925. Intervention de Jean Poperen, Sténographie du comité directeur, séance du 15 janvier 1991, CAS-FJJ, p. 36.
329Intervention de Lionel Jospin, ibid., p. 30-31. Louis Mexandeau a la même réaction indignée face à Jean-Luc Mélenchon lorsque ce dernier dénonce l’impérialisme américain. Sténographie du comité directeur, séance du 2 février 1991, CAS-FJJ, p. 83.
330Séance du 16 janvier 1991, AN, JO, p. 21 et Sénat, JO, p. 22. À l’Assemblée nationale, la suppléante de Jean-Pierre Chevènement, Gilberte Marin-Moskovitz, préfère s’abstenir et les trois Antillais, Frédéric Jalton, Dominique Larifla et Claude Lise, ne pas voter. Au total, 43 députés (contre 525) et 25 sénateurs (contre 290) s’opposent à la déclaration gouvernementale.
331« Le respect des statuts », Vendredi, no 87, 25 janvier 1991. Max Gallo, député européen, est également sanctionné.
332Intervention de Jean-Luc Mélenchon, Sténographie du comité directeur, séance du 2 février 1991, arch. cit., p. 85.
333Chaouat Bernard, art. cité.
334Des sondages ont été réalisés dans la presse fédérale. Voir, en particulier, le communiqué de la fédération de la Haute-Vienne ainsi que celui des parlementaires limousins dans L’Espoir, no 190, janvier-février 1991 ; celui de Jean Le Garrec au nom des 17 députés du Nord dans Nord Demain, no 172, janvier 1991 ; et celui de Jean Carassou, premier secrétaire fédéral de Haute-Garonne, dans L’Avenir, janvier 1991. Ce dernier reproduit même, dans son intégralité, la sténographie de la séance du 15 janvier 1991 du comité directeur, ce qui est un bel exemple de démocratie interne.
335Blum Léon, Pour être socialiste, Paris, Librairie du PS et de L’Humanité, 1919, 32 p.
336Intervention de Max Gallo, sténographie du comité directeur, séance du 15 janvier 1991, arch. citée, p. 41.
337Intervention de Pierre Guidoni, ibid., p. 25.
338Intervention de Marie-Noëlle Lienemann, sténographie du comité directeur, séance du 2 février 1991, CAS-FJJ, p. 97.
339Tous les militants de Socialisme et République n’ont pas suivi leur leader et ne critiquent pas la politique de fermeté, tel Michel Charzat. Ces minoritaires sont marginalisés lors des Assises du courant les 20 et 21 juin 1991 (Vendredi, no 107, 28 juin 1991). Hostile au traité de Maastricht, Jean-Pierre Chevènement se met en congé du parti à l’été 1992 et crée le Mouvement des Citoyens en 1993.
340« Appel du MJS qui approuve les décisions légitimes prises pour que la force reste au droit et à la liberté », Vendredi, no 87, 25 janvier 1991.
341Vendredi, no 151, 3 juillet 1992.
342C’est Maurice Lazar qui chronique la guerre de l’ex-Yougoslavie dans chaque numéro de Vendredi, ce qui n’empêche pas des responsables de s’exprimer en sus. Voir, en particulier, Lazar Maurice, « La diplomatie patine et la Bosnie souffre », no 170, 8 janvier 1993 et « La Bosnie entredéchirée : la barbarie en Europe » en regard de Chaouat Bernard, « Il y a 50 ans le ghetto de Varsovie. Le souvenir contre l’inadmissible », no 185, 23 avril 1993.
343Rocard Michel, « L’inquiétude, la tristesse et la honte » et « Un drame, une honte », Vendredi, no 189, 28 mai 1993 et no 192, 18 juin 1993.
344« Appel à manifester le 4 juin 1994 à Caen pour dire “non” à la purification ethnique », Le Breton socialiste. (Finistère), no 85, 6 mai 1994. À la veille des élections européennes du 12 juin 1994, les militants mettent encore tous leurs espoirs dans une force d’intervention européenne (idem, 3 juin 1994).
345Voir le programme des manifestations dans « 1994 Année Jaurès », Vendredi, 10 juin 1994. Prochasson Christophe, « L’actualité de Jaurès », ibid., 1er juillet 1994. Pour la presse fédérale, voir Le Breton socialiste (Finistère), no 98, 26 août 1994 et Le Combat hebdo. Fédération des Côtes-du-Nord du PS, juillet 1994.
346Lipani Chrystie, « Ils ont tué Jaurès ! Le spectacle-événement de Carmaux », Vendredi, 1er juillet 1994.
347Voir la souscription lancée dans le Vendredi du 8 juillet 1994. L’assassinat de Jaurès est un lieu de mémoire régional qui mobilise chaque année (Voir la commémoration socialiste à Toulouse le 29 juillet 1992, L’Avenir, Haute-Garonne, no de décembre 1992).
348Voir le savoureux témoignage de Quiles Paul et Marre Béatrice, On a repris la Bastille ! 10 mai 1981, Paris, FJJ, 2011.
349Ledoux Sébastien, op. cit., p. 61-64. Sur le 21 mai, voir aussi Bosseno Christian-Marc, « L’œil était dans la tombe : François Mitterrand au Panthéon, 21 mai 1981 », Vertigo, nos 6/7, 1991, p. 173-186 et Garcia Patrick, « François Mitterrand : l’individu, le président et l’histoire », art. cité.
350Chaillot Nicole, « le temps des cerises », L’Unité, no 605, 24 mai 1985. Elle est nommée rédactrice en chef du journal en septembre 1981, à la place de Claude Estier qui en devient le directeur politique.
351Bedei Jean-Pierre, « François Mitterrand : la mémoire et la conscience de gauche », L’Unité, no 601, 26 avril 1985.
352Chaillot Nicole, « Consensus sera-t-il un jour un mot français ? », L’Unité, 24 janvier 1986.
353« 1936-1986 50e anniversaire du Front populaire », L’Unité, no 652, 13 juin 1986. Les sondages dans la presse fédérale témoignent d’une mise en sourdine.
354Cette interprétation est confortée par la sortie de La France du Front populaire du trotskyste Jacques Kergoat, largement diffusée auprès des militants.
355Estier Claude, « Une presse très engagée pour ou contre ». Voir aussi Curzi Lucien, « Ascension, apogée et déclin du Front populaire », ibid..
356Gallo Max, « Vendredi, en 1936, déjà… », Vendredi, 1er janvier 1989. Après deux numéros à l’automne 1988, le journal tire à 261 000 exemplaires. Voir aussi Cohen-Solal Lyne (rédactrice en chef), « Vendredi d’hier et d’aujourd’hui », Vendredi, no 100, 10 mai 1991. À cette date, il tire à 257 000 exemplaires.
357Interview de Maurice Agulhon par Georges Ferré, « À trop discréditer la Révolution française, c’est la République que l’on discrédite », Vendredi, 27 janvier 1989. « Laissez-nous tranquilles avec la guillotine, la guillotine c’est nous qui l’avons supprimée ! », s’exclame l’historien, ici militant.
358« Bicentenaire de la Révolution. “Aux idées, Citoyens” », L’Avenir (fédération de Haute-Garonne), no 1638, octobre 1987. Sur le bicentenaire, voir Garcia Patrick, Le bicentenaire de la Révolution française. Pratiques sociales d’une commémoration, Paris, CNRS Éditions, 2000 (les CLEF p. 82-93 et les arbres de la Liberté p. 248-270).
359Il s’inspire du projet de fontaine imaginé par Napoléon pour la place de la Bastille. L’éléphant géant, qui ne fut pas achevé est évoqué par Victor Hugo dans Les Misérables et détruit en 1830. Voir son itinéraire, Nord Demain, no 155, juin 1989.
360Délibérations municipales, séance du 18 mars 1989, AM de Nantes.
361Intervention du ministre de l’Intérieur, séance du 20 mai 1986, AN, JO, p. 975.
362Chaillot Nicole, « La mémoire vraiment très courte », L’Unité, no 649, 23 mai 1986.
363« Le nom de Vercors ne dit sans doute pas grand-chose aux plus jeunes, s’attriste Claude Estier. Sa mort, à 89 ans, me touche car, pour ceux de ma génération, il est resté l’écrivain symbole de la résistance », « Bloc-notes », Vendredi, 21 juin 1991.
364Entretien de Bernard Chaouat avec Daniel Cordier, « Salir Jean Moulin, c’est salir la Résistance », Vendredi, no 192, 18 juin 1993. L’hebdomadaire tire alors à 148 000 exemplaires. Wolton Thierry, Le grand recrutement, Paris, Grasset, 1993. L’affaire a fait couler beaucoup d’encre, mais on lira avec profit : Jansen Sabine, « L’affaire Jean Moulin. Note critique », RHMC, 41-4, 1994, p. 710-715.
365Chronique de Glayman Claude, L’Unité, no 424, 23 mai 1981 et no 443, 13 novembre 1981 ; « Le cinéma tel qu’on le rêve. Entretien avec les frères Taviani », idem, no 486, 29 octobre 1982 ; « Revoir Shoah » et « Shoah, le film à revoir », Vendredi, no 62, 1er juin et no 63, 8 juin 1990.
366Audry Colette, « Shoah un monument évocatoire », L’Unité, no 602, 3 mai 1985.
367« La propagande de Vichy : déjà le pas à pas insidieux », Vendredi, no 62, 1er juin 1990 ; Klarsfeld Arno, « Il y a cinquante ans, le statut des juifs », Vendredi, no 74, 12 octobre 1990. Voir Klarsfeld Serge (dir.), Il y a cinquante le statut des Juifs de Vichy Actes du colloque du 1er octobre 1990, Paris, CDJC, 1991.
368Voir supra, chap. v : « Un monument à la résistance socialiste est-il enfin possible ? », dans Nogueres Henri, Histoire de la Résistance en France, Genève, Famot, 10 vol., 1981-1982.
369Au nom du groupe socialiste de Paris, le 30 mai 1983, Paul Quilès demande qu’une rue du 13e arrondissement porte le nom de Mendès France. Farine Philippe, « Paris doit honorer la mémoire de Pierre Mendès France et de Salvador Allende », Le militant de Paris. Organe de la fédération PS de Paris, no 12, juin 1983.
370Délibérations municipales, séance du 10 janvier 1983, AM de Marseille, 1D442 et index 1980-1985, 8 mai 1984. Le maire Gaston Defferre inaugure le mémorial le 23 avril 1983.
371Boursier Jean-Yves (dir.), Musées de guerre et mémoriaux, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2005, p. 225.
372Lataste René, « La bataille contre l’oubli », L’Avenir (Haute-Garonne), no 1638, octobre 1987.
373L’Espoir (Limousin), no 180, mai 1989. Les voix de la douleur est un documentaire réalisé par Michel Follin et Marc Wilmart pour FR3 Limousin. Mitterrand, qui s’est déjà rendu à Oradour en mai 1982, s’y rend à nouveau accompagné du Premier ministre Édouard Balladur, le 10 juin 1994. Le Centre est inauguré par le président Chirac en 1999.
374Jospin Lionel, préface à Malroux Anny, Avec mon père Augustin Malroux, Albi, Revue du Tarn, 1991.
375Kervarec Michel, « Les 50 otages », dans Guyvarc’h Didier (dir.), La mémoire d’une ville. Vingt images de Nantes, Morlaix, Éd. Skol Vreizh, 2001, p. 168.
376« Les socialistes dans la Résistance », Le Breton socialiste, no 100, 9 septembre 1994. La fédération consacre encore un numéro spécial de Cap Finistère au « socialiste et résistant » Tanguy Prigent, avec l’aide de l’historien Christian Bougeard, Cap Finistère. Magazine de la fédération du PS, 2e semestre 1996.
377Pottrain Martine, Le Nord au cœur. Histoire de la fédération du Nord du PS 1880-1993, Lille, Fédération du Nord du PS, 1993. Nord-Demain présente le livre comme « une première mise à nu qui permettra à chacun d’assumer avec leurs ombres et leurs lumières les grands combats du passé » (Nord Demain, no 204, janvier-février 1994). L’auteure est agrégée d’histoire, membre du PS depuis 1967, responsable des archives de la fédération et déléguée fédérale à l’Histoire, fonction qui montre l’intérêt que porte le Nord à son passé. Voir le compte rendu du colloque dans Nord Demain, no 203, décembre 1993. Menager Bernard et al. (dir.), Cent ans de socialisme septentrional, Actes du colloque de Lille des 3 et 4 décembre 1993, Lille, IRHIS, 1995. Piat Jean, Jean Lebas. De la Belle Époque à la Résistance, Roubaix, Maison du livre, 1994. À l’occasion, l’auteur fait une tournée de conférences dans les sections (Nord Demain, no 207, juillet-août 1994).
378Rousso Henry, Le syndrome…, op. cit., chap. 4 et 5 et avec Conan Éric, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994.
379« L’opinion de Gérard Miller. Le pétainisme : le mal français par excellence », L’Unité, no 630, 10 janvier 1986.
380Gallo Max, « L’Honneur perdu de la droite », L’Unité, 30 avril 1982.
381Voir Garcia Patrick et Leduc Jean, L’enseignement de l’Histoire en France de l’Ancien Régime à nos jours, Paris, A. Colin, 2003, p. 230-235 ; et le dossier spécial « Enseignement de l’Histoire : une affaire d’État », de L’Unité, no 543, 27 janvier 1984.
382Allocution de M. Pierre Mauroy, Premier ministre, sur l’histoire et son enseignement, Montpellier le 19 janvier 1984, [http://discours.vie-publique.fr/notices/843033500.html].
383Estier Claude, « C’était à Lyon, le 3 septembre 1944 », L’Unité, no 500, 11 février 1983.
384Bedei Jean-Pierre (envoyé spécial à Strasbourg), « L’Europe face à ses vieux démons », L’Unité, no 526, 23 septembre 1983. Voir Dard Olivier, « L’Internationale noire au xxe siècle. Entre fantasmes et réalités », dans Anceau Éric, Boudon Jacques-Olivier et Dard Olivier, Histoire des internationales. Europe, xixe-xxe siècle, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2017, p. 123-136.
385Liberman Jean, « Attention une extrême droite peut en cacher une autre », 15 février 1985. Cet ancien communiste a rompu avec le PCF lors de l’invasion de l’Afghanistan en 1979 et a rejoint le PS en 1980. Il est l’auteur de Se choisir juif, Paris, Syros, 1985.
386Enquête « Le réveil des vieux démons », L’Unité, no 591, 15 février 1985 au no 595, 15 mars 1985.
387Les deux discours, sur « le détail de l’Histoire » et « Durafour crématoire », sont signalés comme des repères dans la chronologie de la décennie du no 100 de Vendredi, 10 mai 1991.
388Ledoux Sébastien, op. cit., p. 57-58 et Chaouat Bernard, « Contre le racisme, une nouvelle loi applicable à tous », Vendredi, no 59, 11 mai 1990.
389Jean Le Garrec (PS – Nord), 2e séance du 2 mai 1990, AN, JO, p. 926. On est loin du ton adopté, au printemps 1985, lors de la diffusion du documentaire Des terroristes à la retraite de Mosco Boucault sur les FTP-MOI, qui auraient été sacrifiés par le PCF sous l’Occupation. Voir « Affaire Manouchian : quel chagrin, quelle pitié ! » et « Censure : communistes si vous saviez ! », L’Unité, no 606, 31 mai et no 607, 7 juin, et encore nos 608 et 610, 14 et 29 juin 1985 et Pannequin Roger, « La troisième mort de Missak Manouchian », 5 juillet 1985.
390Vendredi, no 58, 4 mai 1990.
39119/20 de FR3, présenté par Paul Amar et Élise Lucet, 10 mai 1990, INA.
392À la question : « Pensez-vous que les juifs ont trop de pouvoir ? », il répond par l’affirmative, « Ça dépend dans quel domaine. Oui, dans la presse, comme les Bretons dans la marine et les Corses dans les douanes ». L’Heure de vérité, Antenne 2, 9 mai 1990, INA.
393Schneider Floriane, « Carpentras, 10-15 mai 1990, polysémie d’une profanation », Le temps des médias, no 6, 1/2006, p. 175-187.
394Communiqué de la fédération PS de Haute-Garonne, reproduit dans L’Espoir (Limousin), no 1679, juin 1990.
39519/20 sur FR3, 14 mai 1990, INA.
396« Les orphelins de Vichy ont encore des pères, Vendredi, no 60, 18 mai 1990.
397Dossiers de l’écran, Antenne 2, 15 mai 1990, INA.
398Souvenir personnel de l’auteure, agrégée stagiaire au lycée de Fresnes, qui fort heureusement avait une classe de seconde. Depuis, Sylvie Lindeperg a montré que ce documentaire de 1956 ne dénonce pas spécifiquement la déportation dite raciale et qu’il a fait l’objet d’un malentendu. Lindeperg Sylvie, « Nuit et brouillard », un film dans l’histoire, Paris, O. Jacob, 2007.
399Lorrain Françoise, « À nous de le dire », Vendredi, 25 mai 1990.
400Ricœur Paul, « Vulnérabilité de la mémoire », dans Le Goff Jacques (dir.), Patrimoine et passions identitaires, Paris, Fayard, 1998, p. 31.
401Bernardot Marie-Josée, « Rapatriés : enfin pris au sérieux », L'Unité, 27 novembre 1981.
402La Rose au Poing, no 96, novembre 1981. Cette étude reprend en partie Castagnez Noëlline, « Les députés socialistes méditerranéens face à la guerre d’Algérie : histoire et mémoire », Cahiers de la Méditerranée, no 96, juin 2018, p. 67-79.
403Diab Mohammed, « Le chagrin et la pitié version 1981 », L’Unité, no 442, 6 novembre 1981.
404Joubert Joseph (un simple militant, témoin des événements) [sic], « Il y a vingt ans le massacre de Charonne », L’Unité, no 455, 12 février 1982.
405Harbi Mohammed et Stora Benjamin, La guerre d’Algérie 1954-2004. La fin de l’amnésie, Paris, R. Laffont, 2004, P. 4 « Représentations ».
406Délibérations municipales, séance du 17 mai 1982, AM de Marseille, Index 1980-1985.
407Rioux Jean-Pierre « La flamme et les bûchers », dans Rioux Jean-Pierre (dir.), La guerre d’Algérie et les Français, Paris, Fayard, 1988, p. 507.
408Gacon Stéphane, « Histoire d’une amnistie. L’amnistie de la guerre d’Algérie », dans Bouchet Thomas, Gacon Stéphane et Wolikow Serge (dir.), « Traces de la guerre d’Algérie. 40 ans de turbulences dans la vie politique française », Cahiers de l’IHC, Dijon, EUD, no 2, 1995, p. 30 ; et Duhamel Éric, « François Mitterrand en guerre d’Algérie, enjeu de pouvoir, enjeu de mémoire », idem, p. 41-65.
409Jacques Roseau, ancien de l’OAS, Guy Forzy, l’un des instigateurs de la semaine des barricades en 1960 et Jean Gardes, qui dirige l’Association pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus politiques (ADIMAD) ont obtenu l’engagement de Raoul Salan de soutenir Mitterrand contre une quinzaine de promesses aux pieds-noirs, dont l’amnistie complète. Voir Dard Olivier, Voyage au cœur de l’OAS, Paris, Perrin (2005), 2011, « L’amnistie mitterrandienne », p. 368-370.
410Entretien avec Pierre Joxe, L’Unité, no 429, 27 juin 1981.
411Élections législatives à l’Assemblée nationale. Recueil de tracts électoraux, listes, programmes, professions de foi et engagements des candidats aux élections, des 3e 1967, 4e 1968 et 7e 1981 législatures, BnF.
412Intervention de Gilbert Sénès (PS – Hérault), 2e séance du 29 juillet 1981, AN, JO, p. 491.
413Voir Le Matin du 15 octobre 1982, cité par Gacon Stéphane, L’amnistie. De la Commune à la guerre d’Algérie, Paris, Le Seuil, 2002, p. 305.
414Rapport de Gérard Gouzes (PS – Lot-et-Garonne), 1re séance du 21 octobre 1982, AN, JO, p. 6086. Précisons que Gouzes est né en Algérie et que, parmi les généraux putschistes du 21 avril 1961 à Alger, Maurice Challe et André Zeller sont alors décédés.
415Intervention de Pierre Guidoni (PS – Aude), 3e séance du 21 octobre 1982, AN, JO, p. 6133.
416Ibid., p. 6141. Il s’agit de Pierre-Marie Bigot, Jacques Faure, Marie-Michel Gouraud, Edmond Jouhaud, Gustave Mentré, Jean-Louis Nicot, André Petit et Raoul Salan. Voir Dard Olivier, op. cit., p. 473, note 16.
417Segui Sandrine, Les communistes français en guerre d’Algérie : histoire, mémoires et représentations (1954-1992), thèse de doctorat sous la direction de Robert Ibert, université de Provence, juin 1994.
418Annexes au procès-verbal de la 3e séance du 21 octobre 1982, p. 6151-6155. Aux 15 députés PS, s’ajoutent deux autres apparentés du Midi : Jean Rigal (Aveyron) et Jean Zuccarelli (Haute-Corse).
419Estier Claude, « Séquelles et symboles », L’Unité, no 486, 29 octobre 1982, à la une.
420Séance du 17 novembre 1982, Sénat, JO, p. 5545. André Méric est ministre des Anciens Combattants et Victimes de Guerre dans le second gouvernement Rocard de 1988 à 1991.
421Sans Gilbert, « Un Algérien à Paris », L’Unité, no 493, 17 décembre 1982. La formule finale est alors une allusion transparente aux débats parlementaires consécutifs à la Toussaint rouge et aux propos tenus alors par François Mitterrand.
422Délibérations municipales, séance du 11 juillet 1983, AM de Nantes. Alain Chénard a combattu deux ans en Algérie. Voir « Les deux ans d’Alain “Boualem” dans l’Ouarsenis », Ouest-France, 25 et 26 avril 1992.
423Le président reçoit d’ailleurs une délégation de huit marcheurs. Ducousset Martine, « Tous les Français ne sont pas racistes », L’Unité, no 537, 9 décembre 1983 ; « Le socialisme du possible de A à Z », L’Unité, no 636, 21 février 1986.
424Chaouat Bernard, « La guerre d’Algérie dans notre mémoire collective. Entretien avec Benjamin Stora », Vendredi, no 72, 28 septembre 1990 ; Bedei Jean-Pierre, « Guy Mollet le jugement de l’histoire », à propos du Guy Mollet, le mal aimé de Denis Lefèbvre (Plon, 1992), ibid., 27 novembre 1992.
425Ouest-France, 20 mars (compte rendu) et 2 octobre (annonce) 1992.
426Intervention de Gérard Fuchs, Sténographie du congrès du PS à Liévin les 18, 19 et 20 novembre 1994, Archives de l’OURS, p. 25-34.
427Expression de Malye François et Stora Benjamin, François Mitterrand et la guerre d’Algérie, Paris, Calmann-Lévy, 2010.
428Sur l’usage que nous faisons du concept de « résistancialisme », voir introduction note 38.
429Sur « le judéo-centrisme » de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale à l’époque, voir Carrier Peter, Holocaust Monuments and National Memory Cutures in France and Germany, Oxford/New York, Berghan, 2004. Levy Daniel et Sznaider Natan, The Holocaust and Memory in the Global Age, Philadelphie, Temple University Press, 2006.
430Vergnon Gilles, art. cité. L’auteur évalue que, sous leurs mandats respectifs, Mitterrand a consacré plus d’hommages et de discours à la Résistance que le général de Gaulle (p. 142 et 147).
431Wieviorka Olivier, La mémoire désunie…, op. cit., p. 212-218 ; et Vergnon Gilles, art. cité, p. 147.
432Mitterrand parle de « confiscation de la mémoire » dans son entretien avec Wieviorka Olivier, Nous entrerons dans la carrière. De la Résistance à l’exercice du pouvoir, Paris, Le Seuil, 1994, p. 353.
433L’Unité, 15 juin 1973, chronique du 10 juin publiée ensuite dans La Paille et le grain, Paris, Flammarion, 1975, p. 184.
434Heberle Jean-Claude, film cité
435JT de 20H, TF1, 7 juin 1981, INA.
436Le Courrier. Journal de Saône-et-Loire, 6-7-8 juin 1981, en une.
437JA2, (Bernard Rapp) 18 mai 1986, (Bernard Pradinau) 14 mai 1989 et (Daniel Bilalian) 3 juin 1990, INA.
438Estier Claude, « Une majorité pour le président », L’Unité, no 427, 13 juin 1981.
439Gouze Roger, Les miroirs parallèles, Paris, Calmann-Lévy, 1982, § « Le serment de Solutré », p. 252-253. L’Unité, qui lui consacre un article élogieux, ne dit toujours pas un mot de l’ascension (Chaillot Nicole, « La mémoire tranquille », L’Unité, 7 mai 1982).
440Le 23 mai 1983, le journaliste Pierre Allain interprète ainsi la posture présidentielle sur Midi 2 : « C’est un président de la République au-dessus de la mêlée et serein qui s’est présenté aux journalistes » en soulignant la « force tranquille » qu’il incarne ce jour-là (Midi 2, 23 mai 1983, INA). Pour une analyse complète du rituel, voir Castagnez Noëlline, « Le pèlerinage à Solutré : entre rituel privé et rituel public, la territorialisation de la geste et de la mémoire mitterrandienne », dans Dubasque François et Ollivier Anne-Laure (dir.), Le promeneur enraciné. François Mitterrand, un cheminement politique sensible à travers les territoires, Rennes, PUR, à paraître en 2022.
441Voir Gourlay Patrick, « Beg-an-Fry, un Solutré maritime ? La construction d’un lieu de mémoire de la Mitterrandie en Bretagne », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2009/2 (no 102), p. 145-157.
442Vigreux Jean, François Mitterrand, la Nièvre et le Morvan, Dijon, EUD, 2017.
443Cité par Vergnon Gilles, art. cité, p. 147.
444Plas Emmanuelle, « Quand un Français parle aux Français », L’Unité, no 467, 7 mai 1982, avec un titre évocateur là encore ; et « Très chaleureux accueil populaire à Oradour », Le Populaire du Centre, 4 mai 1982.
445« Quarante après, le souvenir d’une longue marche dans la neige », Le Populaire du Centre, 4 mai 1982. La posture de discrétion et de dévoilement « malgré lui » est toujours la même : « Le président s’est montré très discret. Le résistant d’hier n’a pas dévidé le fil de ses retrouvailles… » commente le journal.
4463e séance du 1er février 1984, AN, JO, p. 443-444. Fait exceptionnel, les trois députés RPR sont sanctionnés le lendemain par le bureau de l’Assemblée nationale.
447Elle note en pleine affaire Péan, en septembre 1994 : « Je savais, parce que j’avais lu, comme beaucoup – le livre fut un best-seller – Le Noir et le Rouge de Catherine Nay, la plupart des faits mis en scène par Péan ». Cotta Michèle, Cahiers secrets de la Ve République 1986-1997, Paris, Fayard, t. 3, 2009, p. 674.
448Jouve Pierre et Magoudi Ali, François Mitterrand, portrait total, Paris, Carrère, 1986, p. 163 et TF1 « Mitterrand, autoportrait », 1987. Sur la 4e de couverture, on peut lire : « sans masque, il évoque les heures les plus sombres », il « lève le secret », des expressions qui laissent entendre que la vérité va être enfin dévoilée, d’autant que l’un des auteurs, Ali Magoudi est psychanalyste. Voir supra chap. v : « De l’art de farder son passé ».
449Vendredi, 5 mai 1989.
450Garcia Patrick, Grammaire de l’incarnation…, op. cit., p. 9.
451L’Avenir (Haute-Garonne), no de février 1992, la première fédération citant la seconde en exemple.
452Voir supra dans ce chapitre, « Mémoire des années sombres : ne plus être à contre-temps »
453Ledoux Sébastien, op. cit., § « Le devoir de mémoire de Louis Mexandeau », p. 89-92.
454Chaouat Bernard, « Quand la justice viole la justice », Vendredi, 17 avril 1992. Comme à son accoutumée, l’auteur s’appuie sur la recherche historique, y compris la plus récente, en citant Bedarida François et Azema Jean-Pierre Vichy et les Français, Paris, Fayard, 1992.
455Fédération PS de Haute-Savoie, « Au nom du peuple français », Combat socialiste de Haute-Savoie, no 21, mai 1992.
456Ledoux Sébastien, op. cit., p. 93.
457Ibid., p. 93-94.
458Chaouat Bernard, « Il y a 50 ans, la rafle de la honte », Vendredi, no 151, 3 juillet 1992.
459Sténographie du congrès national du PS des 10-11-12 juillet 1992 à Bordeaux, Archives de l’OURS, p. 20. Blum Léon, Pour être socialiste, op. cit.
460Intervention de Louis Mexandeau, ibid., p. 192-193.
461Pottrain Martine, « La grande rafle du Veld’Hiv. Il y a 50 ans : la honte », Nord Demain, no 189, juillet-août 1992.
462Le Journal de 13H, A2, 14 juillet 1992, INA.
463Témoignage de Robert Badinter à Sébastien Ledoux le 14 décembre 2009, op. cit., p. 101. Voir JT, A2, 20H, INA.
464Cités par Favier Pierre et Martin-roland, La décennie Mitterrand, Paris, Le Seuil, t. 4, 1999, p. 560. Le 19 juillet 1992, le premier secrétaire du PS a déjà participé au débat animé par Anne Sinclair sur TF1 « La mémoire du Vel d’Hiv » au côté de l’historien et rescapé Maurice Rajsfus, du sociologue Alain Touraine, du président du CRIF, Jean Kahn, et du maire de Lyon, Michel Noir.
465Chaouat Bernard, « Une gerbe qui pèse lourd », Vendredi, 20 novembre 1992.
466Voit texte du projet de loi no 3070, déposé le 25 novembre 1992, AN.
467Rubrique Culture, Vendredi, no 179, 12 mars 1993. Le documentaire de Chabrol est réalisé à partir d’images d’actualité françaises et allemandes, avec les commentaires de Jean-Pierre Azéma et Robert O. Paxton lus par Michel Bouquet. Et ibid., no 180, 19 mars 1993.
468François Mitterrand, à plusieurs reprises, définit sa conception d’une « Histoire réconciliée », dans Favier Pierre et Martin-roland, op. cit., p. 557-562. Patrick Garcia partage également cette analyse. Garcia Patrick, Grammaire de l’incarnation …, op. cit., p. 167-170.
469Dans ses mémoires, ce « grognard de la Mitterrandie » (comme il se définit lui-même p. 381) écrit : « La guerre et son souvenir nous rapprochaient. […] Mitterrand habitait la guerre comme moi-même ». Mexandeau Louis, François Mitterrand le militant. Trente années de complicité, Paris, Le Cherche midi, 2006, p. 375.
470Discours du président de la République à Oradour-sur-Glane, 10 juin 1994.
471Conan Éric et Rousso Henry, op. cit., p. 86-96. Wieviorka Annette, « La représentation de la Shoah en France : mémoriaux et monuments », dans Boursier Jean-Yves (dir.), Musées de guerre et mémoires, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2005, p. 49-57.
472« Requiem pour un procès », Vendredi, no 191, 11 juin 1993, « Il n’est jamais trop tard pour se souvenir », une interview de Charles Libman, avocat de l’Association des fils et filles des déportés des juifs de France, idem, no 222, 25 mars 1994. Sur le malentendu historique qu’a constitué ce procès, voir Conan Éric et Rousso Henry, op. cit., p. 401-402.
473« Il y a 51 ans, le soulèvement du ghetto de Varsovie », Nord Demain, no 206, mai-juin 1994.
474Cités par Favier Pierre et Martin-Rolland Michel, op. cit., p. 550.
475Entretien avec Sébastien Ledoux le 29 octobre 2010 (op. cit., p. 110).
476Glavany Jean, Mitterrand, Jospin et nous, Paris, Grasset, 1998, p. 127-128. L’auteur a, lui aussi, une perception peu nuancée des comportements des Français sous l’Occupation.
477Chevenement Jean-Pierre, « La clameur tardive des bonnes consciences », Le Nouvel Observateur, 15 septembre 1994.
478Entretien de François Mitterrand du 4 octobre 1994 avec Favier Pierre et Martin-Rolland Michel, op. cit., p. 551. Il est extrêmement affaibli et c’est un choc pour les téléspectateurs de découvrir son état.
479Voir, là encore, l’analyse de Garcia Patrick, Grammaire de l’incarnation…, op. cit., p. 158-170. Edgar Morin donne d’ailleurs raison sur ce point à François Mitterrand en considérant que c’est une erreur de juger les hommes d’une époque comme s’ils étaient informés de tout ce que l’on sait aujourd’hui. « Vichystes, si vous aviez su », Le Nouvel Observateur, 8 septembre 1994.
480La déclaration est reproduite dans la presse fédérale. Voir L’Unité 35. Journal de la fédération PS d’Ille et Vilaine, no 85, 16 septembre 1994.
481Bazin François, « Comment un livre a mis le feu au PS », Le Nouvel Observateur, 15 septembre 1994.
482Chevassus Jacques, « Franchise et courage », L’Espoir (Limousin) no 55, septembre-octobre 1994. De fait, Mitterrand a suivi le chemin inverse que celui qu’a étudié Burrin Philippe, La dérive fasciste. Doriot, Déat, Bergery (1933-1945), Paris, Le Seuil, 1986.
483Cuillandre François, « Savoir raison garder », Le Breton socialiste, no 106, 16 septembre 1994.
484Couderc B., éditorial, Le Populaire foyen, journal trimestriel de la section PS de Sainte-Foy-la-Grande, no 39, septembre-novembre 1994.
485« En famille », Le Breton socialiste, no 107, 28 octobre 1994.
486Témoignage de Jean Glavany à Favier Pierre et Martin-Rolland Michel, op. cit., p. 612. Voir le compte rendu de L’Unité 35 (Ille-et-Vilaine) qui lui rend un hommage appuyé, no 88, novembre 1994.
487« Fidèles à la mémoire » et « Côte à côte dans le même combat », Vendredi, spécial congrès de Liévin, no 239, 15 décembre 1994. En difficultés financières, le journal a suspendu sa parution en juillet 1994. Il publie six numéros autour du congrès et ne redevient hebdomadaire qu’en mars 1995. Les organes fédéraux encore en activité lui emboîtent le pas, tel Nord Demain, no 209, novembre-décembre 1994.
488Déclaration du bureau national du PS, Vendredi, no 249, 12 mai 1995.
489Gourlay Patrick, art. cité, p. 153-156.
490« Adieu », Vendredi, no 268, 12 janvier 1996. Les extraits du livre d’or sont reproduits dans la presse socialiste locale, jusqu’à L’Avenir Aiguillonnais. Bulletin de la section aiguillonnaise du PS, janvier 1996.
491Voir la théorie des cycles, et donc du « cycle d’Épinay », de Bergounioux Alain et Grunberg Gérard, Le Long Remords du pouvoir : le parti socialiste français (1905-1992) (Paris, Fayard, 1992 et réédité sous le titre L’Ambition et le remords : les socialistes français et le pouvoir [1905-2005] en 2005) et assimilée par le parti comme le montrent les publications éditées à l’occasion du centenaire telles que Cent ans de socialisme, les socialistes et la France Actes du colloque du centenaire du PS, Paris, OURS, 2006 ou Estier Claude, Un combat centenaire. 1905-2005. Histoire des socialistes français, Paris, Le Cherche midi, 2005, préface de François Hollande.

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