Chapitre V. En quête d’identité : chacun son chemin
p. 273-321
Texte intégral
1De la scission de septembre 1958 à la refondation d’Épinay en juin 1971, les socialistes divisés, voire éparpillés, sont en quête d’identité et de légitimité et, plus que jamais, leurs organisations sont tentées de convoquer leurs mémoires de guerre pour y remédier. Or, la période, qui se confond presque avec la république gaullienne, ne leur permet guère de se démarquer du roman national imposé par le chef de l’État, d’autant qu’ils militent encore et toujours, partout, pour préserver la mémoire de la Résistance. En outre, leurs moyens pour édifier enfin un monument de papier à la résistance socialiste ne sont en rien comparables à ceux dont dispose le PCF. Leur activité mémorielle est donc moins intense que pendant le long après-guerre ; pourtant, à bas bruit, ses pulsations sont toujours perceptibles, y compris à usage interne. Comment écrire leur propre récit de la Seconde Guerre mondiale dans des conditions si peu favorables ? Et comment se définir les uns par rapport aux autres ? La guerre d’Algérie provoque de multiples rejeux de mémoire et semble révéler de profondes divergences dans leur culture politique. À terme, cependant, elle les rapproche dans une commune représentation de leur histoire depuis le Front populaire, laquelle sert leur antigaullisme. Enfin, alors qu’avec la présidentialisation du régime la vie politique française se bipolarise et que la gauche doit se recomposer si elle veut subsister, François Mitterrand cristallise tous les espoirs socialistes face à de Gaulle lors de la présidentielle de 1965. Or l’homme a déjà maille à partir avec son passé depuis plusieurs années.
Vingt ans après : écrire son histoire de la Seconde Guerre mondiale
2De 1958 à 1969, la politique gaullienne de la mémoire relative à la Seconde Guerre mondiale n’est guère contestée, même si les différentes forces qui se réclament de la Résistance ne sont pas dupes de la captation d’héritage qu’effectue le chef de l’État à son seul profit1. La scission de la SFIO en septembre 1958, qui conduit nombre de socialistes résistants à créer ou à rejoindre le PSA, puis le PSU, complique la tâche de la direction molletiste qui n’a pas encore renoncé à construire une mémoire globalisante, cette division des années soixante s’ajoutant toutefois à la dispersion des socialistes dans la Résistance, déjà évoquée. La SFIO doit donc réagir, au fil de l’eau, aux initiatives mémorielles du pouvoir gaulliste et même du PCF, en particulier sur le front éditorial si chargé. L’année 1964, où l’on commémore à la fois 1914 et 1944, est un moment délicat à négocier, d’autant que l’exécutif panthéonise Jean Moulin en décembre et que chaque force politique voudrait se faire entendre malgré tout. Alors que les enjeux identitaires sont plus vifs que jamais en ces temps de brouille familiale, les socialistes ne désertent pas totalement le terrain mémoriel. Si le parti ne peut s’enorgueillir d’une histoire des socialistes en Résistance comparable à celle de l’Institut Maurice Thorez en 19672, vingt ans après, des militants et anciens militants se mobilisent : des historiens publient leurs premiers travaux, et des témoins leurs mémoires. Enfin, ils modulent par petites touches leur représentation des années sombres en faisant preuve d’une souplesse nouvelle. Anticipent-ils le tournant de la mémoire nationale, ce « miroir brisé » du début des années soixante-dix, ou évoluent-ils vers une « juste mémoire3 » ?
Des figurants sur la scène résistancialiste
3Depuis 1958, le récit gaullien s’impose à l’opinion publique par la force du verbe et les voyages en province du chef de l’État, et culmine avec la panthéonisation de Jean Moulin en 1964. Les opposants du Général sont contraints de s’accommoder de son discours somme toute normatif4. Ainsi, « le duel et duo » mémoriels des gaullistes et communistes contribuent à construire une mémoire collective communiste enfin apaisée en interne, parce qu’en entretenant le souvenir magnifié de la Résistance, ils confèrent au PCF une légitimité patriotique et héroïque5. Les socialistes doivent, eux aussi, composer avec le roman national gaullien. Toutefois, comme ils ne disposent pas d’un organisme comparable à l’Institut Maurice Thorez, créé en 1965, pour promouvoir l’histoire officielle de leur parti6, il leur est plus difficile de tirer leur épingle du jeu, si tant est qu’ils le souhaitent vraiment.
4En interne, lors des congrès SFIO puis du nouveau PS, les délégués sont bien moins prompts à dégainer des arguments d’autorité fondés sur la Résistance, voire sur leur expérience des années sombres. Si l’hommage aux disparus – lesquels ont été résistants – par le président est un passage obligé en ouverture de congrès, ceux qui évoquent la Résistance sont soit de grandes figures du parti, tels Guy Mollet, Gaston Defferre, Jacques Piette, Christian Pineau, Léon Boutbien et Jules Moch, soit d’anciens combattants engagés dans la défense de leurs droits, tel René Humberdot de la Seine7. La fréquence de ces interventions est certes bien moindre qu’aux lendemains de la Libération et que lors du changement de République. Pour autant, leur poids in situ montre que le rôle des socialistes dans la clandestinité fait partie intégrante de l’héritage et du paysage mental de tous les délégués. Ainsi, lorsqu’en mai 1963, le congrès s’interroge sur sa tactique et ses alliances en vue des présidentielles, le souvenir de la Résistance ressurgit aussi bien pour justifier l’ouverture, au centre ou à gauche, que son contraire8. En sourdine, la mémoire de la Seconde Guerre mondiale résonne donc encore, mais n’est plus un enjeu prioritaire.
5Dans sa volonté « d’exorciser » les années de guerre, le général de Gaulle dégrade le 8 mai par un décret du 11 avril 1959, de sorte qu’il n’est plus férié et qu’il doit être célébré le deuxième dimanche du mois, et ce jusqu’en janvier 19689. En mai 1959, les associations d’anciens combattants et de prisonniers de guerre refusent de côtoyer des représentants du gouvernement lors des célébrations du 8 mai pour protester contre des mesures budgétaires en leur défaveur. Or, les socialistes soupçonnent le PCF de récupérer cette mauvaise humeur et sont partagés entre leur volonté de se montrer solidaires, et leur anticommunisme. Fédérations et municipalités socialistes ne semblent donc pas faire du 8 mai un cheval de bataille prioritaire et reportent leur devoir de mémoire sur le 11 novembre, ce qui accrédite pourtant l’idée gaullienne d’une « guerre de trente ans10 ».
6Impopulaire dans le monde ancien combattant, le décret sur le 8 mai soulage toutefois les socialistes des villes johanniques, tels les Orléanais, qui peuvent participer en toute bonne conscience à la fête célébrant « la délivrance d’Orléans » assiégée par les Anglais par Jeanne d’Arc le 8 mai 1429. À Orléans, en outre, il est de tradition que le président de la République honore la cité de sa présence la première année de son mandat. En dépit de la venue du général de Gaulle, les socialistes ne font pas grise mine lors de la fête, tant elle est ancrée dans la tradition municipale11. À Reims, les forces issues de la Résistance célèbrent le 8 mai le jour même, comme par le passé, et Jeanne d’Arc par procuration dans leur journal, L’Union, qui fait vivre la fête orléanaise aux Rémois12. Ils profitent même de la remise de l’étendard du 40e R. A. aux recrues au monument de Navarin à Châlons pour rendre hommage à tous les combattants de 14-18 tombés en Champagne13.
7Sur le terrain, les socialistes réagissent donc au cas par cas, d’autant qu’ils se battent au Parlement pour obtenir le rétablissement de la pension des anciens combattants et prisonniers de guerre dans le prochain budget et qu’ils le font savoir14. Alors qu’à Rouen, ils se fondent dans l’opposition municipale au maire Bernard Tissot (RI) pour manifester le 8 mai leur désapprobation de sa politique, au Petit-Quevilly, ils participent de mauvais gré à la célébration officielle du maire communiste et publient ensuite une critique en règle de son discours15. Le 11 novembre de la même année, la mobilisation des anciens combattants contre le gouvernement se poursuit et entraîne le même dilemme. De sorte que certains édiles se rabattent sur la Toussaint, tel le député-maire de Niort, Émile Bèche, qui rend hommage aux morts de toutes les guerres, y compris d’Indochine et d’Algérie, et prononce un « Message de Paix » en présence du Préfet, des représentants du Souvenir français et de ses administrés16. Au Havre, les socialistes résistants fustigent le dédoublement de la cérémonie : « Havrais, nous devrions avoir honte, car devant les Morts, les querelles s’éteignent d’elles-mêmes !17 », et au Petit-Quevilly, au Trait et à Bihorel, ils ne boycottent pas la célébration officielle18. L’année suivante, le 8 mai tombe fort heureusement un dimanche, mais le 1er mai a déjà mobilisé toutes les énergies. La une du Populaire Dimanche, illustrée par une gravure de la fusillade de Fourmies de 1891, est reproduite dans plusieurs journaux fédéraux : « Les adversaires sont restés les mêmes. Le malheur des temps leur donne, par surcroît, l’occasion de remettre en question ce que l’on croyait définitivement acquis […] et jusqu’aux libertés fondamentales menacées de diverses parts » avertit Pierre Herbaut, le secrétaire général adjoint19. Les années suivantes, sections et municipalités socialistes ne s’investissent pas plus que de raison pour commémorer le 8 mai ; et lorsque leur presse s’en fait quelquefois l’écho, c’est pour signaler une assistance en déclin. Leurs journaux, y compris ceux d’audience régionale, préfèrent la commémoration du 11 novembre qui, la pension des anciens combattants et prisonniers de guerre rétablie, retrouve son caractère consensuel, en rassemblant obédiences politiques et confessionnelles diverses, ainsi que les différentes générations d’anciens combattants, y compris celles d’Indochine puis d’Algérie20. En 1964, le 11 novembre revêt une ampleur particulière21. Le Provençal consacre plusieurs pages à la cérémonie officielle du Haut-Fort Saint-Nicolas ainsi qu’aux autres manifestations de la journée à Marseille, et s’inquiète de la transmission de la mémoire de la Grande Guerre auprès des plus jeunes22.
8En 1968, même s’il doit être à nouveau fêté le jour même, le 8 mai est englouti par la révolte étudiante et, en 1969, il ne retrouve aucun supplément d’âme chez les socialistes. Ce combat pour que le 8 mai demeure un lieu de mémoire de la Seconde Guerre mondiale, qu’ils mèneront pourtant plus tard, ne constitue pas un véritable enjeu pour eux dans cette période.
9Une autre preuve de ce repli volontaire est donnée par leurs mémoires territoriales, dont les acteurs ne cherchent pas plus qu’hier à nourrir un « roman socialiste » de la Seconde Guerre mondiale. Lorsque le général de Gaulle fait étape au Mont Mouchet le 6 juin 1959 et rend un hommage tardif au chef du maquis, le colonel Gaspard, nul journal socialiste ou socialisant n’en profite pour rappeler le rôle des résistants socialistes dans les combats d’Auvergne23. Frère de l’ancien député SFIO du Puy-de-Dôme, Aimé Coulaudon, le colonel Gaspard (Émile) a pourtant eu pour lieutenant Gabriel Montpied, le maire socialiste de Clermont-Ferrand depuis la Libération24. Quatre ans plus tard, c’est dans le Vercors, « haut lieu de la Résistance », que de Gaulle se rend en pèlerinage25. Cette visite présidentielle ressuscite « l’homme du 18 juin » et pourrait provoquer quelques velléités de faire contrepoids à la geste gaullienne. Alors qu’il est accueilli par Eugène Chavant, ancien socialiste qui se consacre désormais entièrement à sa présidence de l’APCVV, nulle anamnèse n’a lieu : Le Provençal de Gaston Defferre, qui couvre avec force détails la cérémonie, n’évoque toujours pas les origines socialistes du maquis26. Par scrupules ou ignorance, ni le Mont Mouchet ni le Vercors ne sont pas récupérés à leur profit.
10L’opposition au pouvoir gaulliste ne réactive donc guère la mémoire de la résistance socialiste des élus et militants, qui préfèrent user d’autres arguments que de faire valoir leur propre passé. À moins qu’ils ne considèrent désormais qu’il ne s’agisse d’un combat d’arrière-garde, la mémoire de la Résistance tout entière demeurant leur priorité. Quoi qu’il en soit, de Gaulle conserve l’initiative sur ce terrain.
11Si c’est un député socialiste de l’Hérault, Raoul Bayou qui, le 8 mai 1963, propose de faire entrer l’enfant du pays, Jean Moulin, au Panthéon, c’est en effet l’exécutif qui est à la manœuvre et qui en prend la décision par décret, le 11 décembre 196427. À lire la presse généraliste et d’opinion, il semble bien qu’aucune personnalité socialiste, exceptée la veuve de Pierre Brossolette, ne participe à la cérémonie une semaine plus tard28. Pourtant, des socialistes auraient dû s’associer à la veillée funèbre des anciens de la Résistance, prélude à la panthéonisation. L’Humanité n’hésite pas, lui, à publier les photographies de Marcel Paul et de Jean-Maurice Hermann, président et vice-président de la FNDIRP, en bonne place dans la garde d’honneur29. Bien qu’André Wurmser regrette que les discours officiels aient trop parlé de « l’envoyé du Général », le compte rendu empreint d’émotion de Gérard Gatinot montre bien que les communistes y trouvent leur compte30. Deux jours plus tôt, le journal a lancé la promotion de La Résistance par ceux qui l’ont faite, publiée sous le patronage de l’ANACR, et cette panthéonisation se fait avec leur consentement31. Toute autre est la réaction du Compagnon de la Libération socialiste, Christian Pineau, qui qualifie le discours d’André Malraux de « scandale » :
« Pauvre Jean Moulin ! Homme de gauche, démocrate convaincu, patriote authentique, voilà que l’on exploite maintenant ton martyre au service d’un régime fasciste ! […] Qu’importeraient les erreurs, si elles ne correspondaient pas à la volonté de dissimuler une réalité fondamentale, à savoir que la Résistance française est l’œuvre de la France tout entière et non celle d’un seul homme qui prétend en monopoliser aujourd’hui, pour ses profits électoraux, toute la gloire et tout l’honneur32. »
12Or, en province, la presse socialiste n’y voit pas malice : alors que rien n’émeut Le Populaire du Centre ni dans la cérémonie, ni dans les propos de Malraux, Le Provençal salue même un « discours d’une poignante grandeur ».
13En cette année 1964, le contre-feu socialiste a donc peu de souffle. « La mémoire n’est pas courte » s’écrie Eugène Montel en rendant hommage à Georges Mandel et Marx Dormoy, deux « républicains tombés pour la République sous le coup du fascisme vichyssois33 ». Cependant, la formule est avant tout performative tant les manifestations d’envergure ne suivent pas. Certes, la presse organique combat toujours « la défense de la mémoire du maréchal Pétain » et s’élève contre le projet de transférer ses cendres à Douaumont en décembre34. Pour le vingtième anniversaire de leur mort, le parti commande un André Pantigny, militant et résistant (1900-1944) à son fils et un Jean Lebas à Jean Piat. Les journaux fédéraux et de province en assurent la promotion ailleurs que dans le Nord et le Pas-de-Calais35. Et le sénateur-maire SFIO de Commentry, Georges Rougeron, publie La Résistance dans le département de l’Allier (1940-1944)36. Les hagiographies dédiées à des héros de la résistance locale sont assurées d’une belle audience dans leur région parce que leur mémoire a été ancrée dans le territoire par la toponymie et l’érection de monuments dès la Libération. Cependant, ces initiatives font pâle figure à côté de celles des gaullistes et des communistes. À la veille des présidentielles de 1965, la Cité Malesherbes demeure tout aussi incapable de construire une contre-mémoire de la Résistance susceptible de concurrencer le mythe gaullien, que de s’y associer pour en tirer profit.
14Cette carence est d’autant plus visible que le PCF amorce un tournant historiographique après la mort de Maurice Thorez, en juillet 1964. Alors que l’ancien secrétaire général avait posé une chape de plomb sur l’histoire de la résistance communiste afin d’étouffer toute velléité d’autonomie au sein du parti, son décès permet à Jacques Duclos de sortir de sa semi-disgrâce et de donner un nouvel élan à ce sujet qui était devenu tabou37. Une histoire officielle du PCF dans la Résistance est publiée par l’Institut Maurice Thorez en 196738. Si l’ouvrage, marqué par « le carcan de l’analyse » sur les années 1939-1941, ne diffère guère sur ce point du « manuel » d’Histoire du PCF de 196439, il redonne au mythe du « parti des 75 000 fusillés » une épaisseur humaine et entraîne dans son sillage plus d’une quarantaine de publications de témoins au cours des dix années suivantes40. À cette omniprésence éditoriale, s’ajoute la volonté des uns et des autres de ne pas faire cavalier seul face aux gaullistes lors du vingtième anniversaire de la Libération, et donc de s’allier en la circonstance41. De sorte que sur le terrain, le parti socialiste apparaît quelque peu à la remorque de la politique mémorielle des communistes.
15Déjà, depuis 1958, l’Union des Femmes Françaises annexe la socialiste Suzanne Buisson en l’associant systématiquement à Danielle Casanova42. En août 1963, les socialistes participent à la commémoration dédiée à Pierre Brossolette et Pierre Rebière, un ancien membre du comité central fusillé en 1942, au côté des camarades de ce dernier dans le 16e arrondissement de Paris43. Les commémorations sont donc l’occasion d’un timide rapprochement entre les frères ennemis. En 1964, ni la SFIO ni le PCF, ni même le CNR ne sont associés aux préparatifs du vingtième anniversaire de la Libération. À la mort de Maurice Thorez, le 11 juillet, les socialistes présentent leurs condoléances aux militants communistes qu’ils savent sincèrement attristés, précisant que, s’il avait déserté en 1939, c’était au nom de sa « foi » dans la révolution internationale et qu’à ce titre, il était digne, sinon de leur amitié, du moins de leur respect44. Les fédérations socialiste et communiste de la Seine organisent alors de concert une contre-manifestation à celle, officielle, du vingtième anniversaire, le 30 août 1964, à Montparnasse45. Ce rapprochement a également lieu en province. Pour la première fois depuis la guerre froide, en septembre, à Arras, le fief de Guy Mollet, les deux partis, les syndicats et les associations d’anciens combattants s’unissent pour organiser une commémoration consensuelle dédiée aux 220 martyrs de la citadelle, à laquelle participent le député-maire SFIO ainsi que celui d’Hénin-Liétard, Fernand Darchicourt, et celui de Liévin, Henri Darras, en présence de deux mille personnes. Toutefois, le Nord-Matin d’Augustin Laurent n’en fait état que dans un petit encart et sans citer les communistes46. En octobre, les socialistes s’associent de même à l’hommage rendu à Gabriel Péri lors de l’inauguration du monument qui lui est dédié à Argenteuil47 et, en juillet 1965, ils participent à la cérémonie organisée par les anciens membres du Comité Parisien de Libération devant la gare Montparnasse à Paris48. Les nouvelles tentatives d’union de la gauche, avec la candidature unique de Mitterrand lancée le 9 septembre 1965 et l’accord électoral entre le PCF et la FGDS en vue des législatives de mars 1967, prolongent cette alliance. Même Châteaubriant, lieu de mémoire si âprement disputé depuis 194749, s’ouvre aux victimes non communistes de Nantes vingt ans plus tard. Georges Brutelle, alors membre du bureau de la SFIO, y intervient au côté du responsable communiste Gaston Vieuguet en octobre 196750.
16En fait, cette unité d’action avec les communistes pour occuper le terrain mémoriel n’est qu’une nouvelle forme de la stratégie de présence des socialistes, qu’ils pratiquent avec constance, dans la plupart des associations, depuis la Libération. Ainsi soutiennent-ils l’organisation du concours national de la Résistance, créé en 1957 par le CNCVR, institutionnalisé en 1961 et décentralisé en 1965, sans pour autant se mettre en avant51. Ils se mobilisent toujours pour la mémoire de la Résistance, mais celle-ci ne semble plus être le principal fondement de leur identité socialiste.
17À l’orée de 1966, la référence identitaire à commémorer est autre : c’est le trentième anniversaire du Front populaire. Alors que son histoire entre au programme de l’agrégation, il devrait réveiller toutes les énergies commémoratives des socialistes. La figure de Léon Blum, le drame de conscience que fut la guerre d’Espagne et, dans une moindre mesure, la marche à la guerre, relèguent la Seconde Guerre mondiale à l’arrière-plan. Après le Léon Blum. Theorie und Praxis einer sozialistischen Politik (1872-1934) de l’Allemand Gilbert Ziebura52 et l’Histoire du Front populaire de Georges Lefranc53, c’est la Fondation Nationale des Sciences Politiques qui lui consacre un grand colloque en mars 196554. Sous la houlette de Pierre Renouvin et René Rémond, historiens et témoins confrontent leurs travaux et points de vue. Parmi les socialistes, la plupart ont rompu avec le parti de Mollet, qu’il s’agisse des historiens Charles-André Julien et Ernest Labrousse, ou de Daniel Mayer, André Blumel et André Philip ; seul Jules Moch milite encore à la SFIO. Est-ce la raison pour laquelle la presse organique ne dit pas un mot de cet événement scientifique et préfère évoquer la sortie du nouveau volume de L’œuvre de Léon Blum consacré aux années 1937-194055 ? Ce poids des dissidents dans le travail de mémoire peut en partie expliquer la retenue de la direction molletiste qui ne peut apparaître comme la seule gardienne du temple de l’histoire socialiste. En tout état de cause, la faible mobilisation du parti lui-même autour de ce trentenaire, dont s’emparent en revanche les historiens, est à l’image de cette asthénie de la mémoire au cours de cette période56.
Un monument à la résistance socialiste est-il enfin possible ?
18Le temps passant, quelques-uns s’investissent dans de l’histoire de la Résistance par le prisme de leur autobiographie. S’ils souhaitent rendre hommage à leurs camarades disparus, cette écriture de soi répond aussi au besoin nostalgique de revivre un passé chargé d’émotions. Dans cette période, la primauté des acteurs est réaffirmée, et leurs témoignages nourrissent les premières synthèses57, parmi lesquelles L’Histoire de la Résistance en France du socialiste Henri Noguères58. Une juste représentation du rôle des socialistes dans la Résistance, tant en métropole que dans la France libre, est-elle alors envisageable ?
19Des personnalités, toujours membres du parti, songent à écrire leur autobiographie ou du moins leurs propres mémoires de guerre. Or, la démarche individuelle, l’âge de la retraite politique venu, ne favorise guère un portrait de groupe. Et comme souvent l’auteur ne joue plus un rôle de premier plan à la SFIO ou publie chez un petit éditeur, il n’attire pas non plus la lumière sur la famille socialiste. Ainsi, dès 1956, Jean Pierre-Bloch publie Le vent souffle sur l’histoire, mais, en dépit de son titre, son récit est centré sur son propre itinéraire et, ayant renoué avec le journalisme au détriment du parti, il apparaît surtout comme un membre actif du CAR59. En 1960, Démocratie 60 salue et publie des extraits de La simple vérité de Christian Pineau ; le conseiller général de la Sarthe est, en effet, un rédacteur régulier du Réveil du Maine et du Populaire de Paris. Toutefois, les faits racontés par le chef de Libération-Nord, déporté à Buchenwald, sont antérieurs à son adhésion au parti60. En 1962, La parole est à André Le Troquer tente de restaurer l’image d’un vieil homme naguère condamné pour « l’affaire des ballets roses » et ne sert guère l’image de la résistance socialiste. L’audience de la brochure Historique du comité départemental de libération de la Côte-d’Or de Claude Guyot demeure très locale61. En 1970, Églantine et vert de gris 1940-1944 d’Henri Docquiert est centré sur le réseau Brutus et le Toulousain. La jaquette de La guerre buissonnière. Une famille dans la Résistance du Compagnon de la Libération Émilienne Moreau montre le couple Évrard en conversation avec le général de Gaulle : un comble ! Quant aux Rencontres avec… de Jules Moch, en 1970 et 1971, il s’agit des souvenirs très personnels d’un « vétéran » quelque peu en marge du parti62. Alors que la France sort péniblement de la guerre d’Algérie, tous ces récits de soi ne permettent guère d’installer une mémoire de la résistance socialiste dans l’édition.
20Guy Mollet est bien conscient de cette lacune persistante : « Cela se réécrit l’histoire, aujourd’hui ! C’est ce qu’ils sont en train de nous imposer dans l’histoire de la Résistance », peste-t-il contre les médias au congrès d’octobre 196663. Aussi, un an plus tard, lorsqu’il charge l’agrégé de lettres et ancien membre du comité directeur, Roger Quilliot, d’écrire une histoire de la SFIO jusqu’en 1958, il lui demande de commencer par sa reconstitution dans la clandestinité. L’auteur pourra s’appuyer sur la documentation réunie à cette fin par le propagandiste René Flocard64. Pour renseigner leur action sous l’Occupation, le secrétaire général adjoint, Ernest Cazelles, adresse à toutes les fédérations une circulaire leur demandant d’enquêter et d’adresser leur rapport à l’auteur65. Sa récolte s’avère toutefois maigre. Alors que l’on sait aujourd’hui qu’il y aurait eu matière, le botton up, à nouveau, dysfonctionne et la plupart des secrétaires fédéraux ne prennent même pas la peine de répondre. Relancés avec insistance après mai 1968, ceux qui le font s’excusent, le plus souvent, de ne pouvoir être plus précis ou de ne pas avoir le temps d’investiguer plus avant66. L’ouvrage de Quilliot ne paraîtra donc qu’en 1972 et, après un prologue en forme d’hommage rituel consacré aux « Hommes de l’ombre », démarrera son récit en 1944.
21En 1968 néanmoins, paraissent Les socialistes dans la Résistance, sous la plume de Daniel Mayer dans la collection « Esprit de la Résistance67 ». Il préside alors l’une des sept commissions du CH2GM, celle de l’histoire de la Résistance justement. S’il a discrètement quitté le PSU depuis peu, il n’a pas réintégré la SFIO pour autant et préside la Ligue des droits de l’homme depuis 1958. Qu’importe, une première synthèse est enfin disponible et « comble un vide assez anachronique », constate Alain Duhamel qui reconnaît à l’auteur de l’honnêteté et une grande franchise68. D’emblée, l’ancien secrétaire général du parti clandestin ne cache pas ses difficultés : d’une part, « des notes diverses, éparses, rarement datées, émaillées de noms d’emprunt, de pseudos » compliquent sa « reconstitution » ; de l’autre, « la présence de socialistes actifs dans chacune des zones comme en Grande-Bretagne et, plus tard, à Alger » rend impossible de respecter un strict déroulé chronologique69. De sorte que le livre juxtapose, à parts presque égales, « Souvenirs » et « Documents » et que Mayer prévient qu’il ne s’agit que d’une contribution à « un ensemble qui reste à écrire70 ». L’accent est mis sur le désastre moral qui détruit le parti en 1940, sur l’inexpérience des militants dans la clandestinité qui conduit nombre d’entre eux à la mort et sur leur déversement – voulu et confirmé à plusieurs reprises par Léon Blum – dans tous les mouvements et réseaux. Si le CAS est au cœur de son récit, l’auteur n’oublie ni les mouvements « en marge », tel Libérer Fédérer, ni les groupes militaires socialistes autonomes, « Véni », « Brutus » ou « Police et Patrie », ni le groupe Jean Jaurès de Londres. Cette première cartographie de la résistance socialiste devra être complétée plusieurs décennies après par des historiens mais ne révélera aucune erreur majeure. Guy Mollet est même cité à propos de l’OCM, comme il se doit71.
22Si Daniel Mayer se veut objectif, il laisse cependant libre cours à son émotion à chaque fois qu’il mentionne un disparu. Comme les morts sont nombreux, l’ouvrage est par là même un tombeau, ce que confirme la photographie de la plaque dédiée à Suzanne Buisson sur la jaquette. Un an plus tard, dans Pour une histoire de la gauche, il maintient cette posture en personnalisant « La Résistance » avec la martyre Suzanne Buisson : « C’est parce que tant d’autres se retrouvent en elle qu’elle est pour moi le symbole des symboles, que j’ai donné son nom – c’est-à-dire tous leurs noms – à ce chapitre72. » L’organe du parti, pas rancunier, rend hommage à ce livre « nécessaire73 ». Le président de la Ligue des droits de l’homme, qui intervient régulièrement dans la vie publique à ce titre, bénéficie d’une audience certaine mais, publié à l’automne 1968, son ouvrage n’est pas réédité et l’on peut supposer qu’il n’intéresse guère au-delà d’un lectorat déjà éclairé74.
23La résistance des socialistes trouve néanmoins sa place dans L’Histoire de la Résistance en France d’Henri Michel (1950), réédité pour la sixième fois en 1972 dans la collection « Que sais-je ? ». Dans sa préface, qu’il actualise à chaque édition, l’historien prévient ses lecteurs que, le temps passant, « l’histoire de la Résistance n’est pas devenue plus aisée à retracer » et met encore et toujours en garde contre son instrumentalisation au nom de la politique intérieure ou extérieure75. Dans son maître ouvrage, Les courants de pensée de la Résistance, issu de sa thèse et publié en 1962, il considère que si le socialisme s’est imposé avec le programme du CNR, les socialistes, ayant « loyalement » reconnu l’antériorité des mouvements dans lesquels ils se sont versés – à la différence des communistes souligne l’auteur –, se sont privés d’un « atout dans l’opinion76 ». Qu’il le regrette ou non, le constat est sans appel.
24Une entreprise concurrente à l’ambition plus large, L’Histoire de la Résistance en France d’Henri Noguères, dont les trois premiers volumes sont publiés entre 1967 et 1972, leur assure une meilleure visibilité77. Fils du député SFIO Louis Noguères, il était membre des Étudiants socialistes (ES) quand il est entré à la rédaction du Populaire. Antimunichois, il a milité au parti socialiste clandestin et est devenu chef régional du mouvement Francs-Tireurs à Montpellier, puis des MUR. C’est donc un acteur-témoin qui utilise les témoignages et documents d’autres acteurs-témoins78. Ayant rompu avec la SFIO par anticolonialisme et rejoint le PSA puis le PSU, mais revenu au bercail en 1969, il s’adjoint deux collaborateurs de sensibilité politique toute différente pour accréditer l’impartialité de son ouvrage en la personne de l’ancien communiste Marcel Degliame-Fouché79 et du gaulliste Jean-Louis Vigier80. Une gageure, de leur propre aveu :
« Car évoquer les années, pour certains déjà lointaines, mais pour nous encore si proches, du combat clandestin, c’était inévitablement faire ressurgir de nos mémoires non seulement ce qui nous a unis, mais encore ce qui nous divisait et parfois nous divise encore81. »
25Le premier, qui a discrètement quitté le PCF en 1952, et le second, rallié à Pinay, lui donnent accès à des témoins et des archives en dehors de ses propres réseaux, surtout après le succès de son premier volume82. À l’origine, Noguères veut d’abord contrer l’historiographie gaulliste de la résistance intérieure, celle de Soustelle, Passy, puis du général de Gaulle lui-même83, qu’il juge dévalorisante, mal informée et partiale. Or cette historiographie semble se confondre avec la mémoire nationale depuis la panthéonisation de Jean Moulin en 1964, les cérémonies orchestrées par le gouvernement pour le vingtième anniversaire de la Libération et le très populaire Paris brûle-t-il ? de Larry Collins et Dominique Lapierre, adapté au cinéma par René Clément en 196684. Dans la mesure où cette vulgate contribue à légitimer la droite au pouvoir, Noguères entend démonter les arrière-pensées des gaullistes, ce qui le conduit à rompre progressivement avec Vigier85.
26À cette fin, il décrit une résistance intérieure indépendante, qui se rallie à de Gaulle par défaut en devenant son interlocutrice, et qui joue un rôle majeur dans la libération du territoire86. Dès les premiers volumes qui vont de juin 1940 à octobre 1942, il souligne la grande diversité politique et confessionnelle des résistants. Ce dispositif lui permet d’affirmer aisément la présence de sa propre famille socialiste à chaque chapitre et d’écorner, en dépit de Degliame-Fouché, la mémoire communiste. Les socialistes y « constituent l’autre formation politique d’avant-garde sur laquelle s’appuie la Résistance87 » et « l’appel au peuple de France » de Thorez et Duclos a eu lieu « à une date qui ne figure pas sur le document original mais que la tradition communiste fixe au 10 juillet 194088 ». En revanche, il reconnaît que des communistes sont entrés en résistance avant juin 1941. Sévère à l’égard des dirigeants du PCF, il veut rendre justice à ses militants. Dès le premier volume publié en 1967, Noguères propose un tableau de la reconstitution du parti socialiste clandestin plus complet que celui esquissé par Daniel Mayer, et éclaire surtout des angles morts, telles les missions d’André Weil-Curiel, agent de liaison de l’Armée britannique, ou celles de Christian Pineau, chef de Libération-Nord, à Londres ; ou encore le rôle d’André Boulloche au BCRA89. Le livre est réédité dès 1968, puis à nouveau en 1972, afin d’y intégrer de nouveaux témoignages et documents90.
27L’ouvrage est promis à un lectorat plus large que celui de Daniel Mayer, et sera de nouveau réédité à partir de 1981. Toutefois, la presse organique ne s’en fait guère l’écho. Brouillé avec Henri Michel qui lui a refusé les quelque deux mille témoignages recueillis par le CH2GM, Noguères ne dit mot du Comité dans sa préface et, en échange, ce dernier qualifie son travail de simple chronique91. Marie Granet, l’un des piliers du Comité, loue cependant le premier volume dans La Revue socialiste en février 196892.
28La visibilité et la reconnaissance du rôle des socialistes dans la Résistance restent donc assez faibles au tournant des années 1960 et 1970. Sans doute, au sortir de la guerre d’Algérie, Guy Mollet n’était-il pas le mieux placé pour réussir là où Daniel Mayer avait échoué aux lendemains mêmes de la Libération. Sans doute, la centralisation de la SFIO était-elle insuffisante pour permettre la remontée et l’exploitation des mémoires locales sur la scène politique nationale. Peut-être les socialistes font-ils aussi encore preuve de scrupules, confortés dans leur attitude discrète par ce qui demeure pour eux le contre-modèle, le résistancialisme communiste, et en paix avec leur conscience. Dépourvus d’histoire officielle, ils sont alors libres de s’ouvrir à d’autres représentations et de faire évoluer leur mémoire de la Seconde Guerre mondiale.
Des représentations collectives qui évoluent lentement mais sûrement
29Si les socialistes n’ont pas réussi à construire un mythe de la résistance socialiste sous la IVe République, du moins n’ont-ils pas usé de leur passé dans leurs luttes internes comme au PCF93. De sorte que chez eux, le sujet n’est jamais tabou durant les années soixante et que leurs conceptions sont susceptibles de changer. À bas bruit, mais sans interruption, leurs presses nationale et régionale, ainsi que leurs fédérations s’acquittent de leur devoir de mémoire. Ils le font sans ostentation dans une France qui peine à sortir de la guerre d’Algérie et qui aimerait tourner la page comme le montre la désaffection croissante pour le 8 mai94. Toutefois, après avoir banni de leur mémoire un certain nombre d’oubliés95, ils intègrent progressivement la déportation, y compris dans sa dimension raciale, et la ghettoïsation à leurs représentations collectives et donc à leurs rituels96.
30La journée de la déportation, créée en 1954 et commémorée le dernier dimanche d’avril, fait l’objet d’une grande attention de leur part. La déportation politique, y compris des antinazis allemands, comme instrument de la terreur leur est désormais mieux connue et ils intègrent plus volontiers celle des juifs dans leurs récits. Ils appréhendent désormais la nature génocidaire de l’Allemagne nazie et la dénoncent avec force, d’autant qu’ils s’alarment de la réapparition du racisme en Europe, aux États-Unis et en Afrique du Sud. En avril 1960, à l’occasion de cette journée, l’ancien déporté Camille Delabre refuse de banaliser les croix gammées tracées sur les murs par de soi-disant « blousons noirs » et invite ses lecteurs à abandonner leurs stéréotypes et à modifier leurs comportements quotidiens97. En mai 1963, le délégué de la Seine rappelle aux délégués que « le mot génocide a fait son apparition dans le dictionnaire » en 1959, selon lui, et qu’il désigne la destruction systématique d’une race98.
31Il n’est pas rare que des manifestations destinées à informer l’opinion publique sur le génocide soient désormais relayées en province auprès des militants et sympathisants. Les différentes associations, celles où militent les socialistes telles que la FNDIR et l’UNADIF, et celles animées par les communistes telle la FNDIRP, travaillent dorénavant de concert pour les organiser, et les fédérations ou sections socialistes ne sont pas en reste. Ainsi celle de Rouen s’associe au Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP), créé dès 1949 par d’anciens résistants et déportés, et aux autres organisations déjà citées pour célébrer le dix-septième anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, le 17 mai 1960, avec une conférence d’Armand Dymenstajn et la projection d’un documentaire, Souviens-toi99. En novembre 1961, c’est Le Temps du ghetto de Frédéric Rossif qui fait la une de Démocratie 61, et Claude Fuzier lui consacre un long article après avoir interviewé le cinéaste, « un homme de gauche100 ». En outre, le film a pour conseiller historique le sociologue d’origine polonaise, Michel Borwicz, qui a soutenu, en Sorbonne, une thèse sur les Écrits des condamnés à mort sous l’occupation allemande, publiée en 1954 par Henri Michel. La promotion que lui accorde le journal est donc naturelle. Si Fuzier n’utilise pas le terme de ghettoïsation qui désigne la première phase du génocide chez les historiens d’aujourd’hui101, il en restitue les mécanismes avec justesse grâce à son dialogue avec Rossif et aux mémoires clandestins du ghetto d’Emmanuel Ringelblum qui documentent le film. De fait, Démocratie 61 est transparent sur son objectif : « Le devoir no 1 de notre journal est de lutter de toutes ses forces contre le racisme. Le film de Frédéric Rossif, qui va dans le même sens que nous, symbolise notre combat102. » Dans ce cas, comme dans celui de la manifestation rouennaise, ce sont les réseaux associatifs ou scientifiques dans lesquels sont engagés les socialistes qui favorisent la meilleure prise en compte du génocide. La classe politique est, en outre, unanime pour voter l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité en décembre 1964103. Ainsi, les socialistes associent désormais le souvenir du génocide à celui du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale, comme le révèle cette nouvelle image d’Épinal dans L’Histoire illustrée de l’Internationale socialiste, laquelle encadre un camp surmonté d’une étoile de David avec, d’un côté, une tête de mort et, de l’autre, un Hitler sur fond de croix gammée (fig. 38)104. De sorte que leurs municipalités se soucient peu à peu d’inscrire sa mémoire dans la toponymie de leurs rues. Nulle hâte toutefois, à l’image de Besançon, administrée par Jean Minjoz, qui propose le nom d’Anne Frank pour la voie desservant le cimetière israélite en 1967, dix-sept ans après la traduction de son journal en français et dix ans après son adaptation au théâtre105.
Fig. 38. – Histoire illustrée de l’Internationale socialiste (Démocratie 65, 29 avril 1965).

32Or, cette incorporation du génocide à leur mémoire vient aussi renforcer les chevaux de bataille contemporains des socialistes contre le racisme en général, et l’antisémitisme ou l’antisionisme en particulier. Leur presse couvre, ainsi, le procès Eichmann en avril 1961. Et Démocratie 61 qui – rappelons-le – a été créé grâce à des fonds de l’État israélien, en profite pour réclamer la grâce de ce « criminel de bureau » afin qu’il ne puisse en aucun cas devenir un martyr de « la cause raciste » et que sa punition soit de contempler « le miracle » que constitue l’existence d’Israël106. Désormais, le journal rend régulièrement compte des ouvrages, films ou expositions sur le sujet, et ses chroniques sont souvent reprises telles quelles par la presse fédérale au nom d’un devoir de mémoire avant la lettre. Démocratie 62 présente ainsi les ouvrages de Léon Uris, Jérôme Petit et Léon Wells en avril :
« L’oubli est comme une arme secrète en même temps que familière. Si familière même que des hommes peuvent souvent donner à l’oubli le visage de l’indifférence. Mais parfois, parmi les hommes, il s’en trouve qui […] refusent l’oubli et qui se sont assignés la mission de lutter contre l’indifférence107. »
33La guerre des Six Jours en juin 1967 réactive le souvenir et, au congrès de juillet, en présence de la représentante des socialistes israéliens, Golda Meir, non seulement Nasser est à nouveau assimilé à Hitler en réactivant le syndrome de Munich, mais le chef d’État égyptien est aussi accusé de vouloir « perpétrer un nouveau génocide108 ». Le travail de mémoire des socialistes ne s’arrête toutefois pas au génocide des Juifs d’Europe, et peut même devenir plus introspectif.
34Leurs représentations des années sombres de l’Occupation perdent leur contraste manichéen sous un éclairage plus nuancé. D’une part, les enjeux géopolitiques ont évolué d’une manière décisive, d’autre part, un certain recul commence à faire son œuvre.
35L’européisme des socialistes ayant survécu à la querelle de la CED, le gouvernement Mollet a fait du Marché commun et de l’Euratom une priorité : le 25 mars 1957, les deux traités ont été signés. Le 9 juillet suivant, le groupe socialiste, ressoudé, a voté sa ratification à l’unanimité. De sorte que la germanophobie, même contenue, n’est plus de mise, du moins à la SFIO. Lorsqu’en novembre 1960, dans le cadre de le l’OTAN, mille quatre cents soldats de la Bundeswehr viennent s’entraîner trois semaines à Mourmelon et Sissonne, ce retour d’Allemands en uniforme sur le territoire, pour la première fois depuis quinze ans, ne passe pas inaperçu. Le PCF et le Mouvement de la Paix manifestent leur vive hostilité, de même que d’anciens déportés et internés de la Résistance, des universitaires ou des villages martyrs comme Oradour109. Suzanne Collette-Khan, ancienne militante SFIO et veuve de l’ex-président de la Ligue des Droits de l’homme, s’indigne également dans Tribune socialiste :
« Les déportés, les bombardés, les spoliés et tous ceux qui ont perdu des êtres chers sur les champs de bataille, dans les prisons de la Gestapo ou dans les camps de la mort n’ont pas encore eu le temps d’oublier. Leurs plaies ne sont pas encore cicatrisées, et l’on a honte de l’injure ainsi faite à leurs souffrances110. »
36Or le son de cloche est tout différent à la SFIO. Ne pas oublier les crimes nazis ne doit pas conduire à faire peser sur les Allemands une responsabilité collective. « Ce serait permettre aux autres nations de nous reprocher le comportement de nos ancêtres », argue l’ancien résistant et déporté Camille Delabre, en évoquant les guerres napoléoniennes. Puisque les socialistes sont atlantistes et favorables à une armée intégrée, il n’y a rien de « répréhensible ou de scandaleux » à ce que des bataillons allemands aujourd’hui, comme des belges et hollandais hier, viennent en France. Il convient, enfin, de ne pas décourager les jeunes générations d’Allemands acquises au projet européen111. Il ne s’agit nullement de renoncer au devoir de mémoire, mais de le concentrer sur les crimes nazis et d’éviter tout amalgame afin de préserver la construction européenne en cours.
37Plus difficile sans doute à faire évoluer est le jugement porté sur les comportements des Français face à l’occupant. Dans un étonnant « Dialogue sur les “collabos” », Claude Fuzier, Pierre Berger et Jacques Piette s’interrogent sur la définition d’un terme qui leur semblait pourtant aller de soi à la Libération112. Mais la guerre d’Algérie est passée par là et lézarde leurs certitudes. Berger, dans une joute avec Georges Bidault, a qualifié les harkis de « collabos », ce que Piette réfute avec force. Pour Fuzier, « on est collabo en fonction de la nation à laquelle on appartient », mais il reconnaît que sa définition achoppe sur l’Allemand antinazi qui a collaboré avec les Alliés ou, précisément, sur le Harki avec les Français. La définition de Berger faisant de « tout homme du camp des opprimés qui va dans le sens des oppresseurs » un « collabo », se heurte au même relativisme. La discussion n’est donc pas close et le journal invite ses lecteurs à réagir par lettres. De même, la pièce de théâtre Marie Octobre, adaptation du film éponyme, est saluée comme « un bon document sur la guerre » parce qu’elle montre la complexité des choix113. Il est dorénavant possible aux socialistes de penser une zone grise sous l’Occupation et d’admettre que s’engager en temps de guerre est une démarche difficile, parfois sinueuse, même si cette nouvelle grille d’analyse n’est en aucun cas appliquée par le Centre national d’éducation socialiste aux socialistes eux-mêmes114. Or, cette distance et cette prise de conscience étaient inimaginables dans leur presse quelques années plus tôt. En retour, la traditionnelle dénonciation de l’absurdité de la guerre « d’un chauvinisme étroit » retrouve droit de cité au travers d’une critique enthousiaste des Honneurs de la guerre de Jean Dewever – victime d’une censure inavouée parce qu’il rompt avec « les images d’Épinal » patriotiques du pouvoir gaulliste115. Vingt après l’armistice, Le Populaire de Paris peut mettre en garde contre « la glorification du héros armé » et la banalisation de la violence extrême qui conduiraient à regarder avec « commisération » le pacifisme « Plus jamais ça116 ».
38Ainsi, après une période d’évidences patriotiques, la mémoire socialiste de la Seconde Guerre mondiale mûrit, et le drame algérien ranime même quelque chose de la vieille culture pacifiste de l’entre-deux-guerres.
39De mai 1958 au congrès d’Épinay en 1971, la Cité Malherbes n’a ni les moyens, ni peut-être la légitimité, pour écrire et éditer une histoire du parti socialiste dans la Résistance susceptible de contrebalancer celle des communistes et encore moins la geste gaullienne. Même après les commémorations de 1964 qui, en creux, signalent l’évanescence du parti sur ce terrain, les fédérations ne se préoccupent toujours pas de faire remonter leurs faits d’arme à la direction qui le leur demande pourtant avec insistance. La scission de septembre 1958, qui a provoqué le départ de nombre de blumistes et de résistants, ne facilite pas la tâche aux fidèles de Guy Mollet, quand bien même n’ont-ils pas démérité sous l’Occupation. Si la reconnaissance de l’action des socialistes est toutefois impulsée par certains, elle est surtout le fait de militants qui ont quitté le parti, comme Daniel Mayer ou Henri Noguères. Est-ce à dire que la Résistance ne fait plus partie des éléments fondateurs de l’identité socialiste dans les années soixante ? Loin de là. Toutefois, les socialistes ont plus à cœur de défendre et de transmettre la mémoire de la Résistance en investissant le milieu ancien combattant que d’y être associés en tant que tels. Dans les municipalités, ils s’acquittent de leur devoir de mémoire envers leurs camarades, les héros et martyrs locaux. Ceux-ci ne leur appartiennent pas en propre et, en les partageant avec les gens du cru, ils placent leur identité territoriale au-dessus de celle de leur parti. Alors qu’ils viennent de se déchirer, les blessures de la Seconde Guerre mondiale leur sont désormais moins vives que celles de la guerre d’Algérie, ce qui leur permet, tout en intégrant la mémoire douloureuse de victimes qu’ils avaient jusqu’alors négligées, d’être plus en phase avec leurs concitoyens qui souhaitent tourner définitivement la page.
Au miroir des gauches
40Depuis la scission de Tours, « la vieille maison » s’était accoutumée à une relation en miroir avec son frère ennemi communiste. La guerre d’Algérie a rebattu les cartes et tous ceux qui se disent socialistes ne militent plus forcément à la SFIO. On parle désormais de « gauches » au pluriel avec le Centre d’action des gauches indépendantes (CAGI), de « Nouvelle Gauche » avec le Mouvement uni de la Nouvelle Gauche – avant que n’apparaisse la formule de « Deuxième Gauche » au début des années 80, et à nouveau de « la gauche » au singulier avec la création de la FGDS en septembre 1965, laquelle s’élargit au centre avec la CIR et les radicaux socialistes117. La Cité Malesherbes tente de clarifier sa position en croisant régulièrement le fer avec ce qu’elle nomme par dérision « la Petite Gauche », incarnée à ses yeux par L’Express de Jean-Jacques Servan-Schreiber ou France Observateur de Gilles Martinet118, sans parler des dissidents du PSU. En 1969, dans Pour une histoire de la gauche, Daniel Mayer rétorque que, pas plus que le PCF qui porte la marque indélébile de la douteuse période d’août 1939 à juin 1941, la SFIO salie par ses choix dans la guerre d’Algérie n’appartient à la gauche : « Ainsi seront de gauche – et avec quelles cautions ! – ceux qui n’admettront pas que “la fin justifie les moyens”119. » Plus que jamais, les mémoires des guerres sont des marqueurs identitaires, non seulement face à la droite, mais surtout pour distinguer ces gauches entre elles. Or, si elles continuent de se déchirer sur la guerre d’Algérie, elles pourraient se retrouver sur la guerre contre le fascisme qui n’en finit pas à leurs yeux.
L’ombre portée de la guerre d’Algérie
41Avant même la signature des Accords d’Évian en mars 1962, l’ombre portée de la guerre d’Algérie varie d’une gauche à l’autre dans leurs façons de se représenter la décolonisation en Afrique du Nord et d’appréhender les questions anciennes de la défense nationale et du désarmement ou celle, plus récente, de l’objection de conscience. Alors que le PCF se pose en parti anticolonialiste qui a eu raison, seul contre tous et avant tout le monde120, la SFIO n’entend pas battre sa coulpe, d’autant que ses dissidents et la Nouvelle Gauche la vilipendent de concert. Ses militants doivent donc se battre sur tous les fronts, ce qui ne les empêche pas, là encore, de faire évoluer leurs représentations.
Fig. 39. – Le PCF « Algérie française » (Curry, Démocratie 59, 20 novembre 1959).

42En novembre 1959, les molletistes veulent profiter du « virage » du PCF, qui approuve désormais les propositions du général de Gaulle visant à rétablir la paix en Algérie après les avoir vivement dénoncées, pour dévoiler enfin son vrai visage de « moscoutaire ». Avec malice, ils publient un entretien d’Auguste Lecoeur pour relire l’attitude du PCF depuis le début du conflit à la lumière de ses intérêts extérieurs – se conformer aux consignes de Khrouchtchev – et intérieurs – conserver son aura sur un monde ouvrier en pleine mutation121. Lecoeur, grand résistant, éliminé du PCF quatre ans plus tôt lors d’un procès en sorcellerie et accueilli à la SFIO en octobre 1958, est interrogé comme un expert en la matière, ce qui ne manque pas de sel122. Afin d’appâter ses lecteurs, le journal a même annoncé l’interview à l’avance avec une caricature montrant les dirigeants communistes scandant dans la rue : « Algérie française ! » (fig. 39). En mai 1960, ce sont les « intellectuels torturés » que la SFIO condamne en ces termes : « Les hommes et les femmes de chez nous qui, avec Francis Jeanson, sont entrés dans les réseaux du FLN […] emportés par la passion, se rendent complices des crimes les plus odieux qui soient123. » Et la même année, Guy Mollet publie une série d’articles dans Le Populaire de Paris, « Socialisme, armée et la nation », qui est un plaidoyer implicite pour la politique qu’il a menée avec Robert Lacoste et Max Lejeune124. En Algérie, selon lui :
« La mission de l’armée, ce n’était donc pas seulement de conquérir des territoires, c’était aussi de conquérir pour le progrès, pour la justice sociale, des bandes de terre livrées jusque-là à l’anarchie et à la féodalité. […] Dépositaire de cette volonté nationale tendant à exprimer sur d’autres territoires la justice et le progrès, ce n’est pas la faute de l’armée si d’autres, après elle, ne découvrirent que profit là où elle avait apporté des éléments du droit125. »
43On retrouve d’abord l’antienne de la mission civilisatrice de la France, dévoyée par quelques profiteurs, qui exempte ainsi l’armée coloniale de toute responsabilité. Puis vient l’idée d’une impossible sortie de guerre : « L’armée française se bat, à l’exception de quelques périodes de trêves, depuis plus de vingt années ». Celle-ci se combine avec « la frustration » engendrée par la guerre d’Indochine : « Une partie de nos officiers sont entrés dans cette guerre [d’Algérie] avec le souvenir de leurs déceptions passées et résolus à trouver la raison profonde de leur combat. » Une « caste », constituée d’une minorité de cadres, a ainsi prétendu outrepasser ses fonctions en jouant un rôle politique en Algérie afin d’abattre la République. Or, face à « une guerre subversive », « la tentation était grande pour l’armée de choisir l’efficacité aux dépens d’une stricte légalité ». Mollet renvoie ainsi dos à dos le FLN qui a perpétré des « crimes atroces » sur des civils, et les officiers français responsables de « brutalités », « tortures » et « exécutions sommaires ». Trois ans après avoir quitté la présidence du Conseil, par conséquent, Mollet reconnaît les faits ; mais c’est parce que les officiers ne voulaient pas que leurs sacrifices soient vains que « la fin – morale – va très vite justifier les moyens – immoraux ». Sous couvert d’actualiser L’Armée nouvelle de Jaurès, l’ancien président du Conseil tente, en fait, de répondre aux accusations du PSU et de la « Petite Gauche ». Pour justifier l’action du parti en Algérie, une autre personnalité monte au front : l’ancien gouverneur d’Algérie, Marcel-Edmond Naegelen126.
44De leur côté, les socialistes unifiés127, par-delà la diversité de leurs origines et sensibilités politiques, renouent avec une culture politique pacifiste, non-violente, voire antimilitariste, mâtinée d’anticolonialisme et, à cette fin, proposent une histoire immédiate du conflit fort différente. La défense des droits face au pouvoir gaulliste leur sert, en effet, de ciment. En 1960, ils dénoncent les conditions d’internement dans les camps du Larzac et de Boghari où sont assignés à résidence les Algériens suspects et les qualifient de « séquelles de la vérole nazie ». Ils appellent à soutenir financièrement le Comité Audin et prennent fait et cause pour Henri Alleg128. À l’occasion du Congrès pour une paix immédiate en Algérie des 11 et 12 juin, ils proposent une rétrospective de « 67 mois de guerre » où ils accusent la SFIO, non seulement d’avoir prolongé la guerre par son « jacobinisme » et en acceptant l’envoi du contingent, mais encore d’avoir frayé la route au 13 mai 1958 et à « la liquidation de la démocratie en France » par « ses capitulations successives » devant l’armée et les ultras. Selon le philosophe Robert Misrahi, responsable des jeunes et étudiants PSU de la Seine, « l’insurrection algérienne, comme politisation et rationalisation de la colère » doit être interprétée comme « une insurrection contre le racisme » et ne pas l’avoir compris constitue sans doute la pire erreur des socialistes SFIO129. Quant aux communistes, ils auraient « anesthésié » la classe ouvrière face au gaullisme130. Les socialistes unifiés reviennent à la charge dès juillet, en établissant un parallèle infamant à leurs yeux entre l’affaire Ben Bella d’octobre 1956 et le bombardement de Sakhiet en février 1958 et en mettant publiquement en doute la volonté de la SFIO de voir aboutir les négociations131. En septembre, le PSU dénonce le projet d’avancement de l’âge du service militaire à 18 ans, en juxtaposant des photographies de Balillas de Mussolini, de Chemises noires de Starace et de Jeunesses hitlériennes132. Alors que le PSU soutient les comités d’action civique non-violente, le 19 novembre, il lance un appel aux soldats où il leur rappelle le précédent d’Oradour pour les intimer à désobéir s’ils reçoivent l’ordre de pratiquer la torture133. En juin 1961, une leçon d’histoire dans la Tribune socialiste permet de stigmatiser à nouveau la SFIO134. À la veille du référendum du 8 avril 1962 où le PSU appelle, lui, à voter nul – oui à la paix, non au gaullisme –, Louis Houdeville résume ce qui fonde la légitimité du PSU à gauche : « Dix ans d’un combat d’avant-garde » en reproduisant les gros titres de leur journal et les couvertures de leurs publications135.
45De sorte que, bon gré, mal gré, les représentations de ce passé douloureux doivent évoluer, même chez les socialistes de la SFIO. D’abord, depuis le tournant de mai 1958, la guerre a un nom dans leurs discours ou articles, à Paris comme en province136. Si le vocabulaire officiel contribue à ce que Benjamin Stora appelle « la mise en scène de l’amnésie », pour leur part, les socialistes ont abandonné les périphrases137. Ensuite, le journal molletiste Démocratie va plus loin que Mollet lui-même et tient des propos presque iconoclastes. Son rédacteur en chef, qui n’est autre que le secrétaire fédéral de la Seine, Claude Fuzier, n’hésite pas à regretter en plein congrès que, pour beaucoup de Français, la guerre d’Algérie ait été « une guerre honteuse », « que l’on taisait et sur laquelle on voulait se taire systématiquement138 ». Alors qu’il croit encore possibles la paix et la cohabitation entre les communautés, son envoyé spécial en Algérie, Jean Helmes, affirme que des « atrocités », sur lesquelles il faudra bien un jour faire la lumière, ont été commises de part et d’autre139. Et son rédacteur en chef, qui ne doute plus que l’Algérie sera prochainement indépendante mais qui se demande si les Européens pourront toujours y vivre, fait un mea culpa en reconnaissant que :
« L’Algérie était un mythe, le mythe de la colonisation réussie parce que, contrairement à ce qui s’était passé ailleurs, une colonie de peuplement s’était installée, avait prospéré et avait donné à la terre algérienne un visage apparemment français. Derrière, pour le pittoresque et pour le touriste, des casbahs chères aux romanciers populaires et des bidonvilles signifiant pour les bonnes consciences que l’Arabe est sale et paresseux – n’est-ce pas, une vérité d’évidence. […] D’ailleurs, les Algériens n’avaient cessé de se battre à ses [leurs] côtés. […] L’armée d’Afrique, ce rêve de générations de saint-cyriens et de midinettes, alimentait depuis cent ans une littérature mêlant le patriotisme à la Déroulède à la vocation des missionnaires catholiques et des légions romaines. Et pourtant l’Algérie n’est pas la France140. »
46La mise en valeur du territoire, les bienfaits de la civilisation, le ralliement à la France Libre, tous ces arguments que nous avons vus à l’œuvre précédemment, Claude Fuzier n’en épargne aucun à ses lecteurs. Bonne conscience et ethnocentrisme auraient été masqués par un nationalisme réactionnaire et un orientalisme de pacotille chez tous ceux qui refusaient d’envisager l’indépendance de l’Algérie : il est cinglant. Au lendemain des accords d’Évian, il enchâsse ce conflit dans une « guerre de Dix-Sept Ans » d’Hanoï à Alger, « la guerre de Décolonisation », « la guerre d’une nation qui n’avait pas compris l’étonnante révolution en train de se faire sur son dos » et en conclut qu’il ne peut y avoir de dépendance, même au nom de l’universalisme et aussi lâche soit-elle, que librement consentie141. Par la suite, Démocratie ne fait pas la fine bouche devant des films engagés, tels Muriel d’Alain Resnais en octobre 1963 ou L’insoumis d’Alain Cavalier un an plus tard, qu’ils recommandent vivement à leurs lecteurs142.
47Cependant, au-delà de la guerre d’Algérie, c’est la conception de « la » guerre elle-même des socialistes qui évolue, à moins qu’elle ne renoue avec leur tradition. Ils réaffirment leur attachement à l’armée de la République, et leur condamnation de la tentative de putsch à Alger du 21 avril 1961 est sans appel. Raoul Auzanneau juge même nécessaire de rappeler quelques principes aux Charentais :
« Certains veulent nous présenter l’Armée comme une sorte d’État dans l’État. Et bien non ! Elle n’existe, elle n’a de raison d’être que si elle fait partie intégrante de la Nation et rien n’autorise celui qui détient une parcelle d’autorité à l’utiliser en dehors du bien commun143. »
48L’auteur, libre penseur, pacifiste dans sa jeunesse et membre de Libération-Nord, s’est rallié à la défense nationale sous l’Occupation ; il ne peut pour autant étouffer une méfiance atavique envers les officiers de carrière. De même, si hommage est rendu au « soldat », ce dernier redevient le symbole de l’absurdité de la guerre, tel cet appelé tiré à quatre épingles dans son uniforme, assis sur sa valise en train d’attendre, l’air navré ou perplexe, qui fait la une de Démocratie 61 pour la Toussaint (fig. 40).
Fig. 40. – Le soldat, photographie à la une de Démocratie 61 (2 novembre 1961).

49Le journal, qui évoque toutes les générations de combattants, illustre son analyse du rôle de l’armée en Algérie avec une photographie des tranchées de Verdun, puis dresse le portrait du philosophe Alain, « l’homme aux larges épaules », qui a su endurer toutes les épreuves au nom de son idéal pacifiste144. La figure sacrificielle du poilu redevient omniprésente (fig. 41) avec le problème des « insoumis » pendant la guerre d’Algérie. Alors que le PSU réclame un statut d’objecteur de conscience pour les réfractaires et qu’il soutient publiquement Louis Lecoin, en grève de la faim, le 16 juin 1962, la SFIO lui emboîte le pas145. Or, Lecoin, libertaire et pacifiste intégral, auteur du fameux tract « Paix immédiate ! » du 13 septembre 1939, co-signé entre autres par Marcel Déat, Georges Dumoulin et Ludovic Zoretti, n’a jamais été en odeur de sainteté à la SFIO depuis la Libération. On mesure donc l’évolution, à lire l’hommage rendu au « courageux syndicaliste libertaire » !
50Le 1er mars 1962, à la veille du cessez-le-feu tant attendu, Roger Ikor entreprend, dans une vibrante profession de foi pacifiste, de distinguer « la guerre cataclysme », la nucléaire, « le sous-cataclysme » qu’ont constitué « la guerre modèle 14, modifié 40 », que tous disent abhorrer, de « la guerre de guérilla », de « boy-scouts », celle d’Algérie, car « guerre pour guerriers plutôt que pour soldats, déplore l’écrivain, elle trouve moyen de se faire aimer pour elle-même146 ». Être pacifiste, c’est « refuser l’absurdité de la guerre » et non faire preuve de sensibilité ; les « pacifistes par seule sensibilité […] se sont laissé entraîner à collaborer avec les nazis par seul amour de la paix » rappelle Ikor. Et concluant sur le désarroi d’un tortionnaire dont le témoignage vient d’être publié dans la presse, il espère que la guerre d’Algérie fera enfin de « nous tous de vrais pacifistes ». Quelques jours plus tard, Roger Quilliot publie un étonnant « Actualité de l’affaire Calas » où il associe pêle-mêle :
« Audin, Rajk, Rosenberg, Toukhatchevski, Miquel, Djamila Boupacha, enfants de Budapest fusillés à l’aube de leur majorité après trois ans d’attente, morts d’Auschwitz, de Buchenwald, de Katyn, victimes de la Gestapo, de la Guépéou, de tous les tortionnaires du monde et, hélas, de certains éléments français des forces qu’on dit d’ordre, Calas est partout roué, déchiré, déshonoré avant que d’être mis à mort147. »
51Ni la chronologie, ni la géographie ne sont sans doute volontairement respectées. Or, dans cette macabre énumération, se côtoient des victimes attendues dans un journal SFIO, celles du communisme – des procès de Moscou en 1937 à la Hongrie en 1956 –, des camps de la mort, de Nasser, du maccarthysme – mais aussi, plus surprenantes, celles de la guerre d’Algérie. « L’affaire Audin » est encore chaude, et Djamila Boupacha, condamnée à mort pour terrorisme, n’est pas encore graciée à cette date. Des intellectuels et une avocate en vue, Pierre Vidal Naquet pour l’un, et Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi pour l’autre, se sont mobilisés et aucun d’eux n’est proche du parti socialiste, bien au contraire. Mais ils sont de « gauche ». Sans doute les molletistes espèrent-ils, avec de tels articles, reconquérir leur audience perdue. Du moins jettent-ils un voile pudique sur leur politique algérienne. Sur le terrain, il s’agit aussi d’accompagner le front uni contre « le fascisme » des étudiants qui, au Quartier latin, se mobilisent, le 24 avril 1964, à l’appel de l’UNEF, des UEC, des Étudiants socialistes unifiés (ESU), et encore des ES de Pierre Guidoni, et qui constituent une Convention étudiante pour le socialisme et la démocratie en mai148. En 1972, Roger Quilliot, et peut-être à travers lui Guy Mollet, reconnaissent que « l’affaire algérienne constitue sans doute le plus gros échec de la SFIO », faute d’une majorité sans faille pour la soutenir, et que « faute d’un tel recours, c’était l’enlisement que la minorité socialiste dénonçait, alors, avec lucidité149 ». Le mea culpa vient trop tard à l’heure du PS d’Épinay pour réhabiliter la mémoire du « national-molletisme ».
Fig. 41. – Le poilu, dessin au crayon (anonyme) en une de Démocratie 62 (24 mai 1962).

52Les témoignages qui évoquent l’image de la SFIO auprès des jeunes dans cette période concordent150. Jacques Fleury y adhère à dix-neuf ans en 1960 et demeure un compagnon de Mollet jusqu’à la disparition de son courant à Grenoble en juin 1973 ; guère plus âgé, Lionel Jospin est très hostile au molletisme et séduit par le trotskysme. Or, bien longtemps après, tous deux décrivent une SFIO « très déconsidérée » par sa politique algérienne et le retour du général de Gaulle « dans les fourgons d’un putsch151 ». En 2002, à l’horizon des présidentielles, le Premier ministre fait même de la « faute majeure » du gouvernement Mollet le ressort de son engagement en politique152.
53Après les accords d’Évian de mars 1962, la question des rapatriés s’impose aux socialistes, rapidement dans les Midi et la banlieue parisienne qui les accueillent, plus lentement ailleurs. Cet afflux de gens en détresse, qui constituent autant d’électeurs potentiels, détermine les usages de ce passé sensible. Le maire de Marseille, Gaston Defferre, prévient : « Ce ne sera certes plus “l’Algérie de papa”, la domination raciale avec tout ce qu’elle pouvait comporter d’avantages de toutes sortes pour certains », mais il appelle à voter « oui » au référendum du 8 avril « pour préserver le sort des Français d’Algérie153 ». Dès le 31 mai, le secrétaire général diffuse un long entretien sur « le problème des rapatriés ». Lançant un appel à la solidarité nationale, il balaye l’un de ses anciens préjugés – d’avant le 6 février 1956 : « Il faut se débarrasser de l’idée simpliste qu’ils seraient tous d’anciens gros colons. » « Pour autant, ajoute-t-il, les républicains ont à se préparer à l’idée qu’une minorité s’installera en France avec des sentiments fascistes et un esprit de revanche154. » « Les pieds-noirs » font ainsi leur apparition et Raoul Auzanneau, qui est alors le secrétaire fédéral des Deux-Sèvres, en appelant à les soutenir, provoque les réactions indignées de certains militants qui ne voient en eux que des suppôts de l’OAS155.
54La SFIO doit donc trouver le juste équilibre entre la reconnaissance des erreurs d’autrefois et un passé colonial mythifié, afin de recouvrer la confiance des anticolonialistes tout en ne s’aliénant pas l’électorat pied-noir. « Là, encore toute saignante, notre histoire algérienne qu’il nous a fallu prendre à bras le corps pendant sept années, comment pouvoir déjà l’écrire ? », s’interroge Claude Fuzier à quelques jours de la proclamation de l’indépendance, le 5 juillet 1962. Mais ajoute-t-il, pour l’instant, l’influence de la France et de sa langue en Algérie est encore bien réelle, de même qu’en France, l’image d’Épinal de la conquête d’Alger en 1830, à la une du journal, perdure dans son roman national156. Par la suite, Joseph Begarra se fait le porte-parole des intérêts des rapatriés157. À Périgueux ou à Marseille, la presse socialiste se veut à l’écoute des pieds-noirs et de l’Association des Français d’Afrique du Nord, d’outremer et de leurs Amis (ANFANOMA). Le Populaire du Centre se fait l’écho de leur indignation lorsque, après une entrevue entre de Gaulle et Ben Bella, ils ne reçoivent aucune garantie quant au sort de leurs disparus en Algérie ; Le Provençal tient une « Chronique des rapatriés » et relaie leur colère devant « la caricature d’amnistie » que constituerait la loi de 1964158.
55Au Parlement, en effet, les socialistes, et plus particulièrement leurs élus méditerranéens, réclament l’amnistie, ainsi que la réhabilitation et l’indemnisation, au nom de la réconciliation nationale, rejoignant en cela les radicaux et le MRP. Jugeant peu satisfaisant le projet gouvernemental, ils refusent symboliquement de prendre part au scrutin final de décembre 1964 avec les groupes du Centre démocrate, du Rassemblement démocratique et du PCF159. Au printemps 1966, ils plaident pour une amnistie totale160. Treize ans après celle de 1953 sur l’Occupation, celle-ci n’est plus « une absolution » mais « un acte politique […] nécessaire au bien public ». Marcel Champeix se montre éloquent : « Lorsque la dernière page est écrite, il faut savoir fermer le livre. Si on ne le fait pas, on laisse croire ou espérer que d’autres peuvent être ajoutées161. » Les socialistes seraient-ils, cette fois-ci, en phase avec l’opinion ? Eux aussi ont pu se tromper pendant cette « sale guerre » et l’intransigeance n’est plus de mise. Et puis l’occasion de s’en prendre aux gaullistes est trop belle.
56En novembre 1967, un nouveau projet, défendu par le garde des Sceaux Louis Joxe, vise à maintenir l’amnistie par décret présidentiel au côté de l’amnistie de droit. Les députés socialistes et FGDS se relayent à la tribune pour le dénoncer. Selon le conventionnel Paul Cléricy, il est cause « d’arbitraire et d’injustice, confiant au chef de l’État des pouvoirs exorbitants162 ». Il s’agit d’accuser de Gaulle d’avoir abusé de la confiance des Français d’Algérie ou favorables à l’Algérie française et donc d’être responsable de leurs égarements : le gouvernement « qui s’est hissé au pouvoir aux cris “d’Algérie française !” et de “la France de Dunkerque à Tamanrasset !”, poursuit Cléricy, a-t-il vraiment le droit de détailler ainsi la clémence et de maintenir en prison ceux qui ont eu le tort de le croire et de l’aider à atteindre son but163 ? » Désormais, outre les rapatriés, les socialistes entendent défendre « les soldats perdus ou égarés » par la faute du général de Gaulle164. Après la vague gaulliste de juin 1968, Marcel Massot se moque encore du projet d’amnistie totale de René Capitant en suggérant qu’il a été négocié « au cours d’un mystérieux voyage à Baden Baden » le 29 mai dernier ; un « coup de Massu ! » raille l’un de ses camarades165.
57Politiquement, les socialistes ont pris en compte l’enjeu électoral, particulièrement pressant dans certains territoires, et ont su en faire un cheval de bataille contre le régime gaulliste, même si la loi d’amnistie est votée le 31 juillet 1968166. Ils ont appris également que, même dans le cadre d’une guerre franco-française, l’oubli peut être utile et adoptent une attitude bien moins intransigeante que lors des débats sur l’amnistie de la Seconde Guerre mondiale.
58Parallèlement, la SFIO ne souhaite pas pour autant céder aux chants des sirènes de « la nostalgérie167 ». Ainsi, portées par l’union de la gauche, ses municipalités et sa presse fédérale relayent la mobilisation de la Fédération nationale des anciens combattants d’Algérie (FNACA) qui, depuis son congrès de mars 1963, commémore la fin de la guerre d’Algérie le 19 mars, à la date du cessez-le-feu, alors que l’Union nationale des combattants d’Afrique du Nord (UNC-AFN) considère qu’à cette date la guerre est loin d’être finie et que c’est une aberration. Même une municipalité comme Marseille, où la communauté pied-noire est importante, cède à cette pratique au fort Saint-Nicolas à partir de 1967, et le fait savoir. En revanche, Le Populaire du Centre, diffusé dans le Périgord qui accueille nombre de rapatriés, attend mars 1970 pour se faire régulièrement l’écho des commémorations du 19 mars dans la région168.
59À terme, l’union de la gauche, concrétisée par la candidature unique de François Mitterrand en 1965, si elle ne permet pas une mémoire partagée sur la guerre d’Algérie, atténue la brûlure de son souvenir. D’ailleurs, à l’occasion de son centenaire en septembre 1964, l’Internationale socialiste n’a-t-elle pas affirmé défendre, par essence, la paix mondiale et lutter contre toute forme de dictature ou de colonialisme (fig. 42) ? Le 23 avril 1966, la Conférence nationale sur l’affaire Ben Barka est l’occasion de réunir non seulement toutes les formations partisanes et syndicales de la gauche, mais aussi la famille socialiste. Au Comité national pour la vérité sur l’affaire se côtoient, entre autres, Jules Moch, Maurice Deixonne, Ernest Cazelles, Pierre Herbaut, Augustin Laurent de la SFIO et André Hauriou, Robert Verdier et Gilles Martinet du PSU169. Il n’y est question que de « morale » et de « vérité » bafouées par le pouvoir gaulliste, et nulle référence malvenue au passé ne vient troubler l’harmonie des discours.
60La guerre d’Algérie, par conséquent, fait rejouer les mémoires de guerre et, à chaud, sert à se démarquer au sein de la gauche. Sous les coups de butoir de la Nouvelle Gauche, les molletistes passent du déni à la reconnaissance de ce passé récent et adoptent assez vite un discours de justification sur l’Algérie, tout en cherchant à renouer avec la tradition socialiste de rejet de la guerre autre que défensive. De sorte que, progressivement, la mémoire de la guerre d’Algérie présente un alliage singulier dans l’imaginaire collectif des socialistes, SFIO ou autres. La mémoire patriotique, si elle ne s’est pas évaporée, s’est encapsulée dans un pacifisme « plus jamais ça » hérité de 14-18 et une mémoire éthique venue de la Résistance qui intègrent désormais les guerres coloniales. C’est cette mémoire de guerre qui est transmise aux jeunes générations.
Fig. 42. – Les objectifs de l’Internationale socialiste (Démocratie 65, 29 avril 1965).

La guerre sans fin
61Dans l’imaginaire de gauche, le fil rouge de sa légitimité historique depuis la Révolution française demeure sa lutte pour la liberté et l’égalité. De la Terreur blanche aux Versaillais, sa mémoire charrie peu ou prou un récit linéaire et téléologique, qui rejoint celui, lavissien, des hussards noirs de la République au lendemain de la Grande Guerre. Le Rassemblement populaire contre le fascisme s’y insère naturellement depuis la Libération, tout comme la lutte dans la Résistance contre Vichy. Au-delà de l’usage politique récurrent de l’antifascisme à chaque tentative d’union de la gauche, il ne faut pas mésestimer la peur viscérale des militants, convaincus que le fascisme est une hydre et que la guerre qu’il engendre est sans fin. Claude Fuzier écrit ainsi à propos de l’OAS :
« Éternité de l’Histoire. Le fascisme d’aujourd’hui a sa presse qui hurle de haine chaque jour. Les républicains sont salis comme l’étaient ceux de 1934. Les complicités sont les mêmes. La violence est la même. Le racisme est le même. Et mêmes aussi les graffiti sur les murs de Paris170. »
62Cette mémoire écran, ravivée par des violences de guerre bien réelles de part et d’autre, détermine l’appréhension du terrorisme et de la façon dont le pouvoir gaulliste y fait face.
63Après s’être ralliés à de Gaulle en juin 1958, les socialistes SFIO sont persuadés que le fascisme, ressuscité de ses cendres en Algérie, menace à nouveau la République. Cependant, ils restent méfiants : peuvent-ils accorder leur confiance au Général au nom de son glorieux passé pour la sauvegarder, et doivent-ils soutenir sa politique ? Dès leur congrès de juillet 1959, on l’a vu, quand les uns saluent encore et toujours « l’homme du 18 juin », François Tanguy Prigent peut déclarer : « Il est possible que la triste aventure de la guerre d’Algérie dure encore avec l’installation progressive d’un régime franquiste en France, avec l’exploitation du mythe Association Capital Travail, comme au temps de Pétain171. » La scission a beau être minimisée à tout bout de champ, une longue mise au point de Mollet, « Retour sur le passé. De mai 1958 à aujourd’hui », semble nécessaire pour réfuter les arguments du PSA en réaffirmant que de Gaulle était et reste le seul rempart possible face au fascisme172. La semaine des barricades en janvier 1960 avait déjà conforté les molletistes dans leur choix. Maintenant, avec la tentative de putsch des généraux fermement réprimée par de Gaulle en avril 1961, la SFIO se targue d’avoir eu raison seule contre tous173. Mais le PSU ne l’entend toujours pas de cette oreille : l’usage de l’article 16 révèle que « à la faveur de la mutinerie, un régime dictatorial s’instaure », et les responsables en sont Guy Mollet et ceux qui l’ont suivi, selon Oreste Orenfeld. Pour illustrer sa diatribe, une curieuse photographie montre un Mollet tentant de marcher au même pas cadencé que le Général en uniforme (fig. 43)174. Et dès juin 1961, les jeunes du PSU entendent « réagir contre ce mythe de l’incarnation de la lutte [la Résistance] en un homme qui sert beaucoup plus la politique actuelle de pouvoir personnel que la recherche de la vérité175 ». La « vieille maison » autoproclamée doit donc encore se refaire une légitimité de gauche en réécrivant son passé immédiat pour rejoindre le concert des antigaullistes. Sa presse n’hésite plus à évoquer « la gangrène » à propos de la torture, mais c’est pour en attribuer la responsabilité au pouvoir gaulliste ou, du moins, l’accuser de fermer les yeux, ce qui ne manque pas de piquant176. Démocratie 62 feint de s’interroger : « Est-il possible que derrière la haute silhouette du libérateur de la patrie, nous devions voir se profiler longtemps encore l’ombre des bourreaux177 ? »
64Le trait se durcit face à l’activisme de l’OAS. La gauche dans son ensemble y voit d’emblée une résurgence du fascisme et, à l’instar des membres de l’OAS eux-mêmes, considère que la guerre n’est pas finie, quitte à la poursuivre en métropole178. Un rassemblement populaire est urgent, mais qui en sera à l’initiative ? PSU et SFIO sont au coude-à-coude et, alors que leurs dirigeants se chamaillent par voie de presse, sur le terrain, des accords unitaires entre syndicats et partis de gauche se réalisent jour après jour dans les Côtes-du-Nord, à Béziers, à Saint-Étienne, dans le Tarn, le Maineet-Loire179… Mobiliser la mémoire des années trente et de la Seconde Guerre mondiale est donc plus que jamais d’actualité, et ce jusqu’à la surenchère.
Fig. 43. – Mollet dans les pas de de Gaulle, photographie (Tribune socialiste, 6 mai 1961).

Fig. 44. – Rafles, une de Tribune socialiste (14 octobre 1961).

65 Tribune socialiste compare « les mesures policières et racistes » en Algérie à celles des SS dans l’Europe occupée, en juxtaposant l’image iconique du garçonnet raflé dans le ghetto de Varsovie à celle d’une arrestation d’Algériens dans le bled par des soldats et gendarmes français (fig. 44). La sanglante répression des travailleurs algériens à Paris le 17 octobre 1961 suscite immédiatement une commune indignation et les mêmes réminiscences de l’Occupation, mais c’est le PSU qui réussit à organiser une vaste manifestation à Paris, à la Toussaint, avec un slogan « Halte au fascisme et à la guerre » qui fait écho au Front populaire180. Lorsqu’en novembre 1961 le secrétaire de la fédération SFIO d’Alger, ancien résistant et juif, William Lévy, est abattu par « les Sections Spéciales de l’OAS » – « ce n’est pas nous qui l’inventons ! » s’écrie Claude Fuzier – la SFIO hausse le ton à son tour181. Elle dénonce « la gangrène qui corrompt les institutions » et soupçonne les « paras » d’être eux aussi de nouveaux « Waffen SS182 », quand Tribune socialiste associe l’OAS à la croix gammée (fig. 45) et, pour faire bonne mesure, à l’assassinat de Matteotti en 1924 et à l’internement des antifascistes dans les îles Lipari, photographies à l’appui183.
Fig. 45. – « OAS = SS » (Tribune socialiste, 22 janvier 1962).

66En février 1962, « comme chaque année, à pareille époque, c’est un devoir pour nous de nous servir du 6 février 1934 », annonce sans fard Démocratie 62 qui entend tirer les leçons de l’Histoire. Car, « tel un mauvais phénix », le fascisme renaît de ses cendres avec Salan, Soustelle et consorts. Guy Mollet prévient que « les hommes qui croiraient possible de récupérer les membres de l’OAS commettraient la même erreur que Hindenburg le jour où il a fait entrer Hitler dans son gouvernement », sans désigner explicitement les gaullistes184. La SFIO tente de restaurer un magistère moral mis à mal en suscitant la création d’un Comité national d’action contre l’OAS avec le parti radical-radical socialiste, le Centre des indépendants de gauche et socialistes indépendants, le Club des Jacobins, la Fédération nationale des Combattants républicains (FNCR) et la LICRA. Le PSU, sollicité en vain, est accusé d’avoir « saboté » l’accord, alors que cette « union de la gauche démocratique » exclut le PCF. Le 8 février, la manifestation anti-OAS organisée par les syndicats185, le PCF et le PSU tourne au tragique au métro Charonne et fait neuf morts. Élus SFIO de la Seine, tels Georges Dardel et Michel Sarre, et dirigeants PSU, tel Pierre Stibbe, participent ensemble à la manifestation antifasciste unitaire du 12 février, puis aux obsèques des victimes au Père-Lachaise, près des tombes communistes, au mur des Fédérés, le lendemain : « Devant les morts du 8 février, la gauche se retrouvait donc », conclut Démocratie 62, photographie de Pierre Mendès France et Charles Hernu à l’appui186. Cependant, c’est le PSU qui fait mouche avec une affiche rouge sang : le traditionnel poing fermé s’abat sur la tête de mort d’Hitler, avec le sigle « OAS » en guise de nez et d’yeux et la croix gammée à la place de la bouche (ill. 8, cahier hors texte)187. Un échelon est franchi. La SFIO va désormais amalgamer, elle aussi, OAS, fascisme et gaullisme.
Fig. 46. – Franco et de Gaulle « La politique du Godillot », Senti (Démocratie 62, 10 mai 1962).

67En mai 1962, Claude Fuzier accuse le gouvernement Pompidou de faire le lit du « fascisme indivisible » en recherchant « l’amitié de Franco », alors que Salan et Lagaillarde se sont réfugiés en Espagne, et en permettant « l’éclosion de l’OAS ». Une caricature de Senti montre le dictateur espagnol en « godillot » de de Gaulle (fig. 46)188. Rattrapant leur retard sur le PSU, les socialistes dénoncent et démontent à leur tour le mythe de l’homme providentiel : grâce à l’article 16, « de Gaulle poursuit le dialogue avec son personnage historique et le monologue avec “son” peuple189 ». La commémoration, le 11 juin, du vingt-cinquième anniversaire de l’assassinat des frères Rosselli par la Cagoule en France sur ordre de Mussolini est l’occasion, pour la SFIO, de s’associer à une manifestation parlementaire antifasciste franco-italienne et, pour son journal, de filer la comparaison historique : « William Lévy retrouve dans la mort Carlo et Nello Rosselli », écrit Fuzier190. Jacques Soustelle, en exil en Italie, est brocardé, partageant le même plat de spaghettis avec le caudillo et un SS, sous l’effigie d’Hitler et les faisceaux de Mussolini (fig. 47). L’attentat manqué du Petit-Clamart du 30 août ne change rien à cette ligne : les commanditaires de l’OAS sont « eux-mêmes prisonniers du mythe qu’ils prétendent combattre » et la République, grâce à « la gauche démocratique », est capable de lui survivre191.
68En fait, la solution mémorielle la plus satisfaisante pour les socialistes est de dire qu’il y a deux de Gaulle : le résistant de la Seconde Guerre mondiale et l’homme politique d’après la Libération192. Le premier mérite qu’on le commémore, le second qu’on le combatte, sans que l’on puisse articuler les deux en un parcours cohérent, mais il ne leur revient pas d’écrire sa biographie. Après avoir appelé à refuser l’élection du président de la République au suffrage universel lors du référendum d’octobre 1962, les candidats SFIO font campagne aux législatives en mobilisant toutes leurs guerres passées contre « un “Guide” inconnu, aux appétits sans doute démesurés » qui surgit « comme un sauveur suprême193 ». Avec les municipales de mars 1965, trois ans plus tard, « régime de pouvoir personnel » oblige, le souvenir de « l’homme du 18 juin » sombre dans l’oubli et, avec lui, opportunément, le ralliement des socialistes en juin 1958194.
Fig. 47. – Jacques Soustelle en exil (Démocratie 62, 23 août 1962).

69Après la création de la FGDS en septembre 1965, puis la candidature unique de la gauche aux présidentielles, il s’agit de combiner la représentation d’un de Gaulle bonapartiste avec le souvenir mythifié du Rassemblement populaire. Dès l’automne 1965, la SFIO se pose en championne de l’union de la gauche : Guy Mollet lance un appel à « l’union de la Résistance » depuis la citadelle des fusillés d’Arras le 19 septembre, puis Le Populaire de Paris invite à ne pas réitérer les erreurs de 1936 et 1944195. Les socialistes trouvent leur chantre en la personne de l’auteur du Coup d’État permanent, François Mitterrand, dont ils relayent désormais les arguments. Alors qu’il a mis de Gaulle en ballottage en décembre 1965, son discours du 13 avril 1966 à l’Assemblée nationale où il dénonce les dérives d’un pouvoir personnel est largement repris et salué par la presse et le congrès socialistes196. Lorsque André Philip, Roger Stéphane et autres apportent leur soutien à la politique étrangère gaullienne, leur journal peut écrire en mai :
« Reprenant le chemin qui conduisit des conventionnels à se rallier au Premier Empire, des internationalistes à voir dans Napoléon III un ami sûr, et d’autres hommes de gauche à finir par se laisser convaincre par le boulangisme ou par certains aspects du vichysme, ils montrent qu’il ne suffit pas de se vouloir à gauche pour l’être réellement197. »
70En faisant de sa lutte actuelle contre le gaullisme l’aboutissement de tous ses combats passés contre le césarisme, le parti veut retremper son identité dans l’histoire de « la gauche ». Le trentième anniversaire du Front populaire arrive à point nommé en 1966.
71D’abord, en avril, le pèlerinage annuel sur la tombe de Léon Blum à Jouy-en-Josas donne lieu à une commémoration de belle envergure. Depuis que son fils, Robert, a quitté le PSU en 1961 avec d’autres, la SFIO a retrouvé sa préséance sur la commémoration et, cette année, la fanfare des mineurs de Hénin-Liétard a fait le déplacement198. Et puis c’est l’occasion pour les socialistes de croiser la plume avec les gaullistes de Nation qui vilipendent « l’expérience de 1936 », de dénoncer « les détracteurs toujours aussi réactionnaires du Front populaire199 » et, enfin, de rappeler le plaidoyer de l’ancien président du Conseil à Riom en faveur de « l’embellie » de 1936 :
« Vous pouvez nous condamner. Je crois que même par votre arrêt vous ne pourrez pas nous chasser de l’histoire de ce pays. Nous avons, dans un temps bien périlleux, personnifié et vivifié la tradition authentique de notre pays qui est la tradition démocratique et républicaine200. »
72Les socialistes ont donc l’Histoire pour eux, comme le prouve encore l’œuvre éditoriale de Georges Lefranc auquel Fuzier rend un hommage appuyé, loin des anathèmes de la Libération201. Le 14 juin 1966, la FGDS peut fêter à la Mutualité ce trentième anniversaire en grande pompe. « Sous l’immense portrait » de Léon Blum, François Mitterrand y apparaît au côté de Jules Moch, l’ancien secrétaire général du gouvernement, et se voit ainsi adoubé comme l’héritier de l’ancien président du Conseil202.
73Cette vision inchoative du Front populaire, revivifiée à l’occasion de son trentième anniversaire, redonne chair et consistance à la guerre sans fin contre le fascisme. Deux ans plus tard, au lendemain de la déclaration de de Gaulle du 30 mai 1968, le président de la FGDS n’a donc qu’un pas de plus à franchir :
« La voix que nous venons d’entendre, elle vient de loin dans notre histoire. C’est la voix du 18 Brumaire, c’est la voix du 2 décembre, c’est la voix du 13 mai. C’est celle qui annonce la marche du pouvoir minoritaire et insolent contre le peuple, c’est celle de la dictature. […] Le général de Gaulle vient de faire un acte qui est un appel à la guerre civile. L’opposition et la gauche y répondront avec sang-froid et résolution203. »
74« Un appel à la guerre civile » : le PSU ne dit pas autre chose204. La campagne législative se joue sur le même registre, et l’anniversaire du 18 juin, en 1968, voit aboutir une théorie du complot rétroactive : de Gaulle s’étant réconcilié avec ses complices du 13 mai 1958, « les néo-fascistes » passeraient à l’attaque205. De sorte que, la défaite de la gauche consommée, la rencontre entre la France et de Gaulle devient définitivement « un malentendu », fruit d’un « étrange humour » de l’Histoire : « l’homme du 18 juin s’est trouvé lié à un régime politique qui est à l’opposé de ses conceptions les plus profondes206 ».
75De Gaulle désavoué et ayant démissionné en avril 1969, lors du congrès national constitutif du nouveau Parti socialiste qui suit, Pierre Mauroy évoque « une sorte de dictature constitutionnelle » et Claude Fuzier « une république autoritaire207 ». La mémoire patriotique de la Seconde Guerre mondiale qui intégrait de Gaulle au récit des socialistes est désormais balayée par la bipolarisation du combat politique. Le soupçon, de plus ou moins bonne foi, s’est mué progressivement en une théorie rétroactive du complot qui pourrait permettre, à terme, de ressouder une gauche désunie face à la droite en partie rassemblée derrière Georges Pompidou.
76La guerre d’Algérie engendre un double processus mémoriel. D’une part, elle décante la mémoire de la Résistance et de l’Occupation de manière différenciée chez les socialistes. Elle la réduit chez les uns à un attachement viscéral à la patrie et donc à la République une et indivisible, alors qu’elle ne conserve chez les autres que la défense des valeurs républicaines et des droits de l’homme. Toutefois, de Gaulle revenu au pouvoir à la faveur du 13 mai 1958, puis les accords d’Évian signés en mars 1962, la mémoire de la SFIO stigmatisée pour son « national-molletisme » par la Nouvelle Gauche, évolue bon gré mal gré. L’autojustification cède progressivement la place à un discours plus nuancé qui, à l’instar du PSU, reconnaît les atrocités engendrées par la guerre coloniale et renoue avec un pacifisme, certes pas défaitiste, mais néanmoins de principe. D’autre part, la guerre d’Algérie conforte, chez tous, la représentation d’une guerre inachevée de la gauche contre le fascisme depuis le Front populaire. Cette conception de l’Histoire offre aux socialistes une grille d’interprétation appropriée à la bipolarisation de la vie politique française, laquelle, de Gaulle retiré du pouvoir en avril 1969 et remplacé par son ancien Premier ministre Georges Pompidou, ne cesse de s’accentuer. Face à une droite qui juge la gauche incapable de gouverner et qui lui dresse d’incessants procès en légitimité, cette plus petite mémoire commune peut contribuer à son union et permettre aux socialistes d’envisager l’alternance. Cet espoir va s’incarner en un homme au passé pourtant controversé, tant pour l’Occupation que pour la guerre d’Algérie, mais qui va réussir à imposer sa représentation de l’héritage.
François Mitterrand, « un homme du passé »
77À l’automne 1965, la droite accuse la gauche de vouloir revenir à la IVe République, régime qu’incarnerait son candidat unique, François Mitterrand, « l’homme du passé208 ». Or le ralliement de la SFIO et du PSU à sa candidature ne va pas de soi, non seulement pour des raisons de stratégie politique, mais aussi et peut-être surtout parce que l’homme est précédé d’une entêtante odeur de soufre. L’affaire de l’Observatoire, qui s’est soldée par la levée de son immunité parlementaire en novembre 1959, a relancé l’accusation selon laquelle il aurait appartenu à la Cagoule dans les années trente209. Tout au long des années 1950, les rumeurs sont allées bon train sur son rôle à Vichy et, cristallisant la vindicte, sur cette francisque qu’il a reçue des mains de Pétain, sans doute à la fin du printemps 1943210. En octobre 1958, le pamphlétaire d’extrême-droite Henry Coston a écrit un brûlot intitulé : « Cet homme est dangereux211. » Nul doute que les socialistes, qui ont vu se succéder quatre d’entre eux au ministère de l’Intérieur entre septembre 1944 et février 1950, n’ignorent rien de ce qui peut alimenter les ragots. Qu’en 1994 l’ouvrage de Pierre Péan sur la « jeunesse française » du président de la République fasse l’effet d’une bombe, dans une opinion publique qui découvre l’existence de vichysto-résistants, ne doit pas faire oublier que le passé trouble de Mitterrand est connu dès la Libération par la classe politique, et que lui-même doit l’édulcorer. À peine élu député en novembre 1946, il déploie ainsi une geste résistancialiste dans sa circonscription nivernaise212. Cependant, les insinuations ou interpellations sur son rôle sous l’Occupation sont fréquentes et ne sont pas l’apanage des feuilles d’extrême-droite. Les socialistes SFIO et PSU n’en finissent pas moins par s’accommoder du mystère Mitterrand, eux qui ont fait preuve d’une grande intransigeance à l’égard de leurs propres élus lors de l’épuration, et leurs motivations interrogent.
« Rastignac ou Salengro ? »
78« Ce Mitterrand, je l’aime bien. C’est un garçon romanesque : je veux dire, un personnage de roman. Il sort, à quelques lieues de chez moi, du terroir charentais, comme Rastignac », écrit François Mauriac, en 1954, dans son « Bloc-Notes » de L’Express, alors que Mitterrand devient ministre de l’Intérieur de Mendès France. Cinq ans plus tard, c’est en comparant le héros de Balzac au ministre du Front populaire qui s’est suicidé que Démocratie 59 fait le point sur « l’affaire Mitterrand-Pesquet », dite aussi de l’Observatoire, le 30 octobre 1959 : Mitterrand est-il un arriviste aux dents longues ou la victime d’un complot de l’extrême-droite213 ? Entre le héros balzacien et le ministre martyr, le gouffre semble profond, mais les socialistes ont vécu les vagues de haine contre Léon Blum tout au long de sa vie jusqu’à l’impardonnable nécrologie de L’Humanité le 31 mars 1950, et savent ce qu’est la calomnie214. Or, s’il reste pour beaucoup une énigme, François Mitterrand a esquissé une autobiographie qui fait la part belle, dès 1945, au prisonnier de guerre évadé et au résistant. Depuis son accession au portefeuille des Anciens Combattants et victimes de guerre dans le gouvernement Ramadier en janvier 1947, il fait l’objet de rumeurs sur son passé, voire d’attaques en règle de la part des communistes et surtout de la droite et de l’extrême-droite. Il n’en demeure pas moins que l’audience de son Coup d’État permanent publié en 1964 fait de lui l’un des premiers opposants au gaullisme selon Guy Mollet lui-même215, et donc une personnalité de l’opposition avec laquelle il faut compter.
79Très vite, le président du Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés (MNPGD) comprend la nécessité d’imposer sa version de son parcours sous l’Occupation. Si l’on suit l’argumentation développée par François Mitterrand dans ses confidences à Pierre Péan en 1994, il était difficile de faire des choix pertinents et de ne pas commettre d’erreurs pour un jeune homme à cette époque216. Or, à la Libération, il lui semble sans doute impossible de faire admettre à l’opinion un positionnement aussi complexe que le sien, conciliant pétainisme et résistance. C’est pourquoi il consacre, mine de rien, plusieurs pages de son opuscule, Les prisonniers de guerre devant la politique217, à une mise en récit de son engagement résistant pendant la guerre, laquelle sert ensuite de matrice aux bribes autobiographiques qu’il lâche de-ci de-là aux journalistes ou aux biographes autorisés. Comme arguments d’autorité, le petit livre est préfacé par le MRP André Colin, héros de la Résistance et ancien membre du CNR, et il reproduit un texte signé du pseudonyme dans la clandestinité de l’auteur, Morland, adressé aux responsables départementaux de la Résistance, « Allons vite ! » Dès l’incipit, il y rappelle qu’après son évasion, il est entré dans la Résistance le 15 août 1942 et fait coïncider cette date avec la naissance, selon lui, du premier mouvement de prisonniers de guerre. Le lecteur n’y trouve nulle allusion à son emploi à la documentation générale du directoire de la Légion des combattants et des volontaires de la Révolution nationale à Vichy de janvier à avril 1942, ni à ses relations avec l’ancien cagoulard Gabriel Jeantet, ni bien entendu à sa francisque attribuée par Pétain au printemps 1943. Pourtant, d’après les témoignages recueillis par Péan, aux amis qui s’étonnaient de la lui voir arborer, il aurait argué qu’elle pourrait servir de couverture à ses activités clandestines dès l’été 1943218. Il n’est toutefois pas encore question de double jeu en 1945 : cet argument ne deviendra explicite que plus tard. Après avoir été battu dans la 5e circonscription de la Seine en juin 1946, il est élu sur une liste d’Unité et action républicaine dans la Nièvre en novembre. D’après Éric Duhamel, son passage à Vichy rassure les notables modérés, alors que les résistants décimés par la répression dans le Morvan voient en lui l’un des leurs219. En l’occurrence, ne pas être d’une seule pièce payerait. Le nouveau député UDSR ritualise son hommage, tous les 26 juin, aux victimes de Dun-les-Places, Oradour nivernais brûlé par les Allemands où 27 otages ont été exécutés. En 1948, il y vient en ministre des Anciens combattants et victimes de guerre et, en 1949, en ministre de l’Information, accompagné par le général de Lattre de Tassigny qui remet la Croix de Guerre au village martyr, ainsi qu’à Montsauche, Planchez et Nevers220.
80Parallèlement, connu pour son anticommunisme, ministre des gouvernements Ramadier et Schuman, Mitterrand est nommément désigné comme l’un des « insulteurs du parti des fusillés », le 14 novembre 1948, par L’Humanité Dimanche, qui le dénonce comme « l’un des premiers vichystes221 ». Or, la veille même de ce pamphlet, un délégué du Cher déclarait au conseil national de la SFIO : « On raconte qu’il a porté la francisque222. » En même temps, Mitterrand compte de fidèles soutiens au parti de Guy Mollet, comme Georges Beauchamp, son ami de jeunesse, ainsi qu’Étienne Gagnaire, tous deux membres du MNPGD. Il est donc difficile d’établir avec exactitude la date depuis laquelle les socialistes sont informés de cette encombrante décoration et surtout quel sens ils lui confèrent : adhésion à la Révolution nationale ou double jeu ? À partir de 1954, les papiers Guy Mollet attestent que la cité Malesherbes connaît le bruit selon lequel il existerait une bande des Actualités françaises que Jean Pierre-Bloch – alors à la tête de la Société nationale des entreprises de presse (SNEP) –, aurait préféré céder à Robert Lazurick, directeur de L’Aurore, et qu’elle aurait « coûté très cher aux fonds secrets des ministères » où Mitterrand est passé. N’ayant jamais refait surface, cette bande n’existe sans doute pas, et cette rumeur a dû être entretenue par la fameuse photographie de l’employé du Centre d’entraide en compagnie de Pétain, bien antérieure à l’attribution de sa francisque223.
81Rappelons que, dans cette période, il est monnaie courante d’instrumentaliser le passé, soit pour entonner l’air de la calomnie, soit pour s’auréoler d’une gloire résistante usurpée. Quelques imposteurs ont déjà défrayé la chronique, tel Jacques Ducreux, député des Vosges, qui s’est révélé, en 1952, être un ancien collaborationniste224. Or, anticommuniste, Mitterrand se pose également en farouche antigaulliste, très hostile au RPF, au sein même de l’UDSR en 1948 ; et en novembre 1953, il y évince René Pleven de la présidence225. Il ne manque donc pas d’ennemis.
82Au milieu des années 1950, les relations de son frère et de sa sœur avec des Cagoulards, ainsi que son emploi en 1945-1946 à Votre Beauté, magazine féminin du groupe l’Oréal d’Eugène Schueller, financier de la Cagoule, obtenu grâce à son ami de jeunesse André Bettencourt, entretiennent une rumeur qui s’installe dans le paysage politique. Le 3 décembre 1954, elle fait irruption à l’Assemblée nationale lorsque le député indépendant de l’Oise, Jean Legendre, insinue que « la nouvelle Cagoule », dénoncée par L’Express dans l’affaire des fuites, a dû éveiller chez Mitterrand « des souvenirs personnels ». Péan note, à juste titre, que la droite s’esclaffe parce qu’elle est persuadée qu’elle, elle sait226. Raymond Dronne, gaulliste de la Sarthe, va plus loin en rappelant au ministre de l’Intérieur qu’il a « arboré successivement la fleur de lys et la Francisque d’honneur », provoquant un démenti de Mitterrand : « Tout cela est faux ! » Emmanuel d’Astier de la Vigerie et Pierre Mendès France volent à son secours, mais il n’est alors pas question de double jeu227. Le 7 octobre 1955, lors d’un débat sur le Maroc, le député PRL Pierre Montel l’interpelle : « Je crois, M. Mitterrand, qu’il vaut mieux ne pas évoquer le passé. N’est-ce pas ? », provoquant les « rires à droite et à l’extrême-droite » et des « exclamations sur divers bancs à gauche ». Mitterrand réplique immédiatement que : « C’est une entreprise générale de calomnie ! » Ce à quoi son adversaire rétorque : « Je suis à votre disposition, M. Francisque Mitterrand, pour vous donner les précisions nécessaires quand vous voudrez », à nouveau sous les rires de la droite et de l’extrême droite. Mitterrand ne baisse alors pas la garde, réitère que c’est de « la calomnie » et suscite les « applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs au centre et à droite228 ». Crier « Francisque Mitterrand » est désormais un rituel dans certains milieux politiques.
83Rien de ce que croient les socialistes à propos du passé de François Mitterrand ne transparaît ni dans la sténographie des débats parlementaires, ni dans leur presse, voire dans leurs délibérations internes. Sous réserve d’inventaire, il est vraisemblable que, pour la plupart, dans la mesure où l’engagement résistant de Mitterrand ne fait aucun doute à leurs yeux et qu’il est la cible de la haine déchaînée d’adversaires avec lesquels eux-mêmes ne cessent de ferrailler, ils préfèrent s’abstenir de prendre parti. Quant à ceux qui n’en pensent pas moins, ils y voient peut-être une assurance pour l’avenir si le personnage devenait incontrôlable. Même si leur mémoire officielle – on l’a vu – ne laisse guère de place à la complexité des itinéraires sous l’Occupation, ils semblent être capables de fermer les yeux dès 1954, avant même que Mitterrand ne devienne ministre de Guy Mollet en 1956. Quarante ans plus tard, la révélation de sa fidélité envers René Bousquet et la mémoire vive de la Shoah des années 1990229 rendront cet accommodement bien plus difficile.
84À une autre échelle, dans son bastion nivernais, Mitterrand, dont l’art de cultiver les réseaux est connu, a noué des relations amicales avec le chef du maquis de Saint-Brisson Montsauche, Joseph Pelletier de Moux. Conseiller général de Montsauche depuis 1949, il fait donc de la reconstruction du canton la priorité de son mandat. Conseiller municipal de Nevers depuis 1947, il participe au dixième anniversaire de sa Libération en août 1954 et, le 19 septembre, il peut inaugurer le monument à la Résistance nivernaise en tant que ministre de l’Intérieur. À partir de 1957, il préside le comité pour la construction du mémorial de Dun-les-Places, qu’il inaugure le 26 juin 1958 au cours d’une cérémonie à l’audience régionale230. Cependant, depuis son arrivée sur son territoire, la SFIO nivernaise se méfie de lui et supporte mal ses alliances tactiques avec le PCF. Lorsqu’en novembre 1958, alors qu’elle soutient le Dr Benoit à Nevers contre lui, le Progrès social du Centre s’écrie : « De la francisque à l’extrême-gauche, buvant le calice jusqu’à la lie, “Mitterrand le déloyal” va au comble de l’abjection. La légende est détruite, mais cet homme est dangereux », n’hésitant pas à reprendre à son compte la diatribe d’Henry Coston231.
85Aux lendemains de la crise du 13 mai 1958, Mitterrand reproche à de Gaulle de ne pas avoir condamné « les factieux », le soupçonne de dériver vers l’instauration d’un pouvoir personnel et lui refuse son investiture232. Dans sa profession de foi de novembre, il déclare que, s’il a servi sous ses ordres pour libérer la France et s’il était à ses côtés à l’Arc de Triomphe le 26 août 1944, il est fermement opposé à « l’homme qui a tourné le dos aux idéaux de la Résistance ». À cette date, Mitterrand est donc en phase avec les minoritaires de la SFIO, qu’il a côtoyés à l’Union des Forces démocratiques, mais pas avec ceux qui, comme Guy Mollet, considèrent que de Gaulle est le dernier rempart de la République. Battu dans la Nièvre, Mitterrand voit l’UDSR disparaître du Palais-Bourbon, mais il se rapproche des communistes, en particulier du député Robert Gillot, ce qui lui permet d’être élu maire de Château-Chinon et sénateur de la Nièvre en mars-avril 1959233. La ténébreuse affaire de l’Observatoire, digne de La Comédie humaine, le ramène sur les devants de la scène le 20 octobre 1959234. Son ami Georges Beauchamp multiplie alors les courriers pour expliquer à ses proches la machination dont il serait victime. « Ils ont manqué leur coup, car ils ne l’ont pas tué, et il a été assez fort pour ne pas suivre le chemin d’une autre de leurs victimes, Roger Salengro », écrit-il à Pierre Merli235. C’est dans ce contexte que Démocratie 59 se demande si Mitterrand est « Rastignac ou Salengro236 ». Un mois plus tard, le journal aimerait être sûr de son innocence, mais, quoi qu’il en soit, alerte sur le nombre de personnalités politiques « qui ont été l’objet, ces derniers mois, de menace de mort ou de tentative d’intimidation237 ». La fédération SFIO de la Nièvre, quant à elle, réclame toujours sa tête au secrétariat général et veut que les socialistes votent la levée de son immunité parlementaire238. En vertu de quoi, Guy Mollet demande que la liberté de vote soit exceptionnellement accordée au groupe de sénateurs, lesquels en usent : les uns votent la levée de l’immunité, d’autres s’y opposent avec le groupe communiste comme Gaston Defferre, et d’autres enfin préfèrent s’abstenir239. À cette date, Mitterrand ne fait donc pas l’unanimité à la SFIO. Or, il en est de même au PSA.
86L’histoire du camouflet subi par François Mitterrand, qui voit sa demande d’adhésion refusée en juin 1959 alors que celle de Mendès France est acceptée, est connue. L’on raconte, chez les anciens militants, que ce serait notamment Alain Savary qui s’y serait opposé et que ce rejet aurait été suscité par « l’histoire de la francisque240 ». Le procès-verbal de la CAP du 17 juin 1959 évoque, en effet, « une longue discussion » mais l’édulcore. Savary déclare que « son adhésion risquerait de dénaturer le parti et qu’elle se heurterait à une forte opposition de nos militants et d’éléments prêts à nous rejoindre », et Jean Rous que si celle de Pierre Mendès France « aurait un écho très favorable à l’étranger et que l’ensemble des militants serait disposé à l’admettre, il n’en serait pas de même pour Mitterrand241 ». Dans ses mémoires, Édouard Depreux juge que l’on « a colporté tellement de rumeurs à ce sujet », qu’il veut révéler toute la vérité, mais se contente de dire que son adhésion avait été « vivement controversée ». Il qualifie leurs réserves à son égard de strictement « politiques » : « Ce n’est pas chez nous qu’on a ramassé, dans les poubelles des modernes Gringoire, je ne sais quel ragot de caractère personnel242. » À l’automne 1960, lorsque Charles Hernu propose, à nouveau, son adhésion à ce qui est devenu le PSU, François Mitterrand essuie un nouveau refus sans appel243. Nulle trace écrite ne permet de prouver que la francisque fut l’argument à charge le plus décisif ; les choix de Mitterrand pendant la guerre d’Algérie peuvent d’ailleurs suffire à expliquer ce rejet au tournant des années soixante. Quoi qu’il en soit, le bruit a couru depuis lors, chez les militants du PSA et de la Nouvelle Gauche, que le PSU n’avait pas voulu accueillir en son sein « un franciscain244 ».
87Pour lors, Mitterrand pratique toujours l’art de l’ellipse, comme le révèle sa notice biographique sur la jaquette de son Coup d’État permanent, sorti chez Plon le 7 mai 1964 : « Fait prisonnier en 1940, il réussit, après deux tentatives d’évasion, à rejoindre en novembre 1941, la zone libre, où il fonde le MNPG, important groupement de résistance. Il remplit en 1943 une mission entre Londres, Alger et la France occupée. » Ce pamphlet, par son attaque en règle de la statue du Commandeur qu’est de Gaulle, cristallise sur lui les foudres de l’UNR-UDT. Quelques jours plus tard, le 20 mai, alors qu’il intervient en tribune sur la loi électorale, il est violemment interrompu à plusieurs reprises par des cris « La francisque245 ! » L’intrusion de la télévision – qu’il maîtrise avec difficulté les premiers temps – dans le paysage médiatique et politique va toutefois nécessiter de sa part plus d’artifice dans la mise en récit de ce passé embarrassant.
88François Mitterrand crée la Convention des institutions républicaines (CIR) avec ses amis du mouvement des prisonniers, Georges Beauchamp et Georges Dayan, et de l’UDSR, Roland Dumas et Louis Mermaz en juin 1964. Avec le succès du Coup d’État permanent, il est désormais une personnalité qui compte dans la gauche non communiste. Ne dénonce-t-il pas le bénéfice illicite que le général de Gaulle tire du 18 juin 1940 ? Et ne voit-il pas dans le 13 mai 1958 une revanche sur l’affaire Dreyfus et le Front populaire ? À la mi-septembre 1965, la SFIO se rallie à sa candidature présidentielle avant le PCF de Waldeck Rochet et le PSU d’Édouard Depreux246. La donne a changé et, face à de Gaulle, il va bien falloir faire avec le passé du candidat unique de la gauche.
De l’art de farder son passé
89Face au général de Gaulle, ce monument de l’histoire de France, il serait vain pour son adversaire, quel qu’il soit, de jouer la carte de la Résistance. Même Gaston Defferre, qui a renoncé à se présenter en juin 1965, ne l’aurait sans doute pas tenté. Faire un usage électoral du passé pendant la campagne présidentielle semble délicat pour les socialistes, d’autant que les gaullistes serinent dans leurs meetings que Mitterrand a porté la francisque et appartenu à la Cagoule247. L’ORTF, en revanche, dont l’État a le monopole et sur laquelle le gouvernement gaulliste exerce un contrôle quotidien, s’abstient d’entrer dans ce jeu. Quant à Mitterrand lui-même, il doit désormais être à la hauteur de son statut d’outsider, surtout après avoir réussi à mettre en ballottage le vieux chef de l’État. Les médias s’intéressent à lui, à ses idées, mais aussi à son itinéraire, d’autant qu’il poursuit son ascension à la tête de la FGDS à partir de septembre 1965 et sa politique d’union de la gauche avec la CIR248. Les portraits de cet homme en vue, du moins jusqu’à sa traversée du désert de juin 1968 à juin 1971, se multiplient, y compris à la télévision publique.
90Alors que Mitterrand vient d’annoncer sa candidature le 9 septembre 1965, Pierre Viansson-Ponté reprend l’expression de Mauriac pour dresser un portrait de ce « personnage de roman » dans Le Monde, avec une version acceptable pour l’époque :
« À Vichy, il les [ses camarades de captivité] sert un moment au commissariat des prisonniers, et on lui reprochera tout au long de sa vie publique d’avoir reçu la distinction du régime, la francisque – mais il s’en défendra toujours. Cependant, il conclut parallèlement un tout autre engagement et participe à la fondation de la première organisation de Résistance tournée vers les captifs249… »
91Les allusions répétées à sa francisque sont ainsi réduites à un argument de tribune faisant partie du folklore politique, d’autant que les Français aspirent à fermer la parenthèse du régime de Vichy. Or, avant même de se rallier à Mitterrand, la SFIO tenait déjà le fil rouge de sa campagne antigaulliste et n’a donc nul besoin de gloser sur le passé de son candidat. Au lendemain de la conférence de presse du Général en janvier 1965, Claude Fuzier constatait déjà :
« Une fois de plus, après l’Histoire, que le pouvoir personnel aveugle et que les tyrans, débonnaires ou non, finissent toujours par croire ce qu’ils disent. […] On finirait par nous émouvoir avec le portrait de l’homme providentiel, du personnage historique devenu, qui plus et pire est, le vieillard respectable250 ! »
92De sorte que Démocratie 65 salue le 8 mai d’un « An VIII du pouvoir personnel » instauré « par celui qui passait hier pour le symbole de la libération251 ». En novembre, Marcel Champeix creuse le sillon en campant de Gaulle en « dernier disciple » de Charles Maurras. « La monarchie gaullienne prend la relève de la capétienne après la mérovingienne », n’hésite-t-il pas à écrire, avant de conclure : « La jeunesse de notre pays doit vouloir autre chose que la politique anachronique d’un homme du passé, hanté du plus ancien passé252. » Conseillé par son vieil ami publicitaire, Georges Beauchamp, et épaulé par la CIR, Mitterrand décide d’opposer systématiquement ses 49 ans aux 75 du Général, la jeunesse à la vieillesse, la modernité à l’archaïsme, et l’avenir au passé253. Il s’agit ici d’un véritable retournement du stigmate, pour un homme que l’on a éreinté sans discontinuer depuis des années pour son passé vichyste254. On retrouve la même astuce au PSU : au visage ridé du chef de l’État, en gros plan, souligné en rouge d’un « 75 + 7 =… » succède le portrait en buste d’un Mitterrand habillé à la mode, « Le candidat unique de la gauche », à la une de son journal255. Classique dans sa forme, l’affiche du candidat ne dit pas autre chose : « François Mitterrand, un Président jeune pour une France moderne. Prenez en mains votre avenir256. » Ce passé encombrant, de vichysto-résistant et d’homme de la IVe République, est biffé au profit du futur. Sans doute, pour un candidat socialiste classique, aurait-on évoqué son ancienneté dans le parti et son long compagnonnage avec quelques figures tutélaires du socialisme. Mais Mitterrand n’est pas issu du sérail. Son antigaullisme et son combat en faveur d’une réinvention de la démocratie et de l’union de la gauche suffisent. En termes de communication politique, la contrainte de devoir oblitérer son passé « sulfureux » pousse la gauche à personnaliser autrement la campagne présidentielle. Après la divine surprise du ballottage, Démocratie 65 juxtapose une photographie de de Gaulle, l’air las et les yeux baissés, sous son portrait de général durant la guerre, légendée « Le passé et le présent », à celle d’un Mitterrand, « candidat de la République, charmeur et en train de discuter avec des jeunes gens257 ». Dans son discours du 3 décembre, Mitterrand peut donc déclarer : « Le choix que vous ferez pour le candidat de la gauche signifiera […] une volonté de créer et non pas de demeurer le regard tourné vers un passé de rêves morts. » Mais il va plus loin, et sa maîtrise de la rhétorique lui permet, grâce à l’ellipse et à l’épiphore, de transmuter son passé sous l’Occupation :
« Quand j’avais vingt-cinq ans, je me suis évadé d’Allemagne ; j’aime la liberté. J’ai rejoint le général de Gaulle à Londres et à Alger ; j’aime la liberté. Je suis revenu dans la France occupée pour reprendre ma place au combat ; j’aime la liberté258. »
93Or l’on sait qu’en face, de Gaulle et Roger Frey, son ministre de l’Intérieur, refusent de faire usage de la fameuse photographie de leur adversaire avec Pétain parce que ce procédé serait déshonorant pour leur propre camp. Et puis, il faut refermer la parenthèse. Cependant, à la télévision, un échange avec Roger Stéphane, gaulliste de gauche et grand résistant, détonne :
« Vous ne m’avez pas laissé placer un mot, mais me permettrez-vous de vous demander, pour finir, comment se fait-il que vous ayez été décoré de l’ordre de la francisque ?
— Tout le monde l’était.
— Pas moi259 ! »
94La suite est connue : de Gaulle est réélu avec 55,2 % des voix, mais Mitterrand a fait ses preuves. Quant à son engagement vichyste, il va désormais faire en sorte que la thèse du double jeu soit plus explicite.
95Au début de l’année 1966, sous prétexte de revenir sur la campagne présidentielle, Claude Manceron publie une biographie autorisée de son champion260. Le récit de la guerre de cet « homme mal connu261 » y occupe toute la seconde partie et détaille certains moments que Mitterrand « n’oubliera jamais ». Le stalag est une « expérience de démocratie directe », où « venus de tous les horizons, de tous les milieux, des hommes se sont rassemblés en quelques jours par leur sens du bien commun ». Ses tentatives d’évasion et son retour en France, fin 1941, sont narrés par le menu. Quant à l’entrée en résistance, l’auteur est astucieux : il ne déploie pas une geste héroïque qui pourrait agacer ; il la présente à la fois comme un accident et une question de bon sens262. Le débarquement de « Morland » à Beg-an-Fry au retour de Londres, son coup de foudre pour Danielle Gouze dont il découvre la photographie grâce à sa sœur Christine263, sa rencontre avec sa famille résistante à Cluny en Bourgogne, sont autant d’épisodes hautement romanesques sous la plume de l’écrivain. Le cahier de photographies présente d’abord les ancêtres et les parents de François Mitterrand, ainsi qu’un portrait de « la nichée » avec tous les enfants – ce qui évite d’évoquer le mariage compromettant de son frère aîné avec la fille d’un Cagoulard, puis, très vite, ses beaux-parents Gouze en 1943 avec la légende suivante : « L’un et l’autre, épuisés par les privations et les fatigues de leur action dans la Résistance, viennent de maigrir chacun d’une vingtaine de kilos » et, enfin, un portrait de la jeune Danielle elle-même, avant ses fiançailles. Les membres de la famille Gouze, leur proximité avec Berty Albrecht, ainsi que leurs activités clandestines sont mises à l’honneur et mobilisées tant par le texte que par l’image, de sorte que Danielle cautionne la résistance de son mari.
96Néanmoins, Manceron doit faire un sort au rôle de Mitterrand sous le régime de Vichy. Avec habileté, il renonce au démenti mais pare cet épisode des attributs du double jeu. « Vichy l’ennuie », mais comme « la grande majorité des Français en 1942, [il] ne savait pas encore trop qui de Pétain ou de de Gaulle causerait finalement le plus de tort aux Allemands », écrit-il. Ce serait donc « sans grande illusion, et sans la moindre sympathie pour ce qui s’y passe » que Mitterrand se retrouverait à Vichy en mai 1942. « Il refuse fondamentalement la collaboration264. » Le récit est agencé de telle sorte que la chronologie se brouille et que le lecteur comprend que Mitterrand démissionne du Centre d’entraide et passe à la clandestinité au lendemain de l’invasion de la zone libre en novembre 1942, alors qu’il quitte ses fonctions en janvier 1943 et ne disparaît qu’en novembre. De même, c’est ce même mois, alors qu’il tente de rencontrer le Général à Londres puis à Alger, que la francisque lui serait attribuée. « Il est vrai qu’une consolation savoureuse lui est octroyée, sans qu’il le sache : Pétain lui décerne la francisque », reconnaît, mine de rien, l’auteur qui, par un trait d’humour, joue de la connivence avec le lecteur. Puis, se voulant pédagogue, il explique que Laval, en difficulté, aurait distribué à tours de bras ce « hochet », en particulier, aux prisonniers de guerre « et donc à François Mitterrand ». « Les pétainistes se seraient sans doute grandement réjouis en apprenant qu’ils plantaient ainsi le germe d’une des calomnies les plus fréquemment répétées contre lui », conclut Manceron265.
97Ce remarquable tour de passe-passe convainc ceux qui veulent croire au nouvel espoir de la gauche. Lorsqu’en 1967, Roland Cayrol publie une étude sur Mitterrand qui se veut « objective », il reprend la version de Manceron à propos de Vichy et de la francisque en le citant. Il consacre néanmoins un chapitre à l’image de Mitterrand dans les milieux politiques266. « On a peine aujourd’hui à se remémorer exactement le ton employé par les détracteurs du député de la Nièvre : c’était celui de l’insulte, de la calomnie », rappelle-t-il, avant de citer le débat de décembre 1954267. Mitterrand n’a donc pas besoin de revenir lui-même sur cet épisode. On ne se défend pas contre la calomnie : on la méprise.
98C’est désormais sa stratégie lorsqu’il est sous les feux de la rampe. Au printemps 1966, alors que Mitterrand vient de constituer son contre-gouvernement, Jean Farran lui consacre son sixième Face à face télévisuel, où il est interrogé avec pugnacité par Pierre Charpy de La Lettre de la Nation, l’organe de l’UNR, et à nouveau par Roger Stéphane268. Farran débute l’émission avec « une biographie-éclair […] sous le contrôle » de son invité : « blessé d’un éclat d’obus, prisonnier, deux fois évadé, vous entrez dans la Résistance, Londres, Alger. À la Libération, le Général vous nomme… », tel est le résumé auquel souscrit Mitterrand. L’accrochage n’a pas lieu à propos de l’Occupation mais de la guerre d’Algérie, lorsque Stéphane lui reproche d’avoir témoigné « à décharge » au procès Salan et d’être favorable à l’amnistie des putschistes. Mitterrand a alors une formule formidable qu’il s’est peut-être attribuée à lui-même : « Effaçons le passé dans la mesure où il n’est plus dangereux ». À l’automne 1966, le magazine télévisé Zoom présente une interview très politique sur la tactique électorale de la FGDS aux législatives. Elle est précédée d’une conversation de Mitterrand avec Josette Barellis, dans son salon, en présence de sa femme et de son fils Gilbert, lors d’une séquence qualifiée d’« intrusion dans son intimité269 ». Alors que la caméra s’attarde sur la fin du repas, la bonne et le chien, il est précisé d’emblée que « son épouse, Danielle, a été décorée de la médaille de la Résistance lorsqu’elle avait 18 ans ». Nul besoin, d’évidence, d’évoquer les états de service de « Morland ».
99Après l’échec retentissant de Gaston Defferre au premier tour, puis celui d’Alain Poher au second, face à Georges Pompidou lors de la présidentielle de juin 1969, celui qui n’est plus que le président de la CIR publie Ma part de vérité pour tenter de mettre fin à sa traversée du désert. Dialoguant avec Alain Duhamel, il verse au dossier « quelques fragments d’autobiographie, préférés à d’autres dans la seule mesure où ils contribuent à expliquer l’évolution, parfois les contradictions et d’une façon générale la continuité de mon engagement politique270 ». Tout l’art de la litote mitterrandienne est là : « préférés » plutôt que occultés et des « contradictions » qui n’empêchent pas « la continuité ». L’on y retrouve le Stalag IX A où il a « assisté à la naissance du contrat social », ses trois tentatives d’évasion, la dernière étant couronnée de succès, son action clandestine auprès des prisonniers et son débarquement à Beg-an-Fry en 1944. Le régime de Vichy n’est même pas nommé. « Rentré en France, je devins résistant, sans problème déchirant », affirme-t-il, avant d’expliquer : « Vus d’Allemagne, Pétain et de Gaulle n’incarnaient pas deux politiques contradictoires », dans une version édulcorée du mythe du « bouclier et de l’épée » que l’historien Robert O. Paxton n’a pas encore renversé. Mieux encore, ses réticences à fondre les trois organisations de prisonniers qui militaient dans la Résistance en une seule formation et sous l’autorité de l’un des neveux du Général, comme de Gaulle le lui ordonnait, seraient à l’origine d’une « incompatibilité d’humeur » et d’une « méfiance » dont il reconnaît n’avoir jamais pu se départir271. N’a-t-il pas assisté « la rage au cœur » à « la savante élimination de la Résistance intérieure par la Résistance de Londres et d’Alger » ? Il résume ainsi sa démonstration antigaulliste :
« Résumer les luttes, les aspirations, les débats intérieurs de la Résistance par l’expression traditionnelle du patriotisme, réduire le formidable bouillonnement des idées aux relations personnelles du général de Gaulle avec son pays et avec l’Histoire nous engageait dans un contre-sens dont nous ne sommes pas sortis272. »
100Ce réquisitoire ne peut heurter aucun socialiste, qu’il soit membre du nouveau Parti socialiste ou du PSU. Cette même année 1969, on s’en souvient, Daniel Mayer publie Pour une histoire de la gauche, où il choisit Mitterrand comme emblème de son chapitre sur « les Clubs273 ». Or, Mayer reste muet sur son rôle à l’Intérieur en 1954 puis à la Justice dans le gouvernement Mollet pendant la guerre d’Algérie274. Il renonce de même à faire sa biographie sous l’Occupation et préfère citer Manceron et Cayrol. Lui, auquel le PSU avait d’abord songé pour être son candidat en 1965, déplore que Mitterrand soit « tombé dans les pièges les plus évidents que des ennemis sans scrupule lui ont tendus », ce qui ne dit rien en fait de ce qu’il pense en conscience de ses choix sous l’Occupation. Car, autant il admire « son calme olympien », autant il regrette que l’homme ne soit pas plus spontané, ce qui révèle tout de même une certaine réserve à son égard275. Quoi qu’il en soit, le président de la LDH, même s’il se montre prudent, contribue à préserver l’image de Mitterrand chez les gens de gauche. Interrogé par Olivier Wieviorka juste avant la sortie du livre de Péan en 1994, il le considère toujours comme un résistant276.
101Ainsi, après Mai 1968 et la défaite à la présidentielle de 1969, en dépit des critiques dont il a été accablé, celui qui a été leur champion en 1965 et qui a réussi là où Defferre et Mendès France ont échoué conserve, de manière subliminale, son statut de grand résistant aux yeux des sympathisants de gauche. Auprès du grand public, son épouse Danielle, jeune héroïne de la Résistance, lui sert de caution. Lorsque ses adversaires écornent son image, ils donnent maladroitement l’impression de tomber dans les excès de l’extrême droite Algérie française ou de l’extrême-gauche, trotskyste ou autre277, et perdent toute crédibilité. Aussi préfèrent-ils le plus souvent se montrer circonspects. L’ORTF, aux ordres du pouvoir gaulliste, est la meilleure illustration de cette prudente réserve. Ceux qui dénoncent le passé de Mitterrand ne convainquent, par conséquent, que ceux qui le sont déjà, lui confèrent un statut de victime outragée et disqualifient, pour longtemps, toute tentative d’enquête sérieuse sur ce sujet délicat.
102À l’automne 1965, les socialistes, qu’ils soient de la CIR, des Clubs, de la SFIO ou du PSU, se rallient à la candidature unique de François Mitterrand. La stratégie d’union de la gauche, qui permet non seulement de rassembler les frères ennemis de toujours, avec la SFIO et le PCF, mais aussi ceux d’hier, avec la SFIO et la Nouvelle Gauche, les porte donc à mettre respectivement leur mémoire des guerres en sourdine. Lors de la présidentielle de 1965, si tous partagent le culte de la Résistance, ils se départissent de leur intransigeance des années précédentes parce que le président de la FGDS leur apparaît comme leur meilleur espoir d’ébranler de Gaulle. Par antigaullisme et par pragmatisme, socialistes SFIO et PSU se contentent, par conséquent, de faire campagne en poursuivant leur diatribe contre l’homme du 18 juin qui, au mieux, aurait renié son passé, au pire, aurait été porté à la tête du pays par un malentendu. Si la Nouvelle Gauche éprouve des réticences naturelles à l’égard de l’ancien ministre de l’Intérieur de Mendès France puis de la Justice de Mollet pendant la guerre d’Algérie, elle préfère les mettre sous le boisseau, faute de trouver un meilleur candidat en cette occasion historique. Quant à Mitterrand lui-même, dès 1945, il sait jeter un voile pudique sur son passage à Vichy et ses liens avec des Cagoulards. Puis, lorsqu’il est attaqué de front, il joue de l’ambiance délétère de calomnie généralisée qui n’épargne personne pour se poser en victime outragée. Sans être complètement dupes, les socialistes sont particulièrement sensibles à cet argument, parce qu’ils sont convaincus que l’affaire Dreyfus ne cesse de se répéter depuis la mort de Salengro et que la guerre contre le fascisme n’a pas de fin. De sorte qu’en 1965, un remarquable retournement du stigmate s’opère : c’est de Gaulle, rattrapé par son âge, qui devient « l’homme du passé » et Mitterrand qui incarne l’espoir d’un avenir meilleur. Dès lors, ce dernier reconstruit son itinéraire par petites touches, soit lui-même, soit par l’intermédiaire de biographes autorisés, y compris à la télévision qui est censée le faire connaître au grand public. La génération d’Épinay hérite de ce passé recomposé comme d’un acquis, sans ressentir le besoin de l’interroger et le transmet à son tour, ce qui explique la déflagration causée chez les plus jeunes par une Jeunesse française de Péan en 1994.
Conclusion : Dépasser le passé pour unir la gauche
103De septembre 1958 au congrès d’Épinay en juin 1971, la mémoire des guerres des socialistes est travaillée par un double mouvement. D’une part, sur fond de guerre d’Algérie et dans un jeu complexe de miroir, les diverses gauches usent du passé pour se définir les unes par rapport aux autres, entre attraction et répulsion, selon les pulsations de leur fibre unitaire et les soubresauts de la vie politique nationale. D’autre part, leur mémoire collective, qui s’était diffractée face aux crises successives, connaît un lent processus de condensation qui accompagne la difficile recomposition de la gauche non communiste. En janvier 1969, Claude Fuzier peut enjamber ses querelles intestines en rappelant comme une évidence : « Ce qui a pu séparer ensuite [après 1958] Daniel Mayer du Parti ne compte pas, car il appartient, pour tous ceux qui ont eu ou ont toujours la carte de la vieille maison en poche, à une histoire qui nous est commune278. » De fait, même fâchés, même éparpillés, les socialistes adoptent progressivement une attitude plus nuancée à propos de la Seconde Guerre mondiale, ce qui les distingue d’ailleurs du PCF, qui exclut tous ceux qui, comme Charles Tillon ou Auguste Lecoeur, s’écartent de son histoire officielle. Cette distance nouvelle leur permet de sortir d’une vision égocentrique des années sombres, d’intégrer des victimes oubliées à leur récit et de s’ouvrir à d’autres points de vue historiques en constituant peu à peu la mémoire partagée de la gauche non communiste sur la période. Parallèlement, en dépit de leurs profondes divergences sur sa gestion, la guerre d’Algérie fossilise chez eux une vision inchoative du Front populaire et la représentation d’une guerre franco-française qui n’en finit pas. La présidentialisation du régime ayant survécu à de Gaulle et la bipolarisation de la vie politique française se confirmant, cette mémoire collective peut devenir un outil pour reconfigurer la gauche démocratique et, à terme, permettre au parti d’envisager l’alternance et de conquérir le pouvoir. À cette fin, les socialistes doivent s’acculturer à la personnalisation du jeu politique, eux qui ont tant critiqué « l’homme providentiel » cher à la droite. Il leur faut donc s’accommoder du passé encombrant de François Mitterrand dès les présidentielles de 1965. L’homme est habile mais les espoirs d’une gauche qui veut y croire concourent à un incroyable retournement du stigmate : non seulement Mitterrand incarne désormais l’avenir, mais il s’inscrit dans la lignée des grandes victimes de la calomnie la plus infâme, au côté de Dreyfus, Jaurès, Salengro et Blum. Même s’il ne parvient pas à rassembler les socialistes en mai 1968 et lors de la présidentielle de 1969, il a désormais un air de famille avec eux. Son inscription dans leur mémoire de la Résistance contribue ainsi à lui ouvrir la voie au congrès d’Épinay.
Notes de bas de page
1Voir Wieviorka Olivier, La mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres de la Libération à nos jours, Paris, Le Seuil, 2010, p. 171-172. Pour l’usage que nous faisons du concept de « résistancialisme », voir introduction, note 38.
2Institut Maurice Thorez, Le Parti communiste français dans la Résistance, Paris, Éditions sociales, 1967.
3Voir l’usage que nous faisons de la définition de Paul Ricœur, supra, chap. iv : « Que faire de et avec l’Allemagne ? ».
4Garcia Patrick, Grammaire de l’incarnation : les présidents de la Ve République et l’histoire (1958-2007), mémoire inédit d’HDR, Paris I – Panthéon Sorbonne, 2011, ch. 1 : « Charles de Gaulle : l’héroïcité naturelle de la France ».
5Lavabre Marie-Claire, Le fil rouge. Sociologie de la mémoire communiste, Paris, Presses de la FNSP, 1994, p. 219.
6Voir Wolikow Serge, « Institut Maurice Thorez – Centre d’études et de recherches marxistes – Institut de recherches marxistes », dans Julliard Jacques et Winock Michel (dir.), Dictionnaire des intellectuels français, Paris, Le Seuil, 2002, p. 729-730 et Di Maggio Marco, « Recherche historique et engagement militant : les Cahiers d’histoire de l’Institut Maurice Thorez dans le dispositif culturel du PCF », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 123/2014, p. 165-186.
7L’analyse exhaustive des congrès, du 51e (en juillet 1959) au 57e (en juillet 1969), montre que les interventions se remémorant la Résistance ou la Seconde Guerre mondiale viennent en priorité de Guy Mollet (10), Gaston Defferre et Jacques Piette (7), Christian Pineau (6), Léon Boutbien et Jules Moch (4). Humberdot intervient à plusieurs reprises pour défendre la spécificité du statut de déporté de la Résistance en refusant que celui de « déporté du travail » soit adopté et ce contre l’avis de son parti. Voir 52e Congrès national des 30 juin au 3 juillet à Issy-les-Moulineaux (p. 7 et 127), Congrès national extraordinaire des 21 et 22 décembre 1960 (p. 212) et 54e Congrès national des 30 mai au 2 juin 1963 (p. 34), Archives de l’OURS.
8Voir les interventions de Georges Guille (contre l’ouverture au centre, p. 128), de Léon Boutbien, Max Lejeune et Christian Pineau (p. 78, 170 et 191), et de Gaston Defferre (contre le PCF, p. 194), 54e Congrès national des 30 mai au 2 juin 1963 à Issy-les-Moulineaux, arch. cit.
9Voir Rousso Henry, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Le Seuil, 1987, p. 89-101. Le 8 mai était férié depuis la loi du 20 mars 1953. La retraite des anciens combattants est également supprimée en décembre 1958, avant d’être rétablie en 1960. Avec le décret du 17 janvier 1968, le 8 mai est à nouveau célébré le jour même mais en soirée.
10Pour cette analyse, la presse organique nationale a fait l’objet d’un dépouillement exhaustif, et des sondages systématiques à toutes les dates anniversaires ont été réalisés dans les journaux fédéraux, voire de plus grande portée que le cercle des militants, tels Le Populaire du Centre ou Le Provençal, ainsi que dans les débats des conseils municipaux.
11La République du Centre, 8 et 9-10 mai 1959. La fête de Jeanne d’Arc est incontournable à Orléans, à tel point qu’elle n’est même pas perturbée par les événements de Mai 1968 ! Voir La République du Centre, 9 mai 1968.
12L’Union. Grand quotidien d’information de la Résistance, 8 et 9-10 mai 1959.
13« Émouvante veillée au monument de Navarin », L’Union, 8 mai 1959.
14Voir « Les socialistes et les anciens combattants », qui reprend la réponse du sénateur Bernard Chochoy au président de l’UNC du Pas-de-Calais, dans Le Travail des Deux-Sèvres, 28 novembre 1959 ou « Le parti socialiste SFIO et les anciens combattants », idem, 17 novembre 1962 qui rend compte des succès parlementaires de Fernand Darchicourt (Pas-de-Calais), très pugnace lors des séances des 5 novembre et 22 décembre 1959, des 6 et 8 novembre 1960, et des 25 octobre et 1er décembre 1961.
15La République de Normandie, 15 mai 1959.
16Beche Émile, « Message de Paix », Le Travail des Deux-Sèvres, 14 novembre 1959.
17Osmont Jean, « Un armistice : 11 novembre », La République de Normandie, 11-13 novembre 1959.
18« Au Petit-Quevilly », La République de Normandie, 11-13 novembre 1959 ; « Le Onze novembre au Bihorel », ibid., 20 novembre 1959 et « Le Trait, après la fête du 11 novembre », ibid.
19Le Populaire Dimanche, 1er mai 1960. Sa une est souvent reproduite un ou deux jours plus tôt dans la presse fédérale.
20Voir, par exemple, Le Populaire du Centre, 9-10 novembre 1963 et la commémoration à Périgueux dont le député n’est autre que Robert Lacoste.
21Voir Dalisson Rémi, Le 11 novembre du souvenir à la mémoire, Paris, A. Colin, 2013.
22« 11 novembre » et « Les gens de la rue et l’armistice », Le Provençal, 11 novembre 1964.
23Le Populaire du Centre raconte les différentes étapes du voyage en Auvergne du Président de la République, et cite des extraits de ses discours. En l’occurrence, il est laconique : « Le cortège officiel se dirige vers le Puy. En cours de route, pèlerinage au monument national de la Résistance au Mont-Mouchet », Le Populaire du Centre, 5-7 juin 1959.
24Sur de Gaulle et le colonel Gaspard, voir Rousso Henry, op. cit., p. 92. Il n’y a rien ni dans Le Populaire ni dans Le Populaire Dimanche.
25« Accueil très froid du Vaucluse » et « Meilleur accueil dans la Drôme », Le Provençal, 26, 27 et 28 septembre 1963 et « Contrastant avec celui du Vaucluse, la Drôme a fait un accueil enthousiaste à de Gaulle », Le Populaire du Centre, 27 septembre 1963.
26Voir supra, chap. ii : « Une territorialisation des mémoires ».
27Voir Rousso Henry, op. cit., p. 102-115. Les motivations du Général sont analysées par Azema Jean-Pierre, Jean Moulin. Le rebelle, le politique, le résistant, Paris, Perrin, 1963, p. 11-24.
28Démocratie 64 n’évoque tout simplement pas la cérémonie. Ni Le Populaire de Paris (19-20 décembre) ni Le Populaire du Centre (19-20 décembre), ni Le Provençal (20 décembre), ces deux derniers ayant les plus gros tirages provinciaux, ni Le Monde (21 décembre), qui détaille pourtant le déroulement, ne citent la moindre personnalité socialiste. Ni « les 194 Compagnons de la Libération » ni « les anciens membres du CNR » n’y sont nommés. Notons que Gilberte Brossolette a rejoint le PSA en 1958 et le PSU en 1960.
29Wurmser André, L’Humanité, 19 décembre 1964.
30Gatinot Gérard, « Jean Moulin au Panthéon », ibid.
31ANACR, La Résistance par ceux qui l’ont faite, t. 1 : La libération de Paris et t. 2 : La France des maquis, Paris, Denoël, 1964. Voir « En prise directe avec la Résistance », L’Humanité, 17 décembre 1964.
32Pineau Christian, « Jean Moulin et M. Malraux », Le Populaire de Paris, 24-25 décembre 1964. L’article est en partie cité par Le Monde.
33Montel Eugène, Démocratie 64, 23 juillet 1964.
34Berger Pierre, « À propos d’un petit livre… de Pétain à Xénophon » (compte rendu du Pétain de Jean Plumyène, Le Seuil, 1964) et Nowina Gilbert, « Pétain. Non, pas ça ! », Démocratie 64, 17 septembre, 24 et 31 décembre 1964.
35Pantigny Fernand, André Pantigny, militant et résistant (1900-1944), Arras, PS-SFIO, 1964, et Piat Jean, Jean Lebas, PS-SFIO, Arras, 1964 et, par exemple, Le Provençal, 20 mars 1964.
36Rougeron Georges, La Résistance dans le département de l’Allier (1940-1944), Montluçon, Grande imprimerie nouvelle, 1964.
37Voir Courtois Stéphane, « Luttes politiques et élaboration d’une histoire : le PCF historien du PCF dans la deuxième guerre mondiale », Communisme, no 4, 1983.
38Institut Maurice Thorez, Le Parti communiste français dans la Résistance, op. cit.
39« Les communistes dans la Résistance. Des chapitres du Manuel d’Histoire du PCF à paraître aux Éditions sociales. Quand M. Bonnet promettait aux nazis de mettre les communistes à la raison », L’Humanité, 27 juillet 1964, et Histoire du Parti communiste Français (manuel), Leipzig, Éditions sociales (1re juillet 1964), 1975, chap. ix et chap. x, p. 368-452.
40Voir Courtois Stéphane, art. cité, p. 20. Lors d’une conférence à l’Institut Maurice Thorez de Jacques Duclos en février 1968, intitulée « Le PCF dans la Résistance », le pacte germano-soviétique d’août 1939 est passé sous silence et la guerre capitaliste aurait d’abord visé les communistes. Voir Lavabre Marie-Claire, op. cit., p. 215.
41Voir la décision de se rapprocher du PCF lors du 54e Congrès national du PS les 30 mai-2 juin 1963. Le Bureau politique du PCF, quant à lui, se montre satisfait de cette stratégie lors de ses réunions d’août 1963. Voir Campo Silvina, Le PCF et les usages du passé résistant (1944-1974), thèse de doctorat sous la direction d’Olivier Wieviorka, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2014, p. 476, note 2 250. Rappelons que lors de l’inauguration du Mémorial de la Déportation sur l’île de la Cité, le 12 avril 1962, le conseil général, de gauche, n’est pas invité.
42Avec Berty Albrecht. « Les femmes célèbreront avec une particulière ferveur l’anniversaire de la Libération » et « À la mémoire de Danielle Casanova et Suzanne Buisson », L’Humanité, 8 août 1958 et 26 août 1961.
43« À la mairie du XVIe arrondissement », L’Humanité, 24 août 1963, cité par Campo Silvina, op. cit., p. 473. Or la presse organique ne peut s’en faire l’écho puisqu’elle cesse toute parution au mois d’août.
44Fuzier Claude, « Quarante ans de loyaux services », Démocratie 64, 23 juillet 1964.
45« Les fédérations de la Seine du PC et du PS : faire de la cérémonie du 30 août une manifestation à l’idéal de la Résistance », L’Humanité, 21 août 1964. La presse organique socialiste ne paraît plus au mois d’août.
46« Le 21 septembre 1964, toute la Résistance s’est retrouvée hier à Arras… », L’Humanité, 21 septembre 1964 et « Émouvant hommage aux 220 fusillés de la citadelle d’Arras », Nord-matin, 22 septembre 1964, p. 3.
47« Au cours d’une émouvante cérémonie, le monument Gabriel Péri a été inauguré hier », L’Humanité, 12 octobre 1964.
48Le Populaire de Paris reproduit le communiqué du CPL : « Nous célébrons notre victoire pour que ne soit jamais oublié que c’est l’union des Alliés et l’union des Français dans la Résistance qui vint à bout de la pression étrangère et de la poignée de traîtres qui collaboraient avec l’ennemi », 24-25 juillet 1965.
49Voir supra, chap. iii : « Combats de rues et mémoire de pierre ».
50Voir Campo Silvina, op. cit., p. 610.
51Vast Cécile, « Le concours de la Résistance », dans Marcot François (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, R. Laffont, 2006, p. 1005.
52Traduit en français en 1967 chez A. Colin sous le titre : Léon Blum et le parti socialiste (1872-1934).
53Lefranc Georges, Histoire du Front populaire, Paris, Payot, 1965.
54Renouvin Pierre et Remond René, Léon Blum, chef de gouvernement : 1936-1937, FNSP, Colloque de Paris, 26-27 mars 1965, Paris, A. Colin, 1967. Voir aussi le compte rendu de Reberioux Madeleine, « Un colloque : Léon Blum chef de Gouvernement (1936-1937) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, no 6 (novembre-décembre 1965), p. 1207-1212. Les blumistes ont à cœur d’y réfuter les critiques de Colette Audry dans Léon Blum ou la politique du juste (Paris, Julliard, 1955), publié dix ans plus tôt.
55Ni Le Populaire de Paris ni Démocratie 65 n’y consacrent une ligne ; le 11 avril, Jaquet commente, dans le premier, le nouveau volume de Blum, que le second publie en feuilleton tout au long du printemps.
56En 1966, à la différence de 1956, la commémoration du Front populaire par les socialistes reste très modeste, sans affiches, ni disques de chansons, ni pin’s. Cepede Frédéric, « 1936-2006 : commémorer le Front populaire. Les anniversaires de 36, les socialistes et les autres » Recherche socialiste, no 37, 2006, p. 51-65.
57Presque tous les socialistes qui ont eu des responsabilités dans la Résistance ont été interrogés par le CH2GM depuis la Libération (AN, 72AJ).
58Nogueres Henri, L’Histoire de la Résistance en France, t. 1 : La première année : juin 1940-juin 1941, t. 2 : L’armée de l’ombre : juillet 1941-octobre 1942, et t 3 : Et du Nord au Midi : novembre 1942-septembre 1943, en collaboration avec M. Degliame-Fouché et J.-L. Vigier, Paris, R. Laffont, 1967, 1969 et 1972.
59Pierre-Bloch Jean, Le vent souffle sur l’Histoire, Paris, Éd. SIPEP, 1956. Il échoue aux législatives de 1956 et 1958 dans l’Aisne.
60Pineau Christian, La simple vérité 1940-1945, Paris, A. Julliard, 1960.
61Le Troquer André, La parole est à André Le Troquer, Paris, La Table Ronde, 1962. Il a été condamné pour avoir organisé des « ballets licencieux » dans les locaux de l’Assemblée en 1960. Guyot Claude, Historique du comité départemental de libération de la Côte-d’Or, Besançon, Imprimerie Néo-typo, 1962.
62Docquiert Henri, Églantine et vert de gris 1940-1944, Paris, impr. Fabre, 1970. Moreau Émilienne, La guerre buissonnière. Une famille dans la Résistance, Paris, Éd. Solar, 1970. Moch Jules, Rencontres avec… Léon Blum, Paris, Plon, 1970 et Rencontres avec… de Gaulle, Paris, Plon, 1971.
63Intervention de Guy Mollet, Congrès national extraordinaire des 29 et 30 octobre 1966 à Suresnes, Archives de l’OURS, p. 35.
64L’éditeur, peu convaincu par les fiches de Flocard, a conseillé d’envisager un autre maître d’œuvre. Voir la correspondance entre Guy Mollet et Roger Quilliot, du 5 mars 1967 au 22 janvier 1970, OURS, fonds Quilliot, AGM 137.
65Voir Dossier « Documentation pour La SFIO et l’exercice du pouvoir », OURS, fonds Roger Quilliot, 20 APO 1, dossier 5.
66Roger Quilliot a conservé toutes les réponses, même les fins de non-recevoir. Parmi les territoires qui donnent des indications : Arras (en fait, un gros rapport sur Mollet dans la clandestinité), la Picardie, Cherbourg, Nantes, la Bretagne, la Sarthe, la Côte-d’Or, le Val d’Oise, Tours, les Deux-Sèvres et Mazamet. Même Georges Rougeron (Allier), féru d’histoire, répond le 18 janvier 1969 qu’il est débordé pour l’instant. OURS, arch. cit.
67Mayer Daniel, Les socialistes dans la Résistance. Souvenirs et documents, Paris, PUF, 1968. On se souvient que l’auteur co-dirige la collection avec Henri Michel et Boris Mirkine-Guetzévitch, décédé à cette date.
68« Nul n’ignore l’attitude du parti communiste pendant l’occupation ; mais curieusement, le comportement socialiste, pourtant essentiel à la compréhension de l’état d’esprit de la libération, est très mal connu. Le livre de Daniel Mayer comble donc un vide assez anachronique. » écrit-il dans Le Monde, 28 décembre 1968.
69Mayer Daniel, Les socialistes dans la Résistance, op. cit., p. 3-5.
70Ibid., p. 5. En fait « Documents » est aussi constitué en partie de souvenirs, les siens et parfois ceux recueillis pour le CH2GM. Voir par exemple le témoignage de Pierre Bertaux à Odette Merlat p. 167.
71Il ne fait l’objet que d’une seule occurrence dans l’index, ce qui semble proportionné, la plupart des acteurs n’étant citée qu’une fois.
72Mayer Daniel, Pour une histoire de la gauche, Paris, Plon, 1969, chap. 8 : « Suzanne Buisson : La Résistance », p. 273-303.
73Frameries Georges (Fuzier), « Les socialistes dans la Résistance », Le Populaire de Paris – Démocratie, 18-19 janvier 1969. Lorsqu’il prend ce pseudonyme, Claude Fuzier retire sa casquette de rédacteur en chef et de secrétaire fédéral de la Seine.
74Voir le courrier reçu par Daniel Mayer à propos de son ouvrage, Archives du CHSP, Fonds Mayer, Daniel et Cletta, 1 MA 7.8.
75Michel Henri, Histoire de la Résistance en France, Paris, PUF, 3e éd. 1962, p. 36-37 pour le CAS, 5e éd. 1969, 6e éd. 1972. Dans sa recension de 1950, Lucien Febvre écrit : « Ceux qui nous suivent se feront, une fois, deux fois, dix fois, des “Résistances françaises” à la mesure de leurs passions et de leurs idéologies particulières. Ils composeront une vulgate de la Résistance qui sera tenue pour valable par les historiens. Nous n’en saurons rien, car nous aurons disparu de la terre. Mais si, par impossible, nous venions à connaître cette version future de l’histoire que nous avons vécue, nous serions bien malheureux. Car il y a bien des chances pour que nous n’y retrouvions à peu près rien de ce qui fut pour nous “la Résistance” », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, année 1951, 6e année, no 3, juillet-septembre 1951, p. 361-362.
76Michel Henri, Les courants de pensée de la Résistance, Paris PUF, « Esprit de la Résistance », 1962, p. 492. Le regret est d’autant plus vif qu’il croit en la réussite de la rénovation du PS : « Débarrassé de ses brebis galeuses, réformé et rénové dans le combat, fortifié du sang de ses martyrs, le PS prend un nouveau départ » (p. 538).
77Nogueres Henri, op. cit.
78Les auteurs sont conscients de leurs « innombrables » lacunes mais n’ont pas voulu « renoncer à ce que cette histoire fût non seulement écrite, mais encore discutée – et contrôlée – par ceux qui l’ont vécue », Nogueres Henri, ibid., t. 1, avertissement, p. 13.
79Voir les notices de Claude Pennetier sur Henri Noguères et Marcel Degliame-Fouché dans le DBMOF.
80En 1946-1947, Jean-Louis Vigier avec son journal L’Époque était la bête noire des socialistes qui croisaient régulièrement la plume avec lui. Voir Le Populaire, 19 décembre 1946, 23 janvier 1947, 7 février 1947…
81Nogueres Henri, op. cit., avertissement au t. 1, p. 13.
82Leroux Bruno, « Des historiographies parallèles et concurrentes du CH2GM : L’Histoire de la Résistance en France d’Henri Noguères et La Résistance d’Alain Guérin », dans Douzou Laurent, Faire l’histoire de la Résistance, Rennes, PUR, 2010, p. 95-115.
83Soustelle Jacques, Envers et contre tout, Paris, R. Laffont, 2 t., 1947 et 1950 ; Passy colonel, Souvenirs, Monte-Carlo, R. Solar, 2 t., 1947 et 1948 ; et Gaulle Charles de, Mémoires de guerre, Paris, Plon, 3 t., 1954, 1956 et 1959.
84Voir Leroux Bruno, art. cité, p. 101-103.
85Voir les postfaces de Jean-Louis Vigier aux deux premiers volumes de 1967 et 1969. Son nom disparaît du t. 3 en 1972.
86Dans sa postface au t. 5 en 1981, Noguères rappelle ses trois objectifs : montrer la diversité confessionnelle et politique de la Résistance, expliquer son unification et évaluer son efficacité. Nogueres Henri, op. cit., postface, p. 856.
87Nogueres Henri, op. cit., t. 1, p. 254.
88Ibid., p. 54. En 1964, une polémique sur « l’Appel du 10 juillet » défraye la chronique entre France-Observateur et Emmanuel d’Astier de la Vigerie. Dans une note infrapaginale, Noguères reprend l’analyse qui montre que cet appel à résister, publié par L’Humanité dans un « fac-similé » le 12 décembre 1947, est antidaté. Mayer juge cependant qu’il laisse la part trop belle au PCF et revient longuement à la charge. Voir Mayer Daniel, Pour une histoire…, op. cit., p. 288-297.
89Mayer ne dit mot ni de Weil-Curiel, dont Gilles Morin fait remarquer qu’il a joué un temps, après son arrestation, le rôle d’agent double d’Otto Abetz avant de retourner à Londres, ni de Boulloche, délégué militaire du BCRA pour la région parisienne, peut-être parce qu’il n’entre à la SFIO qu’en 1946 – mais il évoque Pineau à plusieurs reprises – ou alors parce qu’il a été ministre de de Gaulle en 1958-1959. À cette date, Weil-Curiel a quitté le PS depuis 1962 mais Boulloche est député-maire PS de Montbéliard. Mayer Daniel, Les socialistes dans la Résistance, op. cit. Noguères évoque à plusieurs reprises les missions de Weil-Curiel, sans doute à partir de son témoignage (t. 1, p. 49, 97, 133, 211, 329 et 345 sq) ; et décrit le rôle de Boulloche (t. 1 p. 268, t. 3 p. 121, 621, 624). Nogueres Henri, op. cit., t. 1, 1967 et t. 3., 1972.
90Nogueres Henri, Histoire de la Résistance en France, éd. revue et complétée, Genève, Crémille et Famot, 1981, préface, p. 15-16.
91Voir Leroux Bruno, art. cité, p. 99 et 107.
92Granet Marie, La Revue socialiste, no 210, février 1968, p. 217-219.
93Voir notre chap. ii, Courtois Stéphane, art. cité et Lavabre Marie-Claire, op. cit., p. 216. Ils montrent que la mort de Maurice Thorez, en 1964, constitue un tournant, conclusion corroborée par la thèse de Campo Silvina, op. cit.
94Dalisson Rémi, Les guerres et la mémoire. Enjeux identitaires et célébrations de guerre en France de 1870 à nos jours, Paris, CNRS Éditions, 2013.
95Voir supra, chap. i : « Les socialistes ont-ils “la mémoire courte” ? ».
96Pour cette analyse, la même démarche de dépouillement que supra a été adoptée.
97Delabre Camille, « Unissons nos forces contre le racisme renaissant », Travail des Deux-Sèvres, 30 avril 1960. Delabre, ancien député du Pas-de-Calais, y vit toujours mais la presse fédérale échange ses plumes et ses articles !
98Intervention de René Hunderbot, 54e Congrès national des 30 mai au 2 juin 1963 à Issy-les-Moulineaux, arch. cit., p. 34.
99La République de Normandie, 13 mai 1960, dont le rédacteur en chef est Georges Brutelle, secrétaire général adjoint de la SFIO et l’un des responsables de la FNDIR à cette date.
100Une et Fuzier Claude, « Quelque part, les survivants du ghetto… », Démocratie 61, 30 novembre 1961.
101« Les ghettos, première phase d’un plan d’essence génocidaire », dans Bensoussan et al. (dir.), Dictionnaire de la Shoah, Larousse, 2009.
102Démocratie 61, 30 novembre 1961, présentation du sommaire, p. 2.
103La proposition de loi, votée à l’unanimité le 16 décembre 1964, est déposée par Paul Coste-Floret (MRP) et Raymond Schmittlein (UNR-UDT). Voir AN, JO, p. 6147. Avant que la loi ne soit votée en France et alors que la RFA vient d’y renoncer, Pierre Berger réclame une prescription de « mille ans », « Hitlérisme : pour mille ans », Démocratie 64, 1er avril 1964.
104« Histoire illustrée de l’Internationale socialiste », Démocratie 65, 29 avril 1965, pour la journée de la Déportation. Cette histoire en images est publiée à l’occasion des manifestations du Centenaire à Bruxelles en septembre 1964, et paraît en feuilleton dans le journal du 25 février au 29 avril.
105Délibérations municipales de Besançon, séance du 26 mai 1967, Bulletin officiel de la commune de Besançon, no 8, septembre 1967. Le Journal d’Anne Frank (het Achterhuis) est traduit du hollandais par T. Caren et Suzanne Lombard, préfacé par Daniel-Rops chez Calmann-Lévy en 1950. Son adaptation au théâtre par Frances Goodrich, Albert Hackett et Georges Neveux est jouée au Théâtre Montparnasse à l’automne 1957.
106Berger Pierre, « Grace pour Eichmann », Démocratie 61, 21 décembre 1961.
107« Les leçons du courage » à propos de Mila 18 de Léon Uris, L’enfant, l’amour et la mort de Jérôme Petit et Pour que la terre se souvienne de Léon Wells (l’un des témoins du procès Eichmann), Démocratie 62, 12 avril 1962.
10856e congrès national des 29, 30 juin et 1er et 2 juillet 1967 à Suresnes, Archives de l’OURS. Sur Nasser/Hitler, voir Jacques Piette (p. 41) et Guy Mollet (p. 86) ; sur les accords de Munich, voir Christian Pineau (p. 32) et Mollet (p. 86) ; et sur le génocide, le délégué de Seine-et-Marne, p. 154.
109Le Monde, 14 et 15 novembre 1960.
110Collette-Kahn Suzanne, « Quinze ans après… d’Oradour à Mourmelon », Tribune socialiste, 12 novembre 1960.
111Delabre Camille, « Des soldats allemands à Mourmelon : qu’en penses-tu ? », Le Travail des Deux Sèvres, 12 novembre 1960. Il revient alors du congrès à Bonn de la Fédération internationale libre des déportés et internés de la Résistance.
112Démocratie 61, 14 décembre 1961. Né en 1924, Fuzier n’a rien fait de notable sous l’Occupation. Il est rédacteur en chef du Populaire de Paris et de Démocratie jusqu’en 1970 et secrétaire fédéral de la Seine jusqu’en 1968. Berger est un libraire et écrivain, résistant et ancien déporté à Buchenwald. Piette est l’ancien chef militaire national de l’OCM (colonel Personne), ancien député et il est alors membre du comité directeur.
113« Marie Octobre », Démocratie 61, 28 décembre 1961. Le roman de Jacques Robert est publié en 1948 ; son adaptation cinématographique est réalisée par Jean Duvivier en 1959.
114Au Centre national d’Études socialistes, le 29 janvier 1962, lors d’une conférence sur « L’Histoire du socialisme », Pierre Giraud, ancien sénateur et membre de la CE fédérale de la Seine, expédie la période en ces termes : « Ce fut la guerre, la brève disparition du parti en tant qu’organisation devant ce que l’on peut appeler la défaillance, d’autres diront la trahison, d’une partie des militants responsables. Ce fut la reconstruction du Parti dans la clandestinité dans des conditions bien difficiles que nous avons du mal à nous représenter maintenant, puis la reprise de l’activité ouverte du Parti à la Libération », OURS, D4 94 BD, p. 32. Précisons que l’audience de ce « centre » ne dépasse guère la cinquantaine de participants.
115« Les honneurs de la guerre, un film intelligent et humain », Démocratie 62, 2 août 1962. Le film raconte la fin absurde des derniers morts de la guerre, celle des « héros inutiles », ne trouve guère de salle à sa sortie et disparaît des écrans.
116Édito, « La guerre toujours présente », Le Populaire de Paris, 8 mai 1965.
117En 1954, l’Union progressiste (UP), le Centre d’action des gauches indépendantes (CAGI) et la Jeune République (JR) se regroupent dans le Comité de liaison des nouvelles gauches, qui devient, en 1955, le Mouvement uni de la Nouvelle Gauche ou Mouvement uni des nouvelles gauches, animé par Claude Bourdet, Yvan Craipeau, Gilles Martinet, Pierre Naville… Ce mouvement participe ensuite à l’Union de la gauche socialiste (UGS) avec le MLP et la Jeune République, avant de s’intégrer au PSU avec les dissidents de la SFIO qui ont fondé le PSA et une petite fraction communiste indépendante autour du journal, Tribune du Communisme, et du groupe éponyme. Les mémoires de guerre de ces différentes composantes ne sont pas homogènes, quoiqu’une dominante pacifiste se distingue. Voir Kesler Jean-François, De la gauche dissidente au nouveau Parti socialiste. Les minorités qui ont rénové le PS, Toulouse, Privat, 1990.
118Voir par exemple, Fuzier Claude, « Les faux pas de la Petite Gauche », Démocratie 60, 11 février 1960 et « Un souffle d’air pur », Démocratie 62, 1er février 1962. Elle a droit tantôt à des majuscules, tantôt à des minuscules.
119Mayer Daniel, Pour une histoire de la gauche, op. cit., p. 23-24 et p. 33.
120Voir Histoire du Parti communiste Français (manuel), op. cit. et Segui Sandrine, Les communistes français en guerre d’Algérie : histoire, mémoires et représentations (1954-1992), thèse sous la direction de Robert Ilbert, université de Provence, 1994, 3 vol., chap. 10 : « Une histoire de la guerre d’Algérie reconstruite ».
121« Auguste Lecoeur : le “virage” du PC n’est qu’une correction tactique qui n’a pas corrigé “la bévue” de Thorez le 17 septembre », Démocratie 59, 4 décembre 1959.
122Sur « l’affaire Lecoeur », voir la notice d’Yves Le Namer dans le DBMOF Avec sa Nation socialiste, il intègre le parti fin octobre : voir l’annonce de Georges Brutelle au comité directeur du 25 octobre 1958, OURS, Fonds Parti socialiste SFIO, débats des organismes centraux, comité directeur, vol. 1958-1959, p. 1.
123Naegelen René, Démocratie 60, 5 mai 1960, article reproduit tel quel dans La République de Normandie, 6 mai 1960.
124Il a déjà publié une brochure sur le sujet. Mollet Guy, L’Armée et la nation, Arras, Société d’éditions du Pas-de-Calais, 1960.
125Mollet Guy, « Socialisme, armée et nation », Démocratie 61, 28 décembre 1961.
126Naegelen Marcel-Edmond, Mission en Algérie, Paris, Flammarion, 1962.
127Sur le PSU, voir Heurgon Marc, Histoire du PSU, t. 1 : La fondation et la guerre d’Algérie (1958-1962), Paris, La Découverte, 1994.
128Houdeville Louis, « Larzac : un scandale et une honte » et « Le prix de la vérité », Tribune socialiste, 3 mai 1960.
129Misrahi Robert, « Insurrection contre le racisme », Tribune socialiste, 11 juin 1960.
130« 67 ans de guerre » et Delcroix A., « La gauche face au problème algérien », Tribune socialiste, 11 juin 1960.
131« Comment torpiller une négociation » et « Lettres d’Édouard Depreux à Guy Mollet », Tribune socialiste, 2 et 9 juillet 1960.
132Verlhac Jean, « Des Marie-Louise dans les Djebels ? », Tribune du socialisme, 29 septembre 1960. L’expression est empruntée à Jean Planchais dans Le Monde.
133Stibbe Pierre, « PSU et non-violence » et « L’Appel du PSU aux soldats », Tribune socialiste, 4 juin et 19 novembre 1960.
134Vincent Jean-Marie, « Quelques dates… 7 ans de guerre », Tribune socialiste, 3 juin 1961. Ancien trotskyste, puis membre de l’UGS, l’auteur adhère au PSU à sa fondation et est un rédacteur très actif de son journal où il représente le courant socialiste-révolutionnaire.
135Houdeville Louis, « Dix ans de combat d’avant-garde », Tribune socialiste, 7 avril 1962.
136L’analyse lexicométrique de tous les congrès, entre le 51e (de juillet 1959) et le 57e (de juillet 1969) montre que le conflit n’est jamais désigné autrement que par l’expression « guerre d’Algérie », soit 163 fois.
137Frank Robert, « Les troubles de la mémoire française », dans Rioux Jean-Pierre (dir.), La guerre d’Algérie et les Français, Paris, Fayard, 1990, p. 603 et Stora Benjamin, « Guerre d’Algérie, France, la mémoire retrouvée ? », Hommes § Migrations, 1158, 1992, p. 10-14.
138Intervention de Claude Fuzier (Seine), 53e Congrès national des 18 au 21 mai 1963 à Issy-les-Moulineaux, arch. cit., p. 200.
139Helmes Jean, Démocratie 61, 9 novembre 1961.
140Frameries Georges (Fuzier), « Sept ans d’enfance », Démocratie 61, 2 novembre 1961.
141Fuzier Claude, « La guerre de Dix-Sept Ans », Démocratie 62, 15 mars 1962.
142Daussois Guy, dans la chronique cinéma, Démocratie 63, 5 septembre et 3 octobre 1963 et Démocratie 64, 8 octobre 1964. Rappelons qu’Alain Resnais a signé le « Manifeste des 121 » le 6 septembre 1960 et qu’Alain Cavalier a déjà réalisé un film sur l’OAS, Le combat dans l’île en 1962. Ces deux films ont d’ailleurs eu maille à partir avec la censure.
143Auzanneau Raoul, « L’armée et son peuple », Le Travail des Deux-Sèvres, 29 avril 1961.
144Photographie de la une ; Boudot Pierre, « Sept ans d’aventure » et Toesca Maurice, « Notre maître Alain », Démocratie 61, 2 novembre 1961. Maurice Toesca est un écrivain et journaliste, à ne pas confondre avec le résistant SFIO du Vercors, Pierre Toesca.
145« Un vieillard se laisse mourir pour sauver l’honneur des hommes », Tribune socialiste, 16 juin 1962 et « Objection de conscience : la France en retard », Démocratie 62, 28 juin 1962. Le combat pour le statut d’objecteur de conscience a été mené par le groupe parlementaire socialiste, avant la guerre d’Algérie, par Jean Biondi, décédé en 1950, et André Philip, exclu en janvier 1958. André Chandernagor prend le relais, sans plus de succès, en juillet 1963.
146Ikor Roger, « Les ayant cloués au poteau de couleur… », Démocratie 62, 1er mars 1962.
147Quilliot Roger, « 1762-1962 Actualité de l’affaire Calas », Démocratie 62, 8 mars 1962. Rappelons qu’André Miquel, universitaire français arabisant, a été arrêté et torturé sous le régime de Nasser en 1961 pour « espionnage ».
148Les conseillers municipaux SFIO parisiens Michel Salles et Pierre Giraud et le secrétaire fédéral Maurice Gautier sont présents à la manifestation. « Les fascistes ne feront pas la loi au Quartier latin », Le Populaire de Paris, 25-26 avril 1964. Sur la convention, voir idem, 7-8 mai 1964.
149Quilliot Roger, op. cit., p. 693-694. Sur la manière dont Mollet a voulu et commandé La SFIO et l’exercice du pouvoir 1944-1958, voir supra
150Bantigny Ludivine, Le plus bel âge ? Jeunes et jeunesse en France de l’aube des « Trente Glorieuses » à la guerre d’Algérie, Paris, Fayard, 2007. L’auteure y parle de « contre-modèle » pour la jeunesse (p. 254). Jean-Pierre Chevènement et Michel Rocard témoignent, de même, dans le documentaire d’Éric Beauducel, Algérie : mémoires meurtries, ECPAD, 2011.
151Jospin Lionel, Le temps de répondre. Entretiens avec Alain Duhamel, Paris, Stock, 2002, p. 18 ; et Fleury Jacques, Cité Malesherbes. Journal d’un jeune militant socialiste 1959-1973, Paris, B. Leprince, 1999, p. 27-28. Dès le 18 octobre 1973, Guy Mollet, lui-même, ne dit pas autre chose à Jacques Chancel dans Radioscopie sur France-Inter (voir notre chap. vi : « Le national-molletisme nécessaire bouc-émissaire »).
152Jospin Lionel, op. cit., p. 11-12.
153Defferre Gaston, « Oui, pour les Français d’Algérie », Le Provençal, 6 avril 1962.
154Démocratie 62 et Le Populaire de Paris, 31 mai 1962.
155Auzanneau Raoul, « Les Pieds-Noirs » et « Les rapatriés », Le Travail des Deux-Sèvres, 28 avril et 2 juin 1962.
156« Cent trente-deux ans d’Histoire qui ne s’effaceront jamais », Démocratie 62, 28 juin 1962.
157Voir, par exemple, « Rapatriés : voici les exemples du drame », Démocratie 64, 25 janvier 1964. Begarra est secrétaire fédéral adjoint d’Oran de 1935 à 1942, puis secrétaire fédéral jusqu’en 1962. Voir la notice de Gilles Morin et Camille Planche, DBMOF ; et Marynower Claire, Joseph Begarra : un socialiste oranais dans la guerre d’Algérie, Paris, L’Harmattan, 2008.
158« Indignation et tristesse chez les rapatriés », Le Populaire du Centre, 20 mars 1964 et « À propos de la loi d’amnistie », Le Provençal, 23 décembre 1964.
1592e séance du 17 décembre 1964, AN, JO, p. 6226-6227.
160Gaston Defferre (FGDS – Bouches-du-Rhône), 2e séance du 21 avril 1966, AN, JO, p. 888.
161Marcel Champeix (FGDS – Corrèze), séance du 12 mai 1966, Sénat, JO, p. 542.
162Paul Cléricy (FGDS – Alpes maritimes), 1re séance du 28 novembre 1967, AN, JO, p. 5288.
163Ibid., p. 5289.
164Marcel Massot (FGDS – Basses-Alpes), ibid., p. 5292.
165Marcel Massot et Marcel (pour Raoul) Bayou (FGDS – Hérault), 1re séance du 23 juillet 1968, AN, JO, p. 2473.
166Voir Gacon Stéphane, L’amnistie. De la Commune à la guerre d’Algérie, Paris, Le Seuil, 2002, p. 267-295.
167Voir Guigon Gaston Dr, Nostalg… erie ou nostalgie de l’Algérie, s. l., 1971 et Ruscio Alain, Nostalgérie. L’interminable histoire de l’OAS, Paris, La Découverte, 2015.
168Nos sondages systématiques dans la presse fédérale montrent que les cérémonies du 19 mars sont régulièrement couvertes à partir de 1966. Le Provençal le fait chaque année dès 1967, alors que Le Populaire du Centre attend 1970. Serait-ce parce que Robert Lacoste est toujours sénateur et président du conseil général de Dordogne ?
169« Conférence nationale sur l’affaire Ben Barka », Populaire-Démocratie, 23-24 et 28-29 avril 1966.
170Fuzier Claude, « La route du 6 février », Démocratie 62, 1er février 1962.
17151e congrès national des 9-12 juillet 1959 à Issy-les-Moulineaux, Archives de l’OURS, interventions de Guille (p. 27), de Boutbien (p. 151), de Berthet (p. 212) et de Tanguy Prigent (p. 161).
172La République de Normandie, 13 novembre 1959 ; Le Populaire Dimanche, 15 novembre 1959.
173Voir, par exemple, Étienne Gurgand, qui se réclame de son passé au Comité antifasciste de Niort en 1934, « Réflexion sur une rébellion avortée », Le Travail des Deux-Sèvres, 13 mai 1961 ou encore Lechantre Jean, « L’Histoire jugera », ibid., 7 juillet 1962.
174Rosenfeld Oreste, « Après la mutinerie des généraux, de la Ve … à la dictature », Tribune socialiste, 6 mai 1961.
175Sfez Lucien, « Généreuse mais trahie : la Résistance », Tribune socialiste, 17 juin 1961. Étudiant en droit, Sfez est le secrétaire politique des ESU.
176Delatour J.-M., « La gangrène », Le Travail des Deux-Sèvres, 18 novembre 1961.
177David Jean, Recension de Djamila Boupacha de Beauvoir et Halimi, Démocratie 62, 22 février 1962.
178Frameries Georges (Fuzier), « Les remords du vice », Démocratie 61, 9 novembre 1961. Sur l’OAS, voir Dard Olivier, « Sorties de guerre et OAS », dans Harismendy Patrick et Joly Vincent (dir.), Algérie. Sortie(s) de guerre, 1962-1965, Rennes, PUR, 2014, p. 43-56.
179Verlhac Jean, « D’urgence l’union syndicats – partis de gauche » et « Unité réalisée cette semaine », Tribune socialiste, 14 et 21 octobre 1961.
180Le Populaire de Paris, 19 octobre 1961 ; Berger Pierre, « Paris à l’heure de la matraque » et « Le surhomme de la matraque », Démocratie 61, 19 et 26 octobre 1961 ; communiqués du comité directeur, Populaire Dimanche, 21-22 octobre 1961 ; et Tribune socialiste, 21 octobre 1961.
181Fuzier Claude, « La mort d’un héros », Démocratie 61, 23 novembre 1961. Le 31 mars 1961, le maire SFIO d’Évian-les-Bains, Camille Blanc, a déjà été assassiné par l’OAS pour avoir accueilli les négociations.
182Delatour J.-M., « La gangrène », Le Travail des Deux-Sèvres, 18 novembre 1961 et Berger Pierre, « Des Waffen SS français ? » (recension des Parachutistes de Gilles Perrault), Démocratie 61, 23 novembre 1961.
183Benoist A., « L’OAS = SS », Tribune socialiste, 22 janvier 1962.
184Couverture avec photographie du nouveau chancelier allemand en civil au côté du président en uniforme, le 30 janvier 1933 et « La route du 6 février », ibid., 1er février 1962.
185La CGT, la CFTC, l’UNEF, le SGEN, la FEN et le SNI. Voir Dewerpe Alain, Charonne, 8 février 1962 : anthropologie historique d’un massacre d’État, Paris, Gallimard, 2006.
186Berger Pierre, « La République nous appelle », Démocratie 62, 15 février 1962.
187Voir la publicité pour commander l’affiche dans Tribune socialiste, 17 février 1962.
188Sur les « députés-godillots », c’est-à-dire d’une fidélité inconditionnelle à de Gaulle, voir De Baecque Antoine, Les Godillots – Manifeste pour une histoire marchée, Paris, Anamosa, 2017.
189Poli Joseph, « Le mythe du chef », Démocratie 62, 14 juin 1962.
190« Il y a 25 ans, les frères Rosselli étaient assassinés » et Fuzier Claude, « Justice et liberté », Démocratie 62, 7 et 14 juin 1962.
191Fuzier Claude, « L’Enjeu », Démocratie 62, 30 août 1962.
192David Jean, « Une histoire de joies et de douleurs », Démocratie 62, 23 août 1962.
193Profession de foi d’Émile Bèche et Raoul Auzanneau, Le Travail des Deux-Sèvres, 17 novembre 1962.
194« An VIII du pouvoir personnel », Le Populaire de Paris, 13-14 mai 1965. On note que ledit régime démarre désormais le 13 mai 1958 !
195« Au mur des fusillés d’Arras » et Édito, Le Populaire de Paris, 21-22 septembre et 14-15 octobre 1965.
196Le Populaire de Paris-Démocratie 66, 16-17 et 19-20 avril 1966. Faute de moyens, les deux journaux ont fusionné le 5-6 avril 1966.
197Lethil Jean, « Les ralliés au régime ne voient pas le caractère fondamentalement réactionnaire de la politique étrangère gaulliste », Le Populaire de Paris – Démocratie 66, 31 mai 1966.
198Déjà, le 11 avril 1965, il y aurait eu deux mille militants des fédérations de la Seine, Seine-et-Oise et de la Seine-et-Marne ; et plus encore un an plus tard. Le Populaire de Paris, 11 avril 1965 et Démocratie 66, 5-6 avril 1966.
199« L’Histoire vivante du Front populaire de Jean Grandmoujin », Populaire de Paris – Démocratie 66, 16-17 avril 1966.
200Cité par Pot Charles, « Il y a trente ans, le premier gouvernement Léon Blum », idem, 4-5 juin 1966.
201Frameries Georges (Fuzier), « De l’expérience à l’Histoire », ibid., 5-6 juillet 1966. Rappelons que Georges Lefranc, ancien pacifiste et planiste, membre de Révolution constructive, a collaboré, entre autres, au Rouge et le Bleu de Spinasse et a été exclu de la SFIO. Bien que n’ayant pas repris sa carte au parti, il y est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes du mouvement ouvrier avec Histoire du Front populaire (Payot, 1965), Le Front populaire (« Que sais-je ? » 1965) et Juin 36 (Archives – Julliard, 1966). Voir la notice de Jean Maitron, DBMOF.
202Populaire de Paris-Démocratie 66, 14-15 et 16-17 juin 1966. Sont également présents la veuve et le fils de Blum. Pour l’occasion, Jules Moch publie une brochure, Naissance et croissance du Front Populaire, Éditions du Parti socialiste, SFIO, 1966.
203Déclaration reproduite dans Le Populaire de Paris – Démocratie 68, 1er juin 1968.
204« Dans l’opposition », Le Monde, 1er juin 1968.
205Le Populaire de Paris-Démocratie 68, le 18 juin 1968.
206Fuzier Claude, « Le désert gaulliste » et « Contradictions », ibid., 12-13 septembre et 15-16 octobre 1968.
207Congrès national constitutif 1re session à Alfortville, le 4 mai 1969, Archives de l’OURS, p. 7 et 2e session à Issy-les-Moulineaux, les 11-13 juillet 1969, Archives de l’OURS, p. 19.
208Au nom des socialistes, Claude Fuzier s’en défend dans « Le véritable choix », Le Populaire de Paris, 9-10 octobre 1965.
209Son frère Robert a épousé, en 1939, Édith Cahier, fille de Paul Cahier et belle-sœur d’Eugène Deloncle. Et sa sœur Marie-Josèphe de Corlieu (dite Jo), est, de 1941 à 1947, la maîtresse de Jean Bouvyer, autre cagoulard. Voir Pean Pierre, Une jeunesse française. François Mitterrand 1934-1947, Paris, Fayard, 1994, p. 110, 226, 540, 548 et 550. L’intérêt et l’accusation persistent : voir le livre récent de l’avocat Gerbert François, Mitterrand entre Cagoule et Francisque 1935-1945, Paris, L’Archipel, 2016.
210Pean Pierre, op. cit., p. 292-295.
211« François Mitterrand ou “Cet homme est dangereux” », Lectures françaises, no spécial, octobre 1958.
212Voir Battut Jean, Francois Mitterrand le Nivernais (1946-1971). La conquête d’un fief, Paris, L’Harmattan, 2011, et Vigreux Jean, François Mitterrand, la Nièvre et le Morvan, Dijon, EUD, 2017.
213« Rastignac ou Salengro ? », Démocratie 59, 30 octobre 1959.
214« Comment ils traitèrent la mort de Léon Blum », Démocratie 64, 23 juillet 1964.
215Voir le compte rendu élogieux du Coup d’État permanent suivi de Mollet Guy, « Pourquoi nous soutenons François Mitterrand », La Revue socialiste, no 187, novembre 1965, p. 337 sq.
216Pean Pierre, op. cit., p. 18.
217Mitterrand François, Les prisonniers de guerre devant la politique, préface d’André Colin, Paris, Éditions du Rond-Point, 1945.
218Pean Pierre, op. cit., p. 293-294.
219Duhamel Éric, François Mitterrand l’unité d’un homme, Paris, Flammarion, 1998, p. 22.
220Le Courrier de la Nièvre, 26 juin 1948 et Le Journal du Centre, 25 et 27 juin 1949. Voir aussi Vigreux Jean, op. cit., p. 104-108.
221« Les insulteurs du parti des fusillés », L’Humanité Dimanche, 14 novembre 1948. Le journal en fait à nouveau état le 27 novembre 1958 dans le cadre de la campagne législative.
222Conseil national de Pantin du 13 novembre 1948, OURS, p. 88-89.
223Copie d’une note des RG datée de septembre 1954 et lettre d’André Beauchet, secrétaire fédéral SFIO de la Nièvre, du 15 novembre 1959, au secrétariat général, OURS, Correspondance de Guy Mollet, Dossier Mitterrand, AGM 135. Cette photographie, en couverture du livre de Péan, a été prise lors de son audience chez le maréchal Pétain, le 15 octobre 1942, en compagnie de trois de ses camarades du Centre d’entraide aux prisonniers rapatriés de l’Allier. Voir Pean Pierre, op. cit., p. 220.
224Morin Gilles, « Scandale à l’assemblée. Itinéraire d’un imposteur, de la Collaboration au Parlement », Parlement[s]. Revue d'histoire politique, no 27, 2018/1, p. 179-199.
225Duhamel Éric, op. cit., p. 31-37 et 48-59.
226Pean Pierre, op. cit., p. 15.
227Séance du 3 décembre 1954, AN, JO, p. 5778. Dronne est célèbre pour avoir été le premier à entrer dans Paris, à la Libération, sur un char de la 2e DB.
228Pierre Montel (Rhône – PRL) et François Mitterrand (UDSR-Nièvre), séance du 7 octobre 1955, AN, JO, p. 4992.
229Henry Rousso parle même, pour cette période, de « judéo-centrisme ». Rousso Henry, « Vichy et le cas Mitterrand », L’Histoire, no 181, octobre 1994.
230Le Courrier de la Nièvre, 21 et 28 juin 1958 et pleine page du Journal du Centre, 27 juin 1958.
231Le Progrès social du Centre, organe fédéral de la SFIO, 23 novembre 1958.
232Duhamel Éric, op. cit., p. 177-179.
233Voir Vigreux Jean, op. cit., p. 109.
234Pour résumer, il est victime d’un attentat dans la nuit du 15 au 16 octobre 1959, fomenté par l’ancien poujadiste Robert Pesquet. Ce dernier accuse Mitterrand d’en être le commanditaire pour se remettre en selle. Après analyse, Éric Duhamel ne peut trancher entre la thèse, soutenue par Mitterrand et Roland Dumas, d’une machination visant à l’éliminer politiquement, et celle d’un Mitterrand machiavélique, à la fois victime et instrumentalisant l’attentat. Op. cit., p. 191-200.
235Cité par Duhamel Éric, ibid., p. 192.
236Démocratie 59, art. cité.
237« On ne vous l’a pas dit. Les vraies questions sur “l’Affaire” », Démocratie 59, 28 novembre 1959.
238Lettre du secrétaire fédéral de la Nièvre à Guy Mollet du 15 novembre 1959, arch. cit.
239Antoine Courrière (Aude-SFIO), séance du 25 novembre 1959, Sénat, JO, p. 1194 et détail du scrutin p. 1196.
240Voir Heurgon Marc, op. cit., p. 65. Il appuie ses dires sur un témoignage que lui a accordé Édouard Depreux le 22 novembre 1977, et un entretien avec Jean Verlhac de juillet 1994.
241Archives Robert Verdier, OURS, 82 APO 3, Procès-verbaux de la CAP du PSA. Pour atténuer la sentence, Mitterrand, Verdier et Depreux s’accordent pour dire que Mitterrand n’a pas demandé son adhésion, CAP du 1er juillet 1959.
242Depreux Édouard, Servitude et grandeur du PSU, Paris, Syros, 1974, p. 111 et p. 194.
243Heurgon Marc, op. cit., p. 67.
244Morin Gilles, De l’opposition socialiste à la guerre d’Algérie au Parti socialiste autonome, 1954-1960 : un courant socialiste de la SFIO au PSU, thèse sous la dir. d’Antoine Prost, à Paris 1 Panthéon – Sorbonne, 1992, p. 555.
245« Plusieurs voix sur les bancs du groupe UNR-UDT : La francique ! » Et alors que Pierre Bas lui dit qu’il s’est déshonoré à l’Observatoire, Gabriel Kaspereit s’écrie : « Parlez-nous de la francisque ! » et Albert Marcenet : « Votre chemin politique est un long parcours, Monsieur Mitterrand ! », « En spirale ! », ajoute André Fanton. Séance du 20 mai 1964, AN, JO, p. 1279-1280.
246Le Populaire de Paris, 11-12 septembre 1965 et réunion du comité directeur du 15 septembre 1965, OURS, p. 8.
247Voir, par exemple, les interventions de Gabriel Kaspereit et du général Billotte au meeting de Neuilly-sur-Seine, le 30 novembre 1965, « Les leaders de l’UNR attaquent les candidats de l’opposition… », Le Monde, 2 décembre 1965.
248Rappelons que la FGDS regroupe la CIR, la SFIO, les radicaux socialistes et d’autres clubs que la Fédération allie alors formellement à la CIR, lui assurant ainsi une plus grande surface politique
249Viansson-Ponte Pierre, « Un personnage de roman », Le Monde, 11 septembre 1965.
250Fuzier Claude, « Les “vérités” du Général », Le Populaire de Paris, 2-3 janvier 1965.
251Fuzier Claude, « An VIII du pouvoir personnel », Démocratie 65, 13 mai 1965.
252Champeix Marcel, « Le dernier disciple », Le Populaire de Paris, 6-7 novembre 1965.
253Voir Delporte Christian, Images et politique en France au xxe siècle, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2006, p. 338.
254Voir Plumauzille Clyde et Rossigneux-Meheust Mathilde, « Le stigmate ou la différence comme catégorie utile d’analyse historique », Hypothèses, no 17, 2014/1, p. 215-228.
255Tribune socialiste, 6 novembre et 4 décembre 1965.
256L’affiche fait d’ailleurs la une de Démocratie 65, le 25 novembre 1965.
257Démocratie 65, 9 décembre 1965.
258Discours du 3 décembre 1965, cité par Manceron Claude, Cent mille voix par jour pour Mitterrand, Paris, R. Laffont, 1966, p. 243-244.
259Philipponnat Olivier et Lienhardt Patrick, Roger Stéphane. Enquête sur un aventurier, Paris, B. Grasset, 2004, p. 741.
260Manceron Claude, op. cit.
261Ibid., p. 17.
262Ibid., p. 64.
263« C’est elle que j’épouserai ! » est le titre du chapitre.
264Ibid., p. 63 et 65.
265Ibid., p. 69-70.
266Cayrol Roland, François Mitterrand 1945-1967, Paris, FNSP, 1967, p. 5 et 8 et p. 75-83.
267Ibid., p. 75.
268Face à face de Jean Farran, 9 mai 1966, sur la première chaîne de l’ORTF, INA. C’est au cours de cette émission, que Mitterrand a cette réplique célèbre : « Alors je suis florentin, je suis Rastignac, je suis Gambetta et voici que je suis Thiers. Permettez-moi d’être un peu François Mitterrand. »
269Zoom, dont un entretien avec Josette Barellis filmé par Claude Agostini, 25 octobre 1966, sur la deuxième chaîne de l’ORTF, INA.
270Mitterrand François, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, préface.
271Ibid., p. 20-22.
272Ibid., p. 23-24.
273Mayer Daniel, op. cit., chap. 10, p. 359-380.
274Il a laissé guillotiner une quarantaine de nationalistes algériens. Voir Malye François et Stora Benjamin, François Mitterrand et la guerre d’Algérie, Paris, Calmann-Lévy, 2010.
275Mayer Daniel, op. cit., p. 365-366.
276Wieviorka Olivier, Nous entrerons dans la carrière. De la Résistance à l’exercice du pouvoir, Paris, Le Seuil, 1994, p. 54-55.
277Rappelons qu’en Mai 1968, des tracts et placards gauchistes ont associé les CRS à la SS.
278Frameries Georges (Fuzier), Le Populaire-Démocratie, 18-19 janvier 1969.

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