Introduction
p. 15-29
Texte intégral
1« La guerre aura hâté singulièrement le moment où les idées maîtresses du socialisme doivent s’incorporer à la conscience universelle… », écrit Léon Blum en 1919 dans Pour être socialiste. Si le socialisme résulte du constat que les hommes naissent libres et égaux entre eux et qu’ils doivent se dresser face aux injustices, la Grande Guerre aura précipité ce mélange de raison et sentiment en une morale avant même d’en faire une doctrine. Serait-ce cette morale qui commande aux socialistes de passer du pacifisme « plus jamais ça » de l’entre-deux-guerres au « plus jamais Munich » lorsque Saddam Hussein attaque le Koweït en août 1990 ?
2Depuis le séisme européen de la Grande Guerre, à l’unisson d’une société française endeuillée, se souvenir de la guerre est un devoir pour tous les socialistes qui adhèrent au pacifisme ancien combattant, du moins jusqu’à la guerre civile espagnole en 1936. Cependant, la montée des fascismes qui menacent la paix les déchire, de même que leurs choix face à l’occupant et au régime de Vichy. Le traumatisme de 14-18, qui contribue à leurs décisions, les oriente sur des voies divergentes : les uns, tel l’ancien secrétaire général du parti socialiste Paul Faure, s’accommodent. D’autres, tels Léon Blum, Daniel Mayer ou Gaston Defferre, entrent en résistance. Patriotes et républicains depuis Jean Jaurès, les socialistes français payent un lourd tribut à la Résistance, longtemps sous-estimé1. En 1944, leur rôle dans la clandestinité est méconnu, leur image abîmée, leur parti à reconstruire et leur mémoire à vif. Après avoir exclu ceux qui ont failli à leurs yeux, les résistants qui reconstituent le Parti socialiste-Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) ne se contentent donc pas de commémorer les guerres où, en patriotes, ils ont combattu les Prussiens en 1870, puis les Allemands en 14-18 et en 39-45 : ils veulent également se souvenir de toutes « leurs guerres », celles où ils ont combattu en tant que militants pour leur idéal.
3Parce que ces luttes et révolutions ont, le plus souvent, été marquées du sceau de la répression la plus sanglante, le mouvement ouvrier les assimile à des guerres civiles, conformément à l’interprétation de Karl Marx dans Les luttes des classes en France en 1850. La radicalité de l’engagement qu’elles supposent devient peu à peu constitutive de son identité même2. Le mouvement ouvrier érige ainsi la Révolution française, 1848 plus que 1830, et la Commune de Paris en événements fondateurs de son mythe des origines où le peuple s’est sacrifié au nom de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité. En 1944, la SFIO, déchirée et meurtrie par l’Occupation, considère que ces guerres fratricides ont été menées au nom des intérêts supérieurs de la nation tout entière, et en allonge la liste3. Le Rassemblement populaire antifasciste et la Résistance, au-delà du sort même de la patrie, sont à leur tour conçus comme des guerres civiles qui ne disent pas leur nom dans l’Histoire mais qu’eux, militants et sympathisants, reconnaissent comme telles4.
4Puis viennent d’autres guerres, d’une nature nouvelle et auxquelles ils n’étaient guère préparés : celles de la décolonisation, en Indochine de 1946 à 1954 et, surtout, en Algérie de 1954 à 1962. Cette dernière, sale guerre et guerre sans nom, blesse l’ethos des socialistes et provoque la scission de leur parti en septembre 1958, avant d’ajouter une strate supplémentaire à leur douloureuse mémoire des guerres, tout en rouvrant de vieilles blessures.
5Cultiver le souvenir de « leurs guerres » est donc loin de flatter systématiquement le narcissisme des socialistes, et l’on serait même tenté de dire que cela relève parfois du masochisme. S’ils se sont ralliés à l’Union sacrée en août 1914, ils ont commencé dès avril 1915 à entretenir le remords d’y avoir consenti. Se considérant plus ou moins complices de « la grande boucherie » fomentée par « les marchands de canons », ils ont nourri en contrepartie un pacifisme « plus jamais ça » presque viscéral dans l’entre-deux-guerres. En 1936, la politique de non-intervention dans la guerre civile espagnole, acceptée à contrecœur par le gouvernement de Léon Blum, est une brûlure inguérissable tant que la démocratie n’est pas restaurée après la mort de Franco en 1975. Quant à « la sale guerre » d’Algérie, elle pousse à partir ceux qui refusent « le national-molletisme » en septembre 1958, et provoque le dégoût de la génération entrée à cette époque en politique.
6Guerres héroïques, guerres honteuses, « leurs guerres » laissent aux socialistes des souvenirs très contrastés. À la différence du Parti communiste français (PCF), ils ne semblent capables ni de les oublier, ni même de les occulter grâce à des mythes écrans ou consolateurs. Être socialiste, ce serait donc cultiver sa mémoire.
7Pour saisir ce rapport complexe entre mémoire des guerres et identité, une période relativement longue était nécessaire. Celle qui court de la Libération à la fin du second septennat de François Mitterrand, en mai 1995, a été choisie pour plusieurs raisons.
8D’une part, aux lendemains de la guerre, l’essor des médias de masse, en particulier audiovisuels, donne un écho sans précédent aux politiques mémorielles des gouvernements, que les socialistes y participent ou qu’ils soient dans l’opposition. Le parti, ses militants et sympathisants doivent se positionner par rapport aux représentations officielles du passé et au régime mémoriel dans lequel prédomine l’imaginaire de l’unité nationale5. D’autre part, la Libération constitue une véritable rupture pour les socialistes.
9En juin 1944, la SFIO fondée par Jaurès en 1905 n’existe plus. Son secrétaire général adjoint, le paul-fauriste Jean-Baptiste Séverac, l’a suspendue en juin 1940 et le Comité d’action socialiste (CAS), qui s’est créé dans la clandestinité en 1941 sous la magistrature morale de Léon Blum et la houlette de Daniel Mayer6, n’a pas encore reconstitué « la vieille maison ». C’est chose faite avec le congrès national extraordinaire de novembre 1944 qui, en excluant tous les parlementaires et responsables qui ont failli sous le régime de Vichy, se veut le congrès de la rénovation. Dans l’ombre portée de la Résistance, la génération politique7 qui prend alors les rênes du parti s’implante au Parlement et, surtout, durablement dans les territoires, d’abord dans les Comités départementaux de libération (CDL) et municipalités provisoires, puis dans les assemblées départementales et conseils municipaux. Cette génération, représentée par Guy Mollet, Max Lejeune ou Gaston Defferre, fait preuve d’une longévité politique remarquable et, si les législatives de novembre 1958 lui sont fatales, elle garde, grâce au cumul des mandats, une solide assise locale sous la Ve République.
10Le renouvellement espéré de la SFIO n’a cependant pas lieu, et il faut attendre le Parti socialiste issu du congrès d’Épinay, en juin 1971, pour que de nouvelles générations se mêlent aux anciennes. Des militants, entrés en politique par refus de la guerre d’Algérie, s’emparent de nombre de municipalités en 1977 et de postes de responsabilité au sein du parti, alors même que d’anciens résistants et militants de gauche, tels Jean Poperen ou Gilles Martinet8, les rejoignent au PS. La tranche d’âge incarnée par Claude Fuzier, Claude Estier, Pierre Bérégovoy, Pierre Mauroy, Robert Badinter, Yvette Roudy, Michel Rocard ou encore Édith Cresson, n’a pas fait la guerre de 39-45 mais elle l’a vécue, y a forgé ses premières opinions politiques et appartient, par conséquent, elle aussi à la génération de la Seconde Guerre mondiale9. Plus jeune, celle où s’illustrent Lionel Jospin ou Jean-Pierre Chevènement10, en conserve sans doute un souvenir plus flou, mais la guerre d’Algérie, qui marque leur entrée en politique, rouvre les plaies de l’Occupation.
11Ceux qui sont nés avec le baby-boom et qui prennent leur envol sous les septennats Mitterrand ou avec la Gauche plurielle de 1997 à 2002, tels Laurent Fabius, Élisabeth Guigou, Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Ségolène Royal, ou encore François Hollande, adhèrent au PS d’Épinay au cœur des années soixante-dix11. Les vétérans susceptibles de leur transmettre directement leurs souvenirs ne sont plus aussi nombreux, mais la direction mitterrandiste fait un effort sans précédent de formation par « la mémoire collective12 ». Membre de l’Union socialiste et démocratique de la Résistance (UDSR) à partir de 1945, puis président de la Convention des institutions républicaines (CIR) à partir de 1964, candidat unique de la gauche en 1965, François Mitterrand s’empare du parti socialiste à Épinay en juin 1971 et conçoit clairement la mémoire comme un outil de conquête du pouvoir, tant au sein du parti que sur la scène nationale. Né en 1916, fondateur du Mouvement de résistance des prisonniers de guerre et des déportés (MRPGD) en 1943, il appartient à cette première génération politique issue de Résistance et, de 1981 à 1995, il est le dernier président de la République à en être issu. À la fin de son mandat, la résurgence de son passé vichysto-résistant sous l’Occupation et la découverte de ses relations entretenues, depuis lors, avec l’ancien collaborateur René Bousquet ébranlent les socialistes. C’est pourquoi il est pertinent d’aller au bout de ce processus de transmission mémorielle impulsé en 1944, en incluant ses deux septennats.
12Pourquoi interroger aujourd’hui l’identité des socialistes français sous l’angle de leurs mémoires des guerres et, réciproquement, les mémoires des guerres en France au prisme des socialistes ?
13À l’heure où les partis français semblent blessés à mort au profit de nouvelles formes d’organisations qui se cherchent encore, le parti demeure bel et bien, pour la période qui nous intéresse, l’un des corps intermédiaires fondamentaux entre le pouvoir et les citoyens, dans une démocratie représentative à laquelle les socialistes se sont définitivement ralliés depuis le discours de la Bellevilloise de Léon Blum en 192613. Le milieu partisan articule différents niveaux, du sommet – le plus facile à appréhender – avec les dirigeants et les parlementaires, à la base – difficilement saisissable, en passant par le personnel fédéral, les élus des grandes municipalités, les courants et des intellectuels socialisants que l’historien peut sonder. Cet écosystème peut être observé comme un microcosme, une démocratie en réduction, avec non seulement ses valeurs et ses principes, mais aussi ses normes, ses accommodements et ses transgressions, ce qui implique de porter un regard presque anthropologique sur ses pratiques, rites et symboles. Dans ce cadre, militants et sympathisants développent une manière d’être au monde grâce à un système de représentations de leur présent, lesquelles sont influencées par celles de leur passé et déterminent celles de leur avenir. À ce titre, le parti socialiste est un objet encore chaud, d’autant que son brutal déclin, depuis sa défaite aux présidentielles de 2017, invite à renouveler les pistes pour comprendre les origines du mal qui le ronge.
14La dernière grande synthèse, celle d’Alain Bergounioux et Gérard Grunberg, a étudié son rapport compliqué au pouvoir de 1905 à 2005 mais n’aborde pas sa mémoire14. Fabrice d’Almeida a comparé les usages du passé chez les socialistes français et italiens de 1945 à 1983 et a montré le caractère déterminant du rapport à l’Histoire dans l’identité partisane, mais cette utile analyse est menée par en haut et n’envisage donc pas les interprétations des fédérations, pas plus qu’elle ne cible les mémoires des guerres et leurs articulations entre elles15. Quant à Philippe Marlière, s’il a proposé une sociologie du souvenir politique en milieu partisan, il l’a réalisée à partir d’un corpus d’entretiens avec des socialistes au début du xxie siècle et étudie, par conséquent, une mémoire postérieure à celle que nous voulons saisir16. Des jalons existent, mais tout un champ reste donc à défricher pour appréhender ce que signifie être socialiste dans le second xxe siècle.
15De juin 1944 à mai 1995, la plupart des socialistes se rassemble dans une série d’organisations qui, sans les contenir tous, se veulent du moins l’incarnation de cette identité que nous souhaitons interroger. Le PS-SFIO, reconstitué dans la clandestinité par Léon Blum et Daniel Mayer et dirigé par Guy Mollet de 1946 à 1969, puis le nouveau Parti socialiste d’Alain Savary et, enfin, le Parti socialiste (PS) issu du congrès d’Épinay en juin 1971 sous la houlette de François Mitterrand, constitueront notre principal objet d’étude. Pour autant, l’éphémère Parti socialiste autonome (PSA), né de la scission de septembre 1958, puis son successeur en avril 1960, le Parti socialiste unifié (PSU) de Michel Rocard, jusqu’à ce qu’une partie de ses adhérents rejoignent le PS aux Assises du socialisme en 1974, apportent un indispensable contre-point pendant la crise qui affecte aussi bien la gauche que le régime à partir du 13 mai 1958. Il convient aussi de tenir compte de l’évolution des effectifs : si la SFIO, à la Libération, compte 355 000 adhérents (contre 180 000 en 1939), elle retombe à 100 000 environ dès 1950 avant de s’effondrer. À Épinay, le parti démarre à 65 000 adhérents pour atteindre près de 200 000 à la veille de la victoire du 10 mai 198117.
16Cela étant, dans un parti qui joue le jeu de la démocratie représentative, les relations entre mémoire et identité sont régies par un cadre normatif théorique. Appréhender, en pratique, les accommodements, adaptations, écarts, voire transgressions, est tout l’enjeu de cette analyse. Le parti socialiste dote ses militants d’une déclaration de principes18, de statuts, d’un règlement et donc d’une discipline qui s’imposent à tous. Au fil des crises et des refondations, l’identité socialiste, bien qu’héritière d’une tradition toujours revendiquée, est régulièrement redéfinie par les organes législatifs du parti et régulée en cas de conflit interne. Car si nul n’a jamais raison contre lui, une fois le débat démocratique clos, le parti tente de s’adapter aux exigences de son temps pour éviter un conservatisme mortifère. Pour autant, être socialiste se décline avec une infinité de nuances selon les générations de militants, les territoires, la puissance des fédérations, voire selon le genre, le parti étant essentiellement masculin. La dispersion des socialistes pendant la Seconde Guerre mondiale, tant géographique que politique, rend cette identité, au-delà de sa définition doctrinale, encore plus difficile à saisir.
17Or à la Libération, dans un contexte à la fois de deuil, non seulement des disparus mais aussi de « la vieille maison », la mémoire de la Seconde Guerre mondiale des socialistes cristallise, pour reprendre le concept de culture politique forgé par Serge Berstein et Jean-François Sirinelli19, leur « lecture du passé » et conditionne leur « projection dans l’avenir20 ». Par là même, elle conforte un ensemble de valeurs et de croyances, auquel pratiques, rites et symboles donnent chair au quotidien. Dans sa définition de la culture politique des socialistes en 1999, Michel Winock ne considérait-il pas déjà la tension entre le patriotisme et le pacifisme comme « marquant la mémoire socialiste de manière indélébile21 » ?
18Au cours de la longue sortie de guerre22, qui commence à la Libération et se prolonge avec la guerre d’Algérie, puis, au-delà des accords d’Évian de mars 1962, avec les attentats de l’OAS23, les mémoires obsessionnelles des guerres ont profondément marqué l’identité et l’action du parti reconstitué en novembre 1944. Moins visibles que leurs adversaires gaullistes et communistes sur la scène politique nationale, les militants socialistes ont, cependant, contribué à la mémoire collective des Français, ne serait-ce que par le travail législatif de leurs parlementaires qui ne doit pas être négligé. Telles des ondes, leurs mémoires des guerres continuent de se propager, à haute ou basse fréquence, jusqu’à nos jours.
19Ce faisant, ce travail s’inscrit également dans l’histoire de la mémoire de guerre. Henry Rousso, en 1987, puis Benjamin Stora, en 1992, ont ouvert la voie à ce champ historiographique fécond en suivant, l’un le fil rouge du « syndrome de Vichy », l’autre de « la gangrène », montrant par là même que la société française était malade de ses mémoires des guerres24.
20Depuis, d’autres travaux sont venus enrichir nos connaissances ; ne citons que les plus instructifs pour notre étude. Pieter Lagrou a élargi l’analyse de la France aux Pays-Bas et à la Belgique dans une approche comparative, et a entre autres montré qu’il fut plus facile de cerner, après-guerre, ce qu’avait été la Résistance que de définir qui en avait fait partie25. Olivier Wieviorka a mis à nu les processus d’émiettement de la mémoire politique des années sombres de la Libération au tournant du xxie siècle26, et Pierre Laborie a récusé l’idée instaurée, selon lui, depuis les années soixante-dix, selon laquelle les Français auraient été au mieux des attentistes, au pire des collaborateurs27, quand François Azouvi dénonce ce qu’il appelle les mythes du « grand silence » sur la Shoah et du « grand tapage » résistancialiste28. Quant à la guerre d’Algérie, qui n’a été reconnue comme telle par la loi qu’en 1999, un premier grand colloque organisé par le CNRS en 1988 a ouvert des pistes avec sa dernière partie consacrée aux « Séquelles et enjeux de mémoires29 ». Gilles Manceron et Hassan Remaoun (1993)30, puis Mohammed Harbi et Benjamin Stora d’une part et Anny Dayan Rosenman et Lucette Valensi d’autre part (2004)31, ont observé les mémoires blessées des différentes communautés avec des chercheurs des deux rives de la Méditerranée. De sorte qu’en ce début de xxie siècle, Raphaëlle Branche pouvait dresser un premier bilan historiographique et conclure qu’une histoire apaisée était enfin en train d’émerger32. Néanmoins, Rémi Dalisson a montré que sa commémoration demeurait toujours compliquée33. Les mémoires des guerres en France, bien que celle d’Algérie fasse rejouer les failles induites par celle de 39-45, ont donc été étudiées séparément tant la tâche demeure complexe. Lorsqu’elles l’ont été conjointement, cela a été par le biais circonscrit des commémorations34 ou des politiques mémorielles des présidents et gouvernements35.
21Cet ouvrage, qui vise à démonter leur intrication au cœur d’un système de représentations constitutif d’une identité partisane, contribue donc à cette recherche collective.
22Au milieu des années quatre-vingt, faisant le bilan d’une enquête lancée par le CNRS sur quarante années de commémorations de la Seconde Guerre mondiale, Jean-Pierre Rioux soulignait déjà la nécessité d’y intégrer « les variables politiques » et regrettait que les socialistes, en l’occurrence, y soient sous-représentés36. Et Robert Frank invitait à ne pas exagérer la bipolarisation de la mémoire entre gaullistes et communistes, convaincu qu’elle était moins nette en Province qu’à Paris37. À ce jour, les seules mémoires politiques des guerres à avoir fait l’objet d’une analyse systématique sont précisément gaulliste et communiste. La première a longtemps dominé grâce au poids du mythe résistancialiste instauré par le général de Gaulle à la Libération38 mais, si elle a largement influencé le roman national, elle n’est pas à proprement parler une mémoire partisane. En revanche, celle du PCF semble l’archétype de la mémoire imposée par la direction d’un parti à tous ses militants, quitte à exclure ceux qui ne peuvent s’y conformer, comme l’a révélé toute une série d’affaires, Tillon, Guingouin ou Lecoeur, au début des années cinquante. Les travaux de Stéphane Courtois, de la sociologue Marie-Claire Lavabre, ainsi que des thèses inédites à ce jour39, ont bien défriché ce terrain, sans compter les histoires du PCF qui critiquent son histoire officielle40.
23Il existe donc un déséquilibre historiographique entre les deux frères ennemis du mouvement ouvrier qui demandait à être compensé. Des travaux exploratoires sur le remords des socialistes d’avoir consenti à la guerre en 1914, sur leur impérieux besoin de mettre en œuvre un devoir de mémoire à la Libération et, enfin, sur leurs usages de la mémoire au service de la conquête du pouvoir entre 1971 et 1981 ont constitué les premiers jalons de ce livre41.
24Pour ce faire, un certain nombre de démarches et d’outils existaient déjà. Depuis les travaux pionniers de Maurice Halbwachs42 sur la mémoire collective, nous savons que celle-ci subsume les mémoires individuelles déterminées par des cadres sociaux, et qu’elle est la représentation de son passé par une communauté en fonction de ses besoins présents et de sa conception du temps. Or, si les rapports des sociétés à leur passé ont évolué depuis l’entre-deux-guerres, moment où le sociologue a formulé ses hypothèses, un nombre considérable d’études, issues de diverses disciplines, a enrichi notre boîte à outils.
25Le philosophe Paul Ricœur43 nous a appris à distinguer trois types de mémoires : une mémoire « empêchée », celle du traumatisme et du deuil impossible, dont on refoule le souvenir, parfaitement repérable aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre d’Algérie ; une mémoire « obligée », correspondant à ce « devoir de mémoire » dont la formulation s’est imposée dans les années 1990 en particulier pour la mémoire de la Shoah et dont « les abus » ont été dénoncés par Tzvetan Todorov44 ; et enfin, une mémoire « manipulée » où, pour des raisons idéologiques, religieuses ou autres, l’on déforme ou l’on occulte le souvenir. À la suite de Denise Jodelet, le psychologue social Jean Viaud45 a défini comme « mémoire des origines » les efforts d’un groupe – ici militant – pour se légitimer en instaurant une continuité d’existence dans la mesure où son présent n’est compréhensible qu’à la lumière d’un passé révolu. À cette volonté patrimoniale de maintenir la tradition commune, s’ajoute une « mémoire exemplaire » conçue comme un dispositif de valeurs partagées par le groupe, voire tendant à l’universalité. Au début des années quatre-vingt, constatant la poussée mémorielle qui affectait diverses communautés, la Nouvelle Histoire s’est emparée à son tour de la mémoire collective et l’a objectivée. Pierre Nora a instauré l’usage du « lieu de mémoire » pour désigner toute référence géographique, événementielle, biographique ou culturelle qui cristallise la mémoire d’un groupe46. Puis, Henry Rousso a emprunté à la psychanalyse « le refoulement » et « le retour du refoulé » pour décrire ce « syndrome » d’une France malade de sa mémoire de l’Occupation et a identifié différents vecteurs, parmi lesquels les pratiques collectives, telles que les commémorations, la mémoire savante ou le cinéma. Surtout, il a montré que l’historien devait périodiser son évolution et que ce nouvel objet s’inscrivait dans l’Histoire du temps présent47. La vague mémorielle n’étant pas retombée, pas plus en France qu’ailleurs dans le monde, avec la promulgation d’une série de lois mémorielles telle que la loi Gayssot de juillet 199048, les historiens ont continué d’interroger les usages politiques du passé49, les guerres des mémoires50, ainsi que les imaginaires de guerre51. Les historiens espagnols ont particulièrement analysé les processus d’oblitération et de recouvrement de la mémoire dans le cas de la guerre civile en Espagne52. Dans ce cadre, Julio Arostegui a souligné l’incidence générationnelle dans l’anamnèse de faits traumatiques, laquelle est favorisée par les petits-enfants53. Plus récemment, les Memory studies, avec Andreas Huyssen54, ont saisi les phénomènes mémoriels comme des objets culturels, nous conduisant à ne pas considérer la mémoire partisane comme close sur elle-même, mais sensible aux évolutions culturelles de son temps. La sociologue Sarah Gensburger, enfin, a rappelé l’approche interactionniste de la mémoire collective par Maurice Halbwachs55 ; approche que l’on peut appliquer aux relations entre les différents organes du parti, ainsi qu’à celles qu’il entretient avec les milieux politique, médiatique et culturel.
26Grâce à ces concepts et méthodes, qu’il convenait d’adapter et de compléter, il devenait alors possible d’écrire cet ouvrage.
27À quoi servent les mémoires des guerres chez les socialistes français au second xxe siècle ? D’une manière générale, la mémoire partisane permet de se légitimer, de disqualifier l’adversaire et, en toute occasion, de mobiliser ses troupes : ils ne font pas exception et savent instrumentaliser le passé pour les besoins de leur cause. Pour autant, de fondation en refondation, ces mémoires des guerres contribuent-elles à leur culture politique commune et donc renforcent-elles leur identité ou, au contraire, par leur diffraction, constituent-elles une faiblesse, sinon structurelle, du moins conjoncturelle ? La représentation partagée du passé est-elle performative ou bien sa réitération est-elle le signe d’une identité fragile ?
28À cette fin, il faut analyser les manières dont ces mémoires de toutes « leurs guerres », telles qu’ils les conçoivent, se construisent en fonction de leur appréhension du temps et du sens de l’Histoire, se sédimentent et rejouent les unes par rapport aux autres. La mémoire par en haut, imposée par la direction du parti qui essaye d’écrire une histoire officielle, les mémoires latérales des différents courants structurés ou non, les mémoires périphériques des intellectuels socialistes ou socialisants, les mémoires territoriales, tant celles des fédérations, des municipalités que celles d’un lieu de mémoire singulier comme le Vercors, et enfin les mémoires des différentes générations s’articulent les unes aux autres. Au fil du temps, elles s’érodent en laissant quelques buttes témoins ou, au contraire, par subduction ressurgissent. Elles n’épousent pas nécessairement l’évolution de la mémoire collective des Français telle qu’Henry Rousso l’a périodisée et ces décalages ne sont pas sans conséquence.
29Néanmoins, la compréhension de ces phénomènes de remémoration ou d’oblitération ne suffit pas, car ces mémoires des guerres peuvent favoriser une commune appréhension des conflits contemporains ou, inversement, l’interdire. S’il est courant de faire un usage politique du passé, ce dernier peut aussi faire irruption, s’imposer dans le processus de décision et conditionner, malgré soi et la discipline du parti, en conscience, les choix de chacun56. Une expérience vécue ensemble – tel ce vote des pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940, sorte de péché originel chez les socialistes – ne se traduit pas nécessairement par une mémoire commune, tant le souvenir de chacun est subjectif et sélectif. Et comme la mémoire imposée par en haut par les dirigeants doit composer avec toutes les autres, latérales et territoriales, le parti ne réussit pas toujours à en faire une mémoire partagée par tous les militants et sympathisants57. À la limite, il est plus facile d’imposer cette mémoire partagée à une génération vierge de toute expérience, comme après le congrès d’Épinay.
30Le projet est donc double. À l’étude des divers usages volontaires des guerres passées à des fins de légitimation ou de disqualification, tant dans les luttes internes que sur la scène politique nationale, s’ajoute l’analyse de leurs effets contraints sur les engagements en temps de guerre ou de crise majeure. Précisons, à ce stade, que les politiques mémorielles des gouvernements socialistes ou du président Mitterrand, surplombantes, ne sont pas notre objet, et que seules les réactions du parti, de ses militants et sympathisants à ces politiques nous intéressent. À l’intérieur même du parti, les mémoires des guerres peuvent servir à rassembler ou à exclure, à figer l’identité du parti dans la tradition ou à la faire évoluer en tirant les leçons du passé. Elles sont toujours convoquées pour mobiliser, avec une efficacité qu’il convient de mesurer sur la longue durée. À l’extérieur, elles permettent de stigmatiser l’adversaire et de justifier ses propres décisions politiques. En même temps, parce que le socialisme est « une morale et presque une religion, autant qu’une doctrine », comme le professait Léon Blum58, l’historien doit prendre au sérieux ces mémoires des guerres – le syndrome de Munich n’est pas qu’une figure de style – et admettre qu’elles peuvent entraîner des dilemmes insupportables et des comportements irrépressibles face à la guerre quand elle advient de nouveau.
31Pour atteindre ces divers objectifs, il a classiquement fallu définir des méthodes et opérer des choix pour constituer le corpus de sources.
32Cet ouvrage n’a aucune prétention quantitative59, une approche qualitative étant plus appropriée pour écrire ce qui est aussi une histoire des représentations. De même, si une démarche anthropologique a semblé pertinente pour analyser les pratiques mémorielles, commémorations et autres rites, y compris funéraires, où les souvenirs se mêlent aux émotions toujours difficiles à saisir, il ne s’agit ici ni d’une histoire anthropologique, ni d’une anthropologie historique. On l’aura compris, ce livre n’hésite pas à emprunter des démarches et des concepts à d’autres disciplines, mais sans prétendre rivaliser avec elles, pour saisir au mieux son objet, ô combien mouvant.
33Les représentations que les socialistes se font de leurs guerres passées se sont ni créées ex nihilo, ni fermées sur elles-mêmes ; cette porosité aux influences extérieures ne devait pas être négligée. En premier lieu, ils réagissent à la production mémorielle de leurs adversaires et, aux lendemains de la Libération, aux deux mémoires qui ont vocation à s’imposer, la gaulliste et la communiste. Les travaux existants ont donc été précieux pour analyser cette co-construction. Toutefois, dans la mesure où les relations en miroir avec le PCF constituent un enjeu identitaire majeur tout au long de la période et ce, bien avant la signature du programme commun en 1972, des incursions dans les sources communistes ont parfois été nécessaires. Ainsi, les perceptions d’un même lieu de mémoire, tels l’assassinat de Jaurès ou le Front populaire, ou d’une célébration commune ont été comparées. En second lieu, la mémoire est perméable aux influences intellectuelles et culturelles et donc à l’actualité scientifique, artistique, littéraire et cinématographique. Les chroniques « Histoire », « Littérature », « Théâtre », « Cinéma » et « Télévision » (Les Dossiers de l’écran sont prisés) de la presse organique, sans surévaluer leur audience auprès des militants et sympathisants, ont été systématiquement scrutées ; elles se sont d’ailleurs révélées de bons indicateurs.
34Enfin, la mémoire étant une perpétuelle reconstruction, il a fallu être particulièrement attentif au contexte d’énonciation de ces représentations, quelle que soit leur nature, et veiller à ne pas projeter sur une période donnée une vision reconstruite après coup. Il a donc fallu résister à la tentation de prendre au pied de la lettre des entretiens ou des mémoires écrits postérieurs, afin d’éviter de rajouter au mille-feuille mémoriel une couche supplémentaire qui aurait fait écran.
35Comment ensuite cerner les différentes mémoires des guerres qui ont cohabité au sein du parti et ce en préservant un certain équilibre entre elles ?
36La mémoire par en haut des dirigeants et principaux élus du parti pouvait être reconstituée à partir du dépouillement exhaustif des comptes rendus de ses comités directeurs et de ses conseils nationaux, des interventions de ses parlementaires, des titres successifs de sa presse nationale, de ses affiches, de ses brochures de formation et des archives de sa direction, fort heureusement conservées à l’Office universitaire de recherche socialiste (OURS) et à la Fondation Jean-Jaurès (FJJ). Celle, plurielle, de ses courants était également accessible grâce aux prises de position orales ou écrites de leurs chefs de file et à leurs revues, de même que celle, périphérique, des intellectuels engagés. Nombre d’historiens sont alors des collaborateurs de la presse organique, voire des militants encartés : ne citons qu’Henri Michel, Henri Noguères, Ernest Labrousse, Colette Audry, Pascal Ory ou Jean-Pierre Rioux.
37La principale difficulté, et non des moindres, consistait à capter au moins une partie des mémoires territoriales, avec une approche multiscalaire, de la région à la ville en passant par la fédération départementale. Certes, celles-ci s’expriment dans tous les congrès et conférences des secrétaires fédéraux par la bouche de leurs délégués, dans la presse fédérale, pléthorique car souvent éphémère, et dans les délibérations des assemblées locales. Toutefois, les contraintes de l’exercice ont fait renoncer à une impossible exhaustivité. Des études de cas qui, par leur dissonance même avec la mémoire imposée par en haut, étaient révélatrices d’une mémoire plurielle et parfois antinomique ont été sélectionnées et, à défaut, des sondages systématiques en province ont été réalisés afin de faire contrepoids et contre-point à la mémoire officielle de la direction. Comme l’a écrit Maurice Agulhon dans Marianne au pouvoir : « À défaut d’un Tout inaccessible, ces divers Quelque Chose valaient sans doute mieux que Rien60. » Certains territoires et municipalités ont donc été privilégiés parce qu’ils permettaient de croiser différents critères : ils étaient représentatifs de l’implantation du parti – Paris et sa région qui donnent le tempo au reste du pays, le Nord et Pas-de-Calais ouvriers, la Bretagne et l’Ouest laïques, les Midi rouges… ; ils avaient été cruellement meurtris par la Seconde Guerre mondiale – le Vercors, le Limousin et Oradour-sur-Glane, Nantes et « les 50 otages »… ; enfin, les sources permettaient de les étudier de manière à peu près continue sur l’ensemble de la période. Dans ce corpus empirique, au prix d’un glanage assez fastidieux, les délibérations municipales ont parfois offert des pépites : la dénomination des rues et des places, l’érection de monuments ou, enfin, la création de musées ont montré l’entretien d’une mémoire de pierre destinée à marquer durablement un territoire, et permis d’observer à la loupe des enjeux mémoriels et politiques locaux. Des sondages ont donc été pratiqués, systématiques pour les dates anniversaires telles que le 11 novembre, le 8 mai ou le 19 mars, ponctuels pour tel lieu de mémoire singulier, comme l’exécution des « 50 otages » le 21 octobre à Nantes…
38Ces représentations du passé, en effet, figurent non seulement dans des discours de toute nature, mais aussi dans un corpus iconographique plus riche qu’espéré au départ, tant par sa qualité que par sa quantité. Les affiches, placards, caricatures et autres dessins publiés par la presse organique, nationale ou locale, même si leurs auteurs ne sont pas toujours encartés61, contribuent à l’interprétation de telle ou telle guerre et fixent tout aussi sûrement son sens dans la mémoire collective que des paroles. Les vieilles photographies jaunies pour illustrer un papier ou les portraits agrandis pour décorer un lieu lors d’une réunion ou une célébration nous renseignent, eux aussi, sur le processus de sélection des figures auxquelles s’identifient les socialistes, et donc sur leurs lieux de mémoire spécifiques.
39Il fallait aussi approcher au plus près les commémorations, cérémonies funéraires, célébrations de victoires ou autres anniversaires. Pour ce faire, les comptes rendus écrits, souvent illustrés de reportages photographiques, des grands quotidiens ou de la presse adverse ont été utiles, tout autant que les archives filmées disponibles à l’Institut national audiovisuel (INA), et de plus en plus riches chemin faisant. Drapeaux, insignes, slogans, chansons, fleurs, choix des couleurs, ordonnancement des cortèges, lieux, trajets sont autant de signes qui participent à ces représentations des guerres passées. À partir du tournant des années soixante et soixante-dix, en outre, le discours politique entre dans l’ère de la communication télévisuelle. Journaux télévisés, émissions, telles À armes égales (février 1970-mars 1973) ou Cartes sur table (mars 1977-mars 1981), voire quelques numéros d’Apostrophe, et portraits-documentaires ont donc rejoint le corpus de sources pour la dernière période.
40Cette mémoire collective des guerres, plurielle et polysémique, est comparable à un faisceau d’ondes, à la puissance et la fréquence irrégulières et dont les courbes sont souvent déphasées. Pour rendre compte de ces phénomènes de tuilage, il aurait été artificiel de découper notre demi-siècle en séquences d’égale longueur. Le plan respecte, par conséquent, une progression chronologique, mais présente trois mouvements de durées volontairement différentes.
41La longue sortie de guerre, qui se prolonge jusqu’aux lendemains des accords d’Évian avec les attentats de l’OAS, constitue un imposant palier où les souvenirs des socialistes sont exacerbés et omniprésents. Dans un contexte anxiogène de guerre froide, la querelle de la Communauté européenne de défense (CED) de 1951 à 1954, la guerre d’Algérie et la crise du 13 mai 1958 révèlent un processus délétère de diffraction de leur mémoire et, par là même, de leur identité. Leur divorce est consommé en septembre 1958. Mais qu’ils demeurent dans la vieille SFIO ou partent au PSA ou ailleurs, à leurs yeux, la guerre civile contre le fascisme entamée en 1934 n’en finit pas et leur activisme mémoriel ne se dément jamais. Les quatre premiers chapitres embrassent, par conséquent, l’ensemble de cette période en se chevauchant chronologiquement. Ils constituent ainsi un long mouvement qui s’achève en acmé.
42D’abord, la direction du parti reconstitué tente de panser les blessures narcissiques de ses militants et sympathisants, causées par le ralliement de certains d’entre eux au régime de Vichy et à la Collaboration. Quelles sont les conséquences des mesures mémorielles prises par la cité Malesherbes sur l’identité socialiste à moyen et long termes ?
43Dans le même temps, le parti tente de se doter de son propre mythe, celui d’une résistance socialiste, afin de pouvoir rivaliser avec les gaullistes et surtout « le parti des 75 000 fusillés ». Néanmoins, pour quelles raisons peine-t-il à construire une mémoire partagée par l’ensemble de ses fédérations ?
44Ces militants, en particulier les anciens combattants, résistants et déportés, se mobilisent, sur le terrain et au Parlement, dans les guerres des mémoires et dans la guerre pour la mémoire avec des effets variables selon les échelles, nationale ou locale.
45Ce mouvement s’achève avec un quatrième chapitre, paroxysme de cette mémoire plurielle et désaccordée. Trois crises – la question allemande, la guerre d’Algérie et le retour de l’homme du 18 juin, enjambent la présidence du Conseil de Guy Mollet (février 1956-juin 1957) – et provoquent l’éclatement de la SFIO en septembre 1958. Il convient de saisir comment elles se sont révélées de redoutables crises à la fois mémorielles et existentielles.
46Avec le cinquième chapitre, vient un temps de latence où s’opère la maturation à bas bruit des mémoires des guerres et où chacun chemine pendant que la gauche non communiste tente de se recomposer. Alors que la SFIO est sur le déclin, concurrencée par la Nouvelle Gauche qui dénonce avec violence « le national-molletisme », elle est temporairement remplacée par le nouveau PS en 1969, avant de fonder, avec la Convention des institutions républicaines (CIR) qui regroupe divers clubs, le PS au congrès d’Épinay en juin 1971. C’est dans cette séquence que François Mitterrand et son écriture autobiographique si singulière entrent en scène et interfèrent, pour la première fois, avec notre objet. La manière dont il s’empare du parti était loin d’aller de soi et l’usage subtil qu’il fait de son passé à cette fin mérite que l’on s’y attarde.
47Le dernier chapitre, par conséquent, analyse comment la mémoire des guerres est mise au service du pouvoir mitterrandien. Avant la victoire de mai 1981, la direction mitterrandiste, pour absorber les flux de nouveaux militants et conserver son hégémonie, fait preuve en matière de formation dite historique d’un volontarisme exceptionnel et inégalé depuis 1944. L’homogénéisation espérée est-elle atteinte ? Ce sont donc les réactions des socialistes à la politique mémorielle de leur Président – par ailleurs connue62 – et à la redécouverte de son passé qui achèveront cette étude de l’articulation des mémoires des guerres et de leurs effets sur l’identité socialiste au crépuscule du xxe siècle.
Notes de bas de page
1Voir Berstein Serge, Cepede Frédéric, Morin Gilles et Prost Antoine (dir.), Le parti socialiste entre Résistance et République, Paris, Publications de la Sorbonne, 2000 ; et Guidoni Pierre et Verdier Robert (dir.), Les socialistes en Résistance, Paris, Seli Arslan, 1999.
2Voir Caron Jean-Claude, Frères de sang. La guerre civile en France au xixe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2009, p. 9 et « Violence, politisation et processus identitaire », p. 99-103. Dans une perspective européenne, voir Canal Jordi et Gonzalez Calleja Eduardo (dir.), Guerras civiles : una clave para entender la Europa de los siglos xix y xx, Madrid, Casa de Velázquez, 2012.
3En Italie, où la guerre civile est manifeste à partir de juillet 1943, cette conception est au fondement même de l’éthique de la Résistance. Voir Pavone Claudio, Una gerra civile : saggio storico moralità nella Resistenza, Turin, Bollati Boringhieri, 1991 ; traduit La Guerre civile : essai historique sur l’éthique de la résistance italienne, préf. Bernard Groz, Paris, Le Seuil, 2005.
4Voir aussi Azema Jean-Pierre, Rioux Jean-Pierre et Rousso Henry, « Les guerres franco-françaises », Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 5, janvier-mars 1985. On doit le terme au vichyste Louis-Dominique Girard (La guerre francofrançaise, Paris, A. Bonne, 1950) et il n’apparaît donc que sous la IVe République. Nous verrons que les socialistes lui préfèrent toujours celui de « guerre civile ».
5Voir Michel Johan, Gouverner les mémoires, Paris, PUF, 2010, chap. 1 : « Le régime mémoriel d’unité nationale ».
6Sur la suspension – que Séverac espère provisoire – du parti, voir Castagnez Noëlline, « “S’abstenir n’est pas toujours une lâcheté”. L’attentisme ou le non-consentement de Jean-Baptiste Séverac dans son journal (30 juin 1940-8 mais 1945) », dans Cepede Frédéric et al. (dir.), Politique, guerres et société. Pas d’histoire sans archives. Mélanges offerts à Gilles Morin, Paris, L’Arbre bleu, 2020, p. 97-107. Sur la création du CAS, voir Sadoun Marc, Les socialistes sous l’Occupation Résistance et Collaboration, Paris, Presses de la FNSP, 1982.
7Sur le concept de génération politique constituée par un événement fondateur et une expérience partagée, voir le no spécial « Générations », Vingtième siècle. Revue d’histoire, avril-juin 1989 et, pour les socialistes, Bergounioux Alain, « Générations socialistes ? », p. 93-102.
8Jean Poperen, né en 1925, est un ancien résistant. Il participe à la fondation du PSU en 1960, puis, en 1967, de l’Union des gauches et des clubs socialistes (UGCS). Il rejoint alors la Fédération de la gauche démocratique et socialiste (FGDS) et participe à la refondation d’Épinay. Gilles Martinet, né en 1916, est un ancien résistant qui dirige l’Union des gauches socialistes de 1958 à 1960, puis participe à la fondation du PSU en 1960. Il rejoint le PS en 1972 au sein du Centre de recherche et d’études socialistes (CERES).
9Claude Fuzier est né en 1924, Claude Estier et Pierre Bérégovoy en 1925, Pierre Mauroy et Robert Badinter en 1928, Yvette Roudy en 1929, Michel Rocard en 1933, et Édith Cresson en 1934.
10Lionel Jospin est né en 1937 et Jean-Pierre Chevènement en 1939.
11Laurent Fabius et Élisabeth Guigou sont nés en 1946, Dominique Strauss-Kahn en 1949, Martine Aubry en 1950, Ségolène Royal en 1953 et François Hollande en 1954.
12Voir chap. vi : « La refondation d’Épinay passe aussi par la mémoire ».
13Jaurès a concilié République et socialisme, mais l’acculturation des socialistes au parlementarisme a été progressive. Voir Roussellier Nicolas, « Les socialistes face à la forme parlementaire : l’intrusion de la discipline partisane (1893-1940) », dans Castagnez Noëlline (dir.), « Socialistes au Parlement », Parlement[s]. Histoire et politique, no 6, 2006, p. 30-39. En 1926, Blum distingue la conquête de l’exercice du pouvoir. Lorsque le mouvement ouvrier conquiert le pouvoir par les urnes, il l’exerce en respectant les règles de la démocratie représentative.
14Bergounioux Alain et Grunberg Gérard, L’ambition et le remords. Les socialistes français et le pouvoir (1905-2005), Paris, Fayard, 2005, (1992, éd. revue et augmentée). Dans l’Histoire des gauches en France (2 vol., La Découverte, 2004), sous la direction de Becker Jean-Jacques et Candar Gilles, la mémoire – de la Révolution française et du bonapartisme – n’était envisagée que pour le xixe siècle, alors que l’Histoire des droites en France (3 vol., Gallimard, 1992) sous la direction de Sirinelli Jean-François consacre six chapitres aux mémoires des guerres (de Cent Ans, de Vendée, de 1870-1871, 14-18, Seconde Guerre mondiale et guerre d’Algérie, vol. 2 Cultures, 3e partie.
15D’Almeida Fabrice, Histoire et politique en France et en Italie : l’exemple des socialistes 1945-1983, Rome, École française de Rome, 1998.
16Marliere Philippe, La mémoire socialiste 1905-2007. Sociologie du souvenir politique en milieu partisan, Paris, L’Harmattan, 2007.
17Rapports d’activités du PS, OURS. Sur les enjeux que constituent tant la publication de ces chiffres que les extrapolations statistiques des observateurs, voir Cepede Frédéric, « Du bon usage des chiffres en politique. À propos des effectifs socialistes et autres données chiffrées du PS français (1905-2017) », Histoire § Mesure, vol. XXXIII, no 1, 2018, p. 3-30.
18Bergounioux Alain, Déclarations de principes socialistes 1905-1990, Paris, Bruno Leprince, 2004.
19Voir Berstein Serge et Rudelle Odile, avant-propos, Le modèle républicain, Paris, PUF, 1992 et Berstein Serge (dir.), Les cultures politiques en France, Paris, Le Seuil, 1999 ; et Sirinelli Jean-François (dir.), « Cultures », Histoire des droites en France, op. cit
20Sirinelli Jean-François, « Pour une histoire des cultures politique : le référent républicain », dans Cefai Daniel, Cultures politiques, PUF, 2001, p. 157.
21Winock Michel, « La culture politique des socialistes », dans Berstein Serge, Les cultures politiques…, op. cit., chap. 6, p. 189.
22Au sens d’une démobilisation progressive de la culture de guerre. Voir Audoin-Rouzeau Stéphane et Becker Annette, 14-18, Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000.
23« Pour sortir d’une guerre, encore faudrait-il qu’elle soit finie », écrit Olivier Dard à propos de l’OAS. Dard Olivier, « Sorties de guerre et OAS », dans Joly Vincent et Harismendy Patrick (dir.), Algérie sortie (s) de guerre 1962-1965, Rennes, PUR, 2014, p. 43. Pour les socialistes, c’est bel et bien la guerre contre le fascisme, entamée le 6 février 1934, qui n’est pas finie, comme l’écrit Mayer Daniel, Pour une histoire de la gauche, Paris, Plon, 1969, p. 37-38.
24Rousso Henry, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Le Seuil, 1987 ; Stora Benjamin, La gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, Paris, Le Seuil, 1992. Des travaux collectifs les avaient précédés : Wahl Alfred (dir.), Mémoire de la Seconde Guerre mondiale, actes du colloque des 6-8 octobre 1983, Metz, Centre de recherche histoire et civilisation de l’Europe occidentale, 1984, et Rioux Jean-Pierre (dir.), La guerre d’Algérie et les Français, 5e partie, « Séquelles et enjeux de mémoire », Paris, Fayard, 1990.
25Lagrou Pieter, The Legacy of Nazi Occupation. Patriotic Memory and National Recorvery in Western Europe, 1945-1965 (2000), traduit sous le titre Mémoires patriotiques et Occupation nazie, Paris, Complexe, 2003.
26Wieviorka Olivier, La mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres de la Libération à nos jours, Paris, Le Seuil, 2010.
27Laborie Pierre, Le chagrin et le venin. La France sous l’Occupation, mémoires et idées reçues, Paris, Bayard, 2011 et Penser l’événement 1940-1945, Paris, Gallimard, 2017.
28Azouvi François, Le mythe du grand silence. Auschwitz, les Français, la mémoire, Paris, Gallimard, (1re éd. 2010), 2015 ; et Français, on ne vous a rien caché. La Résistance, Vichy, notre mémoire, Paris, Gallimard, 2020.
29Rioux Jean-Pierre (dir.), Les Français et la guerre d’Algérie, Paris, Fayard, 1990. Voir, en particulier, Frank Robert qui compare la mémoire de la guerre d’Algérie avec celles des deux guerres mondiales (« Les troubles de la mémoire française », p. 603-607).
30Manceron Gilles et Remaoun Hassan, D’une rive à l’autre, la guerre d’Algérie de la mémoire à l’histoire, Paris, Syros, 1993. Citons aussi Wolikow Serge (dir.), Traces de la guerre d’Algérie : 40 ans de turbulences dans la vie politique française, Dijon, EUD, 1995.
31Harbi Mohammed et Stora Benjamin (dir.), La guerre d’Algérie 1954-2004 la fin de l’amnésie, Paris, R. Laffont, 2004 ; et Dayan Rosenman Anny et Valensi Lucette (dir.), La guerre d’Algérie dans la mémoire et l’imaginaire, Paris, Bouchène, 2004.
32Branche Raphaëlle, La guerre d’Algérie : une histoire apaisée, Paris, Le Seuil, 2005.
33Dalisson Rémi, Guerre d’Algérie L’impossible commémoration, Paris, A. Colin, 2018.
34Namer Gérard, La commémoration en France de 1945 à nos jours, Paris, L’Harmattan, 1987 et Dalisson Rémi, Les guerres et la mémoire. Enjeux identitaires et célébrations de guerre en France de 1870 à nos jours, Paris, CNRS Éditions, 2013.
35Michel Johann, Gouverner les mémoires. Les politiques mémorielles en France, Paris, PUF, 2010.
36Rioux Jean-Pierre, « Les variables politiques », La Mémoire des Français. Quarante ans de commémoration de la Seconde Guerre mondiale, Paris, CNRS Éditions, p. 89-101.
37Frank Robert, « À propos des commémorations françaises de la deuxième guerre mondiale », dans Wahl Alfred (dir.), op. cit., p. 285. Pierre Nora consacre un article à « Gaullistes et communistes », dans Les Lieux de mémoire (t. 3 : « Les France », vol. 1 : « Conflits et partages », p. 2489-2532), tant le duo mémoriel semble une évidence.
38Henry Rousso a forgé le néologisme de « résistancialisme » pour désigner le mythe construit et assumé par le général de Gaulle face aux vainqueurs. Ce mythe vise à faire des Français une nation, sinon majoritairement engagée dans la Résistance, du moins soudée dans son soutien à la Résistance (Rousso Henry, Le syndrome de Vichy, op. cit., p. 32-33). Ce concept a été discuté, en particulier par Laborie Pierre (Le chagrin et le venin, op. cit., p. 189-196), parce que, d’une part, il pouvait être confondu avec « le résistantialisme » des vaincus de la Libération qui dénonçaient l’épuration, et d’autre part, parce que l’auteur a vu dans ce concept la volonté de démasquer des Français majoritairement consentants à l’Occupation, ce qui, à mon avis, est un malentendu. Ce sont les manuels scolaires qu’il critique qui ont dénaturé le concept de départ. Azouvi François vient de poursuivre le débat en parlant de « vulgate contemporaine » (Français…, op. cit.). Nous entendrons, nous, le résistancialisme comme la capacité d’une force politique à mettre en avant son engagement dans la Résistance et, par là même, à être représentative et porteuse de ses valeurs au présent.
39Courtois Stéphane, « Luttes politiques et l’élaboration d’une histoire : le PCF historien du PCF dans la Seconde Guerre mondiale », Communisme, 4, 1983, p. 5-26 ; Lavabre Marie-Claire, Le fil rouge. Sociologie de la mémoire communiste, Paris Presses de la FNSP, 1994 ; et Segui Sandrine, Les communistes français en guerre d’Algérie : histoire, mémoires et représentations (1954-1992), thèse de doctorat sous la direction de Robert Ibert, université de Provence, juin 1994 ; et Campo Silvina, Le PCF et les usages du passé résistant (1944-1974), thèse de doctorat sous la direction d’Olivier Wieviorka, Paris I-Panthéon Sorbonne, 2014.
40Robrieux Philippe, Histoire du parti communiste, 4 t., Paris, Fayard, 1980-1984 ; et Courtois Stéphane et Lazar Marc, Histoire du Parti communiste français, Paris, PUF, 1995, 2e éd. 2000.
41Castagnez Noëlline, « Les socialistes et la mémoire de la Grande Guerre : un passé qui ne passe pas ? », Recherche socialiste. Revue de l’OURS, HS62-63, janvier-juin 2013, p. 87-97 ; « Penser le passé à la Libération : les socialistes et le devoir de mémoire », dans Castagnez Noëlline, Cepede Frédéric, Morin Gilles et Ollivier Anne-Laure (dir.), Les socialistes français à l’heure de la Libération, perspectives française et européenne 1943-1947, Paris, OURS – CHS XXe, 2016, p. 47-64 ; et « La mémoire au service du pouvoir ? », dans Castagnez Noëlline et Morin Gilles (dir.), Le Parti socialiste d’Épinay à l’Élysée 1971-1981, Rennes, PUR, 2015, p. 59-75.
42Halbwachs Maurice, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, PUF, 1925 et La mémoire collective, Paris, PUF, 1950. Il invite à tenir compte de la pluralité des temps mis en œuvre dans la mémoire collective et à réfléchir à leur articulation. Voir aussi Bloch Marc, « Mémoire collective, tradition et coutume », Revue de synthèse historique, vol. 40, 1925.
43Ricœur Paul, La mémoire, l’histoire et l’oubli, Paris, Le Seuil, 2000.
44Todorov Tzvetan, Les abus de la mémoire, Paris, Arléa, 1995 et Ledoux Sébastien, Le devoir de mémoire. Une formule et son histoire, Paris, CNRS Éditions, 2016.
45Jodelet Denise, « Mémoire de masse : le côté moral et affectif de l’histoire », Bulletin de psychologie, 1992, no 405, XLV, p. 239-256 et Viaud Jean, « Contribution à l’actualisation de la mémoire collective », dans Laurens Stéphane et Roussiau Nicolas (dir.), La mémoire sociale. Identité et représentations sociales, Rennes, PUR, 2002, p. 21-32.
46Nora Pierre, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 3 vol., 1984-1992. La formule est entrée dans Le Grand Robert de la langue française en 1993.
47Rousso Henry, Le syndrome de Vichy, op. cit. Il distingue une première phase « le deuil inachevé (1944-1954) », une seconde « les refoulements (1954-1971) », une troisième « le miroir brisé (1971-1974) » et une dernière « l’obsession », qu’il prolonge au-delà de 1987, avec sa seconde édition en 1990, puis avec Conan Éric, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994, revu et réédité chez Gallimard en 1996.
48Ledoux Sébastien (dir.), « Les lois mémorielles en Europe », Parlement[s]. Revue d’histoire politique, HS15, 2020.
49Andrieu Claire, Lavabre Marie-Claire et Tartakowsky Danielle (dir.), Politiques du passé. Usages politiques du passé dans la France contemporaine, Aix-en-Provence, PUP, 2006 et Crivello Maryline, Garcia Patrick et Offenstadt Nicolas (dir.), Concurrence des passés., Aix-en-Provence, PUP, 2006.
50Blanchard Pascal et Veyrat-Masson Isabelle (dir.), Les guerres des mémoires. La France et son histoire. Enjeux politiques, controverses historiques, stratégies médiatiques, Paris, La Découverte, 2008.
51Delporte Christian et Duprat Annie (dir.), L’événement. Images, représentations, mémoire, Paris, Créaphis, 2003 ; Delporte Christian, Marechal Denis, Moine Caroline et Veyrat-Masson Isabelle (dir.), La guerre après la guerre. Images et construction des imaginaires de guerre dans l’Europe du xxe siècle, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2010.
52Voir, à dix ans d’écart, Aguilar Fernandez Paloma, Memoria y olvido de la Guerra Civil española, Madrid, Alianza Editorial, 1996 et Arostegui Sanchez Julio et Godicheau François (dir.), Guerra civil : mito y memoria, Madrid, Marcial Pons, 2006.
53Arostegui Sanchez Julio, « Traumas colectivos y memorias generacionales : el caso de la guerra civil », dans Arostegui Sanchez Julio et Godicheau François, op. cit., p. 57-92.
54Huyssens Andreas, Present Pasts. Urban Palimpsets and the Politics of Memory, Stanford, Stanford University Press, 2003.
55Gensburger Sarah, « Réflexion sur l’institutionnalisation récente des memory studies », rubrique Chronique de la recherche, La Revue de synthèse, t. 132, 6e série, no 3, 2011, p. 1-23.
56Voir Lavabre Marie-Claire qui distingue le « choix du passé », et donc ses usages politiques, du « poids du passé » qui s’impose au militant, op. cit., p. 31.
57Nous distinguerons la mémoire commune, admise d’emblée pour telle, de la mémoire partagée qui fait l’objet d’une construction et d’une transmission.
58Blum Léon, Pour être socialiste, Librairie du parti socialiste et de l’Humanité, Paris, 1919.
59La démarche prosopographique ayant déjà été au cœur de ma thèse. Voir Castagnez Noëlline, Socialistes en République. Les parlementaires SFIO de la IVe République, Rennes, PUR, 2004.
60Agulhon Maurice, Marianne au pouvoir. L’imagerie et la symbolique républicaines de 1880 à 1914, Paris, Flammarion, 1989, p. 16.
61Lorsque le journal est pauvre, ce qui est fréquent en province et ce qui arrive aussi à l’organe national, les militants prennent le crayon ; quand il est plus riche, il peut s’offrir un caricaturiste. Pour autant, celui-ci doit respecter la ligne éditoriale.
62Voir, entre autres, les chapitres que lui ont consacrés Rousso Henry et Conan Éric, op. cit. ; Michel Johann, Gouverner les mémoires, op. cit. ; et Garcia Patrick, Grammaires de l’incarnation. Les présidents de la Ve République et l’histoire (1958-2007), mémoire inédit d’HDR, sous la direction de Pascal Ory, Paris I-Panthéon Sorbonne, 2011.

Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008