L’invention d’une citadelle catholique
Fribourg, la ville sainte
p. 31-40
Texte intégral
1Fribourg, citadelle catholique, Fribourg, la ville sainte. Ces expressions ne sont pas les nôtres, mais elles résument bien la place et le rôle que prend la république de Fribourg aux xvie et xviie siècles. À l’époque moderne, Fribourg est une république, ville-état, canton de l’ancienne confédération depuis 1481, qui forme la Confédération des XIII Cantons entre le xvie et le xviiie siècles1. Son histoire témoigne du refus précoce et organisé de la Réforme et son adaptation aux nouvelles définitions de la catholicité, en proposant un modèle unique de confessionnalisation2. Celle-ci se traduit in fine au fil d’une politique conjuguant opposition systématique aux progrès de la foi nouvelle, réveil d’anciennes dévotions et invention d’une nouvelle manière de vivre dans la fidélité aux idéaux de l’Église romaine3. Rappelons brièvement que la Réforme a pris tôt racine dans l’ancienne confédération : le canton de Zurich accepte la nouvelle foi en 1523, Genève en 1536. Les régions avoisinantes du territoire fribourgeois deviennent également réformées lors de l’acceptation de la Réforme par le comté de Neuchâtel et en particulier par le canton de Berne en 15284. La république de Berne déploie, voire impose, la nouvelle religion dans les terres soumises du Pays de Vaud après la conquête de 15365. Le canton de Fribourg se retrouve ainsi encerclé de terres réformées, isolé des autres cantons catholiques comme Soleure, Uri, Schwytz ou Lucerne ; sans prendre en considération le Valais (qui n’entre dans la Confédération qu’en 1815), Fribourg devient ainsi le seul canton catholique de cette région occidentale de l’ancienne confédération. Le canton représente de ce fait une sorte de relais catholique en dehors de la Suisse centrale – cœur et bastion d’une catholicité forte et unie – et constitue donc bien un laboratoire de catholicisation excentré et isolé.
2Plus que de comprendre pourquoi Fribourg est devenue ou restée catholique – nuance qui agite certains historiens locaux6 – il nous semble plus pertinent de nous intéresser au « comment » de l’expression de la catholicité fribourgeoise. Ayant affirmé très tôt leur fidélité à Rome7, les acteurs fribourgeois des xvie et xviie siècles ont construit une nouvelle compréhension de la catholicité dans sa dimension spatiale et ont forgé une nouvelle identité catholique qui se traduit par des outils et symboles spatiaux. Les ruptures religieuses du xvie siècle rendent caduc ce qui constituait alors des évidences, des significations jusque-là partagées par tous les chrétiens. Avec les réformes, les hommes mobilisent l’espace pour y investir du contenu, des symboles confessionnels ; ils y transposent des marqueurs concrets et visibles – clochers, statues, pèlerinages – essentiels de la foi avec une intensité nécessairement accrue. Comprendre l’espace, en particulier l’espace urbain fribourgeois, c’est tâcher de montrer comment les questions spatiales ont été au cœur de la transformation du catholicisme dans le contexte de la lutte confessionnelle. À Fribourg, la réforme catholique est globale et touche tout le territoire du canton ; mais le cœur des décisions politiques et spirituelles se situe dans les centres du pouvoir et ceux-ci se trouvent en ville. La cité pourrait alors constituer le cœur de la construction d’un catholicisme confessionnel, pré-tridentin puis post-tridentin. Les aménagements et les projets spécifiquement urbains traduisent une politique de catholicisation semblable à ce que l’on peut trouver, en sens contraire, dans les villes passées à la Réforme. La réforme catholique, à l’aune de l’histoire fribourgeoise, peut donc être envisagée comme un événement urbain8. C’est d’abord en ville que l’on va organiser les nouvelles structures qui vont permettre la contre-offensive catholique. La ville de Fribourg se « catholicise » dans le paysage, dans les institutions, dans les pratiques religieuses, dans l’enseignement, dans le théâtre, dans l’iconographie, s’érige en exemple de ce que devrait être l’identité catholique aux xvie et xviie siècles. La construction de cette catholicité se fait également bien entendu simultanément en opposition directe aux protestants.
3Cette problématique nous amène à soulever les questions suivantes, auxquelles nous tâcherons rapidement de répondre dans cette étude, qui ne cherche pas à apporter une réponse exhaustive et globale à ces interrogations mais se permet de lancer des pistes de réflexion9 : comment la ville de Fribourg est-elle devenue un bastion de la catholicité ? Comment cela s’est-il traduit dans le paysage urbain ? En quoi celui-ci permet-il l’expression de l’identité religieuse ? Répondre à ces interrogations peut se décliner en trois aspects : le premier est celui des aménagements urbains – sans que cette contribution cherche à faire de l’architecture religieuse son sujet. Il s’agit plutôt de s’intéresser au nouveau rapport au paysage résultant de la fracture confessionnelle, à l’expression première et visible de la matérialité confessionnelle de la ville de Fribourg. Le deuxième aspect se concentre sur les acteurs de la construction d’une identité catholique par l’arrivée d’ordres religieux dans la cité. Enfin, les pratiques spatiales – processions et pèlerinages – proposent une nouvelle démonstration de la catholicité dans ses formes mobiles, visibles et sonores.
4Ces trois aspects ne sont pas exclusifs et se répondent les uns aux autres. À travers toutes ces actions, ce sont le rôle et l’intervention des magistrats dans la construction de la catholicité qui ressortent très fortement. L’édification de Fribourg au rang de citadelle catholique implique la mobilisation de tous les acteurs des classes dirigeantes mais aussi de toute la population qui adhère et s’identifie aux nouvelles interprétations de leur religion.
Aménagements urbains : les sculptures ornementales des fontaines
5Les éléments monumentaux, parmi les marqueurs urbains les plus visibles, participent à l’élévation de Fribourg comme ville sainte ; parmi ces aménagements, nous pouvons prendre comme exemple les statues ornementales sur les fontaines. La construction de ces statues peut en effet être interprétée comme support d’identité confessionnelle, de renforcement des liens entre autorités civiles et affaires religieuses, et également dans une optique d’affrontement envers les protestants. Ce mouvement de rénovation ou d’édification de fontaines ornementales en pierres en milieu urbain n’est pas isolé : Schaffhouse, Bâle, Berne et d’autres localités de l’ancienne confédération procèdent de façon similaire et leurs sculptures présentent des sujets semblables10. Les enjeux des fontaines ne sont pas qu’architecturaux ou ne répondent pas seulement à la problématique – absolument vitale – de l’approvisionnement en eau. C’est surtout la production de statues et de sculptures ornant les bassins et évoquant des thèmes religieux qui donne tout l’intérêt au sujet. En effet, sur dix fontaines édifiées à Fribourg durant la seconde moitié du xvie siècle, cinq sont surmontées d’une figure ou d’un symbole religieux : saint Jean, Samson, la Samaritaine, sainte Anne et saint Pierre. Les autres allégories profanes (la Vaillance, la Force, la Fidélité) viennent renforcer les interprétations proposées par ces figures. Ainsi, les fontaines et leurs ornements tiennent une place essentielle dans l’espace urbain fribourgeois et reflètent les nouvelles considérations et les stratégies politico-religieuses des autorités11. Ces fontaines montrent que quelque chose de neuf se passe dans les visées politiques de la construction. Au-delà du devoir des magistrats urbains d’approvisionner leur cité en eau, l’édification de ces nouvelles fontaines peut être comprise comme une obligation religieuse des autorités : les parallèles entre foi et eau pure dans la Bible sont légion et rappellent la portée symbolique, métaphorique et mystique de l’eau12. L’eau est ambivalente dans les Écritures : elle peut sauver ou tuer, restaurer la vie ou la détruire. La présence de ces fontaines est due à l’implication financière, morale, politique des autorités. Celles-ci, par le biais d’une construction aux buts nobles, civils, utiles, trouvent un moyen de faire ressortir, d’une part leur autorité récemment acquise en matière spirituelle et leur devoir dans l’élévation de Fribourg au rang de bastion de la réforme catholique de l’autre13. En conséquence, il devient nécessaire de mobiliser tous les aspects de la vie de la cité et du paysage urbain pour définir la nouvelle identité confessionnelle. Les enjeux sont donc immenses de réinvestir des symboles connus et reconnus pour construire une identité urbaine catholique spécifiquement fribourgeoise et rien n’est laissé au hasard par les magistrats.
6Un exemple parmi d’autres permet d’illustrer ce point, celui de la fontaine de la Samaritaine. Cette fontaine date des années 1550 et a remplacé un puits médiéval qui se situait à cet endroit. Les statues représentent le Christ demandant de l’eau à une femme samaritaine, assise sur la margelle d’un puits, où deux reliefs sont gravés, l’un représentant l’agneau mystique et l’autre l’épisode du péché originel avec Adam et Ève au jardin d’Éden. Certains historiens y voient une forme d’allégresse des catholiques face à la répression de la Réforme à Fribourg : la Samaritaine, proche de l’image de la Vierge comme « fontaine de vie » et symbole de compassion pour avoir partagé la souffrance du Christ, nourrit les justes14. Tout un programme politique et religieux naît de ces thématiques. Car cet épisode tiré de l’Évangile de Jean (4 : 1-42) soulève différentes problématiques qui peuvent être récupérées par les magistrats qui financent ces constructions : la première est celle de la division et de l’unité. Il y a d’un côté ce qui sépare Jésus de la femme (il est juif, elle ne l’est pas ; il est homme, elle est femme) mais aussi ce qui peut les unir, les rapprocher. Car aux questions de division, Jésus répond par l’union, le rassemblement, par la conversion de la femme à la foi chrétienne. Il est possible d’interpréter cela comme la volonté de rassembler la communauté autour de la foi, la « vraie », et de mettre de côté ce qui pourrait diviser la communauté. Plus encore que d’étancher une soif physique, les autorités se proposent ainsi de renforcer et vivifier la foi des habitants en leur offrant une eau purifiée, jaillie d’une fontaine presque sacralisée. La Samaritaine, dont la forme rappelle celle d’un ostensoir, permettrait aussi, selon certains chercheurs, d’asserter la primauté des sacrements, comme l’eucharistie15. Il s’agit aussi de symboliser un combat confessionnel où le catholicisme est triomphant, tout en reprenant, avec la Samaritaine, une figure appréciée des protestants. Les autorités la réactualisent comme symbole d’union des catholiques. Au lieu de choisir une figure de confrontation avec les protestants, les magistrats puisent dans les mêmes référents en leur donnant une teinte « catholicisée » qui permet de montrer la vérité et l’unicité de la foi dont ils sont les garants. Le magistrat se place comme protecteur de cette unité à travers la figure de Jésus et de la femme samaritaine.
7Les thèmes de ces fontaines, qu’ils soient bibliques, hagiographiques, mythologiques, sacrés ou profanes, tendent tous à proposer une démonstration d’union ou d’offensive urbaine, et catholique pour certaines. Les sculptures de ces fontaines servent ainsi à thématiser les vérités de la foi dans une iconographie claire voire pédagogique. Les représentations profanes participent de cette construction de la ville comme rempart de catholicité, en soulignant les qualités guerrières, vaillantes de la cité, sa morale supérieure, sa fidélité à la tradition et à la foi des anciens. Il est plus que probable que les autorités n’ont pas procédé à ces choix par hasard, sans que l’on puisse pour autant y voir un projet cohérent et global dès le début des travaux16. Tous ces éléments convergent pourtant, à terme, dans un même discours et vers un même but : faire de Fribourg une citadelle catholique, le lieu d’une « morale jaillissante17 ». Le pouvoir de l’eau – purificatrice, source de miracles, pouvoir de guérison –, le rappel d’un combat permanent contre les formes d’hérésie, le choix de Fribourg, de ses autorités, de rester fidèles au catholicisme et de le montrer, la matérialité de cette confrontation et des rappels de la foi telle qu’elle devait être comprise, le refus de la Réforme : autant d’implications confessionnelles et politiques que les fontaines ornementales urbaines construites durant cette période proposent.
Acteurs de la réforme catholique : les ordres religieux
8Les aménagements urbains, comme les sculptures évoquées, matérialisent la catholicité de la cité et participent à l’élévation de Fribourg au rang de citadelle catholique. L’invention d’une urbanité confessionnelle visible et ostentatoire ne serait pas possible sans ces éléments et sans les acteurs à l’origine de ces constructions. Pour encadrer correctement la population dans la pratique de la confession, il manquait à Fribourg des membres du clergé instruits et dévoués à l’édification des fidèles : les ordres religieux nés de la Contre-Réforme sont de ceux-là. Jésuites et capucins arrivent en ville de Fribourg entre la fin du xvie siècle et le début du xviie siècle. Car il s’agit bien non seulement d’instruire mais aussi de protéger spirituellement le territoire et d’en faire un instrument de combat contre la Réforme. Ce combat nécessite en toute logique la formation de troupes à même de transmettre les bonnes pratiques catholiques. C’est le collège Saint-Michel, construit à l’initiative des jésuites et inauguré en 1596, qui remplit ce rôle. La présence des jésuites en ville, magnifiée et cristallisée par celle du collège, consolide la place de la cité comme rempart catholique de la région. Dès la création du collège, le bâtiment est remarquable et remarqué : situé sur une des plus hautes collines de la cité, il se rend visible de tous et magnifie l’image de forteresse catholique de Fribourg. Le collège Saint-Michel devient ainsi l’élément reconnaissable de la cité ; Gilbert Burnet, théologien anglais et anglican, l’appréciait lui-même à la fin du xviie siècle : « Les Jesuites commençent à devenir en Suisse ce qu’ils sont ailleurs, c’est-à-dire, très-puissans. Ils ont dans Fribourg au plus bel endroit de la ville, un fort beau College & une tres-belle Chappelle18. »
9L’inscription de plus de deux-cents élèves lors des premières années de fonctionnement prouve le succès de l’institution et de ses initiateurs. La place des jésuites dans la cité ne cesse de croître, tant physiquement que spirituellement. Ils apportent à Fribourg de nouveaux outils pédagogiques, ils revalorisent la réception des sacrements, la confession mensuelle, la communion lors de grandes fêtes, les messes hebdomadaires, ils introduisent l’exercice des Quarante-heures pendant les fêtes de Carnaval. Toutes ces adaptations et innovations redessinent les contours des pratiques et rituels catholiques dont les implications dépassent évidemment le domaine de la sphère privée. Les jésuites viennent donc appuyer ce processus de définition de l’identité catholique moderne à l’échelle de toute une ville. Dans sa description de Fribourg dans la Topographia Helvetiae de 1648, Merian énumère – après la mention du collège jésuite, cité en premier – les différents établissements religieux de la ville et note la présence de couvents des franciscains, augustins et capucins, implantation à première vue logique selon l’auteur car, précise-t-il, tout le monde est ici fidèle à la religion catholique romaine19.
10L’énumération de ces ordres religieux témoigne de la foi exclusivement catholique qui caractérise la ville de Fribourg, baignée dans une atmosphère quasi sacrée. Leur nombre important édifie la cité au rang de citadelle catholique régionale. Cette situation hautement spirituelle est renforcée par la convergence de religieuses qui viennent s’installer dans la cité fribourgeoise. En effet, le nombre de maisons passe d’une à quatre à la fin des années 1680 : outre les cisterciennes, présentes depuis le xiiie siècle, capucines, ursulines et visitandines arrivent durant la première moitié du xviie siècle et y sont, pour la plupart, toujours. Les visitandines, par exemple, arrivent du diocèse de Besançon, chassées par la guerre, la famine et la peste qui ravagent la Franche-Comté lors de la guerre de Dix-Ans20. Le caractère de refuge catholique de Fribourg apparaît clairement dans une lettre adressée au gouvernement fribourgeois en 1633 par sœur Marie-Étiennette, prieure de l’Annonciade de Nozeroi, qui prie, « vos princes tres catholiques affin quil vous plaise nous donner retraitte dans votre ville de fribourg que nous n’incommoderons nullement21 ». Cette requête fait écho à celle faite en 1632 par sœur Marie-Claude, prieure du couvent de l’Annonciade de Pontarlier, qui écrit aux autorités fribourgeoises pour demander l’autorisation de s’établir à Fribourg car, explique-t-elle :
« nous avons tousiours eu un desir particulier de nous rendre capables pour une fois [de] rendre services au general et particuliers de la Ville de fribourg, sy elle avoit pour agreable de nous y donner lentree et la demeure, mesmes a raison de la voysinance et bonne intelligence que nous avons offrins avoir estee continuee entre la dite ville et celle de pontarlier comme ayans conservé jusques a present la pureté de la foy et creance de l’eglise catholique […]22 ».
11L’installation d’un monastère urbain des sœurs de la Visitation requiert plusieurs conditions23 : la première est celle de la nécessaire présence de pères spirituels pour assister les sœurs. La deuxième de ces conditions, d’égale importance, est celle de la sécurité de la cité d’accueil. Il lui faut de solides murailles, des hommes prêts à subir un siège, une artillerie efficace pour repousser l’ennemi. Et le dernier prérequis concerne les conditions matérielles de l’établissement, pour assurer une assise solide dès les débuts de la fondation. La générosité des bienfaiteurs est indispensable à une installation durable.
12Il est évident que c’est la complémentarité de ces conditions qui fait de Fribourg l’endroit parfait pour ériger un monastère. Sa situation militaire est plutôt apaisée, comparée à d’autres régions qui subissent la guerre de plein fouet, et elle peut se prévaloir d’une forte présence de secours spirituels disponibles dans la cité, par la présence des jésuites – qui constituent alors la référence absolue en matière d’encadrement et de supervision, selon Jeanne de Chantal24 – et celle des capucins. Les autorités urbaines ont régulièrement fait preuve d’une grande générosité envers les ordres religieux à même de renforcer leur politique de construction de la catholicité. Enfin, la ville se veut le lieu le plus fidèle au catholicisme et le plus à même de proposer cette assistance et cette sécurité indispensables aux visitandines. Celles-ci obtiennent donc l’autorisation de s’installer à Fribourg de façon temporaire en 1635 et le droit de se fixer durablement en 1651, ce qui lance les projets d’aménagement d’un couvent et de construction d’une église.
13Les magistrats fribourgeois, qui autorisent et encouragent la venue de ces ordres religieux, détiennent de ce fait le pouvoir de rendre Fribourg conforme à leur compréhension de la catholicité urbaine. Ce sont eux qui encadrent, protègent voire financent ces installations de religieux dans la cité. Par ce biais-là, les autorités civiles garantissent à la population la conservation et la protection de l’identité catholique, la bonne pratique de la religion, un encadrement et une instruction aux contours bien définis. La ville de Fribourg se révèle ainsi comme la cité choisie, le lieu de refuge, le bastion catholique par excellence de la région et ses autorités comme protectrices et garantes de la foi. Les ordres religieux s’y multiplient et participent également de l’attrait de la cité pour les fervents et fidèles du catholicisme.
Pratiques spatiales
14Enfin, troisième aspect de l’expression de la catholicité en ville de Fribourg, les pratiques spatiales – processions et pèlerinages – constituent une nouvelle démonstration du catholicisme urbain.
15Nous prendrons cependant un seul exemple de procession, celle de la Fête-Dieu qui cristallise la catholicité urbaine fribourgeoise. Contrairement aux pèlerinages qui mènent le croyant dans des environnements inconnus, lointains ou étrangers, les processions tendent à se contenir dans un paysage familier, celui de la paroisse, du village ou de la cité. Les processions jouent de ce fait un rôle fondamental dans le marquage et la délimitation du territoire placé sous protection divine. Représentant un élément ostentatoire de la pratique catholique, les processions mettent l’accent sur la communauté dans son ensemble, car leur réussite et le poids du rituel dépendent de la solidarité de cette identité confessionnelle, du rassemblement de toute la population. Ainsi, la procession de la Fête-Dieu ou Fête du Saint-Sacrement marque distinctement la catholicité du territoire, tant d’un point de vue visuel que sonore, par les chants, cloches et canons. Mentionnée pour la première fois à Fribourg dans un document de mai 1425 qui fixe l’ordre processionnel des participants et corps de métiers25, la Fête-Dieu et son rituel possèdent une vitalité qui n’a pas faibli depuis la fin du Moyen Âge.
16Dans une longue description de la procession, Heinrich Fuchs, chanoine de Saint-Nicolas en 1649, originaire d’une famille patricienne, présente ce fastueux rituel et cérémonial en ces termes :
« on dirait un essaim qui s’échappe en été de sa ruche. Tous retournent à pas pressés vers leurs demeures, appliquent des échelles à leurs façades, y clouent les plus belles tentures qui sont à leur disposition, dressent un autel au pied de leur maison, le recouvrent de nappes d’une blancheur éclatante et de cierges allumés sur des chandeliers d’argent – il y en a jusqu’à six dans les endroits où l’on doit chanter l’évangile et donner la bénédiction du très-saint Sacrement, – exposent à tous les regards des vases en argent chargés de fleurs au milieu desquelles l’or scintille, et suspendent aux murs de leur habitat ce qu’ils ont de plus rare et de plus précieux, le tout pour honorer le passage du Dieu incarné. De l’autre côté de la rue s’élève une ligne continue et serrée de hêtres verdoyants. Partout le pavé est jonché de fleurs et de feuillages26 ».
17Comparer tous les participants à des abeilles offre une image vive, dynamique, tourbillonnante de la fête. Toute la ville et tous les habitants semblent pris dans l’événement, dans le rituel : la procession imprime sa marque partout et de façon ostentatoire. Les mots utilisés par Fuchs permettent de saisir la magnificence que devrait susciter le passage du Saint-Sacrement dans la cité. Les décorations, plus scintillantes, plus belles et plus prestigieuses les unes que les autres, soulignent bien cet aspect. L’ordre de la procession décrite ensuite par Fuchs et la hiérarchie des participants reflètent le prestige de ceux qui détiennent le pouvoir et servent ainsi de miroir à l’ordre social établi. L’organisation du rituel, la place de chacun, les chants, les prières, les vêtements, les décorations, les parures, tout est codifié, listé, intériorisé par la population et par les autorités27 ; rien n’est laissé au hasard. Pouvoir des clercs et pouvoir des autorités civiles s’imbriquent dans une démonstration ostentatoire, unificatrice, grandiose de leur élection à la tête de la république de Fribourg. La ville entière doit s’y retrouver et exprimer ostensiblement son attachement aux sacrements, à son identité catholique, à ses rituels spatiaux. Prenons également pour preuve de cette nécessaire communion sociale une pétition datée de 1582, écrite peut-être par Pierre Canisius, qui demande à la Compagnie de Jésus (par l’intermédiaire du jésuite Claudio Aquaviva élu en 1581 cinquième Supérieur général de la Compagnie) de supprimer l’interdiction de la participation des pères et des élèves du collège à la procession. Le document relate ainsi :
« Exposé des motifs pour lesquels les Fribourgeois nous demandent d’une part, que l’un ou l’autre Père de la Compagnie, et d’autre part, que les élèves du collège prennent part à la procession publique de la Fête-Dieu. Le chef religieux et représentant de l’évêque dans cette République28, à qui nos Pères sont tant redevables, nous conseille et nous supplie d’accorder les deux choses, jugeant qu’elles concouraient à l’édification de tous : gouvernement, clergé et population. Car il faut bien se rendre compte de la situation de cette ville, qui est entourée de partout des Calvinistes fanatiques et a un clergé en trop petit nombre. Il convient donc tout à fait que nos Pères donnent ce témoignage public de leur foi envers la sacrosainte et adorable Eucharistie, pour enlever toute suspicion et éviter l’accusation de ceux qui affirment que nous sommes plus prompts à nous amuser qu’à nous rendre à une procession29. »
18La participation ou non à la procession de la Fête-Dieu n’est donc pas anodine. Le document insiste sur « l’édification de tous », et donc sur la notion de communauté, d’ensemble. Faisant partie de la communauté urbaine, les jésuites sont donc enjoints à participer, en tant que groupe à part entière. Il s’agit bien d’un témoignage de la foi, d’une manifestation extérieure de la piété qui a valeur de rassemblement, de renforcement de l’appartenance catholique au sein de la cité. La procession n’est donc pas qu’un rituel traditionnel réitéré. Le besoin ressenti par les Fribourgeois de faire participer à celle-ci les membres du collège Saint-Michel montre bien l’attachement à la Fête-Dieu, célébration essentielle du calendrier catholique. La procession a valeur d’identification à la cité, à la vie urbaine communautaire et devient le symbole de l’unité de cette même communauté30. La vigueur encore actuelle de la procession de la Fête-Dieu, ainsi que l’attachement à certains rituels, relatifs aux préparatifs de la procession par exemple31, soulignent de façon claire l’ancrage de ces pratiques processionnelles dans la vie urbaine, communale, religieuse et civile de Fribourg.
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19En conclusion, la construction spatiale de la catholicité à Fribourg est bien un produit de l’histoire. Elle est le résultat d’actions pensées par différents acteurs qui œuvrent tous dans la même direction, celle de la mise en place, parfois hasardeuse, parfois conquérante, d’une confessionnalisation de la cité entière, de tout le paysage urbain. La profusion de signes, de symboles, de marqueurs de la religion à Fribourg résulte de l’ambition des magistrats qui souhaitent porter leur cité au rang de citadelle catholique. La catholicité de la ville est reconnue et reconnaissable. Chaque rue, chaque place, chaque quartier est imprégné de l’appartenance catholique et tout est fait de telle sorte que les habitants, comme les visiteurs de passage, ressentent cette aura religieuse. Certes, l’on pourrait rétorquer que cette façon de procéder est semblable dans d’autres lieux, mais toutes ces actions s’intègrent dans une compréhension locale du catholicisme. Fribourg la catholique est en ce sens unique. Son paysage urbain, miroir et support de l’identité catholique, est instrumentalisé, mis à profit, investi et réinvesti afin de porter de façon ostentatoire l’identité catholique. Le paysage devient donc un enjeu de la construction et la consolidation d’une identité confessionnelle : c’est ainsi que Fribourg peut s’ériger en citadelle catholique.
Notes de bas de page
1Sur les alliances entre cantons formant l’ancienne confédération, nous renvoyons aux chapitres 6 et 7 de Walter François, Une histoire de la Suisse, Neuchâtel, Alphil-Presses universitaires suisses, 2016 ; rappelons que la séparation entre ville de Fribourg et canton de Fribourg n’intervient qu’en 1803 : Dorand Jean-Pierre, La ville de Fribourg de 1798 à 1814 : les municipalités sous l’Helvétique et la Médiation, une comparaison avec d’autres villes-États de Suisse, Fribourg (Suisse), Academic Press Fribourg, 2006.
2Nous prenons ce terme dans son sens large d’évolution politique, religieuse et sociale de l’Europe durant un long xvie siècle.
3Maillard André, La politique fribourgeoise à l’époque de la réforme catholique : 1564-1588, Estavayer-le-Lac, Imprimerie Butty S. A., 1954 ; Waeber Louis, « La réaction du gouvernement de Fribourg au début de la Réforme », Revue d’histoire ecclésiastique suisse – Zeitschrift für schweizerische Kirchengeschichte, 1959, 1re partie, no 53, p. 105-124.
4Voir par exemple les études de Wandel Lee Palmer, Voracious Idols and Violent Hands : Iconoclasm in Reformation : Zurich, Strasbourg, and Basel, Cambridge, Cambridge University Press, 1995 ; ainsi que Sladeczek Franz-Josef, « Entre destruction et conservation, l’iconoclasme de la Réforme bernoise (1528) », in Cécile Dupeux, Pierre Jezler et Jean Wirth (dir.), Iconoclasme. Vie et mort de l’image médiévale, Paris, Somogy, 2001, p. 97-103.
5Sur la conquête du Pays de Vaud, l’éviction de la Savoie et l’instauration de la Réforme, voir Gilliard Charles, La conquête du Pays de Vaud par les Bernois, Lausanne, Éditions de la Concorde, 1935 ; Bruening Michael W., Le premier champ de bataille du calvinisme : conflits et Réforme dans le Pays de Vaud, 1528-1559, traduit par Marianne Enckell, 1re éd. 2005, Lausanne, Éd. Antipodes, 2011 ; Poudret Jean-François, La Maison de Savoie évincée de Lausanne par Messieurs de Berne, Lausanne, Cahiers de la Renaissance vaudoise, 1962 ; Crousaz Karine et Dahhaoui Yann (dir.), Réformes religieuse en Pays de Vaud. Ruptures, continuités et résistances (m. xve-m. xvie siècle), Lausanne, Éd. Antipodes, 2011, vol. 119.
6Voir les récentes conclusions développées à ce sujet chez Wohlhauser Rita Binz, Katholisch bleiben ? Freiburg im Üchtland während der Reformation (1520-1550), Zürich, Chronos, 2017.
7Dès les années 1520, les magistrats fribourgeois interdisent toute incitation au luthéranisme, tout propos anticatholique et sanctionnent gravement ces manquements : Ruffieux Roland et al (dir.), Histoire du canton de Fribourg, Fribourg, 1981, p. 329-340 ; parmi les recherches qui ont abordé les territoires acquis de façon assez précoce à la réforme catholique, voir Lemaitre Nicole, Le Rouergue flamboyant : clergé et paroisses du diocèse de Rodez (1417-1563), Paris, Cerf, 1988 ; Paravy Pierrette, De la chrétienté romaine à la Réforme en Dauphiné : évêques, fidèles et déviants (vers 1340-vers 1530), Rome, École française de Rome, 1993 ; Venard Marc, Réforme protestante, réforme catholique dans la province d’Avignon au xvie siècle, Paris, Cerf, 1993.
8Faisant écho à notre réflexion, différentes études ont longtemps considéré la Réforme comme un phénomène exclusivement urbain : Moeller Bernd, Reichsstadt und Reformation, Neue Ausg., Tübingen, Mohr Siebeck, 2011 ; von Greyerz Kaspar, Religion et culture : Europe 1500-1800, Paris, Cerf, 2006, p. 51 sq. ; la thèse de la Réforme comme événement spécifiquement urbain a été nuancée par Blickle Peter, Gemeindereformation : die Menschen des 16. Jahrhunderts auf dem Weg zum Heil, Studienausg., Munich, R. Oldenbourg, 1987.
9Nous nous permettons de renvoyer ici à notre thèse : Pflug Sarah, De l’espace chrétien au paysage catholique. Construction d’un territoire confessionnalisé en Suisse occidentale, xvie -xviie siècles, thèse d’histoire, dir. prof. Olivier Christin, université de Neuchâtel, mars 2018.
10Christin Olivier, « Une confessionnalisation du paysage urbain ? Les fontaines ornementales du xvie siècle », Revue d’histoire vaudoise, t. 119 : Réformes religieuses en Pays de Vaud : ruptures, continuités, résistances (m. xve-m. xvie siècle), Lausanne, Éd. Antipodes, 2011, p. 190.
11Ibid., p. 199.
12Ibid., p. 194 ; McColl Donald A., « Standing by the Ancient Faith : Fribourg’s Public Fountains and the Coming of the Reformation », in Cultures of Communication from Reformation to Enlightenment : Constructing Publics in the Early Modern German Lands, Aldershot, Ashgate, 2002, p. 163-164.
13La fuite de l’évêque après la conquête bernoise laisse le territoire fribourgeois orphelin de l’autorité épiscopale, que les autorités locales s’empressent de combler : Rück Peter, « Die letzten Versuche Sebastian von Montfaucon (1517-1560) zur Wiederherstellung der bischöflichen Verwaltung in den katholischen Teilen der Diözese Lausanne », Revue suisse d’histoire – Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, 1966, no 16, p. 1-19.
14McColl D. A., « Standing by the Ancient Faith : Fribourg’s Public Fountains and the Coming of the Reformation », art. cité, p. 166-167.
15Ibid., p. 171.
16Gartenmeister Marion, « Brunnen im Stadtbild. Ikonographie und Repräsentationsformen in Freiburg des 16. Jahrhunderts », in Hans-Joachim Schmidt (dir.), Stadtgründung und Stadtplanung – Freiburg (Schweiz) während des Mittelalters. Fondation et planification urbaine – Fribourg au Moyen Âge, Münster Westf, LIT, 2010, p. 125.
17Nous reprenons et traduisons le titre de l’article de Gampp Axel Christoph, « Sprudelnde Moral. Die Ikonographie des Fribourger Brunnenprogramms als Ausdruck geistig-moralischer Aufrüstung im 16. Jahrhundert », in Dorothee Rippmann, Wolfgang Schmid et Katharina Simon-Muscheid (dir.), Brunnen in der europäischen Stadtgeschichte : zum allgemeinen statt nutzen : Referate der Tagung des Schweizerischen Arbeitskreises für Stadtgeschichte, Bern, 1. bis 2. April 2005, Trier, Kliomedia, 2008, p. 25-36.
18Burnet Gilbert, Voyage de Suisse, d’Italie et de quelques endroits d’Allemagne & de France, fait ès années 1685 & 1686 ; avec des remarques d’une personne de qualité touchant la Suisse et l’Italie, seconde édition, revue, corrigée, augmentée d’un indice des principales matières, Rotterdam, chez Abraham Acher, 1688, p. 84.
19« So sein unser Frawen/und S. Niclaus Stiffts Kirchen (daran ein fünstlicher Thurn/von welchem dit Statt wol zu besichtigen :) Das Franciscaner (darin ein Todten Tank gemahlt/) das Augustiner/und Capuciner kloster auch zusehen. Dann die Leuthe allhie der Roemisch Catholischen Religion enferig zugetjan seyn » : Zeiller Martin et Merian Matthaeus, Topographia Helvetiae, Rhaetiae, et Valesiae. Das ist Beschreibung unnd eygentliche Abbildung der vornehmsten Stätte und Plätze in der hochlöblichen Eydgenossschaft, Graubündten, Wallis und etlicher zugewandten Orthen, 1re édition 1648, Kassel, Basel, Bärenreiter, 1960, p. 52.
20Sur cet épisode de la guerre de Trente Ans, voir Louis Gérard, La guerre de Dix Ans : 1634-1644, Paris, Les Belles Lettres, 1998.
21Archives de l’État de Fribourg : CH AEF, G.S. 1108.
22Archives de l’État de Fribourg : CH AEF, G.S. 1106.
23Selon Julia Dominique, « L’expansion de l’ordre de la Visitation aux xviie et xviiie siècles », in Bernard Dompnier et Dominique Julia (dir.), Visitation et visitandines aux xviie et xviiie siècles. Actes du Colloque d’Annecy, 3-5 juin 1999, organisé par le Centre d’histoire « Espaces et cultures » (université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand) et le Centre d’anthropologie religieuse européenne (École des hautes études en sciences sociales, Paris), Saint-Étienne, université Jean-Monnet, 2001, p. 115-176.
24Ibid., p. 117 ; voir également Marguin David, Picaud Gérard et Foisselon Jean (dir.), Aux sources de la Visitation : François de Sales et Jeanne de Chantal, Paris, Somogy, 2016.
25Macherel Claude et Steinauer Jean, L’État de Ciel : portrait de ville avec rite. La Fête-Dieu de Fribourg (Suisse), Fribourg, Méandre Éd., 1989, p. 284 ; les auteurs citent un document daté du 31 mai 1425 conservé aux Archives de l’État de Fribourg, Première collection des lois, no 332, fo 97 vo.
26Fuchs Heinrich, Friburgum Helvetiorum Nuythoniae : chronique fribourgeoise du dix-septième siècle. Publiée, traduite du latin, annotée et augmentée de précis historiques par Héliodore Raemy de Bertigny, Fribourg (Suisse), chez J. Koch-Aibischer imprimeur éditeur, 1852, p. 352-364.
27Klöckener Martin, « Die Liturgie an der Stiftskirche St. Nikolaus in Freiburg auf Grundlage des Zeremoniale aus dem späten 16. Jahrhundert », in Jean Steinauer et Hubertus von Gemmingen (dir.), Le chapitre Saint-Nicolas de Fribourg : foyer religieux et culturel, lieu de pouvoir : actes du colloque, 3-5.2.2010 = Das Kapitel St. Nikolaus in Freiburg : Hort des Glaubens, der Kultur und der Macht : Akten des Kolloquiums, Fribourg, Société d’histoire du canton de Fribourg, 2010, p. 433.
28Il s’agit de Peter Schneuwly (1540-1597), prévôt entre 1578 et 1587.
29Archives de la société de Jésus à Rome (RASJ), Ep. Germ., vol. 159 (1581-1582), fo 274, cité par Marquis André-Jean, Le Collège Saint-Michel de Fribourg (Suisse), sa fondation et ses débuts, 1579-1597, Fribourg, Imprimerie Saint-Paul, 1969, p. 214-215.
30Chiffoleau Jacques, « Les processions parisiennes de 1412. Analyse d’un rituel flamboyant », Revue historique, 1990, vol. 284, p. 65.
31Concernant les différents acteurs et les étapes de la préparation, voir surtout le chapitre ii de Macherel Claude et Steinauer Jean, L’État de Ciel, op. cit., p. 23-68.
Auteur
Université de Neuchâtel

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