Chapitre 5. L’impensé du partenariat
p. 73-87
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Texte intégral
L’implicite d’un modèle de relations
1Bien loin de représenter la configuration historique ayant prévalu dans les relations entre l’école et les familles, le partenariat apparaît comme une conception relativement nouvelle du type de rapports attendu mais inégalement entretenu entre ces deux instances de socialisation1. L’incitation au rapprochement des familles et de l’école et à leur coopération, n’a qu’un caractère récent2 et n’obéit rigoureusement à aucune nécessité de la scolarisation. Nombre d’enfants dont les parents ne fréquentent guère l’école ne sont pas en difficulté scolaire et réalisent pour certains des parcours exemplaires. Inversement, une « sur-présence » ne garantit en rien le succès scolaire. Pour autant, l’idée que l’école ne peut plus remplir seule ses missions s’est imposée telle une évidence, non discutée, et l’objet du partenariat représente un enjeu rarement soumis à débat ou à négociation (Glasman, 1992a). La fortune du mot le doit sans doute au caractère pluriel des partenaires et des actions qui s’en réclament mais les familles représentent le « lieu commun » du partenariat ; et les difficultés ou échecs scolaires des élèves ce qui, de façon plus ou moins explicite, le justifie.
2Dans la perspective qui nous occupe, celle du partenariat avec les familles, la première grande période de la scolarisation a eu pour priorité de constituer les élèves en citoyens et, ce faisant, de changer des parents qu’il convenait de convertir à l’universalisme des valeurs de la raison et du progrès.
3La seconde marque, à compter de la massification secondaire des années 1960, un renouveau dans la reconnaissance progressive de parents jusqu’à les considérer, selon les termes de la loi d’orientation de 1989, comme membres à part entière de la communauté éducative et partenaires permanents de l’école ou de l’établissement scolaire. Il est précisé, en outre, que « leur droit à l’information et à l’expression doit être absolument respecté ». Ces changements se sont accompagnés de la création de dispositifs de représentation (conseils d’administration des collèges et lycées en 1968, conseil d’école en 1977) et de procédures d’information ou de réunion censés faciliter la rencontre des parents et des enseignants. Diverses actions manifestent, avec un succès inégal, le souci de l’institution scolaire de rapprocher les familles de l’école (objectif décliné à travers des projets visant par exemple, à «faciliter la communication avec les familles », à «ouvrir l’école aux parents », à «établir un partenariat avec les familles »), notamment dans les quartiers difficiles et en ZEP où ce partenariat est jugé à la fois plus nécessaire et plus lacunaire. Indirectement, l’invocation pressante faite aux familles populaires de collaborer avec l’école, de s’investir dans la scolarité et, plus largement, l’éducation de leurs enfants, pourrait laisser entendre qu’elles ne le font pas ou, à tout le moins, qu’elles s’en acquittent sur un mode jugé peu compatible avec les normes et attentes de l’institution.
4Plus généralement, l’incitation au partenariat école-familles s’inscrit dans un mouvement de transformation des relations entre l’institution scolaire et son environnement selon deux orientations majeures. Il y a, d’une part, une territorialisation accrue de l’action éducative de l’État à travers la décentralisation et l’autonomie croissante des établissements scolaires. Les liens avec les collectivités territoriales mais aussi avec un ensemble de partenaires associatifs et institutionnels locaux, se sont considérablement renforcés, ouvrant la voie à la mise en place d’actions dans et hors l’école, comme le montrent, par exemple, les projets de ZEP ou la création des AEPS (actions éducatives péri-scolaires) dans les années 1980. L’éducation mobilise l’intervention d’une pluralité d’acteurs et d’experts dont on peut se demander si elle ne contribue pas indirectement à déposséder les parents de leurs prérogatives et domaines de compétence éducative. D’autre part, l’ouverture de l’école, l’exigence de transparence sur les méthodes et les résultats dans un contexte concurrentiel entre établissements, conforte une logique d’usagers. La métaphore du marché scolaire souligne cette montée en puissance des parents considérés comme des « consommateurs d’école », c’est-à-dire des usagers placés face à une offre de scolarisation plus soucieuse de répondre, par ses services et ses résultats, aux attentes de ses publics, du moins de ceux qui, de façon stratégique, usent de leur capacité de négociation et d’influence3.
5Or, à travers la mise en place de ces dispositifs et d’un système incitant les acteurs à l’échange et à la contractualisation, l’école fait évoluer le droit à la scolarité des enfants en un devoir de collaborer des parents. Elle les sollicite afin qu’ils s’impliquent dans une relation stable et durable dont elle présuppose les effets bénéfiques. Ce modèle de relations entre les acteurs de l’institution et les parents repose implicitement sur un système de normes de comportements qui valorise la participation et l’échange, postule l’harmonie des intérêts et l’égalité formelle des statuts. L’école veut donc faire des familles des parents alliés et plus précisément des agents complémentaires dans leur rôle de celui des enseignants (Glasman, 1992b). Elles ont pour fonction à la fois de préparer l’enfant à l’école et de prolonger par d’autres moyens et sous d’autres formes, ce qui est appris en classe et nécessaire à une scolarisation réussie. Ce faisant, l’école exige un travail d’acculturation de la part des parents de milieux populaires contraints, s’ils veulent obtenir quelque reconnaissance de la part des enseignants, de se soumettre à ce régime de participation et d’interactions, à des codes et règles tacites dont ils ne sont guère familiers.
6Avant d’examiner les modalités et contenus du partenariat et la manière dont les parents de milieux populaires entendent cet appel à se rapprocher de l’école et à s’impliquer, selon les formes requises, il convient préalablement de préciser la signification accordée à ce terme. Car différents vocables sont utilisés comme synonymes (coopération, collaboration, concertation) par les acteurs de l’institution scolaire de sorte que, à l’instar de ce qui a été observé pour le terme de médiation4, tout un ensemble de pratiques peut relever potentiellement du partenariat. Aussi, convient-il de distinguer la coopération qui suppose « une recherche d’entente sur la mise en œuvre des moyens, alors que le partenariat supposerait en outre une définition conjointe par les partenaires des objectifs à atteindre et des moyens à mettre en œuvre »5. Une autre distinction sépare la collaboration à la réalisation d’une tâche de la concertation qui suppose un échange d’idées avant la collaboration. Au-delà des mots, l’enjeu porte sur le degré de compétence requis et sur le statut des parents inégalement « partenaires » dans les relations et actions qui leur sont proposées. Or, les recherches sur le partenariat entre les familles populaires et l’école montrent, à travers une diversité d’indicateurs portant sur leur représentation, leur niveau de participation et d’investissement, qu’elles restent très en retrait sinon absentes d’une réflexion sur les objectifs et finalités éducatives ou pédagogiques des actions d’une part, que leur implication se limite essentiellement à des domaines d’activités où elles apportent une contribution pratique (en temps, en savoir-faire) d’autre part.
7Ainsi, une enquête menée auprès de parents à l’école primaire précise que, si les contacts entre enseignants et parents ont globalement augmenté, le type de rapport varie socialement selon deux dimensions : le rôle attribué à l’école, la tendance à participer (Montandon, 1994). Selon cette typologie, les familles ouvrières accordent une mission large à l’école combinant instruction et éducation tout en se positionnant plus en retrait. Cette attitude désigne un rapport qualifié de « délégation » et s’oppose au mode dit de « collaboration ». Celui-ci, plus fréquent parmi les familles de cadres, se caractérise par l’attribution d’une mission restreinte à l’école, considérée comme un lieu de transmission de savoirs, et par une implication limitée mais portant de façon privilégiée sur le fonctionnement de l’école. En d’autres termes, les parents de milieux populaires occupent bien plus souvent un rôle d’accompagnateurs lors des sorties scolaires ou d’auxiliaires pratiques dans la mise en place d’activités ou d’animations (à l’instar de ce qui peut être constaté lors des fêtes d’école) qu’une position d’influence dans les échanges portant sur les projets ou orientations de l’école.
8Délaissant la fonction politique de partenaire compétent pouvant peser sur les décisions concernant le fonctionnement de l’école ou la scolarité des enfants, les parents populaires mobilisés semblent davantage animés par le souci de permettre la réalisation d’activités en soulageant le travail des enseignants et en s’attachant à défendre collectivement les intérêts de l’école (à travers, par exemple, des manifestations pour empêcher la fermeture d’une classe). Le témoignage de ce père (agent de nettoyage) d’une fille de 9 ans précise le sens donné à ce « partenariat » :
« Une directrice d’école, plus elle a de monde autour d’elle, plus elle va être contente, plus la tâche va être moins difficile pour elle. On pourra sortir les enfants, on pourra les amener à la piscine, on pourra les amener voir des spectacles. Si nous, parents, on n’aide pas les instituteurs ou les directrices d’école, comme ça, l’année d’après, si on veut faire quelque chose ce sera " niet " parce que l’année d’avant, il y a eu moins de monde. »
9Lorsqu’ils sont élus dans les instances de représentation des parents (ce qui, comme nous l’avons vu précédemment, est sensiblement moins fréquent), le bilan apparaît plutôt mitigé et leur participation sans conviction. Ainsi de cette femme (45 ans, au chômage), membre d’un conseil d’école en ZEP :
« Ça nous apporte pas grand-chose. Il y a deux réunions par an… Hier, on a établi le nouveau règlement. Là, il y a justement des choses qu’on a rajoutées, mais je ne me souviens plus quoi exactement… »
10Au niveau du secondaire, la participation des parents aux réunions avec les enseignants et leur implication dans le fonctionnement des établissements apparaissent fortement liées à leur appartenance sociale et à leur niveau de scolarisation (Masson, 1996). Il a été observé, plus précisément, que les mères des ménages ouvriers ou ayant effectué une scolarité courte sont sensiblement plus nombreuses à ne jamais participer à ces rencontres, et elles ont également le plus faible taux de participation aux réunions parents/professeurs. Elles se méfient, de façon plus nette encore que pour la moyenne des familles, des structures de parents d’élèves, et surtout expriment de fortes réticences et critiques à l’égard des rencontres individuelles avec les enseignants ou agents scolaires. L’organisation de ces réunions les place d’emblée dans un rapport inégal, rapport entre individus de classes sociales différentes, et où il leur sera difficile d’exprimer et de faire reconnaître leur point de vue (Henriot-van Zanten, 1990). Il leur faut parfois se faire violence pour se rendre à ces réunions qu’elles redoutent. Un père de 38 ans, ouvrier du bâtiment au chômage, en témoigne :
« On va aller se montrer là mais, je sais pas, ça va pas passer, je vais pas pouvoir causer ou bien tout le monde va me regarder. »
11De façon générale, plus les parents sont dotés scolairement, plus ils se jugent habilités à intervenir dans l’institution, y compris parfois en s’attribuant des compétences dans le domaine pédagogique (Terrail, 1997). C’est la raison pour laquelle, les membres des classes populaires peuvent vivre comme un désavantage relatif l’offre de participation et de parole faite aux parents dont certains, en connivence culturelle avec les enseignants, parviennent à obtenir ce qui est refusé au plus grand nombre. C’est le sens du témoignage rapporté par cette mère de 40 ans, sans activité professionnelle, à l’issue des quelques réunions auxquelles elle a « participé » :
« J’ai remarqué que certaines personnes là-dedans, ils se prennent pas pour… Les gens comme ça, j’aime pas… Ils s’y croient un peu trop. Ces parents-là, ils sont toujours entre eux, ces parents sont toujours ensemble, et ils ont des copains parmi les professeurs. Les instits font des différences, ils [les parents] pouvaient changer les enfants de classe. »
12Ces différents éléments d’enquête montrent la difficulté particulière des parents de milieux populaires à s’inscrire dans les cadres de la représentation associative et dans les instances « formelles » du partenariat, ce qui conduit à s’interroger plus avant sur ce qui permet d’accéder au statut de partenaire. Le partenariat ne se résume pas, en effet, à un enjeu de communication, car il implique un certain nombre de conditions et de dispositions d’ordre culturel et relationnel. Quels sont plus précisément les freins et obstacles au partenariat, les présupposés et difficultés, du point de vue des parents de milieux populaires ?
13On pourra, dans une première remarque, indiquer que si l’on excepte les instances où figurent les élus représentants des parents d’élèves, le partenariat n’est pas précisément explicité dans ses modalités ni formellement organisé. Certes, les réunions d’information, de rentrée scolaire en particulier, veulent s’adresser à l’ensemble des familles et leur signifier la possibilité de rencontrer les acteurs de l’école. Pour autant, il n’est généralement guère tenu compte des contraintes de disponibilité de parents occupant des emplois en horaires décalés ou des difficultés de mobilité pour les familles isolées ne disposant pas de moyen de transport. Surtout, la question des rythmes auxquels ils peuvent solliciter les enseignants et des mobiles pouvant justifier un entretien restent soumis à l’appréciation de chacun, c’est-à-dire qu’elle laisse la plupart des familles populaires face à l’impossibilité de statuer sur l’opportunité et l’utilité de le déclencher. Car, des parents partenaires, il est implicitement attendu, au-delà de leur présence dans les réunions formelles, qu’ils prennent l’initiative de rencontres et d’échanges avec les enseignants témoignant de la sorte de leur préoccupation scolaire et de leur volonté de bien faire, c’est-à-dire selon les formes d’investissement que l’institution reconnaît. De façon paradoxale, une démarche de l’école envers une famille en particulier prend une signification inverse – ce qui témoigne de l’asymétrie de la relation – car elle apparaît alors comme la conséquence d’un déficit de partenariat nécessitant de convoquer des parents dont l’enfant rencontre des difficultés d’apprentissage ou de comportement. Dans la logique de l’institution, des relations plus suivies auraient sans doute permis d’atténuer sinon de prévenir les problèmes et c’est en partie sur ce critère que la situation est jugée et analysée.
14Pour rencontrer les acteurs de l’institution scolaire, les parents doivent se conformer au cadre formel et officiel de la rencontre, avec l’obligation de prise de rendez-vous adressée à des interlocuteurs identifiés. Dès lors, l’entretien se doit d’être motivé par des questions ou des attentes qui le justifient du point de vue de l’enseignant et ne lui laissent pas l’impression de « perdre son temps » ou de voir les parents abusivement en disposer. Au parent d’apprécier ce qui, dans l’ordre de ses questions et préoccupations, « autorise » une demande de rencontre. Ce mode de relation fondé sur l’anticipation oblige, en outre, à une rationalité fonctionnelle en rupture avec les pratiques plus spontanées et le style plus direct, adoptant le franc-parler, caractéristique des formes de langage et sociabilités des classes et cultures populaires. D’ailleurs, il semble que les échanges lors de rencontres informelles, favorisées autrefois par la plus grande proximité spatiale entre les enseignants et les familles, ont dans bien des cas une teneur et une portée plus proches des attentes et intérêts particuliers des parents, plus habiles à se saisir des occasions qu’à programmer des rencontres.
15Secondement, l’engagement volontaire des parents n’est possible qu’à condition de maîtriser des formes d’expression langagière — et d’abord la langue française elle-même —, un vocabulaire et des normes de communication dont nombre de familles populaires sont éloignées de par leur idiome d’origine ou leur façon de parler. De plus, le langage commun des agents de l’institution se situe bien souvent sur registre technique et pédagogique avant d’être éducatif. C’est de l’élève dans sa capacité ou ses difficultés à apprendre et à se comporter dont parle l’enseignant mais c’est à l’enfant, pris comme individu à socialiser et à encadrer, à discipliner et si besoin à sanctionner, que les familles populaires font référence. Mis en difficulté dans leur capacité à adopter un code de langage et d’attitudes qui les préserve, dans les interactions avec les enseignants, des paroles ou regards les renvoyant au sentiment de leur incompétence et à leur position d’infériorité, ils sont enclins à ne pas s’accorder la légitimité requise pour négocier avec l’école et encore moins s’opposer à elle.
16En troisième lieu, on soulignera que le partenariat présuppose que les parents soient en mesure de jouer leur rôle de relais de l’école et qu’ils disposent par conséquent des ressources nécessaires pour s’acquitter d’un certain nombre de tâches et de responsabilités liées à la scolarité de leur enfant. Outre le suivi du travail scolaire (surveillance, aide aux devoirs, contrôle des cahiers…), il est attendu qu’ils aient quelques connaissances sur le système éducatif, les filières et les diplômes, pour signifier leur préoccupation d’accompagnement scolaire et faire valoir leur point de vue sur la scolarité et l’orientation. Au final, le chemin symbolique à parcourir pour franchir le seuil de l’école ou de la salle de cours peut-il s’apparenter à une longue épreuve pour qui ne se juge pas habilité à intervenir dans un monde dont il ignore beaucoup et dont il ne perçoit pas toujours les signes de soutien et de compréhension à son égard. Invoquer des relations de partenariat laisse supposer que les acteurs se situent mutuellement dans leurs rôles et compétences, qu’ils partagent l’enjeu de leur participation et l’intérêt de rencontres régulières. Il suggère, en outre, que les deux types d’acteurs tirent des bénéfices de cette relation. Or, elle peut être dans bien des cas hiérarchique et dissymétrique, l’école pouvant seule assortir ses demandes de rencontre d’éventuelles sanctions en cas d’absence des parents.
17En dernier lieu, on pourra souligner que le partenariat invite au consensus et à l’entente, au compromis sur des intérêts bien compris par les deux parties. Autrement dit, ses connotations positives laissent peu de place à l’expression de divergences ou de désaccords dans les points de vue et les buts des parents et des enseignants. Le partenariat promu par l’institution appelle des partenaires en confiance et disposés à coopérer aimablement. D’ailleurs, un des critères de qualité du partenariat pour les enseignants consiste précisément en l’absence de polémique ou de différend (Montandon, 1994). Il implique par conséquent l’entente sinon la connivence qui permette de conjurer le conflit ou de s’entendre sur sa nécessaire dissimulation. Or, la confrontation d’univers culturels et normatifs par trop différents comme il se produit à l’école et dans certains quartiers en particulier, engendre des conflits de sens et divergences d’interprétation qui se plient difficilement au cadre formel des échanges. Les risques de discordances et de résistances font donc partie intégrante d’une scolarisation mettant en jeu la culture indigène des élèves et de leur milieu face à celle de l’école et des enseignants6. Pour autant, le partenariat rejette hors de son périmètre d’acceptabilité morale les griefs et autres critiques dont les parents seraient porteurs. Il fonctionnerait là aussi comme un moyen de retenir les seuls parents bien prédisposés grâce à leurs « qualités », et à un accord « préétabli » sur les sujets de négociation soumis à l’entente.
18Plus encore, l’idée de co-éducation ne fonctionne-t-elle pas comme un piège en postulant l’entente mutuelle, mais en proposant une alliance sur la base d’une partition entre adultes — parents et enseignants éducateurs – d’un côté, enfant à éduquer de l’autre ? Car, dans bien ces cas, les parents et l’enfant font « bloc », parfois « avec » mais aussi « contre » l’école. L’invite au partenariat n’ouvre donc pas à toutes les combinaisons relationnelles et rapports de force, en excluant des parents « non-partenaires » ou « non alliés » des enseignants et qui ne peuvent donc souscrire au modèle. À suivre cette perspective, bien des parents investis dans la scolarité de leur enfant seraient en réalité « démissionnés » par l’institution scolaire.
19En définitive, on est en droit de se demander si les présupposés du partenariat ne construisent pas l’impossibilité pour les parents populaires de se constituer en partenaires tout en facilitant à ceux qui le sont déjà, la possibilité d’élargir de manière légitime leur champ d’intervention, de pouvoir et de reconnaissance. Cette offre de partenariat participerait d’un « libéralisme tempéré » postulant une régulation du système et des gains de qualité de l’offre en accordant des degrés de liberté accrus aux parents (Lorcerie, 1998). Elle semble surtout conforter les logiques d’appropriation par les familles culturellement les mieux dotées qui en tirent les plus gros bénéfices, redoublant de la sorte les inégalités de chances scolaires des enfants par des inégalités d’accès à l’information et au conseil, au pouvoir d’orientation et de décision que permet la négociation entendue avec les représentants de l’institution.
Le partenariat : une forme douce de contrôle des familles ?
20Il convient donc de s’interroger, au-delà des dispositifs et des mots d’ordre attestant d’une volonté institutionnelle d’instauration d’un partenariat avec les familles, sur les contenus et effets attendus d’un système de relation inégal et dont l’objet reste à préciser. L’évidence formelle du partenariat et la préoccupation non questionnable visant à le développer ne doivent pas se substituer à une réflexion sur le sens à lui donner et à l’évaluation de ses effets. Quelles sont les attentes des enseignants et des familles, les changements et bénéfices qu’ils peuvent espérer, les conséquences qu’ils peuvent redouter ?
21Dans son analyse de la fonction du partenariat dans les quartiers populaires, Dominique Glasman conclut qu’il s’agit d’une part, de transformer les enfants en élèves afin qu’ils intègrent les normes et valeurs de l’école et, d’autre part, de consacrer les parents dans leur responsabilité face à l’enjeu d’une scolarisation réussie (1992b). Ainsi, éludant la question des présupposés du partenariat et de ses effets, sa légitimation par les agents de l’institution interpelle indirectement la famille sur la manière dont elle exerce son autorité et ses obligations éducatives. Jacques Donzelot a déjà montré tout ce que les actions de bienfaisance en direction des plus démunis au XIXe siècle doivent, à travers notamment la scolarisation devenue obligatoire, à une politique de contrôle des familles et à une entreprise de moralisation et de normalisation de leurs pratiques en matière d’hygiène et d’éducation (Donzelot, 1977). À suivre cette perspective, le partenariat permettrait, sous les dehors adoucis et moralement ennoblis de l’offre d’échange et de coopération, non pas tant le développement de relations suivies ayant les apprentissages scolaires pour objet – et l’on sait, par ailleurs, que les enseignants opposent rapidement une limite à ce qu’ils perçoivent comme une immixtion des parents dans leur domaine de compétence — que d’agir sur les parents, par l’entremise de ce dispositif d’évaluation et ses catégories de jugement, afin qu’ils se conforment au rôle et valeurs que l’institution leur demande d’incarner.
22De fait, le partenariat impose une mise en conformité des manières de faire et de penser l’éducation des enfants avec les contraintes et exigences de l’école, que ce soit à travers l’organisation temporelle, la gestion du budget familial ou l’encadrement scolaire et éducatif (Perrenoud, 1987). On imagine aisément que ces attentes sont plus spontanément comprises et réalisées sinon anticipées par les familles les plus proches socialement et culturellement de l’école. Dans le cadre d’un « partenariat » étroit et strictement défini par elle, l’école peut vouloir infléchir les comportements des parents, voire exiger d’eux qu’ils prennent en charge («se responsabilisent » disent les acteurs de l’institution scolaire) les problèmes rencontrés ou posés par leur enfant à l’école, notamment en matière de comportement7. C’est dans ce contexte d’un « partenariat » sous contrôle que les parents se voient parfois rappeler, sous la forme de convocations, à l’exercice de leurs responsabilités et de leur autorité éducatives jugées défaillantes – ce qui prive la relation de son sens égalitaire. Sur un mode moins conflictualiste, écoles et collèges des quartiers populaires ont progressivement mis en place un dispositif de remise des livrets d’évaluation ou bulletins scolaires en mains propres qui contraint les parents à rencontrer les enseignants. Les obligations de signature des cahiers, des devoirs notés ou carnets de liaison, participent d’une même intention d’implication et de responsabilisation des parents face à la scolarité de leur enfant avec, implicitement, le postulat d’une préoccupation parentale incertaine et de meilleures chances de « suivi » par ce contrôle obligé dans la famille. Outre ces effets supposés, il a été observé que cette stratégie d’information a aussi pour conséquence de multiplier les conflits familiaux autour de mauvaises notes (Durning, 1995).
23Si la plupart des familles s’acquittent des obligations qui les mettent à l’abri des jugements de l’école, offrant par des techniques d’acquiescement et d’écoute polie, non suivie d’effets, les signes de leur « bonne volonté » partenariale, il s’établit néanmoins par le biais de ces rencontres un rapport de force entre parents et enseignants susceptible d’engendrer des tensions et de secréter des tactiques d’évitement ou de retrait visant à limiter l’intrusion de l’école dans la vie familiale. Attitudes défensives caractéristiques des groupes stigmatisés qui craignent de voir leur vie privée envahie (Goffman, 1986). De façon paradoxale, le partenariat pourrait s’accompagner d’effets de mise à distance des familles populaires disqualifiées et dissuadées de s’engager dans une relation qui les atteint, sans que cela soit objectivement visé, dans leur dignité sinon dans leur identité de parent. Se soustraire au partenariat serait alors une manière de préserver un espace d’autonomie et une identité tant personnelle que familiale que l’école fragilise ou met à mal. Exemplaires à cet égard, les familles sous-prolétaires ou bien encore les gens du voyage nous montrent non seulement leur difficulté à comprendre et suivre la scolarité de leur enfant mais, plus profondément, leur résistance à se laisser imposer par l’institution scolaire la définition de ce qu’elles sont et de ce qu’elles devraient faire pour apparaître comme de « bons parents », ne serait-ce qu’à travers le respect des exigences d’assiduité et de discipline temporelle exigé par l’école.
24Inversement, l’adresse faite aux parents de rencontrer les enseignants et de dialoguer peut déboucher, à l’école primaire, sur une « sur-présence » dont l’institution n’arrive plus à se défaire. Les familles ne cherchent pas à contenir l’intrusion de l’école dans leur vie privée mais, bien au contraire, s’ouvrent à elle au-delà ce qui serait jugé souhaitable voire raisonnable. La demande de participation se retourne parfois en une forme d’épanchement des parents confrontés à des difficultés dans leur vie personnelle, familiale, professionnelle, et dont ils font le récit sans s’inscrire dans les normes de l’échange attendues ni par ses modalités ni par ses contenus. La recherche d’une écoute à l’école procède d’une demande de soutien ou de conseil, mais elle peut aussi avoir pour fonction de se justifier, de se défendre voire de prévenir des critiques relatives aux manquements éducatifs ou de suivi scolaire. La proximité voulue par l’école avec les parents secrète alors la porosité des frontières entre la sphère domestique et l’espace scolaire et se referme comme un piège sur l’école, contrainte d’opérer une mise à distance des familles et de porter sur elles un regard qui peut être moralisant et stigmatisant8. Le rapport peut évoluer d’une prise en compte à une prise en charge de leurs souffrances sociales et psychologiques selon une « dérive assistancielle »9 enregistrée dans les enquêtes auprès d’enseignants parlant de leur métier, dans certaines écoles des quartiers populaires et en ZEP en particulier, comme d’un « travail social ». Précisons que cette dimension donnée à la fonction n’a pas nécessairement le sens d’une contrainte, car elle résulte parfois d’une implication acceptée et motivée par l’idée d’entretenir des relations proches et positives avec les parents les moins familiers de l’école.
25Pour finir, les voies du partenariat semblent bien étroites. D’un côté, l’évitement des parents ou leur position en retrait des normes de participation expose à la réprobation de l’école mettant en œuvre des stratégies d’implication ou de suivi ayant des effets de contrôle. De l’autre, une présence excessive ou une présence non conforme peut tout aussi bien s’avérer disqualifiante. Entre ces marges plus ou moins étroites selon les contextes, se situerait l’espace du partenariat bien compris, mais dont on comprend alors qu’il peut rapidement engendrer un différend.
Effets et risques du partenariat
26En fait, poser la question du partenariat au sens des interactions avec les acteurs de l’institution scolaire et de son efficacité pour les familles populaires, nécessite de pas en cantonner l’enjeu à la fréquence des rencontres et à la qualité des échanges selon le critère formel du dialogue et de l’entente. Plus précisément, la question de ses effets, pour des familles inégalement partenaires, peut être envisagée sous le double aspect de son impact sur la scolarité d’une part, de son incidence sur l’image de soi des parents d’autre part.
27S’agissant du premier critère, les travaux pionniers menés auprès de populations noires et d’enfants de milieux populaires aux États-Unis ont montré une relation positive – sans qu’elle soit de cause à effet — entre la participation des parents, sous la forme de visites et de réunions à l’école, et les résultats scolaires de l’enfant (Clark, 1983). Dans le cas des recherches plus récentes menées en France, les parents des classes moyennes, plus encore que les classes supérieures, seraient les plus grands bénéficiaires de l’implication dans l’école. La fréquence des rencontres, surtout sur le mode individuel, leur permet de recueillir des conseils et informations complémentaires sur l’offre de formation, sur les attentes des enseignants ou bien encore sur les critères implicites pour accéder à tel ou tel niveau, obtenir les classes ou filières souhaitées. La proximité sociale facilite les contacts et leur permet en outre de développer une image de « bon parent » (Henriot – van Zanten, 1996). La fraction la plus mobilisée des parents des classes populaires est bien consciente de cet enjeu qu’elle s’efforce de négocier au mieux. « Se montrer » à l’école et dans les réunions avec les enseignants fait partie des attitudes auxquelles ils s’obligent au regard des retombées d’image sur eux-mêmes et d’attitudes à l’égard de l’enfant en classe. Citons ce témoignage d’une jeune mère de trois enfants, sans activité professionnelle :
« Si l’instit voit que la mère va aux réunions, cela donne de la valeur à l’enfant : il sera mis devant. Si la mère se désintéresse, il sera mis derrière. Et si l’enfant, il lui faut répéter cinq ou six fois, l’instit ne va pas se casser la tête avec lui ».
28Toutefois, l’enjeu consistant pour les parents à témoigner de leur « bonne volonté » de partenaire ne réside pas seulement dans ses effets attendus auprès des enseignants. Il s’agit également de signifier par leur présence, l’intérêt pour la scolarité de l’enfant. Les familles, quand bien même les échanges portent sur des aspects de la scolarité jugés secondaires par les enseignants, dressent des ponts entre l’école et l’espace domestique et prolongent symboliquement la vie de l’élève dans l’espace des relations familiales. Autrement dit, la césure perceptible en milieux populaires entre l’école et la maison, l’enfant et l’élève, et qui fait écran à l’investissement scolaire serait ainsi atténuée voire gommée par une présence parentale dans l’école, fût-elle minime. Bien que difficiles à évaluer, ces effets indépendants des contenus du partenariat pourraient jouer un rôle clé dans la construction du sens donné à l’école et, au-delà, dans les performances scolaires des élèves. Des expériences menées localement, en particulier dans les quartiers populaires ou relevant de l’éducation prioritaire, tentent de favoriser la rencontre entre parents et acteurs de l’école et de changer les perceptions réciproques : formation de parents devenant relais d’autres familles, valorisation de savoirs-faire de mères d’origine étrangère (en matière culinaire par exemple), ouverture de « classe de parents » dans les établissements ou bien encore création d’un lieu de rencontre parents enseignants hors l’école10.
29Sans minorer les effets de ces actions11, il reste que les membres des classes populaires ont sensiblement moins de contacts avec les acteurs de l’école et en tirent un profit semble-t-il limité. Cela n’exclut pas que les parents les plus mobilisés puissent solliciter les enseignants considérés comme des interlocuteurs compétents pour les soutenir et les conseiller dans leur effort scolaire, comme le montre l’efficacité des contacts directs que certaines familles populaires, y compris immigrées, ont intégré dans leurs stratégies (Léger, Tripier, 1986). L’implication des familles populaires emprunte des formes « traversières » et volontiers collectives sur une base locale, parfois ethnique (tel groupement de femmes africaines par exemple). Une recherche-action portant sur l’apprentissage de la lecture au CP dans une école de quartier populaire fournit une illustration d’un processus de coopération et de « transformation » collectives. Elle s’est intéressée à vérifier l’hypothèse d’un rapport entre les difficultés et perturbations dans la scolarité des élèves d’un côté, la qualité de la relation entre école et familles de l’autre (Chauveau, Rogovas-Chauveau, 1992). Le malentendu est né de la mise en place d’une méthode d’apprentissage de la lecture conçue sur la base d’exercices s’appuyant sur des activités ordinaires (par exemple, se rendre au marché). Les pratiques de l’enseignante qui ne les avait pas préalablement expliquées auprès des parents ont éveillé les doutes de familles d’origine étrangère craignant que ces activités assimilées à un loisir ne soient exclusivement réservées à leurs enfants, les petits « français » apprenant de leur côté la lecture en classe et en s’appuyant sur des manuels. La recherche conduira à montrer, outre l’efficacité d’un partenariat qui ne fonctionne pas exclusivement sur une dynamique inter-individuelle, que les enfants apprennent d’autant mieux que les échanges entre parents et enseignants sont centrés sur les apprentissages scolaires et animés d’une intention partagée de faire réussir l’enfant. Donner un sens à la rencontre au travers d’un objet qui implique et associe les familles permet de développer ce que les auteurs appellent une « dynamique socio-cognitive », qui s’accompagne d’effets de mobilisation des parents et de promotion de leur rôle, y compris dans le domaine des apprentissages scolaires. Ce partenariat fondé sur le respect et la valorisation de l’autre, requiert notamment que les enseignants expliquent ce qui est fait en classe et comment. Par ce « droit » à l’information pédagogique, ils contribuent à reconnaître les parents comme des personnes pouvant aider scolairement leur enfant. Est ainsi posée, au-delà des formes de la rencontre, la question rarement abordée des contenus à donner au partenariat et de ses effets attendus.
30Plus généralement, la place accordée au partenariat et le rôle que les acteurs de l’institution scolaire lui attribuent spontanément sont sans rapport avec la connaissance embryonnaire et parcellaire de ses effets proprement scolaires12. Sans sous-estimer la difficulté de les évaluer, on peut se demander si les effets du partenariat ne se situent pas davantage dans l’ordre des représentations avec d’un côté, l’image que les parents donnent – et se donnent — de leur rôle et degré d’implication dans la scolarité de l’enfant et, de l’autre, la façon dont les enseignants associent leur perception des parents inégalement partenaires à l’explication des difficultés ou réussites scolaires de l’enfant. Plus encore, l’offre de partenariat, sa nécessité même, ne conduit-elle pas, en définitive, à des effets contraires aux objectifs initialement visés ? Car en s’adressant implicitement à un type de familles, celles dont les formes de sociabilités, le langage et les ressources s’accordent sans le dire à ce que les acteurs du système éducatif développent, y compris à leur insu, l’offre de partenariat agit sur deux plans interdépendants.
31Comme il a été souligné, elle contribue d’abord à favoriser le rapport stratégique que certains entretiennent à l’école, contribuant à le légitimer et à le renforcer. D’une certaine manière, plus l’institution scolaire encourage la participation et étend le droit d’intervention des parents, plus elle conforte les stratégies des usagers ou partenaires les plus qualifiés dans leurs tentatives d’appropriation et d’instrumentalisation du service public d’éducation, que ce soit à travers l’accès à l’information pertinente, les conseils individualisés, les signes manifestes de participation et, plus directement, les relations entretenues avec les enseignants. Cette rencontre pré-accordée encourage l’individualisation dans la relation à l’école et écarte ce qui pourrait relever d’une démarche plus collective où des parents plus démunis gagneraient parfois à pouvoir échanger ou se présenter avec d’autres. D’autre part, l’incitation au partenariat se heurte à l’absence ou à la moindre fréquentation des familles déjà les plus à distance de l’école et dont tout laissait prédire qu’il serait difficile de les « convertir » à ce mode d’arrangement et de négociation de leurs affaires scolaires.
32En même temps qu’elle souligne la difficulté ou l’impossibilité pour les parents des couches populaires de se constituer partenaires, la norme du partenariat alimente le constat de leur non-présence ou de leur non-participation et fabrique la figure de parents non-partenaires. Aucun parent ne peut se soustraire au partenariat car l’absence de collaboration est interprétée, tantôt comme un signe de mésentente ou de conflit avec les acteurs de l’école, tantôt comme l’expression d’un désintérêt et d’une défection volontaire. Tout se passe donc comme si les incitations au développement du partenariat institué ne faisaient en réalité qu’accroître les effets de disqualification et de stigmatisation de parents qui peinent à répondre à l’attente de l’école et subissent la réprobation qui condamne les familles qui ne s’impliqueraient pas. Ce faisant, on est conduit à s’interroger sur les fonctions remplies par le partenariat et, sans le réduire à cette seule dimension, à se demander s’il ne constitue pas un mauvais service que les « dominants » rendent aux « dominés », en prescrivant un modèle de relations qui les désavantage voire les rend responsables de l’échec scolaire ou des difficultés qu’il prétend combattre. Les déficits et carences que les thèses du « handicap socio-culturel » ont attribué à des familles engendrant malgré elles l’insuccès scolaire de leur enfant trouvent là une manière de renouvellement en mettant en cause le manque d’ambition, de motivation ou tout simplement de « bonne volonté » de parents négligeant l’offre de partenariat et avec elle, l’institution scolaire. Sensible à toute marque de reconnaissance d’une profession en crise, les professeurs peuvent aisément voir en l’absence des parents dont précisément les enfants rencontrent des difficultés ou posent des difficultés, les signes d’une indifférence sinon d’un mépris à l’égard de leur fonction et de l’école en général. Ce sentiment est de nature à conforter les préjugés de la démission éducative ou du désintérêt scolaire, assortis de jugements de réprobation portant atteinte à l’identité parentale et à leur culture.
Notes de bas de page
1 Le terme fait son apparition officielle dans une circulaire de décembre 1981 sur les ZEP où il est fait référence, sans autre précision, « aux partenaires habituels du système éducatif ». Un travail d’inventaire a montré la diversité des acteurs potentiellement concernés dès lors qu’ils ont un lien avec l’institution scolaire ; cf. Glasman D., L’école réinventée ? Le partenariat dans les zones d’éducation prioritaires, Paris, L’harmattan, 1992.
2 Citons le témoignage de Richard Hoggart dans l’Angleterre du milieu du xxe siècle : « Les parents connaissaient l’école mais étaient largement ignorants de ce qu’on appellerait aujourd’hui sa " philosophie " […]. Ils ne franchissaient la porte qu’en cas d’urgence et la plupart n’y avaient jamais mis les pieds. », in 33 Newport street, Paris, Gallimard/Seuil, 1991.
3 Il convient en effet de rappeler que la métaphore du marché présuppose des comportements stratégiques de « libre choix » alors qu’en réalité, ils procèdent moins souvent d’un usage éclairé de la diversité de l’offre de formation que du recours, par défaut, à une « autre » école.
4 Cf. Bouveau, Cousin, Favre, op. cit.
5 Selon une définition proposée par Paul Durning in Éducation familiale. Acteurs, processus et enjeux, Paris, PUF, 1995, p. 198.
6 Ce que Willard Waller avait introduit en précurseur en parlant de la nature polémique de l’institution scolaire. Cf. Waller W., The sociology of teaching, New york, Wiley ans sons, 1967 (1re édition 1932).
7 Comme l’indique la circulaire du 25 avril 1996 (n ° 96-117) destinée aux enseignants et chefs d’établissement où il est écrit : « Des liens confiants entre les parents et les établissements scolaires constituent en effet un élément clé de la prévention de la violence à l’école et un fondement essentiel du projet éducatif de l’établissement ».
8 Notons de même qu’un rapport inverse de médiation entreprise à l’initiative de l’école s’adressant, le plus souvent, à des familles immigrées, étrangères et fragiles, produit des effets de stigmatisation de ces populations. Cf. Bouveau, Cousin, Favre, op. cit.
9 Cf. Peyronie H. (s. d.), Les relations réciproques École-Familles en grandes difficultés, Rapport de recherche, CERSE, Université de Caen, 2002.
10 Pour une présentation de ces expériences, on consultera Le Monde de l’éducation, n° 295, septembre 2001.
11 L’évaluation des premiers effets de l’ouverture d’un lieu de rencontre parents-enseignants hors l’école montre que cette décentration a reçu le concours des enseignants dont 38 % s’étaient rendus au centre dix mois après sa création. Il a permis l’expression de points de désaccord ou de conflits et s’est accompagné – ce qui ne signifie pas qu’il y ait relation de cause à effet – d’une baisse sensible des actes de violences à l’école (20 %) et de progrès dans les apprentissages scolaires.
12 L’analyse des pratiques de médiation entre école et familles conduit à un bilan similaire avec, au mieux, des effets ponctuels visibles sur les comportements mais non sur les résultats scolaires. Cf. Bouveau, Cousin, Favre, op. cit.
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