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Chapitre IV. Le célibat : un outil efficace pour protéger la maison
p. 89-114
Texte intégral
1Le xviie siècle est un moment démographique particulier pour la noblesse. À une nuptialité en berne s’ajoutent une baisse progressive de la natalité, une augmentation significative du célibat des femmes et une prédominance maintenue du célibat religieux. Pour tenter de comprendre ces phénomènes croisés, il convient d’étudier les contextes sociaux et économiques qui jalonnent le siècle et s’illustrent dans les familles de notre corpus. La notion de « maison » est ici pertinente, voire nécessaire. Selon la définition proposée par Élie Haddad, une maison demande « un investissement matériel et symbolique permanent, une solidarité entre ses membres et un effort continué », seuls moyens de produire et reproduire cette « fiction efficace1 ». Au xviie siècle, la maison noble place ses espoirs dans les fils aînés qui doivent la perpétuer en protégeant les biens matériels (meubles et immeubles) et symboliques (rang, nom, prestige social) qui la composent. La reproduction de cette élite nobiliaire impose donc une stricte discipline qu’il faut interroger au regard des célibataires du lignage.
2Ce chapitre se propose d’observer la politique matrimoniale de la noblesse du xviie siècle ainsi que les substitutions fidéicommissaires créées par certaines familles pour immobiliser et protéger les biens du lignage. Ces entreprises témoignent des efforts et de l’investissement permanent que demande la perpétuation d’une maison. Mariages et fidéicommis s’inscrivent dans une même logique d’ensemble qui doit nous permettre, en parallèle ou en négatif, d’interroger le célibat. Les enfants qui ne se marient pas continuent de faire partie de la maison et les différents rôles qui leur sont assignés doivent être envisagés du point de vue de la solidarité familiale et de l’intériorisation du devoir patrilignager.
Les substitutions fidéicommissaires : discipline et tempérance dans la noblesse
Déterminer un itinéraire des biens pour conjurer le hasard
3En 1610, Maximilien de Béthune organise la substitution de la terre d’Orval et y attache une clause particulière : celui qui sera seigneur d’Orval, même s’il n’est pas de la postérité masculine de Sully, devra prendre « le nom et surnom de Maximilien de Béthune et les armes de la maison ». En plus du relèvement de nom et armes (en cas de défaillance masculine) que suppose cette substitution, une autre clause précise que : « Si c’est une fille qui soit dame desdites terres, ou de l’une d’icelles, elle sera tenue de s’appeler Maximilien de Béthune et son mari de prendre le surnom de Béthune avec le sien, et mi-partie les armes de Béthune avec les siennes2. » Les terres doivent donc toujours être possédées par celui ou celle qui portera le nom du chef du lignage créateur du fidéicommis. En substituant les terres qu’il a acquises du roi et les deniers obtenus par ses charges, Maximilien de Béthune offre une assise foncière mais aussi symboliquement forte à ses descendants. La maison qu’il a pour objectif de fonder est une dynastie de serviteurs de la Couronne tant dans ses armées que dans son gouvernement. Elle devra aussi révérer la figure de son créateur : Maximilien transmet les attributs d’une gloire qu’il a mis toute une vie à construire et qui doit être perpétuée. Durant la première décennie du xviie siècle, par divers actes de gestion patrimoniale, Maximilien de Béthune se pose en ancêtre référent. À côté des deux substitutions fidéicommissaires créées en 1609 (pour le duché de Sully) et 1610 (pour la terre d’Orval), on note la multiplication des mariages de ses enfants. La fille aînée du second lit, Marguerite de Béthune, épouse Henri de Rohan en 1605. Entre 1607 et 1609, des articles de mariage sont rédigés avec le duc de Schomberg pour parvenir à une alliance entre François de Béthune et la fille de celui-ci. Le marquis de Rosny, fils unique du premier lit, est également marié en 1609 à Françoise de Créquy3. Cette alliance, contractée dans la meilleure noblesse réformée et préparée depuis 16064, explique la première donation avec charge de substitution que réalise Sully le 27 mars 1609 : comme fils aîné, Maximilien de Rosny doit succéder au duché de Sully qui sera, après lui, substitué à ses descendants. Ces années d’effervescence s’inscrivent dans un contexte d’acquisition et de renforcement d’un très large patrimoine foncier, détaillé par Isabelle Aristide5.
4On peut ici appliquer le terme de « stratégie familiale », en ayant en tête la précision importante formulée par Élie Haddad. La stratégie témoigne à la fois d’une position sociale avantageuse qui rend possible une grande marge de manœuvre, et d’une crainte réelle face aux « aléas multiples et inévitables qui viendront menacer [les] projets de transmission6 ». Ainsi, Maximilien de Béthune saisit un contexte favorable, dans lequel il est en capacité de mettre en œuvre la reproduction de son lignage. Il a composé avec soin plusieurs ensembles cohérents et fastueux, qu’il veut partager entre ses fils, et transmettre de génération en génération suivant l’ordre de primogéniture masculine (de préférence). La branche descendant du marquis de Rosny, aîné et seul enfant du premier lit de Maximilien de Béthune, est pourvue du duché-pairie de Sully et des terres en dépendant (Rosny, La Chapelle d’Anguillon, Boisbelle-Henrichemont)7. La branche descendant du comte d’Orval, aîné du second lit, se voit pourvue du reste des terres, c’est-à-dire Villebon, Nogent, Montigny, Vitray, Champrond, Muret, Montricoux, Caussade, Saint-Lubin et Les Yys. Les deux donations originelles, formulées à quelques mois d’intervalle (mars 1609 et juin 1610), sont faites aux mêmes charges de substitution graduelle et perpétuelle, « préférant toujours les descendants du dernier mort aux collatéraux, le frère à la sœur, le frère aîné au frère puîné, la sœur plus âgée à la puînée8 ». Dans celle de 1610, qui concerne la branche de d’Orval, la crainte d’une extinction future du lignage est explicite. Maximilien de Béthune, pour n’omettre aucune configuration, n’en finit pas de nommer les substitués potentiels. Il va jusqu’à imaginer le cas où ses descendants directs refuseraient de prendre son nom et ses armes : la substitution passera alors aux enfants que Rachel de Cochefilet, son épouse, a eus d’un premier mariage, et après eux, aux descendants d’André de Cochefilet, frère de Rachel. Cette substitution très précise et qui s’envisage sur le temps long témoigne bien de l’ambiguïté des stratégies familiales. On perçoit la volonté de « faire maison », d’organiser sa postérité et de faire naître une conscience lignagère, mais on voit poindre également l’inquiétude face aux aléas démographiques et économiques.
5Selon Claire Dolan, la crainte d’un défaut de descendance serait la principale motivation des testateurs d’Aix-en-Provence dans la seconde moitié du xvie siècle, lorsqu’ils ont recours aux substitutions9. Ce qui se joue, c’est moins la division et la dilapidation du patrimoine que sa sortie éventuelle de la famille. Or perdre les biens familiaux dans des mains étrangères, c’est mettre en péril l’honneur et la cohérence du lignage, sa constitution en « maison ». C’est rompre le lien avec les ancêtres communs et avec un récit familial qui attache très souvent le patronyme à une terre10. Prévoir différentes configurations, comme le fait Maximilien de Béthune, c’est à la fois montrer une grande capacité d’organisation (liée à un patrimoine conséquent, à un statut social et familial important) et une impuissance face à la profondeur temporelle qu’il entend créer mais sur laquelle il n’aura aucune prise. Les inconstances de son premier fils, par exemple, ont pu être source de grandes inquiétudes. Le marquis de Rosny (donataire de la substitution de 1609) meurt en 1634 en laissant une succession grevée de dettes. Il a mené une vie dissolue, marquée par l’entretien d’une maîtresse et d’enfants illégitimes, par les disputes répétées avec son père, et par une séparation de biens et de corps avec son épouse Françoise de Créquy11. Lorsqu’en 1640 et 1641, Maximilien de Béthune reprend et réaffirme les substitutions créées plus tôt, l’objectif est effectivement de rappeler que les biens ne sont pas la propriété d’un individu mais celle du lignage. Le fidéicommis doit servir à la conservation et au prestige de la maison, et donc des terres et des revenus qui la composent.
6Ce genre d’entreprise relève du pari et nécessite une discipline de la part des descendants du substituant, notamment chez celles et ceux qui devront renoncer aux terres immobilisées.
La discipline du patrilignage
7Parmi les deux enfants légitimes de Maximilien de Béthune-Rosny, donataire de la substitution de Sully, et les neuf enfants de François de Béthune, donataire de la substitution d’Orval, seuls trois mariages sont célébrés. Il s’agit, pour Maximilien, de son unique fils et pour François, des deux fils survivants de son premier mariage. La généalogie no 4 s’intéresse à cette génération, celle des premiers substitués12. Les trois filles issues du premier mariage de François entrent au couvent, de même que la fille du second lit. Les frères de cette dernière sont respectivement abbé (le fameux abbé d’Orval) et chevalier de Malte. Le choix de placer ses enfants en religion n’est pas anodin car François, converti au catholicisme alors que son père est un fervent protestant, a pu ressentir le besoin de prouver la sincérité de son engagement. Mais les motivations économiques et la volonté de respecter le fidéicommis instauré par Maximilien de Béthune entrent forcément en compte. La descendance du marquis de Rosny, moins importante puisqu’il n’a que deux enfants légitimes, est d’autant plus représentative de ce choix du célibat. Le fils est marié en 1639, mais sa sœur reste fille. Louise de Béthune (1617-1679) n’entre pas en religion ; elle prend le titre de « fille majeure » dans les actes qu’elle rédige après ses 25 ans et meurt sans alliance, à l’âge de 62 ans.
Généalogie 4. – Génération des premiers substitués : substitutions de Sully et d’Orval.

8Les dettes du marquis de Rosny ne peuvent, seules, expliquer le célibat de Louise de Béthune ; d’autant que Sully survit à son fils et aurait pu se charger de la dot de sa petite-fille. En revanche, la substitution ne doit pas être étrangère à l’inégal traitement reçu par Louise face à sa sœur bâtarde. Anne de Béthune se marie à deux reprises, en 1634 et 1654. À l’inverse de Louise, Anne ne représente aucun danger pour les terres immobilisées puisque son statut illégitime l’exclut de l’héritage, d’autant plus qu’elle est une femme13. Le respect de l’indivision du patrimoine et l’impossibilité d’y subroger le paiement d’une dot offrent une bonne explication au célibat de Louise de Béthune. Ainsi, Robert Descimon observe un phénomène de régression au xviie siècle : la rigidité de la pratique fidéicommissaire s’oppose à l’esprit égalitaire de la coutume de Paris et témoigne du triomphe d’un esprit patriarcal14. De même, Élie Haddad explique qu’en « utilisant ces substitutions pour favoriser l’aînesse mâle, les familles nobles contribuèrent à renforcer l’inflexion patrilinéaire de la transmission15 ».
9C’est effectivement selon cette lecture qu’il convient d’analyser l’entrée au couvent de l’aînée issue du deuxième duc de Sully (frère de Louise). Madeleine-Françoise de Béthune fait profession au carmel de Pontoise, en 1658, alors âgée de 17 ans. La même année, l’aîné mâle, mais second enfant dans l’ordre des naissances, se marie16. On peut questionner cet enchaînement à l’aune de la substitution du duché de Sully. En effet, le fidéicommis créé en 1609 n’exclut pas les femmes (même si les hommes issus du donataire en ligne directe leur sont toujours préférés). Il est toutefois précisé que si la branche de Sully vient à s’éteindre faute de postérité masculine ou féminine, les biens substitués reviendront aux descendants de la branche de d’Orval, en préférant là encore la primogéniture masculine (généalogie 5).
Généalogie 5. – Génération du deuxième substitué à la substitution de Sully.

10Selon nous, l’entrée au couvent de Madeleine-Françoise participe de cette logique patriarcale puisqu’elle permet de tarir une branche féminine potentielle : en prononçant ses vœux, cette fille aînée perd le droit d’hériter, de se marier ou même d’acter en justice pour réclamer ses droits. Par ailleurs, l’importance des sommes promises par le contrat de religion suggère une compensation17. Madeleine-Françoise est dotée d’une rente de 1 000 livres tournois et recevra 10 000 livres tournois comptant à la mort de ses parents ; elle touchera les intérêts de cette somme au denier vingt tant qu’ils vivront. Le statut de « bienfaitrice » du couvent lui est également assuré. Cependant, un autre élément peut expliquer l’opulence de ce contrat de religion : Pierre Séguier (grand-père de la demoiselle) est l’un des fondateurs du carmel de Pontoise et sa sœur, en religion Jeanne de Jésus18, y a pris le voile et détient la charge de prieure. Le lien privilégié entretenu par la famille de Séguier avec le couvent se voit ainsi reconduit en la personne de Madeleine-Françoise de Béthune. Il n’est donc pas certain que la substitution soit responsable de cette entrée en religion, d’autant plus que la mort civile de l’aînée n’empêche pas le mariage de sa cadette. En effet, Marguerite-Louise de Béthune épouse le comte de Guiche (Armand de Gramont) plus d’un an avant que Madeleine-Françoise soit confiée au couvent19. La jeune épouse n’a que 14 ans, ce qui est précoce à l’échelle de notre corpus et, plus largement, à celle des ducs et pairs. Cette configuration rappelle les interprétations de Stéphane Minvielle concernant les élites bordelaises du xviiie siècle20. Selon lui, le mariage des très jeunes filles s’explique par deux facteurs principaux, l’étroitesse du marché matrimonial (surtout dans le cas de la noblesse) et la volonté de pallier une situation difficile (comme le risque d’extinction). Dans tous les cas, il démontre une forte autorité parentale et un volontarisme certain. Marier une fille au lieu de deux permet donc de conserver les chances de postérité du lignage, tout en protégeant l’ordre fidéicommissaire et patriarcal.
11Fidéicommis et célibat concourent à une même logique de tempérance qui, selon Hervé Drévillon, caractérise l’identité aristocratique de la fin du xviie siècle. La prodigalité et la gratuité du don de soi, très attachées à l’honneur nobiliaire, sont peu à peu remplacées par des vertus telles que la discipline et la tempérance qui requalifient l’idéal chevaleresque21. Cela s’applique, ici, aux pratiques matrimoniales et successorales. À l’échelle des fratries et du lignage, cette nouvelle pensée de l’économie se traduit par une discipline réactivée du patrilignage : on marie moins les enfants, surtout les filles et parfois même les filles aînées. Ainsi, nous voyons une corrélation entre la pratique fidéicommissaire et la nouvelle démographie du xviie siècle, qu’il s’agisse de la diminution du nombre d’enfants ou de la plus faible nuptialité. La non-création de branches cadettes permet de prévenir les éventuelles contestations égalitaires et donne plus de chance à l’application de la substitution, d’aîné mâle en aîné mâle. De plus, une personne célibataire ne représente pas une grande menace pour le lignage puisqu’après elle il n’y a nul risque de représentation et donc de perpétuation des éventuels procès. Il est pertinent de lire le célibat, et surtout le célibat féminin, à l’aune de cette pratique successorale.
12En revanche, le célibat d’un aîné mâle pose davantage question. Dans la branche de Lameth d’Hénencourt, grevée d’une substitution depuis le milieu du xvie siècle, trois hommes (à différentes générations) cumulent les qualités de premier-né et de célibataire.
Substitution et célibat des aînés mâles : le cas des Lameth d’Hénencourt
13En 1541, Adrien de Lameth d’Hénencourt, doyen de l’église d’Amiens, fait donation à son frère cadet Philippe des terres d’Hénencourt, Warloy, Bresle, Senlis, Canteleu et Petit Bézieux22. Il s’agit d’une donation en faveur de mariage. Chargée d’un fidéicommis perpétuel masculin, cette donation est rappelée à deux reprises, dans un contrat de 1551 et dans un autre de 1553. Adrien gratifie également son autre frère puîné, Antoine, d’une donation avec charge de substitution : la terre de Saint-Martin-sur-Cogeul fait l’objet d’une telle transaction en 154623. Ces deux substitutions fidéicommissaires sont faites à la charge de prendre et porter le nom et les armes d’Hénencourt : le frère cadet devra donc s’intituler Philippe de Lameth dit d’Hénencourt, et le puîné Antoine de Lameth dit d’Hénencourt. En effet, ces terres avaient préalablement été données à Adrien par son grand-oncle maternel, Adrien d’Hénencourt, lui-même doyen d’Amiens et dernier mâle de son nom (généalogie 6).
Généalogie 6. – Les substitutions créées par Adrien de Lameth.

14Pour le rédacteur d’un factum du xviiie siècle concernant la transmission litigieuse de la terre de Saint-Martin, l’intention de l’aîné, Adrien de Lameth, est très claire : l’un et l’autre fidéicommis ont contribué à « la conservation et l’augmentation glorieuse de la famille de d’Hénencourt24 ». Le rédacteur du factum précise que « lui qui était docteur en Sorbonne et doyen d’Amiens, il était incapable de faire continuer ce nom ». Il semble en effet curieux de rendre impuissant celui à qui l’on confie des terres et un nom à perpétuer. Toutefois, il faut garder à l’esprit que la substitution d’Hénencourt est créée au milieu du xvie siècle, donc dans un contexte où l’injonction patrilinéaire est moins forte. De plus, Adrien a repris la charge de doyen de l’église d’Amiens détenue par son grand-oncle ; son célibat n’est pas un pis-aller. Ce célibat de l’aîné permet alors la division des fiefs entre deux fils cadets, doublant ainsi la possibilité de perpétuer le nom d’Hénencourt qui est tombé en quenouille (sa dernière représentante est Jacqueline d’Hénencourt, grand-mère des trois hommes). L’histoire du lignage d’Hénencourt rejoint les conclusions d’Anne-Valérie Solignat : la noblesse auvergnate du xvie siècle a souvent recours aux substitutions fidéicommissaires pour pallier l’extinction d’un lignage en ligne mâle25.
15À la génération suivante, Philippe de Lameth dit d’Hénencourt épouse Anne de Bournonville qui se retrouve seule héritière de son père à la mort de son frère aîné, sans postérité, en 1578 (généalogie 7). Parmi les enfants de Philippe et Anne, l’aîné Jean conserve le célibat, tandis que son puîné, Adrien, se marie en février 1579. Alors que Jean doit être le représentant du nom d’Hénencourt comme premier substitué aux terres, Adrien est désigné pour succéder au titre de seigneur de Bournonville ; une logique largement étudiée par Élie Haddad26. Ladite terre est donnée à Adrien par son contrat de mariage et, en avril 1579, une nouvelle donation le rend maître du fief de Conteville27. Dans tous les actes postérieurs à 1579, Adrien de Lameth est désormais désigné comme sieur de Bournonville. La reprise du nom matrilinéaire n’est pas éclipsée par la substitution d’Hénencourt puisque les deux maisons ont chacune un héritier. Toutefois, cette double création trouve ses limites à la génération suivante tandis que le fils aîné d’Adrien réunit les deux titulatures : il se présente comme Jean II de Lameth dit d’Hénencourt, baron de Bournonville (1583-1643). Adrien de Lameth et Anne d’Estourmel ont pourtant eu quatre fils dont deux ont convolé en justes noces. Si le second fils marié prend le titre de sieur de Conteville, terre faisant partie de l’héritage de Bournonville, ce nom est désormais assimilé à celui de Lameth. L’entrée dans le xviie siècle témoigne là encore d’une inflexion patrilinéaire.
Généalogie 7. – Les degrés de la substitution d’Hénencourt.

16Pourtant, un dernier aîné célibataire se rencontre chez les Lameth d’Hénencourt de la seconde moitié du xviie siècle. Ce troisième cas interroge davantage la pratique fidéicommissaire et son application concrète, son maintien de génération en génération. En effet, la deuxième moitié du xvie siècle est marquée par une volonté monarchique de réguler les substitutions et le vœu de perpétuité qu’elles expriment28. L’ordonnance d’Orléans entend restreindre à deux degrés l’application du fidéicommis. L’ordonnance de Moulins (1566) propose une version moins stricte à quatre degrés. C’est à cette ordonnance que se réfère la majorité des juristes du xviiie siècle, c’est donc la norme qui semble avoir été adoptée. Toutefois, le calcul des degrés produit un certain flou interprétatif : il peut être par tête (donc par individu) ou par génération. On peut interpréter le célibat des aînés Lameth au regard de ce flou persistant : frères aîné et cadet peuvent alors ne constituer qu’un seul degré de la substitution et assurer l’immobilisation des biens familiaux sur une plus longue durée. C’est évidemment sans compter les aléas démographiques, comme la mort d’Adrien (en 1599) avant son aîné Jean (en 1615). Mais pour Jacques-François, deux générations plus tard, le calcul se montre efficace : il meurt en 1691 et son frère puîné Henri-Louis demande l’ouverture de la substitution en sa faveur, comme représentant de son frère mort sans enfants.
17En obtenant cette ouverture, Henri-Louis constitue le même degré que son frère aîné ; ils sont considérés tous deux au quatrième et dernier degré de la substitution. Ces calculs par génération ne relèvent pas de la science exacte, il s’agit même plutôt d’un pari risqué puisqu’il limite potentiellement le nombre des descendants et héritiers en ôtant à l’aîné la possibilité de faire branche. Toutefois, la répétition de cette politique entre le 1er et le 4e degré de la substitution nous pousse à proposer une explication plus systématique qu’individuelle.
18Une dernière hypothèse peut expliquer le célibat des aînés Lameth. Elle nous a été inspirée par Jean de Lameth (1er degré). Alors que son frère Adrien est mourant, il lui fait donation à charge de substitution des terres d’Hénencourt, Warloy, Senlis, Bresle, Petit Bézieux et Canteleu (novembre 159929). Il s’agit donc des terres qu’il possède déjà en tant que substitué et qui seraient revenues, de toute manière, à Adrien et/ou à son fils aîné Jean II de Lameth. La donation précise d’ailleurs que l’intention de Jean est de suivre le « désir desdites substitutions faites par [ses] prédécesseurs » et de ne « nuire ni préjudicier en aucune façon auxdites substitutions ». Il se dépouille donc de la propriété des terres mais en conserve l’usufruit. Dans cet acte, Jean de Lameth exprime son inquiétude face à la maladie de son frère, dont la mort imminente doit laisser des orphelins mineurs. Il précise qu’il organise cette donation pour éviter que Gabriel de Maulde (le fils de leur sœur Marie) ne puisse réclamer sa succession en représentation de sa défunte mère. Cette raison est improbable puisqu’en cas de défaillance de l’aîné la substitution d’Hénencourt favorise toujours l’aîné mâle issu du frère puîné. Or cet aîné mâle existe : Jean II de Lameth est alors âgé de 16 ans. La mention de Gabriel de Maulde s’apparente à un prétexte en ce qu’il permet à Jean de ramener à zéro les degrés du fidéicommis ou du moins de compliquer la comptabilité des degrés pour les générations futures. Cette donation de novembre 1599 est aussi une façon ponctuelle de se rendre propriétaire de terres supposées immobiles car protégées par le fidéicommis (généalogie 8).
Généalogie 8. – Donations faites par Jean de Lameth aux cadets d’Adrien de Lameth.

19Dans les années qui suivent cet acte, Jean procède alors à un partage des seigneuries entre les enfants cadets de son défunt frère. En février 1602, Jean donne à sa nièce Jacqueline la terre de Petit Bézieux. En 1615, il répartit les terres de Millancourt, Festonval et Bois de la Choque entre ses neveux Antoine, Léonor et René, instaurant entre les trois frères une donation réciproque. Pourtant, lors du contrat de mariage de son neveu aîné Jean II (février 1606), il confirme la donation de toutes les terres substituées en sa faveur. Nous ne connaissons ces trois différents actes qu’à travers un factum du xviiie siècle opposant Henri-Louis de Lameth aux créanciers de sa maison30. Ledit factum nous assure que les donations de 1602 et 1615 étaient viagères et qu’elles avaient pour but de fixer la subsistance des puînés, ce qui entre dans les prérogatives d’un substitué31. Jean de Lameth a donc joué des marges accordées par l’application du fidéicommis pour assurer un revenu à ses neveux et à sa nièce. Tout cela procède sûrement d’une entente au sein même de la fratrie car les terres composant la substitution ont bien été réunies à la génération suivante, en la personne de Louis de Lameth dit d’Hénencourt. Le véritable propriétaire de ces terres est donc resté successivement Jean, puis Jean II, puis le fils aîné de ce dernier.
20Le célibat a offert une ressource intéressante à la famille de Lameth en permettant de pérenniser la substitution d’Hénencourt du milieu du xvie siècle jusqu’au xviiie siècle. Jean de Lameth offre une figure de célibataire dévoué au lignage et qui a parfaitement intégré son rôle de véhicule des biens familiaux. L’aînesse célibataire trouve alors une justification dans l’application, mais aussi dans le léger contournement des fidéicommis qu’elle rend possible.
21Toutefois, si certaines substitutions ont pu constituer la loi des familles et être perpétuées dans un respect strict d’une volonté ancestrale, on peut questionner l’efficacité de ces montages idéologiques32. Il est souvent difficile d’immobiliser un patrimoine noble et les substitutions semblent assez régulièrement défaillantes. Le refus des descendants et les litiges internes à la famille peuvent en être la cause, ainsi que des fraudes au fidéicommis qui engendrent le mécontentement des créanciers. Plus encore, la réussite d’une telle entreprise est à imputer aux hasards démographiques : la naissance d’un mâle à chaque génération est fondamentale. La succession chaotique du duché-pairie de Sully au début du xviiie siècle en a donné un bon exemple. Seule une anomalie démographique imprévisible (le mariage du septuagénaire Armand de Béthune et la procréation d’un fils) a sauvé la substitution, grandement fragilisée par un célibat systématique. En élaguant les branches de l’arbre généalogique, cette politique du célibat (dont les substitutions sont de bonnes représentantes) a mis en danger la transmission de terres détenues depuis plus d’un siècle et a risqué l’extinction d’une lignée de ducs et pairs.
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22Ainsi, les substitutions fidéicommissaires manifestent la volonté d’un membre éminent (ou qui se veut comme tel) d’imposer une discipline à ses descendants. Mais elles témoignent aussi d’un équilibre précaire entre illusion de pouvoir et aveu d’une certaine impuissance. La réussite d’une substitution dépend en grande partie du bon vouloir des descendants. Une discipline familiale est nécessaire, elle doit être acceptée et reproduite par tous. C’est aussi dans ce sens qu’il faut lire l’augmentation du célibat au xviie siècle : la noblesse a tenté de créer des individus plus dociles ou moins sujets à des prétentions d’ordre patrimonial. Puisqu’un individu seul ne fait pas ligne, il peut sembler moins légitime à un célibataire de revendiquer des biens jugés si nécessaires à sa maison. Cette discipline patrilinéaire, manifestée par la création et la perpétuation des substitutions fidéicommissaires, trouve son pendant dans la nuptialité du xviie siècle.
Des mariages plus rares mais plus fastueux
Reproduction sociale des élites : une endogamie exacerbée
23Chez les Béthune, la branche aînée de Sully issue du mariage de Maximilien de Béthune et Anne de Courtenay et grevée de la substitution du duché de Sully, donne naissance à quatre générations avant de s’éteindre à la mort de Maximilien-Henri en 1729. Parmi les 12 enfants nés entre 1588 et 1675, on compte 7 filles dont 5 parviennent à l’âge adulte. Et parmi ces 5 femmes adultes, une seule se marie, Marguerite-Louise de Béthune (1643-1726) [généalogie 9].
Généalogie 9. – La branche de Béthune-Sully au xviie siècle.

24Le premier mariage de Marguerite-Louise est conclu avec Armand de Gramont, fils du maréchal de Gramont, et apparenté à Richelieu par sa mère. En avril 1657, les témoins présents à la signature du contrat rivalisent de grandeur. Aux côtés de Louis XIV, de la reine mère, du duc d’Anjou et de Mazarin, on trouve le duc de Lesdiguières, le duc de Villeroy, la duchesse de Rohan, l’archevêque de Bordeaux, le premier aumônier du roi ou encore le surintendant des finances, Nicolas Fouquet. Une dot de 500 000 livres tournois vient couronner le climat d’excellence de cette alliance : 400 000 livres tournois sont promis par les parents de la future en avancement d’hoirie et 100 000 livres tournois doivent être pris sur les successions du chancelier Séguier et de son épouse, après leur mort33. De cette dot, 100 000 livres tournois entreront en communauté. Ce mariage illustre parfaitement les tendances à l’œuvre dans la noblesse du xviie siècle : à des dots mirifiques répond une forte endogamie34. Robert Descimon a fait école en étudiant l’augmentation du prix des dots comme corollaire de l’explosion du prix des offices. Michel Nassiet lie également cette augmentation à « l’exacerbation de la sensibilité à la hiérarchie [qui] a pu amener les familles à préférer marier moins de filles, voire une seule, pour nouer une seule alliance mais la plus honorable possible35 ». Il démontre qu’avant le xviie siècle, un équilibre se créait entre la dot reçue par un fils et les dots données par ses sœurs à des familles d’alliance. La somme des dots des sœurs revenait environ à la dot apportée par l’épouse du frère. Il fallait donc trouver aux sœurs des époux de plus basse extraction qui accepteraient le déséquilibre. Or, lorsque le deuxième duc de Sully marie son fils, la dot qu’il reçoit équivaut presque parfaitement à la dot donnée lors du mariage de Marguerite-Louise. En effet, le montage est habile : en septembre 1658, Maximilien-Pierre-François de Béthune est uni à Marie-Antoinette Servien qui lui apporte 600 000 livres tournois de dot36. La somme semble avoir été payée comptant deux semaines après la signature du contrat, à en croire une quittance attachée à celui-ci. Il est précisé que cette somme doit servir au remboursement des dettes de la maison de Sully, ainsi qu’à l’achat de terres. Un état desdites dettes, annexé au contrat de mariage, présente la somme de 321 500 livres tournois. Alors que le duc de Sully doit toujours 400 000 livres tournois de dot à la famille de Gramont, il est possible que tout ou une partie des 321 500 livres tournois aient servi à cet usage.
25La fortune du surintendant Abel Servien et sa liquidité ont été recherchées par le duc de Sully, ainsi que sa proximité avec le pouvoir. Mais Servien profite aussi largement du mariage de sa fille, une alliance avec la haute noblesse d’épée et la robe (par la filiation de l’époux avec le chancelier Séguier)37. Si les familles Béthune et Servien ont pour point commun de s’être élevées au service ministériel des rois de France, l’élévation des Béthune s’est faite avec deux générations d’avance38. Ce mariage légèrement hypergamique s’inscrit dans les réflexions menées sur la société de cour du xviie siècle : 54 % des unions y sont endogames et 28 % d’entre elles sont hypergamiques39. D’autres chiffres nous ont interpellée : alors que 47 % des filles de ducs et pairs se marient avec des fils d’égal statut, seulement 35,7 % d’entre eux se marient avec des filles de ducs et pairs. Ce décalage de plus de 10 points indique une recherche exacerbée d’endogamie lors du mariage des femmes. L’effet collatéral est alors le célibat d’un nombre grandissant de filles de ducs, face à « la concurrence souvent victorieuse des filles issues de rangs inférieurs40 ».
26C’est à peu près ce que l’on observe dans la branche cadette des Béthune-Charost, dont la terre de Charost est élevée en duché en 167241. En 1639, Louis de Béthune épouse Marie Lescalopier. Il est le fils dernier-né du frère cadet de Sully, Philippe de Béthune. Elle est la fille d’un président à mortier au parlement de Paris. L’épée épouse ici la robe, ce qui n’a rien d’exceptionnel, même si ce type d’alliance se rencontre moins quand c’est l’épouse qui appartient à l’épée42. Parmi les enfants nés du couple Béthune-Lescalopier, un fils et une fille parviennent à l’âge adulte et se marient. En 1657, Louis-Armand épouse Marie Fouquet, fille du surintendant des finances. Elle lui apporte 600 000 livres tournois de dot en deniers comptants, dont 150 000 doivent entrer en communauté. Louis-Armand est marié avec la survivance de la charge de capitaine des gardes du corps du roi, détenue par son père. Une rente annuelle de 16 000 livres tournois assurera son revenu en attendant de recevoir la charge en propre43. Cette alliance est comparable à celle contractée, l’année suivante, entre le fils du duc de Sully et la demoiselle Servien ; une même hypergamie relative peut être observée puisque la fortune de Fouquet est récente44. Ce mariage de 1657 reflète d’ailleurs une volonté démonstrative de la part du surintendant, à l’image du chantier décoratif qu’il confie à Charles Le Brun la même année dans son château de Vaux-le-Vicomte45. En 1665, la sœur de Louis-Armand épouse Alexandre de Melun, prince d’Épinoy. Fille de comte, elle devient alors princesse. Toutefois cette principauté très seconde est à relativiser car elle ne relève pas d’un rang spécifique. L’endogamie est donc ici respectée (généalogie 10).
Généalogie 10. – La branche de Béthune-Charost au xviie siècle.

27De cette union naît une fille, qui est mariée à son cousin de Béthune-Charost quatorze ans plus tard (1680). Nous sommes alors face à un cas de stricte endogamie : Louise-Marie-Thérèse de Melun épouse Armand de Béthune, fils du duc de Charost. Ce dernier est le seul enfant de sa fratrie à se marier, tandis que ses deux frères et ses deux sœurs sont confiés à l’Église. Il convole même en secondes noces, en 1692, mais l’alliance est alors clairement hypergamique. Catherine-Élisabeth de Lameth est la fille du petit marquis de Baule, issu d’une branche cadette de la maison de Lameth. Selon nous, la demoiselle Lameth est l’une de ces « concurrentes victorieuses » des filles de ducs et pairs. En effet, depuis 1681, le père d’Armand a été promu au rang de duc de Charost46. Lorsqu’il épouse cette demoiselle Lameth, Armand est déjà père de deux fils nés de son premier mariage. Âgés respectivement de 11 et 9 ans lors du remariage de leur père, ces garçons sont en bonne voie pour survivre. Une alliance hypergamique apparaît alors comme le moyen de leur donner une mère tout en proposant une candidate qui, par sa naissance inférieure, constituera un moindre danger pour leur héritage. Quoi qu’il en soit, le remariage d’Armand de Béthune n’a pas menacé l’avenir de ses deux fils du premier lit puisqu’ils réalisent tous deux de beaux mariages. En 1704, l’aîné épouse la fille de Nicolas Brûlart, marquis de La Borde et premier président du parlement de Bourgogne, et en 1709, le cadet s’allie à la famille Gorges d’Antraigues. À en croire la liste des témoins du contrat, ce dernier mariage est très prestigieux : 134 personnes témoignent de l’union de Paul-François de Béthune et Julie Gorges d’Antraigues47. On compte alors 19 membres de la famille royale (y compris le roi lui-même), 39 signataires du côté de l’époux et 31 du côté de l’épouse. Mais le groupe le plus nombreux concerne les « parents, amis et alliés des seigneur marquis d’Ancenis et demoiselle d’Antraigues » : il exemplifie l’endogamie parfaite de ce mariage puisque 45 personnes se disent alliées aux deux époux sans distinction. Le milieu curial y est largement représenté, à l’exemple du cardinal d’Estrées, de Nicolas Desmarets (contrôleur général des finances), de Balthazar Phélypeaux (secrétaire d’État), d’Anne-Éléonore de Lamotte d’Houdancourt (gouvernante des enfants de France), ou encore du duc de Saint-Simon.
28La « sensibilité à la hiérarchie » qui pousse les élites à marier moins et mieux leurs enfants n’est pas l’apanage des ducs et pairs. Les mariages des fils Harlay célébrés dans la première moitié du xviie siècle vont également dans le sens d’une stricte endogamie. En 1638, Achille II de Harlay épouse Marie de Bellièvre avec dispense du pape car ils sont cousins du troisième au quatrième degré48. Son frère cadet, Christophe-Auguste de Harlay, épouse également une cousine, Françoise-Charlotte de Thou, en 1642. Ces deux unions sont des bouclages consanguins (généalogie 11, schémas 1 et 2).
Généalogie 11. – Les Harlay-Beaumont dans la première moitié du xviie siècle.

Schémas 1 et 2. – Bouclages consanguins dans la branche de Harlay-Beaumont.

29Ce type d’alliances n’est « a priori en rien lié à des questions de transmission du patrimoine49 ». Le plus souvent, elles témoignent d’un fort désir d’endogamie et d’une volonté de renouveler des liens créés aux générations précédentes. Olivier Poncet indique que Pomponne de Bellièvre a réussi « un coup de maître50 » en alliant sa petite-nièce, Anne Rabot d’Illins, avec Christophe de Harlay. Il a pu sembler important de maintenir cette parenté entre Harlay et Bellièvre à la génération suivante. Parmi les cinq sœurs d’Achille II et Christophe-Auguste, deux se marient. L’aînée, Anne-Catherine, contracte une belle alliance si l’on considère sa dot de 75 000 livres tournois en 161851 et la qualité de baron de son époux52. La cadette, Ennemonde-Joachine, épouse Jean-Claude de Nérestang, grand maître de l’ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel (162553). Ce titre de « grand maître » témoigne alors de l’ancienneté de la noblesse des Nérestang face à l’anoblissement robin des Harlay. L’hypergamie est là bien évidente. Aux côtés de ces deux filles mariées, trois sœurs entrent au couvent. Cette fratrie exemplifie alors exactement l’analyse de Michel Nassiet : une « réticence nouvelle vis-à-vis des alliances inférieures » s’accompagne « d’un célibat des filles plus fréquent et d’une raréfaction de leur hypogamie54 ».
30À la génération suivante, sept enfants viennent au monde du mariage d’Achille II de Harlay et Marie de Bellièvre. Un fils cadet meurt à 23 ans, licencié en théologie à la Sorbonne ; son surnom d’abbé de Harlay indique qu’il n’était pas destiné au mariage. Quatre sœurs entrent en religion, dont au moins deux ont atteint l’âge de 50 ans. Les deux aînés, Achille et Marie-Claude, se marient. Le mariage de celle-ci, contracté en 1664 avec François Le Bouteiller de Senlis, signale la réussite sociale des Harlay. En effet, depuis août 1661, Achille (père) est procureur général au parlement de Paris. Le contrat de mariage de 1664 témoigne bien des enchevêtrements de la noblesse de robe et de la noblesse d’épée depuis deux générations55. Du côté de l’époux, les signataires sont majoritairement des Béthune et des d’Estrées. Du côté de la future, des noms tout aussi prestigieux apparaissent : le prince de Courtenay, le duc de Villeroy, le marquis de Monglat attestent des belles alliances réalisées dans les branches cadettes de Harlay depuis la fin du xvie siècle56. Si le mariage de 1664 tend plutôt vers l’endogamie, l’analyse des témoins atteste des pratiques hypergamiques à l’œuvre aux générations précédentes. En 1667, le frère de Marie-Claude se marie à son tour : Achille III de Harlay épouse Madeleine de Lamoignon, en présence du roi, de Marie-Thérèse, du Dauphin et de la duchesse douairière d’Orléans57. La fille d’un premier président au parlement de Paris épouse donc le fils du procureur général de Sa Majesté. Ce mariage de la haute robe parisienne est couronné par une dot de 200 000 livres tournois, délivrée comptant cinq jours après le contrat si l’on en croit une annotation en marge. Cette somme est légèrement supérieure à celle fournie pour le mariage de Marie-Claude : elle a reçu 90 000 livres tournois ainsi que la terre de Dolot, affermée 4 500 livres tournois. C’est sans compter la participation d’un oncle maternel, Pierre de Bellièvre, qui lui fait don de 75 000 livres tournois comptant, le 1er mars 166458. Les deux mariages, égaux en prestige et en fortune, répondent bien aux nouvelles normes matrimoniales de la noblesse. La sensibilité hiérarchique et le montant très élevé des dots ont poussé les élites à une nuptialité parcimonieuse mais d’excellence.
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31Ducs ou robins, les nobles du xviie siècle adoptent des comportements similaires : l’endogamie ou la légère hypergamie sont de mise pour rassembler d’énormes patrimoines et s’assurer la présence de témoins prestigieux ; la norme est également au mariage d’un fils et d’une fille, ou à l’unique mariage d’un fils.
32Les logiques de discipline et de tempérance qui sont à l’œuvre dans les substitutions fidéicommissaires se retrouvent ici. À l’exemple de la donation du seigneur de Bellièvre, le succès des alliances dépend de regroupements, de donations, de renonciations. Une large parentèle, maternelle et paternelle, est alors sollicitée, parmi laquelle figurent des célibataires.
Les donations des célibataires en faveur des mariages
33En mai 1630, Madeleine-Françoise de Lameth apporte en mariage 30 000 livres tournois de dot. Il est précisé qu’une partie de cette dot se compose des parts d’héritage de deux sœurs, Marie et Marie-Françoise, qui ont pris le voile, et de celle d’un frère, Louis, chevalier profès de Malte59. Faire mention dans un contrat de mariage de la profession d’une ou plusieurs sœurs permet d’assurer un moindre partage des héritages et donc une part plus importante pour l’époux ou l’épouse. Ainsi, en amont des mariages, le célibat religieux joue un rôle discret mais primordial : les vœux perpétuels signifient renonciation aux successions parentales. De manière plus explicite, les ecclésiastiques participent financièrement aux mariages par le biais de donations. Le cas est assez récurrent dans la noblesse que nous étudions, proche des milieux dévots et/ou des sphères de pouvoir monarchique et donc des hautes charges de l’Église. L’intervention économique de ces grands personnages se fait alors en qualité de parents, elle est souvent liée à des questions successorales et de partage d’héritage. En 1693, l’abbé René du Louët, « premier dignitaire de Léon » selon la titulature qu’il prend au contrat de mariage, assure à sa nièce Anne-Renée du Louët une belle part dans la succession de Catherine de Penhoadic, grand-mère paternelle de la future et mère du donataire60. Anne-Renée épouse alors Achille IV de Harlay, fils du premier président au parlement de Paris. René du Louët renonce, au profit de sa nièce, à la part lui revenant sur les terres de Kergroadez et de Kerlet. Plus haut dans le contrat, il est indiqué qu’il a déjà participé à la dot en y apportant ses créances dans la succession de François de Kergroadez, défunt époux de l’une de ses sœurs.
34Aux côtés des ecclésiastiques, oncles et frères célibataires laïques participent également aux contrats de mariage. En 1613, Catherine de Harlay reçoit de son oncle Louis de Harlay, sieur de Magne, 60 000 livres tournois comptant qui composent la moitié de la dot ; les père et mère de la future fournissent l’autre moitié61. Louis de Harlay est gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi et gouverneur de la ville de Saint-Maixent. Catherine, la future épouse, est une fille cadette de la branche de Sancy, née presque une génération après ses sœurs. Elle n’a que 1 an lorsque ses aînées Jacqueline et Charlotte épousent respectivement Charles de Neufville et Pierre de Bréauté (1596). Il est possible que l’évolution du contexte familial, entre les premiers mariages et le dernier, ait nécessité l’intervention financière de Louis de Harlay. En effet, lorsqu’il marie ses filles en 1596, Nicolas de Harlay est surintendant des finances et fidèle compagnon d’Henri IV62. En 1613, le roi est mort et Nicolas n’est plus que capitaine de 50 hommes d’armes. Son frère cadet bénéficie donc d’une meilleure situation, c’est pourquoi sa présence et son soutien financier sont requis lors du mariage de Catherine.
35Après avoir participé au mariage de sa nièce, Pierre de Bellièvre contribue également aux apports matrimoniaux de son neveu Achille III de Harlay. Pierre est le frère de Marie de Bellièvre, mère d’Achille et de Marie-Claude. Devenu aîné de sa fratrie en 1657, à la mort de Pomponne II de Bellièvre, Pierre ne se marie pas. Pomponne II n’a pourtant pas eu d’enfants et Pierre est alors le dernier mâle du nom de Bellièvre. Les donations que ce dernier réalise en faveur de sa nièce et de son neveu de Harlay peuvent avoir plusieurs explications. Elles ont pu servir au remboursement d’une dette contractée par Pomponne II auprès d’Achille de Harlay63. Mais elles peuvent aussi être lues comme preuve de cette discipline familiale qui met les célibataires au service de quelques rares et beaux mariages. Car, nous l’avons vu, les mariages de Marie-Claude et d’Achille III de Harlay rivalisent de prestige. Face aux 75 000 livres tournois apportées comptant à sa nièce, Pierre de Bellièvre donne à son neveu la seigneurie des Clayes au Val de Gally et précise que cette terre a été acquise par son défunt frère Pomponne II en 165664. Il a donc hérité des Clayes à la mort de son aîné et la donne à l’aîné de la maison de Harlay-Beaumont. La signification de cette donation est claire : le respect de la primogéniture masculine y préside. Imprégné de cette discipline patrilinéaire et après avoir passé toute une vie de cadet célibataire, Pierre de Bellièvre peine à se considérer comme aîné.
36Un des plus beaux mariages de notre corpus permet de lier les questions de reproduction sociale, de discipline familiale et de mobilisation des célibataires de la parentèle. En 1689, le troisième duc de Sully65 marie son fils aîné à l’héritière de la maison de Cambout. Devant la famille royale et une cinquantaine de témoins, Maximilien-Pierre-François-Nicolas de Béthune et Madeleine-Armande du Cambout de Coislin sont unis par mariage66. L’alliance est parfaitement endogame : il s’agit là encore d’un bouclage consanguin. Les sœurs Marie et Charlotte Séguier sont respectivement grands-mères de Madeleine-Armande et de Maximilien-Pierre-François-Nicolas. La dot de 450 000 livres tournois apportée par Madeleine-Armande se divise en neuf portions. L’une d’elles est une rente de 1 500 livres tournois, fournie par Pierre du Cambout de Coislin, évêque d’Orléans et oncle de la future. Une autre portion provient des oncle et tantes maternelles de la future : une rente de 100 livres tournois est constituée par Pierre de Halgouët, ainsi que par Louise-Françoise et Marie-Madeleine de Halgouët, toutes deux filles majeures. Si ces sommes ne constituent pas le plus gros de la dot, il convient de noter leur présence comme gage de solidarité familiale (généalogie 12).
Généalogie 12. – Parenté simplifiée : mariage Béthune-Cambout de Coislin.

37Du côté de l’époux, les tractations exprimées par le contrat montrent bien les espoirs engendrés par cette alliance. Charlotte Séguier, sa grand-mère paternelle, lui fait don de la terre de Verneuil qu’elle a héritée de son second époux. D’une façon détournée, c’est bien la fortune d’un célibataire ecclésiastique qui bénéficie au mariage du jeune Béthune. Pour rappel, Henri de Bourbon et Charlotte Séguier se sont mariés à des âges avancés. Si leur contrat de mariage mentionne la possibilité d’une descendance, la clause la plus intéressante est bien la transmission du duché de Verneuil aux enfants que Charlotte a eus du duc de Sully67. Henri de Bourbon a pu sciemment avantager les Béthune-Sully puisqu’en 1668, lorsqu’il épouse Charlotte Séguier, le fils de celle-ci est marié et déjà père de Maximilien-Pierre-François-Nicolas âgé de 4 ans. En 1689, l’importance de cette donation de Verneuil est soulignée par Marguerite-Louise de Béthune, tante du futur. Cette dernière s’ôte tout droit de réclamation et partage sur le duché de Verneuil et précise que cet arrangement est fait pour que son neveu soutienne « plus facilement l’éclat et la grandeur de leur maison ». Marguerite-Louise de Béthune est un personnage intéressant : en 1689, elle est veuve pour la seconde fois, n’a pas d’enfants et a largement dépassé la quarantaine. Elle sait qu’elle ne créera pas de lignée. Ce défaut de postérité la rapproche quelque peu des célibataires : elle exprime une conscience lignagère (matérialisée par l’emploi du terme de « maison ») et une attention à l’aîné mâle qui témoignent autant d’une sensibilité à la hiérarchie que d’une discipline intériorisée.
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38Ainsi, tout concourt, ou plutôt tous et toutes concourent au prestige des alliances qui se nouent au xviie siècle. Les comportements endogames de la noblesse nécessitent une participation collective et volontaire. Mais, lorsque la constitution des dots fait intervenir une parentèle élargie, les donateurs sont « de manière classique68 » des hommes entrés en religion ou des célibataires laïques (hommes comme femmes).
39Toutefois, les logiques de discipline et de tempérance sont parfois bien impuissantes face à une autre réalité nobiliaire : les exigences militaires qu’impose le service du roi peuvent avoir raison de ces belles politiques matrimoniales. Alors que l’aînesse ne met pas à l’abri des combats et de la mort sur le champ de bataille, il convient de nuancer quelque peu l’idée d’une protection calculée de la maison.
Quand l’impôt du sang entrave la perpétuation des lignages
40Tout au long du xviie siècle, la branche cadette de Harlay-Champvallon pratique une politique matrimoniale très parcimonieuse : un seul enfant par génération, le fils aîné, se marie. En 1644, François-Bonaventure de Harlay épouse Geneviève de Fortia. Cette dernière est née du premier mariage d’Anne de La Barre qui s’est remariée à Achille de Harlay-Champvallon, père de François-Bonaventure. Le contrat de mariage de ces derniers, réalisé en 1634, indique bien que le fils aîné d’Achille devra épouser la fille aînée d’Anne, lorsque les deux enfants « auront atteint l’âge légitime69 ». François-Bonaventure de Harlay et Geneviève de Fortia sont explicitement mentionnés, et chacun des partis devra apporter 90 000 livres tournois à la communauté. Ce type d’union, que Jérôme-Luther Viret rencontre à sept reprises dans son corpus, est rare et semble répondre à un contexte précis : « Ces doublements d’alliance concernent souvent des veufs et des veuves trop âgés pour avoir de nouveaux enfants70. » Une autre explication peut ici être avancée. Chez les Fortia comme chez les Harlay, un nombre extrêmement limité d’enfants accède au mariage. Bernard et Geneviève de Fortia, respectivement aînés de leur sexe, se marient, tandis que leur sœur et leurs deux frères entrent en religion. Tous les germains de François-Bonaventure de Harlay sont confiés à l’Église ; aucune fille n’accède à la qualité d’épouse. Le mariage de Geneviève et François-Bonaventure s’inscrit donc dans les logiques endogames vues précédemment, qui se doublent d’une limitation du nombre des alliances (généalogie 13).
Généalogie 13. – La branche de Harlay-Champvallon au xviie siècle.

41Parmi les enfants nés de leur union, un fils et deux filles parviennent à l’âge adulte. En 1671, le fils, Louis-François, est marié à Marie-Anne de Laubespine pour une belle dot dont 40 000 livres tournois doivent entrer en communauté71. Les deux filles sont vouées au célibat. L’aînée, Marianne de Harlay, entre en religion : elle devient abbesse de Port-Royal de Paris à la suite de sa tante Élisabeth-Marguerite de Harlay72. La seconde fille, Geneviève-Françoise, mène une existence retirée : elle demeure également au couvent de Port-Royal jusqu’en 1695. Cette date témoigne alors de l’échec de la politique matrimoniale des Harlay-Champvallon car la branche est tombée en quenouille suite aux décès successifs de Louis-François et de son fils François. Le 22 août 1674, la Gazette informe ses lecteurs que « le marquis de Chanvalon […] est tué au combat à Senef73 ». Un peu moins de 20 ans plus tard, la guerre de la Ligue d’Augsbourg emporte le fils du marquis. Le 12 août 1693, la Gazette annonce qu’il a été tué à Nerwinde74 (généalogie 14).
Généalogie 14. – Extinction progressive de la branche de Harlay-Champvallon.

42La mort de François à Nerwinde prive la branche de Harlay-Champvallon de son dernier héritier et représentant mâle. En effet, l’union de Louis-François et Marie-Anne de Laubespine, célébrée en 1671 et dissoute en 1674 (par la mort de l’époux), n’avait engendré qu’un fils. François était donc le seul enfant de sa génération. Il meurt à tout juste 21 ans, sans avoir été marié. Ces événements consécutifs expliquent le mariage de Geneviève-Françoise en 1695, alors qu’elle est déjà âgée de 35 ans et vit à l’hôtellerie de Port-Royal de Paris75. L’alliance est prestigieuse et se noue en présence de la famille royale : son époux est le neveu de Mme de Montespan. Ce mariage hypergamique s’explique par le fait que Geneviève-Françoise est la dernière héritière de sa ligne : elle apporte en mariage la terre de Bréval, trois maisons à Paris, des rentes et 20 000 livres tournois de meubles, pierreries et équipages. De ses biens doivent entrer en communauté 40 000 livres tournois. De plus, elle est la nièce de François de Harlay, archevêque de Paris et proche conseiller de Louis XIV76. Le prélat fait don de 36 000 livres tournois à Geneviève-Françoise en faveur de mariage. Cette union assez surprenante s’inscrit donc dans une chronologie de décès ; il est fort probable que Geneviève-Françoise aurait fini ses jours à Port-Royal sans la mort de son neveu. Il suffit de comparer la nuptialité de la branche de Champvallon à celle de Harlay-Cély à la même génération. Nicolas-Auguste de Harlay (fils du bouclage consanguin Harlay/de Thou) épouse, en 1670, Anne-Françoise Boucherat77. Orphelin de père, il est marié par sa mère comme « son fils unique et seul héritier » car il n’a pas de frère et ses trois sœurs sont entrées au couvent depuis plusieurs années. Aucun accident ne vient ébranler la génération suivante : les six enfants nés de l’union entre Nicolas-Auguste et Anne-Françoise Boucherat atteignent l’âge adulte. Les sœurs de ce dernier restent donc au couvent. Notons que Nicolas-Auguste n’a pas été destiné au métier des armes puisqu’il mène une carrière de conseiller d’État et d’ambassadeur.
43Chez les Courtenay, discipline familiale et devoir nobiliaire finissent également par se court-circuiter. En 1669, la branche de Chevillon (dernière survivante) célèbre le mariage de Louis-Charles de Courtenay et Marie de Lameth. Il est l’aîné d’une fratrie de six enfants, dont cinq (lui compris) sont parvenus à l’âge adulte. Ses frères et sœurs demeurent tous célibataires. Et pour cause, le contrat de mariage de 1669 est l’occasion d’un avancement d’hoirie considérable en faveur de Louis-Charles. Toutes les terres et possessions de la famille passent entre ses mains par le biais de donations entre vifs, ainsi que le pouvoir de disposer de 50 000 livres tournois sur les fonds et propriété desdites terres78. Le futur époux est également légataire universel de son oncle maternel, Roger de Harlay, qui meurt peu de temps avant la rédaction du contrat de mariage79. L’oncle maternel met sa fortune entre les mains d’un seul neveu, destiné à perpétuer la lignée Courtenay (qui n’est pas même de son nom) [généalogie 15].
Généalogie 15. – Les Courtenay en avril 1691.

44La discipline familiale a donc joué à plein. Au détriment des règles égalitaires, la parentèle a très largement favorisé l’aîné grâce aux donations80. Le mariage est rapidement couronné par la naissance de deux fils, Louis-Gaston en 1669 et Charles-Roger trois ans plus tard. Mais l’aîné, engagé dans la guerre de la Ligue d’Augsbourg, est tué au siège de Mons le 2 avril 1691. Il meurt sans avoir été marié, au jeune âge de 22 ans. La maison de Courtenay se trouve alors réduite à sa portion congrue. Louis-Charles s’est remarié en 1688, mais seule une fille est née de cette union et la nouvelle épouse approche un âge critique du point de vue de la fertilité (Hélène de Besançon a 42 ans en 1691). Malgré un contexte familial inquiétant, Charles-Roger de Courtenay demeure mobilisé jusqu’au dénouement de la guerre en 1697. Une lettre envoyée à son oncle Roger le 3 mai 1691 montre qu’il a conscience de la gravité de la situation : « Je suis le seul homme qui reste pour soutenir ma famille, après la mort de mon frère81. » Dans une autre missive, depuis le « camp de malheur », on peut lire : « [Le camp] que nous occupons est encore très mauvais, et fait exprès, à ce que tout le monde dit, pour se faire battre quand on en sortira82. » Si le but de cette correspondance est en partie d’apitoyer l’oncle abbé pour qu’il envoie toujours plus d’argent à son neveu, on y trouve aussi le récit des campagnes et des difficultés de la vie militaire. La conscience de la mort ou de la blessure au combat est prégnante. Et si le combat ne tue pas, il peut rendre impotent : certains militaires reviennent blessés ou bien un mariage tardif limite leur fertilité83. Charles-Roger de Courtenay questionne ces hypothèses. En 1704, âgé de 32 ans, il épouse une jeune veuve de 28 ans84. Malgré 26 ans de vie commune, leur mariage reste infécond. Saint-Simon parle du dernier prince de Courtenay comme d’un imbécile, « très pauvre homme, et fort obscur », et nous apprend son suicide de « deux coups de pistolet85 ». Pourtant, les lettres écrites par Charles-Roger à son oncle ne témoignent en rien d’un retard mental. Elles offrent même parfois un certain style narratif. La guerre a-t-elle eu raison de la santé de Charles-Roger de Courtenay ? Quoi qu’il en soit, après la mort de ce dernier en 1730, la maison de Courtenay ne compte plus qu’un vieil abbé de 83 ans (mort trois ans plus tard sans avoir quitté les ordres86), et une femme mariée dans la famille de Bauffremont. Sur les quatre fils nés de ce mariage, aucun ne reprend le nom de Courtenay ce qui signe l’extinction du lignage.
45Trois générations avant cette malheureuse issue, la guerre avait déjà modifié la politique matrimoniale des Courtenay. En 1583, Jacques de Courtenay-Chevillon devient l’aîné de sa fratrie suite au décès de son frère François. Il est alors âgé de 27 ans et a obtenu la charge de gentilhomme de la Chambre du roi, ce qui fait de lui un parti intéressant. Pourtant, Jacques de Courtenay garde le célibat jusqu’à son décès, à l’âge avancé de 61 ans. Anselme de Sainte-Marie nous apprend qu’il « commanda dès l’âge de 21 ans un régiment d’infanterie au siège d’Issoire où il se signala l’an 1577 [et qu’il] fut blessé dangereusement à la tête à celui de la Fère en 158087 ». Jacques de Courtenay participa donc aux guerres de Religion, aux côtés d’environ 20 000-25 000 gentilshommes88. Il fait partie de ces nobles qui n’en sont pas revenus indemnes. Selon nous, la blessure sévère qu’il a reçue à la tête explique son célibat. Elle peut être la cause d’une impuissance, d’une invalidité motrice ou intellectuelle qui l’aura rendu inéligible au mariage et à la paternité. Pour appuyer cette idée, il convient de préciser qu’un de ses frères cadets a été marié : en 1599, Jean de Courtenay épouse Madeleine de Marle. Cela montre que le célibat de Jacques n’est pas de l’ordre d’une décision familiale mais bien d’une défaillance individuelle.
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46Le service des armes met les familles nobles en difficulté. Les guerres de Louis XIV, principalement, amputent les lignages d’une partie considérable de leurs jeunes hommes89. Cela peut paraître paradoxal quand on songe à la nécessité de faire un aîné et de garder certains fils en réserve en cas de défaillance masculine. Toutefois, le travail d’Hervé Drévillon permet de mieux comprendre les logiques nobiliaires à l’œuvre90. Il ne s’agit pas d’un calcul économique car le plus souvent les investissements sont à fonds perdu. La vie militaire coûte chère, la majorité des charges ne sont pas vénales et même lorsqu’elles le sont, elles sont perdues pour la famille en cas de décès du possesseur. Hervé Drévillon nous incite donc à chercher du côté des « bénéfices symboliques du métier des armes » et ce qu’il convient d’appeler « l’impôt du sang ». Cet impôt consiste dans la « fiction d’un second ordre assurant la défense des deux autres » et qui justifie l’existence même de ce second ordre privilégié. Loin de se démilitariser, la noblesse du règne de Louis XIV a largement réinvesti cette fiction tout en modifiant la culture guerrière et l’identité militaire. En témoigne la Gazette de France qui jette la lumière sur certains faits d’armes et infuse les esprits d’une idée de l’honneur attachée au sacrifice et au sang versé. La Gazette glorifie les morts et les blessés à travers des formules emphatiques qui témoignent du gain que représente la participation effective des nobles aux combats. Ainsi du marquis de Béthune, tué en 1646, « en sautant pardessus la tranchée dans la place de Piombino et en faisant des prodiges de valeur91 » ou encore du marquis de Charost, blessé en 1658, « ayant donné […] toutes les marques du plus grand courage92 ». Les blessures et la mort au combat témoignent du rôle social de cette noblesse, qui tente de maintenir ses prérogatives (la protection du royaume) et son identité93. Cette identité se modifie sous le règne de Louis XIV, passant d’un accomplissement personnel à une nécessité morale.
47Ainsi, les guerres du roi mettent en lumière un paradoxe intrinsèque à l’identité nobiliaire : le devoir militaire contrarie parfois un autre idéal, celui de la perpétuation des lignages. Cette perpétuation est rendue d’autant plus difficile que l’armée est aussi un moyen de stériliser les branches cadettes : consacrer des fils puînés à la carrière des armes permet de ne pas compromettre la fortune réservée à l’aîné. Charles de Harlay, fils cadet de la branche de Beaumont, meurt au combat en 1636 au début de l’engagement français dans la guerre de Trente Ans. Jean-Armand de Courtenay, dernier-né de sa fratrie et consacré à l’ordre de Malte, est tué au siège de Cambrai en avril 167794. Les deux hommes avaient respectivement 24 et 25 ans. Avant d’avoir dépassé cet âge, Louis-George de Béthune, présenté comme « le chevalier d’Orval » par la Gazette, a déjà reçu deux blessures graves : la première lors d’un combat naval au large des côtes italiennes (avril 1676) et la seconde lors d’une expédition à Alger (septembre 1682)95. Ces fils puînés sont donc envoyés à la guerre en pleine fleur de l’âge. Il s’agit là d’une solution bien commode puisqu’ils peuvent s’illustrer au service du roi, augmentant par là l’honneur de leur lignée, tout en ne mettant pas en péril le grand dessein patrilignager.
48La fonction militaire assignée à la noblesse et qui définit son rôle social a souvent eu pour effet, à plus ou moins long terme, de fragiliser la reproduction de cette élite. Mourir pour le roi, en défendant le royaume contre ses ennemis, c’est en quelque sorte recréer le temps mythique des ancêtres chevaliers et donc servir la maison qui se perpétue également grâce aux investissements symboliques. La « fiction » de la maison exige aussi le service du roi. Mais cette « mort militaire » a un coût humain non négligeable pour la noblesse dans son ensemble : les aînés ne sont pas exempts du service des armes (qui leur est parfois fatal) et les puînés y sont destinés (lorsque l’Église ne les appelle pas) en vue d’une carrière longue qui empêche souvent toute prétention matrimoniale. En « stérilisant » ses branches cadettes, la noblesse a parfois empêché la perpétuation des lignages lorsqu’une branche aînée venait à s’éteindre. En exacerbant ses politiques de prestige au point de créer des logiques contradictoires, le second ordre n’est pas toujours parvenu à se reproduire.
⁂
49L’historiographie s’accorde à dire que le xviie siècle est un moment de réaction nobiliaire face à une crise identitaire et économique. Les guerres de Religion ont ébranlé « deux mythes complémentaires : celui de la “courtoisie” de la guerre et celui de l’incapacité des roturiers à être aussi courageux que les nobles96 ». Elles profitent alors aux gens de robe et parfois même à des parvenus, ce qui complique la définition de la noblesse. Sous les premiers Bourbons, une nouvelle économie voit également le jour : le prix de la rente foncière et celui des offices s’envolent, suivis de près par le montant des dots97. Les familles nobles doivent donc rivaliser de prestige pour maintenir leur rang.
50C’est dans ce contexte particulier qu’il faut interroger, en regard, la pratique fidéicommissaire, les alliances endogames et la « stérilisation » des branches cadettes qu’elles engendrent. Tout cela fait système pour protéger la maison, dont le maintien nécessite un investissement permanent et la solidarité de ses membres. Le xviie siècle, s’il exprime une conscience patrilinéaire exacerbée, est aussi le lieu d’une inquiétude palpable. La relative ouverture sociale que permettait encore le xvie siècle laisse place à l’endogamie et aux montages consanguins ; le faste dispendieux est nuancé par les nouvelles vertus de tempérance et de discipline. Pour protéger la maison de la ruine ou de la dérogeance, mais également des conflits et des prétentions de chacun, les nobles du xviie siècle ont donc adopté des comportements conservateurs. La noblesse qui se reconstruit et se remodèle semble consciente de ses fragilités. Tous les espoirs sont placés dans un héritier, aîné mâle du nom, qui ne peut accepter qu’une épouse de son rang ou d’un rang légèrement inférieur. Dans cet ordre nouveau, les femmes de l’aristocratie sont nombreuses à demeurer célibataires, à l’exemple des filles nées chez les Béthune. Une hiérarchie des maisons nobles se met en place : celles qui donnent leurs femmes (les familles robines à l’image des Harlay) et celles qui les reçoivent98.
51Ainsi, la protection de la maison passe par la création d’un héritier et par la consolidation du patrimoine autour de sa personne. Elle engendre nécessairement des célibataires, les germains du fils aîné, à chaque génération. Mais le rôle de ces derniers n’est pas seulement passif. En plus de participer économiquement, soit par donations, soit par renonciations, ils et elles œuvrent à l’honneur de leur maison. L’identité nobiliaire est intrinsèquement liée au service des armes, mais elle s’exprime également dans le service de Dieu. Les rameaux inféconds que représentent les fils et filles de l’Église sont porteurs d’une puissance économique et sociale. À leur façon, ces enfants nobles protègent et renforcent leur maison.
Notes de bas de page
1Haddad, 2014, p. 125 et 128.
2BNF, FOL-FM-15895, Donation entre vifs portant substitution, du 12 juin 1610.
3BNF, NAF 25240, fo 180-186, Contrat de mariage entre Henri de Rohan et Marguerite de Béthune, le 7 février 1605, sous le bon plaisir du roi. Marguerite n’a pas encore 10 ans ; BNF, NAF 25240, fo 236, « Mariage qui n’a pas eu lieu entre François de Béthune et Jeanne de Schomberg ». François n’a que 8 ans ; BNF, NAF 25240, fo 213-224, Contrat de mariage entre Maximilien de Béthune et Françoise de Créquy, le 15 septembre 1609.
4Barbiche et Dainville-Barbiche, 1997.
5Aristide, 1990.
6Haddad, 2009.
7Par un contrat de 1641 avec son petit-fils, héritier du feu marquis de Rosny, Maximilien de Béthune y joint les terres de Conti, Breteuil, Francastel et La Falaise. BNF, NAF 25241, fo 228-231, Accords, le 13 décembre 1641.
8BNF, FOL-FM-15895, Donation entre vifs portant substitution, du 12 juin 1610.
9Dolan, 1998.
10Haddad, 2016a.
11Barbiche et Dainville-Barbiche, 1997.
12Le premier substitué d’une substitution fidéicommissaire est l’enfant du donataire ou grevé, soit celui en faveur de qui a été faite la donation avec charge de substitution.
13Steinberg, 2016.
14Descimon, 2012.
15Haddad, 2009, p. 116.
16AN, MC/ET/LXXXVII/190, Contrat de mariage de Maximilien-Pierre-François de Béthune et Marie-Antoinette Servien, le 12 septembre 1658.
17BNF, NAF 25240, fo 40-47, « Acte de profession au monastère des Carmélites de Pontoise de damoiselle Madeleine-Françoise de Béthune, le 3 juin 1658 ».
18Hours, 1991.
19AN, MC/ET/LXXXVII/187, Contrat de mariage d’Armand de Gramont et Marguerite-Louise de Béthune, le 29 avril 1657.
20Minvielle, 2006.
21Drévillon, 2005b.
22Papiers privés, CCH, Contrat de mariage de Philippe de Lameth et Anne de Bournonville, 5 novembre 1541.
23Nous n’avons pas retrouvé ce contrat, mais il est la source d’un procès au début du xviiie siècle entre Henri-Louis de Lameth et le marquis d’Allouane. Plusieurs factums le mentionnent ou en fournissent des copies.
24Papiers privés, CCH, Factum concernant la terre de Saint-Martin-sur-Cogeul, vers 1730.
25Solignat, 2012.
26Haddad, 2016a. Voir le contrat de mariage de Renée d’Averton, héritière de sa maison, et Jacques d’Humières, en 1564 (p. 16).
27Papiers privés, CCH, Lettres par lesquelles damoiselle Anne de Bournonville, veuve, déclare que dans la donation par elle faite à Adrien de Lameth dit d’Hénencourt de la terre et seigneurie de Bournonville, elle a entendu comprendre le fief de Conteville, 17 avril 1579.
28Haddad, 2012.
29Papiers privés, CCH, Donation de Jean de Lameth, écuyer sieur d’Hénencourt à son frère Adrien de Lameth, écuyer sieur de Bournonville, le 28 novembre 1599.
30BNF, Dossiers bleus 378, « Factum Pour Messire Henri-Louis de Lameth, seigneur d’Hénencourt, Contre les créanciers et directeurs des autres créanciers de la succession de défunt Messire Louis de Lameth ».
31Cogné, 2012.
32Descimon, 2012. Les substitutions sont des « montages idéels ».
33AN, MC/ET/LXXXVII/187, Contrat de mariage d’Armand de Gramont et Marguerite-Louise de Béthune, le 29 avril 1657.
34Barry et al., 2000, p. 724 : « Endogamie vraie : règle prescriptive, préférentielle ou statistique imposant à un individu de choisir son conjoint au sein de son groupe d’appartenance (groupe de parenté, territorial, statutaire, etc.). »
35Nassiet, 2000, p. 148.
36AN, MC/ET/LXXXVII/190, Contrat de mariage de Maximilien-Pierre-François de Béthune et Marie-Antoinette Servien, le 12 septembre 1658.
37Dessert, 1984.
38Duccini, 2011.
39Hypergamie : règle qui enjoint à une femme de prendre son conjoint dans un groupe de statut supérieur au sien.
40Fitou et Le Roy-Ladurie, 1991, p. 139.
41Anselme de Sainte-Marie, 1726-1733, t. V, chap. iii.
42Bennini et Descimon, 2010.
43AN, MC/ET/LI/542, Contrat de mariage de Louis-Armand de Béthune Charost et de Marie Fouquet, le 11 février 1657.
44Petitfils, 2005.
45Müller, 2017.
46Louis-Armand de Béthune (1640-1717) devient duc de Charost à la mort de son père Louis de Béthune, le premier duc de Charost (1605-1681).
47AN, MC/ET/VIII/883, Contrat de mariage de Paul-François de Béthune, marquis d’Ancenis, et de Julie-Christine-Régine Gorges d’Antraigues, le 2 avril 1709.
48BNF, Carrés de d’Hozier 331, MF 21353, fo 181, « Bulles données par le pape Urbain VIII, le jour des Ides, c’est-à-dire le 13 février 1638 » et MF 21353, fo 182-183, Contrat de mariage de Messire Achille de Harlay avec demoiselle Marie de Bellièvre, le 20 octobre 1638.
49Haddad, 2018, § 22.
50Poncet, 1998, p. 239.
51Descimon, 1989. Les dots des filles de la haute robe parisienne s’échelonnent entre 50 000 et 100 000 livres tournois pour la période 1590-1610.
52AN, Y/160, fo 88, Contrat de mariage de Claude-Gabriel Batefort et Marie-Catherine de Harlay, le 23 décembre 1618.
53La Roncière, 1914, p. 354. Cet ordre a été créé en 1608 par Henri IV.
54Nassiet, 2000, p. 150.
55AN, MC/ET/LXIX/390, Contrat de mariage de François Le Bouteiller de Senlis et Marie-Claude de Harlay, le 13 février 1664.
56Jacqueline de Harlay-Sancy a épousé Charles de Neufville en 1596 ; le duc de Villeroy présent à ce mariage est leur fils aîné. Lucrèce-Chrétienne de Harlay-Césy a épousé Louis prince de Courtenay en 1638. La branche des Harlay-Monglat est tombée en quenouille dans la famille de Clermont : François-Paul de Clermont, alors marquis de Monglat, est grand-maître de la Garde-Robe du roi.
57AN, MC/ET/LXXV/136, Contrat de mariage d’Achille de Harlay et Madeleine de Lamoignon, le 10 septembre 1667.
58AN, MC/ET/LXIX/390, Donation en faveur de mariage, par Pierre de Bellièvre, le 1er mars 1664.
59AN, MC/ET/VI/325, Contrat de mariage de François de Liée et Madeleine-Françoise de Lameth, le 20 mai 1630.
60BNF, Carrés de d’Hozier 331, fo 251-257, Contrat de mariage d’Achille de Harlay, comte de Beaumont et Anne-Renée-Louise du Louët, demoiselle de Coëtjunval, le 1er février 1693.
61AN, MC/ET/LXVIII/98, Contrat de mariage de Louis de Mouy, seigneur de La Mailleraye, et Catherine de Harlay, le 7 mai 1613.
62Schrenck, 2000.
63Poncet, 1998.
64AN, MC/ET/LXXV/136, Contrat de mariage d’Achille de Harlay et Madeleine de Lamoignon, le 10 septembre 1667.
65Il s’agit de Maximilien-Pierre-François (1641-1694), époux d’Antoinette Servien.
66AN, MC/ET/CXV/265, Contrat de mariage de Maximilien-Pierre-François-Nicolas de Béthune et Madeleine-Armande du Cambout de Coislin, le 17 avril 1689.
67AN, MC/ET/VI/533, Contrat de mariage d’Henri de Bourbon, duc de Verneuil, et de Charlotte Séguier, veuve du duc de Sully, le 27 octobre 1668.
68Ruggiu, 2007, p. 208.
69AN, MC/ET/LXXIII/336, Contrat de mariage d’Achille de Harlay, seigneur de Champvallon, et Anne de La Barre, veuve de François de Fortia, le 1er décembre 1634.
70Viret, 2004, p. 334-335.
71AN, MC/ET/LVIII/104, Contrat de mariage de Louis-François de Harlay Champvallon et Marie-Anne de Laubespine, le 29 avril 1671. Elle reçoit en dot la seigneurie de Buy, environ 5 600 livres tournois de rente, la moitié des greffes des juridictions royales de Bourges, 23 000 livres tournois en deniers comptants et 100 000 livres tournois sur la succession maternelle à venir.
72AN, O/1/39, fo 265 vo, « Lettre du roi du 8 janvier 1695 concernant la vacance de l’abbaye des religieuses de Port-Royal au faubourg Saint-Jacques de la ville de Paris ».
73La bataille de Seneffe (11 août 1674) est l’une des batailles les plus meurtrières de la guerre de Hollande (1672-1678). Voir, à ce sujet, la lettre adressée par Mme de Sévigné à Bussy-Rabutin, en date du 5 septembre 1674.
74La bataille de Nerwinde (ou de Neerwinden) s’est déroulée le 29 juillet 1693. André Corvisier (1992, p. 425) la décrit comme le témoignage « d’un acharnement des adversaires : 8 000 Français tués et 12 000 alliés ».
75AN, MC/ET/LVIII/186, Contrat de mariage de Geneviève-Françoise de Harlay et Claude-Philibert de Damas Thianges, le 2 mars 1695.
76Bergin, 1996.
77AN, MC/ET/LI/387, Contrat de mariage de Nicolas-Auguste de Harlay, seigneur de Bonneuil et de Cély, et Anne-Françoise-Louise-Marie Boucherat, le 20 décembre 1670.
78AN, MC/ET/VIII/751, Inventaire après décès de Marie de Lameth, princesse de Courtenay, le 11 août 1676. Le premier papier consigné par l’inventaire est leur contrat de mariage, réalisé le 7 janvier 1669 devant Barchy, notaire de Montdidier.
79C’est une quittance de 1671 qui nous apprend cette transmission. BNF, Français 32953, fo 541, Quittance passée entre Marguerite Le Lettier et Messire Louis prince de Courtenay, le 4 juillet 1671.
80Descimon, 2012.
81BNF, Français 32952, fo 337, Lettre du 3 mai 1691, adressée à M. l’abbé de Courtenay, rue Neuve des Petits Champs.
82BNF, Français 32953, fo 151, Lettre du 3 août, adressée à M. l’abbé de Courtenay. L’année n’est pas précisée.
83Corvisier, 1992, p. 352 : « Les officiers sont décimés par les charges à l’arme blanche et procréent peu, à cause de leurs mariages tardifs et du nombre de ceux qui restent célibataires. »
84AN, MC/ET/I/225, Contrat de mariage de Charles-Roger de Courtenay et Marie-Claire de Bretagne, le 15 novembre 1704.
85Saint-Simon, 1983-1988, t. V (1985), p. 680.
86AN, MC/ET/I/363, Dépôt du testament olographe de Roger de Courtenay, abbé des Eschallis, le 5 mai 1733 ; testament en date du 14 août 1731.
87Anselme de Sainte-Marie, 1726-1733, t. V. Ce siège a pour contexte la septième guerre de Religion.
88Cocula, 1994.
89Fitou et Le Roy-Ladurie, 1987 ; Guéry, 1991.
90Drévillon, 2005a.
91Gazette, 23 octobre 1646.
92Ibid., 19 septembre 1658.
93Germa-Romann, 2001.
94Cette bataille s’inscrit dans le contexte de la guerre de Hollande.
95Le premier combat naval concerne la guerre de Hollande, le second la guerre franco-algérienne de 1681-1688.
96Jouanna, Boucher, Biloghi et Le Thiec, 1998, p. 439.
97Blanquie, 2004 ; Descimon, 1998.
98Nassiet, 2000.

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