Introduction
p. 13-20
Texte intégral
« Mais vous serez quand même vieille fille ! C’est tellement affreux !
Cela n’a aucune importance, Harriet. Je ne serai pas pauvre et c’est le manque d’argent seul qui rend le célibat méprisable aux yeux du monde1. »
1En 1815, Jane Austen consacre son nouveau roman à une héroïne bien différente de la fameuse Elizabeth Bennet (Pride and Prejudice, 1813) ou des sœurs Dashwood (Sense and Sensibility, 1811). Emma Woodhouse, aussi belle et intelligente que ses aînées de papier, possède quelque chose dont ces dernières sont privées : elle est riche. Les difficultés de fortune qui formaient le nœud des intrigues précédentes ne sont plus de rigueur et Jane Austen s’amuse de cette enfant gâtée de 21 ans et de son désintérêt pour le mariage. Emma Woodhouse n’a que faire de trouver un époux ; ce qui ne l’empêche pas de jouer les entremetteuses dans le petit monde qu’elle régente. Sa mère est morte quand elle était enfant, sa sœur aînée est partie vivre à Londres avec son mari. Emma, qui n’a pas eu de frère, vit donc en maîtresse de maison auprès d’un père qui l’adore et n’envisage pas la vie sans elle ; d’autant plus qu’il est, plume de Jane Austen oblige, hypocondriaque et égocentrique. Emma Woodhouse est également la dame patronnesse du coin reculé de l’Angleterre rurale où se déroule l’histoire. Elle ne s’intéresse ni à la vie londonienne ni aux saisons de Bath. Sa présence et sa fidélité, en plus de ses nombreux talents, font d’elle le joyau d’une petite société qu’elle n’a aucun intérêt à quitter. À côté de ce tableau d’une autonomie féminine heureuse et épanouie, le mariage fait pâle figure. Comme elle l’explique à la pauvre Harriet (fille illégitime sans le sou), Emma ne craint pas le célibat car, dans sa situation, il n’a rien d’une tare. Ce personnage romanesque, créé au début du xixe siècle par une femme, résonne avec d’autres figures féminines bien réelles. Milena Lenderová a ainsi mis au jour trois journaux intimes écrits par de nobles « vieilles filles » dans les années 1820-18502. Elle constate que ces femmes sont respectées et qu’elles disposent de moyens suffisants pour voyager et participer à toutes sortes d’activités. De même qu’Emma Woodhouse s’imagine une vieillesse paisible et aimable, entourée de ses neveux et nièces, ces nobles diaristes vivent dans l’intimité de leurs frères et sœurs, et sont des tantes attentives et attentionnées.
2Ces personnalités, de fiction ou bien réelles, contredisent la perception que nous avons du célibat ; catégorie tenant volontiers lieu de repoussoir face au modèle que représente la conjugalité. Mais il apparaît que cette perception est un héritage de la période contemporaine et de notre modernité. Elle est notamment due aux premières études du célibat, menées par des historiennes des femmes et touchant principalement le xixe siècle3. Or, la fin de l’Ancien Régime a considérablement modifié l’organisation familiale : plus que jamais, les femmes françaises sont reléguées à l’espace domestique et la norme conjugale et patriarcale rappelée avec vigueur4. L’histoire des célibataires, dans ce contexte, est une histoire de marginaux, de stigmatisation et de lutte sociale. On doit également cette perception négative aux travaux de sociologie et d’anthropologie qui ont interrogé le célibat rural au xxe siècle5. Pourtant, d’autres histoires du célibat ont commencé à s’écrire dans les années 2010. Les travaux anglophones ont dressé des tableaux diversifiés en interrogeant les distinctions de classe et de genre6. L’histoire religieuse a également été revitalisée, à l’image d’études portant sur la sexualité des hommes d’Église7 ou sur l’agentivité des religieuses et abbesses8. Soulignons toutefois que la bibliographie du célibat est assez clairsemée. Ce livre propose donc de mettre les célibataires au centre et de s’affranchir des représentations doloristes qui pourraient ne pas convenir à une étude de l’époque moderne. Mais alors de qui parle-t-on lorsque l’on parle des célibataires, qui plus est sous l’Ancien Régime ?
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3La définition du célibat est trop complexe pour être livrée, claire et immuable, dans cette introduction ; elle fera l’objet des deux premiers chapitres de cet ouvrage. Il est certain qu’elle ne ressemblera pas, ou pas exactement, à celle donnée par les travaux qui portent sur le monde contemporain car il est primordial de considérer le célibat comme un phénomène évolutif, toujours à contextualiser. Notre définition vaudra pour la période et la catégorie sociale analysées, soit la noblesse d’un xviie siècle élargi. Elle tentera de saisir, au plus près, les réalités plurielles d’une condition pour laquelle notre vocabulaire est semble-t-il trop étroit.
Une nouvelle approche : les célibataires au centre et le choix de la noblesse
4Des trajectoires individuelles, inscrites dans une structure familiale et lignagère, ont permis d’évaluer le rôle social et économique des célibataires, hommes et femmes. L’ancrage nobiliaire a facilité la reconstitution des familles, sur plusieurs générations, et a permis d’étudier la transmission d’une variété de biens (y compris des bénéfices ecclésiastiques). La question du célibat est également entrée en écho avec des considérations démographiques plus vastes, à l’exemple de la disparition d’un certain nombre de familles nobles au xviiie siècle9. De même, la crise économique du xviie siècle et son impact sur la noblesse ont été relus à l’aune du célibat10.
5Reconstituer une famille demande de confronter et d’articuler différentes sources afin d’effectuer un travail critique et fiable qui diminue au maximum la marge d’erreur. Pour aller au plus près des célibataires et comprendre les logiques familiales, il faut connaître le nombre d’enfants parvenus à l’âge adulte, ainsi que l’ordre exact des naissances au sein d’une fratrie. Les dates de naissance et de mort des individus, ainsi que les dates de mariages, doivent également être connues. Pour cela, les écrits des généalogistes (nobiliaires, histoires commandées par les familles et imprimées, factums parfois) ne suffisent pas11. Il faut donc réaliser un long travail de compilation d’archives, en premier lieu d’actes notariés. Les inventaires après décès sont particulièrement précieux, notamment l’inventaire des papiers qui permet parfois de découvrir des filles entrées en religion (oubliées des généalogistes) et qui dévoile surtout la profusion des échanges et des transactions au sein d’une parentèle. La Gazette de France12 est également utile car ses notices nécrologiques fournissent le plus souvent un âge au décès, ce qui permet de calculer l’année de naissance et de compléter ainsi la connaissance des fratries. Les correspondances, conservées dans les fonds de la Bibliothèque nationale de France ou bien publiées (Mme de Sévigné, Bussy-Rabutin), les Mémoires de Saint-Simon ou les Historiettes de Tallemant des Réaux permettent encore de découvrir quelques éléments importants ou anecdotiques (grossesses, promesses de mariage, aventures sentimentales). Enfin, certains manques peuvent être palliés grâce aux méthodes de la démographie historique, notamment en ce qui concerne les intervalles proto et intergénésiques13.
6Ce long travail de reconstitution ne pouvant être réalisé sur un nombre trop important de familles, quatre ont été sélectionnées14. Cette étude de la noblesse, à mi-chemin entre monographie et prosopographie, devrait permettre de renouveler les approches du célibat en s’inscrivant dans un entre-deux, ni panégyrique ni doloriste. Elle montrera une pluralité de cas, étudiés dans leur singularité, mais qui dressent ensemble un vaste panorama de la question.
Quatre familles, une variété de trajectoires
Les Courtenay
7Au xviie siècle, les Courtenay s’illustrent comme trublions de la cour : ils réclament aux rois (en vain) le titre de prince du sang. Cette revendication est en partie légitime puisqu’ils descendent, de mâle en mâle, du mariage d’Élisabeth de Courtenay et Pierre de France, fils de Louis VI le Gros ; ascendance qu’ils prouvent par la reconstitution solide de leur généalogie et qui n’est jamais remise en cause. Toutefois, une opposition juridique majeure empêche la requête d’aboutir : le titre de « prince du sang » n’apparaît qu’au xve siècle15. Le droit n’étant pas ici rétroactif, les demandes des Courtenay sont jugées illégitimes et les juristes utilisent cet argument pour les débouter. La seconde opposition est l’état auquel est réduite la maison de Courtenay au xviie siècle. Ses représentants ne possèdent qu’une fortune médiocre et les associer au sang royal de France risquerait de déparer la Couronne16. Toutefois, ils ne demeurent pas sur leurs terres bourguignonnes. Pour mener à bien leur grande affaire, pour redorer leur blason ou simplement parce qu’ils suivent le mouvement général de la noblesse17, ils s’installent à Paris dans le quartier Saint-Germain. Ils y multiplient les requêtes, font imprimer des factums et commandent même une histoire généalogique à Jean du Bouchet, publiée en 1661 avec privilège du roi18. Cette intense production, ainsi que leur résidence parisienne et le recours au notariat local, assurent une profusion d’archives qui a permis de reconstituer la famille avec précision, depuis le xvie siècle jusqu’au milieu du xviiie siècle (époque à laquelle les Courtenay s’éteignent).
8Trois alliances ont décidé des trois autres familles étudiées. La première, célébrée en 1584, se distingue par la qualité de l’époux, ou plutôt par la réputation et la fortune que ce dernier acquiert au xviie siècle. Il s’agit du mariage d’Anne de Courtenay avec Maximilien de Béthune, futur duc de Sully, ministre d’Henri IV. Les deux autres alliances se concluent dans la dernière branche survivante de la maison de Courtenay, celle des Chevillon. En 1638, Louis de Courtenay épouse Lucrèce-Chrétienne de Harlay, et en 1669, le fils aîné de cette union épouse Marie de Lameth.
Les Béthune
9Concernant les Béthune, la reconstitution familiale a nécessité du temps car les tenants du titre sont nombreux au xviie siècle. Quatre branches se perpétuent, s’installent à Paris et les fratries sont riches de nombreux adultes jusqu’au xviiie siècle – ce qui assure une profusion d’actes notariés concernant donations, mariages, entrées en religion et règlements de succession (testaments, inventaires, compromis). Les travaux consacrés à Sully (Maximilien de Béthune, duc de Sully) ne manquent pas et certains s’intéressent également à sa descendance19. La branche cadette de Charost accède également au titre ducal, ce qui a facilité son étude20. De plus, la maison de Béthune est souvent chroniquée par ses contemporains car des alliances prestigieuses se réalisent en son sein et parce que ses membres accèdent à des offices ou bénéfices recherchés. Parmi les familles alliées on peut citer les Rohan, les d’Estrées, les Fouquet, les Séguier ou encore la maison royale de Pologne. Et si la descendance de Maximilien de Béthune, protestant fervent, s’illustre peu dans l’Église, ce n’est pas le cas de la branche de Selles, issue de son frère Philippe, converti au catholicisme21. La branche de d’Orval, née du second fils de Sully (et d’un second mariage), est celle qui a posé le plus de difficultés. Un endettement considérable, contracté dès la première génération, semble être à l’origine d’un certain effacement dans les sources. Toutefois, le xviiie siècle sourit davantage aux d’Orval : suite à l’extinction de la branche aînée, le titre de duc de Sully (et les terres associées) revient à Louis-Pierre-Maximilien de Béthune, en 1739. La succession ne s’est pas faite sans heurts et un procès a engendré une nouvelle production généalogique22. Un premier travail de la sorte avait été réalisé en 1639, sur commande de Sully, par André Duchesne, historiographe du roi23.
10Parmi les quatre familles du corpus, la maison de Béthune représente la plus haute noblesse. Elle s’illustre dans les armées du roi, à la cour (principalement par les femmes des branches Sully et Charost) et dans la hiérarchie ecclésiale.
Les Harlay
11La famille de Harlay est davantage connue pour sa branche aînée de Beaumont24. Entre la fin du xvie siècle et le début du xviiie siècle, trois Achille de Harlay se succèdent à l’office de premier président ou de procureur général du parlement de Paris, ce qui assure aux Beaumont fortune et prestige social. Cette branche nous est également connue grâce à la verve de Saint-Simon qui a pris en haine Achille III de Harlay, incarnation selon lui des ambitions de la robe face à l’épée25. Toutefois, les branches cadettes n’ont pas été délaissées, d’autant qu’elles sont riches en personnalités. Les branches de Césy, Sancy et Champvallon ont donné naissance à un grand nombre d’abbesses et d’évêques. Elles sont fortement liées à la Réforme catholique, à l’image de Nicolas de Harlay-Sancy et de ses enfants qui s’illustrent dans l’ordre de l’Oratoire ou au Carmel réformé26. Les Champvallon, quant à eux, ont donné naissance à un évêque de Rouen et à un célèbre archevêque de Paris, François de Harlay, qui aurait célébré le mariage morganatique de Louis XIV et Mme de Maintenon. Les laïcs ne sont pas en reste puisque les Harlay Champvallon s’illustrent à la guerre, pour le grand plaisir de la Gazette de France.
12Tout cela assure la production d’un matériau généalogique dense et la rédaction d’un grand nombre d’actes notariés. La maison de Harlay a donc intéressé notre recherche car elle représente la haute noblesse de robe du xviie siècle et l’engagement dévot maintes fois constaté dans ce milieu27. De plus, à l’image des Courtenay, elle s’éteint en lignes masculines et féminines au milieu du xviiie siècle, ce qui éveille un certain nombre de questionnements.
Les Lameth
13Parmi les quatre familles de ce corpus, les Lameth offrent un profil bien distinct. Jusqu’au xviiie siècle, les tenants de ce nom ne résident pas à Paris ou bien de façon exceptionnelle. Les études des notaires parisiens n’ont donc pas été d’une grande aide pour reconstituer ce lignage. En revanche, nous avons pu consulter le chartrier d’Hénencourt, conservé au château familial, près d’Amiens. Les actes ont la nature de papiers privés puisqu’ils sont toujours aux mains des descendants directs de la branche aînée. La famille de Lameth a pourtant gagné en notoriété à la Révolution en s’illustrant du côté de la noblesse progressiste28. Mais déjà au milieu du xviiie siècle, un beau mariage avec la famille de Broglie permet à ce lignage de sortir de l’ombre ; ce qui engendre une production généalogique29. La reconstitution du lignage a donc été possible par l’association des papiers privés, des généalogies et des archives départementales de la Somme30.
14Tout cela fait des Lameth, au moins jusqu’au xviiie siècle, les tenants d’une moyenne noblesse provinciale31. Du xvie au xviiie siècle et toutes branches confondues, le lignage ne donne naissance qu’à une abbesse et deux abbés, aux côtés desquels fourmille un grand nombre de simples religieuses. Cela n’empêche pas certaines héritières d’intéresser des familles plus prestigieuses à l’exemple des Courtenay en 1669 et, de manière surprenante, des Béthune en 1692. Si la maison de Lameth diversifie le panel de l’étude, elle ne présente toutefois pas les traits d’une noblesse désargentée. En effet, la circulation des seigneuries et des terres donne lieu à de nombreux documents et la mise en place d’une substitution fidéicommissaire dans la branche aînée d’Hénencourt dénote une haute conception de la qualité de leur maison.
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15Ainsi, le choix de ces quatre familles est dû au hasard fécond de la recherche ; elles n’ont pas été sélectionnées selon des critères clairement établis en amont. Toutefois, si elles présentent des différences de nature (entre l’épée et la robe) et d’élévation sociale, elles sont unies par des alliances qui expriment, tout au long du xviie siècle, une forme de reconnaissance mutuelle. De plus, elles s’inscrivent toutes dans une géographie septentrionale et dépendent soit de la coutume de Paris, soit de celle d’Amiens, qui partagent une même conception égalitaire des pratiques successorales.
16Ce corpus est donc suffisamment cohérent pour permettre une étude commune des différents lignages. La diversité des noblesses représentées, ainsi que la variété des destins familiaux – extinction des Courtenay et des Harlay au xviiie siècle, expérience révolutionnaire des Béthune et disparition au xixe siècle, survie et perpétuation des Lameth jusqu’à nos jours – doivent être considérées comme une richesse et comme une opportunité pour saisir toutes les nuances du célibat noble à l’époque moderne.
S’affranchir des représentations et poser la question de l’inclusion
17L’objectif de ce livre est de dresser un tableau des différentes formes de célibat, telles qu’elles ont pu s’exprimer dans la noblesse française d’Ancien Régime. Une étude approfondie des logiques de transmission a permis d’interroger les liens, les logiques d’inclusion et de réseaux qui prévalent entre les célibataires et leurs parents. Ces logiques sont plurielles puisque les biens transmis peuvent être d’ordre matériel (une terre, un hôtel, un bijou), immatériel (un savoir-faire transmis par le biais de l’éducation et d’une vie en commun), ou encore symbolique (à l’image des prénoms, qui sont porteurs de qualités et parfois d’un destin32). De plus, la nature d’une transmission n’est souvent pas univoque car les objets peuvent aussi être passeurs de mémoire33. Les différents langages de la transmission permettent de tisser des liens entre les individus à l’échelle de la parentèle ou du lignage. Les relations entre frères et sœurs seront également étudiées : la fratrie est un espace de domination et de hiérarchie, mais aussi un lieu d’expression des sentiments34.
18Ce livre permettra également d’interroger l’identité nobiliaire et ses efforts constants de définition35. Il s’agit de comprendre où se situent les célibataires au sein de ces constructions collectives que sont la noblesse et le lignage. Cela permettra d’interroger la place des célibataires vis-à-vis de leurs parents. Le parti pris est celui de la valeur, matérielle et immatérielle, que le célibat peut ajouter à l’échelle de la parentèle et pour les individus concernés. En cela, nous mettrons de côté les représentations véhiculées jusqu’à nos jours, celles d’enfants sacrifiés sur l’autel des ambitions familiales. Une vision normative du mariage et de la vie domestique fait ici écran et empêche de saisir d’autres réalités, propres à l’Ancien Régime, qui feraient du célibat un état profitable et valorisé36.
19En revanche, nous ne nous perdrons pas dans une interrogation labyrinthique et probablement anachronique qui porterait sur l’existence d’un « choix » du célibat. En suivant François-Joseph Ruggiu, nous pensons que l’individu d’Ancien Régime peut être défini comme un sujet pris dans un espace social, parfois livré à la contingence et qui peut alors développer une capacité d’agir37. Au lieu d’interroger le choix du célibat, ce livre étudiera les comportements des célibataires, tels qu’ils peuvent être infléchis par leur condition, par leur sexe et par les événements. Là encore, une distanciation d’avec les représentations permettra de saisir les capacités d’agir (ou agency38) et le champ d’action des célibataires. La confrontation de structures familiales et de comportements sociaux aux représentations du célibat permettra alors d’observer la création de normes39.
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20Ainsi, le questionnement principal de ce livre est celui de l’inclusion des célibataires. Cet axe de recherche vaut aussi bien pour interroger l’ordre nobiliaire (structure formatrice de comportements et de normes), le lignage (fruit d’une construction idéologique), la parentèle (lieu d’exercice des comportements) et les trajectoires individuelles. Le plan adopté rendra compte de cette articulation d’échelles.
21Une première partie sera consacrée à définir et à dénombrer le célibat noble (« Qu’est-ce que le célibat noble à l’époque moderne ? ») ; une deuxième partie explorera les logiques économiques qui président à la création de célibataires dans les familles (« Du bon usage du célibat au xviie siècle ») ; une troisième partie étudiera l’impact du célibat sur la vie quotidienne et sur des considérations telles que le choix de résidence, la sexualité ou la mort (« Vivre et mourir dans le célibat »). Enfin, un chapitre épilogue s’intéressera au devenir des familles nobles au xviiie siècle et interrogera l’impact démographique d’une politique du célibat.
22Ce plan par échelles dévoile également trois temporalités, le temps long de l’Ancien Régime (xvie-xviiie siècles), le temps mémoriel (et son impact sur les politiques mises en œuvre dans les familles nobles) et la génération.
Notes de bas de page
1Austen, 1982, p. 102.
2Lenderová, 2004.
3Farge et Klapisch-Zuber, 1984.
4Dottin-Orsini, 1993 ; Guilpain, 2012.
5Bourdieu, 2002 ; Brandes, 1976.
6Froide, 2005 ; McCurdy, 2008.
7Buttigieg, 2011 ; Deniel-Ternant, 2017.
8Henneau, 2010 ; Roullet, 2016.
9Nassiet, 2000.
10Billacois, 1976.
11Descimon, 1997.
12Gazette de France, 1631-1761.
13Intervalle protogénésique : intervalle entre le mariage et la première naissance. Intervalle intergénésique : intervalle entre deux naissances.
14Les généalogies des quatre familles, branche par branche, sont disponibles en annexe de notre ouvrage.
15Le Roy, 1974.
16Cosandey, 2008.
17Coquery, 1998 ; Marraud, 2000.
18Du Bouchet, 1661.
19Aristide, 1990 ; Babelon, 2004 ; Barbiche, 2017.
20Labatut, 1972.
21Quernez, 2004.
22Dubuisson, 1739.
23Duchesne, 1639.
24Kchaou, 2012.
25Harrison, 2005.
26Schrenck, 2000.
27Brunet et Suire, 2019 ; Chaline, 2007.
28Wiscart, 1994 ; Delannoy, 2010.
29Bibliothèque nationale de France (désormais BNF), Picardie 209, fo 14-28, « Généalogie de la noble et ancienne maison de Lameth » ; BNF, Picardie 101, fo 134-170, « Extrait des archives de M. le marquis de Lameth, au château d’Hénencourt (1761) » ; BNF, Dossiers bleus 378, « Généalogie de la famille Lameth. Remise par Madame de Broglie, veuve de M. le comte de Lameth, au département des titres et des généalogies de la Bibliothèque du Roi, le 21 octobre 1768 ».
30Archives départementales (désormais AD) de la Somme, Inventaire en ligne du fonds B, registres B646 (1653-1658), B395 (1657-1662) et B417 (1669-1673).
31Haddad, 2009. Un mariage de 1603 unit les Faudoas aux Lameth (branche Pinon).
32Bozon, 1987 ; Sangoï, 1985.
33Muxel, 1996.
34Lett, 2004 ; Hemphill, 2011.
35Descimon et Haddad, 2010 ; Haddad, 2016b.
36Duhamelle, 1998.
37Ruggiu, 2007.
38Haicault, 2012.
39Becker, 1985 ; Goffman, 1975 ; Plumauzille et Rossigneux-Méheust, 2014.

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