Chapitre IX. Derrière la vitrine « Montagnarde »
Survivance des anciennes solidarités, appartenances multiples et reniements
p. 259-280
Texte intégral
1Il reste à comprendre comment s’effectuent les sorties de la « Terreur » et de la Révolution dans ses aspects les plus intimes. La très riche documentation dévoilant l’évolution des relations entre les Payan et leur parentèle, leurs amis et leurs compagnons de lutte, complète et prolonge l’analyse en restituant toute la complexité du personnage. En effet, derrière les discours politiques convenus, les pratiques sociales des acteurs sont tout autres. En dépit de rapports exécrables, de la polarisation et de la radicalisation des options politiques, rejetant alliés, parents et amis dans des camps opposés, le sens de la famille demeure, les amitiés subsistent et, avec elles, des chaînes de fidélité et des formes de solidarité qui transcendent les clivages politiques, livrant ainsi une nouvelle clef de compréhension des mécanismes de la résilience des Payan et, in fine, une autre lecture de la période révolutionnaire.
2Appréhender les sorties de la Révolution à travers le prisme de la cellule familiale permet enfin de s’intéresser à la question des transmissions politiques intergénérationnelles et, plus largement, aux processus qui conduisent à la construction de dynasties républicaines, ou, dans le cas des Payan, à l’échec de leur perpétuation1. En effet, si Joseph-François reste un républicain de cœur et de conviction, son fils aîné finit par renier la Révolution, et partant, l’héritage paternel en sacrifiant la République sur l’autel bonapartiste.
Révolution et ductilité des liens familiaux
3La très forte bipolarisation de la vie politique locale et la radicalisation du processus révolutionnaire, fracturant les alliances matrimoniales et familiales des Payan, rejettent les individus dans des camps, a priori, irréconciliables. En réalité, la rupture n’est jamais totalement consommée. Les liens familiaux font preuve d’une redoutable ductilité, s’étiolant du fait des divergences politiques, sans jamais se rompre définitivement. Dès lors, la réconciliation nationale, souhaitée par le Consulat et l’Empire pour sortir de la Révolution, peut également être appréhendée à l’échelle de la famille, au sein de laquelle les relations se normalisent au nom de l’oubli du passé.
Les solidarités familiales à l’épreuve des divisions politiques
4La rupture paraît clairement consommée entre les Payan et les parentèles alliées dès 1791. Pourtant, si le clivage politique et la compromission des d’Audiffret et d’Arnaud de Lestang dans les rangs contre-révolutionnaires semblent rompre le dialogue, des formes de solidarités familiales2 subsistent, transcendant les antagonismes politiques3.
5La relation spéciale qui unit les Payan à leurs cousins éloignés d’Arnaud de Lestang dernière subsiste encore au plus fort de la « Terreur ». Après avoir animé la Contre-révolution tricastine, le chevalier de Lestang se réfugie à Lyon, où il prend part à la défense de la ville durant la crise « fédéraliste4 ». Détenu dans l’une des prisons lyonnaises, le chevalier de Lestang prend la plume pour solliciter l’aide de Joseph-François Payan : « L’intérêt que tu prends à tout ce qui me regarde me porte à t’envoyer l’extrait de mon jugement5. » Parvenu à se soustraire à un châtiment exemplaire, d’Arnaud de Lestang est vraisemblablement libéré au cours du printemps 1794. Ainsi, à au moins deux reprises, que ce soit après les événements d’avril 1792 ou après la crise « fédéraliste », l’entremise de Joseph-François Payan est décisive, évitant au chevalier de Lestang de connaître un sort peu enviable. « J’ai trop souffert pour vouloir recommencer6 » écrit-il en décembre 1793 à son cousin. Force est de constater qu’il n’a rien appris et tout oublié puisqu’il prend la tête de bandes de brigands politisés sous le Directoire7. Cette fois Joseph-François, luttant pour sa propre survie, n’est plus assez influent pour le sauver : capturé dans le Vaucluse, il est fusillé sur le rocher des Doms, à Avignon, en juin 1796.
6Sans doute bien plus intéressantes encore sont les relations ombrageuses que les Payan entretiennent avec leurs cousins et beaux-frères d’Audiffret. Après une relative et brève accalmie, succédant au conflit majeur opposant Joseph-Paul-François d’Audiffret à François Payan dans les dernières décennies de l’Ancien Régime, les rapports se tendent de nouveau en 1791-1792. Alors que les frères Payan incarnent de plus en plus une Révolution dont ils portent localement l’étendard, leur beau-frère fraye avec les cercles papalins, jalésiens puis trempe dans la conspiration du comte de Saillans à l’été 17928. En dépit de leurs itinéraires totalement différents et d’un dialogue presque totalement rompu, les Payan – Joseph-François tout au moins – usent de leur influence pour aider et, parfois même, protéger d’Audiffret. Ainsi, au début de l’année 1792, lorsque Joseph-François siège au conseil de département de la Drôme, il accepte d’appuyer la requête de d’Audiffret visant à obtenir le paiement des émoluments qui lui sont dus pour avoir occupé brièvement la place de juge suppléant du tribunal du district du Buis9. Comme pour leur cousin d’Arnaud de Lestang, les Payan se mobilisent pour tirer leur beau-frère du mauvais pas. Arrêté en août 1792 lorsque la liste des complices de Saillans est dévoilée, Joseph-Paul-François et son frère, l’abbé d’Audiffret, sont incarcérés le 25 août 1792 dans la citadelle de Montélimar. Dans un contexte trouble, traversé de rumeurs et marqué par les violences collectives, un détachement de volontaires gardois, ayant participé à la répression de la conspiration du comte de Saillans, investit la citadelle dans la nuit du 25 au 26 août 1792 et lynche les deux prisonniers laissés pour morts. Incapables d’assurer la protection des deux frères, les autorités montiliennes s’en remettent à l’administration départementale qui les transfère à la tour de Crest où ils croupissent jusqu’à l’intervention de Joseph-François Payan. Devenu entre-temps procureur général syndic de la Drôme et l’un des principaux maîtres du département, il appuie, auprès de la Convention, les pétitions de son beau-frère réclamant son élargissement :
« La justice, l’humanité se réunissent pour solliciter sa prompte décision. Ce malheureux citoyen, dont l’innocence est presque prouvée, père d’une famille nombreuse, dans un cachot, accablé sous le poids des douleurs causées par les blessures qu’il a reçues à la citadelle de Montélimar : son état ne peut qu’empirer dans sa prison où il est impossible qu’on lui administre les remèdes efficaces qui pourraient rétablir sa santé10. »
7Qu’importe que les Payan aient cru, ou non, en l’innocence de leur beau-frère. Leur sens aigu de la famille les pousse à intervenir pour ne pas le laisser se faire assassiner. L’intercession de Joseph-François est décisive : d’Audiffret est libéré en février 179311. Pourtant, ce dernier garde une profonde rancune envers ses beaux-frères qu’il accuse d’être responsables de tous ses malheurs. Cette rhétorique larmoyante participe à la construction mémorielle de la légende noire des Payan : à la fin du xixe siècle les érudits tricastins dépeignent les volontaires gardois de « sicaires soudoyés par les Payan » en s’appuyant sur les témoignages de « contemporains du martyr » et des descendants d’Audiffret12. Les Payan seraient également responsables de l’arrestation d’Audiffret au printemps 1794 : « N’ayant pu le supprimer traîtreusement, les Payan résolurent d’atteindre le même but juridiquement13. » Déféré à Paris après le décret du 27 germinal an II (6 avril 1794), d’Audiffret rejoint d’autres ex-proches des Payan, tels que Caudeiron. Il est possible que les frères Payan, alors très influents auprès de Robespierre et des comités de gouvernement, aient encore œuvré pour protéger leur beau-frère. Peut-être grâce à l’appui des Payan et, surtout, face au nombre de suspects à juger, d’Audiffret croupit toujours dans les geôles lorsque le 9 Thermidor renverse ses beaux-frères. Libéré dans les semaines qui suivent la chute de Robespierre, d’Audiffret, marqué par une double expérience carcérale qu’il impute à sa belle-famille, nourrit une profonde animosité à l’encontre des Payan, matinée de jalousie et de rivalités interpersonnelles, qui s’est imposée dans la vulgate drômoise du xixe siècle.
8Le coup de théâtre du 9 thermidor an II aiguise les ambitions d’un Audiffret débarrassé d’un beau-père trop puissant et de beaux-frères trop influents. La disparition du patriarche ouvre un violent conflit d’héritage qui parachève le délitement de la famille Payan. Le partage de l’imposant patrimoine foncier de l’ex-juge de paix se traduit, en effet, par une crise successorale et familiale majeure. Profitant du décès de Claude-François, mort sans enfant, de la mise hors-jeu des autres membres de la fratrie et de la marginalisation de sa belle-mère, d’Audiffret revendique la part du lion. Bien décidé à profiter d’une nouvelle conjoncture défavorable aux Payan, d’Audiffret fait citer sa belle-mère devant le bureau de conciliation de Paul-lès-Fontaines et devant le tribunal civil de la Drôme14. En parallèle, Esprit-François et Charles-Joseph contestent également à leur mère leur part d’héritage. Le 9 Thermidor a véritablement fait voler en éclat l’harmonie qui régnait dans cette famille républicaine jusqu’ici étroitement soudée : « J’ai écrit à vos frères que je ne voulais aucun procès avec eux15. » Si Joseph-François parvient à raisonner ses frères, il a fort à faire avec d’Audiffret qui intensifie l’offensive judiciaire contre sa belle-famille. Après un bref accommodement, d’Audiffret revient à la charge au début du Consulat :
« J’apprends […] que vous avez repris les poursuites relatives à l’hoirie paternelle contre mes frères et ma mère et que vous êtes en mesure de les pousser jusqu’aux dernières extrémités. […] Je ne vois pas ce que vous et votre famille pouvez gagner à cette attitude de guerre16. »
9L’animosité viscérale et l’acharnement d’Audiffret ne révèlent pas seulement un goût prononcé pour la chicane, mais traduisent, derrière un bouillant esprit belliqueux, le rejeu de rivalités interpersonnelles que la Révolution a dramatiquement amplifiées. À l’aube du Consulat, les rapports entre les d’Audiffret et les Payan ont largement dépassé le stade du détestable. Pour autant, grâce à la patiente entremise de Joseph-François et pour l’intérêt des deux familles, les relations vont se normaliser et s’apaiser.
Sortie de Révolution et normalisations familiales
10Malgré la reprise des hostilités, d’Audiffret peine à obtenir gain de cause et les procédures judiciaires traînent en longueur. Lassés par un litige familial presque décennal, les principaux acteurs sollicitent l’arbitrage de Joseph-François. Ainsi, en octobre 1801, Casimir d’Audiffret, le fils cadet de Joseph-Paul-François, requiert l’intervention de son oncle pour solder le différend, s’engageant à « souscrire aux conditions raisonnables que vous proposerez17 ». Après une première tentative avortée, Joseph-François parvient à vaincre les réticences de son beau-frère : « Je vous propose encore la paix. […] Si vous voulez conserver la bonne harmonie, pour laquelle je crois que mon intervention sera assez efficace, il en est encore temps18. » D’Audiffret capitule à l’été 1802 et accepte la médiation de Payan : « Nous saisirons donc avec empressement ta venue […] pour tout terminer l’affaire, surtout si tu viens loger chez nous comme nous le désirons19. » Ce revirement est sans doute moins mu par un réel désir de maintenir l’harmonie familiale ou « par amour de la tranquillité20 » que par intérêt. Si, sans doute, les deux familles se dispenseraient bien d’une action judiciaire hasardeuse, d’Audiffret a beaucoup plus à gagner en se rapprochant des Payan, dont l’étoile scintille de nouveau. D’Audiffret ne peut en dire autant. N’ayant pas su se fondre dans le nouveau monde révolutionné, il a perdu son état, son rang, ses titres et une partie de sa fortune. Comment pourrait-il, dès lors, pousser ses enfants en qui il fonde de si grands espoirs ? En se rangeant sous la bannière des Payan, sans doute escompte-t-il profiter d’une solidarité familiale revivifiée21. Dès le mois d’octobre, il expose à son beau-frère ses projets pour ses enfants et requiert son aide, sinon son appui.
11La réconciliation des deux familles est entérinée, dès 1803, par la mise à disposition des réseaux professionnels de Joseph-François au service des enfants d’Audiffret. Fort de son influence recouvrée, Payan peut intercéder en la faveur de ses neveux qui souhaitent intégrer l’administration fiscale. Prosper d’Audiffret, l’aîné, est ainsi envoyé en 1804, en Lozère, dans le département où officie son oncle, afin d’être rapidement placé. Finalement, Payan trouve un emploi pour Prosper dans le Piémont fraîchement annexé. Joseph-François rencontre bien plus de difficultés concernant Félix, son autre neveu. Ce dernier, promis à l’état militaire, se blesse au cours de manœuvres en 1806 et perd l’usage de son pouce gauche. Dès lors, son père songe à le reconvertir dans les droits réunis et sollicite, pour cela, l’appui de son beau-frère. C’était sans compter les états d’âme et les tergiversations de Félix. En septembre 1808, ce dernier se confie à son oncle, lui dépeignant une situation qui rappelle, à maints égards, l’état d’esprit de Claude-François Payan à la veille de la Révolution :
« Je vous prie, persuadé de votre bon cœur et de l’intérêt que vous me portez de ne rien négliger pour me tirer de la carrière où je me trouve contre mon gré. […] Mais, maintenant, étayé par vous, j’ose espérer pouvoir obtenir quelque chose22. »
12Bien inséré dans les réseaux administratifs, Payan obtient, moins de deux mois plus tard, une place de surnuméraire dans l’administration des droits réunis de la Drôme pour son neveu qui rechigne, cependant, à se rendre à son poste. Excédé par le manque de diligence de Prosper, Delarue, l’un des administrateurs des droits réunis, menace Payan de révoquer son neveu pour lequel il s’est porté garant : « C’est arriver avec défaveur dans une administration que de tarder si fort à se rendre à l’emploi qu’on a si longtemps sollicité23. » Pour ne pas entacher sa réputation et son crédit, mais, peut-être, aussi pour ne pas abandonner un jeune inconstant immature, Joseph-François s’entremet encore en faveur de son neveu : « Je vous prie, Monsieur, au nom de la famille respectable de ce jeune homme de faire prolonger la suspension relative à son sort24. » Alors que la direction drômoise des droits réunis se montre plutôt compréhensive, Félix donne sa démission en février 1809 « pour ne pas ulcérer toute [ma] famille contre [moi]25 », et espère obtenir un emploi dans les eaux et forêts avant de revenir à l’état militaire dans lequel il fait finalement carrière. Joseph-François se montre d’une indéfectible loyauté envers la famille d’Audiffret qu’il porte presque à bout de bras jusqu’à sa disgrâce au début de la Seconde Restauration.
13Loin de Paris, le 9 thermidor an II a eu des conséquences intimes inattendues. En effet, en entraînant l’arrestation et la mort de François Payan, la chute de Robespierre déstabilise l’organisation même de la famille qui se retrouve brutalement dépourvue de pater familias tout autant qu’elle redéfinit les rapports de force intrafamiliaux. Avec la proscription de Joseph-François, Thermidor a créé une sorte d’anomalie familiale favorisant un d’Audiffret tentant d’usurper la place vacante, sans posséder véritablement les moyens de ses ambitions. Les nouveaux possibles offerts par le Consulat et l’Empire redistribuent les cartes. En imposant sa médiation dans le conflit qui déchire les deux familles alliées, en veillant aux intérêts des siens et en maintenant l’harmonie au sein de sa fratrie, en arrangeant les affaires de ses neveux ou en favorisant leur carrière, Joseph-François s’impose comme le nouveau patriarche de la famille Payan, se substituant parfaitement à l’œuvre pacificatrice de son père. Ainsi, les relations ombrageuses entre les deux familles sous l’Ancien Régime, détestables sous la Révolution, finissent par se normaliser au début du Consulat. Mais cette réconciliation a un prix : une totale soumission au nouveau pater familias moyennant son appui pour se recycler dans la société postrévolutionnaire. Dès lors, la sortie familiale de l’ouragan révolutionnaire se conclut par un retour à la situation antérieure à 1789, lorsque les Payan occupaient une position hégémonique au sein de leur nébuleuse familiale. En somme, la normalisation des relations familiales prolonge, et complète, la pacification de la société voulue par le Consulat, de telle sorte que le retour à l’ordre se perçoit jusque dans l’intimité de la cellule familiale.
Appartenances multiples et résilience
Solidarités et connexions aristocratiques
14Sous l’Ancien Régime, les Payan entretiennent de nombreuses relations avec différentes familles nobles, dont certaines subsistent, voire même, se renforcent au cours de la Révolution française. En outre, son expérience de l’émigration en 1794-1795 et le désir de rétablir l’identité nobiliaire de sa lignée sous le Consulat et l’Empire conduisent l’ex-« Montagnard » à établir de nouvelles connexions aristocratiques qui servent les intérêts de la famille en temps de crise.
15Joseph-François fréquente un important vivier nobiliaire à Grenoble et noue d’étroites relations avec certains de ses collègues de la chambre des comptes ou du parlement, tels que Gabriel-Prosper de Chièze (1760-1840). Ce parlementaire, dont le père était déjà une connaissance de François Payan, est probablement l’un des meilleurs amis de Joseph-François sous l’Ancien Régime. Les deux jeunes hommes intègrent le monde des cours souveraines la même année. Cependant, sous la Révolution, de Chièze emprunte une tout autre voie que les Payan. Hostile au processus révolutionnaire, Gabriel-Prosper compte parmi les plus acharnés défenseurs de Louis XVI, le protégeant, avec les autres « chevaliers du poignard » et participant à la défense des Tuileries au matin du 10 août 179226. Sa famille paie un très lourd tribut à la « Terreur » : deux de ses oncles – Jérôme, chanoine et vicaire général de l’évêque d’Orange, et Joseph-Frédéric, chanoine de Saint-Ruf – sont condamnés à mort par la Commission populaire d’Orange27. L’homme parvient à se soustraire aux foudres du Tribunal révolutionnaire et le 9 Thermidor suspend les recherches le concernant. Durant ces années difficiles, de Chièze a bénéficié de protections, dont celle – a priori totalement improbable et assez inattendue – de Payan : « Je lui appris que nous étions amis de l’enfance et que tu m’avais sauvé dans la Terreur28. » Les survivances de tels liens d’amitié, transcendant les clivages politiques, sont souvent difficiles à déceler en l’absence d’écrits intimes mais, si elles restent particulièrement excitantes pour l’historien, ne sont peut-être pas aussi exceptionnelles29. Des figures majeures de l’an II aident également d’anciens amis professant des options politiques différentes, tels que Robespierre protégeant son ex-collègue Dom Gerle en 1794. La multiplication d’études consacrées aux pratiques sociales des protagonistes révolutionnaires devrait confirmer, à différentes échelles, la permanence de telles amitiés qui transgressent les normes et les discours républicains.
16Le 9 Thermidor réactive et amplifie les connexions aristocratiques de Joseph-François Payan. En effet, les conditions de son émigration vaudoise semblent facilitées par l’appui des milieux nobiliaires et contre-révolutionnaires qui, par l’entremise des de Chièze, offrent un soutien logistique, financier et moral décisif. Comme les Payan, les de Chièze ont noué d’importantes relations avec de puissants courtisans, notamment avec le comte Jean-Jacques Gaëtan de Gruel du Saix ou de Gruel-Gruyère. Syndic de la noblesse à Gap en 1787, de Gruel appartient à une prestigieuse famille ayant droit aux honneurs de la cour. Le comte de Gruel est l’un des agents contre-révolutionnaires les plus actifs, chargé en 1791-1792 « d’une partie de la correspondance du Midi avec le conseil de Coblentz30 ». Les Payan et les Gruel ne se fréquentent pas avant 1789. Après avoir emprunté des itinéraires diamétralement opposés, les deux protagonistes se retrouvent dans une situation presque identique, partageant une expérience commune de l’exil et de la proscription31. Émigré en 1792, de Gruel est envoyé en Suisse par le comte de Provence pour y étoffer les réseaux contre-révolutionnaires. Lorsque Payan se réfugie dans le pays de Vaud, de Gruel accepte d’aider, sans réserve, le « Montagnard » déchu : « Je pourrai vous être utile par la suite dans ce pays. […] Quoi que vous fassiez, intéressez-moi de votre marche et comptez sur moi32. » Le comte de Gruel ne se contente pas de le mettre en sûreté et de lui fournir une assistance financière, il propose également d’user de son influence pour restaurer son crédit politique auprès des milieux contre-révolutionnaires : « Je pourrais en conséquence, en temps et en lieu, rendre un compte favorable vous concernant33. » Ainsi, au-delà des « partis » et des divisions politiques, l’expérience conjointe de l’exil et de la proscription créée des conditions d’entraide et de solidarité propices à rapprocher des individus a priori irréconciliables en reconfigurant leur identité34. À la fois par solidarité provinciale et amicale, Payan, le « Montagnard » bon teint, bénéficie du soutien inavouable – presque « contre-nature » – d’un réseau royaliste dormant, mais solidement implanté en Suisse. En dépit du durcissement du processus révolutionnaire, les anciennes formes de solidarité subsistent et, derrière les discours partisans et convenus, exhortant à une lutte à mort contre un ennemi totalement diabolisé et déshumanisé, les pratiques sont toutes autres.
17Les services rendus obligent Payan qui se retrouve débiteur d’une partie de la nébuleuse contre-révolutionnaire. De retour en France à la faveur de l’amnistie de brumaire an IV, Payan n’oublie pas ses anciens protecteurs et honore la dette qu’il a contractée envers eux. Joseph-François est approché par les réseaux émigrés qui sollicitent, en retour, son aide pour rentrer en France. Fort de ses appuis au sein des ministères – « tu as des relations dans les bureaux qui sont importantes et précieuses35 » – et dans les Conseils, Payan est déjà parvenu, en 1798, à obtenir la radiation de la liste des émigrés de l’un de ses cousins, Artaud, dont la famille avait pris en charge Marthe Isoard, à Die, après le 9 thermidor an II36. Dès lors, les aristocrates qui gravitent dans l’orbite du comte de Gruel-Gruyère multiplient les démarches pour que Payan s’entremette en leur faveur. Ainsi, la comtesse de Grignan, sœur du comte de Gruel, le contacte en novembre 1797 : « Je n’ai pas l’avantage, citoyen, de vous connaître personnellement mais je suis instruite du vif intérêt que vous prenez à mon pauvre frère et je désirais depuis longtemps vous parler37. » Payan mobilise ses relations pour aider son ancien protecteur, comme l’atteste la lettre de remerciement écrite par Mlle de Lorimier de Chamilly, belle-sœur du comte de Gruel : « Je vous remercie encore qu’un certain 7 de mois vous avez empêché votre ami d’être flambé, il n’a pas ignoré ce service38. »
18Jusqu’à quel point Payan est-il prêt à fréquenter les milieux royalistes et à se compromettre pour solder sa dette ? Bien qu’autorisé à rentrer en France à la fin du Directoire, le comte de Gruel reste fortement surveillé par la police consulaire39. Compris dans la vague d’arrestations qui succède à l’attentat de la rue Saint-Nicaise en décembre 180040 et au démantèlement des réseaux royalistes parisiens41, le comte de Gruel est arrêté et enfermé dans la prison du Temple. Payan est vivement sollicité par son ami de Chièze – « vois de le sortir de là42 » – et par la belle-sœur du détenu : « Notre magister est au Temple depuis 50 jours […]. Vous pouvez le servir […] pour le salut de votre ami qui en ferait autant pour vous43. » Mlle de Lorimier de Chamilly présume sans doute de l’influence de Payan qui n’a plus l’envergure suffisante pour s’entremettre auprès de Fouché ou des Consuls. Par ailleurs, il n’est pas non plus certain qu’un républicain prononcé, rallié au nouveau régime et, partant, sorti des radars de la surveillance consulaire, tienne à attirer l’attention sur lui au moment où il est sur le point de parachever sa renaissance sociale. Le comte de Gruyère-Gruel meurt en 1802 sans que nous sachions si Payan a donné suite aux sollicitations de ses amis. Joseph-François conserve également des relations avec d’autres agents royalistes actifs, tels que le comte de Barruel-Beauvert. Frappé de proscription après le coup d’État de fructidor, Barruel-Beauvert se cache dans Paris mais prend tout de même le risque d’écrire à plusieurs reprises à Payan pour lui recommander des individus à placer dans diverses administrations.
19En parallèle, Payan renoue avec d’autres aristocrates drômois, toujours par l’entremise de son ami de Chièze, véritable trait d’union entre deux mondes diamétralement opposés. Ainsi, l’ex-seigneur Henri d’Urre, de Tain, dont les biens ont été séquestrés par l’administration du département de la Drôme, requiert l’appui de Joseph-François pour que ses anciens collègues du département accélèrent la levée des séquestres. De Chièze organise une entrevue à Paris au cours de laquelle Payan s’engage à aider d’Urre : « Je suis bien reconnaissant, mon cher compatriote, de la lettre obligeante que vous avez bien voulu écrire pour moi aux administrateurs de notre département44. » Ainsi, sans se compromettre avec les milieux royalistes ou dans les cercles aristocratiques, Payan y conserve prudemment quelques amis qui, face à la volatilité du cadre politique et aux incertitudes planant sur l’avenir du régime directorial, pourraient s’avérer fort utiles.
20Les multiples rebondissements et les revirements politiques qui scandent les premières décennies du xixe siècle offrent de nombreuses occasions d’éprouver la solidité de ces solidarités aristocratiques. En effet, si Payan a souvent répondu favorablement aux sollicitations, la réciprocité des services et des engagements est-elle de mise sous la Restauration, lorsque les rapports de force s’inversent ? Avec le retour des Bourbons, leurs partisans recouvrent leur prééminence sociale et leur influence. De nouveau menacé de déclassement, Payan requiert l’aide de ses débiteurs qui lui offrent un appui indispensable. Ainsi, dès 1814, le comte de Barruel-Beauvert use de ses relations pour qu’Ernest, le tout jeune fils de Joseph-François, obtienne un brevet de décoration du lys que Payan a demandé45. Grâce au comte de Barruel-Beauvert, l’ex-« Montagnard » rallié à l’Empire par haine viscérale des Bourbons, peut pavoiser aux couleurs de la monarchie restaurée à l’instar de ses plus fidèles affidés. Ce vernis royaliste n’est, toutefois, pas suffisant pour lui permettre de conserver son poste de directeur des contributions directes. En dépit de la mobilisation de personnages influents, tels que le député Joseph-Paulin Madier de Montjau, l’une des étoiles politiques montantes de la décennie 1830, Payan n’est pas réintégré dans la haute fonction publique territoriale. Joseph-François est, cependant, plus heureux en ce qui concerne l’indemnisation de ses biens confisqués et vendus après Thermidor an II. Grâce au soutien indéfectible de son ami de Chièze, ultra-royaliste influent et membre du conseil de préfecture de la Drôme, Payan est compris parmi les attributaires des réparations octroyées par la fameuse loi dite du milliard des émigrés qui ne profitent pas uniquement aux émigrés royalistes46. Ainsi, en 1828, dans un climat politique pourtant extrêmement défavorable aux anciens « Montagnards », la vigueur des solidarités passées autorise, l’indemnisation – à hauteur de 1 365 F47 – des pertes essuyées par les Payan, archétypes même d’une Révolution honnie par les ultraroyalistes. De Chièze prend de réels risques en fréquentant l’indésirable Payan, dont le nom est encore associé aux heures les plus sombres de la « Terreur ». Ainsi, les deux compères se voient rarement, et toujours dans le plus grand secret de lieux dérobés aux regards, aux murmures et à une mémoire douloureuse : « Je désire te voir en secret. Je te demande un rendez-vous ou chez le curé d’Alixan ou sur le chemin de Romans à Montélier vis-à-vis de ton domaine : que personne ne sache que nous nous voyons48. » En dépit d’itinéraires antipodiques, Payan, le républicain prononcé, et de Chièze, l’ultraroyaliste convaincu, restent indéfectiblement unis par « des liens d’amitié qui nous lient à jamais49 ». Cette relation, reposant sur « un jeu de don et de contre-don sans fin50 », caractéristique essentielle de la définition anthropologique de l’amitié, transcende les clivages idéologiques et survit aux vicissitudes du siècle des révolutions.
Réconciliations républicaines
21En dépit du torrent de reniements suscité par le 9 thermidor an II, le contexte critique dans lequel se trouvent les républicains « prononcés » sous le Premier Directoire favorise une réconciliation durable entre les anciens compagnons de lutte qui réactive les mécanismes d’entraide, de solidarité et de fidélité politiques. Ainsi, dès son retour de proscription, il retrouve, à Paris, le couple Jullien qui le reçoit régulièrement, comme avant la chute de Robespierre. On se souvient avec quelle hargne Rosalie Jullien s’était empressée d’accabler les Payan et de les renier pour protéger son fils. Après avoir gravité autour des Jullien – et plus largement des réseaux drômois de la capitale –, Payan s’en éloigne peu à peu. Leur mobilité géographique respective finit par distendre les liens qui les unissaient avant 1794. De la même manière, Joseph-François renoue avec Caudeiron, l’acolyte des combats politiques que la crise « fédéraliste » a brusquement éloigné. Les deux hommes se retrouvent, de nouveau soudés par, et face à, l’adversité politique. Payan utilise ses connaissances pour aider Caudeiron : « Je suis bien aise que vous ayez rendu service à Caudeiron et j’y mettais de l’intérêt51. » Peut-être s’agit-il d’appuyer son projet de poursuivre sa carrière médicale au sein de la marine, à Toulon, où il meurt en tant que médecin-chef en second en 1804 ?
22La survivance des solidarités républicaines et l’intensité des fidélités politiques se perçoivent également à l’échelle locale. Derrière les discours conformistes, vouant publiquement les Payan aux gémonies, certains acteurs viennent secrètement en aide à la famille déchue. Ainsi, après la mise sous séquestre de l’hôtel Payan, certains voisins, dont le couple Arnaud, prennent le risque de cacher des objets de valeur pour les sauver du pillage. D’autres subviennent aux besoins de Marthe Isoard et lui servent d’intermédiaires entre Saint-Paul-Trois-Châteaux et Die, tels que l’architecte Ayasse ou le menuisier Craisson, tous deux intimes de la famille depuis plusieurs décennies. Ces exemples montrent combien les reniements de Thermidor sont purement formels et largement surjoués. La réciprocité des services rendus atteste la vigueur des solidarités politiques. En effet, qu’il s’agisse d’honorer ses dettes ou qu’il s’agisse d’oublier les égarements de ses affidés, au moment où la République, plus menacée que jamais, requiert l’union de ses plus ardents défenseurs, Payan intervient, à plusieurs reprises, pour favoriser la promotion de ses anciens compagnons dans l’administration municipale tricastine. Ainsi, en 1796, alors que le gouvernement souhaite placer un fidèle commissaire du directoire exécutif pour contrer les édiles conservateurs du canton de Saint-Paul-Trois-Châteaux, Payan fait nommer l’un de ses anciens lieutenants Jean-Baptiste Favier. De même, lors du renouvellement quinquennal de 1813, Payan sollicite l’entremise du sous-préfet de Montélimar pour qu’Ayasse soit nommé maire de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Si Gaud-Roussillac accepte d’appuyer le « candidat » de Payan – « Je désire que M. Ayasse soit nommé maire […]. Je l’ai présenté et recommandé52 » –, le préfet ne le suit pas. Sous la monarchie de Juillet, Payan est plus heureux dans ses recommandations et parvient à faire nommer maire de la petite ville Jean-Jacques Terras en 1831. La famille Terras est totalement dévouée aux Payan. Jean-Louis, le frère de Jean-Jacques, était membre du comité de surveillance en l’an II et sa maison a servi de lieu de réunion pour le club politique en 1791.
L’impossible construction d’une dynastie républicaine
23Derrière la figure du notable rangé, rallié à l’Empire, et derrière celle de l’homme aux nombreuses amitiés aristocratiques sommeille celle d’un républicain prononcé qui n’a oublié ni la Révolution ni ses anciens compagnons de lutte. Reste qu’avec l’âge et le temps, Payan s’est peu à peu assagi, laissant place à un républicanisme, certes émoussé, mais bien vivace. En revanche, son fils Ernest emprunte un tout autre itinéraire qui le pousse peu à peu à renier la Révolution, à réécrire la trajectoire de sa famille et, partant, à redéfinir son identité.
Un volcan endormi
24Les expériences conjointes du 9 Thermidor et de la proscription marquent un tournant majeur dans le rapport que les Payan entretiennent avec la sphère politique. La disparition tragique d’un frère, la fin précipitée d’un père âgé, la solitude d’une veuve éplorée et la confiscation de leurs biens leur font perdre le goût de l’activisme. Après juillet 1794, ils ne sont plus que les fantômes des « volcaniques » Payan des premiers temps de la Révolution. Aussi, malgré leurs liens avec Marc-Antoine Jullien fils53, les Payan ne fréquentent pas Babeuf, ne s’abonnent pas à son journal le Tribun du peuple54, comme maints anciens cadres de l’an II, tels que Ricord55, et ne trempent pas dans la Conspiration des égaux en 1796, comme d’autres vieux routards d’un républicanisme conquérant, tels Antonelle ou Félix Lepeletier, leur évitant une nouvelle proscription. Jusqu’au coup d’État du 18 Brumaire, les Payan se tiennent prudemment à l’écart des nombreuses crises politiques qui ébranlent la capitale. Profondément affectés par le 9 Thermidor, les frères Payan se sont rangés. Joseph-François renoue avec la modération politique dans laquelle il se drapait dans sa jeunesse. Ainsi, bien que gardant une réelle et solide conscience républicaine, Payan se rallie à Bonaparte. Cette adhésion semble sincère. Si elle facilite certainement sa promotion professionnelle, elle reste motivée, comme pour maints autres contemporains, par le désir de refermer la page d’une République directoriale décevante, qui semble incontrôlable, pour commencer le chapitre d’une République consulaire plus séduisante : « Je lui ai dit que tu étais républicain prononcé […] que tu tenais à ce gouvernement parce qu’avec de l’esprit on ne peut tenir à l’anarchie56. » Si le volcan s’est endormi, Payan n’a pas renié ses principes républicains. S’ils sont extrêmement difficiles à percevoir, à une période où le pouvoir pourchasse l’opposition républicaine, certains indices, notamment les alliances matrimoniales, tendent à confirmer la survivance d’un républicanisme désormais intériorisé.
25Au début de l’Empire, Joseph-François est un célibataire endurci. Débordé par ses multiples fonctions administratives et happé par le tourbillon révolutionnaire, il n’a guère eu le temps ni l’opportunité de fonder une famille. Ainsi, Payan est presque quinquagénaire lorsqu’il songe, enfin, à prendre épouse. Dans un département où les notabilités sont nombreuses, Payan choisit Margueritte Sophie Melleret qu’il épouse le 10 mars 1809. Melleret n’est pas une inconnue. C’est la fille de son ancien ami, Jacques-Antoine Melleret, présidant le département de la Drôme en 1792-1793 lorsqu’il était procureur général syndic. Tout comme Payan, les Melleret sont des républicains prononcés, ayant beaucoup souffert de la réaction en 1795. Même les acteurs les plus secondaires de cette union, tels que les témoins de la procuration de Marthe Isoard, donnant son aval au mariage de son fils, sont choisis parmi le vivier républicain tricastin. Ce ne sont pas, comme c’est souvent l’usage, des voisins qui signent le document. En sollicitant Jean-Baptiste Chautard et de Charles Arnaud, Payan a sciemment mobilisé des anciens compagnons de lutte57. Par conséquent, ce mariage est aussi un acte politique : une véritable profession de foi à une période où les républicains sont cantonnés par le régime à « une survivance dans l’isolement58 ». Si Napoléon a court-circuité les réseaux républicains au début du Consulat, il n’est jamais parvenu à les réduire totalement au silence59.
26Ces solidarités républicaines se perçoivent également dans le choix des conjoints et conjointes d’au moins deux enfants de Joseph-François. Marthe Sophie, sa fille aînée, épouse ainsi en janvier 1831 Louis-François Blanchard, d’Alixan. Les Blanchard ne sont pas des étrangers. L’un des cousins du jeune marié, Romain Blanchard, a été élu au directoire de département de la Drôme en 1792 où il a côtoyé les Payan aux heures les plus sombres de l’été 1793. « Montagnard » convaincu, il accompagne Claude-François dans sa tentative de rallier le Gard et l’Ardèche à la Convention. Que dire, enfin, d’Ernest, épousant en janvier 1836, Pauline Faure, de Grignan ? Cette dernière apporte dans son trousseau un héritage républicain important. En effet, son grand-père, Laurent Faure (1736-1808), est un ami très proche des Payan. Ce notaire de Grignan, intégrant le département de la Drôme en novembre 1791, comme Joseph-François, est nommé l’un des deux commissaires drômois pour l’organisation de l’ex-Comtat au printemps 1792, puis est réélu administrateur du département en septembre60. Il soutient les Payan lors de la crise « fédéraliste » et, au printemps 1794, lorsque les deux frères sont assez proches du pouvoir central pour influer sur les nominations, c’est à lui que les représentants en mission pensent pour une place d’agent national. Sa proximité avec Maignet, son zèle dans la dénonciation des suspects à la Commission populaire d’Orange et ses liens avec les Payan lui valent le surnom de « Faure coupe-tête ». Ainsi, sur cinq mariages contractés, trois le sont, non seulement avec des rejetons de républicains convaincus, mais surtout avec les héritiers directs de trois des anciens collègues de Joseph-François. L’expérience collective des combats politiques des années 1792-1794 a façonné des liens d’amitié et de solidarité extrêmement forts entre de sincères républicains qui perdurent encore à une période où la République ne vit plus qu’à travers les souvenirs nostalgiques des vétérans de l’an II et les transmissions mémorielles intrafamiliales.
27Après son mariage en 1809, les indices concernant la sensibilité républicaine de Payan s’amenuisent. Son républicanisme se dilue-t-il dans un bonapartisme libéral et, plus largement, dans une sorte de syncrétisme politique dans lequel se retrouvent de nombreux survivants de la Révolution qui partagent une hostilité commune à l’égard des Bourbons61 ? Au printemps 1815, Payan s’engage ostensiblement en faveur de l’Empereur. Député à Paris par les électeurs de la Lozère, il intègre la délégation qui assiste à la cérémonie du champ de Mai, le 4 juin, et qui est présentée à Napoléon62. Après quoi le volcan s’assagit de nouveau.
28Sous la Restauration, Payan boude le régime dans la solitude de sa retraite campagnarde. S’il a déserté les assemblées électorales et l’activisme politique, il renoue avec les sociabilités associatives, à la fin de la Seconde Restauration, en s’insérant dans un tissu maçonnique valentinois en plein renouveau. Des libéraux, sous la houlette de Béranger, un ancien de la Sagesse, une loge datant du xviiie siècle, fondent le 29 mai 1829 une nouvelle loge, Isis63, à laquelle Joseph-François adhère. Payan a gardé très précieusement son certificat d’adhésion, seul document permettant de prouver son appartenance à cette loge éphémère, dont les noms n’ont pas été conservés. En effet, dès 1831, Isis cesse toute forme d’activité. Comme l’avait déjà évoqué Maurice Agulhon pour la fin du xviiie siècle64 – mais en sens inverse –, Payan, le clubiste assidu, a sans doute retrouvé dans la franc-maçonnerie des pratiques et des formes de sociabilité qui rappellent les beaux jours de la sociabilité politique révolutionnaire, dont il a été l’un des principaux animateurs départementaux et grâce à laquelle il s’est construit et affirmé65.
La Révolution reniée ou la double mort sociale de la famille Payan
29Après la révolution de Juillet, Joseph-François se montre extrêmement discret quant à ses prises de position politiques. S’il soutient le nouveau régime par détestation de la dynastie précédente, rien n’indique qu’il s’y rallie pleinement. Le septuagénaire ne laisse rien transparaître, contrairement à d’autres anciens révolutionnaires qui saisissent l’occasion offerte par la crise de 1830 pour réinvestir l’espace public et ressusciter l’esprit « Montagnard66 » à une période où l’idéal républicain subsiste toujours, quoique traversé de contradictions67. Ernest Payan, en revanche, se montre beaucoup plus loquace.
30Ernest tente de conquérir la quatrième circonscription de la Drôme – l’arrondissement de Romans – au cours des élections législatives de juillet 1842. Il affronte Paul-Émile Giraud, ex-maire de Romans et député depuis 1831, qui siège parmi la majorité soutenant le régime. Payan se présente sous la bannière du « progrès constitutionnel68 ». Adversaire résolu de la corruption, Ernest milite également pour l’élargissement du droit de vote, au cœur des débats de la décennie 1840 : « Il faut [y] faire participer un plus grand nombre de citoyens afin de les intéresser à soutenir des institutions qu’ils ont concouru à fonder. » Un tel positionnement situe Payan au centre-gauche de l’échiquier politique69, au sein d’une opposition qu’il revendique publiquement en affrontant le candidat du gouvernement. Si, comme maints députés du centre-gauche ou de la gauche dynastique qui gravitent autour de Thiers et d’Odilon-Barrot, Payan est favorable à un élargissement du cens, ce dernier ne peut advenir que par la réforme. C’est un point important du programme de Payan qui entend maintenir l’ordre social et politique : « Ennemi déclaré de tout bouleversement, ce n’est que par le progrès légal que je désire obtenir ces améliorations : le pays est fatigué des secousses et des perturbations. » Ainsi, pour consolider la respectabilité de sa famille, le notable doit étouffer le révolutionnaire et refouler les combats politiques de son père à un passé désormais révolu et presque inavouable. La campagne électorale de l’été 1842 est brève mais particulièrement virulente. Payan est violemment attaqué dans une brochure anonyme et réplique, sur le même ton et en maniant une ironie particulièrement mordante, dans sa Réponse d’un électeur bien-pensant à l’honorable électeur anonyme qui a publié la lettre du 5 juillet 1842, adressée aux électeurs de l’arrondissement de Romans70, où il s’attaque tout autant à son adversaire direct qu’au gouvernement. En dépit d’une campagne très agressive, Payan est battu, n’obtenant que 38 voix sur 424 votants71. Cet échec met temporairement un terme aux ambitions politiques des Payan.
31La révolution de 1848 doit sonner comme une douce mélodie aux oreilles du patriarche qui, presque nonagénaire, a le privilège d’assister à la renaissance de la République. Rattrapé par le poids des années, Joseph-François remet sa démission au commissaire du gouvernement le 14 mars 1848, non sans avoir célébré la République triomphante :
« Mon grand âge et l’altération de ma santé ne me permettant plus de diriger l’administration de la commune d’Alixan, je vous prie de recevoir ma démission […] et l’expression de ma vive sympathie et de mes vœux pour la gloire et la prospérité de la République que j’ai eu le bonheur de voir inaugurer pour la seconde fois dans ma longue carrière72. »
32Cette lettre est le dernier acte public de Joseph-François Payan, sur le point de quitter la scène. Avant que le rideau ne tombe sur l’ancien révolutionnaire, ce dernier a tout de même le temps d’assister à la mue idéologique de son fils. L’effondrement du régime de Juillet aiguise, de nouveau, les ambitions d’Ernest qui se présente, sans succès, aux élections législatives d’avril 1848. La Deuxième République est une charnière majeure dans la construction professionnelle et politique d’Ernest. Licencié en droit depuis 1831, Ernest souhaite obtenir une promotion rapide mais l’homme divise : « Sa position à Valence n’est pas bonne. Elle y a été mauvaise dès le premier jour73. » Ernest a surtout le défaut majeur de porter le nom de Payan-Dumoulin, avec toute la charge symbolique qu’il revêt et qui n’est pas oublié, presque soixante ans après la « Terreur » :
« Son nom rappelle, dans cette contrée, les excès révolutionnaires de 93 qui ont valu à sa famille une forte célébrité et il n’a pas su conquérir lui-même une suffisante estime pour le protéger contre ces mauvais souvenirs74. »
33Ainsi, lorsque grand bâtonnier de l’ordre des avocats de Valence, il brigue la place de procureur de la République, sa candidature fait grincer des dents : « Si donc il ne s’agissait pas de questions sérieuses, je croirais qu’on a voulu plaisanter en alléguant que sa nomination était une nécessité75. » Cependant, Ernest bénéficie d’appuis très importants à Valence, dont son ami l’orléaniste Joseph-Antoine Ferlay, maire de Valence de 1846 à 1849 et préfet de la Drôme à partir de 1849. Ce dernier appuie vivement Payan : « L’intérêt si vif que le préfet de la Drôme porte à la candidature de M. Payan s’explique suffisamment par leur ancienne intimité de palais et par leurs récentes relations d’affaires76. » Ainsi, les réseaux de Payan lui permettent d’obtenir gain de cause et d’être nommé procureur de Valence en octobre 1851. De l’aveu de certains magistrats, cette nomination « produisit une sorte de révolte morale77 » au sein du barreau.
34Est-ce également par l’entremise de ses amis – Ferlay préside le comité drômois de soutien à Louis-Napoléon Bonaparte pendant la campagne présidentielle de 1848 – que Payan opère une rapide mue politique ? Le procureur général de Grenoble résume parfaitement cette évolution :
« M. Payan, après avoir fait de l’opposition très vive sous la monarchie, a fait de la conservation sous la République. Depuis la révolution de février, sa tenue a été celle d’un homme d’ordre78. »
35Comme maints partisans de la gauche dynastique ou du centre-gauche du régime de Juillet, Payan glisse dans le parti de l’ordre par peur des revendications populaires et sociales79. Dans la Drôme, il est piloté par Ferlay qui cherche à rallier autour de lui tous les notables en pointant le péril « anarchique » et socialiste dans l’un des rares départements accordant une majorité républicaine aux élections législatives de 184980. Ernest est un acteur majeur du parti de l’ordre drômois. On comprend mieux pourquoi Ferlay a tellement appuyé sa promotion. En tant que procureur de la République, Payan seconde vigoureusement le préfet et déploie une intense activité judiciaire et répressive pour traquer les sociétés secrètes républicaines qui essaiment dans le Midi81. Dès lors, lorsqu’éclate l’insurrection républicaine de décembre 1851 contre le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, Ernest s’engage fermement du côté de la réaction. Comme d’autres départements méridionaux82, la Drôme s’embrase à l’annonce du coup de force. Du 5 au 21 décembre, les insurgés tentent, en vain, de s’emparer des principales villes du département, notamment Crest où les combats sont les plus virulents83. À partir du 11 décembre, les colonnes mobiles reprennent peu à peu le département en main et finissent par contenir l’insurrection. Investi de pouvoirs extraordinaires par le préfet, Payan réorganise les gardes civiques, procède à des destitutions de maires, qu’il remplace par des hommes sûrs, assure la distribution de cartouches aux autorités municipales résistantes, et procède à diverses arrestations. « C’est avec une faible escorte de quelques gendarmes que je me rendis dans ces diverses communes que par l’influence personnelle dont je jouis je parviens à calmer ces populations égarées, à leur faire déposer les armes et à éviter ainsi l’effusion du sang français84 », raconte Payan quelques années plus tard. Après avoir écrasé l’insurrection, il devient l’un des principaux artisans de la répression judiciaire qui s’abat sur le pays. En effet, Ernest intègre, en tant que procureur, la commission mixte qui entre en activité le 9 février 1852. Composée du préfet Ferlay, du général Lapène, à qui Ferlay avait déjà confié le commandement de la Drôme en état de siège à partir de juin 1849, et de Payan, la commission examine en quinze jours plus de 1 600 dossiers, sans entendre ni suspects, ni témoins, ni défenseurs. Plus de 500 prévenus sont déportés en Guyane ou en Algérie85. Payan fait preuve d’un zèle particulièrement décrié en se montrant « d’une sévérité outrée86 » qui amplifie l’animosité d’une partie de l’opinion publique à l’encontre du procureur. Au-delà de motivations politiques ou sociales, cet excès de rigueur ne viserait-il pas également à estomper définitivement l’image de « terroriste » qui lui colle encore à la peau ? En réprimant une nouvelle révolution, Ernest abjure l’héritage paternel et entend donner à sa famille la dernière touche de respectabilité que son patrimoine ou son crédit social ne pouvaient lui conférer. Aux yeux des notables réactionnaires, les Payan ont fait peau neuve. Mais à quel prix ?
36Comment Joseph-François, l’ex-« Montagnard », appréhende-t-il cette évolution ? Aucune source ne permet, hélas, de préciser si le glissement idéologique de son fils altère leurs relations. Au moment où Joseph-François tire sa révérence, le 20 mai 1852, Ernest a parachevé sa mue bonapartiste. Chaudement félicité par le prince-président, lors de sa venue à Valence en septembre 1852, pour le zèle dont il a fait preuve, Ernest accueille avec enthousiasme la restauration de l’Empire. Dès lors, il peut réécrire la trajectoire familiale en gommant le passé révolutionnaire de son père et en forgeant le mythe d’une famille bonapartiste de la première heure. Jusqu’à la chute du Second Empire, Ernest motive chaque demande de promotion par l’indéfectible dévouement à la dynastie impériale que lui aurait transmis Joseph-François : « C’est un sentiment que m’a légué mon père, ancien attaché au secrétariat de Napoléon Ier et fonctionnaire supérieur du Premier Empire, j’ai transmis à mes trois fils cet héritage de fidélité à la famille impériale87. » Cependant, les sollicitations ne sont guère couronnées de succès. Du reste, le rôle d’Ernest dans les événements de 1851-1852 a dramatiquement terni l’image de la famille. En premier lieu, il semble parfaitement impossible de faire oublier le passé « terroriste » des Payan :
« On se souvient que deux de ses proches avaient joué un triste rôle dans les mauvais jours de 1793 […]. Rien de tout cela n’est oublié ni ne peut s’oublier à Valence et se ravive au contraire à la moindre faute. On ne peut dégager le nom du procureur impérial du souvenir qu’il rappelle, de la malheureuse célébrité qui s’y rattache88. »
37Pour les républicains et l’opinion publique, choquée par la sévérité des répressions de 1852, la participation d’Ernest à la commission mixte est une flétrissure impardonnable. Payan le confesse lui-même : « Le parti démagogique m’a pris en exécration89. » Porter le patronyme de Payan-Dumoulin est, désormais, doublement préjudiciable dans un département où Ernest fait presque l’unanimité contre lui. L’homme est tellement haï qu’il est muté à Moulins dès 185490. Jusqu’à sa retraite, sa carrière est fortement ralentie par la double infamie qui souille son nom. Pour de nombreux contemporains, les Payan sont morts deux fois.
38Derrière la vitrine « Montagnarde » que laisse présupposer un itinéraire républicain sans fausse note, la réalité est plus nuancée. En dépit de la survivance d’une réelle conscience républicaine, quoique émoussée et fortement intériorisée après le 9 Thermidor, Joseph-François est un être complexe, pluriel, à l’image de la Révolution française. Ses diverses expériences politiques, sociales et intimes montrent finalement que, non seulement la Révolution ne provoque pas toujours de ruptures majeures dans le tissu familial ou amical mais, qu’en outre, cette décennie, intensément et collectivement vécue, crée des conditions propices à forger de nouvelles amitiés qui survivent même à un événement aussi dramatique que le 9 Thermidor. En somme, l’intérêt de la famille et la vigueur des amitiés, aristocratiques ou révolutionnaires, transcendent les antagonismes politiques et autorisent le dialogue et l’entre-aide aux heures les plus sombres de la période. Voilà de quoi rassurer Saint-Just : « L’amitié [ne] s’est [pas] envolée de la Terre91. » Ainsi, l’un des secrets de la résilience de Payan réside dans la multiplicité de ses appartenances, lui permettant de naviguer, tour à tour, entre milieux royalistes, républicains, bonapartistes, notables de province ou élites parisiennes, sans toutefois jamais renier ses propres convictions, au gré des nombreux bouleversements politiques qui broient les individus sans ressources. De la ressource, Payan n’en manque assurément pas. Elle lui permet de négocier une sortie honorable de la Révolution, sans trop d’accrocs et de se fondre aisément dans le nouveau moule forgé par le Consulat et l’Empire. Si Joseph-François a su habilement donner le change, sans ramper devant tous les régimes, il échoue, néanmoins, à perpétuer l’idée républicaine et à fonder une dynastie politique de la même trempe que celle des Carnot. Peut-être est-ce là le prix à payer pour laver un passé « terroriste » qui marque les Payan du sceau de l’infamie ? Ce sacrifice, Ernest Payan n’hésite pas à le consentir. Pour réintégrer pleinement le concert des notables drômois, Ernest renie, en vain, la République, la Révolution et, partant, le legs politique de son père tout en réécrivant la trajectoire de sa famille en lui affublant une identité bonapartiste surjouée.
Notes de bas de page
1Muxel Anne, « Une histoire exemplaire : obstinations et nouveautés dans la transmission d’une tradition politique familiale », Pouvoirs-Revue française d’études constitutionnelles et politiques, no 42, 1987, p. 73-93.
2Coenen-Huther Josette, Kellerhals Jean et Allmen Malik von (dir.), Les réseaux de solidarité dans la famille, Lausanne, Éditions Réalités sociales, 1994.
3Burguière André, « Les sciences sociales et la notion de solidarité familiale : un commentaire d’historien », in Danielle Debordeaux et Pierre Strobel (dir.), Les solidarités familiales en questions. Entraide et transmission, op. cit., p. 19-35.
4Biard Michel, 1793. Le siège de Lyon entre mythes et réalités, Paris, Lemme, 2013.
5AD 26, 356 J 131, lettre du chevalier de Lestang, 9 mars 1794.
6Ibid., lettre du 8 décembre 1793.
7Sottocasa Valérie, Les brigands. Criminalité et protestation politique 1750-1850, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2013 ; Les brigands et la Révolution. Violences politiques et criminalité dans le Midi (1789-1802), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016.
8Après avoir pris la tête du troisième camp de Jalès en juillet 1792, cet agent de la contre-révolution envisage de soulever le Midi. Son épopée se termine aux Vans où il est mis en pièces par la population.
9AD 26, L 39, 7e cahier de Joseph-François Payan, fo 22.
10AD 26, L 111, correspondance du procureur général syndic, 18 décembre 1792.
11AD 26, L 42, délibération du département, 8 février 1793.
12AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, 102 Fi 173-10, notes à transmettre à M. de Coston, auteur de l’histoire de Montélimar, mai 1887.
13Ibid.
14AD 26, 356 J 128, lettre de Marthe Isoard à Joseph-François Payan, 23 septembre 1797.
15Ibid.
16AD 26, 356 J 127, lettres de Joseph-François à d’Audiffret, 13 et 25 février 1802.
17Ibid., lettre de Casimir d’Audiffret à Joseph-François, 13 octobre 1801.
18Ibid., lettre de Joseph-François à Joseph-Paul-François d’Audiffret, 13 février 1802.
19Ibid., lettre de Joseph-Paul-François d’Audiffret à Joseph-François, 18 septembre 1802.
20Ibid., lettre de Casimir d’Audiffret à Joseph-François, 13 octobre 1801.
21Les ruptures de solidarités familiales sont finalement assez rares pendant la décennie révolutionnaire : Daumas Philippe, Des trésors d’amitié de la Renaissance aux Lumières, op. cit, p. 253-258.
22AD 26, 356 J 127, lettre de Félix d’Audiffret à Joseph-François, 24 septembre 1808.
23Ibid., lettre de Delarue à Joseph-François, 14 décembre 1808.
24Ibid., lettre de Joseph-François à Delarue, 21 décembre 1808.
25Ibid., lettre de Félix d’Audiffret à Joseph-François, 8 février 1809.
26BM Avignon, ms 5282, comité de surveillance d’Orange, dénonciations, 24 prairial an II.
27Bonnel Siméon, Les 332 victimes de la Commission populaire d’Orange en 1794 d’après des documents officiels, Carpentras, Tourette, 1888 t. I, p. 181-182.
28AD 26, 356 J 131, lettre de Gabriel-Prosper Chièze à Joseph-François Payan, 17 pluviôse an IX.
29Simonin Anne, « Les acquittés de la Grande Terreur. Réflexions sur l’amitié dans la République », in Michel Biard (dir.), Les politiques de la Terreur 1793-1794, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2008, p. 183-205.
30AD 26, 356 J 241, lettre du comte de Gruel-Gruyère à Payan, non datée.
31Beaupré Nicolas et Rance Karine (dir.), Arrachés et déplacés. Réfugiés politiques, prisonniers de guerre, déportés, 1789-1918, Clermont-Ferrand, Presses de l’université Blaise-Pascal, 2016.
32AD 26, 356 J 241, lettre du comte de Gruel-Gruyère à Payan, non datée.
33Ibid.
34Green Nancy et Weil Patrick (dir.), Citoyenneté et émigration. Les politiques du départ, Paris, Éditions de l’EHESS, 2006.
35AD 26, 356 J 131, lettre de Gabriel-Prosper de Chièze à Joseph-François Payan, 12 novembre 1808.
36AD 26, 356 J 128, lettre de Marthe Isoard à Joseph-François Payan, sans date, mais probablement de 1798.
37AD 26, 356 J 241, lettre de la comtesse de Grignan à Joseph-François Payan, 16 novembre 1797.
38AD 26, 356 J 241, lettre de Mlle de Lorimier de Chamilly à Joseph-François Payan, 10 pluviose an VII. Toutes les lettres écrites sont codées pour déjouer la surveillance des autorités. Ces lettres sont particulièrement complexes à déchiffrer et à interpréter. Les correspondants utilisent des pseudonymes qui sont, la plupart du temps, impossibles à percer. Magister est le nom de code utilisé pour le comte de Gruel-Gruyère.
39Le Quang Jeanne-Laure, Haute police, surveillance politique et contrôle social sous le consulat et le Premier Empire (1799-1814), thèse d’histoire sous la dir. de Pierre Serna, Paris Panthéon-Sorbonne, 2018.
40Après l’explosion de la machine infernale, Bonaparte fit, dans un premier temps, arrêter une centaine de républicains prononcés pour se débarrasser d’opposants notoires puis, frappa les milieux royalistes, Lentz Thierry, Le grand Consulat, 1799-1804, Paris, Fayard, 1999, p. 268-271.
41Bertaud Jean-Paul, Les royalistes et Napoléon, 1799-1816, Paris, Flammarion, 2009, p. 81-97.
42AD 26, 356 J 131, lettre de Gabriel-Prosper de Chièze à Joseph-François Payan, 3 avril 1801.
43AD 26, 356 J 241, lettre de Mlle de Lorimier de Chamilly à Joseph-François Payan, 8 mars 1801.
44AD 26, 356 J 134, lettre d’Henri d’Urre à Joseph-François, 12 avril 1798 ou 1799.
45AD 26, 356 J 131, lettre de Barruel-Beauvert à Joseph-François Payan, 4 septembre 1814.
46Bodinier Bernard et Teyssier Éric, « L’événement le plus important de la Révolution » : la vente des biens nationaux (1789-1867) en France et dans les territoires annexés, Paris, Société des études robespierristes/CTHS, 2000.
47AD 26, Q 386, arrêt du conseil de préfecture de la Drôme, 23 janvier 1828.
48AD 26, 356 J 131, lettre de Gabriel-Prosper de Chièze à Joseph-François Payan, 4 octobre 1820.
49Ibid, 19 pluviôse an IX.
50Amitiés. Anthropologie et histoire, textes rassemblés et présentés par Georges Ravis-Giordani, Aix-en-Provence, Presses de l’université de Provence, 1999, p. 14.
51AD 26, 356 J 128, lettre de Marthe Isoard à Joseph-François Payan, 8 février 1799.
52AD 26, 356 J 135, lettre de Gaud-Roussillac à Joseph-François Payan, 26 novembre 1812.
53Daline Victor, « Marc-Antoine Jullien après le 9 Thermidor », AHRF, no 180, 1965/2, p. 187-192.
54AN, F7 4278, liste des abonnés au Tribun du peuple, an IV.
55Froeschlé-Chopard Marie-Hélène et Froeschlé Michel (dir.), La République à visage humain. Jean-François Ricord, maire de Grasse, conventionnel, représentant en mission, Nice, Serre, 2019, p. 262.
56AD 26, 356 J 131, lettre de Gabriel-Prosper de Chièze à Joseph-François Payan, 17 pluviôse an IX.
57AD 26, 2E 6505, procuration de mariage, 25 février 1809.
58Petiteau Natalie, Les Français et l’Empire (1799-1815), Paris, La Boutique de l’histoire/Éditions universitaires d’Avignon, 2008, p. 121.
59Peyrard Christine, « La conspiration du Midi : une conjuration républicaine ? », in Christine Peyrard, Francis Pomponi et Michel Vovelle (dir.), L’administration napoléonienne en Europe, adhésions et résistances, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2008, p. 149-158 ; Petiteau Natalie, « Les fidélités républicaines sous le Consulat et l’Empire », AHRF, no 346, 2006/4, p. 59-74.
60Nous tenons à exprimer notre gratitude à Guy Vallet qui a mis à notre disposition de précieuses ressources généalogiques.
61Soulas Nicolas, « Sédimentation des expériences politiques et séquelles postrévolutionnaires : les Cent-Jours dans le couloir rhodanien », Parlement[s], revue d’histoire politique, no 27, mars 2018, p. 165-178.
62AN, F/1CIII/Lozère/3, liste des membres composant la délégation de la Lozère, 15 mai 1815.
63Poret Jean-Pierre, La franc-maçonnerie en Drôme-Ardèche. Histoire inédite des loges et des personnes qui ont introduit, développé ou combattu la franc-maçonnerie dans notre région, Valence, Éditions E & R, 1999, p. 126.
64Agulhon Maurice, Pénitents et francs-maçons de l’ancienne Provence, Paris, Fayard, 1968.
65Beaurepaire Pierre-Yves, « La sociabilité maçonnique à l’heure des notables et des capacités. Jalons pour l’étude d’une mutation décisive », in Hervé Leuwers, Jean-Paul Barrière et Bernard Lefebvre, Élites et sociabilité au xixe siècle. Héritages, identités, Villeneuve-d’Ascq, Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, 2001, p. 33-50.
66Luzzatto Sergio, Bonbon Robespierre. La Terreur à visage humain, op. cit., p. 132.
67Caron Jean-Claude, « Être républicain en Monarchie (1830-1835) : la gestion des paradoxes », in Patrick Harismendy (dir.), La France des années 1830 et l’esprit de réforme, actes du colloque de Rennes (6-7 octobre 2005) organisé par le CRHISCO et le Centre d’histoire du xixe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2006, p. 31-40.
68AD 26, 356 J 201, mélanges Ernest Payan, profession de foi du 19 juin 1842. Les citations suivantes proviennent de la même source.
69Tudescq André-Jean, Les grands notables en France (1840-1849). Étude historique d’une psychologie sociale, op. cit., p. 731.
70AD 26, 356 J 201, Mélanges Ernest Payan, Réponse d’un électeur bien-pensant à l’honorable électeur anonyme qui a publié la lettre du 5 juillet 1842, adressée aux électeurs de l’arrondissement de Romans, 7 juillet 1842.
71AD 26, 3 M 194, procès-verbal des élections des 9-10 juillet 1842.
72Rochas Adolphee, Journal d’un bourgeois de Valence, t. II, op. cit., p. 228.
73AN, BB/6(II)/326, dossier Ernest Payan, lettre du procureur général de la cour d’appel de Grenoble au garde des Sceaux, 10 août 1854.
74Ibid., lettre du président de la cour d’appel de Grenoble au garde des Sceaux, 22 janvier 1862.
75Ibid., lettre du procureur général de la cour d’appel de Grenoble au garde des Sceaux, 18 avril 1851.
76Ibid., Ferlay se livre à diverses affaires spéculatives louches comme la liquidation de la banque valentinoise Société industrielle.
77Ibid., lettre du procureur général de la cour d’appel de Grenoble au garde des Sceaux, 22 janvier 1862.
78Ibid., lettre du procureur général de la cour d’appel de Grenoble au garde des Sceaux, 18 avril 1851.
79Agulhon Maurice, 1848 ou l’apprentissage de la République 1848-1852, Paris, Seuil, 1973, p. 114-125.
80Vigier Philippe, La seconde République dans la région alpine, Paris, Presses universitaires de France, 1963.
81Huard Raymond, « Une structure politique ambigüe : les sociétés secrètes quarante-huitardes dans le Midi de la France », in Michelle Tilloy, Gabriel Audisio et Jacques Chiffoleau (dir.), Histoire et clandestinité du Moyen Âge à la Première Guerre mondiale, Albi, Ateliers professionnels de l’OS, 1979, p. 353-370.
82Agulhon Maurice, La République au village. Les populations du Var de la Révolution à la Seconde République, Paris, Plon, 1970.
83Serre Robert, 1851. Dix mille Drômois se révoltent. L’insurrection pour la République démocratique et sociale, Valence, Éditions Peuple libre/Notre Temps, 2003.
84AN, BB/6(II)/326, dossier Ernest Payan, lettre de Payan au garde des Sceaux, 7 janvier 1854.
85Serre Robert, 1851. Dix mille Drômois se révoltent…, op. cit., p. 264-265.
86AN, BB/6(II)/326, dossier Ernest Payan, lettre du président de la cour d’appel d’Aix au garde des Sceaux, 27 août 1871.
87Ibid., lettre de Payan au garde des Sceaux, 7 janvier 1870.
88Ibid., lettre du président de la cour de Grenoble, 10 août 1854.
89Ibid., lettre de Payan au garde des Sceaux, 7 janvier 1854.
90Il poursuit sa carrière de procureur jusqu’en 1859 puis est nommé président du tribunal du Puy-en-Velay de 1859 à 1863. Enfin, il termine sa carrière comme conseiller au tribunal de cassation d’Aix. Déchu en janvier 1871 par le décret Crémieux qui sanctionne tous les magistrats ayant siégé dans une commission mixte, il est réintégré en mars 1871 et est mis en retraite en 1878.
91Saint-Just, discours du 9 Thermidor, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 2004, p. 777.

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