Chapitre VII. Vingt jours en thermidor ou la chute de la maison Payan
p. 211-238
Texte intégral
1Au faîte de leur puissance en juin 1794, les Payan sont impitoyablement balayés par la lame de fond thermidorienne qui emporte l’édifice « robespierriste » un mois plus tard. Si rien ne laisse augurer une chute aussi soudaine que brutale, les semaines qui précèdent le 27 juillet 1794 creusent le fossé entre le projet utopique d’une République vertueuse, professé par les Payan, Robespierre et ses proches, et la réalité du terrain, dans une arène politique parisienne gagnée par la lassitude et le « modérantisme », tandis qu’une opposition à la personnalité de Robespierre se fait jour. En refusant de déroger à l’idéal politique qui les anime, les Payan – Claude-François surtout – s’enferment au sein de la nébuleuse robespierriste qui les isole et les coupe du soutien de nombreux acteurs politiques. Pour la première fois depuis le début de la Révolution, les Payan se retrouvent sans siège lorsque la musique s’arrête au petit matin du 10 thermidor. Du jour au lendemain, les « sauveurs du Midi » sont érigés en « infâmes Payan » tandis que le glaive des Conventionnels frappe impitoyablement leurs affidés dans les départements méridionaux.
Thermidor
Payan ou les malheurs de la vertu (républicaine)
2Au début de l’été 1794, une fronde hétéroclite s’affirme au sein de la Convention. Ce sont d’abord des « terroristes » zélés, tels que Tallien, Fouché ou Carrier, que Robespierre a dénoncés et qu’il a contribué à faire rappeler à Paris. S’ils craignent pour leur vie, ils disposent toutefois d’un réseau important de soutiens qu’ils commencent à mobiliser. Les dissensions atteignent également les comités de gouvernement. À l’exception de Le Bas, et de quelques indécis, les membres du Comité de sûreté générale font preuve d’une réelle hostilité envers Robespierre et ses principaux soutiens, Couthon ou Saint-Just, sur fond de rivalités interpersonnelles et institutionnelles. Enfin, au sein même du Comité de salut public, Robespierre doit faire face à l’animosité grandissante d’une partie de ses collègues qui récusent le culte de l’Être suprême, tels que Carnot, ou qui jalousent et craignent son influence personnelle, tels que Billaud-Varenne ou Collot d’Herbois1.
3C’est dans ce contexte trouble que surgit l’affaire Catherine Théot. Le 15 juin, Vadier annonce à la Convention l’arrestation de Catherine Théot, une prophétesse se faisant appeler la « mère de Dieu », entourée de disciples, parmi lesquels se trouvent des personnalités protégées par Robespierre, telles que l’ex-Constituant Dom Gerle. Si Vadier n’incrimine jamais directement Robespierre dans son rapport, ses multiples allusions insistant sur les liens supposés entre Robespierre et Catherine Théot sont parfaitement comprises par les Conventionnels. Derrière la fable Théot, c’est le « pontife » Robespierre, promoteur d’un nouveau culte civique, critiqué par certains Conventionnels, qui est, en réalité, violemment attaqué. Ainsi, vers la fin du mois de juin 1794, le rapport de force change brusquement et Robespierre semble perdre la bataille de l’opinion publique au moment où il ne fréquente presque plus la Convention et le Comité de salut public.
4Si Robespierre s’isole, il peut néanmoins compter sur le soutien de ses plus fidèles partisans, dont Claude-François Payan qui figure parmi les plus fervents défenseurs du Conventionnel. Au plus fort de la tourmente « anti-robespierriste », Claude-François encourage son ami et mentor politique à agir avec fermeté. Les thermidoriens – Courtois en tête – ont voulu y voir la preuve évidente de la culpabilité de Robespierre et de ses affidés et, surtout, la préméditation du coup de force tenté par la Commune de Paris le 9 Thermidor. Payan suggère de contre-attaquer immédiatement depuis le Comité de salut public en produisant un nouveau rapport qui désavouerait celui de Vadier et, par la même, le Comité de sûreté générale. Après avoir dénoncé la « jalousie et la petitesse des hommes qui composent le Comité de sûreté générale2 », Payan se livre à une furieuse charge contre Amar, avec lequel il a un temps sympathisé et à qui il reproche, à présent, ses écarts de conduite et ses relations avec les ex-hébertistes ou les milieux d’affaires troubles :
« Il ne vit que Chabot et l’argent qu’il avait volé, il oublia les conspirations précédentes ; il n’embrassa ni la France, ni la révolution, ni l’avenir ; il ne vit rien en législateur, et le fil qui unissait les conspirations de Chabot et de Brissot, échappa à sa vue débile et peu exercée3. »
5Ce portrait à charge est aux antipodes mêmes du modèle républicain défendu par Payan qui ne pardonne pas à ceux qui dérogent à l’idéal d’une République vertueuse et aux valeurs qui la sous-tendent. Au-delà même des rivalités personnelles ou des querelles de chapelle, il existe un monde entre les conceptions politiques d’Amar et celles de Payan, et, partant, de Robespierre.
6Outre la reprise en main du Comité de sûreté générale, Payan pousse Robespierre à « frapper les auteurs, les imprimeurs, les journalistes […] qui ont profité de cette circonstance [l’affaire Catherine Théot] pour défigurer la fête à l’être suprême4 » et liquider les Conventionnels qui animent la fronde contre Robespierre, tels que l’intrigant Léonard Bourdon. Dans l’esprit de Payan, ces nouvelles purges ne visent nullement à préparer la dictature de Robespierre, comme les thermidoriens l’affirment par la suite, mais doivent permettre d’écarter les êtres indignes qui entravent la concrétisation de l’union de la République et de la vertu, telle que la conçoit Robespierre. Tant que ces individus le corrompent ou le dénaturent, cet idéal politique est condamné à demeurer une chimère. Si Robespierre partage ces idées5, les conseils énergiques de Payan ne sont guère suivis d’effets. Pouvaient-ils l’être, cependant, dans une conjoncture politique devenue totalement défavorable à l’« incorruptible » ?
7De la Commune de Paris, Payan mesure également le fossé idéologique qui le sépare de la majeure partie des acteurs locaux. Les tensions autour des « banquets fraternels » amplifient son incompréhension du théâtre parisien tandis que sa rigidité, ses conceptions martiales de la vie politique et sa fidélité sans faille à Robespierre concourent à l’enfermer un peu plus dans un républicanisme abstrait et rigoriste, incompris et rejeté par de nombreux Parisiens. Afin de célébrer les succès militaires qui accompagnent la bataille de Fleurus (26 juin), des banquets, réunissant cadres sectionnaires ou simples habitants, se multiplient dans les différents quartiers de la capitale dans les premières semaines de juillet, conjuguant sociabilité de proximité et militantisme politique6. Alors que le Gouvernement révolutionnaire tente de contrôler les sections en canalisant ses initiatives, la multiplication de banquets au cours desquels « sans-culottes » et modérés fraternisent ne pouvait qu’irriter les comités de gouvernement – encore que Barère se montre, une fois encore, des plus ambigus – au moment où les cercles modérés tentent de rouvrir le débat sur l’application de la Constitution de 1793. Dans un premier temps, le gouvernement et la Commune de Paris louent les bonnes intentions des participants. À en croire Rosalie Jullien, Claude-François Payan lui aurait avoué « que chaque rue, chaque quartier [lui] avaient présenté le tableau le plus pittoresque et le plus fraternel sans que rien d’impur ni de grossier ne choque ni l’ouïe, ni l’esprit, ni la vue, ni le cœur7 ». Cependant, ces banquets sont rapidement dénoncés par un pouvoir se méfiant de manifestations festives qui menacent clairement de saper son autorité. En effet, ces soupers patriotiques constituent un véritable relâchement de la discipline imposée par les politiques de la « Terreur » tandis que leur caractère égalitaire, n’échappant à aucun contemporain, ébranle la cohésion nationale, du moins telle qu’elle est pensée par les « Montagnards ». Profitant de la nouvelle fenêtre offerte par ces « banquets fraternels », riches ou pauvres, maîtres ou domestiques – comme le note Payan avec ironie –, privés d’assemblées citoyennes ou désireux d’échapper au carcan d’institutions sectionnaires aseptisées, se retrouvent le temps d’un repas. La parole se libère au cours d’une démonstration de masse qui redonne ses lettres de noblesse à la fraternité révolutionnaire tout autant qu’elle défie, à la lumière des chandelles, la politique de salut public.
8Payan alerte le Comité de salut public sur les « banquets fraternels » dans ses rapports des 26, 27, et 28 messidor (14-15-16 juillet) tandis qu’il les dénonce violemment au conseil général de la Commune lors de la séance du 27 messidor (15 juillet) :
« Quel est celui de vous qui, après avoir bu à la santé de la République avec les modérés, les dénoncera le lendemain avec autant de courage ? […] Ce n’est que lorsque l’aristocratie tout entière sera descendue au cercueil qu’il [le peuple] goûtera toutes les douceurs de l’égalité8. »
9Payan ne peut admettre aucun égarement de la part des Parisiens ni aucune rupture de discipline, pas plus qu’il ne peut tolérer les aspirations des militants à un assouplissement du Gouvernement révolutionnaire alors que la guerre se poursuit. Reprenant les arguments de Claude-François, Barère et Robespierre dénoncent ces soupers fraternels à la barre de la Convention et au club des Jacobins. Après dix jours de flottement et de bouffées d’oxygène démocratiques, le mouvement des banquets est brisé le 29 messidor (17 juillet). Payan, l’inflexible agent national de la Commune de Paris, s’est une fois de plus heurté, avec succès, aux militants parisiens mais son impopularité n’a sans doute jamais été aussi forte. Prisonnier de ses certitudes et de chimères politiques qui l’aveuglent et le coupent des réalités, l’agent national se drape dans une stricte et rigide application de la politique de salut public qui l’isole de plus en plus.
10Le mécontentement social, inhérent à la crise des subsistances, devenue endémique à Paris, et l’inégale application du maximum des prix dans la capitale, atteint son paroxysme le 5 thermidor (23 juillet) lorsque la Commune de Paris annonce une révision à la baisse des salaires qui plonge les Parisiens dans une grande consternation9. Depuis son entrée en fonction, Payan et ses collaborateurs de l’administration de police se sont déjà opposés, avec fermeté, aux doléances salariales, comme en floréal an II, lorsque cinq râpeurs de la manufacture de tabac Robillard sont décrétés d’arrestation pour briser le mouvement contestataire10. La fermeté de Payan ne fait pas l’unanimité au conseil. Certains édiles s’émeuvent et tentent de faire amender le réquisitoire mais l’agent national se montre, comme à son habitude, inflexible11. Malgré cette sévérité, l’agitation sociale reste particulièrement forte dans une ville où la question salariale mobilise de nombreux acteurs tout au long du premier semestre 179412. Hanriot reçoit des lettres injurieuses lui reprochant notamment les diverses privations13. C’est dire l’atmosphère explosive de cet été 1794.
11Si toutes ces frictions ne suffisent évidemment pas à expliquer la défaite de la Commune le 9 Thermidor, elles la rendent possible. Il reste à comprendre comment le jeune agent national organise la résistance au coup de force parlementaire, déployant une telle énergie qu’il éclipse pour la première – et unique – fois son mentor politique.
La fratrie Payan à l’épreuve du 9 Thermidor
12Après des semaines de tension, le drame se noue le 8 thermidor (26 juillet). Alors que sur les bancs de la Convention se dessine déjà un semblant d’alliance entre les députés de la Plaine, tels Boissy d’Anglas ou Durand-Maillane, et les principaux adversaires de Robespierre, Tallien et Fouché en tête, Robespierre réapparaît à la Convention après une longue absence. Dans un discours extrêmement critique, visant à se défendre des nombreux traits que lui décochent ses détracteurs depuis un mois, Robespierre fustige ses principaux opposants, sans toujours citer ceux qu’il dénonce, à l’instar de Fouché ou de Tallien, mais qui comprennent parfaitement qu’ils sont visés. Les députés hostiles à Robespierre parviennent à s’imposer. Malgré ce premier échec, Robespierre garde l’avantage au club des Jacobins où il se fait acclamer et, surtout, où ses partisans s’imposent et parviennent à faire exclure Billaud-Varenne et Collot d’Herbois que Robespierre tance maladroitement, au lieu de les rallier à lui. Les ponts sont désormais rompus entre Robespierre et ses collègues du Comité de salut public qui grossissent la fronde de Conventionnels qui lui sont hostiles.
13La suite est bien connue et a fait couler autant d’encre que la répression qui accompagne la chute de Robespierre a fait couler de sang. Par conséquent, il ne s’agira pas tant moins de proposer une nouvelle lecture du 9 thermidor an II que de l’appréhender au prisme de la trajectoire des frères Payan afin de comprendre comment ces stratèges chevronnés, rompus à la gestion de crises politiques et aux logiques insurrectionnelles, tentent de réinvestir les compétences acquises de leurs expériences conflictuelles passées – qui font d’ailleurs très clairement défaut aux Conventionnels proscrits – pour résister au coup de force parlementaire. En outre, contrairement à la fratrie Robespierre, partageant le même sort les 9 et 10 thermidor, la crise du 27 juillet 1794 se double d’une véritable déchirure familiale chez les Payan. Ce soir-là, le binôme, si efficace lors des conflits politiques précédents, ne fonctionne plus : les deux frères empruntent, pour la première fois, des itinéraires complètement opposés. Alors que Joseph-François choisit prudemment de se tenir à l’écart de l’insurrection, son frère cadet en prend la tête à la Commune.
14Le piège se referme sur Robespierre au matin du 27 juillet. Au cours d’une séance au ton très romain où le tragique le dispute au grotesque, les Conventionnels renversent « le tyran » en le réduisant au silence et en décrétant son arrestation ainsi que celle de Saint-Just, Couthon tandis que Le Bas et Augustin Robespierre demandent à partager leur sort. Les Conventionnels déchus sont conduits dans les différentes prisons de la ville en milieu d’après-midi. Cependant, d’autres intimes et proches collaborateurs des députés arrêtés ne sont pas compris dans cette première purge, dont le maire de Paris, Fleuriot-Lescot, et les frères Payan. Les passes d’armes qui ont émaillé les séances à la Convention et au club des Jacobins le 8 thermidor mettent les principaux partisans de Robespierre aux abois. Une précieuse lettre écrite au matin du 9 Thermidor par le drômois Legracieux14 et adressée à la société politique de Paul-lès-Fontaines rend parfaitement compte de l’ambiance de cette journée particulière et de l’état d’esprit de ceux qui sont restés fidèles aux Conventionnels destitués. Après avoir dénoncé une nouvelle « faction de l’étranger », incarnée par des « hommes aussi corrompus qu’eux15 mais bien plus dangereux », Legracieux dévoilent aux clubistes tricastins les virulentes attaques contre Robespierre :
« Vous avez vomi sur le surveillant Robespierre l’épithète infâme et rouillé de dictateur quand vous n’ignorez pas qu’il n’exerçait sur tous les amis de la liberté que l’influence morale de l’homme de bien, celle qui dirige d’une main sûre leur opinion vers le salut de la patrie16. »
15Si les partisans de Robespierre n’envisagent pas un coup de force ou une nouvelle journée révolutionnaire, ils ont conscience que les masques sont tombés et que se joue, dans les heures à venir, la lutte décisive qui doit rétablir l’équilibre politique. Si la Convention est devenue hostile à Robespierre, ses partisans entendent poursuivre le combat depuis le club des Jacobins où ils dominent encore. Par conséquent, rien n’est joué, c’est la bataille de l’opinion qui consacrera le vainqueur :
« Ce soir, le grand ordre du jour dans la séance extraordinaire des Jacobins, c’est la conspiration actuelle. Ce soir et jours suivants, c’est guerre à mort contre les conspirateurs, ce soir et jours suivants, c’est le triomphe de la République, de la liberté et de l’égalité, la haine des tyrans et la juste vengeance contre ceux qui trahissent17. »
16Ce discours martial très convenu vise non moins à justifier la préparation d’un éventuel coup de force qu’à délégitimer, selon une rhétorique partisane éprouvée, l’offensive antirobespierriste du 8 thermidor et, surtout, à rechercher le soutien de l’opinion publique drômoise. Joseph-François Payan, patron de Legracieux à la Commission exécutive, ajoute une note lapidaire et menaçante : « Voici la vérité. Malheur à qui ne veut pas l’entendre18. » En signant la lettre, Payan ne se contente pas d’apporter sa caution politique, il lui confère la légitimité qui lui manquait.
17Si Claude-François partage le même positionnement politique que son frère, il vit d’une tout autre manière le drame sur le point de se nouer. Au soir du 8 thermidor, l’agent national est au théâtre de l’Égalité, avec son vieux complice Fourcade, pour contrôler la pièce Nanine, de Voltaire19. Après une longue soirée de travail, Payan se couche tard, comme à son habitude. Au petit matin du 9 Thermidor, il est convoqué avec Fleuriot-Lescot vers les 6 heures dans les bureaux du Comité de salut public, sur ordre de Barère, et en ressort à 10 heures. L’objet de cette convocation a donné lieu à des interprétations très différentes. Pour certains historiens ou érudits, tels que Gérard Walter, puisant leurs références dans une littérature hostile à Robespierre, il s’agit de retarder un potentiel coup de force ourdi par la « Commune robespierriste20 ». Outre son interprétation téléologique erronée, la thèse du complot communal ne résiste pas à l’étude des quelques sources disponibles. En effet, au matin du 9 Thermidor, rien ne permet d’affirmer la préméditation d’un coup de force communal. Payan et Fleuriot-Lescot sont probablement convoqués, pour finaliser la cérémonie de panthéonisation de Viala et Bara prévue le lendemain21. L’hypothèse est d’autant plus envisageable qu’au sein du Comité de salut public l’organisation des festivités échoit à Barère. Interlocuteur privilégié des deux comités de gouvernement, l’agent national est régulièrement amené à se rendre dans les bureaux des comités.
18Lorsque la Commune reprend ses séances vers 13h 30, le coup de force parlementaire bat son plein mais les édiles l’ignorent encore. L’agenda de la municipalité est bien chargé. En sus des problèmes du quotidien et de l’organisation des festivités prochaines, les administrateurs municipaux sont confrontés à une virulente contestation ouvrière, consécutive à la baisse des salaires, qui s’est intensifiée dans les jours précédents le 9 Thermidor et qui pousse le maire à renforcer le dispositif sécuritaire. Vers 15 heures, un groupe de maçons et d’ouvriers tailleurs de pierre, partant de la section de l’Unité, se dirige vers l’hôtel de ville pour protester contre la politique économique municipale22. En chemin, ils fédèrent de nombreux mécontents qui grossissent leurs rangs et atteignent la place de l’hôtel de ville vers 16 heures. Alors que la Commune est aux prises avec l’opposition ouvrière qu’elle tente de canaliser, la nouvelle de la destitution de Robespierre et de ses collègues arrive à l’hôtel de ville, plongeant les administrateurs dans une profonde stupeur.
19Une fois le Rubicon franchi, les Conventionnels cherchent à s’assurer, sinon de la soumission, tout au moins de l’obéissance de la Commune de Paris dont ils se méfient. Si elle ne constitue pas un contre-pouvoir à la solde de Robespierre, comme ses détracteurs l’affirmeront par la suite pour justifier la révolution du 9 Thermidor, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle compte en son sein plusieurs chauds partisans et proches de Robespierre qui n’acceptent pas le fait accompli. Il est environ 17 heures lorsque la Commune entre ouvertement en rébellion23. Jusqu’à 2 heures du matin, un bras de fer, à l’issue longtemps incertaine, se joue entre deux pouvoirs représentatifs, émanant tous deux de la volonté du peuple et auprès duquel ils recherchent activement la légitimité qui leur accordera la victoire. Ainsi, le dysfonctionnement éphémère du Gouvernement révolutionnaire replace, le temps d’une nuit d’été, les « protagonistes occasionnels » au centre des jeux politiques parisiens et au cœur des stratégies des belligérants.
20Totalement improvisée, la résistance de la Commune est principalement animée par Claude-François Payan et Fleuriot-Lescot, épaulés par des collaborateurs de confiance, tels Coffinhal, le substitut Lubin, l’administrateur Charlemagne, etc. Ce sont eux qui imposent la première impulsion insurrectionnelle et qui dirigent la sédition en l’absence des députés arrêtés. La stratégie élaborée par la Commune de Paris est sensiblement la même que celle déployée pour les journées révolutionnaires précédentes, à la différence que, cette fois-ci, la Commune ne bénéficie plus du soutien décisif d’une partie de la Convention, comme c’était le cas en 1793. Pour asseoir la légitimité de l’insurrection, le maire et l’agent national convoquent le conseil général tandis que les commissaires civils et révolutionnaires et les commandants de la force armée sont invités, au son du tocsin, à se rendre à l’hôtel de ville. En outre, les barrières sont fermées. Enfin, vers 17 h 30, Payan, secondé par Pierre-Louis Paris, représentant la section du Panthéon, rédige une vibrante proclamation aux Parisiens : « Citoyens, la patrie est plus que jamais en danger. Des scélérats dictent des lois à la Convention qu’ils oppriment24. » Après avoir ciblé les principaux « traîtres » – « Collot d’Herbois, le partisan de l’infâme Danton, comédien qui dans l’Ancien Régime avait volé la caisse de sa troupe, ce Bourdon de l’Oise qui calomnia sans cesse la Commune de Paris, ce Barère qui appartient à toutes les factions tour à tour » –, Payan exhorte les Parisiens à sauver, une nouvelle fois, la patrie : « Peuple, lève-toi, ne perdons pas les fruits du 10 août et du 31 mai et précipitons au tombeau tous les traîtres. » Quand on songe au zèle dont a fait preuve Payan au cours des semaines précédentes pour canaliser la vie politique parisienne et surveiller la moindre tentative de rupture de discipline, cette adresse prête à sourire.
21Jusque vers 21 heures, le rapport de force semble pencher en faveur de la Commune. Dès le début de l’insurrection, l’administration de police municipale, au sein de laquelle siègent de fidèles affidés de Payan, tels Farro25, prête allégeance aux édiles tandis que le club des Jacobins, fief de Robespierre et de ses partisans, se rallie autour de 19 heures. En parallèle, les membres du conseil général et les délégués de sections arrivent – lentement et par petits groupes – à l’hôtel de ville où on les invite à prêter le serment de ne plus reconnaître la Convention et de retourner dans leurs sections pour obtenir leur soutien et leur adhésion. Afin de coordonner la force armée, la Commune nomme le général Giot pour assurer l’intérim d’Hanriot, détenu dans les bureaux du Comité de salut public. Bien que seulement 16 sections sur 48 aient accepté de députer leurs gardes nationaux, ce sont tout de même presque 3 000 hommes qui prennent position sur la place de l’hôtel de ville. Payan et Fleuriot-Lescot ordonnent à un détachement armé, commandé par Coffinhal et Louvet, de libérer Hanriot, détenu à l’hôtel de Brionne, et les Conventionnels arrêtés : « Le conseil général arrête que le commandant de la force armée dirigera le peuple contre les conspirateurs qui oppriment les patriotes et délivrera la Convention de l’oppression des contre-révolutionnaires26. » Ainsi, en début de soirée, la Commune est en passe de reproduire le même scénario que celui des grandes journées révolutionnaires qui ont forgé sa légende.
22Malgré un rapport de force qui lui est temporairement favorable, la Commune tarde à organiser efficacement la résistance. L’entrée en activité du conseil général est lente : deux longues heures s’écoulent entre sa convocation et l’obtention d’un quorum suffisant pour débuter sa session (91 édiles sur 144). De plus, ce n’est que vers 21 h 30, soit plus de quatre heures après le début de l’insurrection, que la Commune se dote, sous l’impulsion de Louvet, d’un comité d’exécution, structure décisionnaire majeure dans laquelle siège Payan, visant à mieux coordonner la résistance. Cette longue mise en marche de la machine insurrectionnelle se retrouve également au niveau des comités révolutionnaires des sections qui, bien que convoqués rapidement par la Commune, tardent, eux aussi, à s’assembler, à l’instar de celui de Popincourt qui n’ouvre ses séances qu’à 21 h 1527. Enfin, les Conventionnels libérés, apportant une légitimité et un cadre supplémentaires au mouvement, n’arrivent qu’en milieu de soirée. Le premier, Augustin Robespierre, rejoint le conseil général autour de 21 h 30 tandis que son frère aîné, après avoir longuement hésité à franchir le Rubicon, n’entre en scène qu’aux alentours de 23 heures. Manquant de coordination et, surtout, n’osant pas s’affranchir pleinement du cadre légal, la Commune multiplie les erreurs stratégiques. Les édiles ne suivent pas les conseils des administrateurs de police, peut-être soufflés par Robespierre qui s’est, dans un premier temps, réfugié dans leurs bureaux, de prendre le contrôle de la poste, des imprimeries et de museler la presse d’opposition28. Par ailleurs, le conseil général arrête de ne laisser sortir personne, gardant près de lui de précieux partisans qui auraient pu tenter de rallier plus rapidement les sections29. L’erreur fatale, coûtant la victoire à la Commune de Paris, est commise vers 20 h 30 ou 21 heures, selon les témoins, lorsque Coffinhal et Louvet, par indécision ou par légalisme, se contentent de libérer Hanriot puis se replient à l’hôtel de ville, alors même que la Convention, à portée de canon, est sur le point d’être cueillie. Cette bévue laisse à la Convention toute latitude pour planifier une contre-offensive terrible qui rétablit l’équilibre des forces en sa faveur.
23Au cours d’un des moments les plus tragiques de leur histoire, les Conventionnels décrètent hors-la-loi Hanriot, la Commune de Paris insurgée et les députés qui se sont soustraits à leur arrestation. Résolue à écraser l’insurrection communale, la Convention organise sa défense. Le commandement de la force armée parisienne est confié à Barras, assisté de douze députés, dont certains acteurs majeurs du coup de force, tels que Legendre, Rovère ou Bourdon de l’Oise. La nouvelle de la mise hors-la-loi de Robespierre et de ses partisans se diffuse dans les sections autour de 23 heures. Elle porte l’estocade à la Commune qui perd rapidement ses soutiens et arrache le ralliement des très nombreux indécis qui craignent de se retrouver dans l’illégalité. Les procès-verbaux des comités révolutionnaires des sections illustrent bien ce moment de bascule30. Après avoir hésité et, comme maintes sections, envoyé des délégués dans les deux camps, le comité révolutionnaire de Popincourt finit par se rallier à la Convention vers 23 h 30, après avoir reçu la proclamation de mise hors-la-loi de la Commune. Contrairement à un poncif historiographique31 ayant longtemps affirmé que les Parisiens sont restés dans une prudente expectative, le procès-verbal du comité révolutionnaire de Popincourt insiste sur le grand nombre de présents32, entassés dans une « salle composée autant de citoyens qui pouvaient la contenir33 ». En parallèle, le décret de mise hors-la-loi accélère les défections de gardes nationaux qui font le pied de grue sur la place de l’hôtel de ville. Tôt dans la matinée du 28 juillet, les environs de l’hôtel de ville livrent un spectacle bien pathétique. La fièvre et l’animation des premières heures de l’insurrection semblent si loin. Ailleurs, il ne reste tout au plus que quelques îlots de résistance dans les sections de l’Observatoire et Chalier34. À 2 heures du matin, Léonard Bourdon s’empare du club des Jacobins déserté, prélude à la chute d’un hôtel de ville qui tombe, sans gloire et dans une extrême confusion, vers 2 h 30.
24Les historiens du 9 Thermidor ont jugé sévèrement la gestion de la crise par la Commune, pointant particulièrement l’indécision de ses chefs et le manque de clarté dans la stratégie déployée par le binôme Payan-Fleuriot-Lescot. Contrairement à ce qu’a récemment affirmé Colin Jones, ayant une vision « parisienne » – et donc forcément biaisée – de l’itinéraire de l’agent national, l’organisation d’une journée révolutionnaire n’est pas « an unfamiliar territory35 » pour Claude-François. S’il peine, il est vrai, à encadrer l’insurrection communale, c’est sans doute, en partie, parce qu’elle diffère totalement des crises auxquelles il a été confronté par le passé. Réussir un coup de main dans une ville de 2 000 habitants, telle que Saint-Paul-Trois-Châteaux, ou s’appuyer sur des réseaux dans un département que l’on connaît bien, et piloter une journée révolutionnaire dans la capitale requièrent des ressources et des stratégies sensiblement différentes. Celle pour laquelle il opte le 9 Thermidor ne lui sied guère. S’enfermer dans l’hôtel de ville, à partir duquel coordonner l’insurrection, est une énorme erreur commise par un homme qui a remporté ses plus belles victoires en battant le pavé, au plus près des acteurs qu’il sait si bien électriser par ses harangues. Mais quel accueil lui aurait réservé cette fois les Parisiens ? Cet « étranger », adversaire acharné de la démocratie directe et perçu par de nombreux militants sectionnaires comme un être froid, distant, cassant et arrogant, aurait-il seulement su trouver les mots pour motiver les troupes parisiennes ? Il n’aurait probablement pas enflammé les foules, mais sans doute aurait-il pu limiter les défections qui dégarnissent les rangs des défenseurs de la Commune.
25Calfeutré dans son bureau ou dans la salle du conseil général, Payan manque de hauteur de vue et estime mal la situation. Il aurait bien besoin des conseils précieux de son frère aîné, le véritable stratège du binôme. Installés au sud de Paris, dans la section de Mutius-Scaevola, les bureaux de la Commission exécutive des arts et des lettres se trouvent à bonne distance de l’épicentre rébellionnaire. Joseph-François a très probablement mis à profit cet éloignement pour descendre dans la rue, au contact des populations, afin de prendre le pouls de l’insurrection. Sent-il le vent tourner en faveur de la Convention ? Hésite-t-il à sortir du cadre légal et à se mesurer à une Convention qui reste symboliquement l’institution légitime et le centre de ralliement de la République, en faveur duquel il s’est engagé ardemment en 1793 ? Qu’il ait eu un moment de faiblesse ou un réel cas de conscience, pour la première fois depuis le début de la Révolution, les deux frères empruntent des chemins différents. Mandé à l’hôtel de ville, Joseph-François Payan repousse les sollicitations de son cadet, se murant dans un silence presque fratricide, tandis que le glaive de la Convention s’abat sur la Commune. À défaut de pouvoir compter sur les lumières de son frère aîné – qui, de toute façon, n’auraient pas changé le cours de l’histoire –, Claude-François sort un dernier atout de sa manche en faisant nommer son frère cadet, Esprit-François Payan-Deslones36, aide de camp du général Giot37. De passage inopiné dans la capitale, il se retrouve embrigadé dans une journée révolutionnaire qui le dépasse totalement. Esprit-François avait participé, on s’en souvient, à la crise politique tricastine de 1792. Reste qu’il ne connaît pas la ville, ni les hommes qu’il encadre. Son unique expérience en situation insurrectionnelle est très loin de compenser sa méconnaissance du terrain parisien et de ses spécificités. Mis à part le fait de pouvoir placer un individu de confiance à un poste important, la manœuvre de l’agent national s’est, sans doute, avérée contre-productive.
26En dépit de réelles erreurs tactiques, Payan tente d’appliquer à Paris la stratégie qui lui avait permis de prendre le contrôle de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Comme en 1792, Payan pense que l’une des clefs de la victoire réside dans la recherche d’alliés extérieurs et la mobilisation des communes voisines. Ainsi, l’agent national requiert l’appui de la garde nationale de Bercy : « Accourez à la commune de Paris avec vos armes et vos canons pour sauver la chose publique. Le tocsin sonne pour donner l’énergie aux amis de la patrie38. » Combien de communes ont-elles été contactées ? Le manque de source ne permet pas d’apporter une réponse franche. Toujours est-il que, par attentisme, par fidélité à la Convention ou en raison de l’interception des communications avec l’extérieur, la Commune ne reçoit guère que le soutien du village de Choisy-sur-Seine. Dénonçant le décret pris contre « Robespierre, le vénérable Couthon et Le Bas, les plus fermes appuis de la liberté » et sensibles à l’appel à l’aide de Payan – « Nous apprenons que l’on bat la générale à Paris et que la tranquillité est troublée » –, les édiles proposent d’intervenir en « voisins, en frères et en républicains39 ». Le choix des administrateurs choisyens de soutenir la Commune est probablement motivé par l’existence de relations interpersonnelles particulières, comme c’est également le cas pour de nombreux acteurs parisiens qui se positionnent dans un camp ou dans l’autre au gré d’équations relationnelles complexes40. Reste que les villes voisines ne se bousculent pas pour porter secours à la Commune de Paris. Sa mise hors-la-loi achève de convaincre les indécis.
27Après son arrestation, Claude-François Payan est détenu temporairement dans les bureaux du secrétariat de l’hôtel de ville avant d’être conduit à la Conciergerie, avec Dumas et Saint-Just. Les derniers témoignages se plaisent encore à souligner son arrogance, comme une ultime bravade face à l’inéluctabilité de sa fin prochaine : « Payan avait un air quelquefois moqueur, on le voyait sourire ; étant assis il fit un signe de tête, comme pour dire, je ne crains point la mort41. » Le Tribunal révolutionnaire ouvre l’audience extraordinaire à 13 heures. Claude-François Payan est le septième déféré42. On s’enquiert simplement de son identité, comme pour tous les hors-la-loi, avant de le renvoyer dans sa cellule. À 18 heures, les 22 condamnés à mort cheminent vers la place de la Révolution où les attend la guillotine. Au passage de Payan et de Fleuriot-Lescot, certains badauds auraient crié « Putain de maximum43 ». Payan tombe le 17e, juste après Saint-Just et avant Dumas. Il revient à Fleuriot-Lescot de clore ce cortège funèbre. Pour s’être opposée au coup de force parlementaire, la Commune de Paris est lourdement frappée par le glaive de la justice. La sévérité du châtiment est à la hauteur de la peur provoquée par l’insurrection. Dans les jours suivants, le personnel municipal est liquidé : le 11 thermidor (29 juillet), 71 édiles sont envoyés, ligotés deux par deux, à l’échafaud44. Ce sont, en tout, 108 victimes qui payent de leur tête leur opposition au 9 Thermidor.
La chute des idoles : des « sauveurs du Midi » aux « infâmes Payan »
28En forgeant la légende noire45 de Robespierre, les thermidoriens46 écornent également l’image de ses plus actifs collaborateurs. Au sein de cette mouvance robespierriste, les frères Payan bénéficient d’un traitement de faveur. En effet, les Conventionnels ne se contentent pas de déconstruire l’image des héros méridionaux qu’ils ont – eux-mêmes – fabriquée à l’été 1793, ils frappent les Payan au socle de leur puissance et de leur influence, en traquant leurs plus proches alliés et toute personne susceptible d’avoir bénéficié de leur protection. Dépassés par la crise du 9 Thermidor, les partisans et les amis des Payan les désavouent publiquement, accréditant et amplifiant leur légende noire.
Déconstruire les héros, fabriquer l’infamie politique
29Le 9 thermidor an II ne marque pas seulement la chute d’un homme et d’une « faction », il sanctionne la dérive « terroriste » de la Révolution personnifiée par Robespierre que le discours thermidorien érige en parangon de « Terreur47 », prélude à un mythe48 particulièrement tenace. Cherchant à garder le contrôle de ce qui ne doit être – selon les mots de Barère – qu’une « commotion partielle », les acteurs du 9 Thermidor imposent, dans l’urgence, une vulgate éhontée réécrivant et réinterprétant l’événement. Tour à tour tyran, roi, grand prêtre, déviant et bourreau de la Vendée49, Robespierre, incarnation d’une Révolution honnie, est livré à l’opprobre dans les rapports prononcés par plusieurs conjurés, entre le 10 et le 14 thermidor50. À côté du « monstre », les Conventionnels ciblent également ses principaux « sicaires » qui l’auraient secondé dans ses projets les plus sombres. Ainsi, les frères Payan, en bonne place au sein du panthéon robespierriste, sont particulièrement dénoncés par le discours thermidorien. Bien que la fratrie ne se compromette pas de la même manière lors de la crise, les Conventionnels ne dissocient pas dans leurs attaques le rôle joué par Claude-François, prenant la tête de l’insurrection communale, de celui de son aîné, pourtant resté prudemment à l’écart. Héros éphémères d’une Révolution qui les engloutit aussi rapidement qu’elle les sécrète51, les frères Payan font l’objet d’une légende noire qui se construit en deux temps forts : dans l’immédiateté du 9 Thermidor, puis, bien plus tard, en plein « tournant de l’an III52 ».
30S’ils sont tous deux attaqués par les Conventionnels dans les jours qui suivent le 9 Thermidor, les deux frères ne font pas l’objet des mêmes critiques acerbes. Claude-François, l’impudent agent national de la Commune, ayant résisté aux ordres de la Convention, est dépeint comme un dangereux « fédéraliste ». Rovère l’accuse d’avoir voulu « fédéraliser avec le Midi53 », tandis que Roux, de la Haute-Marne, lui prête une tout autre intention : « Payan […] avait fait des proclamations dans le département de la Drôme pour le faire marcher sur Paris à l’époque du 2 juin 179354. » Ses origines méridionales facilitent, sans doute, l’amalgame entre la résistance communale qu’il a animée et le « fédéralisme », qu’il a pourtant ardemment combattu et qui est loin de se réduire au seul midi de la France55. Si les attaques sont évidemment infondées, elles écornent le mythe des « sauveurs du Midi » et participent au même processus de délégitimation politique employé contre Robespierre. D’une certaine manière, accuser Payan de « fédéralisme » revient à dénoncer les aspirations de Robespierre à la royauté. Les détracteurs de Claude-François Payan en profitent surtout pour régler leurs comptes, à l’instar de Rovère, l’un des représentants des Bouches-du-Rhône, ayant réalisé de juteux profits avec ses partisans en spéculant sur le marché foncier des biens nationaux ou en trempant dans diverses affaires louches56. Sur le terrain, les affidés de Rovère entrent rapidement en conflit avec certains militants jacobins vauclusiens, tels que Barjavel, Moureau et d’autres individus qui gravitent autour des Payan. Le point de rupture est atteint au printemps 1794, lorsque Maignet, conseillé par les deux frères, sonne l’hallali de la clientèle de Rovère. Ce dernier, dénoncé par les militants jacobins vauclusiens et menacé par une probable mise en accusation, rejoint la fronde antirobespierriste le 9 Thermidor. La chute de Payan, plus que celle de Robespierre, solde ainsi un vieux contentieux pour la mainmise du pouvoir local.
31Malgré sa mise en retrait, Joseph-François n’est pas oublié par les proscriptions thermidoriennes. Dès le 14 thermidor, Barère se livre à une très violente charge contre l’ex-commissaire : « Nous étions loin de prévoir que des hommes attachés à des commissions nationales iraient se réunir à des projets de Commune, et que des hommes appelés à servir la République se vendraient à l’ambition d’une municipalité57. » Si Joseph-François n’a pas participé à l’insurrection communale avec son frère, la signature qu’il a apposée dans la lettre écrite par Legracieux peu de temps avant le dénouement de la crise thermidorienne ne laisse subsister aucun doute quant à ses fidélités politiques. Plus que son positionnement lors du 9 Thermidor, c’est surtout sa capacité à articuler le local et le national, grâce à une kyrielle d’agents et d’informateurs départementaux, qui est dénoncé :
« Le commissaire Payan a passé plusieurs jours à faire des circulaires imprégnées de contre-révolution et à empoisonner les départements des opérations de Robespierre. […] Plusieurs départements furent égarés un instant par ces infâmes suggestions58. »
32C’est, également, sur son rôle à la tête de la Commission exécutive que Joseph-François est attaqué par Lakanal. Décapitée par la fuite de Payan et l’arrestation de ses principaux collaborateurs, la Commission exécutive végète jusqu’à sa reprise en main par la Convention à la mi-septembre 1794. Lors de la séance du 25 fructidor an II (11 septembre 1794), Lakanal accable Payan, l’accusant d’avoir « servi puissamment le dernier tyran dans le projet de vandaliser la France59 ». Enfin, ses opposants soulignent tous sa duplicité et son « hypocrisie », partageant avec Robespierre60 cette caractéristique qui rend le personnage plus infâme et son « crime » plus monstrueux :
« C’est un contre-révolutionnaire d’autant plus dangereux qu’il a les moyens pour tromper les citoyens et que c’est un corrupteur des sources publiques, ce sont les eaux morales de la République qu’il a empoisonnées. Les traces de sa conspiration sont dans les départements crédules, dans les veines de l’instruction publique61. »
33Ultime flétrissure, Payan s’est dérobé à son sort en s’enfuyant. Cette fuite est instrumentalisée par ses détracteurs qui fustigent sa « lâcheté » – « Il a fui, en voyant les conspirateurs arrêtés sur le champ, la main encore fumante dans le crime62 » – et qui y décèlent une nouvelle preuve de son « hypocrisie ». En effet, les circonstances de sa fuite restant bien mystérieuses, les rumeurs les plus folles et les plus affligeantes circulent. Après avoir passé la nuit dans ses bureaux du Petit-Luxembourg ou, selon d’autres sources, dans son appartement parisien, Joseph-François se serait déguisé en femme pour quitter la capitale63. La symbolique du déguisement féminin est particulièrement forte. En plus de masquer son identité et de transgresser les normes sexuées imposées par la Révolution, le déguisement accrédite son aptitude à la dissimulation et au travestissement de la vérité64. Comme Robespierre, on l’accuse d’avoir tenté de se suicider65. Cette rhétorique infondée vise à dévoiler la lâcheté du personnage qui tente de se soustraire au châtiment national et qui n’a pas le courage de mettre fin à ses jours.
34Dans le sillage des thermidoriens, les collaborateurs ou les subalternes des Payan s’empressent de dénoncer les deux frères, accusés de crimes imaginaires qui alourdissent leur responsabilité dans le déclenchement du 9 Thermidor. Ainsi, Paul Chaix, chef de la comptabilité de la Commission exécutive, prétend que les deux frères se retrouvaient souvent dans les bureaux de Joseph-François au Petit-Luxembourg et « s’enfermaient pour travailler avec Legracieux66 ». L’administrateur municipal Guyot, quant à lui, dévoile « les conciliabules secrets où présidaient le maire et l’agent national » à l’hôtel de ville67. D’une manière générale, la dénonciation de mystérieux conciliabules, organisés et patronnés par l’un des deux frères – voire les deux ensembles – constitue le leitmotiv d’accusations qui visent à dénoncer l’« hypocrisie » et la duplicité des Payan et participe à l’affirmation de la légende noire des deux frères.
35Alors que la réaction muscadine s’affirme au début de l’année 1795, les rapports du député Courtois, prononcés à partir du 16 pluviôse an III (4 février 1795), parachèvent la propagande thermidorienne en immortalisant la légende noire de Robespierre. Chargé d’analyser les papiers de l’ex-député, Courtois puise abondamment dans les correspondances, les discours et les notes trouvés chez les Duplay pour façonner l’image d’un monstre, quitte à forcer le trait ou à mentir allégrement. L’accès aux papiers de Robespierre contribue à faire évoluer le discours à l’encontre des frères Payan, projetant le cadet sous les feux de la critique. Dès lors, en reléguant Joseph-François à la seconde place, le rapport Courtois inverse le positionnement des deux frères dans une sorte de hiérarchisation de l’infamie politique que les Conventionnels ont élaborée, à chaud, dans leurs discours.
36Dépeint par Courtois comme un homme d’une grande médiocrité intellectuelle – « moyens personnels de Robespierre, presque nuls68 » –, le rapport s’acharne contre ses agents ambitieux travaillant, dans l’ombre, pour lui. Au fil des accusations, la place que Courtois attribue à Claude-François évolue. D’abord homme de confiance, puis auxiliaire docile de la politique néfaste de Robespierre, son ambition et son intelligence malfaisantes se seraient révélées au moment de l’affaire Catherine Théot lorsqu’il suggère à Robespierre d’épurer les comités. Ainsi, l’agent national apparaît comme le Pygmalion diabolique qui inspire, sinon influence, Robespierre dans son évolution tyrannique : « Parmi ces plans, il en est un de Payan dont Robespierre s’est fait un texte de conduite et qui lui a servi de boussole dans sa marche69. » Courtois dépeint Payan en vil conspirateur, confirmant le mythe de la conjuration robespierriste du 9 Thermidor : « homme perfide, scélérat, plus profond, plus dangereux peut-être que lui-même [Robespierre]70 ».
37Les mythifications sont tout aussi importantes en ce qui concerne Joseph-François, dont Courtois redéfinit la participation à la crise du 9 Thermidor. Ainsi, à l’appel de son frère, Joseph-François, serait venu prêter l’infâme serment à la Commune et, surtout, aurait été nommé aide-de-camp du général Giot :
« Un commissaire de l’instruction publique, qui ne devrait être que l’ami des Muses, toujours ennemis des combats, le frère de l’agent national est offert aux conspirateurs comme aide-de-camp : il accepte et prête le serment71. »
38Le procès-verbal de la Commune reste, il est vrai, très évasif, et ne mentionne que le nom de Payan, entretenant une certaine ambigüité, d’autant plus que Payan Deslones est presque totalement inconnu des acteurs parisiens au moment de sa nomination. S’étant appuyé sur les témoignages de différents individus qui connaissent très bien Joseph-François et, par conséquent, savent dissocier les membres de la fratrie Payan, Courtois avait largement les moyens de lever le doute. De spectateur du drame de thermidor, l’ex-commissaire devient acteur secondaire de la machination robespierriste. À la veille du Directoire, la propagande thermidorienne a totalement gommé le récit héroïque des « sauveurs du Midi » en lui substituant la légende noire « des infâmes frères Payan ». Cette relecture partisane, portée par les mémoires72 des principaux acteurs, finit par s’imposer. Ainsi, Gérard Walter s’appuie – trop – fidèlement sur Barère qui relève dans ses mémoires : « Tout semblait prêt pour un mouvement populaire déterminé par les agents de la Commune de Paris73. » Les premiers « historiens » de la Révolution, s’appuyant sur de nombreux témoignages – pas toujours fiables – de survivants ou sur les rapports établis par les Conventionnels après le 9 Thermidor reprennent à leur compte de nombreux poncifs qu’ils contribuent à légitimer, tel que l’académicien Tissot : « Si on eût laissé faire Payan, sans doute le 9 Thermidor aurait vu l’échafaud se dresser pour d’autres victimes que celles qui vont l’arroser de leur sang74. » Pour l’éternité, les « infâmes Payan » ont tué les « sauveurs du Midi ».
Entre reniements et liquidation de la « faction » Payan
39Du jour au lendemain, la Drôme, qu’ils contrôlaient d’une main bien assurée, se dérobe sous leurs pieds. Les puissants Payan sombrent corps et biens.
40À en croire les nombreuses adresses de félicitations, provenant de tout le territoire, qui inondent les bureaux de la Convention, la désinformation thermidorienne a fait merveille. Cependant, ce conformisme traduit surtout l’excellente aptitude des élites provinciales au maniement de la langue de bois75. Que la propagande thermidorienne soit réellement crue ou qu’elle serve sciemment les intérêts d’individus souhaitant se refaire une santé politique, elle pousse de nombreux contemporains à renier les Payan.
41D’intimes amis ou de précieux collaborateurs des frères Payan se détournent d’eux. Ces compagnons de luttes, compromis autant qu’eux, renient les deux frères pour sauver leur tête ou celle de leurs proches. Rosalie Jullien, qui accueillait régulièrement les Payan à sa table, n’a pas de mot assez dur : « Les Payan se sont comportés comme des lâches par leur dévouement à un homme et comme des monstres par leur rébellion envers la patrie. C’étaient les arcs-boutants de la conjuration76. » Chérissant son fils plus que la République, cette mère de famille cherche, par tous les moyens, à sauver Marc-Antoine de l’échafaud. Dès lors, celui que Rosalie désigne comme « mon ami Payan l’agent national » dans une lettre datée du 15 juillet, est devenu un monstre en l’espace de quinze jours. Le reniement est tout aussi douloureux avec Fourcade. Ce proche des Payan, à qui il doit ses différents emplois en 1793-1794, a bénéficié des bonnes grâces de Robespierre par leur entremise. La lettre qu’il écrit à Robespierre pour lui demander une nouvelle place, après l’échec de l’Anti-fédéraliste, ne souffre d’aucune ambigüité quant à ses connivences avec les Payan :
« Payan [Claude-François] me connaît intimement depuis huit mois. Il m’a vu dans ma conduite privée et politique. Il peut me rendre justice. Lui seul a connu les détails de ma vie pendant la Révolution77. »
42Quelques mois plus tard, la peur de subir le même sort que son ami lui fait tenir un tout autre langage. Fourcade nie toute intimité avec les frères Payan, prétendant avoir « rompu avec l’agent national avant qu’il n’eût cessé d’être simple citoyen, au sujet d’un journal que nous rédigions ensemble78 ». Il est encore plus sévère à l’encontre de Joseph-François : « Sa froideur, son air embarrassé, son caractère ne me le firent point aimer. » Pour se dédouaner, Fourcade accable les Payan de crimes imaginaires qu’il se vante d’avoir percés à jour : « On sait, et j’ai été le premier à le dénoncer, que le commissaire écrivit une circulaire perfide aux départements. » La stratégie est efficace : Fourcade est libéré dès le 30 fructidor an II79.
43Plusieurs adresses envoyées après le 9 Thermidor par les départements méridionaux épinglent principalement les frères Payan. Ainsi, en Ardèche, où Claude-François Payan a conduit diverses missions civiques en 1792, les acteurs politiques dénoncent conjointement Robespierre et « l’infâme Payan80 ». Cependant, les critiques restent les plus vives dans la Drôme. Compromise par ses collusions avec les Payan, l’administration départementale s’empresse de dénoncer, dès le 16 thermidor an II (3 août 1794), les « complices du plus fourbe des hommes81 » tandis que le comité de surveillance de Valence renie solennellement ses anciens protecteurs :
« Le plus exécrable des hypocrites vient donc de recueillir les fruits de sa profonde scélératesse ! Le volcan qu’il préparait depuis longtemps sous la Montagne vient donc, dans sa première explosion, de ne dévorer que lui seul, avec une partie de ses infâmes collaborateurs82. »
44Le coup de grâce est donné par la Société républicaine de Valence, où les Payan ont leurs auxiliaires les plus zélés. C’est à sa demande que, le 19 Thermidor (6 août), le district de Valence ouvre une enquête visant à « découvrir les fils de la conspiration83 ».
45À Paul-lès-Fontaines, les autorités locales rivalisent en langue de bois. Plus qu’ailleurs, les acteurs, dont certains ont accompagné les Payan dans leur conquête du pouvoir, doivent montrer patte blanche. Dès le 17 thermidor, la municipalité se livre à une longue diatribe :
« Que le glaive de la loi soit permanent pour exterminer les têtes coupables, et que les infâmes Payan, monstres que notre commune a vu malheureusement naître et qu’elle vomit à jamais, soient en horreur à l’univers étonné de leurs forfaits84. »
46Par la suite, le conseil municipal exprime son indignation :
« […] Que la maison des hypocrites Payan soit rasée et qu’il soit planté au milieu de l’emplacement un poteau avec l’inscription qui apprendront à la postérité la grandeur des crimes de ces monstres : les traîtres Payan sont voués à l’exécration publique85. »
47La société politique, quant à elle, « révoltée des noirceurs et des crimes des scélérats Payan les vomit à jamais de son sein86 ». Toutefois, l’adresse qu’elle envoie à la Convention traduit sa surprise et son malaise :
« Les témoignages qu’on leur a malheureusement prodigué dans la croyance qu’ils étaient dans les vrais sentiers de la Révolution et qu’ils pratiquaient les principes de civisme les plus purs87. »
48Le reniement collectif atteint son paroxysme le 23 thermidor an II, lorsqu’édiles et clubistes amalgament habilement fête du 10 août et repentance locale. Deux mannequins, à l’effigie des deux frères, sont promenés dans les rues avant d’être brûlés sur la place de la liberté. Chaque mannequin est clairement désigné : « Payan aîné, traître à la patrie, hypocrite incomparable », « Claude Payan, traître à la patrie, scélérat indigne88 ». Si les anciens collaborateurs des Payan se démènent pour témoigner publiquement leur reniement dans des manifestations expiatrices, au caractère ostentatoire des plus suspects, c’est que l’arrivée imminente du représentant Méaulle laisse craindre des représailles locales.
49Voulant « établir la réalité d’une conspiration formée de concert avec Robespierre dans le département de la Drôme89 », le représentant Méaulle diligente une vaste enquête dès le 21 thermidor. Dans tous les districts drômois, une information est ouverte, sous l’autorité de commissaires spéciaux, « à l’effet de connaître les agents de Robespierre, Payan et autre90 ». Après avoir désigné les coupables, les thermidoriens recherchent l’assentiment des Drômois qui vise à renforcer la légitimité, très fragile, du coup de force parlementaire. Dès lors, pour justifier la fable de la préméditation de l’insurrection communale, Méaulle fait flèche de tout bois, quitte à rapporter les dénonciations les plus fallacieuses, émanant d’acteurs compromis qui espèrent se dédouaner en sacrifiant leurs anciens protecteurs. D’une manière générale, les Drômois dénoncent l’emprise des Payan sur les sociétés populaires, leur immixtion à tous les échelons de la vie politique, et, surtout, leur puissant réseau d’informateurs. Certains en profitent également pour solder de vieux contentieux. Ainsi à Die, les habitants dénoncent les pressions subies pour que la société politique s’aligne sur celle de Valence dans l’affrontement qui l’oppose, conjointement avec Joseph-François Payan, au Conventionnel Boisset au début de l’année 1794. C’est, une nouvelle fois, à Paul-lès-Fontaines que les déclarations sont les plus accablantes. Tous ceux qui ont courbé l’échine sous les Payan se saisissent de cette occasion inespérée pour leur porter l’estocade tandis que leurs plus fervents partisans tentent de sauver leur tête des foudres conventionnelles. Ainsi, les Marbaud, Charaud, Favier, Mourard, autant de compagnons de luttes des années 1791-1792, voire des alliés de longue date, qui ont soutenu les Payan contre le parti épiscopal sous l’Ancien Régime, les renient à présent et les abandonnent à leur sort. Ce sont d’ailleurs eux, plus que les opposants déclarés des Payan, qui leur portent les coups les plus violents, en se livrant à une surenchère dénonciatrice, donnant lieu à d’improbables récits, telle cette scène décrite par Jean-Antoine Laugé, prétextant avoir entendu François Payan affirmer à son épouse : « Tu serais bien étonnée, si tu voyais un de tes fils roi et l’autre cardinal91. » Il s’agit de l’unique accusation dénonçant les aspirations à la royauté de l’un des frères Payan, élaborée sur le modèle de la rhétorique de Robespierre-roi, transposé à l’un de ses partisans92. La présence de Méaulle stimule l’imagination des délateurs qui rivalisent de créativité pour obtenir les bonnes grâces du Conventionnel et échapper aux proscriptions. Au terme de l’enquête, Méaulle adresse, le 28 thermidor an II (15 août 1794), une proclamation solennelle aux Drômois légitimant le discours thermidorien :
« À Valence, les Payan, les principaux agents, avaient pratiqué des habitudes, conservé des liaisons, et l’idolâtrie pour eux était à son comble. Qui sait, si, quelques jours de plus, ces volcans du pur et ardent patriotisme n’allaient pas vomir des laves contre-révolutionnaires93. »
50Aux multiples reniements succède l’impitoyable machine judiciaire. Après avoir frappé les deux frères, le glaive de la Convention s’abat sur les autres membres de la famille. Si Payan Deslones parvient à émigrer, Charles Payan – le jumeau de Claude-François – a moins de chance. Après avoir abdiqué l’état ecclésiastique au début de l’année 1794, il a été nommé receveur de l’enregistrement à Saint-Paul-Trois-Châteaux. Destitué, Charles Payan est incarcéré à Valence. Suspecté d’être complice des projets criminels de ses fils, le puissant patriarche de la famille Payan est également arrêté et déféré à Paris pour être jugé par le tribunal révolutionnaire. Épuisé, abattu et encore étourdi par la foudre qui vient de terrasser sa famille, le vieil homme meurt misérablement le 27 fructidor an II (13 septembre 1794), à Auxerre, lors de son transfert vers la capitale. Tous les biens de la famille sont mis sous scellés et confisqués. Expropriée, Marthe Isoard, veuve Payan, se réfugie dans sa famille, à Die. Il n’aura pas fallu quinze jours pour abattre la puissante famille Payan.
51Les Payan entraînent dans leur chute les principaux relais locaux de leur autorité. Dès le lendemain de son arrivée, le 22 thermidor an II (9 août 1794), Méaulle frappe, sur les sollicitations du district de Valence, les plus fidèles collaborateurs des Payan94. Toutefois, comme à Paris, il ne s’agit pas d’opérer une volte-face, reniant les mesures prises par les « Montagnards » avant le 9 Thermidor, mais d’accompagner le mouvement, en châtiant une dizaine de complices notoires des Payan. Trois ont siégé avec eux au département : Jacques-Antoine Melleret, d’Étoile, président du département de la Drôme de 1790 à 1793, Joseph Beaujean, de Montélimar, et Nicolas Germigny, de Crest, « la terreur des aristocrates ». Tous trois ont été des alliés déterminants des frères Payan lors de la crise « fédéraliste ». Deux autres, Veyre et Martin cadet, tous deux secrétaires au département, sont d’une totale loyauté envers Joseph-François l’informent des moindres faits et gestes de leurs concitoyens. D’autres sont des collaborateurs actifs au sein de la Société des républicains de Valence et ses principaux lieutenants dans la Drôme, tels que François Forrest ou les frères Blachette. Enfin, Legracieux, fidèle, parmi les fidèles, ayant subrepticement quitté Paris après le 9 Thermidor pour se réfugier à Valence, est tiré de sa cachette et jeté dans les fers. De tous les détenus, Melleret est certainement celui qui subit le plus les foudres de ses compatriotes. Les dénonciations sont particulièrement éloquentes :
« Son intelligence et son intimité avec les Payan, ses intrigues, ses spéculations pour l’avancement de ses fils, l’intérêt qu’il a pris à des émigrés et des détenus très suspects. […] Le langage de Melleret était toujours menaçant dans tout son canton. Il y régnait par la Terreur95. »
52Face au péril conservateur96, la Société des républicains de Valence fait bloc derrière ses principaux meneurs arrêtés. Dans une pétition adressée au Comité de sûreté générale, les militants réclament la clémence pour Germigny, Veyre, Beaujan, Forrest, qu’ils regardent « comme des chauds patriotes, dupes de l’hypocrisie des Payan97 ». En revanche, ils abandonnent à leur sort Legracieux et Melleret. Germigny, Veyre, Beaujan – mais pas Forrest – sont relaxés par le Comité de sûreté générale, le 27 fructidor an II (13 septembre 1794) tandis que Melleret est libéré le 22 brumaire an III (12 novembre). Charles Payan, Legracieux et François Forrest, quant à eux, croupissent en prison jusqu’à l’amnistie de l’automne 1795.
53En se rendant dans la Drôme, Méaulle visait deux objectifs : imposer la lecture thermidorienne de la chute de Robespierre et de ses complices et, surtout, maintenir le cap « montagnard ». La mission de Méaulle est couronnée de succès, au point qu’il peut affirmer : « La Révolution ne rétrogradera plus d’un seul pas98. » En sacrifiant les Payan, les élites drômoises ont su jouer le jeu des thermidoriens afin d’obtenir l’absolution qu’il sous-entend. Dès lors, Méaulle peut fermer les yeux sur les nombreuses complicités des notables locaux, adoubés par les Payan, qui conservent l’exercice réel du pouvoir. Dans ce marché de dupes, la famille Payan a servi de fusible. Les apparences sont sauvées. Thermidor n’a bien été qu’une commotion partielle dans la Drôme. Avant de quitter ce département, fin août 1794, Méaulle peut ainsi écrire au Comité de salut public : « La Drôme n’a pas éprouvé la plus légère commotion et l’on y attendra avec calme le jugement de ceux que j’ai envoyés à Paris99. » Comme à Paris, la parenthèse du 9 Thermidor est difficile à refermer100 et les ex-partisans des Payan qui pensaient pouvoir se maintenir à flot sont rapidement engloutis par la vague conservatrice qui déferle sur la Drôme en l’an III.
54Le 19 frimaire an III (9 décembre 1794), la Convention charge Jean Debry d’une mission dans la Drôme, l’Ardèche, le Vaucluse, l’Aveyron et la Lozère. Contrairement à Méaulle, Debry se montre particulièrement hostile aux partisans du Gouvernement révolutionnaire. Arrivé dans la Drôme fin décembre 1794, il s’attaque brutalement aux « terroristes » épargnés par Méaulle. Comme à Paris, le 9 Thermidor ne peut être qu’une simple commotion. L’administration du département est totalement refondue tandis que la Société des républicains de Valence est dissoute. Debry remplace les anciens complices des Payan par des modérés ou de sincères réactionnaires, tels que Job-Aymé, grand adversaire de Joseph-François Payan au cours de l’été 1792, fraîchement sorti des geôles parisiennes. Les purges de l’hiver 1794-1795 parachèvent véritablement la liquidation de la « faction » Payan. En effet, de nombreux individus sont désarmés, destitués ou arrêtés parce qu’ils sont considérés comme des « créatures des Payan ». Avoir appartenu à la galaxie Payan dans les premières années de la Révolution est considéré en 1795, sinon comme un crime, tout au moins comme une faute morale, une tache indélébile dans un itinéraire politique. En cela, le cas de Paul-lès-Fontaines, est particulièrement éclairant.
55Malgré toutes les cérémonies expiatoires qu’ils ont pu organiser, les ex-affidés des Payan sont rapidement concurrencés par leurs adversaires qu’ils avaient abattus en avril 1792. Si ces derniers ont dû se soumettre, ils n’ont jamais véritablement désarmé, ruminant leur défaite dans une opposition silencieuse, mais bien vivace. Moins d’un mois après la chute des Payan, les « aristocrates » font leur apparition à la société populaire. Ainsi, Sermand, l’ex-procureur renversé par Claude-François Payan, Louis Martin, ex-officier municipal démissionnaire en avril 1792, et Claude-Esprit Genton, l’un des ténors du « parti » sont reçus membres entre le 16 et le 26 fructidor an II101. En réinvestissant la société populaire, ils contribuent à infléchir sa politique et désorganisent la résistance des « terroristes ». En décembre 1794, la municipalité jacobine, dernier réduit des ex-partisans des Payan, est épurée. Dans l’optique de « déjacobiniser » les autorités constituées, Debry compose l’administration municipale en prélevant les individus parmi les modérés ou les conservateurs. Le renouvellement municipal tricastin est parachevé par une seconde épuration, au printemps 1795. Cette dernière consacre la victoire des adversaires des Payan en confirmant le retour des « aristocrates » aux affaires locales. Les partisans du curé réfractaire et les édiles destitués en avril 1792 reprennent leur place au conseil tandis que le comte de Castellane revient à l’hôtel de ville. Autre mesure symbolique : Joseph-François de Payan-Champié, cousin germain des Payan, entre également à l’hôtel de ville. Payan-Champié, partisan du curé réfractaire et allié du comte de Castellane, avait rompu avec ses cousins. Pour se distinguer des « infâmes Payan » qu’il exècre – ou feint publiquement d’exécrer –, Payan-Champié avait, de manière surjouée, annoncé solennellement à la tribune de la société populaire son désir de modifier son patronyme afin d’en ôter toute référence aux Payan « et de proscrire à jamais dans son souvenir celui de cette coupable famille102 ».
56Les « aristocrates » laissent libre cours à leur vengeance et les ex-affidés des Payan doivent à présent rendre des comptes. Entre germinal et prairial an III, dans un contexte marqué par les soulèvements populaires parisiens, les administrateurs municipaux, chargés par les représentants en mission de désarmer les « terroristes » locaux, ciblent 52 individus, tous désignés dans le registre comme « créatures » des Payan103. Tout l’état-major des frères Payan est concerné par la mesure : les frères Favier, Mourard, les Marbaud, Clauzon, etc. N’échappent pas, non plus, aux foudres réactionnaires, les « clients » de la famille et les supplétifs qui ont apporté un soutien occasionnel. Il s’agit d’une quarantaine de petits agriculteurs, parfois grangers des Payan, ou des artisans et des boutiquiers. Pour solder définitivement la mémoire douloureuse de l’affaire d’avril 1792, une enquête est ouverte par le juge de paix du canton, le 19 thermidor an III (6 août 1795). La procédure, alimentée par les dépositions d’une quarantaine de témoins, accable principalement la fratrie Payan (Claude-François et Esprit-Deslones) et leurs principaux lieutenants, tels que Caudeiron, ou François Louis104. Néanmoins, l’absence de sang versé et la punition des principaux chefs de l’insurrection, ayant déjà été condamnés à mort ou contraints d’émigrer, semblent ouvrir la voie à une mesure judiciaire dépassionnée, préalable indispensable au rétablissement de la concorde et à une réconciliation durable, s’inscrivant ainsi dans les principes de la « justice transitionnelle105 ». S’ils ne tombent pas sous les poignards de la « réaction », comme dans une grande partie de la France méridionale106, les « terroristes » tricastins sont totalement mis hors-jeu. À la veille de l’instauration du Directoire, la « faction » Payan a été totalement liquidée. Le nom même de cette famille est brandi comme un épouvantail par les conservateurs.
57Vingt jours. C’est en tout et pour tout ce qu’il a fallu pour qu’un bouleversement majeur tel que le 9 Thermidor anéantisse le travail de longue haleine accompli sur plusieurs générations par la famille Payan pour conforter ses assises sociales et politiques. Vingt jours. La rapidité de la chute des Payan n’a d’égale que la fulgurance de l’ascension de ces éphémères héros d’une Révolution qui promeut les individus aussi rapidement qu’elle les destitue et les broie. Des réseaux, de l’influence, du charisme et de l’autorité même des Payan, il ne reste plus rien après l’ouragan thermidorien. La célérité dont ont fait preuve les partisans et les compagnons de luttes des Payan pour les renier montre finalement que si les deux frères œuvrent en chef d’orchestre jusqu’à l’été 1794, les différents protagonistes suivent la mesure par intérêt ou par opportunisme, chacun jouant, en réalité, sa propre partition. Jusqu’au 9 Thermidor, la convergence des intérêts ou des ambitions des différents musiciens, se confondant avec ceux du duo battant la mesure, donne l’illusion trompeuse d’une sorte d’alchimie symphonique. Sacrifiés par les thermidoriens, leur offrant ainsi les moyens de légitimer et d’imposer leur propre lecture du coup de force parlementaire, et, surtout, par les élites politiques méridionales qui espèrent, par là même, obtenir leur absolution, les « infâmes Payan » ont servi de fusibles dans le grand marché de dupes qu’a été le 9 thermidor an II. Il reste à présent à comprendre comment Joseph-François vit son ostracisme et tente de se reconstruire dans la France directoriale, puis postrévolutionnaire, lorsque l’on porte le nom de Payan, avec toute la symbolique dont il est chargé.
Notes de bas de page
1Martin Jean-Clément, Nouvelle histoire de la Révolution française, op. cit., p. 445.
2Papiers inédits trouvés…, op. cit., t. II, p. 360.
3Ibid., p. 361.
4Ibid., p. 363.
5Walter Gérard, Robespierre, t. 1 : La vie, Paris, Gallimard, 1961, p. 451-452.
6Aberdam Serge, « L’heure des repas de rue (juillet 1794) », in Philippe Bourdin (dir.), Les nuits de la Révolution française, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2013, p. 237-250.
7«Les affaires d’État sont mes affaires de cœur »…, op. cit., p. 306.
8Soboul Albert, Mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire en l’an II (1793-1794), Paris, Flammarion, 1973, p. 472.
9Guérin Daniel, La lutte des classes sous la première république, Paris Gallimard, 1968 (1946).
10Soboul Albert, Mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire en l’an II (1793-1794), op. cit., p. 451-452.
11Eude Michel, Études sur la commune robespierriste, op. cit., p. 133.
12Burstin Haim, Une révolution à l’œuvre : le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), Paris, Champ Vallon, 2005, p. 813-821 ; Mathiez Albert, « Le maximum des salaires parisiens et le 9 Thermidor », AHRF, no 134, 1954/1, p. 1-22.
13Martin Jean-Clément, Robespierre. La fabrication d’un monstre, op. cit., p. 288.
14Stanislas Legracieux s’est fait remarquer par les Payan à la société populaire de Valence. Homme de confiance de Joseph-François Payan, cet employé de bureau l’accompagne à Paris au cours du printemps 1794. Substitut de Fouquier-Tinville, Le Gracieux est ensuite nommé dans les bureaux de la Commission exécutive des arts et des lettres. Arrêté après le 9 Thermidor, il reste en prison jusqu’en fructidor an III.
15Legracieux compare les Conventionnels hostiles à Robespierre aux victimes politiques des précédentes épurations : « Brissot, Ronsin, Hébert, Vincent, Chaumette, Danton, scélérats justement frappés par la foudre nationale renaissaient de leurs propres cendres. »
16AN, W 79, lettre de Legracieux à la société politique de Paul-lès-Fontaines, 9 thermidor an II.
17Ibid.
18Ibid.
19Procès-verbaux du Comité…, op. cit., p. 894.
20Walter Gérard, La conjuration du Neuf Thermidor, Paris, Gallimard, coll. « Trente journées qui ont fait la France », Paris, 1974, p. 125.
21Brunel Françoise, Thermidor. La chute de Robespierre, Paris, Éditions complexe, 1989, p. 101.
22Mathiez Albert, « Le maximum des salaires parisiens et le 9 Thermidor », art. cité, p. 149.
23Brunel Françoise, Thermidor. La chute de Robespierre, op. cit., p. 102.
24AN, F7 4432, registre des délibérations du conseil général, 9 thermidor an II. Les extraits suivants proviennent de la même proclamation.
25Ibid., déclaration de H. G. Du Lac, 6 frimaire an III.
26AN, F7 4433, arrêté du conseil général de la Commune de Paris, 9 thermidor an II.
27AN, W 79, délibération du comité révolutionnaire de Popincourt, 9 thermidor an II.
28Mathiez Albert, « Robespierre à la Commune le 9 Thermidor », in Albert Mathiez, Robespierre et la république sociale, recueil de textes présenté par Yannick Bosc et Florence Gauthier, Paris, Éditions critiques, 2018, p. 289.
29Buchez P. J.-B. et Roux P.-C., Histoire parlementaire de la Révolution française, ou journal des assemblées nationales depuis 1789 jusqu’en 1815 : contenant la narration des événements précédée d’une introduction sur l’histoire de France jusqu’à la convocation des États-Généraux, t. XXXIV, Paris, Paulin, 1834, p. 50.
30Walter Gérard, La conjuration du Neuf Thermidor, op. cit., p. 171-287.
31Soboul Albert, Mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire en l’an II (1793-1794), op. cit., p. 478-479.
32Poncif démonté par Françoise Brunel et, plus récemment, par Jones Colin, « The Overthrow of Maximilien Robespierre and the “Indifference” of the People », The American Historical Review, vol. 119, Issue 3, juin 2014, p. 689-713.
33AN, W 79, délibération du comité révolutionnaire de Popincourt, 9 thermidor an II.
34Jones Colin, The fall of Robespierre. 24 hours in Revolutionary Paris, Oxford, Oxford University Press, 2021, p. 480.
35Ibid., p. 234-235.
36Après avoir servi d’aide de camp au général Dours à l’armée d’Italie, Esprit-François est chargé de conduire les assassins du patriote ardéchois Malignon devant le Tribunal révolutionnaire par décret du 5 messidor an II. Il profite de cette mission pour passer quelques semaines à Paris chez ses frères.
37Buchez P. J.-B. et Roux P.-C., Histoire parlementaire de la Révolution française…, op. cit., p. 50.
38AN, F7 4433, lettre de Payan à la commune de Bercy, 9 thermidor an II.
39Ibid., lettre de la municipalité de Choisy-sur-Seine, 9 thermidor an II.
40Martin Jean-Clément, Robespierre, op. cit., p. 303.
41Faits recueillis aux derniers instants de Robespierre et de sa faction, du 9 au 10 thermidor, Paris, Imprimerie de Paix, 1794, p. 5.
42Walter Gérard, La conjuration du Neuf Thermidor, op. cit., p. 159.
43Rudé George, La foule dans la Révolution française, Paris, Maspero, 1982, p. 159.
44Brunel Françoise, Thermidor. La chute de Robespierre, op. cit., p. 108-109.
45Martin Jean-Clément, Robespierre, op. cit., p. 309-335 ; Obligi Cécile, Robespierre. La probité révoltante, Paris, Belin, 2012, p. 165-172 ; Pouffary Marion, Robespierre, monstre ou héros ?, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2023.
46Tulard Jean, Les thermidoriens, Paris, Fayard, 2005.
47Biard Michel et Linton Marisa, Terreur ! La Révolution française face à ses démons, Paris, Armand Colin, 2020, p. 15-21.
48Belissa Marc et Bosc Yannick, Robespierre. La fabrication d’un mythe, Paris, Ellipses, 2013.
49Biard Michel, « La double mort de Robespierre », in Michel Biard et Philippe Bourdin (dir.), Robespierre. Portraits croisés, op. cit., p. 193-207.
50Simonin Anne, Le déshonneur dans la République. Une histoire de l’indignité, 1791-1958, Paris, Grasset, 2008.
51Bianchi Serge (dir.), Héros et héroïnes de la Révolution française, Paris, Éditions du CTHS, 2012, p. 494-495.
52Vovelle Michel (dir.), Le tournant de l’an III. Réaction et Terreur blanche dans la France révolutionnaire, Paris, Éditions du CTHS, 1997.
53Buchez P. J.-B. et Roux P.-C., Histoire parlementaire de la Révolution française…, op. cit., p. 62.
54Moniteur universel, no 324 du 24 thermidor an II.
55Mathan Anne de, Le fédéralisme girondin. Histoire d’un mythe national, manuscrit inédit d’habilitation à diriger les recherches sous la dir. de Pierre Serna, 2017.
56Moulinas René, Histoire de la Révolution d’Avignon, op. cit., p. 300-304.
57Moniteur universel, no 314 du 14 thermidor an II.
58Ibid.
59Ibid., no 358 du 28 fructidor an II.
60Martin Jean-Clément, Robespierre, op. cit., p. 319.
61Moniteur universel, no 314 du 14 thermidor an II.
62Ibid.
63Rochas Adolphe, Journal d’un bourgeois de Valence, t. II, Grenoble, Allier, 1892, p. 149.
64Steinberg Sylvie, La confusion des sexes : le travestissement de la Renaissance à la Révolution, Paris, Fayard, 2001.
65Biard Michel, « Une mort héroïque volée ? Les historiens et le “cas” Robespierre », in Michel Biard, Jean-Numa Ducange et Jean-Yves Frétigné (dir.), Mourir en révolutionnaire, op. cit., p. 93-105.
66Courtois Edme Bonaventure, Rapport fait au nom des comités de salut public et de sûreté générale sur les événements du 9 Thermidor, précédé d’une préface en réponse aux détracteurs de cette mémorable journée, prononcé le 8 thermidor an III, la veille de l’anniversaire de la chute du tyran, Paris, imprimerie nationale, floréal an IV, p. 55.
67AN, F 7 4432, tableau de la conduite de Guyot, an II.
68Papiers trouvés…, t. I, op. cit., p. 59.
69Ibid., p. 49.
70Moniteur universel, no 152 du 21 ventôse an III.
71Papiers trouvés…, t. I, op. cit., p. 53-54.
72Petiteau Natalie, Écrire la mémoire. Les mémorialistes de la Révolution et de l’Empire, Paris, Les Indes savantes, 2012 ; Biard Michel, Bourdin Philippe, Leuwers Hervé et Ômi Yoshiaki, L’écriture d’une expérience. Histoire & mémoires de Conventionnels, Paris, Société des études robespierristes, 2016.
73Walter Géard, La conjuration du Neuf Thermidor, op. cit., p. 454.
74Tissot Pierre-François, Histoire complète de la Révolution française, Paris, Baudoin, 1834-1835, t. V-VI, p. 295.
75Baczko Bronislaw, Politiques de la Révolution française, Paris, Folio, 2008, p. 139-141.
76« Les affaires d’État sont mes affaires de cœur »…, op. cit., p. 318-319.
77AN, F7 4433, fragment de la lettre écrite par Fourcade à Robespierre, 1794.
78AN, F7 4710, mémoire de Fourcade, thermidor an II. Les citations suivantes sont toutes extraites de ce mémoire.
79Tous les proches des suppliciés utilisent le même stratagème pour sauver leur tête. Charlotte Robespierre n’hésite pas à souiller la mémoire de ses frères et à jouer le jeu des thermidoriens, Luzzatto Sergio, Bonbon Robespierre. La Terreur à visage humain, Paris, Arléa, 2010, p. 13-14.
80Beau Jacky, Gaspin Gérard et Issartel Jean-Louis, Les chemins de la Révolution. Bourg-Saint-Andéol, un bastion sans-culotte en Ardèche, Privas, Fédération des œuvres laïques de l’Ardèche, 1988, p. 274.
81Rochas Adolphe, Journal d’un bourgeois de Valence, t. II, op. cit., p. 145.
82Ibid., p. 146.
83Ibid., p. 148.
84AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 7, délibération municipale du 17 thermidor an II.
85Ibid., délibération municipale du 21 thermidor an II.
86AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 4, délibération de la société politique, 19 thermidor an II.
87Ibid.
88Ibid., délibération municipale du 24 thermidor an II.
89AN, AF II/196, rapport de Méaulle à la Convention, 8 fructidor an II.
90Ibid., pièces du département de la Drôme relatives à la conspiration de Robespierre.
91Ibid., déposition de Jean-Antoine Laugé, 28 thermidor an II.
92Baczko Bronislaw, Comment sortir de la Terreur. Thermidor et la Révolution, Paris, Gallimard, 1989, p. 15-56.
93Rochas Adolphe, Journal d’un bourgeois de Valence, t. II, op. cit., p. 151.
94Pierre Roger (dir.), 240 000 Drômois. De Robespierre à Bonaparte, Valence, Notre Temps, 1996, p. 12.
95AN, AF II/196, dénonciations contre Melleret, thermidor an II.
96Dès le 4 août, des placards, affichés sur la porte de l’hôtel de ville de Montélimar, dénoncent les « crimes de la Convention » et appellent à restaurer la monarchie.
97Rochas Adolphe, Journal d’un bourgeois de Valence, t. II, op. cit., p. 153-156.
98Ibid., p. 151.
99AN, AF II/196, lettre de Méaulle au Comité de salut public, fructidor an II.
100Biard Michel, En finir avec Robespierre et ses amis (juillet 1794-octobre 1795), Clamecy, Lemme Edit, 2021.
101AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 4, délibérations du club des Jacobins, fructidor an II.
102Ibid., délibération du club des Jacobins, 26 thermidor an II.
103AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 7, délibération municipale du 19 floréal an III.
104AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 9, procédure judiciaire des affaires des 1er et 2 avril 1792.
105Chavanette Loris, Leuwers Hervé, Salas Denis et Steinberg Ronen, « Justice transitionnelle et République de l’an III », AHRF, no 398, 2019/4, p. 121-145 ; Leuwers Hervé, Martin Virginie et Salas Denis (dir.), Histoire de la Justice, no 32, « Juger la “Terreur”. Justice transitionnelle et République en l’an III », Paris, AFHJ/La Documentation française, 2021.
106Lucas Colin, « Themes in Southern Violence After 9 Thermidor », in Gwynne Lewis et Colin Lucas (dir.), Beyond the Terror. Essays in French Regional and Social History, 1794-1815, Cambridge, Cambridge University Press, 1983, p. 152-194 ; Clay Stephen, « Les réactions du Midi : conflits, continuités et violences », AHRF, no 345, 2006/4, p. 55-91 ; Clay Stephen, « Justice, vengeance et passé révolutionnaire : les crimes de la Terreur blanche », AHRF, no 350, 2007/4, p. 109-133.

Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008