Chapitre VI. Les « volcaniques Payan »
p. 159-204
Texte intégral
1À partir du printemps 1792, la radicalisation et les brusques accélérations du temps politique vécu offrent aux frères Payan l’opportunité de s’engager plus en avant dans une Révolution qui leur ouvre de nouveaux horizons politiques. En s’impliquant totalement dans le processus révolutionnaire, les Payan gravissent, en l’espace de quelques mois, les différentes échelles du pouvoir, du local au national, et se retrouvent propulsés sur la scène politique parisienne, gravitant, dès lors, dans les plus hautes sphères révolutionnaires. Reste que leur trajectoire politique n’a rien de linéaire, et encore moins d’évident. En effet, rien ne prédispose les Payan à devenir d’importants et intimes collaborateurs de Robespierre. La fulgurante ascension des deux frères permet de comprendre comment les circulations, sans précédents, d’idées ou de projets politiques, parfois concurrentiels, ainsi que les intenses mobilités humaines, rapprochant le local et le national, façonnent, ou, remodèlent la pensée politique des élites provinciales et contribuent à politiser les individus. Sous le vent dominant des événements nationaux, les Payan amorcent une longue mue idéologique, ponctuée de tâtonnements, d’errances et de reniements politiques, qui finit par les conduire sur les pentes de la « Montagne ». La conversion « montagnarde » des frères Payan provoque un séisme politique d’une rare intensité qui fracture, une nouvelle fois, structures relationnelles et liens politiques qui finissent par se consumer dans le brasier « fédéraliste ». Au tournant de l’année 1793, les météores de la Drôme entrent dans l’orbite robespierriste, dont ils deviennent rapidement deux des principaux satellites.
Missionnaires politiques (1792)
2L’influence politique grandissante des frères Payan se mesure par leur capacité à fédérer autour d’eux et à mobiliser d’autres acteurs hors du fief familial et de leurs réseaux locaux. En effet, qu’ils agissent sous couvert de fonctions administratives ou sous mandat du club des Jacobins tricastin, les Payan sont régulièrement amenés à parcourir le département de la Drôme ou à intervenir dans ses territoires limitrophes. Le militantisme politique des frères Payan est mû à la fois par le combat acharné qu’ils livrent contre le « fanatisme » et par leur soutien inconditionnel aux patriotes de l’ancien Comtat, en butte à l’hostilité de forces « aristocrates » dominant le nouveau district de l’Ouvèze. Ce faisant, ils acquièrent un réel capital politique et une envergure régionale au moment où la chute du roi change les règles du jeu.
Les courses civiques des frères Payan
3La création du nouveau district de l’Ouvèze, résultant de l’intégration du Haut Comtat au département de la Drôme par le décret du 28 mars 1792, donne aux Payan l’occasion de s’engager plus en avant dans le processus révolutionnaire. En effet, la résistance acharnée des « aristocrates » comtadins, devenus français malgré eux, pousse les sociétés politiques drômoises à répondre aux appels à l’aide désespérés des patriotes. Ce contexte particulier permet à Claude-François de sortir de l’ombre de son aîné et de s’affirmer comme un acteur politique incontournable.
4Les communes du district de l’Ouvèze, majoritairement hostiles au processus révolutionnaire, restent dominées par des équipes réactionnaires qui ne digèrent pas l’annexion du Comtat à la France. Toutefois, les minorités patriotes ne désarment pas et poursuivent la lutte, appuyées par plusieurs clubs des Jacobins méridionaux, comme celui d’Orange, de Montélimar ou de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Depuis l’Ancien Régime, les connexions entre les Comtadins, ayant le statut de régnicoles, et les populations françaises limitrophes du Comtat sont particulièrement nombreuses. Régulièrement sillonnée par d’intenses flux de circulations commerciales et de mobilités humaines, la frontière séparant le royaume de France de l’enclave pontificale est, dans l’esprit des contemporains, plus symbolique que formelle. Les Payan, eux-mêmes, multiplient les déplacements dans le Comtat et nouent des liens avec des élites comtadines très mobiles.
5La dégradation de la conjoncture renforce les liens préexistants entre patriotes comtadins et clubistes tricastins. Ces derniers s’investissent de plus en plus dans les affaires de l’ex-Comtat au début de l’année 1792 lorsque les connivences entre les « aristocrates » tricastins et comtadins accentuent les craintes des patriotes. Ainsi, en février 1792, Claude-François appelle à « surveiller de plus près que jamais les ennemis de la chose publique des communes du ci-devant Comtat1 » tandis que des clubistes sont régulièrement députés dans le district de l’Ouvèze pour appuyer les patriotes en difficulté. Claude-François et Caudeiron, son acolyte des journées d’avril, véritables « courtiers locaux du politique2 », y effectuent plusieurs missions, en relation directe avec le bollénois Jean-François Dours3. Cet intime de Claude-François sillonne avec lui le district de l’Ouvèze afin d’« éradiquer les nombreux rejetons de l’aristocratie dans les principales villes du ci-devant Comtat4 ». Ces missions civiques, rappelant, à une autre échelle, celles conduites par les clubistes marseillais en Provence5, suscitent de nombreuses inimitiés : « Messieurs Caudeiron et Dours mal vus dans le Comtat6. » Si les émissaires du club sont tant détestés, c’est qu’ils jouent un rôle décisif, comme en témoigne l’exemple de Bollène.
6Cette petite ville est étroitement contrôlée par une municipalité « aristocrate » dont les membres ont joué un rôle actif au sein de l’Union de Sainte-Cécile, entre mars et avril 1791. Malgré l’existence d’un courant patriote très prononcé, les « aristocrates » parviennent à se maintenir au pouvoir après l’annexion à la France en contrôlant tous les scrutins municipaux. Les patriotes sollicitent leurs voisins qui députent Claude-François Payan, pouvant intervenir d’autant plus sereinement que le département de la Drôme confie à son frère aîné, en avril 1792, la mission de réorganiser les districts de l’Ouvèze et de Vaucluse. Les patriotes tricastins jouent alors un rôle essentiel dans la seconde vague de fondation ou de refondation des clubs politiques de l’ex-Haut Comtat7 ou dans la réorganisation des pouvoirs municipaux. Ainsi, les commissaires civils convoquent la tenue d’une assemblée primaire le 17 juin, placée sous la surveillance de Claude-François Payan. Les patriotes bollénois conquièrent l’hôtel de ville et offrent une couronne civique à Payan pour son aide décisive. L’envergure politique acquise par Claude-François Payan dans le district de l’Ouvèze est telle que les patriotes bollénois exhortent les administrateurs du département de la Drôme à le députer de nouveau pour veiller au bon déroulement de l’élection du juge de paix au début du mois de juillet 1792 et pour superviser la réorganisation de la garde nationale bollénoise à la fin du mois d’août 1792. Après avoir solennellement passé en revue les 7 bataillons, Payan fait prêter aux soldats-citoyens le serment fédératif. Ces missions, visant à suppléer les différentes administrations dans leur tentative de reprise en main de populations turbulentes et indociles, ne constituent probablement que l’écume d’un militantisme politique bien plus intense. Elles renforcent l’aura et la notoriété du jeune homme qui sort de l’ombre de son aîné et qui s’en différencie par la nature de son engagement politique. Alors que Joseph-François mène désormais le combat au sein des instances administratives, Claude apparaît davantage comme un énergique homme de terrain et d’action, rompu à l’épreuve de force. L’efficacité et la force du tandem formé par les deux frères reposent sur cette complémentarité. En redistribuant les cartes, la révolution du 10 août 1792 confirme la prééminence acquise par les frères Payan et leur capacité à jouer un rôle politique de premier plan.
La consécration de la famille Payan : le test des élections de septembre 1792
7Le renouvellement des pouvoirs locaux ou départementaux et la tenue de nouvelles élections nationales au début du mois de septembre fournissent un excellent indicateur de l’influence et de l’importance politique acquises par la famille à l’aube de la Première République.
8L’assemblée électorale du département de la Drôme tient sa première séance le 2 septembre 1792. La famille Payan figure en bonne place parmi les électeurs. Si Joseph-François est confirmé électeur du second degré pour la troisième fois, accompagné des plus fidèles complices de la famille, le médecin Caudeiron ou le marchand Deville, François, quant à lui, a cédé sa place, sans doute eu égard à son grand âge. En revanche, Claude-François est élu dans le canton de Bollène, avec Jean-François Dours et les autres patriotes qui ont fait appel à lui pour se débarrasser des « aristocrates » au printemps 1792. Cette capacité à être élu hors du territoire d’ancrage de la famille confirme que Claude-François a considérablement renforcé sa stature politique. Enfin, signalons également l’élection de Charles-Joseph, devenu en 1791 vicaire général de l’évêque constitutionnel de la Drôme, élu dans le canton de Grignan. Trois membres d’une même fratrie, élus dans différents cantons, se retrouvent au sein de l’assemblée départementale. C’est dire le rayonnement de la famille qui considère la sphère politique comme un prolongement naturel de la cellule familiale.
9La présidence de l’assemblée revient à Marc-Antoine Jullien père, un ami des Payan originaire de Bourg-de-Péage, tandis que le secrétariat échoit à Joseph-François Payan8. C’est une très belle marque de considération pour cette étoile montante de la Révolution qui s’était à peine fait remarquer lors de la session électorale de 1791. Néanmoins, sa fulgurante ascension n’est pas suffisante pour obtenir une législature à la Convention. Les électeurs députent des proches des Payan : Jullien père, Boisset, etc. En revanche, lors de l’avant-dernière élection, le nom de Claude-François surgit après deux tours d’un scrutin indécis. Payan a gagné en importance mais n’est pas encore considéré comme une personnalité indispensable à l’échelle du département. Une frange de l’assemblée se mobilise, sans succès, pour lui assurer la victoire : lors du troisième et dernier tour de scrutin, Payan n’obtient que 145 voix contre 261 pour son concurrent, Jean-Jacques Jacomin, de Nyons. Malgré sa défaite, sa seule présence en lice montre combien les Payan ont gagné en visibilité politique. La suite des élections tend d’ailleurs à le confirmer.
10Considérant que les « corps administratifs et judiciaires renferment des citoyens qui ont perdu la confiance publique […] ou qui ne sont point à la hauteur de la Révolution », l’assemblée électorale décrète, le 7 septembre, le renouvellement général de l’administration départementale9. Vingt-cinq des 36 administrateurs départementaux élus en 1790-1791 sont disgraciés. Joseph-François figure parmi les rares administrateurs ayant été confirmés par les électeurs. Claude-François, quant à lui, se console de sa défaite en intégrant l’administration départementale. Pour la première fois, les deux frères siègent ensemble au sein d’une même instance administrative. Outre Caudeiron, le vieux complice tricastin, les frères Payan retrouvent également l’un de leur parent, Lagier-Vaugelas, de Die. Ces élections ont propulsé sur le devant de la scène politique les acteurs départementaux les plus engagés dans le processus révolutionnaire tels que Pierre Bès, de Bollène, l’un de ses plus fidèles partisans des Payan ou Alexandre Romieu, de Nyons, un proche de la famille. Ainsi, les Payan entretiennent des rapports plus au moins étroits avec au moins 13 – mais sans doute davantage –, des 34 administrateurs départementaux qui siègent avec eux.
11Les fonctions clefs du département restent à pourvoir. Le procureur général syndic Jean-Jacques Aymé est sommé de se démettre de ses fonctions pour s’être discrédité en protestant contre la journée du 20 juin 1792 et en s’opposant au passage des fédérés marseillais10. À cette occasion, les patriotes siégeant au directoire de département, conduits par Payan, refusent de suivre le procureur général syndic. Le club des jacobins de Saint-Paul-Trois-Châteaux félicite, par la suite, Payan. Celui-ci affirme avoir « suivi les mouvements de [son] cœur et les principes d’un homme libre toujours fidèle à sa patrie, à ses devoirs, à ses serments11 ». L’opposition de Payan renforce sa popularité et favorise son élection triomphale au poste de procureur général syndic, à « la majorité absolue » des 421 électeurs12. Seul un gros tiers des procureurs généraux syndics élus en 1792 présente le même profil que Payan : de jeunes militants très actifs, dont le choix résulte d’une profession de foi politique assumée et revendiquée par les électeurs13. En septembre 1792, Joseph-François Payan devient ainsi le numéro deux du département, à la fois relais du pouvoir central auprès de l’administration départementale, et intermédiaire, en lien permanent, avec les communes de la Drôme. Le président de l’administration départementale, Jacques-Antoine Melleret, d’Étoile, partage les mêmes convictions politiques que les frères Payan, dont il est très proche.
12Bien qu’éloignés de leur fief, les Payan gardent un œil – et la bride – sur l’arène tricastine. Le patriarche est reconduit à la tête de la justice de paix, qu’il occupe depuis 1790. Par ailleurs, le club des Jacobins reste piloté, à distance, par les deux frères. Si Delubac, l’influençable maire placé sous la tutelle des patriotes, reste en fonction, Jean-Vincent Marbaud, complice des Payan dans l’organisation du coup de force d’avril 1792, remplace Claude-François au poste de procureur de la commune. Les Payan n’ont jamais exercé une emprise aussi forte sur l’hôtel de ville.
13À l’aube de la Première République, les frères Payan peuvent appréhender sereinement la mise en place du nouveau régime. Leur ascendance sur les pouvoirs locaux s’est renforcée tandis que leur abandon total dans le processus révolutionnaire, en les auréolant d’un patriotisme irréprochable, leur a ouvert de nouveaux horizons politiques. Néanmoins, le durcissement de la Révolution au tournant de l’année 1792, les divergences des administrateurs départementaux sur leurs attentes et leur conception du nouveau régime républicain et la difficulté d’incarner localement la République « montagnarde » à l’été 1793 fracturent l’unité du mouvement patriote et, en poussant les individus à se positionner, favorisent, de nouveau, une profonde reconfiguration des forces politiques en présence et parachève la mue idéologique des frères Payan.
La mue idéologique des frères Payan (1792-1793)
14En mai-juin 1793, alors que les départements voisins hésitent ou prennent clairement position contre la Convention montagnarde, la Drôme est sur le point, à son tour, de basculer dans la contestation armée. Si la majorité des acteurs hésite encore à franchir le Rubicon, rares sont ceux, à l’instar des Payan, qui s’élèvent pour défendre le coup de force des 31 mai et 2 juin 1793. Reste qu’en le justifiant, les Payan se retrouvent, une nouvelle fois, à contre-courant d’une majorité qui leur est devenue hostile. Comprendre les raisons et le sens de leur engagement pour la « Montagne », au plus fort de la crise dite « fédéraliste », nécessite d’appréhender en amont la lente mue idéologique des Payan à un moment charnière au cours duquel les clivages et les positionnements politiques se radicalisent et génèrent un fossé insurmontable au sein des élites politiques drômoises. Le durcissement révolutionnaire impose une nouvelle reconfiguration des alliances partisanes qui restructure, en profondeur, les réseaux dans lesquels s’insèrent les frères Payan et participe de la redéfinition de leur identité politique.
Un républicanisme tardif
15C’est, paradoxalement, la période au cours de laquelle les frères Payan gagnent en visibilité qui a laissé le moins de traces. Néanmoins, la compilation de quelques discours et écrits politiques pallie, en partie, l’absence de correspondances et documents intimes. L’analyse qualitative de ce petit corpus permet d’appréhender l’évolution de la pensée politique des frères Payan et d’observer un durcissement dans leur prise de position, éclairant in fine les motivations de leur engagement pendant la crise « fédéraliste ».
16Au cours du premier semestre 1792, les Payan multiplient les prises de position contre le roi, ouvertement accusé de jouer un double jeu depuis l’épisode de Varennes14. À Saint-Paul-Trois-Châteaux, la crise religieuse amplifie la méfiance des patriotes à l’égard de la cour. En effet, alors que les « aristocrates » tricastins favorisent le clergé insermenté, le veto de Louis XVI, s’opposant aux décrets de l’Assemblée législative sanctionnant les émigrés et les réfractaires, confirme la duplicité du pouvoir exécutif tout autant qu’il choque les patriotes locaux. Dès le 22 janvier 1792, imitant les clubs de Toulouse et de Grenoble, les Jacobins tricastins chargent les frères Payan, Caudeiron et Callemand de rédiger une adresse au roi pour l’exhorter à annuler son veto15. Le combat mené contre les « aristocrates » et le pouvoir exécutif rapproche les patriotes tricastins du club des Jacobins parisien avec lequel ils s’affilient tardivement – au regard d’autres clubs régionaux, comme Bourg-Saint-Andéol ou Tournon. Se rapprochant des sociétés politiques drômoises les plus prononcées dans le combat politique, comme le club des surveillants de Valence, les clubistes tricastins affichent un soutien total aux Législateurs les plus avancés, dont ils partagent les prises de position. Ainsi, Joseph-François Payan prend publiquement la défense de Brissot et de Condorcet, en dénonçant les habitants qui les critiquent ou qui les insultent.
17Au début de l’été 1792, les Payan plaident pour la destitution du roi. Ainsi, le 3 juillet, Claude-François Payan exhorte les députés à sauver « la chose publique » par « un grand exemple » et « des remèdes violents » : « Ce ne sont pas les branches pourries du pouvoir exécutif qu’il faut élaguer, c’est l’arbre lui-même qu’il faut déraciner16. » Pour autant, Claude-François Payan ne plaide pas pour l’instauration d’un régime républicain qui divise17 ou que de nombreux contemporains jugent encore inadapté, à l’été 1792, à un grand pays comme la France18 : « Suspendez le roi, nommez un régent ou du moins réservez-vous, durant la guerre, le choix de nommer les ministres19. » Cette frilosité politique est entièrement partagée par Joseph-François et ses collègues administrateurs. Au début du mois d’août 1792, alors que la menace de l’invasion se précise et que la crise politique atteint son paroxysme, le directoire de département de la Drôme refuse de céder aux sirènes républicaines des élites politiques marseillaises qui députent des missionnaires jusqu’à Valence. Le 3 août, une assemblée réunissant les autorités administratives, judiciaires et militaires de la Drôme élit quatre commissaires, dont Payan, à qui il incombe de rédiger une réponse aux sollicitations marseillaises20. Par son ambigüité, la proclamation traduit l’attentisme, le malaise et les hésitations d’individus confrontés à une situation totalement inédite. Après avoir salué le zèle et l’« amour brûlant de la Liberté » qui animent les Marseillais, les commissaires se drapent dans un prudent légalisme constitutionnel : « Les autorités de ce département […] ayant en horreur le républicanisme qui conduit à l’anarchie ne veulent que le gouvernement déterminé par la Constitution21. » L’adresse ne fait aucune référence au sujet qui divise les administrateurs – la suspension du roi. Face aux périls qui menacent la constitution et face aux incertitudes qui accompagnent un changement de régime politique brutal, les administrateurs drômois souscrivent unanimement à l’arrêté.
18Ce n’est finalement qu’à la lumière de ces hésitations et de la prudence des élites politiques drômoises au cours de cet été décisif que l’on comprend la rapidité avec laquelle l’administration départementale, en partie renouvelée, entreprend de féliciter les Conventionnels après les décrets des 21 et 22 septembre 1792. En effet, dès le 25 septembre, les trois corps administratifs de Valence rédigent, sous la houlette de Joseph-François Payan, devenu entre-temps procureur général syndic, une virulente adresse contre la royauté, « incompatible avec les droits de la souveraineté nationale22 ». Claude-François se montre encore plus expansif dans le discours qu’il prononce devant les volontaires marseillais : « Le repaire du monstre est renversé, la monarchie abolie et la République décrétée23. » Le ralliement des frères Payan – tardif mais sincère – est motivé par la confiance absolue qu’ils placent dans l’œuvre des Conventionnels et dans la défense de valeurs qu’ils partagent24, telles que l’égalité des droits ou la souveraineté du peuple25. C’est un point essentiel pour comprendre les motivations de l’engagement politique des deux frères, viscéralement attachés à la cause du « peuple » – terme polysémique et complexe26 –, dont ils s’érigent progressivement en défenseurs. Ainsi, dans une lettre adressée au club des Jacobins de Saint-Paul-Trois-Châteaux en août 1792, Joseph-François affirme : « Je ne trahirai jamais la cause du peuple ; il a fait la Révolution, c’est à lui de l’achever27. »
Les pentes de la « Montagne »
19Si les acteurs les plus engagés dans le processus révolutionnaire se sont imposés lors des élections de septembre 1792, tous ne nourrissent pas les mêmes attentes du nouveau régime. Entre l’été 1792 et l’été 1793, la circulation de projets républicains concurrentiels, les divisions à la Convention, relayées massivement par les correspondances ou par la presse qui projettent les affrontements parlementaires en province, et les débats nationaux qui mobilisent une partie de l’opinion publique, tels que le procès du roi, constituent autant d’objets de clivages qui contribuent à remodeler l’idéologie républicaine des élites provinciales.
20L’automne et l’hiver 1792 marquent une rupture majeure dans la pensée politique des frères Payan. En effet, c’est entre novembre 1792 et janvier 1793 que les Payan glissent vers des positionnements politiques qui les rapprochent de la « Montagne ». Pour autant, au début de l’automne 1792, rien n’augure un tel basculement. En effet, les Payan prennent publiquement position contre les mouvements populaires qui attaquent les biens nationaux ou qui tentent de partager arbitrairement les communaux. Depuis le printemps 1792, les départements méridionaux sont le théâtre de cycles insurrectionnels mêlant étroitement revendications socio-économiques et contestations politiques28. Les attaques contre les châteaux se poursuivent et affectent tous les districts de la Drôme. Ces mouvements populaires sont violemment dénoncés par les frères Payan. Le nouveau procureur général syndic s’émeut, dans un rapport adressé à la Convention, des « attentats contre les personnes et les propriétés et plus particulièrement contre celles des émigrés, devenues propriétés nationales29 ». Claude-François, quant à lui, s’exprime dans une longue et virulente adresse « aux citoyens réunis en sociétés populaires30 ».
21Dans cette longue diatribe, Payan fustige l’« anarchie31 » et « les hommes qui osent prêcher l’insurrection contre les lois et contre la République naissante ». Plus qu’une forme d’opportunisme politique mâtinée de « défense d’intérêts de classe32 », Payan mobilise des thèmes et des mots d’ordre qui circulent dans tout le pays – notamment parmi les milieux les plus « modérés33 » – et auxquels les citoyens sont invités à se rallier pour construire l’unité politique nationale. Cette dernière exige une réelle conversion (« vous croyez être républicain parce qu’on a décrété la République ? ») impliquant une totale soumission aux lois, et, surtout, l’assimilation de valeurs garantissant la viabilité du nouveau régime : « Chassez de vos âmes la barbarie, l’ambition, l’amour des voluptés, l’avarice ; appelez-y l’humanité, la modération, la sobriété, le mépris des richesses, et alors, seulement alors, vous pourrez vous décorer du titre sublime de Républicain. » Vertu, abnégation, modération, autant de qualités valorisées par les penseurs républicains classiques qui ont nourri les réflexions de toute une génération formée dans les collèges du xviiie siècle34. En outre, pour délégitimer les mouvements populaires drômois, Payan les amalgame avec les massacres de septembre35, balayés avec horreur selon une rhétorique politique éprouvée par de nombreux contemporains36 : « Qu’elle fut affreuse, qu’elle fut horrible cette journée du 2 septembre, où… ma main se refuse à rougir le papier de ces scènes atroces. » Ces lynchages affectent aussi la Drôme. Joseph-François dénonce à la Convention le jugement expéditif du gendarme Dupuy. Accusé d’être un agent contre-révolutionnaire, il est sommairement pendu à un orme par les volontaires marseillais, « coupables d’une exécution illégale et féroce », sans que l’administration départementale n’ait voulu ou pu intervenir37. En condamnant de telles pratiques, les Payan adoptent une posture très proche de celles des chefs de file girondins qui, après avoir plus ou moins justifié les massacres de septembre, au nom de la sauvegarde de la Révolution, les dénoncent lorsque la menace de l’invasion étrangère se dissipe après les victoires de Valmy et de Jemmapes38. Claude-François ne cache d’ailleurs pas ses sympathies girondines en invitant très clairement les Drômois à suivre les principes défendus par leurs « vrais amis » : « les Roland, les Brissot, les Guadet, les Vergniaud ». À l’automne 1792, les Payan restent attachés à des individus qui se sont fortement mobilisés contre la trahison du pouvoir exécutif entre le printemps et l’été 1792 et qui se retrouvent dans le projet républicain qu’ils défendent. Au début du mois de décembre 1792, Claude-François écrit au ministre Roland pour lui dénoncer les nombreux ecclésiastiques réfractaires qui se cachent dans le collège de Tournon, en Ardèche, et, surtout, pour lui envoyer le prospectus de La vérité au peuple. Journal des départements de la Drôme et de l’Ardèche39, premier périodique drômois de la décennie révolutionnaire40 qu’il vient de lancer avec son collègue Alexandre Romieu. Roland félicite Payan pour sa vigilance et loue sa démarche journalistique, ayant « pour but d’éclairer le peuple sur ses véritables intérêts41 ».
22La fin de l’année 1792 constitue une nouvelle charnière dans la pensée politique des frères Payan. En effet, le procès et le jugement du roi provoquent un séisme politique qui contribue à faire bouger sensiblement les lignes, tant à la Convention nationale que dans les départements42. Convaincus de la trahison de l’ex-monarque, les frères Payan se mobilisent, très tôt, pour un châtiment exemplaire. Dès novembre 1792, sous l’impulsion de Joseph-François Payan, l’administration du département de la Drôme fait réimprimer 1 000 exemplaires de la Défense du peuple anglais sur le jugement et la condamnation de Charles Premier d’Angleterre, ouvrage majeur de Milton justifiant le régicide de 164943. Les frères Payan conditionnent le sort de l’ex-roi à l’existence même de la République : « Louis doit périr sous le glaive des lois. C’est l’unique moyen de déjouer toutes les manœuvres, tous les complots que l’on multiplie pour ébranler le gouvernement républicain44. » Dans La vérité au peuple, au ton résolument « montagnard », Claude-François plaide, au début du mois de janvier 1793, pour la condamnation à mort : « Louis […] est coupable, il faut qu’il périsse. L’égalité le veut, la justice le commande, et la politique en fait une loi45. » Ce positionnement est concomitant au ralliement « Montagnard », en décembre 179246, d’une partie des Conventionnels drômois, tels que Boisset, et surtout, Marc-Antoine Jullien – véritable « incubateur politique47 » – intimement liés aux Payan. L’adhésion d’une partie de la députation drômoise au projet républicain « Montagnard » semble entraîner avec elle – ou accélérer le processus dans le cas des Payan –, par le jeu des circulations, la conversion d’une partie des acteurs politiques provinciaux.
23Le procès du roi révèle l’importance de la fracture au sein de la classe politique drômoise. Seuls trois députés48 – ceux dont les Payan sont les plus proches – sur neuf49 votent la mort du roi tandis que les frères Payan, et certains de leurs collègues de l’administration départementale, tels que Caudeiron ou Melleret, rompant avec les Girondins, s’affichent parmi les républicains les plus avancés du département de la Drôme. Aux yeux des Payan, les Girondins se sont notamment discrédités par leurs prises de position lors du procès du roi. Le reniement politique est total, comme l’atteste une lettre écrite par Claude-François au Conventionnel Marc-Antoine Jullien au cours du printemps 1793 : « Je donnerais jusqu’à la dernière goute de mon sang pour que la Convention soit unie mais tant qu’il y aura deux partie [sic], j’embrasserai celui que détestent les aristo et je vomirai avec horreur les brissotins50. » L’intensification des troubles intérieurs, liée notamment à la crise vendéenne, et extérieurs, inhérente à la multiplication des fronts face à l’élargissement de la Première coalition, interdit désormais, pour les Payan, toute option politique modérée. C’est donc sous la bannière « montagnarde » qu’ils se mobilisent lors de la crise provoquée par les journées des 31 mai et 2 juin 1793.
Fractures républicaines
24À la veille du coup de force des 31 mai et 2 juin 1793, les élites politiques drômoises affichent d’importantes divisions. La ferveur patriotique de l’été 1792 est retombée. En soulageant l’étreinte que faisaient peser les puissances coalisées sur les frontières alpines, l’occupation de la Savoie et du comté de Nice dissipe les peurs d’une invasion étrangère et atténue une partie des tensions politiques. Surtout, les mouvements populaires du printemps et de l’automne 1792 fissurent l’unité des républicains drômois. Choquée par les violences, les taxations et les partages forcés des communaux, une partie de la bourgeoisie méridionale rompt avec le mouvement populaire et adopte un positionnement plus modéré51. Ces clivages sont particulièrement perceptibles dans les résultats des élections municipales de la fin de l’année 1792, visant à éliminer les individus les moins engagés dans le processus républicain. Au-delà de quelques communes, telles que Saint-Paul-Trois-Châteaux ou Montélimar, fermement tenues par des républicains prononcés, le scrutin s’avère totalement contre-productif dans de nombreuses localités, où des édiles modérés et très conformistes sont reconduits (comme à Étoile ou à Tain) quand les équipes patriotes ne subissent pas un cuisant échec, comme à Valence. Claude-François Payan dénonce cette atonie républicaine à la tribune de la Société des surveillants le 19 mai 1793 : « La municipalité de Valence [qui] croupit ainsi que tous les habitants dans une insouciance criminelle sur les dangers de la patrie52. » Les propos de Payan font grand bruit au sein d’une partie de la société politique tandis que la municipalité dénonce « l’anarchiste » Payan au département.
25Les divisions qui paralysent la Convention sont dénoncées par une partie de la classe politique locale, exigeant que le directoire de département rédige une adresse exhortant la Convention à l’union pour mieux se consacrer à la défense de la patrie et à se borner à une guerre strictement défensive53. Pour mieux coordonner la lutte contre les ennemis de la République, il est instauré un comité de sûreté publique de 8 membres, sélectionnés parmi les administrateurs départementaux, du district et de la municipalité valentinoise, à qui il incombe la rédaction de l’adresse, secondée par Joseph-François Payan. Les fractures politiques se révèlent au grand jour à la fin du mois de mai, lorsque les administrateurs modérés du directoire du département tentent de rédiger une seconde adresse, bien plus virulente que la précédente. Cette nouvelle dénonciation de « l’état d’anarchie » s’inscrit dans un mouvement plus ample de protestation émanant « d’un grand nombre d’autorités constituées de la République54 », plus particulièrement méridionales. Pour la première fois, Joseph-François sort de la réserve à laquelle sa fonction le contraint et s’oppose à la rédaction de cette adresse critiquant les « Montagnards ». Cependant, les administrateurs passent outre l’avis du procureur général syndic et invitent toutes les autorités judiciaires, administratives et militaires à se réunir pour rédiger l’adresse. S’engage alors un bras de fer entre une minorité « montagnarde » et une majorité modérée, composée surtout d’individus attentistes, dont le positionnement est susceptible d’évoluer au gré des rapports de force, et d’une poignée d’adversaires résolument hostiles à la « Montagne ».
26Malgré l’opposition de Joseph-François, l’assemblée réunissant les délégués des différentes autorités du département se tient le 28 mai 1793. Payan s’insurge contre l’adresse qui « calomnie les Parisiens » et répand « contre les représentants du peuple siégeant à la Montagne, qui ont envoyé le traître Capet à l’échafaud et constamment défendu le droit des peuples, des impressions défavorables ». Claude-François et quelques députés soutiennent, en vain, la profession de foi « montagnarde55 » du procureur général syndic. Municipalité valentinoise et administration du district de Valence, instances judiciaires ou militaires partagent les positions modérées de l’adresse. Pour donner plus de légitimité à leurs revendications, les républicains modérés tentent d’obtenir le soutien de la Société républicaine de Valence. Cette dernière, née de la fusion des deux anciens clubs politiques fraîchement opérée par une poignée de « Montagnards », dont Claude-François Payan, la balaye d’un revers de main. Pour contourner la résistance des clubistes, l’adresse est déposée à l’hôtel de ville de Valence où les citoyens sont invités à venir la signer. La rébellion de Marc-Antoine Charrier56 désamorce temporairement la crise en remobilisant tous les administrateurs, de nouveau confrontés à l’urgence contre-révolutionnaire. Néanmoins, cette crise politique a révélé l’existence d’une double fracture. Le « modérantisme » politique d’une partie des élites départementales est rejeté par certaines municipalités et la majorité des sociétés politiques. Enfin, l’engagement politique des Payan crée un profond malaise en révélant le divorce entre les frères Payan et certains de leurs plus proches collaborateurs, comme Alexandre Romieu et, surtout, Louis Caudeiron. Après avoir été missionnaire jacobin avec Claude-François et certainement le plus proche compagnon de lutte des frères Payan, Caudeiron s’oppose désormais à eux et au modèle républicain qu’ils défendent et qu’ils portent localement. Avec la crise de l’été 179357, une étape supplémentaire est franchie, rompant les derniers ponts et interdisant, en apparence du moins, tout retour en arrière.
« Les sauveurs du Midi »
27Il ne s’agira pas ici de faire un récit circonstancié de la crise « fédéraliste58 » mais de mettre en évidence la stratégie déployée par les frères Payan pour emporter l’adhésion d’un département divisé. Comme en 1792, ils adoptent une tactique efficace, reposant sur la complémentarité de leur mobilisation : Joseph-François mène le combat depuis Valence, auréolé de sa fonction de procureur général syndic qui lui confère légitimité et autorité, tandis que Claude-François excelle sur le terrain, volant de commune en commune pour entretenir la résistance.
28La crise politique connaît un nouveau rebond le 7 juin 1793 lorsqu’un courrier extraordinaire interrompt la séance de l’administration départementale pour annoncer les coups de force des 31 mai et 2 juin. Profitant de l’annonce de cette « mémorable journée qui a sauvé la République et anéanti par une sage et sainte insurrection la faction liberticide59 », Joseph-François tente d’imposer la rédaction d’une nouvelle adresse – la troisième en moins d’un mois –, félicitant les « Parisiens qui ont bien mérité de la patrie » et reniant, surtout, les prises de position précédentes. Au soir du 7 juin, les jeux semblent faits : Payan a arraché l’adhésion d’une administration départementale médusée tandis que plusieurs départements méridionaux, comme le Gard, les Bouches-du-Rhône et le Rhône-et-Loire, entrent en rébellion ouverte contre Paris60.
29Le débat suscité par les journées des 31 mai et 2 juin irrigue tout le département. Le district et la municipalité de Valence, clef de voute du « fédéralisme » drômois, tentent de court-circuiter l’administration départementale61, en réimprimant l’adresse du 18 mai, rebaptisée « Aux vrais républicains », et en la diffusant à toutes les autorités du département62. Le 18 juin, Caudeiron, Romieu et les autres administrateurs départementaux obtiennent, malgré l’hostilité des frères Payan, que le conseil du département désavoue les événements parisiens. Afin de légitimer leur action et de leur conférer le soutien populaire qui leur font défaut, les administrateurs invitent les communes à se réunir en sections afin de se prononcer sur la crise. En moins de dix jours, l’administration départementale s’est retournée. Après avoir prêté allégeance aux « fédéralistes » méridionaux, les administrateurs sont sur le point de souscrire à l’insurrection armée, soit le degré d’engagement le plus abouti dans la crise63.
30Bien que minoritaire au sein de l’administration, Joseph-François Payan mobilise d’importances ressources personnelles et professionnelles pour contrecarrer les « fédéralistes » drômois. Intermédiaire direct entre le gouvernement central et les pouvoirs locaux, il reste l’interlocuteur privilégié des acteurs politiques drômois qu’il informe constamment. Sa correspondance professionnelle atteste son habilité à maintenir le contact avec les sept districts du département à qui il transmet prioritairement l’arrêté départemental du 7 juin qui approuve les insurrections parisiennes64. La surenchère épistolaire à laquelle se livrent Payan et les « fédéralistes » drômois inonde les administrations locales sous un flot de nouvelles contradictoires et déstabilisantes. L’autorité et la légitimité du procureur général syndic font la différence. Ainsi, le district de Crest se rallie à Payan dès le 13 juin. En parallèle, Joseph-François joue habilement sur les divisions et l’indécision des administrateurs départementaux « fédéralistes » pour empêcher la jonction de la Drôme avec les autres espaces insurgés. Ainsi, Payan démonte les arguments de l’administration des Bouches-du-Rhône qui se défend d’être contre-révolutionnaire tandis que l’invitation du département de l’Isère, de députer des délégués drômois à « l’Assemblée des autorités constituées de Grenoble », prévue le 20 juin65, est jugée « impolitique » et « contre-révolutionnaire66 ». Hésitant à s’affranchir du cadre légal, le département de la Drôme suit Payan et reste isolé des départements insurgés. Dans le même temps, Joseph-François entretient une correspondance soutenue avec ses collègues des départements voisins, dont certains, comme l’Ardèche, sont tout aussi indécis67. En professant le même attachement à la « Montagne » et en mobilisant leurs ressources respectives, Payan et son homologue ardéchois, Chabal, érigent leur département en un verrou « montagnard » décisif, entravant la jonction des bataillons fédérés du Gard et des Bouches-du-Rhône avec les insurgés lyonnais. Enfin, et surtout, Payan joue son atout maître en battant le rappel des clubistes drômois, auprès desquels les frères Payan jouissent d’une grande notoriété. Malgré leur départ pour Valence, ils sont parfaitement insérés dans le tissu jacobin drômois qu’ils contribuent à redynamiser à une période où de nombreuses sociétés politiques sombrent dans une profonde léthargie. Épaulés par un noyau actif de Jacobins méridionaux, les Payan ont organisé le 21 avril 1793, à la Baume-de-Transit, une fédération de vingt-sept clubs du district de Montélimar et des départements du Gard et de l’Ardèche, au cours de laquelle un comité central de salut public est instauré pour « déjouer les coupables projets des malveillants68 ». Piloté par les Payan et leurs partisans, son bureau permanent est fixé au sein de la société politique de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Plus de quarante clubs méridionaux y adhèrent et entretiennent entre eux des rapports étroits et réguliers. Mobilisé à bon escient en pleine crise « fédéraliste », ce réseau jacobin redynamisé contribue à faire pencher la balance en faveur des « Montagnards ». Le 6 juin 1793, soit un jour avant que la nouvelle des événements parisiens ne soit connue dans la Drôme, la Société des républicains de Valence planifie une nouvelle fédération pour le 24 juin, afin de poursuivre la revitalisation du jacobinisme méridional et, surtout, de proposer une réponse collective à la crise politique majeure qui affecte certains centres méridionaux, comme Marseille ou Nîmes. Pour le procureur général syndic, ce congrès est une incroyable aubaine qu’il sait habilement exploiter, en travaillant l’opinion publique des clubistes avec son frère.
31Dès l’annonce du coup de force, Claude-François est envoyé sur le terrain, là où il excelle. Le 8 juin, le conseil départemental le charge de se rendre, en tant que commissaire conciliateur, auprès des administrations départementales ardéchoises et gardoises. Cependant, la maladie le retient à Saint-Paul-Trois-Châteaux, où il déploie, malgré tout, une importante activité épistolaire, informant son frère de la situation dans les départements méridionaux. Profitant de sa convalescence, il rédige une virulente profession de foi « montagnarde » adressée « Aux sans-culottes des campagnes » et diffusée dans tout le département. Claude-François met en scène un sans-culotte rural, « déchargé d’une dîme odieuse et des droits seigneuriaux usurpés », livrant son avis sur les événements parisiens et sur le soulèvement d’une partie du Midi. Après avoir listé les principaux griefs reprochés aux députés renversés, Payan justifie et légitime le coup de force. La seconde partie de la brochure cherche à convaincre les indécis tout en diabolisant les insurgés, amalgamés avec les riches et les profiteurs : « Le riche n’aime guère le pauvre, et si la Convention favorise le pauvre par ses décrets, il est tout simple que les habitants des grandes villes calomnient la Convention et veulent détruire Paris69. » Si la rhétorique de la lutte contre « l’égoïsme des riches70 » se comprend au regard du public ciblé par l’adresse, il n’en reste pas moins que c’est la première fois que les Payan se réapproprient des mots d’ordre et concepts politiques, dénonçant le parti pris social supposé des Girondins en faveur des riches, qui circulent dans les milieux « montagnards » ou cordeliers71. C’est également une manière de dénoncer les riches négociants marseillais et lyonnais qui ont largement souscrit à la révolte. Une fois sur pied, Claude-François sillonne le district de Montélimar, du 20 au 23 juin, afin d’y raviver la flamme patriotique et de remobiliser les clubistes pour l’assemblée du 24 juin.
32À la veille de l’ouverture de l’assemblée de Valence, rien n’est encore joué. Au sein du directoire de département, les « fédéralistes » gardent l’initiative : ils planifient pour le 27 juin une assemblée de tous les corps constitués tandis qu’ils obtiennent le rappel des commissaires spéciaux, dont Claude-François Payan, sommé le 23 juin de retourner à son poste. En outre, à Valence, les nouvelles ne sont pas bonnes : les sections s’imposent le 21 juin, se prononçant contre le coup de force parisien et incitant le département à rejoindre les départements insurgés. Pour les « Montagnards », le risque est grand que les sections rurales suivent, par mimétisme ou conformisme, l’exemple donné par le chef-lieu du département. Dans une position délicate, isolé au sein d’administrations qui lui sont majoritairement, sinon hostiles, tout au moins fermement opposées, le procureur général syndic ne peut que menacer : « Si le département se laissait induire jusqu’à adopter quelques mesures liberticides, il prendrait alors toutes les déterminations qui lui seraient inspirées par son dévouement sans borne au corps législatif et à la République72. » Cependant, l’intense activité déployée par les Payan commence à porter ses fruits tandis que la stratégie de l’administration « fédéraliste » finit par se retourner contre elle. En effet, les résultats des consultations communales révèlent, sinon le peu d’entrain, tout au moins la prudence des Drômois pour une aventure « fédéraliste » qui les laisse globalement circonspects puisqu’à peine 43 % des communes interrogées soutiennent le département de la Drôme (56 sur 128)73. En revanche, presque un tiers des assemblées primaires, surtout celles situées dans le district de Montélimar, prend fait et cause pour la Convention. La minorité « montagnarde » siégeant à l’administration départementale profite de ce camouflet électoral pour relever la tête. Germigny, élu de Crest et l’un des plus fidèles soutiens des Payan, instille le doute en annonçant à ses collègues que le vœu des communes du district de Crest s’éloigne de celui des sections valentinoises. D’autres lettres, émanant de la société politique de Vaison ou des municipalités de Saint-Paul-Trois-Châteaux et de Bourg-Saint-Andéol, en Ardèche, exhortent le département à soutenir la Convention. Joseph-François Payan enfonce le clou : « Dès que le petit nombre de citoyens qui ont été momentanément égarés à Valence auront recouvré la lumière et la vérité, ils s’empresseront d’abjurer une erreur criminelle qui n’est que le fruit de la suggestion des ennemis de la liberté74. » Les partisans de la « Montagne », plus actifs et mieux organisés, sont en passe de conquérir les indécis qui sentent le vent tourner. C’est dans ce contexte décisif que s’ouvre le congrès des sociétés politiques de Valence.
33Quarante-deux sociétés politiques participent au congrès de Valence du 24 au 26 juin75. D’une manière générale, le sud du département, directement menacé par l’avancée des insurgés marseillais ou nîmois, est le plus représenté : seuls 12 clubs sur 42 se trouvent au nord de Montélimar. Sur les 98 délégués, 46 proviennent de sociétés politiques méridionales, localisées au sein d’un quadrilatère délimité par Montélimar-Bagnols-Dieulefit-Buis. Ce sont les collaborateurs les plus actifs du comité central, créé sous l’impulsion des Payan en avril, qui députent le plus à Valence. Certains membres de l’administration départementale sont élus par leur club politique respectif : Romieu, resté très populaire à Nyons, tandis que Melleret, président du département, est député par la société politique d’Étoile et, surtout, Joseph-François Payan par celui de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Claude-François, toujours retenu dans la partie méridionale du département, ne participe pas au congrès, contrairement à ce qui a pu être affirmé par certains historiens76, mais il a collaboré à sa préparation. Malgré la présence d’une poignée de « fédéralistes », dont Romieu, qui espère faire pencher la balance en leur faveur, les débats sont rapidement confisqués par Payan et ses partisans qui éloignent l’assemblée de toute perspective séparatiste. Dès le 25 juin, l’assemblée prête allégeance à la Convention, « centre d’unité et seul point de ralliement de tous les Français » et rejette solennellement le « fédéralisme »77. Une adresse – la quatrième –, désavouant l’arrêté départemental du 18 juin, est envoyée à la Convention pour l’assurer de la fidélité de la Drôme. Six commissaires sont chargés de la mise en œuvre des décisions du congrès, dont Joseph-François Payan. Le 27 juin, les administrateurs « fédéralistes », conscients d’abattre leur dernière carte, ont beau tenter de protester devant l’assemblée des autorités constituées qu’ils ont convoquée, le « fédéralisme » drômois a fait long feu. Alors que la menace se précise au début du mois de juillet (les fédérés marseillais achèvent la conquête des Bouches-du-Rhône méridionales et sont sur le point de franchir la Durance78 ; les Nîmois marchent sur la citadelle de Pont-Saint-Esprit, verrouillant la basse vallée du Rhône79), les indécis se rallient aux « Montagnards » tandis que Romieu, Caudeiron et les autres administrateurs « fédéralistes » se soumettent le 2 juillet 1793. L’arrivée imminente du représentant Albitte, accompagné du général Carteaux, chargé d’écraser la rébellion du Midi avec une armée de 6 000 hommes, accélère la mise aux pas des administrateurs les plus récalcitrants. Le basculement de la Drôme est solennellement acté le 4 juillet, lorsque les commissaires députés par les départements de la Gironde et des Bouches-du-Rhône se voient refuser le droit de passage vers Lyon. Si les Payan sont parvenus à retourner l’opinion de l’administration départementale, rien n’est encore gagné.
34Dans les franges méridionales de la Drôme, les rapports sont très alarmants. Dans certaines communes, comme Carpentras ou Bollène, les sections s’imposent. Dans de nombreuses localités méridionales, la crise « fédéraliste » est instrumentalisée pour liquider de vieux contentieux politiques : républicains modérés, ex-papalins dans les anciennes dépendances pontificales, contre-révolutionnaires notoires, saisissent l’occasion d’une revanche pour s’imposer80. Dès le 6 juillet, les administrateurs, prenant acte de l’échec des tentatives de conciliation avec les départements insurgés, arrêtent « l’anéantissement des rebelles du Midi ». Au cours de la séance, Joseph-François Payan, sans doute galvanisé par la présence du représentant Albitte, prononce un discours très convenu appelant « à porter la Terreur et la mort parmi les rebelles marseillais et l’instruction dans les communes égarées81 ». Le 8 juillet, Carteaux quitte Valence pour se lancer dans la reconquête de la vallée du Rhône méridionale.
35La descente du général Carteaux est précédée sur le terrain par une intense activité de préparation des populations locales, travaillées par des commissaires spéciaux députés par les représentants en mission. Ainsi, Claude-François Payan est nommé le 4 juillet par les représentants Albitte et Gauthier pour « propager dans le département de la Drôme et autres l’esprit républicain, veiller à la conservation des droits des peuples et des sociétés populaires, entretenir une exacte correspondance avec les représentants du peuple et surveiller toutes les mesures coalisées des ennemis de l’unité et de l’indivisibilité de la République82 ». Investi de pouvoirs spéciaux – qui entérinent en réalité des pratiques officieuses usitées par les « Montagnards » pour tenir tête aux « fédéralistes » –, Claude-François poursuit ses missions civiques dans le district de Montélimar, l’un des plus menacés par l’insurrection et dans lequel le réseau des Payan peut être le plus habilement employé. Parmi ses missions, Payan doit neutraliser les agents « fédéralistes » actifs, tels que le général transfuge Souchon de Chanron83, tentant d’enrôler des individus dans le village de Donzère. Claude-François le traque jusqu’à Montélimar, où il le met hors d’état de nuire84. En parallèle, Claude-François mobilise les patriotes méridionaux pour court-circuiter le mouvement sectionnaire qui tente de s’imposer dans certaines communes du sud du district. S’il parvient à endiguer le mouvement sectionnaire à Pierrelatte, il échoue à Bollène, où ses adversaires profitent des circonstances pour prendre leurs revanches, au moment même où une avant-garde marseillaise s’empare d’Orange. L’arrivée du général Carteaux sauve Payan d’un échec cuisant.
36Le 11 juillet, lorsque Carteaux arrive à Lapalud, village voisin de Bollène, le « fédéralisme » drômois a fini de se consumer. Après une rapide préparation, la citadelle de Pont-Saint-Esprit, sur l’autre rive du Rhône, est investie dès le 14 juillet tandis que les Marseillais se replient sur Avignon. Les victoires de Carteaux éloignent définitivement le péril « fédéraliste ». Le rôle des frères Payan dans cette crise majeure est unanimement salué par la Convention qui cherche des héros à récompenser afin de légitimer le virage politique qu’elle vient de prendre. La réputation des Payan – « les sauveurs du Midi » – transcende largement les frontières du département de la Drôme et parachève la construction de leur identité « montagnarde ». Pour Claude-François, c’est la consécration. Repéré par les représentants en mission qui apprécient son militantisme prononcé et ses compétences sur le terrain, il est choisi, le 28 juillet 1793, pour conduire une députation à Paris afin de brosser le portrait des troubles du Midi à la Convention et au Comité de salut public et de les tenir au courant des opérations conduites par Carteaux85. Il est, en outre, délégué par la société populaire de Saint-Paul pour porter à la Convention l’adhésion de la commune à la Constitution de 1793. Arrivé à Paris au début du mois d’août, il s’y installe et entame une nouvelle vie, marquée par des engagements politiques très diversifiés, qui le retient loin de sa Drôme natale. Joseph-François, quant à lui, reste à son poste. Pour la première fois, depuis le début de la Révolution, les deux frères sont séparés, mais restent étroitement en contact.
Deux météores dans l’orbite de Robespierre
37Claude-François Payan arrive à Paris peu avant la fête du 10 août. Il retrouve les Jullien qui l’entremettent avec plusieurs Conventionnels, à commencer par Robespierre que Payan rencontre vraisemblablement lors de la fête du 10 août. Cette rencontre marque un tournant dans la pensée politique des frères Payan. En effet, alors que Claude-François se rapproche des milieux cordeliers, son admiration pour Robespierre, se doublant d’une amitié naissante, le jette, finalement, dans l’orbite du Comité de salut public.
La tentation de l’hébertisme
38Lorsque Payan arrive à Paris au début du mois d’août, la tension est palpable dans la capitale. En effet, la pression militaire et la crise des subsistances offrent aux mouvances les plus radicales, telles que les « Enragés » ou les hébertistes, une audience populaire sans précédent tandis que, dans certaines sections, les modérés relèvent la tête86. Concurrencé sur deux fronts, le Comité de salut public louvoie puis s’attaque, à la fin du mois de juillet, aux « enragés » Leclerc et Jacques Roux87, tout en ménageant Hébert. Alors que les tensions s’intensifient, Claude-François obtient, grâce à ses protecteurs – sans doute les Jullien –, un emploi auprès du Comité de salut public, qui le nomme chef du bureau de correspondances avec les corps administratifs88, et s’installe définitivement à Paris89. Enfin, reçu à la barre de la Convention à la fin de la séance de la fameuse journée du 5 septembre 1793, Payan peut s’acquitter de sa mission initiale et lit solennellement l’adresse rédigée lors du congrès de Valence en juin dernier90. En décrétant, le 19 septembre, que « la Drôme a bien mérité de la Patrie », la Convention immortalise le combat et l’engagement politiques des deux frères.
39S’il est témoin des journées révolutionnaires des 4 et 5 septembre 1793, au cours desquelles les militants des sections se mobilisent pour réclamer, entre autres, l’application du maximum général91, Payan ne les commente pas mais les approuve probablement. En effet, bien que se rapprochant des « Montagnards », Claude-François sympathise également avec de nombreux délégués portant à la Convention l’adhésion de leur département à la Constitution de 1793 ou venant assister à la fête du 10 août, tels que le Marseillais François Isoard92. Fuyant le « fédéralisme » triomphant à Marseille, Isoard a trouvé refuge à Paris où il fonde avec Hébert la Société des patriotes du midi. Claude-François et Isoard partagent la même expérience des courses civiques, une aversion commune pour le « fédéralisme » et nourrissent les mêmes attentes des congrès des sociétés politiques. Ensemble, ils pilotent le congrès de sociétés politiques organisé à Valence du 7 au 9 septembre 1793.
40Afin de « porter un dernier coup au fédéralisme93 », la Société républicaine de Valence organise la tenue d’un nouveau congrès de clubs méridionaux. Deux cent cinquante-cinq délégués de 71 clubs, provenant de 8 départements, répondent à l’invitation. Le congrès est entièrement chapeauté par les vainqueurs de l’été 1793. Joseph-François Payan, représentant à la fois les sociétés politiques de Valence et de Saint-Paul-Trois-Châteaux, est triomphalement porté à la présidence tandis que ses plus fidèles partisans sont élus secrétaires. Bien que retenu à Paris, Claude-François a vraisemblablement esquissé les grandes lignes du congrès avec Isoard qui y a été diligenté par Hébert. Le congrès de Valence infléchit son programme de départ en réclamant une intensification de la « Terreur » judiciaire ou économique et le renforcement du pouvoir et de l’autorité des sociétés politiques94. L’adresse du congrès de Valence, coécrite par Joseph-François Payan et Isoard, et présentée par Claude-François à la Convention le 19 septembre, reprend de nombreuses revendications et mots d’ordre déjà exprimés par les dirigeants cordeliers95, réaffirmés avec vigueur lors des journées des 4 et 5 septembre 1793.
41Le rapprochement avec les milieux hébertistes est éphémère. En effet, deux mois plus tard, les frères Payan se désolidarisent totalement du « fédéralisme jacobin », dont ils condamnent les dérives et l’intransigeance des revendications exprimées lors du congrès de Marseille du 3 octobre au 21 novembre. « Il faut que les sociétés politiques se tiennent dans les bornes prescrites », écrit Claude-François à son frère96. Quand on se rappelle combien les sociétés politiques ont pu être instrumentalisées par le passé par les deux frères, c’est un profond reniement. Ce revirement s’explique en partie par le rapprochement de Claude-François avec des députés « montagnards », tels que Fréron, Albitte ou Robespierre, qui ont très rapidement su apprécier les qualités de travail, la rigueur et le patriotisme fervent, presque dévot, qui animent ce provincial talentueux. L’influence des députés « montagnards » est décisive dans l’évolution politique du cadet des Payan97. Albitte, en mission dans la Drôme, ne dénonçait-il pas au Comité de salut public « ces rassemblements de sociétés populaires, qui après avoir été utiles à Marseille, pourraient devenir dangereux par la suite et en cet instant, songez que ces sortes de réunions peuvent bientôt devenir des congrès et que l’ambition ou les trames de nos ennemis peuvent corrompre les meilleures choses98 ». La volte-face de Claude-François Payan entraîne également le revirement de son frère et de ses plus proches alliés drômois. Ainsi, dès le 7 brumaire (28 octobre), Joseph-François incite la Société républicaine de Valence à renier les prises de position hébertistes99. De même, lorsque Joseph-François est député par la société politique de Valence pour présider le congrès qui se tient les 20 et 21 brumaire (10 et 11 novembre) à Paul-lès-Fontaines, le ton n’est sensiblement plus le même que lors du congrès de Valence. Néanmoins, un décalage très net se dessine entre certains militants qui refusent ostensiblement d’abjurer leur « hébertisme » et qui entendent poursuivre leur action – n’osant pas, toutefois, contester frontalement le procureur général syndic du département – et Joseph-François Payan et ses proches collaborateurs, gagnés aux vues « montagnardes ». La grande force des Payan est d’avoir su éviter que ce clivage débouche sur un divorce, notamment au début de l’année 1794, lorsque le comité central de Paul-lès-Fontaines refuse de se dissoudre et d’obéir aux injonctions du Comité de salut public100. Auréolé de ses victoires politiques, l’aîné des frères Payan conserve une autorité et une influence intactes jusqu’à son départ pour Paris au printemps 1794.
Agent du Comité de salut public
42« Montagnards » convaincus, les Payan intègrent la nébuleuse sur laquelle s’appuient les comités de gouvernement pour s’imposer face aux différentes forces politiques, telles que la commune de Paris, les sections et les diverses factions qui tentent de s’affirmer au gré des multiples recompositions du paysage politique entre l’automne 1793 et l’été 1794. Pour ce faire, les comités de gouvernement s’entourent d’individus fidèles et compétents, tels que Marc-Antoine Jullien fils101, les Duplay, Hanriot, etc., qui leur servent de relais à Paris et dans les départements, ou qui sont susceptibles d’être placés dans des postes clés. Le parcours de Claude-François Payan est particulièrement éclairant pour appréhender la stratégie élaborée par le Comité de salut public.
43Grâce à l’entremise des Jullien, Claude-François Payan est nommé le 21 août chef du bureau de correspondances du Comité de salut public. Payan rejoint ainsi la cohorte de chevilles ouvrières qui s’évertue à faire fonctionner l’impressionnante machine bureaucratique révolutionnaire. C’est assurément une fonction de confiance qui est confiée à Payan, parachuté au sommet de la pyramide administrative, nécessitant rigueur et célérité. Le chef de bureau organise le travail des services sous sa responsabilité et coordonne l’action des employés qui s’affairent sous ses ordres : commis, enregistreurs, expéditionnaires, etc.102. Payan reste en fonction jusqu’en mars 1794. Ses qualités de travail et son sérieux sont particulièrement appréciés des représentants.
44En parallèle, Claude-François est nommé juré à la troisième section du Tribunal révolutionnaire le 26 septembre 1793. La liste des jurés a été préalablement élaborée par le Comité de salut public qui sanctionne davantage la fidélité – sinon la docilité – politique que de réelles compétences judiciaires. Les jurés sont dans une écrasante majorité des militants parisiens parmi lesquels se trouvent quelques provinciaux, tels que Payan ou Antonelle, proches du Comité de salut public ou de personnalités liées au Tribunal103. Entre octobre 1793 et mars 1794, Payan assiste ou participe aux grands procès de la « Terreur » judiciaire, comme celui de l’ex-reine104, ou celui des Girondins, auquel il convie son amie Rosalie Jullien105. Claude-François n’a guère laissé de traces de son activité de juré. Il n’intervient jamais durant les procès, comme peut le faire Antonelle. En revanche, durant six mois, Payan s’acquitte de son devoir avec une extrême probité, envisageant sa fonction comme un véritable sacerdoce républicain. À ce titre, la lettre qu’il écrit, en messidor an II, à Roman-Fonrosa, l’un des juges de la Commission populaire d’Orange, critiqué par ses collègues pour ses scrupules et sa tiédeur, est très éclairante :
« Dans une place de ce genre, la sensibilité individuelle doit cesser, elle doit prendre un caractère plus grand, plus auguste, elle doit s’étendre à la République. Oublie que la nature te fit homme et sensible, rappelle-toi que la Patrie t’a fait juge de ses ennemis. Si tu n’as pas la force et la fermeté nécessaires pour punir les conspirateurs, la nature ne t’a pas destiné à être libre106. »
45Payan reste néanmoins lucide quant aux accusations fallacieuses montées de toute pièce pour perdre certains suspects. Ainsi, concernant le procès de Philippe Égalité, Claude-François confie à son aîné : « Il n’était nullement complice des Brissot. Il s’en est bien défendu ; aucun témoin à sa charge. Mais il faut néanmoins le répandre pour faire cesser les calomnies contre-révolutionnaires107. »
46En lien à sa fonction de juré, Claude-François renoue avec le journalisme politique. Avec son acolyte drômois, Marc-Antoine Jullien fils, et Fourcade108, Payan fonde l’Anti-fédéraliste ou le correspondant des sociétés populaires et des armées. Cinquante-cinq numéros paraissent entre le 26 septembre 1793 et le 30 nivôse an II (19 janvier 1794). Après une longue recherche de locaux qui tarde « à faire éclore votre enfant », comme l’écrit si passionnément Rosalie Jullien, les rédacteurs s’installent au no 7 de la rue de l’Université, dans la section de la Fontaine-de-Grenelle, puis, quelques semaines plus tard, se fixent définitivement chez Payan, au no 3 de la rue des Saints-Pères. Laissons à Rosalie Jullien le soin de narrer, dans un style dont elle a le secret, la naissance difficile du journal :
« Rien n’approche des entraves qui environnent le berceau de votre cher enfant. Ton départ précipité a pensé le faire mourir avant que d’être né. La nomination de Payan aux jurés révolutionnaires a fait craindre qu’il ne pût lui donner les soins qu’exige son enfance, mais il accorde tout109. »
47En l’absence de Marc-Antoine Jullien fils, envoyé dans une longue mission qui le conduit dans l’Ouest et le Sud-Ouest, Payan et Fourcade, « bête de somme de la machine et qui serait plus propre à en être l’aigle par sa manière d’écrire110 », s’investissent le plus dans la rédaction des numéros, ce que déplore Rosalie Jullien : « Je meurs d’envie de faire biffer ton nom sur cet ouvrage : la justice qui vous rend solidaire éveille la délicatesse, et il me semble que tu ne dois pas aimer de sanctionner sans examen ce qui sort de la tête d’un autre111. »
48L’Anti-fédéraliste est un journal de combat, dont l’objectif principal, pour Payan, est de prolonger, par la plume, la bataille de l’opinion conduite avec succès sur le terrain l’été précédent. Cette bataille revêt une dimension pédagogique essentielle : il faut éclairer les lecteurs et leur donner les outils indispensables pour décrypter et justifier les grands procès politiques de l’automne 1793. Dès lors, presque chaque numéro consacre une rubrique à l’analyse des verdicts du Tribunal révolutionnaire. Le procès des Girondins, probablement le plus emblématique au regard du titre du journal, est ainsi disséqué sur plusieurs numéros, dans lesquels Payan livre régulièrement sa propre expertise, de telle sorte que le juré et le journaliste se confondent étroitement : « Peuple, témoigne le plus grand respect pour le Tribunal révolutionnaire et pour des jurés et des juges aussi empressés à punir les traîtres qu’à acquitter les innocents112. »
49Financé et contrôlé par Robespierre, le journal devient rapidement l’un des principaux outils de propagande du Comité de salut public qui y est magnifié, et dont les membres sont idéalisés à travers une galerie de portraits très éloquente qui exalte un républicanisme idéal, pétri de références antiques113 ou plus contemporaines. Ainsi, Billaud-Varenne, proche de Payan, est dépeint en termes des plus dithyrambiques :
« Étranger à l’intrigue, insensible à l’intérêt personnel, indifférent aux considérations particulières, plus jaloux d’être vertueux que de le paraître, en un mot, c’est l’homme d’une République […] capable de tout entreprendre pour la liberté et de tout sacrifier sur ses autels114. »
50En revanche, certains députés de la Plaine, tels que Ferraud, sont particulièrement ridiculisés : « Ferraud se couche de bonne heure et se lève tard parce que ses meilleures idées lui viennent la nuit. Il signe les arrêtés sans les lire parce qu’il veut ménager un temps précieux115. » Ferraud en garde une profonde rancœur116. Alors que les tensions s’intensifient à la fin de l’année 1793, le journal relaye fidèlement la ligne politique défendue par le Comité de salut public, navigant entre « ultras » et « Indulgents » que le journal dénonce tour à tour. En effet, encadrée par Hébert et Chaumette, une mouvance radicale profite de la marginalisation des « Enragés » pour reprendre en main le mouvement populaire depuis la Commune et conteste violement le Gouvernement révolutionnaire. Dès brumaire, les rédacteurs du journal se livrent à des critiques régulières contre les hébertistes : « Rien ne ressemble plus à l’apôtre du fédéralisme que le prédicateur intempestif de la République une et indivisible117. » Les attaques redoublent d’intensité après les prises de position de Robespierre et de Danton, dans les premières semaines de frimaire, contre les mascarades antireligieuses et les abdications forcées d’ecclésiastiques118, suscitées par les hébertistes119 : « Plusieurs personnes parcourent les rues et traitent de modérés les citoyens courageux qui se sont opposés aux mouvements ultra-révolutionnaires contre la liberté des cultes120. » En s’opposant à l’athéisme et à l’intolérance religieuse, Payan partage totalement les positions défendues par Robespierre121. En parallèle à l’offensive « ultra », l’Anti-fédéraliste s’emploie également à dénoncer les « Indulgents », accusés de ne pas souscrire pleinement à la politique de salut public. Enfin, les journalistes entendent également assainir la « Montagne » en fustigeant les députés jugés peu intègres ou peu vertueux : « Nous voulons l’épurer, précipiter dans le Marais ces êtres dont les mœurs jettent la défaveur sur la Convention122. » On retrouve très clairement dans ce combat l’idéal d’une République vertueuse que partagent certains « Montagnards123 », tels que Robespierre124 :
« Il n’est point de République sans vertu. Ainsi, les hommes probes, les vrais amis du peuple poursuivent sans relâche les fripons, les concussionnaires, les brouillons, et les individus qui n’ont pas de moralité. Et l’individu qui s’agite pour avoir de l’influence, du crédit, des places, de l’argent et l’ami de l’Ancien Régime qui se fait une arme des excès des faux-patriotes pour calomnier les principes et les lois révolutionnaires, l’intriguant et le modéré sont également dangereux125. »
51Le ton acide et la virulence du propos valent aux rédacteurs de nombreuses critiques et leur attirent bien des inimitiés. Dès le 30 vendémiaire, les journalistes dénoncent aux lecteurs les pressions qu’ils prétendent subir et les attaques les accusant de vouloir « avilir la Montagne126 ».
52En l’absence de listes d’abonnés, il est impossible de préciser la portée du journal. Toutefois, les quelques demandes d’adhésion glanées dans les papiers personnels de Payan, provenant du Havre, de la Lozère ou du Jura, tendent à prouver que l’Anti-fédéraliste ne reste pas circonscrit au seul lectorat parisien. Outre les partisans drômois des Payan qui s’abonnent au journal, tels que l’administrateur départemental Jean Monnier127, les lecteurs se comptent également parmi les sociétés politiques, les représentants en mission – comme Chateauneuf-Randon – et l’armée. Cette dernière participe à la subvention et à la diffusion du journal, comme l’atteste la lettre écrite par le ministre de la marine et des colonies, Dalbarade, dans laquelle il demande que les rédacteurs lui livrent quotidiennement 200 exemplaires128.
53Le journal s’arrête brutalement en janvier 1794, probablement en raison de déboires financiers. Dans une lettre écrite à Robespierre, Payan expose, sans détour, la précarité dans laquelle se trouve le journal : « Nous avons été abandonnés subitement par nos ouvriers129. » En outre, l’Anti-fédéraliste peine à se distinguer au sein d’une offre journalistique pléthorique et déçoit les lecteurs les plus exigeants, tels que Rosalie Jullien : « Cet écrit n’a pas rempli mes vues, il est comme les autres, léger, inconsidéré et en remplissage130. » Le 29 nivôse an II (18 janvier 1794), Payan et Fourcade vendent au journaliste Vatar, rédacteur du Journal des hommes libres, le matériel d’imprimerie de l’Anti-fédéraliste pour 1 557 livres131. Si l’aventure de l’Anti-fédéraliste est éphémère, cette expérience rapproche davantage Payan de Robespierre, dont il devient l’un des principaux hommes de confiance.
54Payan est également amené à servir le Comité de salut public en s’acquittant d’une mission diplomatique secrète. En plus du réseau de diplomates, le Comité dépêche des espions et des agents pour conduire des actions variées132, allant de la surveillance à la contre-propagande royaliste133. À la mi-décembre 1793, Payan est député dans les cantons suisses, afin de maintenir la neutralité des seuls États frontaliers de la France à ne pas avoir rejoint la coalition formée contre elle. Payan est soigneusement choisi par le Comité de salut public pour son républicanisme bon teint : « Il connaît parfaitement notre Révolution, il en a étudié et approfondi les principes ; il les aime ; le plus pure patriotisme l’influence134. » Sous prétexte d’informer les diplomates de la stratégie de la Convention à l’égard des cantons suisses et de la République de Genève, Payan est, en réalité, chargé de renseigner le ministre Deforgues sur la conduite des plénipotentiaires français. Ce périple d’une quinzaine de jours le conduit à Baden, près de Zurich, où il s’entretient avec l’ambassadeur Barthélemy durant quatre jours, puis à Bâle. Si la neutralité suisse est précaire, la France dispose d’excellents diplomates, à commencer par Barthélemy, qui est, de l’aveu de Payan, l’artisan principal du succès de cette politique. En revanche, Claude-François alerte le Comité de salut public sur l’attitude de Soulavie135, résident de la République française à Genève, dont le prosélytisme révolutionnaire intempestif risque d’avoir un effet désastreux sur l’opinion publique genevoise :
« À Paris, il faut en un mot de l’exaltation, de la vigueur, en Suisse, de la modération, de la persuasion. Qu’un modéré français soit guillotiné, c’est juste, c’est cette race maudite qui entrave la marche révolutionnaire ; qu’un modéré suisse qui n’a nullement intérêt à notre gouvernement soit regardé comme un patriote, qu’il soit ménagé136. »
55Claude-François est devenu en l’espace de quelques mois l’un des hommes de confiance les plus importants du Comité de salut public qui peut, dès lors, s’appuyer efficacement sur lui pour reprendre en main la Commune de Paris après la liquidation des factions.
Deux satellites robespierristes
56Après avoir louvoyé pendant plusieurs mois, le Comité de salut public passe à l’offensive en mars 1794. Dans un climat politique et social délétère, les tentatives de réconciliation entre la Convention et les Cordeliers échouent. Les déclarations agressives de Vincent et de Ronsin du 12 mars glissent sur des assemblées sectionnaires restées fidèles à la Convention. Dans la nuit du 13 au 14 mars 1794, les principaux chefs de file cordeliers – Hébert, Momoro, Ronsin, Vincent – sont arrêtés, jugés sommairement et exécutés le 24 mars. Dans la foulée, les « Indulgents » sont également arrêtés et envoyés à l’échafaud le 5 avril 1794, au terme d’un procès retentissant. La liquidation des factions s’accompagne d’une épuration importante. La chute de Vincent entraîne l’effondrement de la mainmise hébertiste sur le ministère de la Guerre tandis que l’armée révolutionnaire est dissoute et l’hôtel de ville, bastion hébertiste depuis l’été 1792, est repris en main. Contrairement à la légende noire, le décret du 28 ventôse an II (18 mars 1794) chargeant les comités de gouvernement d’épurer les autorités constituées de Paris ne se traduit pas par un profond renouvellement de l’administration municipale. Pour ne pas se couper du soutien des militants parisiens, seuls les individus les plus compromis – soit 20 des 148 administrateurs137 – sont destitués entre ventôse et messidor. Si le maire Pache138 est temporairement épargné, l’agent national Chaumette, principal collaborateur d’Hébert, est arrêté et guillotiné le 26 germinal (15 avril). Le Comité de salut public le remplace le 8 germinal (28 mars) par Claude-François Payan tandis que Moënne et Lubin, deux ennemis prononcés des hébertistes, sont nommés respectivement premier et second substitut de l’agent national. Le Comité sanctionne à la fois la loyauté de Payan – figurant en tête des individus de confiance listés par Robespierre pour occuper des fonctions publiques après les purges de ventôse et de germinal –, sa grande expérience administrative, fondamentale pour gérer une ville d’importance telle que Paris, et la ferveur de son engagement politique : « Mon patriotisme seul a été le motif de ma nomination139 », aime-t-il à rappeler aux édiles parisiens lors de son installation.
57Entre le 31 mars, date de la prise effective de ses nouvelles fonctions, et le 10 mai 1794, Payan est véritablement l’homme fort de la Commune de Paris, s’imposant face au maire, Pache qui se tient prudemment en retrait depuis l’épuration des hébertistes dont il était proche. Après l’arrestation de Pache et son remplacement, le 10 mai, par Fleuriot-Lescot, la Commune est pilotée jusqu’au 9 Thermidor par un binôme très actif. Néanmoins, les nombreuses relations de Payan avec les principaux rouages du gouvernement et son amitié personnelle avec Robespierre lui confèrent une réelle prépondérance politique à la Commune jusqu’au 9 Thermidor140. Pour renforcer l’emprise des comités de gouvernement sur la Commune, le Comité de salut public nomme, sur proposition de Payan, des individus fidèles pour combler les places rendues vacantes par les diverses épurations. L’agent national mobilise des anciens collègues jurés, tels que le perruquier Ganney, ou pioche au sein des comités révolutionnaires141.
58Malgré la destruction de nombreuses archives parisiennes, les journaux, tels que le Journal de la Montagne ou le Moniteur universel, livrent d’importantes informations permettant de retracer, dans les grandes lignes, la politique conduite par Payan au cours des quatre mois passés à la Commune de Paris. Il ne s’agira pas ici de proposer un nouveau récit de la « Commune robespierriste142 » mais de comprendre comment Payan donne une impulsion nouvelle à la Commune et tente d’en faire un auxiliaire docile du Comité de salut public.
59Le 11 germinal an II (31 mars 1794), après avoir prêté serment, Payan prononce un discours esquissant les grandes lignes de la mission qu’il se donne. Comme lorsqu’il était juré, Payan considère sa fonction comme un véritable sacerdoce républicain : « Dès ce moment, mon temps n’est plus à moi ; il est tout entier aux intérêts du peuple143. » Ce premier discours annonce un réel tournant dans la politique communale. Après avoir justifié les purges hébertistes et la ligne politique conduite par le Comité de salut public – « Il faut que le gouvernement frappe à la fois les aristocrates qui sont les pires ennemis de la liberté, et ceux qui veulent s’élever au-dessus d’elle pour la dominer » –, Payan reprend en main la Commune qu’il entend inféoder aux comités de gouvernement et à la Convention nationale : « C’est à vous qu’il appartient de donner aujourd’hui à vos frères l’exemple de la soumission à un gouvernement libre. »
60Outre les diverses tâches administratives et municipales, dont l’agent national de Paris s’acquitte très consciencieusement, Payan reste avant tout l’agent du Comité de salut public, chargé de faire exécuter les lois, de soutenir la politique gouvernementale et de suppléer l’action du Comité dans une arène politique parisienne complexe. La liquidation des factions offre au Comité de salut public un formidable prétexte pour s’attaquer à l’autonomie des sections parisiennes, dont certaines constituent des contre-pouvoirs locaux bien enracinés. Sous prétexte d’épurer les sections de l’hébertisme qui les gangrènent, le Comité de salut public manœuvre pour pousser les sociétés politiques sectionnaires à l’autodissolution tout en reprenant en main les assemblées générales des sections144. Si pour ménager l’opinion publique parisienne, le Comité maintient certaines procédures électorales, comme l’élection des officiers de la garde nationale ou des membres des comités civils, et autorise encore les assemblées à se réunir, les sections perdent une grande partie de leur marge de manœuvre et, pour certaines, deviennent presque des coquilles vides. En secondant le Comité de salut public, la Commune « robespierriste » constitue la pièce maîtresse de la stratégie visant à canaliser le mouvement sectionnaire parisien et ses aspirations à la démocratie directe. S’assurant que les sections restent dans les bornes prescrites par la loi, Payan comprime toute forme de velléité autonomiste. Ainsi, le 26 germinal (15 avril), Payan fait casser l’arrêté sur les subsistances – « contre-révolutionnaire, tendant à réveiller le fédéralisme » – pris par la section de la Cité, sans concertation avec la Commune de Paris145.
61Adversaire résolu de l’athéisme et du « fanatisme », Payan soutient à la Commune le tournant religieux amorcé par Robespierre et ses amis. Le 17 germinal (6 avril), Couthon, au nom du Comité de salut public, annonce à la Convention l’élaboration d’« un projet de fêtes décadaires dédiées à l’Éternel146 ». Payan est probablement chargé d’appuyer le projet à l’hôtel de ville et de convaincre une opinion publique parfois réticente. En effet, lorsqu’elle était contrôlée par les hébertistes, la Commune de Paris était l’un des centres d’impulsion des mascarades antireligieuses et des fermetures forcées des églises tandis que dans la capitale de nombreux habitants continuaient de célébrer secrètement les fêtes religieuses. Ainsi, dans son important discours prononcé le 30 germinal (19 avril) dans le temple de la Raison, l’agent national fustige les dérives « déchristianisatrices » des hébertistes, louant la lucidité d’un « peuple revenu de ses erreurs, plein de respect pour l’éternel147 » tandis qu’il dénonce le « fanatisme » de certains habitants qui ont fêté ostensiblement Pâques. « La religion naturelle tient un juste milieu entre la superstition et l’athéisme148 », renchérit-il. De plus, dans l’optique d’unir les Parisiens derrière le projet religieux élaboré par Robespierre, Payan se réapproprie le concept hébertiste de déesse Raison qu’il assimile, dans une sorte d’habile syncrétisme républicain, à l’Être suprême : « Cette raison éternelle qui gouverne le monde et qui n’est autre que l’Être suprême149. » Après le décret du 18 floréal an II (7 mai) qui affirme, sur proposition de Robespierre, que « le peuple français reconnaît l’existence de l’Être suprême et de l’immortalité de l’âme », Payan appuie, sur le terrain, la nouvelle orientation religieuse. Dès le 13 mai, l’agent national incite la Commune de Paris à solliciter la Convention afin que l’inscription À la Raison soit substituée sur le fronton des temples par À l’Être suprême150. C’est d’ailleurs Payan qui prend la tête de la délégation communale se présentant à la barre de la Convention pour la féliciter du décret du 18 floréal. Le discours de Payan traduit à la fois, par la condamnation de l’athéisme professé par son prédécesseur Chaumette, son soutien au tournant religieux que la Convention vient d’opérer et, plus symboliquement, la soumission solennelle de la Commune au Gouvernement révolutionnaire151. Dès le lendemain de la fête de l’Être suprême, célébrée en grande pompe le 8 juin, l’agent national se livre à un panégyrique en bonne et due forme de festivités qui sont, en réalité, loin d’avoir emporté l’adhésion de tous les participants152. L’agent national veille, en même temps, au respect de la centralité de la célébration en interdisant aux sections la déclinaison de fêtes locales qui seraient patronnées par elles153. Ces diverses manifestations de fidélité de la Commune de Paris sont d’autant plus importantes que la nouvelle voie religieuse divise jusqu’au sein même du Comité de salut public, dont certains membres, tels que Carnot, ne masquent pas leur hostilité154. Alors qu’une partie des Conventionnels s’oppose à ce retour du religieux, les critiques se multiplient à l’encontre de Robespierre, jalousé autant que craint pour sa popularité et sa prépondérance politique155. En le plaçant davantage sur le devant de la scène, la fête de l’Être suprême amplifie les rumeurs concernant de prétendues aspirations au pouvoir personnel156.
62Si la Commune de Paris se montre plus docile après les purges de ventôse/germinal, les relations que les administrateurs municipaux et, d’une manière générale, les Parisiens entretiennent avec le nouvel agent national sont ombrageuses et parfois difficiles. Du haut de ses 28 ans, Payan détonne par son dynamisme, son caractère bien trempé et son patriotisme fervent au milieu de conseillers bien plus âgés que lui – les deux tiers ont en moyenne entre 40 et 50 ans157 – et nettement moins enclins à verser dans un républicanisme exacerbé. Son inflexibilité et son intransigeance, frisant l’autoritarisme, heurtent certains édiles. Ainsi, le 29 germinal (18 avril), l’administrateur Eude proteste contre la sévérité du réquisitoire de l’agent national, ayant qualifié de « contre-révolutionnaire » l’arrêté pris par la section de la Cité : « Ce serait presque faire entendre qu’elle avait eu de mauvais desseins158. » Lors de la même séance, les administrateurs s’étonnent que les réquisitoires de l’agent national soient insérés dans les procès-verbaux sans avoir été adoptés au préalable par le conseil. Payan tient tête, se justifie avec l’éloquence et la conviction, presque mystique, qui l’animent, voire, le possèdent. Totalement habité par sa fonction et par les principes républicains qu’il professe tous azimuts, ce personnage à l’air martial, au ton souvent cassant, irrite le conseil général qui perçoit de l’arrogance dans sa manière – très personnelle – d’interpréter son rôle de médiateur politique. Transcendé par ses discours enflammés, il arrive à Payan de ne pas regarder son auditoire lors de ses réquisitoires. Rappelé à l’ordre par un administrateur lors de la séance du 3 floréal (22 avril), Payan rétorque sèchement : « C’est au peuple que je m’adresse. […] Je ne vois pas pourquoi on voudrait m’empêcher de parler au peuple : on paraît du moins s’en formaliser159. » Alliant un certain manque de tact à une rigueur et une conscience républicaine, frisant la psychorigidité, Payan entretient également des relations très compliquées avec les sections parisiennes. En effet, l’agent national manque de souplesse dans l’exécution des lois et de flexibilité dans ses rapports avec les administrés parisiens, plus principalement avec ceux – et ils sont très nombreux – qui ne sont pas animés par le même zèle républicain qui l’habite. Entre Payan, pour qui, « en Révolution, celui qui n’a pas fait de bien a par cela même fait du mal160 », et les Parisiens, l’incompréhension est immense. Enfin, on reproche à Payan d’être surtout, et avant tout, un provincial, ce qu’il dénonce dans son garde-notes : « S’élever en même temps avec force contre ce système perfide qui veut faire regarder comme étrangers les citoyens qui ne sont pas de la commune où ils exercent des fonctions161. » Outre le complexe d’infériorité qu’elle peut susciter, une telle conception va à l’encontre même des idéaux d’égalité et de fraternité républicaines en lesquels Payan a foi et pour lesquels il s’engage corps et âme.
63Partageant la même ferveur républicaine que son cadet, Joseph-François est également amené à servir le Comité de salut public, et plus particulièrement Robespierre que Claude-François lui présente. Par décret du 12 germinal an II (1er avril 1794), la Convention supprime les six ministères qu’elle remplace par douze commissions exécutives, toutes placées sous la tutelle du Comité de salut public qui pourvoit à la tête des commissions des individus qui lui sont fidèles. Très certainement par l’entremise de son frère cadet, le Comité de salut public nomme, le 29 germinal (18 avril), Joseph-François au poste de commissaire de l’instruction publique et des arts tandis que ses deux adjoints sont Marc-Antoine Jullien et Fourcade, les deux acolytes de Claude-François dans l’aventure de l’Anti-fédéraliste. Le choix de nommer Joseph-François ne s’explique pas uniquement par des logiques partisanes. Ayant une réelle appétence pour les arts et les lettres, l’aîné des Payan nourrissait, jeune homme, le projet d’en faire son métier. Si ce doux rêve s’est dissipé, il en est resté de réelles prédispositions, notamment dans le domaine de la critique littéraire. En conjuguant loyauté politique et une réelle expertise des arts et des lettres, Joseph-François est le « candidat » idéal pour piloter la Commission. Celle-ci s’installe dans les locaux du Petit-Luxembourg et comprend quatre divisions : Partie morale (écoles et enseignement, spectacles, fêtes nationales), Partie physique (bibliothèques, musées, cabinets d’histoire naturelle, collections précieuses, monuments nationaux), Partie politique (poids et mesures, tableaux de population et d’économie politique, inventions et recherches scientifiques), Partie centrale (bureau des lois, enregistrement, dépêches, comptabilité)162. Dans un rapport rédigé à propos d’une réécriture de Castor et Pollux, Joseph-François définit la nouvelle mission culturelle de la Commission exécutive : éradiquer « l’hébertisme des arts » en poursuivant « les sottises de la littérature, comme le gouvernement a écrasé les crimes d’Hébert163 ». Subordonnée au Comité de salut public, la Commission exécutive prolonge sa politique sur le terrain artistique. « Ce mot de Raison ne fut jamais plus vide de sens que quand certaines gens nous en fatiguaient les oreilles164. »
64Retracer l’action de Payan est pratiquement impossible tant les sources conservées sont rares. Seules quelques liasses, conservées aux archives nationales sous le nom de « Papiers Payan », fournissent d’infimes informations sur le passage de Joseph-François à la Commission. Après le 9 Thermidor, les détracteurs de Payan, tels que Clément de Ris, l’un des deux adjoints de Garat, le nouveau commissaire, l’accusent de ne s’être occupé que de l’organisation des fêtes nationales et « de quelques petites bluettes165 ». Si la critique est un peu forte, elle n’est pas totalement infondée. Vecteur important de la propagande civique visant à opérer la régénération de la société et son acculturation républicaine, le théâtre est placé au cœur de la politique culturelle élaborée par le Comité de salut public par décret du 18 prairial (6 juin)166. Le Comité de salut public charge, sous son autorité, la Commission exécutive de « tout ce qui concerne la régénération de l’art dramatique et la police des théâtres, ainsi que l’examen des pièces tant anciennes que nouvelles167 ». Passionné par le théâtre et très investi dans sa fonction qu’il considère, comme son frère, comme un sacerdoce, Payan redouble d’énergie pour conduire sa mission avec efficacité. Dès le 5 messidor (23 juin), Payan, et son adjoint Fourcade, rédigent une circulaire adressée aux directeurs de salle, auteurs et administrateurs municipaux définissant les attendus de la nouvelle politique culturelle gouvernementale, dans laquelle ils les encouragent à instiller dans les spectacles « le premier germe de la vie politique168 ». Jusqu’au 9 Thermidor, les bureaux de la Commission sont inondés de manuscrits en attente de relecture et de lettres pressantes d’auteurs attendant l’approbation de Joseph-François Payan, sésame sans lequel une pièce ne peut être représentée. Certaines pièces, autorisées à être jouées avant juin 1794, se retrouvent subitement sous le feu d’une critique beaucoup plus sévère. Ainsi, Payan refuse d’autoriser l’impression du manuscrit des Montagnards, comédie en trois actes de Marie Monnet, pourtant « jouée vingt fois au théâtre de la loi, à la satisfaction des bons patriotes, des chauds amis de la République169 ». Payan exige que Monnet coupe certains passages et réclame que le personnage récurrent de « l’émigré » soit davantage « livré à l’horreur publique170 ». Ces modifications, parfois directement imposées par le Comité de salut public, visent à policer les œuvres afin de les rendre plus conformes au goût du gouvernement.
65Joseph-François travaille en étroite collaboration avec la Commune de Paris et l’administration de police, chargées, entre autres, de la surveillance des édifices culturels. Les frères Payan partagent les mêmes conceptions des usages sociaux et politiques des arts. S’ils fustigent « l’hébertisme des arts », les Payan freinent également l’élan patriotique de certains directeurs et entrepreneurs de théâtre qui imprègnent leur pièce de symboles politiques, tels que la cocarde tricolore171 portée lors de la représentation de Phèdre, certes au goût du jour en 1794, mais parfaitement anachroniques dans le théâtre classique. Il en est de même pour les termes de « Monsieur » ou de « Madame » dont ils jugent ridicule leur effacement du répertoire classique172. Si l’esprit de la troupe est conforme à la politique du gouvernement, un tel zèle affecte la crédibilité et l’esthétique de l’œuvre. Joseph-François peut, en outre, compter sur le soutien de son cadet qui conduit la politique gouvernementale sur tous les fronts, comme l’atteste son acharnement à faire interdire le Timoléon de Chénier, pièce qui, au demeurant, avait obtenu de l’administration municipale de police l’autorisation d’être présentée au public. Payan alerte Robespierre sur les dangers d’une œuvre jugée peu conforme à l’esprit républicain de l’an II : « Les poètes se modèleraient sur Chénier, et nous ne verrions plus sur le théâtre que des rois honnêtes gens et des républicains modérés173. »
66Outre la régénération du théâtre français, il incombe à la Commission exécutive d’organiser les fêtes patriotiques qui doivent concourir à l’union des Français174. À ce titre, les frères Payan jouent un rôle décisif dans la promotion du culte d’Agricol Viala, rejoignant le panthéon des martyrs de la Liberté, dont le culte a été encouragé par les hébertistes afin de le substituer au culte catholique traditionnel175. Après Marat et Lepeletier, Chalier leur est adjoint à l’automne 1793, puis Bara, en janvier 1794176. Dans les premiers mois de l’année 1794, Robespierre est mis en relation, très certainement par les frères Payan, avec Agricol Moureau, républicain prononcé et chef de file des jacobins avignonnais177. Celui-ci lui brosse le portrait de son neveu, Agricol Viala178, « premier martyr de l’unité et de l’indivisibilité de la République tué les armes à la main179 ». Séduit par l’histoire tragique – mais très édulcorée – du jeune Viala, Robespierre l’associe à la figure de Bara et planifie leur panthéonisation. L’organisation de cette fête est confiée aux soins de la Commission exécutive. Pour préparer les festivités, Payan et son adjoint Fourcade rédigent, le 13 messidor (1er juillet), un Précis historique sur Agricole [sic] Viala adressé à toutes les autorités et sociétés politiques de la République. L’objectif de cette brochure est de promouvoir cette figure locale méconnue : « en courant à la mort, un républicain cherche moins à vivre dans l’histoire qu’à sauver la patrie et à assurer la félicité publique180 ». Plus que pour magnifier la mort du jeune homme, plus accidentelle qu’héroïque, le Précis historique vise davantage à renforcer l’unité de la République en condamnant une fois de plus le « fédéralisme ». Pour Payan, l’organisation de ce culte revêt une dimension particulière. Qui, en effet, est plus indiqué que Joseph-François pour célébrer la mort d’un adversaire du « fédéralisme » qu’il a lui-même tant combattu ? Malgré la mobilisation d’artistes tels David ou Chénier, incluant Viala dans l’un des couplets de son Chant du départ181, ce culte peine à s’imposer hors d’Avignon182. Originellement fixée au 30 messidor, la panthéonisation des deux martyrs de la Liberté est reportée au 10 thermidor, avant d’être définitivement enterrée par les thermidoriens.
67Malgré l’énergie qu’il déploie183 et la fidélité sans faille dont il fait preuve envers le Comité de salut public, la marge de manœuvre du Commissaire est assez réduite. Subordonné au Comité de salut public, il doit informer quotidiennement le Comité de ses travaux. Si de nombreuses propositions sont validées, Payan se heurte parfois à des refus ou à des retournements de situation qui rappellent la sujétion de la Commission exécutive au Comité de salut public. Ainsi, lorsqu’il planifie les festivités qui doivent marquer le 14 juillet, Joseph-François adresse au Comité le 19 messidor (7 juillet) un rapport prévoyant notamment que des pièces patriotiques soient jouées gratuitement dès 16 heures pour rappeler « au peuple son triomphe184 ». Après avoir donné son accord de principe le 21 messidor (9 juillet), le Comité de salut public fait brutalement machine arrière, sans raisons particulières, provoquant un véritable quiproquo : trois théâtres, comme celui de l’Égalité, suivent les consignes de Payan et font donner des pièces patriotiques tandis que les autres appliquent les directives du Comité de salut public en proposant des spectacles classiques185. Payan a beau être un agent loyal du Comité, il n’en demeure pas un moins un exécutant, soumis à une très forte tutelle gouvernementale.
Les échelles de l’influence
68Le Comité de salut public peut également compter sur l’influence que les Payan exercent sur un Midi des plus instables, dans lesquels des relais sont indispensables pour imposer la politique du gouvernement. À la veille du 9 Thermidor, les Payan sont parvenus à étoffer leurs réseaux, drainant, depuis leur fief tricastin jusqu’à Paris, informateurs, collaborateurs, obligés, amis personnels et hommes de confiance qui renforcent leur stature politique et rendent totalement incontournables les deux frères dans le paysage politique.
69À Saint-Paul-Trois-Châteaux, l’ascension politique des frères Payan renforce considérablement l’emprise de la famille sur la petite ville. Municipalité, justice de paix, société politique et comité de surveillance sont aux mains des Payan jusqu’au 9 Thermidor. L’élévation des deux frères est célébrée ostensiblement par les instances politiques locales. Ainsi, lorsque Claude-François est nommé agent national de Paris, la société populaire s’empresse d’organiser une séance extraordinaire entièrement consacrée à féliciter Payan : « La société doit se réjouir d’avoir élevé en son sein un citoyen qui par ses talents et son républicanisme vient d’être élevé à la place d’agent national de la commune de Paris186. » Malgré leur absence, les deux frères gardent toujours l’œil sur la petite ville. Disposant d’un excellent réseau d’informateurs, ils maintiennent un lien très fort avec les patriotes de leur patrie d’origine, avec lesquels ils entretiennent une correspondance soutenue. Outre leur propre père, leur fournissant régulièrement des informations fiables, les Payan disposent de nombreux affidés leur rapportant les moindres faits et gestes de leurs concitoyens, tels que Joseph-Ignace Donneau, l’un des plus zélés membres du comité de surveillance. Sans inféoder totalement les patriotes tricastins qui conservent une certaine marge de manœuvre, les frères Payan impulsent tout de même, depuis Valence ou Paris, les grandes lignes de la politique locale, comme le confient les membres du club dans une lettre adressée à Joseph-François : « Continue à être l’âme de notre société, continue à l’aider de tes conseils187. »
70Outre Saint-Paul-Trois-Châteaux, les frères Payan rayonnent également dans tout le département de la Drôme où leur prépondérance politique n’a jamais été aussi forte. Auréolés de leur victoire contre les « fédéralistes » méridionaux, les Payan, et leurs partisans, pèsent de tout leur poids dans la vie politique du département. Pour maintenir la bride sur le département, les frères Payan disposent de deux leviers particulièrement efficaces : le département et la Société républicaine de Valence, une structure militante très influente. En binôme avec le président de l’administration départementale, son ami, Melleret, d’Étoile, le procureur général syndic contrôle fermement les séances du directoire du département de la Drôme au cours desquelles Payan est écouté religieusement. Après l’échec « fédéraliste », Payan et ses partisans liquident l’opposition modérée. Alexandre Romieu, vice-procureur général syndic et Caudeiron sont destitués en septembre 1793. Ce dernier prend la fuite en offrant ses services à l’armée d’Italie qui a bien besoin de médecins. Après quelques mois de répit, il est arrêté et envoyé à Paris pour y être déféré devant le Tribunal révolutionnaire. Débarrassé de toute opposition au conseil du département, Payan reste seul maître à bord jusqu’à ce que le décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) supprime la fonction de procureur général syndic, mais ses partisans se mobilisent pour que celui « dont les lumières et le travail assidu ont été d’une utilité généralement reconnue188 » soit maintenu comme administrateur. À peine abandonne-t-il sa place de procureur général syndic qu’il est porté, par ses pairs, à la tête du département de la Drôme le 9 nivôse (29 décembre). Si la fonction alterne entre chaque membre, dans les faits, Payan conserve la réalité du pouvoir jusqu’à son départ pour Paris, le 5 avril 1794.
71En parallèle, Joseph-François exerce une influence déterminante au sein de la Société républicaine de Valence, véritable épicentre de la vie politique drômoise en l’an II. Jusqu’au 9 Thermidor, la société politique est étroitement noyautée par une frange « montagnarde » très active, qui forme l’état-major de Joseph-François Payan à Valence. Ces hommes appartiennent presque tous à la classe moyenne ou à la bonne bourgeoisie : les Blachette, dont l’aîné est un riche marchand drapier devenu payeur à l’armée des Alpes ; le maître-menuisier Allier ; les frères Forrest, dont Augustin, le « curé rouge » ; le vicaire épiscopal Tourette ; les imprimeurs-libraires Aurel, père et fils, etc. Sous leur houlette, la Société républicaine de Valence exerce une forte pression sur la municipalité tandis qu’elle étend son champ d’action sur toute la Drôme. Joseph-François Payan occupe une place à part au sein de cette structure militante hyperactive. Considéré comme une sorte de sage, il est l’inspirateur principal de la politique déployée par la Société. Il n’a nul besoin de monopoliser la présidence pour s’imposer. Payan est membre de tous les organes de la société politique : comités épuratoires, de correspondances et de surveillance. En outre, Joseph-François prend presque quotidiennement la parole pour proposer une motion, toujours acceptée, éclairer les sociétaires sur la politique élaborée par la Convention, lire les correspondances reçues et, surtout, diffuser les discours des « Montagnards », tels que ceux de Robespierre. Intercesseur entre le pouvoir central et les citoyens, il s’affirme comme un intermédiaire culturel et politique reconnu, dont l’expertise est recherchée. Omniprésent, sinon omnipotent, Payan est devenu totalement incontournable dans la vie de la société.
72Forts de leurs nombreux soutiens, les Payan peuvent éclipser leurs concurrents, tels que le représentant Boisset. Compagnon de lutte, puis rival, des Payan, Boisset exerce une réelle influence dans la Drôme, où il compte de nombreux partisans. Bien que « Montagnard » convaincu, Boisset est dénoncé, à la fin de l’année 1793, par certains militants qui l’accusent de modération et de complaisance envers certains notables. Attisée par les Payan, la crise s’envenime. En effet, sur fond de rivalités personnelles, le conflit oppose deux réseaux concurrentiels de notabilités locales qui se disputent la mainmise sur le département. Soutenus par la Société républicaine de Valence et par l’administration départementale, les Payan finissent par s’imposer. Claude-François implore Robespierre « de faire tout ce qui dépendra de [lui] pour faire rappeler Boisset, ou lui ôter du moins, suivant le vœu des décrets, l’inspection sur le département de la Drôme189 ». Le Comité de salut public finit par désavouer Boisset et ordonne son rappel le 3 ventôse (21 février), laissant le champ libre aux Payan.
73En dépit de leur installation à Paris, les frères Payan conservent une influence intacte sur le département de la Drôme. Nonobstant leurs nouvelles fonctions, ils entretiennent une correspondance presque quotidienne avec les administrations, les sociétés politiques et les particuliers. En retour, informateurs, obligés et amis écrivent régulièrement aux deux frères, tel ce capitaine de la 22e compagnie d’artillerie qui informe Joseph-François des agissements de Salamon, l’intriguant maire de Montélimar, et du juge de paix Pellapra, gagné au « modérantisme190 ». Moins de deux mois plus tard, Salamon, déchu de ses fonctions, est déféré devant le Tribunal révolutionnaire. Les frères Payan ne sont probablement pas étrangers à sa chute. Malgré son absence, Joseph-François continue d’insuffler la ligne de conduite de la Société des républicains de Valence grâce à ses affidés qui appliquent à la lettre ses directives, comme l’atteste la missive que lui adresse Peyre, l’un de ses principaux agents au sein du club : « Continue d’être le flambeau de notre société. Nous ne sommes que les instruments passifs du grand mouvement que tu nous imprimes191. » Enfin, ce sont les frères Payan que les membres des comités de gouvernement ou les Conventionnels consultent désormais pour procéder aux épurations dans le département. Ainsi, en juillet 1794, Collot d’Herbois sollicite l’expertise de Joseph-François pour composer l’administration du district de Nyons192 tandis que le Comité de salut public requiert les lumières de Claude-François concernant l’épuration de l’agent national de Montélimar193. À la veille du 9 Thermidor, il est clair que les frères Payan restent les animateurs principaux de la vie politique drômoise.
74La prééminence politique des frères Payan se mesure également par leur capacité à influer, à une plus grande échelle, sur la vie politique régionale et par leurs multiples liens avec de nombreux patriotes méridionaux avec lesquels ils entretiennent une activité épistolaire soutenue. Les frères Payan sont consultés par les représentants en mission dépêchés dans les départements méridionaux pour épurer les autorités constituées et réprimer les « fédéralistes ». Envoyés dans des départements qui leur sont totalement étrangers, les Conventionnels s’appuient sur les sociétés politiques, sur les comités de surveillance ou sur un petit groupe d’individus chaudement recommandés194. Dans le Vaucluse de l’an II, confronté à la fois aux querelles byzantines qui minent les patriotes et au très grand nombre d’individus compromis dans le « fédéralisme », Maignet se montre particulièrement prudent195. C’est ainsi qu’il s’adresse aux frères Payan qui, bien qu’étrangers au département, ont acquis une réelle connaissance du terrain, abondamment sillonné au gré des diverses missions de Claude-François, et des patriotes vauclusiens, rencontrés à l’occasion des nombreux congrès de sociétés politiques au cours desquels des liens ont été tissés. « Étranger à ces contrées, ne connaissant personne, ne pouvant encore [s’] adresser à aucun citoyen », Maignet réclame ainsi les lumières de Joseph-François :
« Le franc montagnard appelle de toute part du secours pour sauver la chose publique. Tu l’as servie d’une manière utile en combattant le fédéralisme ; continue ton ouvrage en me fournissant les moyens de purger et notre sol et nos autorités constituées des fédéralistes, des hommes improbes qui les déshonorent196. »
75Dès lors, les deux frères peuvent favoriser la carrière de leurs amis et partisans, promus au sein des diverses instances administratives que Maignet épure. Ainsi, l’Orangeois Claude Benet, ex-juge militaire à l’armée d’Italie, est gratifié de la fonction de receveur du district d’Orange. Surtout, les Payan jouent un rôle décisif dans l’instauration de la commission populaire d’Orange, juridiction extraordinaire réclamée par Maignet pour purger les départements méridionaux du « fédéralisme ». Pour remplacer le tribunal criminel d’Avignon que Maignet juge trop modéré, ce dernier sollicite la création d’une commission populaire, jugeant sans jury et sans appel197. La demande de Maignet est analysée par le Comité de salut public qui requiert l’expertise des frères Payan. Ces derniers désignent le lieu où la commission doit être établie : Orange, citadelle patriote encerclée par des campagnes conservatrices et oasis « montagnard » dans un Vaucluse massivement teinté de « modérantisme » ou de « fédéralisme ». Les Payan ont depuis longtemps noué d’importants liens avec les principaux chefs de file « montagnards » orangeois, tels que les Benet. Les frères Payan placent également des hommes de confiance. Sur les cinq juges nommés par le Comité de salut public, trois ont été recommandés par eux : Fauvety, ex-juré du Tribunal révolutionnaire et collègue de Claude-François, Roman-Fonrosa, président du tribunal du district de Die et, surtout, Jean-Paul Melleret, fils de l’ancien président du département de la Drôme et ami très proche des frères Payan. Le substitut de l’accusateur public, Barjavel, s’est lié à Claude-François Payan lors des courses civiques qu’il a conduites dans l’ex-Comtat en 1792. Quant au greffier de la commission populaire, Claude Benet, c’est un protégé des Payan qui apprécient son zèle politique et ses compétences administratives. En définitive, sur la dizaine de personnes qui compose la commission populaire d’Orange, sept doivent leur place aux frères Payan198. Enfin, l’expertise des Payan est sollicitée par les membres des comités de gouvernement pour statuer sur les pétitions émanant d’institutions ou d’individus. Ainsi, lorsque les Jacobins de Vienne-la-patriote, en Isère, exhortent la Convention à comprendre les prêtres dans les mesures imposées par le décret du 27 germinal an II, Robespierre – heurté par cette demande – note en marge : « Il faut communiquer cette adresse à Payan199. »
76De nombreux patriotes méridionaux recherchent l’appui ou la protection des frères Payan. Ainsi, en messidor an II, alors que des querelles intestines divisent les patriotes ardéchois, l’ex-religieux Durepaire, de Bourg-Saint-Andéol, « Montagnard convaincu », sollicite l’intercession des frères Payan, « protecteurs des patriotes opprimés », auprès du Comité de salut public : « Les patriotes d’Ardèche vous prennent en ce moment comme leurs défenseurs officieux200. » Ces individus, provenant d’horizons géographiques très divers – Vaucluse, Ardèche, Gard, etc. – forment un groupe très hétérogène, mais difficilement quantifiable, d’informateurs et d’agents fiables. La lettre écrite par le notaire Juge, de Valréas, à Joseph-François Payan est ainsi très éloquente :
« Dans tous les temps, tu me trouveras très empressé à te fournir les éclaircissements que tu pourras désirer, soit pour ta propre satisfaction, soit pour la chose publique à laquelle je ne cesserai d’être entièrement dévoué, ainsi qu’à toi et à ton frère201. »
77Chefs de file des « montagnards » locaux, ceux que l’on qualifiera bientôt de « créatures des Payan » sont des acteurs politiques confirmés, insérés dans différents réseaux régionaux, sur lesquels les Payan peuvent s’appuyer pour relayer localement la politique du Comité de salut public ou qui les tiennent régulièrement informés de l’évolution de l’état d’esprit dans les départements méridionaux.
78La proximité des Payan avec les cercles dirigeants les mettent à portée de rendre de nombreux services et d’élargir le cercle de leurs obligés, renforçant ainsi le patronage exercé par la famille en lui donnant une dimension inégalée. Les papiers de la Commission exécutive de l’instruction publique contiennent plusieurs suppliques adressées à Joseph-François : tel cet habitant de Châtillon, dans le district de Die, qui sollicite une place pour son fils à l’armée d’Italie202, cet administrateur des postes de Valence qui souhaite obtenir une place plus intéressante203 ou cet informateur qui lorgne sur la lucrative commission des guerres à Pont-Saint-Esprit204. Joseph-François ne ménage pas ses efforts pour répondre au mieux aux diverses requêtes, comme l’atteste la lettre écrite par son compatriote Jean-Joseph Craisson, un partisan de longue date de la famille Payan : « […] te remercier, en même temps, de toutes les bontés que tu prodigues tant à moi qu’à ma famille. Sois convaincu de notre reconnaissance sans borne et de l’attachement inviolable que nous te portons205 ». En outre, à Paris, les deux frères constituent un petit réseau d’informateurs et d’hommes de confiance, dont certains sont originaires de la Drôme, qu’ils placent auprès d’eux dans les diverses administrations. Ainsi, Victor Dumas, de Tain, ex-administrateur du district de Valence et interlocuteur privilégié des Payan, est appelé par Joseph-François pour l’épauler dans les bureaux de la Commission exécutive206. Outre une réelle solidarité qui soude des compatriotes déracinés, la promotion de Drômois permet surtout de consolider des loyautés fragiles, de s’attacher de nouvelles fidélités politiques et de s’entourer d’un petit noyau d’individus fiables, potentiellement mobilisables dans une arène politique parisienne des plus instables et dans laquelle les Payan restent des étrangers.
79Ainsi, les multiples accélérations du temps politique vécu imposent des choix aux individus qui se traduisent, dans le cas des Payan, par un engagement plus en avant dans le processus révolutionnaire et par une réelle affirmation politique de la fratrie. Les itinéraires politiques des individus ne sont pas linéaires et échappe à toute lecture téléologique. Au contraire, les positionnements politiques et idéologiques sont d’une très grande plasticité, façonnés et remodelés par les luttes, les reniements, les rencontres décisives ou les influences intellectuelles. Les « volcaniques » frères Payan ne sont pas nés « montagnards » mais ils le sont devenus, au gré d’une longue mue idéologique qui les conduit dans l’orbite robespierriste. Cette conversion politique a des conséquences : fractures au sein des réseaux, rupture entre des compagnons de lutte de la première heure, et, in fine, nouvelle reconfiguration des alliances partisanes. Le génie politique des Payan réside très certainement dans leur grande complémentarité. En ayant su mobiliser des compétences très différentes et puiser dans leurs réseaux respectifs les ressources nécessaires, les Payan sont parvenus à coordonner et à articuler actions politiques locales, départementales et nationales. Cette capacité à mobiliser des partisans et à porter le combat à différentes échelles se révèle décisive en 1792 et au cours de la crise « fédéraliste » face à des adversaires qui ne bénéficient pas de la même audience ni de la même aura. À la veille du 9 Thermidor, sa fulgurante ascension politique, son inscription au sein de réseaux d’informateurs, d’obligés ou d’amis, aux importantes ramifications provinciales, et son influence confèrent à la famille Payan une envergure politique sans précédent. Reste qu’en prêtant allégeance à Robespierre, les Payan lient étroitement leur sort à celui de l’« incorruptible ». Lorsque les masques tombent au soir du 9 Thermidor, les frères Payan restent fidèles à leurs idéaux, et, à Robespierre. Un choix lourd de conséquences.
Notes de bas de page
1AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 4, délibération du club des Jacobins, 9 février 1792.
2Boutier Jean, « Les courtiers locaux du politique – 1789-1792 », AHRF, no 297, 1994/2, p. 401-411.
3Laval Victorin, Le général Joseph-François Dours. Sa vie politique et militaire, sa mort tragique, Paris/Nancy, Berger-Levrault, 1912.
4AD 26, L 39, 8e cahier de réflexions de Joseph-François Payan, fo 53.
5Guilhaumou Jacques, Marseille républicaine (1791-1793), Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1992, p. 41-92.
6AD 26, L 39, 7e cahier de réflexions de Joseph-François Payan, fo 80.
7Lapied Martine, Le Comtat et la Révolution française…, op. cit., p. 211-212.
8AD 26, L 162, procès-verbal de l’assemblée électorale, 1792.
9AD 26, L 162, procès-verbal de l’assemblée électorale, 1792.
10AD 26, L 42, délibérations du directoire de département de la Drôme, 4 et 5 juillet 1792.
11AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 38, lettre de Joseph-François Payan au club des Jacobins tricastin, 23 août 1792.
12AD 26, L 162, procès-verbal de l’assemblée électorale, 1792.
13Andro Gaïd, Une génération au service de l’État. Les procureurs généraux syndics de la Révolution (1780-1830), Paris, Société des études robespierristes, 2015, p. 222.
14Tackett Timothy, Le roi s’enfuit. Varennes et l’origine de la Terreur, Paris, La Découverte, 2004.
15AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 4, délibération du club des Jacobins, 22 janvier 1792.
16AN, M//669, Drôme, adresse de Claude-François Payan, 3 juillet 1792.
17Monnier Raymonde, « “Démocratie représentative” ou “république démocratique” : de la querelle des mots (république) à la querelle des anciens et des modernes », AHRF, no 325, 2001/1, p. 11.
18Monnier Raymonde, Républicanisme, Patriotisme et Révolution française, Paris, L’Harmattan, 2005.
19AN, M//669, Drôme, adresse de Claude-François Payan, 3 juillet 1792.
20AD 26, L 42, délibération du directoire de département de la Drôme, 3 août 1792.
21Ibid., 4 août 1792.
22AN, M//669, procès-verbal de la séance des trois corps administratifs de Valence, 25 septembre 1792.
23BM Grenoble, U. 2328, discours de Claude-François Payan, 9 octobre 1792.
24Côme Simien fait le même constat dans les départements du Sud-Ouest : « Incarner la République ? L’élection des Conventionnels dans trois départements méridionaux (Ariège, Aude, Pyrénées-Orientales) », in Michel Biard, Philippe Bourdin, Hervé Leuwers et Pierre Serna (dir.), 1792. Entrer en République, op. cit., p. 199.
25Monnier Raymonde, « Que signifie “être républicain” en septembre 1792 ? », in Michel Biard, Philippe Bourdin, Hervé Leuwers et Pierre Serna (dir.), 1792. Entrer en République, op. cit., p. 42.
26Cohen Déborah, La nature du peuple. Les formes de l’imaginaire social, Seyssel, Champ Vallon, 2010 ; ead., Peuple, Paris, Anamosa, 2019.
27AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 38, lettre de Joseph-François Payan, 23 août 1792.
28Vovelle Michel, « Les troubles sociaux en Provence (1750-1792) », Actes du 93e congrès national des sociétés savantes, Tours, 1968. Section d’histoire moderne et contemporaine, t. II, p. 325-372 ; Ado Anatoli, Paysans en Révolution. Terre, pouvoir et jacquerie, 1789-1794, Paris, Société des études robespierristes, 1971, p. 315-317.
29AN, F7 3673, procès-verbal du 6 octobre 1792.
30AN, F/1a/409, Aux citoyens réunis en sociétés populaires, 11 novembre 1792. Toutes les citations du paragraphe sont issues de cette adresse.
31Deleplace Marc, « La notion d’anarchie pendant la Révolution française (1789-1801) », AHRF, no 287, 1992/1, p. 17-45.
32Schnerb Robert, « Claude Payan, lors du conflit entre Girondins et Montagnards en novembre 1792 », AHRF, 1939, p. 173.
33Dupuy Roger, « Du pseudo-fédéralisme breton au pseudo-anarchisme parisien. Révolution et structures », in Albert Soboul (dir.), Girondins et Montagnards, colloque en Sorbonne (14 décembre 1975), Paris, Société des études robespierristes, 2012, p. 199-200.
34Bell David, Lawyers and Citizens. The Making of a Political Elite in Old Regime France, Oxford, Oxford University Press, 1994 ; Linton Marisa, The Politics of Virtue in Enlightenment France, Houndmills, Palgrave Press, 2001.
35Simien Côme, « Rumeurs et Révolution : la saison des massacres de septembre 1792 », AHRF, 2020/4, p. 3-31.
36Wahnich Sophie, La longue patience du peuple, op. cit., p. 463 et suiv.
37AN, M// 669, extrait de la séance des trois corps administratifs de la ville de Valence, 25 septembre 1792.
38Dorigny Marcel, « Violence et Révolution. Les Girondins et les massacres de septembre », in Albert Soboul (dir.), Girondins et Montagnards, op. cit., p. 113.
39Peyrard Christine et Feyel Gilles, « La vérité au peuple », in Gilles Feyel (dir.), Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution, t. V : Centre-Val de Loire, Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Ferney-Voltaire, Publications du centre international d’étude du xviiie siècle, 2016, p. 558-561.
40Ermisse Gérard (dir.), La presse drômoise de 1750 à 1980, Archives départementales de la Drôme, 3 vol., 1980-1981.
41AN, H//1448, lettre de Roland à Claude-François Payan, 13 décembre 1792.
42Martin Jean-Clément, L’exécution du roi 21 janvier 1793. La France entre République et Révolution, Paris, Perrin, 2021.
43Haffemayer Stéphane, « La tyrannie de Charles 1er Stuart : circulation d’une légende d’une Révolution à l’autre (Angleterre-France, 1649-1789) », Histoire culturelle de l’Europe, no 1, 2016, [http://wmrsh.unicaen.fr/mrsh/hce/index.php?id=202].
44Rochas Alphonse, Journal d’un bourgeois de Valence. Du 1er janvier 1789 au 9 novembre 1799, Grenoble, Allier, 1891, t. I, p. 232.
45BNF, 4-LC10-118 (TER), La vérité au peuple. Journal des départements de la Drôme et de l’Ardèche, no 3, 6 janvier 1793.
46Guermazi Alexandre, « La naissance de la Montagne dans l’espace public : un mot au service des Conventionnels du côté gauche ou de la République ? Octobre 1792-janvier 1793 », AHRF, no 381, 2015/3, p. 31-53.
47Virginie Martin a montré comment les Jullien convertissent leur compatriote de Romans, Saint-Cyr Nugues, « Vivre la Révolution en secrétaire dans l’ombre de Marc-Antoine Jullien : le cas Saint-Cyr Nugues », AHRF, no 405, 2021/3, p. 158.
48Jullien, Sautayra, Boisset.
49Biard Michel, Bourdin Philippe et Leuwers Hervé (dir.), Dictionnaire des Conventionnels 1792-1795, Ferney-Voltaire, Centre international d’étude du xviiie siècle, 2 vol., 2022.
50AD 26, J 670/6, lettre de Claude-François Payan à Marc-Antoine Jullien, 30 mai 1793.
51Johnson Hubert. C., The Midi in Revolution. A Study of Regional Political Diversity, 1789-1793, Princeton, Princeton University Press, 1986.
52Soulas Nicolas, Révolutionner les cultures politiques…, op. cit., p. 145-146.
53AD 26, L 44, délibération du directoire du département de la Drôme, 23 avril 1793.
54Ibid., 26 mai 1793.
55Ibid., 28 mai 1793.
56L’ex-Constituant Charrier, en lien avec le curé Allier et les cercles de Jalès, prend la tête d’une Armée chrétienne du Midi qui s’empare de Marvejols et de Mende, entre le 26 et le 30 mai 1793 : Sottocasa Valérie, Mémoires affrontées…, op. cit., p. 109-115.
57Mouvement politique contestataire protéiforme, la crise « fédéraliste » fédère une fronde hétéroclite d’opposants à la radicalisation de la République au cours du printemps et de l’été 1793. La rupture des différents bastions « fédéralistes » avec la Convention est concomitante avec la chute des Girondins, le 2 juin 1793, et a été souvent perçue comme une simple réplique provinciale de ce coup de force. En réalité, le mouvement est très complexe et le profil politique de ses acteurs varie considérablement d’une zone géographique à une autre : Les fédéralismes. Réalités et représentations 1789-1874, actes du colloque de Marseille septembre 1993, Aix-en-Provence, 1995 ; Mathan Anne de, « Le fédéralisme girondin. Histoire d’un mythe national », AHRF, no 393, 2018/3, p. 195-206.
58Ferrand Félix, « Le fédéralisme dans la Drôme », Actes du 102e congrès national des sociétés savantes, « Contribution à l’histoire des mentalités de 1610 à nos jours », Limoges, 1978, t. II, p. 145-169.
59AD 26, L 44, délibération du département de la Drôme, 7 juin 1793.
60Hanson Paul R., The Jacobin Republic Under Fire. The Federalist Revolt in the French Revolution, University Park, The Pennsylvania State University Press, 2003.
61Biard Michel (dir.), Querelles dans le clocher. Tensions et conflits entre les autorités dans les chefs-lieux de département (1790-1795), Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen-Le Havre, 2014.
62AD 26, L 44, délibération du département de la Drôme, 13 juin 1793.
63Andro Gaïd, Une génération au service de l’État…, op. cit., p. 263.
64AD 26, L 111, lettre du procureur général syndic aux sept districts, 11 juin 1793.
65Prudhomme Auguste, Un nouveau chapitre de l’histoire de la Révolution dans le Dauphiné. Le fédéralisme dans l’Isère et Français de Nantes (juin-juillet 1793), Grenoble, Allier, 1907.
66AD 26, L 44, délibération du département de la Drôme, 14 juin 1793.
67Jolivet Charles, La Révolution dans l’Ardèche (1788-1795), Challes-les-Eaux, Curandera, 1988 (1930), p. 428-437.
68AD 30, L 354, correspondance passive du département du Gard.
69BM Grenoble, O. 1469, Aux sans-culottes des campagnes par un citoyen du département de la Drôme, 1793.
70Une rhétorique partagée par de nombreux « Montagnards », tels que Fouché, Liris Élisabeth, « On rougit ici d’être riche », AHRF, no 300, 1995/2, p. 295-301.
71Soboul Albert (dir.), Girondins et Montagnards, op. cit., p. 10.
72AD 26, L 44, délibération du directoire de département de la Drôme, 19 juin 1793.
73AD 26, L 185, vœux des communes, juin 1793.
74AD 26, L 44, délibération du directoire de département de la Drôme, 22 juin 1793.
75Duport Anne-Marie, « Les congrès des sociétés populaires tenus à Valence en 1793 : résistance au fédéralisme et anticipations politiques », Actes du 111e congrès national des sociétés savantes, « Existe-t-il un fédéralisme jacobin ? Études sur la Révolution », Paris, CTHS, 1986, p. 21-37.
76Eude Michel, « La commune robespierriste. L’arrestation de Pache et la nomination de l’agent national Claude Payan », art. cité., p. 92.
77AD 26, L 1104, procès-verbaux des assemblées des 24-26 juin 1793.
78Guibal Georges, Le mouvement fédéraliste en Provence en 1793, Paris, Plon-Nourrit, 1908.
79Duport Anne-Marie, « Le fédéralisme gardois de la théorie à la pratique (janvier-juillet 1793) », Actes du 110e congrès des sociétés savantes, Paris, CTHS, 1985, p. 173-189.
80Forrest Alan, « Le mouvement fédéraliste dans le midi de la France. Réaction antijacobine ou croisade méridionale ? », Provence Historique, no 148, avril-juin 1987, p. 183-192.
81AD 26, L 44, délibération du directoire de département de la Drôme, 6 juillet 1793.
82AN, T528-529, arrêté des représentants Albitte et Gauthier, 4 juillet 1793.
83Souchon de Chanron, originaire de Donzère, se retire à Montélimar en 1789 où il devient commandant de la Garde nationale. Élu en parallèle administrateur municipal, Souchon de Chanron se réengage dans les armées de la Convention en 1792. Promu général par Boisset, il sert à l’armée des Pyrénées-Orientales. Après plusieurs échecs, il est démis de ses fonctions et passe dans le camp contre-révolutionnaire. Il est condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire le 12 avril 1794.
84Seyve Michel et Seyve Claude, Montélimar. Première République Premier Empire, 1792-1815, Valence, Notre Temps, 1995, p. 34-43.
85AN, T528-529, arrêté des représentants du peuple, 28 juillet 1793.
86Genty Maurice, Paris 1789-1795. L’apprentissage de la citoyenneté, Paris, Messidor, 1986, p. 212-232.
87Markov Walter, Jacques Roux, le curé rouge, Padoue/Paris, Libertalia/Société des études robespierristes, 2017.
88AN, T528-529, arrêté du Comité de salut public, 22 août 1793.
89Après une installation au 3 rue des Saints-Pères, Payan déménage, en germinal an II, au no 105, rue de la Liberté, dans la section de Marat.
90Archives parlementaires, séance de la Convention du 5 septembre 1793, t. LXXIII, p. 441.
91Mathiez Albert, La vie chère et le mouvement social sous la Terreur, Paris, Payot, 1927.
92Guilhaumou Jacques, « Marseille-Paris, la formation et la propagation d’un mot d’ordre : “Du pain et du fer” (1792-1793) », Les pratiques politiques en province à l’époque de la Révolution française, actes du colloque tenu à Montpellier les 18, 19 et 20 septembre 1987, Montpellier, université de Montpellier, 1988, p. 203.
93AD 26, L 1104, procès-verbal du congrès de Valence, 7 septembre 1793.
94Duport Anne-Marie, Dorigny Marcel, Guilhaumou Jacques et Wartelle François, « Les congrès des sociétés populaires et la question du pouvoir exécutif révolutionnaire », AHRF, no 266, 1986/4, p. 518-544.
95Guilhaumou Jacques et Monnier Raymonde, « Les Cordeliers et la République de 1793 », in Michel Vovelle (dir.), Révolution et République. L’exception française, actes du colloque de Paris I Sorbonne, 21-26 septembre 1992, textes réunis par Raymonde Monnier, Paris, Kimé, 1994, p. 200-212.
96Papiers inédits trouvés chez Robespierre, Saint-Just, Payan, etc., supprimés ou omis par Courtois précédé du rapport de ce député à la Convention nationale, Paris, Baudouin, 1828, t. I, lettre de Claude-François Payan à son frère Joseph, 18 brumaire an II, p. 349.
97Linton Marisa, Choosing Terror. Virtue, Friendship and Authenticity in the French Revolution, Oxford, Oxford University Press, 2013, p. 137-161.
98AN, AFII/185, lettre d’Albitte, 16 brumaire an II.
99AD 26, L 1085, délibération de la Société républicaine de Valence, 7 brumaire an II.
100Pierre Roger, 240 000 Drômois. Aux quatre vents de la Révolution, op. cit., p. 215-216.
101Gascar Pierre, L’ombre de Robespierre, Paris, Gallimard, 1979 ; Di Rienzo Eugenio, Marc-Antoine Jullien de Paris (1789-1848). Una biografia politica, Naples, Guida Editori, 1999.
102Matta-Duvignau Raphaël, Gouverner, administrer révolutionnairement : le comité de salut public (6 avril 1793-4 brumaire an IV), Paris, L’Harmattan, 2013, p. 259-263.
103Boulant Antoine, Le Tribunal révolutionnaire. Punir les ennemis du peuple, Paris, Perrin, 2018, p. 57.
104Waresquiel Emmanuel de, Juger la reine 14, 15, 16 octobre 1793, Paris, Tallandier, 2016.
105« Les affaires d’État sont mes affaires de cœur ». Lettres de Rosalie Jullien, une femme dans la Révolution 1775-1810, présentées par Annie Duprat, Paris, Belin, 2016, p. 263.
106Papiers inédits trouvés…, op. cit., t. II, lettre de Payan à Roman-Fonrosa, 20 messidor an II, p. 370-372.
107Ibid., lettre de Claude-François à Joseph-François, 18 brumaire an II, p. 348.
108Pascal-Thomas Fourcade (1769-1813) collabore au journal de Gorsas jusqu’en septembre 1792 puis se rapproche des « Montagnards » au début de l’année 1793. Comme Jullien fils ou Payan, il accomplit plusieurs missions pour le Comité de salut public avant d’être parachuté à la rédaction de l’Anti-fédéraliste.
109Lettre de Rosalie à Marc-Antoine Jullien, 9 octobre 1793. Éléments très aimablement fournis par Annie Duprat.
110D’après les confidences de Rosalie Jullien : lettre à son fils Marc-Antoine, 26 octobre 1793.
111Ibid., lettre à son fils Marc-Antoine, 18 décembre 1793.
112AD 26, L 1297, L’Anti-fédéraliste ou le correspondant des sociétés populaires et des armées, 9 frimaire an II.
113Fichtl Ariane Viktoria, La radicalisation de l’idéal républicain. Modèles antiques et la Révolution française, Paris, Classique Garnier, 2020.
114AD 26, L 1297, L’Anti-fédéraliste ou le correspondant des sociétés populaires et des armées, 27 brumaire an II.
115Ibid., 19 brumaire an II.
116AN, 39 AP IV, dossier no 4, lettre de Saint-Cyr Nugues à Marc-Antoine Jullien fils. Merci à Virginie Martin de m’avoir communiqué cette source.
117Ibid., 13 frimaire an II.
118Vovelle Michel, Religion et Révolution. La déchristianisation de l’an II, Paris, Hachette, 1976 ; La Révolution contre l’Église. De la Raison à l’Être suprême, Bruxelles, Éditions complexe, 1988.
119Chopelin Paul, « La défanatisation de l’an II. Anticléricalisme et laïcisation radicale dans la nation en guerre », in Michel Biard et Hervé Leuwers (dir.), Visages de la Terreur. L’exception politique en l’an II, Paris, Armand Colin, 2014, p. 91-105.
120AD 26, L 1297, L’Anti-fédéraliste ou le correspondant des sociétés populaires et des armées, 16 nivôse an II.
121Leuwers Hervé, Robespierre, Paris, Pluriel, 2017, p. 303.
122AD 26, L 1297, L’Anti-fédéraliste ou le correspondant des sociétés populaires et des armées, 30 vendémiaire an II.
123Alzas Nathalie, « Étienne Maignet et l’idéal du bon républicain », in Ève Duperray et Bruno Poinas (dir.), Mémoires républicaines en Vaucluse, Le Kremlin-Bicêtre, Éditions mare & martin, 2021, p. 183-184.
124Leuwers Hervé, « Servir le peuple avec vertu », in Michel Biard, Philippe Bourdin, Hervé Leuwers et Alain Tourret (dir.), Vertu et politique. Les pratiques des législateurs (1789-2014), Rennes/Paris, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire »/Société des études robespierristes, 2015, p. 401-406.
125AD 26, L 1297, L’Anti-fédéraliste ou le correspondant des sociétés populaires et des armées, 9 nivôse an II.
126Ibid., 30 vendémiaire an II.
127AN, T528-529, lettre de Jean Monnier, 22 brumaire an II.
128Ibid., lettre de Dalbarade, 24 brumaire an II.
129Papiers inédits trouvés…, op. cit., t. II, lettre de Payan à Robespierre, 6 nivôse an II, p. 351.
130Lettre de Rosalie à Marc-Antoine Jullien, 14 janvier 1794.
131AN, T528-529, convention passée entre Fourcade, Payan et Vatar, 29 nivôse an II.
132Martin Virginie, La diplomatie en Révolution. Structures, agents, pratiques et renseignements diplomatiques. L’exemple des diplomates français en Italie (1789-1796), thèse d’histoire sous la dir. de Jean-Clément Martin, Paris I, 2011.
133Sorel Albert, « La diplomatie secrète du Comité de salut public avant le 9 Thermidor », Revue historique, 4e année, mai-août 1879, p. 339-348 ; Gros Jean, Le Comité de salut public de la Convention nationale, Paris, Plon, 1893, p. 316-318.
134Mathiez Albert, « La politique étrangère, le plan robespierriste », AHRF, no 72, 1935/3, p. 493.
135Mazon Albin, Histoire de Soulavie (naturaliste, diplomate, historien), Paris, Fischbacher, 1893.
136Papiers de Barthélemy, ambassadeur de France en Suisse, 1792-1797, publiés sous les auspices de la Commission des archives diplomatiques, par Jean Kaulek, t. III, septembre 1793-mars 1794, 1888, p. 298-299.
137Larné Aurélien, « La commune de Paris et le gouvernement révolutionnaire sous le mandat de Pache : élections et révocabilité des élus en l’an II », AHRF, no 396, 2019/2, p. 35.
138Larné Aurélien, Pache, maire de Paris (1793-1794) : la mise en place d’un projet de société fondé sur les droits naturels, thèse d’histoire sous la dir. de Marc Belissa, Paris Nanterre, 2017.
139Journal de la Montagne, no 140, 13 germinal an II.
140Eude Michel, « La commune robespierriste : l’arrestation de Pache et la nomination de l’Agent national Claude Payan », AHRF, 1935/2, p. 157-159.
141Sainte-Claire Deville Paul, La commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, Paris, Plon, 1946, p. 169.
142Eude Michel, Études sur la commune robespierriste, Paris, Mellotée, 1937.
143Journal de la Montagne, no 140, 13 germinal an II. Toutes les citations du paragraphe proviennent de ce numéro.
144Soboul Albert, Girondins et Montagnards, op. cit., p. 416-465.
145Journal de la Montagne, no 140, 28 germinal an II.
146Martin Jean-Clément, Robespierre. La fabrication d’un monstre, Paris, Perrin, 2016, p. 273.
147Journal de la Montagne, no 161, 4 floréal an II.
148Ibid., no 162, 5 floréal an II.
149Ibid.
150Ibid., no 20, 27 germinal an II.
151Gazette nationale ou le Moniteur universel, no 243, 3 prairial an II.
152Soboul Albert, Girondins et Montagnards, op. cit., p. 441-443.
153Martin Jean-Clément, Robespierre. La fabrication d’un monstre, op. cit., p. 278.
154Martin Jean-Clément, Nouvelle histoire de la Révolution française, op. cit., p. 442.
155Chopelin Paul, « Le mythe du “grand prêtre” de la Révolution. Robespierre, la religion et l’Être Suprême », in Michel Biard et Philippe Bourdin (dir.), Robespierre. Portraits croisés, Paris, Armand Colin, 2014, p. 140-143.
156Le Bozec Christine, Révolution et religion, Paris, Passés/composés, 2021, p. 86-87.
157Jones Colin, The fall of Robespierre…, op. cit., p. 155.
158Journal de la Montagne, no 156, 29 germinal an II.
159Ibid., no 160, 3 floréal an II.
160AP, Moniteur Universel, t. XX, numéro du 17 germinal an II, p. 138.
161Papiers inédits trouvés…, op. cit., t. II, extrait du garde notes de Payan, p. 388.
162Procès-verbaux du Comité d’instruction publique de la Convention nationale, publiés et annotés par James Guillaume, t. IV, 1er germinal an II-11 fructidor an II, Paris, Imprimerie nationale, 1901.
163Gazette nationale ou le Moniteur universel, no 307, 7 thermidor an II.
164Éstrée Paul d’, Le théâtre sous la Terreur (théâtre de la peur 1793-1794), Paris, Émile-Paul frères, 1913, p. 45. L’auteur se montre particulièrement critique à l’encontre des Payan qu’il confond d’ailleurs.
165Procès-verbaux du Comité…, op. cit, p. 716.
166Bianchi Serge, « Le théâtre de l’an II (culture et société sous la Révolution) », AHRF, no 278, 1989/3, p. 417-432.
167Boulad-Ayoub Josiane et Grenon Michel (éd.), Édition nouvelle et augmentée des procès-verbaux du Comité d’instruction publique de l’Assemblée législative et de la Convention publiés et annotés par James Guillaume, Paris, L’Harmattan, 1998, vol. 6, Convention, t. IV, annexe B, p. 467.
168Nadeau Martin, « La politique culturelle de l’an II : les infortunes de la propagande révolutionnaire au théâtre », AHRF, no 327, 2002/1, p. 57-74.
169AN, F/17/1012, lettre de Monnet à Payan, 1er messidor an II.
170Ibid., rapport de Payan, 19 messidor an II.
171Bourdin Philippe, Aux origines du théâtre patriotique, Paris, CNRS Éditions, 2017, p. 86-87.
172Bourdin Philippe, « Au théâtre sous la Terreur », in Michel Biard et Hervé Leuwers, Visages de la Terreur, op. cit., p. 125.
173Papiers inédits trouvés…, op. cit., t. II, p. 354.
174Ozouf Mona, La fête révolutionnaire (1789-1799), Paris, Gallimard, 1988 (1976).
175Soboul Albert, « Sentiment religieux et cultes populaires : saintes patriotes et martyrs de la liberté », Archives de sociologie des religions, 1956/2, p. 73-87.
176Monnier Raymonde, « Le culte de Bara en l’an II », AHRF, no 241, 1980/2, p. 329.
177Maureau Alain, « Le Sans-culotte du Midi Agricol Moureau (1766-1842) », Mémoires de l’académie de Vaucluse, 8e série, t. VIII, 1999, p. 79-111 ; Peyrard Christine, « Agricol Moureau de Vaucluse, défenseur de la cause du peuple (1766-1842) », in Gilbert Buti et Anne Carol (dir.), Comportements, croyances et mémoires. Europe méridionale xve-xxe siècle, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2007, p. 247-254.
178Agricol Viala est tué le 8 juillet 1793 par les « fédéralistes » marseillais alors qu’il tente de les ralentir en coupant les câbles du bac sur la Durance. Sa geste est largement magnifiée par ses proches, puis par les thuriféraires du culte des martyrs de la Liberté.
179Vovelle Michel, « Agricol Viala ou le héros malheureux », AHRF, no 241, 1980/2, p. 346.
180Procès-verbaux du Comité…, op. cit., p. 732-734.
181Peyrard Christine, « Jeunesse héroïque, héroïsation de la jeunesse », in Ève Duperray et Bruno Poinas (dir.), Mémoires républicaines en Vaucluse, op. cit., p. 162.
182Martin Jean-Clément, « La mémoire de Viala », ibid., p. 165-166.
183Seyve Claude et Michel, « 1759-1848, Joseph Payan ministre de l’Instruction publique », Études drômoises, no 36, décembre 2008, p. 8-10.
184Procès-verbaux du Comité…, op. cit., p. 807.
185Ibid., p. 808.
186AN, T528-529, lettre de la société populaire de Saint-Paul-Trois-Châteaux, 17 germinal an II.
187AN, F/17/1069, dossier 13, lettre du club de Saint-Paul-Trois-Châteaux à Joseph-François Payan, 28 prairial an II.
188AD 26, L 45, délibération du 8 nivôse an II.
189Papiers inédits trouvés…, op. cit., t. II, lettre de Payan à Robespierre, 6 nivôse an II, p. 350.
190AN, F/17/1253, lettre de Baltard à Joseph-François Payan, 8 floréal an II.
191Ibid., lettre de Peyre à Joseph-François Payan, 15 messidor an II.
192AN, D/XLII/9, Rapport de Joseph-François, 30 messidor an II.
193Ibid., Rapport de Claude-François, 29 messidor an II.
194Biard Michel, Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris, Vendémiaire, 2015, p. 264-268.
195Guilhaumou Jacques et Lapied Martine, « La mission Maignet », AHRF, no 300, 1995/2, p. 283-294.
196AN, F/17/1069, dossier 13, lettre de Maignet à Joseph-François Payan, 20 germinal an II.
197Grosso René, Moulinas René, Maureau Alain et Simon André, Histoire de Vaucluse. Les Vauclusiens dans la vie nationale de 1793 à nos jours, Avignon, Barthélemy, 1993, p. 75-76.
198Papiers inédits trouvés…, op. cit., t. II, notes sur l’établissement du tribunal révolutionnaire, 4 floréal an II, p. 366-368.
199Ording Arne, Le bureau de police du Comité de salut public : étude sur la Terreur, Oslo, Jacob Dybwad, 1930, p. 69.
200AN, F/17/1069, lettre de Durepaire à Joseph-François Payan, 19 messidor an II.
201Papiers inédits trouvés…, op. cit., t. II, lettre de Juge à Joseph-François Payan, 5 messidor an II.
202AN, F/17/1069, lettre de Chancel à Joseph-François Payan, 21 germinal an II.
203Ibid., lettre de Fort à Joseph-François Payan, 3 thermidor an II.
204Ibid., lettre non signée, 16 messidor an II.
205Ibid., lettre de Craisson à Joseph-François Payan, 26 prairial an II.
206Ibid., lettre de Victor Dumas à Joseph-François Payan, 14 et 15 floréal an II.

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Éric Roulet
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2008