1La famille - vecteur de solidarité : tel semble bien le constat que dressent les nombreux travaux de recherche qui, depuis le milieu des années 1980, ont entrepris d’étudier les liens de parenté et mis en évidence le rôle des solidarités familiales en termes de soutien économique, de transmission de biens et de symboles, d’accession au logement, à la propriété ou au travail, d’aides au niveau des tâches domestiques et de caring1. Qu’il s’agisse des jeunes à la recherche de leur premier emploi qui continuent de cohabiter avec leurs parents2, des personnes âgées qui doivent compter sur la présence et le soutien de leurs filles pour faire face à l’accroissement de leur dépendance3, ou des adultes qui obtiennent le soutien de leur parentèle à l’occasion d’une maladie, de la perte d’un emploi, ou encore à la suite d’une rupture conjugale, il semble bien que cette protection familiale s’exerce tout au long du cycle de vie. Faut-il pour autant conclure au renouveau de ces solidarités ou plutôt à une opportune redécouverte liée à la crise de notre système de solidarité collective ou de protection sociale ?

2Martine Segalen voit dans la multiplication de ces travaux un « renouveau du regard sociologique sur la famille »4 ? Non que ces thèmes classiques en anthropologie aient été absents durant les périodes précédentes, mais la sociologie proprement dite semblait effectivement leur accorder une importance relativement mineure par rapport à l’ensemble des questions soulevées par le couple et son instabilité5. En ce sens, il s’agit bien d’un « renouveau » et non de problématiques véritablement nouvelles, c’est-à-dire du développement d’une série de travaux qui s’inscrivent dans une tradition déjà ancienne - avec des auteurs comme E. Bott (1957) ou M. Young et P. Willmott (1957 et 1968) mais relativement minoritaire en France, à l’exception des travaux d’Agnès Pitrou (1977, 1978), de Louis Roussel, Odile Bourguignon (1976) et Catherine Gokalp (1978), dans le milieu des années soixante-dix.

3Plutôt que de saisir cette tendance des travaux contemporains de sociologie de la famille comme la seule expression d’une lutte « théorique », entre ceux qui privilégient l’angle « parenté et réseau » et ceux qui préfèrent se consacrer à l’étude du lien conjugal, ou entre les défenseurs d’une lecture socio-anthropologique des liens de parenté dans une perspective holiste, contre les tenants d’une analyse plus individualiste des stratégies et des intérêts dans le couple et la famille, nous suggérons de l’interpréter comme l’expression d’un enjeu social et politique plus large. En effet, cette redécouverte des réseaux de parenté et des relations intergénérationnelles pose au premier chef la question des fondements de la solidarité. Elle doit donc être aussi et peut-être d’abord mise en regard des interrogations sur la crise de l’Etat-providence et de notre système de protection sociale, voire même de la construction d’un véritable « risque solitude » comme expression de la dissolution du « lien social » (Martin, 1993).

4La plupart des recherches que nous venons d’évoquer mettent en lumière la nature, les fondements, mais aussi incidemment la force et la stabilité du lien familial (lien intergénérationnel, lien vertical de la filiation mais aussi lien horizontal de la fratrie), qui apparaît soudain quasi indéfectible et permanent ; ce qui semble en rupture avec la dominante des conclusions qui ont marqué la période 1965-1985, où l’on insistait plutôt sur la fragilisation, voire la dissolution pure et simple du lien conjugal (Shorter, 1977). En élargissant le champ de vision du couple à la parenté, l’instabilité ferait-elle place à la stabilité, la fragilité à la force, et même l’individualisme moderniste à une certaine tradition communautaire ?

5Que penser de ce renouvellement d’image ? Nous voudrions montrer que la redécouverte des liens de parenté, apparemment plus stables que les liens conjugaux, a lieu dans une période d’interrogation aiguë sur l’avenir et les formes de la solidarité mutuelle mais aussi sur les mécanismes de l’intégration sociale. En ce sens, il nous semble bien que l’on puisse parler d’une opportune redécouverte de la parenté. L’enjeu est donc moins interne au champ scientifique lui-même qu’externe et relayé par le débat politique.

Autonomie, échanges et obligations dans les relations de parenté

6Dans les recherches évoquées précédemment, il faut distinguer les constats, plutôt convergents, des points de vue, plus nuancés, que privilégient les chercheurs. Ainsi, la plupart de ces travaux s’accordent sur un certain nombre de points tels : la persistance des liens de parenté malgré l’instabilité conjugale, tout au moins pour ce qui concerne la proche parenté (parents, grands-parents, voire fratrie) ; la proximité géographique entre les générations ; l’importance de l’entraide qui prend des formes très variées (aide financière, échanges d’informations, de services plus ou moins quotidiens, etc.) ; la mobilisation de la parenté pour fournir un soutien en cas de difficultés passagères, etc. Mais au-delà de ces constats, plusieurs points de vue se dégagent concernant la nature de ces liens de parenté et le fondement des solidarités dont elles sont le support, selon que l’accent principal est mis sur :

• la question de la préservation de l’autonomie dans les relations de parenté,
• la question des mécanismes de l’échange dans la parenté sur le modèle du don et de la dette,
• la question des normes d’obligation sous-jacentes et de leur construction et ajustement variable au fil du temps et des relations.

7En somme, les variantes théoriques concernent moins les pratiques d’entraide, leur effectivité, que le sens qu’elles ont pour les acteurs, ou mieux les fondements de celles-ci. Dans le premier modèle d’interprétation, l’accent est mis sur l’impératif d’autonomie ou sur « la dévalorisation de la dépendance intergénérationnelle » qui caractériseraient les relations familiales modernes (de Singly, 1993, p. 51). Le souci de liberté, l’idéologie de l’indépendance conformes à l’individualisme moderne, ajoutés à la dévalorisation de toute forme de stratégie « intérêtiste » au profit d’une valorisation des liens affectifs, donnent un sens particulier aux solidarités familiales. Dans la « famille relationnelle », la parenté perd une partie de ses prérogatives et laisse libre champ aux relations affinitaires. On accepte de recevoir et de se sentir obligé à l’égard de ses proches, c’est-à-dire de ceux pour lesquels on éprouve de l’affection, ceux avec lesquels on se sent en affinité, ce qui recoupe le plus souvent les liens de la proche parenté. Si cette proche parenté (parents, fratrie, grands-parents, et proche parenté du conjoint) est bien un vecteur de soutien et de services, ceux-ci tendent néanmoins à se situer dans la perspective globale de préservation de l’autonomie des membres de la famille. Pour remplir pleinement son rôle, la solidarité familiale doit laisser au donataire et au donateur un sentiment de liberté. Lorsqu’elle ne prend pas la figure d’un devoir engendrant un certain nombre d’attentes réciproques, elle permet de maintenir la gratuité et le désintéressement qui sont au fondement de la famille « relationnelle ». Plus que l’obligation, c’est le sentiment de dépendance qui est rejetté : « La qualité des relations intergénérationnelles est compatible avec le sentiment du devoir, voire de l’obligation, mais non avec le sentiment de dépendance » (de Singly, 1993, p. 77).

8On peut aussi présenter les relations familiales et de parenté actuelles (en particulier les relations de filiation) (Godard, 1992) comme un compromis entre modernité (individualisme et préservation de la liberté) et tradition (inconditionnalité et obligation). Dans cette perspective, la famille apparaît comme un des vecteurs qui relie l’individu à la totalité sociale, à la communauté. Si la famille se modernise, en faisant une place croissante à l’individualisme et au souci d’autonomie (évoqué précédemment), elle conserve néanmoins certains traits pré-modernes. Au centre de ce compromis est évoqué le fait que les relations familiales sont le lieu de déploiement par excellence du mécanisme du don, qui se doit d’être spontané et non contraint, seul principe qui permet de « réconcilier l’obligation et la liberté ». « Dans la famille, on ne règle pas ses dettes une fois pour toutes, plutôt on les entretient au cours des ans. Mais en même temps, il y a refus de se sentir obligé et d’obliger les autres ; quand il y a don, il faut laisser l’autre libre de rendre » (Charbonneau, 1994 ; Godbout & Charbonneau, 1993)6. Le mécanisme du don met l’échange au service de la relation et refuse d’y appliquer toute forme de calcul d’équivalence. Pour autant, ne faudrait-il pas ajouter à cela d’autres formes de contrepartie, tel le « droit d’ingérence » qui accompagne souvent le service rendu (Martin, 1992,1993).

9Ces deux premiers niveaux d’interprétation invitent plutôt à une lecture micro-sociologique des relations et des échanges dans la parenté. La troisième perspective privilégie la question de la production de normes d’obligation, débouchant sur un questionnement plus macro-social, en soulignant qu’il s’agit d’une construction progressive de règles et de normes, elles-mêmes variables selon les milieux sociaux. On peut percevoir ces écarts sociaux de pression normative en vue de garantir l’obligation mutuelle de différentes manières. F. de Singly (1993) souligne ainsi la différence entre le réseau des affinités et celui des solidarités dans les milieux populaires, alors que ceux-ci se recouvrent presque totalement dans les milieux aisés, ce qui pourrait indiquer que le devoir d’entraide fonctionne peut-être plus dans les milieux modestes non plus en référence à la qualité relationnelle, mais selon un modèle de l’obligation à l’égard de la parenté, y compris en cas de conflit et de mésentente. Le devoir l’emporterait alors sur le choix de se situer dans une perspective d’entraide, du fait de normes incontournables d’obligation mutuelle.

Obligé(e) d’être l’obligé(e)

10La norme de solidarité et d’entraide ne s’impose pas à tous de la même manière. Elle varie ainsi manifestement selon le sexe de l’aidant. A cet égard, les travaux britanniques sur l’obligation de caring qui pèse sur les femmes, qu’il s’agisse des soins qu’elles prodiguent aux enfants, aux malades ou aux personnes âgées devenues dépendantes, sont tout à fait éclairants (Finch & Groves, 1983 ; Ungerson, 1990 ; Finch & Mason, 1993 ; Martin, 1995). J. Finch et J. Mason considèrent pour leur part que l’obligation est d’abord le fruit des relations qui s’établissent au fil du temps, le produit des interactions, plus que le résultat de normes externes et imposées (les normes légales), ce que souligne aussi Martine Segalen lorsqu’elle écrit : « Pour saisir l’esprit de la parenté, il faut avant tout prendre en considération la dimension temporelle : la durée d’une vie, la durée des générations. Le sens des relations se construit dans le temps... Les relations sont ainsi tracées dans le cadre de normes, fondées sur des attentes réciproques » (Segalen, 1993,107).

11Claudine Attias-Donfut et Sylvie Renaut (1994) vont dans le même sens lorsqu’elles soulignent que l’intensité de l’entraide entre la « génération du milieu » et les anciens semble évoluer dans le même sens que le temps de cohabitation passée ensemble durant la jeunesse de la génération du milieu. Autrement dit, plus un enfant est amené à cohabiter avec ses parents, plus il élabore un sentiment d’obligation qui pourrait l’amener à se mobiliser par la suite, notamment sous la forme d’une recohabitation. En somme, l’obligation serait le résultat de la co-existence et de sa durée. Si tel est le cas, les solidarités intergénérationnelles pourraient avoir un « bel avenir » devant elles, puisqu’aujourd’hui les jeunes sont contraints, et parfois choisissent de rester chez leurs parents.

12Pour A. Walker, la dimension relationnelle, l’affection, la réciprocité (ou un sentiment individuel d’obligation) ne peuvent à eux seuls expliquer l’apport d’aides ou de soins (Qureshi & Walker, 1989 ; Walker, 1993). Fonctionnerait plutôt une hiérarchie normative d’obligation collective qui met certains acteurs au premier rang de cette obligation, sans qu’il y ait même véritablement délibération, stratégies ou décisions. Certains individus admettent ainsi sans conteste que c’est leur rôle. « Le choix de celui ou celle qui doit aider la personne âgée se base sur des règles qui découlent de croyances stéréotypées relatives aux dettes des enfants vis-à-vis de leurs parents et aux rôles qui incombent à chaque sexe... Mais même si les personnes apportant de l’aide ressentent une obligation personnelle vis-à-vis de leurs parents suite à des services rendus dans le passé, il est tout aussi clair qu’une importante minorité ne partage pas ce sentiment, mais se sent néanmoins obligée d’aider, par des pressions extérieures à la relation proprement dite » (Walker, 1993, p. 61). En indiquant cette hypothèse de l’existence d’un système normatif construit non seulement au sein des relations familiales et intergénérationnelles tout au cours d’une existence, mais aussi au niveau sociétal, Walker suggère de faire entrer en ligne de compte le rôle central joué par l’Etat et, plus globalement, par l’idéologie.

13Pour Walker, l’entraide dans la parenté est donc aussi le fruit d’une construction idéologique qu’il propose d’appeler le « familism », « construction idéologique d’une forme particulière d’organisation familiale occidentale individualiste - avec une division traditionnellement sexiste du travail domestique et des systèmes de croyances normatives concernant la responsabilité de l’aide au sein de la famille de procréation et de la famille d’orientation - qui est à la base de toutes les formes contemporaines d’organisation de la vie quotidienne. Cette idéologie et en particulier ses croyances normatives, consacrées par l’usage, concernant la responsabilité de l’aide aux parents âgés sont intériorisées par les membres de la famille, qui agissent conformément à un sens général du devoir, même en l’absence d’obligation au niveau individuel » (Walker, 1993, p. 66-67).

14Dans ce modèle normatif sociétal, « les femmes sont soumises à une énorme pression normative vis-à-vis de l’aide » (idem), pression variable cependant selon les milieux sociaux. On peut ainsi expliquer la plus grande conformité des milieux populaires à cette pression du fait de la moindre marge de manœuvre dont ils bénéficient par rapport à ces modèles sociétaux. Au contraire, les milieux à fort capital culturel bénéficient d’une plus grande flexibilité normative en la matière, et peuvent ainsi introduire négociation et auto-régulation (Martin, 1992 ; à paraître).

15A l’appui de telles perspectives, on ne saurait limiter l’analyse des relations de parenté et des solidarités familiales au niveau micro-social des négociations et stratégies intra-familiales, pour privilégier la construction sociale de croyances normatives.

Les solidarités familiales. L’illusion du renouveau

16Lors du colloque de 1983, intitulé « Recherches et familles », qui fut à n’en pas douter le signe d’un regain d’intérêt évident de la collectivité et de la sphère politique pour la question de l’articulation entre vie privée et espace public, Giovanni Sgritta allait dans le sens des conclusions d’A. Walker7 Son hypothèse d’un glissement de l’analyse, de la crise de l’institution familiale vers celle des solidarités publiques, est toujours, et peut-être même on ne peut plus d’actualité. Ce contexte de crise de l’Etat-providence a imposé de nouvelles catégories de réflexion aux responsables des politiques sociales. La sociabilité, l’entraide, le soutien relationnel, ou l’affection des proches deviennent ainsi des enjeux pour les politiques publiques. L’exemple de la prise en charge des personnes âgées dépendantes est manifestement un des secteurs où ces questions ont pris le plus d’essor récemment, souvent d’ailleurs pour souligner à quel point la famille, et surtout les femmes, demeuraient le principal pilier du soutien apporté. Si ces travaux montrent clairement que solidarité familiale et services collectifs agissent en complémentarité et ne peuvent se substituer l’un à l’autre, ce n’est pas toujours ce qui est retenu. « On » préfère même souvent se féliciter de l’existence de ce « gisement » de solidarité naturelle et gratuite, que l’on brandit comme une alternative ou comme une menace, lorsqu’il s’agit de s’inquiéter de l’individualisme rampant.

17Les Pouvoirs publics ont, semble-t-il, bien pris conscience du caractère irremplaçable de cette économie non-monétaire. Si la charge croissante, que représente le travail domestique pour les femmes à certains moments du cycle de vie, a été compensée partiellement par le développement de services publics et marchands, que ce soit au niveau de la prise en charge de la petite enfance ou encore des personnes âgées dépendantes, cette tendance a manifestement certaines limites. Le coût pour la collectivité paraît de moins en moins supportable, d’où l’importance et la reconnaissance accrues du travail gratuit, de cette obligation morale qui assigne certaines tâches au privé, ou de cette solidarité « spontanée », « naturelle », comme certaines personnalités politiques se plaisent parfois à la qualifier. De ce fait, « ce qui était tenu jusqu’alors pour un résidu des temps révolus, voué à une disparition progressive grâce au développement des relations marchandes, réapparaît sous un nouveau jour, comme un réseau de relations sociales fondamentales qui permet aux membres de la société de tenir ensemble et de se garder un espace social préservé du marché » (Insel, 1993, p. 221).

18Cette fonction de soutien « naturel » et gratuit est néanmoins un travail. Là réside évidemment un enjeu de taille qui renvoie aux rôles des sexes et à la reconnaissance du travail domestique, voire à sa rétribution. Dans les années soixante-dix, le mouvement féministe a joué un rôle essentiel pour dévoiler l’importance de ce secteur informel de l’économie (Michel, 1978 ; Barthe, 1988). Aujourd’hui, les anti-utilitaristes semblent prendre la relève en essayant d’estimer la « part du don » dans l’économie générale de la société.

19A. Chadeau (1992) évalue, sur la base de l’enquête « emploi du temps » de l’INSEE, que le temps consacré au travail domestique non rémunéré (travail hétéronome et substituable, volontaire ou forcé : préparation des repas, courses, lessive, repassage, soins aux nouveau-nés, aux enfants et aux adultes, ménage, etc.) était en 1985 de plus du quart supérieur au temps que la société consacre au travail rémunéré sur le marché, sachant que l’essentiel de ce travail est assuré par les femmes. Pour les anti-utilitaristes, ce travail gratuit ne recouvre pas la totalité des dons au sein des ménages, une partie considérable étant non substituable (don de vie, don d’affection, don culturel, cadeaux rituels, etc.). En ajoutant ce deuxième cercle du circuit du don et les échanges entre les ménages (dons monétaires entre les ménages, dons monétaires par le biais d’associations, de fondations, bénévolat, cadeaux rituels, etc.), A. Insel propose une première évaluation « très limitée et très grossière du don dans la société française contemporaine, soit une grandeur approximativement égale aux trois quarts du PIB » (Insel, 1993 ; p. 234).

20La frontière entre travail salarié, activité rémunérée ou indemnisée, tiers secteur, bénévolat et activités domestiques non monétarisées est de plus en plus complexe à dessiner (Joël & Martin, 1994). Les activités d’économie familiale et domestique sont même pensées désormais en termes de « gisement d’emplois ». La recherche de compatibilité entre activité professionnelle et vie familiale pour les femmes est à la source du développement de ce secteur d’emplois, dont une partie est même dénommée, en France, « emplois familiaux ». Dans les pays anglo-saxons, un des enjeux consiste aujourd’hui à évaluer les modalités selon lesquelles rémunérer le travail de caring, qu’il soit assuré par des membres de la parenté ou par des bénévoles, dans une logique de Welfare-Mix (Evers, Pijl, Ungerson, 1994).

« Risque solitude »

21Mais cette redécouverte des solidarités familiales révèle surtout les risques qu’engendre le fait d’être privé de ce tissu d’insertion et de socialisation primaire : risque d’isolement, de solitude et de dépendance à l’égard des solidarités publiques. Depuis la création en France du Revenu Minimum d’Insertion (RMI) en 1988, ce phénomène de l’isolement apparaît au grand jour. N’a-t-on pas souligné, à l’occasion des recherches et des évaluations portant sur le RMI, que plus de 70% des bénéficiaires étaient « isolés » (Mire/Plan urbain, 1991), sachant que l’on entendait par là que ces allocataires n’avaient pas fondé de couple ou de famille. L’ambiguïté profonde de cette catégorie « fourre-tout » des « isolés » est évidente (Martin, 1993 ; Kaufmann, 1994). Dire en effet qu’un adulte n’a pas formé de couple ou eu d’enfants, ne signifie pas qu’il soit isolé, sans contact, dénué de sociabilité. En revanche, ce pourcentage semble suffisamment éloquent pour conforter les représentations suivantes : pauvreté et précarité se conjuguent avec isolement ou solitude. A côté du nombre des personnes « pauvres », on comptabilise désormais aussi les « isolés » (personnes résidant seules), en essayant de faire la part de ce que l’accroissement du phénomène peut signifier : indépendance ou autonomie revendiquées, ou au contraire, isolement et précarité subis (Lefaucheur, 1989 ; Delbes & Gaymu, 1990 ; Kaufmann, 1994). S’il ne faut pas se laisser aveugler par ce phénomène de l’isolement dans le logement, car le tissu de l’entraide ne se réduit pas à l’espace que l’on habite8, il est indéniable qu’un certain nombre de personnes seules dans leur ménage vivent la solitude, voire des situations de précarité.

22R. Castel (1991) avance même l’hypothèse d’une « vulnérabilité relationnelle », en distinguant une double forme de fragilisation de l’individu : celle qui correspond à la non-insertion ou à la désinsertion professionnelle, et celle que traduit la perte ou l’absence de sociabilité et de support en provenance de la famille. Il propose également un concept pour qualifier ce processus : « la désaffiliation, un mode particulier de dissociation du lien social » (p. 139), et considère la fragilité des couples, la réduction de la taille des familles et la complexité relationnelle des nouvelles unions, comme des indicateurs de la force désaffiliatrice des comportements sociaux contemporains. J.-H. Déchaux va dans le même sens lorsqu’il propose de « montrer que de nouvelles formes de pauvreté apparaissent et résultent de la fragilisation du tissu social, alors que la pauvreté traditionnelle, qui s’enracine et se reproduit aux marges de la société, s’atténue » (1990, p. 9).

23Parmi ces nouvelles formes de pauvreté, on trouve les familles monoparentales, qui sont sur-représentées parmi les ménages pauvres (CERC, 1987). S’il est manifeste que la désunion, (principale cause de la monoparentalité aujourd’hui), engendre systématiquement un appauvrissement plus ou moins drastique du ménage des parents gardiens, cette seule logique ne suffit pas cependant à expliquer les rapports entre monoparentalité, divorce et pauvreté. C’est moins, en effet, la structure familiale comme telle qui joue, que le fait que la mère en situation monoparentale soit active ou non, que son ex-conjoint contribue ou non à l’entretien des enfants, et que la parentèle fournisse ou non de l’aide (Lefaucheur & Martin, 1993 ; Martin, 1994 a). En revanche, lorsque ces divers facteurs se cumulent au négatif, la situation précaire devient très délicate.

24Ces nouvelles perspectives qui insistent sur le rôle de l’intégration primaire correspondent à l’émergence de ce que l’on a appelé dans le milieu des années 80 la « nouvelle pauvreté », c’est-à-dire une pauvreté qui frappe des personnes « aptes au travail » qui, suite à un accident dans leur trajectoire, basculent dans la sphère de la précarité. Parmi ces « accidents de trajectoire », on trouve bien sûr au premier rang la perte de l’emploi, mais les ruptures familiales apparaissent également comme une source de désinsertion ou d’exclusion. Le CERC a ainsi récemment mis en évidence, à partir d’une ré-exploitation de l’enquête « situations défavorisées » de 19861987, les rapports qui existent manifestement entre chômage et rupture conjugale, l’un entraînant l’autre et réciproquement, pour engendrer des situations d’exclusion (CERC, 1993).

25Cette hypothèse d’une forme de vulnérabilité relationnelle ne doit pas pour autant nous dispenser d’une réflexion sur les termes de solitude et d’isolement ; termes que l’on associe justement aux situations monoparentales (notamment depuis la création de l’allocation de parent isolé). En effet, pour certains, le fait de demeurer en situation monoparentale ne signifie pas pour autant isolement social. Ces personnes peuvent avoir choisi de rester dans cette situation, sans pour autant être coupées de leur famille, de leur ex-conjoint et de sa parenté et/ou d’un réseau serré d’amis et de collègues. Pour d’autres, au contraire, la même situation peut engendrer un profond sentiment de solitude et correspondre à un échec des diverses tentatives de refaire leur vie. Une personne très entourée peut donc se sentir seule et, réciproquement, une personne apparemment isolée peut ne pas ressentir de solitude. Tout dépend de l’importance accordée, et de l’idée que chacun se fait de son réseau, de sa vie familiale, conjugale, etc (Martin, 1994 a).

26Au centre de cet écart d’attitude qui différencie des personnes vivant sans conjoint, est donc posée non seulement la question de leur isolement effectif, autrement dit du réseau plus ou moins restreint dont elles disposent, mais aussi celle de leur sentiment d’être isolées ou au contraire entourées (c’est-à-dire en quelque sorte des supports sociaux mobilisables et de la satisfaction qu’elles en retirent). Intervient également le projet conjugal. En effet, le sentiment d’isolement peut être lié à la manière dont une personne se projette dans l’avenir, seule ou en couple. Mais intervient surtout la variable socio-culturelle, à laquelle correspondent des types de réseaux, et différents systèmes de valeurs concernant la famille, le couple, l’entraide et la solidarité.

Solidarités familiales et renforcement des inégalités

27Si la parentèle assure presque toujours une forme de « protection rapprochée » minimale, au sens où elle est le vecteur d’un certain nombre d’échanges, ceux-ci sont d’autant plus rares et moins denses que l’on a affaire aux milieux sociaux les moins favorisés. D’ailleurs, la structure des réseaux de sociabilité et d’entraide est étroitement liée à l’appartenance sociale (Héran, 1988 ; Le Bras, Bonvalet, Maison & Charles, 1993). Au milieu populaire correspondent des réseaux centrés principalement sur la parenté, que Ton fréquente avec assiduité. Aux couches moyennes et diplômées, un réseau tourné vers les relations amicales, même si la parenté n’en assume pas moins son rôle de soutien.

28L’expression du soutien relationnel et même du sentiment d’obligation mutuelle varie nettement selon les milieux sociaux. Dans les milieux les plus traditionnalistes (qu’ils soient populaires ou, au contraire, fortement dotés économiquement), domine essentiellement le devoir de solidarité et d’entraide au sein du réseau familial. Cette obligation, cette aide inconditionnelle, ont toutefois comme contrepartie de ne pas contrevenir aux normes en vigueur dans ce milieu. De ce « devoir-être » précis découlent parfois, non seulement un sentiment d’enfermement et de contrôle de la vie privée, mais aussi de solitude. On peut être effectivement entouré, soutenu et isolé tout à la fois.

29Dans d’autres milieux, plus fortement dotés en capital culturel, dont les réseaux sont composés plus souvent d’amis et de relations non familiales, les formes de la solidarité semblent différer nettement. La règle à laquelle on ne doit pas déroger est celle de l’autonomie. La norme d’intégration n’est plus l’obligation mutuelle inconditionnelle au sein du réseau familial, mais l’autonomie au sein d’un réseau amical. L’important dans ce système est d’assurer le retour de l’aide et des soutiens, l’équilibre des flux de biens et de services. Ne pas y parvenir signifie inéluctablement dépendre de son réseau, ce qui est inacceptable. Cette autonomie peut d’ailleurs être d’autant plus facilement prônée que les personnes bénéficient de conditions d’insertion socio-professionnelle qui leur permettent, le plus souvent, de s’assumer pleinement. De plus, si la parenté est moins centrale dans le réseau, elle est néanmoins présente et joue bien souvent son rôle de support inconditionnel.

30Le « soutien relationnel » est donc inégalement réparti. L’entraide, qui fonctionne bien souvent comme une sorte d’assurance contre les difficultés matérielles de l’existence, est d’autant plus importante que l’on a affaire aux milieux les mieux dotés. On peut bien sûr considérer ce résultat comme une évidence : ceux qui ont le plus de moyens matériels se mobilisent plus que ceux qui en ont peu. Pour autant, cet argument ne devrait valoir que pour l’aide matérielle ou financière et non pour l’aide « de subsistance » (Pitrou, 1978) : les « petits coups de main » au niveau de la prise en charge des tâches de la vie quotidienne, ou des enfants, etc. Or, là encore, le soutien semble d’autant plus important qu’il s’agit des mieux dotés. L’entraide ne serait pas qu’une affaire de moyens. Pour rendre compte de ces écarts de position et de pratiques dans les réseaux de proximité, nous avons proposé un autre mécanisme explicatif (Martin, 1993) : « on aide d’autant plus ceux qui en ont le moins besoin ». En effet, dans la perspective de la triple obligation du don de Marcel Mauss (donner, recevoir et rendre), le besoin induit le risque de dépendance. En somme, l’aide est d’autant moins facilement accordée par l’entourage que le besoin de soutien est plus élevé, ce qui renvoie à l’idée que chacun des protagonistes se fait de l’autonomie, ou au contraire du risque de dépendance du bénéficiaire. Quand le soutien est synonyme de production d’une dépendance, il tend à dissuader le donateur et le donataire, l’un risquant de n’avoir aucune forme de contrepartie, l’autre de subir une disqualification sociale et relationnelle trop pesante9.

31Pour apprécier le sens et les fondements de l’entraide ou de la solidarité privée, il convient donc de tenir compte de ces logiques d’échanges, elles-mêmes dépendantes des milieux sociaux et des types de réseaux concernés. Sans doute retrouve-t-on ici les distinctions d’Agnès Pitrou (1978) opposant, d’une part, le centrage des milieux modestes sur la parenté, (celle-ci représentant une sorte de « contre-société » que les acteurs privilégient toujours par rapport à la solidarité institutionnelle), et de l’autre, les réseaux amicaux et la logique promotionnelle des solidarités familiales dans les classes moyennes.

32En reconnaissant un rôle croissant à ces soutiens informels et en leur attribuant la capacité de compenser les limites de la solidarité collective, les Pouvoirs publics refusent de tenir compte de ces écarts considérables, et font de la famille une valeur en soi.

Régulation domestique - régulation politique

33La question de la répartition de la charge entre les solidarités publiques et privées est manifestement à l’ordre du jour de l’agenda politique de tous les pays à Etat-providence. En effet, la combinaison des contraintes démographiques (le vieillissement de la population avec la charge qu’il fait peser sur les dépenses du système d’assurance vieillesse et sur les dépenses de santé), et économiques (la crise de l’emploi en étant la manifestation la plus claire) remet en cause le système bâti durant la période de croissance. On assiste, comme le montre Robert Castel (1995), à l’ébranlement de la société salariale et des protections qu’elle avait permis d’instaurer. Dans ce contexte, il est difficilement imaginable qu’un pouvoir politique propose quelque réforme que ce soit qui irait dans le sens d’un accroissement des dépenses de l’Etat.

34Plus précisément encore, la question de la répartition de la charge entre famille, marché et Etat est au centre de la réflexion des experts, que ce soit à propos de la prise en charge de la petite enfance, de la dépendance des personnes âgées, ou de la lutte contre la précarité et la pauvreté. Un nouveau modèle de protection émerge : le Welfare-Mix, ou économie mixte de bien-être, qui préconise une nouvelle combinaison des ressources et des moyens mobilisables à ces différents niveaux, mais aussi à celui des initiatives privées, associatives, bénévoles et non-marchandes (cf. Evers & Wintersberger, 1990 ; Evers & Svetlick, 1993 ; Eme & Laville, 1994 ; Laville, 1994 ; Martin, 1994 b).

35Le besoin de trouver une solution à la crise financière du dispositif de protection sociale est tel que l’on envisage dans de nombreux pays européens de renvoyer vers la famille, ou les réseaux d’intégration primaire, voire vers le tiers secteur ou le bénévolat, un certain nombre des services et des charges qui étaient précédemment partiellement couverts par des dépenses publiques, procédant en quelque sorte à une démarche inverse de celle de la période de croissance, durant laquelle les services publics se substituaient à la famille pour un certain nombre de fonctions qui lui étaient traditionnellement dévolues (voir Stoetzel, 1954). L’enjeu est de savoir si les familles peuvent matériellement assumer plus qu’elles ne le font déjà, et surtout s’il est acceptable pour les acteurs de suivre un tel rééquilibrage.

36Janet Finch (1992), pour l’Angleterre, et Robert Castel (1995), pour la France, ont proposé récemment des schémas d’analyse rétrospective très voisins de cette question de la balance entre la famille et l’Etat, ou entre solidarités privées et publiques, et des réponses qui ont été élaborées pour assumer la charge des personnes dépendantes ou démunies. La question sur laquelle ils débouchent peut se formuler de la manière suivante : dans une société où la grande majorité de la population tire ses ressources et ses moyens de subsistance de l’activité salariée, qu’arrive-t-il à ceux qui ne sont pas impliqués sur le marché du travail rémunéré ? Plusieurs solutions ont été esquissées au fil du temps : la charité, qui représente une réponse aléatoire au problème ; l’obligation familiale et le soutien des proches, qui peuvent d’ailleurs être renforcés et garantis par des normes légales ; la redistribution de l’argent public collecté par l’Etat ; ou l’assurance collective, autre forme de solidarité accrochée à l’emploi salarié.

37Face à ces différentes sources de soutien, la question est dès lors de savoir quand il est légitime de renvoyer la charge vers la famille et les réseaux d’intégration primaire ou vers l’Etat. Selon Finch, on peut schématiquement distinguer sur cette base trois grandes catégories de population :

1. Ceux dont la charge incombe principalement à la famille, qui sont aussi ceux qui ne doivent pas travailler : les enfants, tout d’abord, qui sont à la charge de leurs parents, si ces derniers sont vivants, bien entendu. L’Etat va jouer, au travers de sa politique familiale, un rôle de soutien subsidiaire à ce niveau, plus ou moins important selon les pays, mais celui-ci demeure globalement modeste. La famille se doit aussi d’assurer le soutien des femmes mariées, qui peuvent légitimement ne pas travailler, puisque l’on considèrera presque unanimement jusqu’à la fin des années soixante, que leur premier travail est domestique et éducatif, autrement dit gratuit. La responsabilité de l’entretien des enfants et des femmes mariées est donc moins attribuée à la famille en tant que telle, qu’à l’homme de la famille, ici seul pourvoyeur de ressources (Male Breadwinner Model) ; les moyens de soutenir collectivement ce modèle de répartition de la charge étant les négociations salariales.
2. Deuxième catégorie, ceux dont la charge incombe principalement à l’Etat, - même si la famille peut, dans nombre de cas, jouer un rôle tout à fait crucial - ; c’est-à-dire ceux qui ne peuvent pas travailler, invalides, handicapés et vieillards auxquels viendront s’ajouter, dans le courant du 20^e siècle, les retraités.
3. Une troisième catégorie, actuellement grandissante, apparaît plus problématique. Il s’agit de personnes adultes, sans ressources, qui ne font partie d’aucune des précédentes catégories, qui pourraient travailler, mais ne le font pas pour différentes raisons, et qui ne peuvent compter sur aucun support de leur entourage. Pour ceux-là, le soutien de l’Etat est envisagé, mais avec de nombreuses restrictions. Finch évoque à cet égard les « Lois des pauvres » (Poor Laws) qui n’attribuaient qu’un support minimal et dans des conditions dissuasives, souvent accompagnées de l’obligation de se rendre utile et d’accepter tout travail (Workfare). Les principaux problèmes ici posés sont celui de la désincitation au travail qui peut accompagner toute mesure d’assistance, et de l’équité de traitement entre différentes populations (par exemple, les mères mariées et celles qui n’ont plus de partenaire).

38Selon Janet Finch, la « balance famille-Etat » atteint actuellement un point de tension critique, puisque, d’une part, les facteurs économiques et démographiques imposent de réduire la charge qui pèse sur les finances publiques et, de l’autre, les familles se trouvent bien souvent dans l’incapacité de faire plus pour assurer l’entretien et la charge des personnes dépendantes (enfants, vieillards ou adultes), sans compter qu’il leur apparaît bien souvent inacceptable de devoir assumer plus. En ce sens, il est possible d’avancer que le système du salaire familial (Family Wage System) ne suffit plus à lui seul à assurer l’entretien de l’ensemble des membres de la famille. La perspective de Castel, dans son dernier ouvrage est assez analogue, puisqu’il cherche à identifier les différentes populations qui relèvent d’interventions sociales et à montrer que leur traitement social diffère nettement selon qu’elles sont ou non capables de travailler, mais aussi selon qu’elles sont inscrites ou non dans une sociabilité de proximité (distinction entre pauvres « domiciliés » et vagabonds).

Débat scientifique, débat public

39L’intensité du débat public sur les enjeux de caring en Angleterre montre à quel point la solidarité familiale est au cœur de la réflexion politique. Il n’en est pas tout à fait de même en France, où l’on semble parfois laisser croire à la relative indépendance de ce débat scientifique. Pourtant, à n’en pas douter, le regain d’intérêt pour les solidarités familiales n’est pas le fruit d’une lutte interne au champ scientifique, mais bien l’expression d’une demande sociale considérable pour rendre intelligible les mécanismes de l’intégration et de l’exclusion, ou ceux de l’entraide et de la solidarité.

40Ceci ne retire rien à l’intérêt de ce renouveau du questionnement sur les solidarités intergénérationnelles ou sur la parentèle, mais veut insister sur le fait qu’il est nécessaire d’avoir conscience des liens étroits entre interprétations du changement familial et problèmes de société pour mieux maîtriser les dérives potentielles de l’usage politique qui peut être fait de ces travaux. Enfin, il est peut-être urgent d’éviter de laisser se creuser des failles entre approches micro-sociologiques (interactionnistes, par exemple) et approches plus macro-sociales et socio-politiques.

41Nous rejoignons en ce sens les propositions de J. Commaille, qui suggère de dépasser les clivages entre les approches holiste et individualiste pour promouvoir une « sociologie des rapports public-privé ». « Seule celle-ci, rompant avec des sociologies construites sur des objets sociaux imposés par l’émergence conjoncturelle d’une ″question sociale″... permettra peut-être de dépasser tout à fait la sociographie des problèmes sociaux auxquels sont confrontées des catégories de populations particulières, et de comprendre les processus généraux impliquant à la fois les individus-personnes, les modes d’organisation de leur univers privé, les attitudes générales au sein de la société globale, les logiques économiques et les modes de régulation mis en œuvre par l’Etat et ses institutions » (Commaille, 1992, p. 139).