Chapitre II. Un rapport fort mais ambigu et non exclusif au gaullisme
p. 57-74
Texte intégral
1Dès leurs origines, les CDR se présentent comme un mouvement politique original, comme le montre le manifeste du mouvement adopté par le comité national provisoire en octobre 19681. Sous les termes d’« apolitiques », « indépendants » et « citoyens », ils prétendent adopter une position apartisane – c’est-à-dire sans se positionner en faveur d’un parti politique spécifique – et civique. Une revendication qu’ils portent jusqu’à la préfecture de Paris lors du dépôt de leur statut2. Ce discours est rapidement construit dans l’optique de rassembler un maximum d’individus au-delà de leurs opinions politiques. En somme, de rallier la « majorité silencieuse » à la majorité au pouvoir3. Didier Bierjon a rejoint les CDR-Jeunes de Paris à l’été 1968 pour ces raisons :
« [Donner] la parole à la majorité silencieuse, la possibilité de dire les choses telles qu’on les vivait. On nous a bassiné sur mai 1968, y a beaucoup de gens qui n’ont pas pu donner leur avis sur ces événements. Cohn-Bendit et ses amis pouvaient toujours parler et pas les autres. C’est leur droit, je ne le nie pas, mais il n’y avait pas qu’eux4. »
2Cet exemple, qui semble aller dans le sens voulu par le mouvement, est toutefois contradictoire. En effet, Didier Bierjon est un sympathisant UJP dont le père milita en faveur du général de Gaulle dès l’épopée du RPF. L’influence de ce dernier se fait ressentir, d’autant qu’il est en 1968 maire adjoint UD Ve d’Auberjanville (Yvelines)5. Un schéma ressort rapidement des quelques témoignages obtenus : pratiquement tous les anciens militants CDR interrogés sont issus, par leurs activités ou celles de leur famille, du gaullisme. Or, les archives, couplées à certains témoignages, ont démontré qu’il existe une minorité non gaulliste assez importante en leur sein. Des partisans de l’Algérie française et plus largement d’extrême droite non fasciste (qui ne sont pas issus d’Occident et d’Ordre nouveau) rejoignent les CDR dans l’optique d’affronter la « menace communiste6 ». Apparemment moins nombreux, des Républicains indépendants (RI) et des démocrates-chrétiens se rallient aux Comités, tout comme une poignée de militants radicaux, socialistes et communistes. Il s’agit donc d’une organisation marquée par le gaullisme, avec diverses influences apportées par les différents courants minoritaires qui la composent. Toutefois, l’absence de registre relevant les sensibilités politiques ou les appartenances partisanes nous oblige à formuler des hypothèses et estimations à partir des maigres sources disponibles sur la question.
Une organisation majoritairement gaulliste
3Fondés par d’éminentes figures du gaullisme de guerre – Foccart, Lefranc, Frey –, les CDR vont attirer en grande partie des individus issus de la même famille politique. C’est pourquoi l’essentiel des « troupes » s’avère être originaire de l’UJP, du SAC, de l’AN et de l’UD Ve/UDR. La population en a conscience, certains individus qui éprouvent de la sympathie pour le mouvement se refusent à y adhérer à cause du fait de cette assimilation au gaullisme, à l’instar du parisien Jean Ryckelynck, militant UDR ayant participé à la manifestation du 30 mai 19687.
Un encadrement (presque) exclusivement gaulliste
4Les responsables nationaux et départementaux sont représentatifs de cette emprise gaulliste. Tout d’abord, le comité national provisoire compterait treize gaullistes sur dix-sept membres8. Pierre Lefranc souligne dans une note que les responsables nationaux se répartiraient ainsi : deux membres du SAC (Pasqua, Tiné), deux UD Ve (dont Charbonnel), deux UGV (dont Barberot), deux AN (dont Runel), deux UJP (Grossmann, Fassot), deux CFEI (Martin Grosselin-Grandville, Gruborg) et 6 CDR (dont Lefranc, Godfrain, Arnaud et « [H]Azan »)9. Cette dernière distinction est quelque peu surprenante car il s’agit ici de dix-sept responsables CDR. Il aurait été plus pertinent que Pierre Lefranc se présente comme AN (il en est le président), Jacques Godfrain comme militant du SAC et membre fondateur des CDR, Arnaud et Hazan comme membres de l’UD Ve. La présence de ces cadres gaullistes n’est pas anodine. Elle permet à ces différents groupements politiques d’influencer le tout nouveau mouvement : Charles Pasqua est vice-président du SAC et René Tiné le responsable du service d’ordre en province ; Pierre Lefranc est président et Jean Runel secrétaire général de l’Association nationale ; Robert Grossmann dirige l’UJP, etc. La distinction faite par Lefranc entre gaullistes et non gaullistes est loin d’être fiable tant la plupart de ces derniers semblent souvent s’apparenter à la famille gaulliste… La promotion des CDR par l’AN est visible dans leurs archives, tout comme François Audigier a démontré que le SAC avait grandement accompagné la naissance des CDR10. Au niveau des cellules professionnelles que constitue le comité national provisoire, seuls des gaullistes sont mis à leur tête. Par exemple, Michel Anfrol, ancien militant RPF et sympathisant affirmé de l’UD Ve/UDR, dirige la petite cellule de journalistes CDR de l’ORTF11. Il en est de même pour les antennes locales. Principalement fondées par des cadres et militants gaullistes issus du SAC, de l’AN et de l’UD Ve, les délégations, secrétariats et bureaux sont tenus autant que possible par des militants gaullistes ou connus pour leur sympathie après une certaine diversité – quoique très restreinte – permise entre l’été 1968 et le printemps 196912.
Tableau 1. – Responsables départementaux CDR en juin 1968, ANF, 81AS91.
Départements | Responsables et lieux des permanences | Organisation d’origine des responsables |
Ardennes | Sacrez (à Warcq) Bisiaux (à Rethel) Thomas (CDR-Entreprises à Revin) | SAC AN – |
Aube | Danesini (à Savine) | SAC |
Calvados | Poilblan (à Caen) | – |
Charente | Andrieux (à Angoulême) | UD Ve |
Charentes-Maritimes | Dairain (à La Rochelle) Dr Verliac (à Brouage) | SAC AN |
Corrèze | Combes (à Brive) | AN |
Côte-d’Or | Bricard (à Fontaine-lès-Dijon) | AN |
Finistère | Paul Paghent (à Brest) | – |
Ille-et-Vilaine | René Guillon (Rennes) | AN |
Isère | ? (« Permanence SAC-AN » à Grenoble) | SAC-AN |
Jura | Dr Drevaux (à Nozeroy) | SAC |
Loir-et-Cher | Riffault (à Blois) | SAC |
Loiret | Gauffroy (à Orléans) | « CDR indépendant » |
Lot | Paquet (à Cahors) | – |
Marne | Guerneur (à Reims) Avanian (à Reims) | SAC – |
Mayenne | De Gastines (à Laval) | UD Ve |
Morbihan | Dr Cadoret (président) et Couedel (à Vannes) | AN |
Moselle | Oehmke (à Metz) | AN |
Nièvre | Boudot (à Nevers) | – |
Oise | Winkel (à Compiègne) | UD Ve |
Orne | Dionot (à Ecouche) | AN |
Pas-de-Calais | Pierre (à Arras) | – |
Puy-de-Dôme | Inconnu (à Clermont-Ferrand) | – |
Pyrénées-Atlantiques | Pierre Camy-Peyret (à Pau) Dr Gaucher (à Pau) | SAC AN |
Hautes-Pyrénées | Col. Tutenges (à Caixon) | SAC |
Pyrénées Orientales | Serre (à Perpignan) | SAC |
Bas-Rhin | Christian de Rendinger (à Strasbourg) | AN |
Rhône | Michel Noir (à Lyon-1e arr.) Chenevat (à Lyon-2e arr.) | UD Ve AN |
Saône-et-Loire | Guillermin (à Châlon) | UD Ve |
Sarthe | Dr Reignier (au Mans) | AN |
Seine-et-Marne | Valentin (à Vaires-sur-Marne) | SAC |
Seine-Maritime | Robert Bourrillet (à Varengeville) | – |
Somme | Mlle Nougier (à Athies) | AN |
Tarn | De Lestrade (à La Caucalière-Aiguefonde) Jean Pierre Antoni (à Mazamet) | UD Ve UD Ve |
Vienne | Max Ragot (à Poitiers) | AN |
Haute-Vienne | Pluviaud (à Monterolles) | SAC |
Vosges | Martin (à Épinal) | SAC |
Yonne | Leclerc (à Sens) Marot (à Joigny) | SAC AN |
Territoire de Belfort | Aldo Limousin (à Belfort) | AN |
5Enfin, la défaite au référendum de 1969 et le ralliement à la candidature de Georges Pompidou dès le premier tour de l’élection présidentielle a provoqué de vives contestations parmi une minorité des cadres et militants CDR13. La victoire de Georges Pompidou en juin 1969 a entraîné alors une reprise en main des antennes départementales. Bien que les membres du bureau départemental déclarent à leurs adhérents avoir pris eux-mêmes cette décision14, le CDR du Calvados, qui a pour particularité d’avoir mené cette fronde dans un unanimisme inattendu et menace de faire scission15, est dissous par le comité national pour l’exemple16. Cette opposition à l’alignement du mouvement vers l’UDR et Georges Pompidou est également visible selon Michel Boivin dans les CDR de la Manche et de l’Orne17. Malgré quelques changements, à partir de l’été 1969, la direction nationale est entièrement composée de militants gaullistes (exception faite de René Marbot, ancien membre des Forces françaises libres qui n’a jamais adhéré à une organisation politique, et doit quitter le comité national en 1971 à la suite d’une mutation à l’étranger18) et les délégations départementales sont quasiment toutes tenues par des gaullistes19.
Une base militante essentiellement gaulliste
6Qu’en est-il des militants ? Pour l’essentiel, il s’agit là encore de sympathisants et adhérents gaullistes. Il faut bien distinguer ici le mot « militant », qui évoque des personnes agissant activement pour l’organisation, de celui d’« adhérent », qui désigne les individus à jour de cotisation (du moins normalement) mais ne se montrent pas forcément actifs. Jacques Foccart indique au général de Gaulle que de nombreux cadres, élus et fonctionnaires gaullistes rejoignent les CDR dès la fin du mois de mai 196820. Un constat que partage le comité national provisoire le mois suivant21. Il souligne le fait que les comités départementaux et d’arrondissements se forment le plus souvent avec le soutien étroit du SAC et de l’UJP. René Marbot et Jean-Pierre Antoni, qui ont siégé dans le comité national, ont pu constater que de nombreux militants CDR étaient également encartés dans des mouvements gaullistes. Cette double étiquette n’est pas interdite par l’organisation, mais elle pose parfois problème lorsqu’elle concerne les cadres. Les militants encartés dans deux organisations risquant de créer des amalgames par leurs activités, il leur est finalement demandé de ne surtout pas avoir de responsabilités dans un autre organisme22. Cette position est maintenue malgré le rapprochement amorcé officiellement avec l’UDR en avril-mai 1969. Ainsi, lorsqu’il est interrogé par un militant CDR du Haut-Rhin en 1972 sur l’attitude à adopter avec l’UDR, Yves Lancien répond qu’il « souhaite que les deux formations soient complémentaires sans que les membres aient la double appartenance dans leur totalité23 ». L’année suivante, il profite de l’accession d’Alexandre Sanguinetti aux fonctions de secrétaire général de l’UDR pour lui assurer du soutien « désintéressé » des CDR dans son entreprise « de continuer le gaullisme24 ». Celui-ci veille à bien séparer les deux organisations dans leurs activités, reprochant vivement au délégué CDR des Bouches-du-Rhône Fremann d’avoir fait distribuer des tracts CDR par des militants de l’UDR25. Une réaction qui n’est pas au goût de tous les militants de la formation, certains se considérant comme les véritables chantres du gaullisme. Il en est ainsi de Lucien Detante, membre du comité départemental de Dijon, qui démissionne à l’automne 1973 car il ne supporte plus « l’antipathie » et le « mépris » de l’UDR à leur égard, n’hésitant pas à affirmer que le gaullisme ne réside plus dans le parti mais chez les CDR26.
7Finalement, la direction de l’organisation n’assouplit sa position qu’après la défaite chabaniste à l’élection présidentielle de 1974, ce qui montre la crainte d’être perçu par l’opinion publique comme une officine du parti gaulliste. Par exemple, lors d’une conférence de presse tenue le 2 mars 1975 à Bordeaux, Yves Lancien reconnaît devant une vingtaine de militants le droit d’« avoir la double appartenance parce que le mouvement est apolitique », que l’UDR est en crise et que « M. Giscard d’Estaing fait la nouvelle société proposée par Jacques Chaban-Delmas en septembre 1969. “Une société qu’il faut faire évoluer”, insista-t-il, “mais sans toucher à la France”27 ». Pourtant, le mouvement ne cache pas son soutien indéfectible à l’endroit du général de Gaulle et de ses successeurs. Il revendique même son lien avec le gaullisme, comme en janvier 1969 où le CDR de Dijon, alors pris dans la polémique avec Edgar Faure, se targue d’être majoritairement composé d’anciens résistants et militants du RPF28. Le mouvement assume progressivement son affiliation au gaullisme tout en essayant de rester apartisan, à l’instar de l’UNI, la CFT et quelques clubs gaullistes. Son bulletin interne Citoyen illustre bien ce paradoxe, répétant à l’envie l’indépendance du groupement tout en montrant ses connexions plus qu’étroites avec les autres organisations gaullistes. Ainsi, le bulletin se félicite de tenir des réunions de jeunes adhérents issus de milieux variés en présence de militants UJP et de responsales UDR29 ! Autres exemples, le 15 décembre 1972, deux cents CDR se réunissent à Besançon avec des représentants RI et UJP, quelques mois après l’exposé d’Yves Lancien devant les secrétaires fédéraux de l’UDR le 12 février 197230.
8Ce discours paradoxal ne choque pas les anciens adhérents interrogés qui se considèrent tous gaullistes en militant dans les Comités de défense de la République31. La fidélité au gaullisme est le plus souvent invoquée. Il en va ainsi de Jean-Pierre Grand, qui explique que « les idées forces qui nous mobilisaient étaient toujours notre fidélité au gaullisme, notre soutien à Pompidou et à son Gouvernement et en particulier à Chaban-Delmas32 », de René Marbot, qui déclare avoir intégré les CDR « par fidélité à de Gaulle, soutien à Pompidou et Chaban33 » ou encore de Didier Bierjon, qui raconte qu’« il y a la loyauté au gaullisme, avant tout. Ça c’est clairement explicite, même après la mort du Général34 ». Il existe aussi des gaullistes qui rejoignent les CDR dans un esprit de continuité militante, à l’instar de Maryse Antoni, pour qui « milite[r] au sein des CDR était naturel car il ne s’agissait que du prolongement de [ses] activités à l’UNR35 », ou encore, fait plus rare, de service rendu, comme le firent Jacques Godfrain (agissant à la demande de Jacques Foccart) et de Jacques Belle (pour aider Pierre Lefranc)36.
Une minorité aux origines variées
Des effectifs d’extrême droite non négligeables
9Malgré la prédominance des militants gaullistes en leur sein, les CDR comptent dans leurs rangs des effectifs non négligeables d’éléments issus de l’extrême droite nationaliste, notamment des partisans de l’Algérie française (dont d’anciens membres de l’Organisation armée secrète). Les raisons de cette présence d’individus originaires de l’extrême droite sont peu nombreuses. L’une d’entre elles pourrait être « l’anticommunisme primaire » de l’organisation37. Effectivement, la peur de voir les « révolutionnaires » et la « subversion marxiste » l’emporter s’est emparée des militants des deux bords38. Une collusion entre ces éléments et les gaullistes transparait alors à partir de la manifestation du 30 mai 1968. La montée en puissance de ces ennemis communs incite les deux « camps » à s’entendre, ou du moins à ne plus s’opposer frontalement. Le pouvoir donne un gage à ce « cessez-le-feu » : une grâce présidentielle pour Raoul Salan et les derniers OAS. Il s’agissait d’une revendication majeure des militants d’extrême droite ; par exemple, Occident intervint dans la manifestation parisienne de l’UJP (protégée par un service d’ordre CDR) du 4 juin 1968 en scandant « libérez Salan ! » et en dressant des banderoles exigeant la libération des prisonniers OAS39. Mathieu Rigouste attribue cette initiative à Jacques Foccart, qui estimait préférable d’avoir les « soldats perdus » aux côtés du régime pour affronter la « subversion gauchiste40 ». Toutefois, le secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches assure de son côté qu’il s’agit d’une action isolée de Georges Pompidou, le président de la République apprenant tardivement qu’une grâce était prévue pour ses anciens adversaires41. Ce qui est certain, c’est que l’engagement du général de Gaulle dans cette manœuvre devait se faire discrètement : une partie de l’opinion publique risquait de ne pas apprécier la libération d’anciens terroristes d’extrême droite. Or, la fuite dans la presse, organisée par René Capitant dans le but de nuire à Pompidou, atteint ses objectifs puisque le général de Gaulle soupçonne son Premier ministre d’avoir manœuvré pour le discréditer auprès de la population42.
10Par cette « étrange association43 », un certain nombre de militants nationalistes – impossible à quantifier – rejoignent le tout nouveau mouvement. En effet, la volonté des CDR de rassembler les citoyens et citoyennes de tous horizons sans considération pour leurs obédiences politiques ne les incite guère à préciser dans leurs archives les éventuels précédents militants de leurs adhérents. Les témoins ne parviennent pas à combler ce vide archivistique, se contentant de répondre le plus souvent que les nationalistes étaient « beaucoup » ou « nombreux » à les avoir rejoints. Il faut se montrer prudent avec cette appréciation : la mémoire des témoins a pu être altérée par le temps et la mauvaise réputation de cette famille politique. Néanmoins, le fait qu’ils s’entendent sur la présence d’une minorité de nationalistes bien visible parmi les gaullistes du groupement, semble démontrer qu’ils représentaient probablement peu d’adhérents inscrits mais une forte minorité d’individus actifs. Officiellement, l’extrême droite n’est pas la bienvenue dans l’organisation et la direction n’hésite pas à rappeler qu’elle la combat au même titre que l’extrême gauche : « les entreprises visant à installer en France un autoritarisme de droite ou de gauche ne sont pas de leurs faits [aux CDR]. Mieux, ils les combattent, les unes et les autres44 ». Dans les faits, le mouvement comptait dans ses rangs « beaucoup de militants issus de l’extrême droite et de l’OAS45 », tout comme le SAC46. L’organisation ne l’ignorait pas puisqu’Yves Lancien sembla recruter sciemment des nationalistes pour combattre le plus efficacement possible la « subversion marxiste47 ». La direction dut s’en apercevoir rapidement car, dès ses débuts, le mouvement perd une part importante de ces éléments du fait d’un quiproquo : Le Monde déclare le 4 juin 1968 que Roger Frey aurait pris la direction des CDR au début du mois de juin 1968. Si sa prise de fonction fut sérieusement envisagée, il n’en a rien été finalement48. Or, cette annonce provoque le mécontentement des anciens militants de l’OAS et partisans de l’Algérie française qui n’acceptent pas l’idée que leur « pourfendeur » puisse les commander49. Conscients de l’erreur commise par le journal, certains exigent alors de Pierre Lefranc un démenti public50, ce qui ne semble pas avoir eu lieu puisque des personnes intéressées contactent Roger Frey tout au long de l’été 1968 pour s’engager dans le groupement51. Pierre Lefranc écrit dans ses mémoires n’avoir réalisé la présence de l’extrême droite dans les CDR qu’à l’été 1968 et réalisé une épuration énergique pour s’en débarrasser52. Cette affirmation ne correspond pas aux faits. Tout d’abord, la correspondance du délégué national montre que le recrutement des pieds-noirs et partisans de l’Algérie française se poursuit durant tout l’été, visiblement avec sa bénédiction53. Ensuite, la présence de ces éléments au sein du mouvement reste visible durant les mandats présidentiels du général de Gaulle puis de Pompidou54. Ainsi à Paris, les monarchistes représenteraient une minorité de militants assez importante au sein de l’organisation :
« Des éléments d’extrême droite et des Pieds noirs, il y en avait pas mal, c’est vrai. Après, on avait peu de brebis galeuses. Je crois surtout qu’il y avait des royalistes, assez peu d’extrême droite en tant que telle55. »
11À Nice, l’extrême droite est acceptée tant qu’elle ne manifeste pas ouvertement ses opinions dans le cadre des missions du comité départemental : « À Nice, les gars étaient vraiment ouverts d’esprit. Tu pouvais leur dire que tu avais soutenu l’OAS et que tu venais d’Occident, ils en avaient rien à faire. Du moment que tu touches pas au général de Gaulle et que t’es prêt à coller des affiches, ils te prenaient sans problème56. » Une tolérance qui peut s’expliquer en partie par la forte influence de l’extrême droite en Provence57. Les Renseignements généraux relèvent également la présence de nationalistes parmi les militants et cadres CDR dans plusieurs départements, comme en Seine-Saint-Denis en 1969 et dans le Rhône en 197058. Le cas lyonnais est particulièrement frappant par sa transparence : Fernand Fournier, qui est au bureau du comité départemental, assume pleinement sa fonction de secrétaire général de « l’Association France » et sa sympathie pour le Centre d’études, de lecture et de travail (CELT, organe d’Ordre nouveau luttant contre l’immigration nord-africaine)59. Le Calvados est quant à lui tenu par Pierre Poilblan, un ancien cadre de l’UNR oranais qui se tourna rapidement vers l’OAS (sans la rejoindre) par rejet de la « trahison » gaulliste60. Lorsqu’il fonde le comité départemental caennais, il recrute plus d’un millier de militants, majoritairement issus de l’extrême droite. À en croire Yves Lancien et Jean-Pierre Antoni, le SAC et les CDR de Haute-Garonne auraient été pris en main (et corrompus) par Alexandre Sanguinetti en s’associant à la pègre locale et l’extrême droite61. Cependant, cette collusion n’est pas certaine : le préfet de Haute-Garonne estime que la défaite de Sanguinetti en 1973 serait due en partie à l’opposition des anciens OAS et du Front national62. L’Hérault compte également « beaucoup de Pieds-noirs, il y avait donc beaucoup d’Algérie française dans le CDR départemental. Lors de la chute des CDR, plusieurs sont partis dans l’extrême droite. Ils avaient rallié le SAC avant de se retrouver rejetés dans les CDR63 ». Une présence qui rassurait Jean-Pierre Grand lorsqu’il était responsable des jeunes à Montpellier puis à Paris, le collage d’affiches y étant « très difficile » dans les années 1970. Enfin, le sociologue Philippe Lamy relève que les étudiants de l’IEP de Paris militant au sein des CDR étaient également membres du Cercle Pareto, un groupe d’étudiants antigauchistes d’essence néofasciste64.
12Le choix d’une partie de la droite nationaliste de rejoindre les CDR n’est pas imité par les organisations néofascistes. Il faut dire que François Duprat, figure éminente du néofascisme, souhaitait faire d’ON un substitut des CDR dans la lutte contre-subversive65. Cette ambition ne l’empêcha pas de rencontrer en 1973 Jacques Godfrain, qui cumulait alors les fonctions de membre du bureau exécutif de l’UDR et de trésorier du SAC et des CDR, et André Tisserand, cadre des CDR, pour établir un accord à l’occasion des élections législatives66 : l’UDR débloquerait les affiches du Front national (FN) qui sont coincées en Italie, tandis que le FN présenterait des candidats contre les giscardiens et qu’ON attaquerait les permanences des concurrents de l’UDR. Cette alliance circonstancielle, qui illustre l’anticommunisme post-1968, se solde par un échec – François Duprat est exclu d’ON et du FN pour « trahison67 » – et aucune tentative de rapprochement n’a lieu par la suite entre le mouvement d’Yves Lancien et Pierre Lefranc et les néofascistes.
13La présence de l’extrême droite dans certaines antennes départementales ou d’arrondissements semble favoriser des actions racistes et démontrer par ce fait leur existence. Cela n’est pas une certitude, les quelques sources allant dans ce sens étant avant tout des journaux de presse rarement connus pour leur sympathie envers les gaullistes. D’après Dominique Calzi – dont le témoignage reste peu fiable –, un petit groupe du SAC, aidé par moments de policiers en civils, aurait attaqué régulièrement des immigrés à Paris en faisant croire qu’il s’agissait d’attaques de l’extrême droite (par racisme) ou de gauchistes qui « s’entraîneraient » à la baston. Les CDR en profiteraient alors pour tracter en dénonçant la violence marxiste et le danger gauchiste68. Si ces accusations paraissent des plus douteuses par leur exagération, elles ne semblent pas entièrement infondées. Des journaux comme Le Canard enchaîné, Libération et Le Monde relaient occasionnellement des « ratonnades » ayant été perpétrées parfois par des individus apparemment issus (ou proches) du SAC et des CDR69. La vague d’agressions de 1973 dans les Bouches-du-Rhône en est le cas le plus emblématique. Les CDR, le SAC et l’UJP tiennent aux côtés du FN des propos ouvertement racistes à l’endroit des travailleurs nord-africains, le CDR marseillais réclame même la peine de mort pour Salah Bougrine, un travailleur algérien déséquilibré ayant assassiné un chauffeur de bus70. Le député UDR de Marseille Marcel Pujol accuse quant à lui les immigrés d’être des proxénètes et des bandits agressant les forces de l’ordre tandis que le « comité de défense des Marseillais », un groupement à l’existence éphémère – composé de membres appartenant à l’extrême droite, le SAC et les CDR – se fait remarquer par ses « ratonnades71 ». Les militants, cadres et élus locaux gaullistes ont alimenté et soutenu, par leurs déclarations publiques, des agressions ciblées contre les immigrés nord-africains72. L’historien Yvan Gastaut en dresse une longue liste, qui a le défaut de ne pas préciser l’identité des agresseurs73. Le paroxysme est atteint le 28 août avec l’assassinat par balle d’un Algérien qui sortait d’un café doublé d’un attentat au cocktail Molotov contre une entreprise de La Ciotat où travaillent de nombreux immigrés74. L’Humanité, la CGT et la CFDT en accusèrent le SAC, l’UJP et les CDR75. Si aucune preuve n’existe, le sous-brigadier de police François Canto et ses complices furent soupçonnés d’avoir agi pour le compte d’une organisation politique – FN, SAC, CDR ou « comité de défense des Marseillais76 ». De son côté, le sociologue Abdellali Hajjat assure que le quartier parisien de la Goutte d’Or souffre d’un « climat de racisme antiarabe […] activement soutenu par des milices d’extrême droite comme Ordre nouveau ou les Comités de défense de la République (CDR), qui n’hésitent pas à agresser et tuer des travailleurs maghrébins77 ». Les CDR sont souvent assimilés au SAC et à l’extrême droite. Par conséquent, il est possible que l’auteur se fourvoie à leur sujet. Néanmoins, aussi surprenant que cela puisse paraître, et en insistant sur le caractère exceptionnel de ces actes, il semblerait bien que la présence de nationalistes dans les rangs des CDR ait associé le nom du groupement à des « ratonnades ». Par exemple, Willy Chassin, membre du SAC et des CDR, fut condamné pour avoir agressé des travailleurs nord-africains à Toulouse dans la nuit du 10 au 11 mars 197378. L’existence de ces brutalités démontrerait ainsi la présence de ces éléments troubles au sein du mouvement.
14Sans l’amplifier, l’attrait de l’extrême droite pour les CDR serait principalement dû à trois raisons : le rejet global de la gauche et du communisme – dans ses formes orthodoxes comme gauchistes79, à l’instar d’Henri Josseran, éphémère trésorier-adjoint des CDR en 1973 qui fonda et dirigea jusqu’en 1991 le cercle Alexis de Tocqueville, un club politique d’extrême droite dont l’objectif est d’inciter, de promouvoir et d’étudier « la manière de gouverner, la chose publique en général, et la société civile et les entreprises en particulier80 » ; la réputation de « police parallèle » du pouvoir dont souffre l’organisation ; le rôle de refuge du mouvement pour les éléments troubles du SAC ayant subi les épurations de Debizet. Cette dernière théorie est sujette à polémique. Lorsqu’ils furent interrogés, les témoins nièrent l’existence de cette pratique. René Marbot la qualifie de « douteuse », Jean-Pierre Grand estime qu’elle est « blessante et saugrenue », Jacques Godfrain que ce sont des « balivernes » et André Fanton « de la diffamation ». Pourtant, les anciens militants CDR admettent tous qu’il y avait des membres d’extrême droite à leurs côtés. Bien que leurs témoignages soient douteux, Dominique Calzi et Gilbert Lecavelier assurent que les CDR servaient de « poubelle du SAC81 ». Lecavelier avait d’ailleurs remis des documents sur le SAC et les CDR à la commission d’enquête parlementaire sur le SO gaulliste, preuve qu’il en était membre82. Lorsqu’il fut interrogé à ce sujet, Didier Bierjon a rejoint l’opinion des autres témoins :
« Je ne l’ai jamais vu ce mec-là [Lecavelier]. Je ne dis pas qu’il n’était pas là, mais je ne l’ai jamais vu aux côtés de Lancien. De mémoire, c’était un salopard ce mec-là. […] On n’a jamais embauché des jeunes du SAC. Peut-être qu’il y a eu des mecs venus du SAC, mais pas beaucoup83. »
15L’absence de données permettant de déterminer la part des militants nationalistes présents dans le mouvement empêche le chercheur de clore définitivement la polémique. De toute évidence, cette part est très faible si on la compare aux cotisants gaullistes présents, mais assez importante vis-à-vis des éléments actifs. Aussi, cette théorie n’est pas sans fondement et mérite d’être retenue, comme l’ont fait Frédéric Turpin et François Audigier. Le premier pense que la plupart des éléments d’extrême droite repérés dans le SAC étaient « versés » dans les CDR84. Le second estime que les épurés du SAC issus de l’extrême droite avaient la possibilité de rejoindre les CDR s’ils le désiraient, ce qu’ils auraient fait le plus souvent de leur propre initiative85. De plus, certains responsables gaullistes (notamment Charles Pasqua) ont servi de passerelle dans les années 1960-1970 entre les organisations de droite et d’extrême droite86. Dans le cas des CDR, ce rôle peut être attribué à quelques cadres départementaux (dont le plus important est Pierre Poilblan), Charles Pasqua disparaissant rapidement de l’organisation.
Une faible présence « centriste »
16Pour l’expression de « centriste(s) » et de « centrisme(s) », il faut bien avoir à l’esprit que de nombreux militants gaullistes considèrent les démocrates-chrétiens et les giscardiens comme des centristes, les partis RI, CD, PDM, UDF et autres comme des formations du centrisme87. Cette représentation est partagée par les individus et mouvements ciblés. Ainsi, Michel Poniatowski, François de Sesmaison et Gérard Longuet se qualifiaient à l’époque de centristes et de libéraux en tant que Républicains indépendants, rejetant l’étiquette de « droite libérale » que les chercheurs accolaient à leur parti88. Cela n’est pas le cas des politistes, qui considèrent les démocrates-chrétiens comme des centristes (avec Jean Lecanuet et Jacques Duhamel pour figures de proue) et les libéraux comme membres de la droite politique (tels que les RI et l’UDF89).
17Contrairement à l’extrême droite, les formations centristes et libérales semblent bien peu intéressées par les CDR. À l’exception d’un ralliement non négligeable en mai-juin 1968 où la peur immédiate d’une révolution les incite à participer aux comités locaux90, les RI et les démocrates-chrétiens s’avèrent finalement peu nombreux dans l’organisation. Les anciens militants interrogés s’accordent à dire qu’ils perçoivent le mouvement comme une succursale du SAC, ce qui les rebuterait à le rejoindre. Leur culture politique ne les prédispose pas non plus à militer activement (il s’agit avant tout de partis de cadres). Aussi, bien peu de sources mentionnent leur présence. Si l’on en croit Pierre Poilblan, le CDR du Calvados serait parvenu à recruter un nombre suffisamment élevé de RI, de Centre démocrate (CD) et de socialistes pour qu’ils soient visibles91. Cela n’a rien de surprenant, les RI étant très bien implantés dans l’Ouest. Toutefois, aucun document ne permet d’étudier ce phénomène, pas même le fonds Chaunu. Les CDR du Tarn compteraient une poignée de démocrates-chrétiens du CDS que dirige Jacques Limouzy, député UDR de Castres92. L’antenne locale de Redon (Ille-et-Vilaine) est fondée par le député RI Isidore Renouard, mais elle n’est composée que de quatre membres (dont un conseiller municipal giscardien)93. À Quimper, seul le conseiller municipal Airiau, également inscrit chez les Républicains indépendants, est mentionné dans les sources – parce qu’il est membre du bureau provisoire du comité départemental94. L’antenne locale du CDR de Lons-le-Saunier est fondée et dirigée par le député-maire (RI) René Feït95. Enfin, dans les Hauts-de-Seine, l’antenne départementale entretient des liens étroits avec le député RI Charles Deprez96. Durant la présidence de Pompidou, la présence de « centristes » se résume là-encore à un cadre giscardien : Christian de Roffignac, représentant de commerce à Cahors et délégué départemental RI, est membre du comité d’administration des CDR du Lot97. Finalement, la présence du giscardien Ernest Cartigny au comité national fait figure d’exception et vise à représenter l’ouverture du mouvement – jusqu’à ce qu’il soit « démissionné » par Jean-Pierre Antoni pour avoir « fai[t] le jeu de Giscard » en 197398…
18Les centristes et libéraux préfèrent éviter les CDR, y compris les giscardiens d’ordre. Pourtant, ils n’hésitent pas à faire appel à l’organisation en période électorale dans les circonscriptions « à risque99 » et à soutenir activement (quoiqu’officieusement) la Confédération française du travail (CFT)100. L’hostilité que manifeste une minorité de RI (autour de Michel Poniatowski) à l’endroit des gaullistes101 n’explique pas le peu d’engouement qu’éprouvent l’ensemble des partis « centristes » pour le mouvement de Pierre Lefranc et Yves Lancien. L’antipathie qu’éprouve le délégué national à leur égard (comme une partie des militants et cadres gaullistes)102 et la crainte d’être associé à une organisation à la réputation sulfureuse permettent de mieux comprendre leur position. Il faut bien avoir à l’esprit que pour nombre de militants gaullistes – y compris des CDR –, la plupart des centristes étaient des traîtres au général de Gaulle (en 1961-1962, 1968 et 1969), des personnes hostiles à l’indépendance nationale par leur paneuropéisme supposé et des opportunistes103. Aussi, la présence de militants « centristes » peut entraîner des tensions au sein des Comités, à l’instar du 16e arrondissement de Paris où les responsables demandent au comité national d’empêcher « de trop nombreux CDR locaux [d’]ouvrir nos rangs à ces noyauteurs centristes, non encore repentis ». À l’inverse, les CDR-Jeunes tentent bien de nouer de bonnes relations avec les « centristes » sans favoriser une quelconque mouvance politique104, mais leur proximité avec les principales organisations gaullistes ne leur permet pas d’appliquer ce principe.
Quelques éléments de gauche
19Si la présence de militants issus du centre et de la droite non gaulliste est faible et difficile à repérer, celle de militants issus de la gauche politique l’est davantage. Pour autant, elle existe et mérite d’être mentionnée. Selon une note des Renseignements généraux de Seine-Saint-Denis, le CDR départemental compte en juin 1968 « quelques radicaux-socialistes […] et un très petit nombre de militants CFTC105 ». La victoire gaulliste qui s’en est suivie aurait toutefois entraîné d’importantes désertions, dont celles de ces militants issus de partis et syndicats de gauche. Le CDR des Yvelines est le cas le mieux documenté sur cette présence inattendue. Elle se manifeste lors de la brève polémique interne des « intellectuels de gauche » lancée par le président du CDR de Haute-Vienne Roland Jouaudin. Pour ce dernier, les « intellectuels de gauche » auraient perverti la culture occidentale et nourri la réflexion des jeunes qui se sont révoltés en mai-juin 1968106. Le Monde reproduit cet article où le mépris qu’éprouve Jouaudin pour la gauche transparaît pleinement107. Le CDR des Yvelines désapprouve vivement ce jugement, rappelant qu’il ne faut pas généraliser ni dénigrer ceux qui les ont rejoints pour combattre la subversion :
« Quelque critique que l’on puisse effectivement formuler à l’encontre de l’action de tel ou tel, l’on ne saurait pour autant faire un quelconque procès d’intention à toute une catégorie de personnes quelles qu’elle soit.
Le CDR des Yvelines compte par ailleurs dans ses rangs, comme bien d’autres CDR, des adhérents provenant de tous les horizons politiques et parmi eux des “intellectuels de gauche” qui n’ont pas hésité à prendre parti à l’heure du danger pour la défense de la légalité républicaine108. »
20L’article s’achève sur la fierté éprouvée d’avoir pu compter dans ces grandes figures intellectuelles « Jaurès, Joliot-Curie, Malraux ou Aragon ». Son auteur n’est autre que René Marbot. Alors responsable départemental des Yvelines puis responsable des CDR d’Île-de-France, il avoue avoir compté des militants socialistes et communistes dans son antenne départementale, mais ne pas être parvenu à les fidéliser109. Le seul militant de gauche qu’il a su maintenir est un communiste qui fut radié du parti pour son ralliement aux CDR (au nom de la lutte contre les « révolutionnaires en herbe gauchistes »). Quelques autres avaient rejoint le CDR des Yvelines en mai-juin 1968, mais la menace d’être exclus du Parti communiste français et de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) les dissuada de rester. Dans le Tarn, quelques militants socialistes (surtout autour du CDR local d’Albi, le départemental se trouvant à Castres-Mazamet) ont rallié l’organisation par peur d’une révolution et par adhésion à la Participation que défendent les CDR. Leur radiation les incita à rester dans le groupement110. Le maire socialiste dissident de Puteaux111, Charles Ceccaldi-Raynaud, est très proche des CDR et dispose de leurs militants lors des élections municipales de 1971, mais il n’existe aucune preuve qu’il adhéra au mouvement112. Enfin, il existe le cas exceptionnel de Claude Tastet, fondateur et responsable du CDR girondin. Ancien militant du PCF, ce transfuge du PSU (qu’il avait rejoint en 1962) s’est rallié aux gaullistes en mai 1968 pour s’opposer à la « chienlit113 ».
⁂
21Bien que marqués par la diversité, les Comités de défense de la République sont avant tout tenus et composés de militants gaullistes. Ces « compagnons » étaient souvent encartés dans d’autres organisations gaullistes (notamment l’UDR, l’UJP, l’AN et le SAC) ou ont gravité autour d’elles. La particularité du mouvement réside dans sa tolérance discrète des éléments d’extrême droite qui la composent. Cette minorité politique regroupe l’essentiel des individus n’étant pas issus du gaullisme, à l’instar des centristes, libéraux, socialistes et communistes, encore moins nombreux, qui ont pu le rejoindre. L’ensemble de ces adhérents a nécessité une structuration progressive du groupement sur l’ensemble du territoire national.
Notes de bas de page
1Archives privées, Ernest Cartigny, manifeste des CDR le 29 octobre 1968.
2Citoyen, no 1, novembre 1968, p. 5.
3Journal officiel de la République française (JORF), no 131, 3-4-5 juin 1968, p. 5440.
4Témoignage de Didier Bierjon, le 10 avril 2020.
5Ibid.
6Témoignage de Jacques Duguet, le 3 février 2020.
7ANF, 569AP/263, lettre de Pierre Lefranc à Jean Ryckelynck, le 9 août 1968.
8AD14, 68J514, procès-verbal de la réunion du 5 octobre 1968.
9Cinq noms sont malheureusement illisibles ; Lefranc se considère au-dessus des membres du comité national, ce qui explique pourquoi il compte dix-sept membres et non dix-huit. ANF, 569AP/157, brouillons de Pierre Lefranc sur la composition des responsables nationaux des CDR en juin 1968.
10ANF, 81AS90, sous-dossier « Ve République (M. Runel) » ; Audigier François, Histoire du SAC, op. cit., p. 139-147.
11Témoignage de Michel Anfrol, le 21 septembre 2018.
12Cette évolution est visible lorsque l’on consulte les différentes listes des responsables CDR mises à jour régulièrement entre 1968 et 1974 (ANF, 569AP/158).
13AD14, 68J514, lettre du comité directeur et du bureau de la section Éducation nationale du CDR du Calvados à Pierre Lefranc le 25 mai 1969 ; Citoyen, no 6, mai 1969, et Citoyen, no 7, juin 1969.
14ANF, 99AS/6, lettre des membres du bureau départemental du CDR du Calvados à leurs adhérents le 18 novembre 1969. Un rapport de huit pages, intitulé « Fiche sur le comité du Calvados », retrace les pérégrinations de l’antenne départementale jusqu’à sa dissolution.
15AD14, 68J514, lettre de Pierre Poilblan aux adhérents du CDR du Calvados le 13 juin 1969, lettre d’Yvonne Clairouin à Pierre Chaunu en juin 1969, et lettre du Dr Raymond Villey à Pierre Chaunu le 5 mai 1969.
16AD14, 68J514, lettre d’Yves Lancien aux adhérents du Calvados, le 5 novembre 1969.
17Boivin Michel, De Gaulle et le gaullisme en Basse Normandie de 1945 à nos jours, Paris, Paradigme/Librairie Minard, coll. « Terre & Sociétés », 1984, p. 210.
18Archives privées, René Marbot, lettre d’Yves Lancien aux adhérents CDR de la région parisienne le 23 mars 1971.
19Les différents numéros de Citoyen indiquent régulièrement qui sont les délégués départementaux, nous permettant de constater cette prise en main des antennes locales par les gaullistes. Se référer au chapitre suivant.
20Foccart Jacques, Journal de l’Élysée, t. II, op. cit., p. 125.
21ANF, 569AP/157, note « sur les CDR et leur avenir », le 25 juin 1968.
22AD14, 68J514, procès-verbal de la réunion du 5 octobre 1968, et compte rendu confidentiel des CDR-Jeunes des journées nationales des 8 et 9 novembre 1969 à tous les adhérents du Mouvement le 20 novembre 1969 ; archives privées, René Marbot, circulaire d’information CDR non datée (visiblement des Yvelines, vers l’été 1969).
23Archives départementales du Haut-Rhin (AD68), 1452W6, rapport des Renseignements généraux de Mulhouse au préfet du Haut-Rhin no 563/72, le 10 mai 1972.
24ANF, 569AP/159, lettre d’Yves Lancien à Alexandre Sanguinetti, le 11 octobre 1973.
25ANF, 569AP/159, lettre d’Alexandre Sanguinetti à Monsieur P. Fremann, le 21 décembre 1973.
26AD21, 35J5, lettre de Lucien Detante à Monsieur Bergerat, le 27 septembre 1973.
27Paroles rapportées par les RG. Archives départementales de Gironde (AD33), 5324W142, note d’information des Renseignements généraux no 459, le 3 mars 1975.
28Le Monde, 4 janvier 1969, p. 7.
29Citoyen, no 52, février 1974.
30Citoyen, no 41, janvier 1973 ; Citoyen, no 33, mars 1972.
31Seule exception : R. C., qui ne se serait jamais senti gaulliste bien qu’il en aurait éprouvé une certaine sympathie à la suite de son passage dans le CDR niçois. Témoignage recueilli le 14 mars 2020.
32Témoignage de Jean-Pierre Grand, le 4 avril 2020.
33Témoignage de René Marbot, le 12 février 2020.
34Témoignage de Didier Bierjon, le 10 avril 2020.
35Témoignage de Maryse Antoni, le 31 janvier 2020.
36Témoignages de Jacques Gofrain le 22 janvier 2020, et de Jacques Belle le 12 février 2020.
37Témoignage de Didier Bierjon, le 10 avril 2020.
38Bantigny Ludivine, 1968. De grands soirs en petits matins, Paris, Seuil, coll. « L’Univers historique », 2018, p. 209.
39Gascon Roger, La Nuit du pouvoir ou le 24 mai manqué, Paris, Nouvelles Éditions Debresse, coll. « Révolte », no 2, 1968, p. 61 ; Charpier Frédéric, Génération Occident, Paris, Seuil, coll. « Documents-biographies », 2005, 400 p.
40Rigouste Mathieu, L’ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine, Paris, La Découverte, coll. « Poche », 2011, p. 129.
41Foccart Jacques, Journal de l’Élysée, t. II, op. cit., p. 184.
42Foccart Jacques, Foccart parle. Entretiens avec Philippe Gaillard, t. I, op. cit., p. 418.
43Expression employée par R. C. lors de son témoignage le 14 mars 2020.
44Citoyen, no 15, avril 1970.
45Témoignage de Jean-Pierre Grand, le 4 avril 2020.
46Turpin Frédéric, Jacques Foccart. Dans l’ombre du pouvoir, Paris, CNRS Éditions, coll. « Sociologies et sciences sociales », 2015, p. 240.
47Ibid.
48Belle Jacques, Le 30 mai 1968, op. cit., p. 95-96.
49ANF, 569AP157, dossier CDR 1a, note sur les CDR et leur avenir, le 25 juin 1968.
50ANF, 569AP158, lettre de responsables CDR parisiens à Pierre Lefranc, le 17 juin 1968.
51Dans le no 3 de Citoyen (janvier 1969), il écrit bien « non. Cette affirmation fait partie des nombreuses inexactitudes qui fleurissent à propos des CDR », mais cela reste dans le cercle restreint des adhérents. Pour les courriers, voir par exemple la lettre d’Yves Lancien à J. Rolland le 9 août 1968, lettre répondant au courrier de Rolland à Roger Frey (ANF, 269AP/263).
52Lefranc Pierre, Avec de Gaulle. Pendant et après 1947-2005, op. cit., p. 246-247.
53Par exemple, Lefranc remercie un dénommé Rouaz pour lui avoir fourni une liste des rapatriés d’Algérie du Var et le félicite d’avoir ainsi « su rassembler parmi vos camarades tous ceux qui désirent défendre la Ve République ». ANF, 569AP263, lettre de Pierre Lefranc à D. Rouaz, le 7 août 1968.
54Foccart Jacques, Journal de l’Élysée, t. II, op. cit. p. 125.
55Témoignage de Didier Bierjon, le 10 avril 2020.
56Témoignage de R. C., le 14 mars 2020.
57Bernard Mathias, « Les bastions de l’extrême droite française au xxe siècle », in François Dubasque et Éric Kocher-Marbœuf (dir.), Terres d’élections. Les dynamiques de l’ancrage politique, 1750-2009, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2014, p. 75-85.
58Archives départementales de Seine-Saint-Denis (AD93), 1801W165, note « Le Comité de défense de la République de la Seine-Saint-Denis », le 28 mars 1969 ; Archives départementales du Rhône (AD69), 4434W247, note d’exploitation « Activité à Lyon de M. Fernand Fournier, secrétaire général de “l’Association France” » no 8/2, le 18 décembre 1970.
59Ibid.
60Consulter la préface et la quatrième page de couverture où l’auteur revendique ce passif militant. Poilblan Pierre, Le Cas du CDR du Calvados, Caen, ANA, coll. « Les chemins de la vérité », 1970, 127 p.
61ANF, 569AP/159, lettre personnelle et confidentielle d’Yves Lancien aux délégués CDR le 18 décembre 1974 ; témoignage de Jean-Pierre Antoni, le 31 janvier 2020.
62Archives départementales de Haute-Garonne (AD31), 5769W43, rapport du préfet de la région Midi-Pyrénées et de la Haute-Garonne au ministre de l’Intérieur (non daté, fin mars 1973 ?).
63Témoignage de Jean-Pierre Grand, le 4 avril 2020.
64Lamy Philippe, Le Club de l’Horloge (1974-2002). Évolution et mutation d’un laboratoire idéologique, thèse de sociologie sous la dir. de Claude Dargent, université Paris 8, 2016, p. 270.
65Lebourg Nicolas et Beauregard Joseph, François Duprat. L’homme qui inventa le Front national, Paris, Denoël, 2012, p. 138.
66Le Canard enchaîné, 14 et 21 février 1973.
67Lebourg Nicolas et Beauregard Joseph, François Duprat, op. cit., p. 159-160.
68Chairoff Patrice (alias Dominique Calzi), Dossier B… comme barbouzes, Paris, Alain Moreau, 1975, p. 357-358.
69Par exemple : Le Monde, 29 août 1973, 4 septembre 1973 ; L’Humanité, 28 août 1973, 2 septembre 1973. Voir aussi certains articles relevés par Jacques Foccart entre 1971 et 1973. AG/5(2)/3802-3805, surveillance de la presse mentionnant Jacques Foccart : dépêches de l’AFP et coupures de presse de quotidiens et hebdomadaires (1971-1973).
70Le Monde, 28 août 1973.
71Gastaut Yvan, « La flambée raciste de 1973 en France », Revue européenne des migrations internationales, vol. IX, no 2, 1993, p. 64-65.
72Le Monde, L’Humanité et La Provence évoquent régulièrement dans leurs numéros les positions officielles des organisations gaullistes durant cette période.
73Les sources sont aussi souvent absentes. Gastaut Yvan, « La flambée raciste de 1973 en France », art. cité, p. 75.
74Le Monde, 30 août 1973.
75L’Humanité, 28 et 30 août 1973 ; Le Monde, 30 août 1973.
76Le Monde, 29 octobre 1974.
77Hajjat Abdellali, « Alliances inattendues à la Goutte d’Or », in Philippe Artières et Michelle Zancarini-Fournel (dir.), 68, une histoire collective (1962-1981), op. cit., p. 521-522.
78Il fut surtout condamné pour avoir participé à la fusillade ciblant des militants socialistes, perpétrée par des « commandos » SAC-CDR dans la ville rose le soir du 9 au 10 mars 1973. AD31, 1347W186, rapport des Renseignements généraux au préfet du Finistère no 303/197, le 6 juin 1979.
79Témoignage de Jean-Pierre Grand, le 4 avril 2020.
80La politologue Ariane Chebel d’Appollonia présente Henri Josseran comme un « ex-OAS, ex-Occident et ex-barriste », mais celui-ci nie toute affiliation à Occident dans Le Monde du 21 mars 1992. L’extrême droite en France. De Maurras à Le Pen, Paris, Complexes, 2e éd., coll. « Historiques », 1996, p. 483.
81Lecavelier Gilbert et Ferrand Serge, Aux ordres du SAC, Paris, Albin Michel, 1982, p. 41 ; Chairoff Patrice (alias Dominique Calzi), Dossier B… comme barbouzes, op. cit., p. 243.
82Si le livre de Lecavelier et Ferrand était suspecté d’être rempli de mensonges et de faits retouchés, ses archives ont grandement intéressé la commission d’enquête. Archives de l’Assemblée nationale (AAN), 26P35, documents remis par Lecavelier (1968-1982), et 26P86, rapport de Maurice Grimaud à Frédéric Thiriez et Alain Hautecoeur no 2339, le 9 avril 1982.
83Témoignage de Didier Bierjon, le 10 avril 2020.
84Turpin Frédéric, Jacques Foccart, op. cit., p. 271.
85Audigier François, Histoire du SAC, op. cit., p. 197.
86Bernard Mathias, « Les passerelles entre droite et extrême droite dans la France du xxe siècle », in François Audigier, David Colon et Frédéric Fogacci (dir.), Les Partis politiques. Nouveaux regards : une contribution au renouvellement de l’histoire politique, Bruxelles, Éditions scientifiques internationales, 2012, p. 71.
87Muller Bryan, « Les gaullistes et la violence militante en période électorale (1968-1981). Le cas de “l’anticentrisme” dans le Nord-Est », in Jérôme Pozzi et Jean El Gammal (dir.), Le Grand Est, 1870-2019. Forces et cultures politiques, Nancy, Presses universitaires de Nancy/Éditions universitaires de Lorraine, 2019, p. 263.
88Sesmaisons François de, « Pavane pour une UDF défunte », in François Audigier, David Colon et Frédéric Fogacci (dir.), Les Partis politiques. Nouveaux regards : une contribution au renouvellement de l’histoire politique, op. cit., 2012, p. 433 ; témoignage de Gérard Longuet, le 15 mars 2019.
89Richard Gilles, Histoire des droites en France de 1815 à nos jours, Paris, Perrin, coll. « Synthèses historiques », 2017, p. 376-382.
90AD93, 1801W165, note « Le Comité de Défense de la République de la Seine-Saint-Denis », le 28 mars 1969.
91Poilblan Pierre, Le Cas du CDR du Calvados, op. cit., p. 48.
92Témoignages de Jacques Limouzy le 12 juillet 2018, et de Jean-Pierre Antoni le 31 janvier 2020.
93Archives départementales d’Ille-et-Vilaine (AD35), 1158W69, rapport des Renseignements généraux au préfet d’Ille-et-Vilaine no 650, le 13 juin 1968.
94Archives départementales du Finistère (AD29), 1347W11, note des Renseignements généraux de Quimper no 185, le 7 janvier 1969.
95Le Monde, 24 janvier 1969.
96Audigier François, « Les CDR : un modèle militant original pour le gaullisme des années 1968 », in François Audigier, Bernard Lachaise et Sébastien Laurent (dir.), Les Gaullistes. Hommes et réseaux, Paris, Nouveaux Mondes Éditions, 2013, p. 43.
97Archives départementales du Lot (AD46), rapport des Renseignements généraux de Cahors au préfet du Lot no 107, le 14 avril 1970.
98Témoignage de Jean-Pierre Antoni, le 31 janvier 2020.
99Plusieurs témoins (notamment Didier Bierjon, R. C. et Jean-Pierre Grand) déclarent que les RI demandaient régulièrement de l’aide aux CDR pour coller des affiches et distribuer des tracts dans les communes où les communistes et gauchistes se montraient particulièrement actifs.
100Chairoff Patrice (alias Dominique Calzi), Dossier B… comme barbouzes, op. cit., p. 241 ; Favre Didier, Ni rouges ni jaunes. De la CGSI à la CSL, l’expérience du syndicalisme indépendant, Paris, Midi moins le quart, 1998, p. 153, 190-191.
101Chirac Jacques, Mémoires, t. I : Chaque pas doit être un but, Paris, Nil, coll. « Pocket », 2009, p. 168.
102Lefranc Pierre, Avec de Gaulle. Pendant et après 1947-2005, op. cit., p. 256 et 279.
103Muller Bryan, « Les gaullistes et la violence militante en période électorale (1968-1981). Le cas de “l’anticentrisme” dans le Nord-Est », art. cité, p. 258-259.
104AD14, 68J514, compte rendu confidentiel des CDR-Jeunes des journées nationales des 8 et 9 novembre 1969 à tous les adhérents du Mouvement, le 20 novembre 1969.
105AD93, 1801W165, note « Le Comité de Défense de la République de la Seine-Saint-Denis », le 28 mars 1969.
106L’essor du Limousin, 13 janvier 1969.
107Le Monde, 22 janvier 1969.
108Citoyen, no 3, janvier 1969, p. 4.
109Témoignage de René Marbot, le 12 février 2020.
110Témoignage de Jean-Pierre Antoni, le 31 janvier 2020.
111Il fut exclu en 1969 pour avoir accepté au conseil municipal un gaulliste. Il reste un socialiste dissident jusqu’à la fondation du RPR, qu’il rejoint alors. Toutefois, dès son exclusion, il se rapproche rapidement des gaullistes qui le soutiennent activement. Le Maitron, notice de Charles Ceccaldi-Raynaud par Gilles Morin, [https://maitron.fr/spip.php?article19127], consultée le 20 avril 2020.
112Sollicitée à plusieurs reprises, sa fille n’a jamais répondu.
113AD33, 5324W133, note d’information des Renseignements généraux no 318, le 19 mars 1969.
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