Introdction à la troisième partie

1Les siècles modernes connaissent une profonde transformation des spectacles tant publics que privés. Longtemps, les spectacles publics furent ordonnancés par les autorités royales, princières, municipales, dont ils célébraient le pouvoir temporel et symbolique. Mêlant démonstrations équestres, tournois et joutes, voire chasse ou sacrifice d’animaux, ils perdent progressivement de leur vigueur guerrière au profit de réjouissances pacifiques qu’illuminent des feux d’artifice au xviii^e siècle. Le théâtre, dont le succès s’affirme au xvii^e siècle, offre désormais au spectateur le choix entre comedia dell’arte, opéra-ballet, comédie classique et tragédie. D’abord logés dans les cages des jeux de paume désertées par les joueurs, les théâtres en conservent la disposition jusqu’au milieu du xviii^e siècle, où ils adoptent une configuration en demi-ellipse, dite « à l’italienne ». Des salles de théâtre s’élèvent alors dans toutes les métropoles européennes, mais aussi dans les villes de moindre importance. Les anciens remparts abattus laissent place à de véritables ceintures de divertissements. À Paris, la perspective reliant la porte Saint-Antoine à la porte Saint-Denis, aménagée à partir de 1670, devient au cours du xviii^e siècle l’une des grandes attractions de la capitale et des campagnes environnantes. Le long d’une large allée, bordée de trois rangées d’arbres et pavée au début du règne de Louis XVI, s’implantent théâtres et spectacles de foire, bateleurs et saltimbanques, acrobates et montreurs d’animaux, pâtissiers, cafés et limonadiers. Soucieux d’attirer la clientèle des élites, des entrepreneurs de loisirs bâtissent, dans le dernier tiers du xviii^e siècle, de véritables parcs d’attractions : vaux-halls à l’anglaise et jardins-spectacles proposent une large gamme de divertissements dans un cadre harmonieux et dépaysant. Les jardins Torré et Ruggieri, qui ouvrent à Paris en 1764 et 1768, accueillent à la fois des cafés, des boutiques, des pistes de danse ; ils présentent des spectacles pyrotechniques, des pièces de théâtre, des luttes, des pantomimes et même des expériences de physique amusante ; ils organisent régulièrement des fêtes à thèmes – champêtre, chinoise, olympique. Pendant ce temps, au-delà des barrières, les villages alentour multiplient cabarets et guinguettes où le vin est moins cher ; artisans et ouvriers parisiens, qui les fréquentent assidûment, viennent y boire, danser et jouer au battoir. Ainsi, le xviii^e siècle voit-il l’émergence de lieux de plaisir nouveaux, destinés à des clientèles variées.