Conclusion. Entretien avec Daniel Pichot, un historien des sociétés médiévales de l’Ouest
p. 333-350
Texte intégral
1— Julien Bachelier : Lire, relire et parcourir votre bibliographie autorisent un état de la recherche sur les thématiques du peuplement (habitats, villages, villes). Mais cela permet aussi de saisir les évolutions de la recherche, dans ses objets, ses buts, ses méthodes. On perçoit ainsi l’état des connaissances et des matériaux disponibles pour l’historien (sources écrites, iconographiques et archéologiques), et on décèle également des parcelles de votre histoire, du moins des fragments de celle-ci, entre Laval, Vitré et Rennes. On croit aussi deviner l’influence de l’enseignement dans vos recherches.
2Nous allons peut-être commencer par les sources si vous le voulez bien, leur usage et leurs apports. C’était d’ailleurs un leitmotiv que vous rappeliez à vos étudiants lors de vos cours et de leur projet de maîtrise ou de master : la nécessité de les croiser et d’appréhender leur diversité. Un historien choisit certes ses sources, en fonction de ses centres d’intérêt et de son époque, mais aussi selon l’existant ou plutôt le restant, ce que les siècles antérieurs ont laissé. Si l’on suit votre approche des sources, on note une inflexion : vous débutez par l’écrit, les cartulaires et plus largement les actes de la pratique1, puis progressivement on voit de plus en plus émerger l’iconographie2 puis l’archéologie3. De quelle manière le croisement des diverses sources a-t-il modifié votre regard sur le Moyen Âge ?
3— Daniel Pichot : Pour l’historien, la question des sources se place évidemment au départ même de son travail. Les rechercher, les identifier, les critiquer et les mettre en œuvre, c’est la base du métier. Le médiéviste crée sa documentation et donc recherche ce qui peut le servir au mieux. Pour une période modérément fournie en documents écrits, l’enjeu se révèle d’importance mais cette relative rareté et aussi les exigences de certaines enquêtes nécessitent un élargissement. En ce qui me concerne, j’ai donc évolué vers plus de diversité et de complexité, c’est tout à fait normal. La quête de nouvelles sources, outre une curiosité personnelle qui me pousse à aller voir ailleurs ce qui peut m’être utile, devient une évidence pour répondre à mes questionnements. Dans ma thèse, l’iconographie fait son apparition pour l’étude des calendriers, images du travail paysan, dans une certaine mesure. Par la suite, je me suis intéressé à l’étude des images, ce qui a demandé un minimum d’acquisition de connaissances sur les codes de construction, les symboles, etc. Très vite, j’ai intégré les plans cadastraux anciens dans mes travaux car les textes demeurent indigents pour parler de l’habitat dans son organisation. Cependant, bien des écueils se présentent et le cadastre napoléonien, s’il conserve des traces anciennes, ne constitue en rien un plan médiéval. Par la suite, l’étude du paysage s’est enrichie des travaux de la palynologie et des archéosciences, un monde totalement nouveau pour moi et qui exigeait un effort certain, tout comme l’archéologie qui m’a très vite parue une approche majeure, indispensable sur bien des sujets dont le village bien sûr, mais pas seulement. Il faut dire qu’avec Robert Fossier comme directeur de thèse, j’étais à bonne école.
4Je suis convaincu que le médiéviste, sur certains sujets, doit mobiliser un éventail de sources complémentaires et c’est le croisement de cet ensemble qui autorise la recherche. Le village exige le recours à de multiples ressources et le texte bien connu d’Élisabeth Zadora-Rio, « Le village des historiens et le village des archéologues4 », ne dit pas autre chose, même si, un peu par provocation, l’auteure affirme que les deux disciplines ne recherchent pas le même village, elle sait bien pour l’avoir pratiqué avec talent que l’union des deux parvient à de beaux résultats. Cela posé, il ne suffit pas d’accumuler ou de juxtaposer ces éléments divers mais bien de les faire jouer ensemble en respectant leur spécificité.
5Un écueil se présente cependant. Maîtriser nombre de disciplines représente un programme considérable qu’il n’est guère possible de tenir. L’historien peut, outre ses textes, utiliser les figures et graphiques de la palynologie, lire un rapport de fouilles, etc., ce qui lui permet d’avancer dans son raisonnement, mais il n’a pas à devenir spécialiste de tout. Par contre, pour progresser, si nécessaire, il devra demander l’aide de spécialistes et, le plus souvent, le travail d’équipe, interdisciplinaire, s’impose comme la solution nécessaire. Par exemple sur le bocage, je me suis intégré à une équipe très pluridisciplinaire réunissant historiens, géographes, palynologues, chercheurs de l’Agrocampus5. Le croisement de sources multiples ne dit pas un autre Moyen Âge mais un Moyen Âge plus complet, plus profond.
6— L’archéologie semble tenir une place de plus en plus importante dans votre démarche d’historien. Vous avez vu et accompagné l’essor de l’archéologie, notamment préventive, comment cette discipline a-t-elle modifié votre regard et votre compréhension du Moyen Âge ?
7— L’archéologie a pris une importance croissante dans mes recherches, c’est vrai. Dans le souci de diversifier les sources en général, y avoir recours s’est avéré majeur dans bien des domaines mais en particulier dans l’étude de la vie rurale. Les textes ont leur limite et l’archéologie apporte une contribution primordiale, elle offre, par exemple, des plans de maisons ou d’enclos, identifie les matériaux… Cette place grandissante dans la recherche du passé provient d’abord de la professionnalisation de l’archéologie par le biais de l’AFAN puis de l’Inrap. En peu d’années, on est passé d’une archéologie pratiquée par quelques bénévoles et des universitaires à une vaste organisation publique couvrant tout le territoire dont la capacité d’action a cru de façon considérable. En même temps, l’affinement continu des méthodes a démultiplié les connaissances acquises. À mes yeux, sans doute principalement en raison de mes thèmes de recherche, toutes ces transformations ont érigé l’archéologie en outil indispensable pour la compréhension d’une bonne part du Moyen Âge.
8Pour étudier le village et l’habitat, j’ai vu ce rôle s’affirmer au cours des ans. Il faut bien le reconnaître, quand j’ai commencé mon étude du Village éclaté, dans l’Ouest, les fouilles demeuraient rares et une partie des publications dataient quelque peu, même si je pouvais m’appuyer sur des cas exemplaires mais rares, en particulier les travaux de Élisabeth Zadora-Rio. Depuis, la situation a bien changé et j’ai publié de plus en plus d’articles en utilisant l’archéologie et souvent en corédaction avec des archéologues. La première manifestation effective et forte, s’est exprimée dans le petit livre sur Bréal-sous-Vitré, tentative d’associer complètement les deux disciplines à la compréhension du développement d’un cimetière et concurremment d’un prieuré et d’une paroisse. Nous avons rédigé à trois tous les chapitres, chacun apportant sa contribution à un plan soigneusement établi6. Textes et fouilles se sont répondus, se sont complétés, et la conjonction des deux a permis de penser que les moines de l’abbaye de Saint-Jouin-de-Marnes qui affirmaient, au xie siècle, la création d’une chapelle aux temps mérovingiens, n’avaient sans doute pas tort, malgré le jugement du xie siècle qui les déboute. L’archéologie nous offre aujourd’hui des perspectives attirantes et surtout des champs de recherche nouveaux qui ne peuvent que croître.
9Pour une période différente, mais il m’arrive de franchir les bornes du xve siècle, l’étude du cercueil et du corps très bien conservé de Louise de Quengo a apporté une masse de connaissances considérables sur la vie et les pratiques funéraires au xviie siècle7.
10Cet intérêt pour l’archéologie s’est concrétisé dans mon enseignement. J’ai participé activement à la mise en place avec Annie Antoine du master d’archéologie-histoire de l’université de Rennes 2 et, bien entendu, j’y ai dispensé de multiples heures de cours sur les rapports archéologie-histoire, le village, les techniques hydrauliques ou agricoles, etc., et dirigé ou codirigé nombre de mémoires de master. Cet investissement a eu pour conséquence de renforcer la présence de l’archéologie dans mes recherches en raison de l’approfondissement des connaissances que j’ai pu acquérir et des questionnements que mes cours m’apportaient.
11Un problème se pose cependant aujourd’hui, les deux disciplines, histoire et archéologie, se complexifient de plus en plus et perfectionnent leurs méthodes. La seconde devient de plus en plus scientifique avec l’anthropologie physique par exemple, si bien qu’il est difficile pour la même personne de tout maîtriser d’où le nécessaire recours au travail d’équipe comme je l’évoquais précédemment, mais le résultat peut s’avérer magnifique.
12— Vos premiers travaux de recherche publiés étaient liés à l’abbaye normande de Savigny8, vous avez ensuite travaillé sur l’église, le cimetière, les curés, etc., principalement à partir des sources écrites. Puis, l’étude des plans anciens – comme le plan cadastral du xixe siècle – et l’archéologie se sont ajoutées aux sources écrites soumises à une fine relecture9. Comment ce renouvellement vous a-t-il permis de mieux comprendre l’essor du phénomène prieural au cours du Moyen Âge10 ? Entre vos premières enquêtes et les dernières11, quels sont les changements épistémologiques qui vous paraissent les plus importants ?
13— Les premières études que vous citez n’étaient que de modestes articles issus de textes intéressants découverts pendant mon travail de thèse mais surtout de sollicitations ou de commandes, en particulier sur l’histoire du diocèse du Mans, et qui tenaient souvent d’une bonne vulgarisation simplement. C’est vrai que l’article sur le cimetière venait de mon interrogation sur cette réalité du « cimetière habité », curiosité qui allait se révéler, quelques années après, comme fondamentale dans la réorganisation de l’habitat12. L’étude des prieurés n’est venue que bien plus tard dans la continuité de mes recherches sur le village et mes objectifs se sont affinés peu à peu.
14D’abord, quand j’étais professeur au service éducatif des archives, je passais deux jours par semaine aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine et j’avais accès aux kilomètres de rayonnages des réserves. C’était impressionnant et pour un historien, évidemment, la découverte d’un monde attirant. En explorant les séries anciennes G et H, relatives à l’Église, j’avais constaté l’importance énorme des dossiers de la fin du Moyen Âge et de l’époque moderne consacrés aux prieurés et pratiquement jamais ouverts. Plus tard, dans mes premiers travaux sur l’habitat dispersé, je me suis aperçu que l’implantation d’un prieuré renforçait nettement le regroupement autour du pôle religieux et qu’elle s’effectuait souvent dans le cimetière.
15Logiquement, après mon Habilitation à diriger des recherches, j’ai entamé une enquête sur les prieurés. La question, sans être en friches, attirait peu. Même si ces petites institutions nourrissaient l’essentiel des cartulaires, on ne les étudiait pas pour elles-mêmes. Deux colloques et l’équipe réunie autour de Philippe Racinet formaient alors un petit capital de départ13. J’ai commencé à travailler, à donner des recherches en maîtrise et, avec les médiévistes rennais, nous avons tenu des séminaires au Mont-Dol en invitant des collègues extérieurs, Florian Mazel qui venait d’arriver s’est alors intéressé à la question14.
16Progressivement la complexité du sujet s’est manifestée. La fondation elle-même se précisait, les plans cadastraux et les archives postérieures permettaient d’appréhender les données monumentales et, en cherchant bien, on s’est aperçu que, outre l’église souvent devenue paroissiale, des restes des bâtiments plus ou moins bien conservés subsistaient, nous avons publié un dossier de synthèse dans lequel ont été insérées les contributions de plusieurs étudiants auteurs de mémoire et deux thèses ont été réalisées, mettant en valeur la puissance de l’implantation, la politique de mise en valeur, les réseaux, etc.15. Évidemment, l’un des nœuds de la recherche a été Bréal où les textes et l’archéologie ont concouru à la mise en évidence du prieuré et de son rôle.
17Sans doute y a-t-il eu progrès épistémologique mais ce fut surtout l’approfondissement d’une enquête, les questionnements se renouvelant et s’affinant au fil des découvertes. De l’implantation et du domaine monastique, les recherches se sont appliquées aux réseaux puis aux aspects religieux qui ne sont aucunement à négliger. Dernièrement, j’ai pu, pour une communication sur les associations spirituelles des laïcs avec les Bénédictins, mettre en évidence l’intégration dans la fraternité des moines ou societas loci de laïcs qui concourraient à établir l’influence des prieurés dans leur entourage et cela a peut-être joué un rôle dans la mise en œuvre de la réforme grégorienne16. Pourtant, il demeure beaucoup à faire et l’on pourrait poursuivre l’enquête dans les siècles ultérieurs. Même si beaucoup de prieurés ont été rapidement affermés ou ont disparu, certains se sont montrés très actifs à la fin du Moyen Âge et, comme pour beaucoup d’institutions médiévales, la suite ne se résume pas à une longue décadence.
18— Dans les années 1990, le village devient, dans la lignée des travaux de Monique Bourin et ceux de Robert Fossier ou de Jean-Marie Pesez, un nouveau thème d’étude et plusieurs historiens s’emparent de cette thématique. De votre côté, quels éléments ont motivé votre important intérêt pour cette thématique ?
19— J’avais conclu ma thèse en affirmant que l’Ouest français du Moyen Âge possédait des caractéristiques propres et je pensais explorer cette piste pour trouver un sujet d’HDR. André Chédeville pressenti pour élaborer un rapport sur l’habitat dispersé dans l’Ouest pour les Journées de Flaran me demanda de le faire, ce que j’acceptais. Je multipliais alors les recherches bibliographiques en histoire bien sûr mais aussi en géographie, les Rennais, autour d’André Meynier, ayant beaucoup travaillé sur la question. Il faut souligner, ensuite, le grand retentissement du livre publié dès 1980 : Le village et la maison au Moyen Âge17 de Robert Fossier et Jean Chapelot. Il associait un historien et un archéologue et abordait un sujet plutôt rare dans les thèses d’histoire rurale. Robert Fossier élabora ensuite la théorie de l’encellulement, adaptation généralisée de l’incastellamento de Pierre Toubert qu’il développa dans sa grande synthèse Enfance de l’Europe18.
20Le sujet m’intéressait évidemment mais l’incastellamento concernait le pourtour méditerranéen et la thèse de Monique Bourin, par exemple, le prenait en compte19. Plus globalement, les études se concentraient sur le village groupé, évidemment plus simple à étudier et plus adapté à l’illustration de la théorie. L’habitat dispersé obéissait-il à d’autres processus ou pouvait-on l’intégrer dans une vision globale ? En bref, la réorganisation des villages au Moyen Âge s’inscrivait-elle dans une certaine diversité ou, au contraire, obéissait-elle, plus ou moins, à des principes généraux identifiables ? Je repris, en la précisant, mon étude pour Flaran dans les Mélanges Chédeville20 en posant dans le titre le mot « encellulement » et, peu de temps plus tard, le thème du village s’imposait dans mon esprit comme sujet du mémoire d’HDR. J’en soumis un plan détaillé à ceux qui pouvaient le mieux me donner un avis éclairé : André Chédeville et Robert Fossier. Le sujet répondait à mes interrogations, je pouvais ouvrir mon enquête sur de multiples sources : textes, plans cadastraux, archéologie, iconographie. Il ne s’agissait cependant pas de refaire une monographie régionale, d’ailleurs assez impossible en raison des faibles possibilités de l’archéologie rurale d’alors mais d’essayer, dans un Ouest intérieur relativement homogène, de dégager un processus, un modèle d’évolution du village.
21— L’incastellamento et peut-être plus encore l’« encellulement » de Robert Fossier ont servi de modèles et de références à toute une génération d’historiens21. Dans Le village éclaté on perçoit très bien la forte dispersion de l’habitat qui n’est semble-t-il pas un échec seigneurial, mais une adaptation de la domination et du contrôle seigneuriaux sur des populations dispersées. Dans l’Ouest, la seigneurie est un très fin quadrillage de l’espace, parfois à partir de pôles, comme le moulin22, mais elle peut aussi apparaître au cours du ixe-xiie siècle comme un élément plus récent s’imposant à des structures antérieures plus fortes tel que l’habitat dispersé. Dans quelle mesure l’incastellamento et l’encellulement ont-ils pu être appliqués dans l’Ouest ? Quelles sont les nuances par rapport aux modèles et les nuances entre régions de l’Ouest ? Au fond, existe-t-il un modèle propre à l’Ouest ?
22— Le village éclaté propose un modèle de réorganisation de l’habitat médiéval dans l’Ouest, à la lumière des théories de l’incastellamento et de l’encellulement, mais il est aussi particulièrement redevable aux travaux d’Élisabeth Zadora-Rio pour la Touraine. L’incastellamento dans sa version originale ne semble pas très opératoire car très lié au cadre méditerranéen. Au sens large, le château a plutôt fait surgir une ville, même modeste, et les mottes associées à un village semblent souvent avoir plutôt capté un habitat existant, cependant, dernièrement, une vaste fouille issue d’un décapage en plein centre villageois a montré qu’une curtis carolingienne transformée en site à motte a suscité le développement de Chasné-sur-Illet en Ille-et-Vilaine23.
23De façon beaucoup plus fréquente, et pour moi très générale, un modeste regroupement s’est opéré autour du pôle religieux : cimetière et église réunis, éventuellement renforcé d’un cimetière habité, d’un prieuré ou d’un bourg. Le peuplement demeure largement dispersé, le plus souvent sous forme de hameaux, appelés traditionnellement villages, répartis sur un terroir dont les limites se précisent progressivement mais polarisé par le centre. Cependant, le pouvoir du centre, à la fois religieux – l’organisation de la paroisse est primordiale – et aussi souvent seigneurial, doit faire face à la résistance des hameaux dont certains dotés de chapelles, voire de cimetières, peuvent acquérir un statut paroissial. Ainsi s’établit un système, résultat de forces antagonistes dont l’équilibre parfois fragile organise le village éclaté. L’étude, en conséquence, suit un plan thématique qui aborde successivement les éléments du système pour le reconstituer dans sa complexité in fine.
24Le village existe bien suivant le modèle proposé par Robert Fossier mais la mise en place se développe sur une période longue de plusieurs siècles qui aujourd’hui semble encore plus étirée et peut se dessiner dès le viie siècle avec le rapprochement des lieux de culte et des morts suivant des modalités et des types plus divers qu’on ne croyait. Il y a bien, plus tard, une prise de conscience identitaire des habitants dans le cadre paroissial qui s’affirme surtout à la fin du xie siècle et au xiie, voire xiiie. La seigneurie ne se trouve aucunement marginalisée et participe bien à l’organisation de l’encellulement. Elle s’adapte à ce système de façon plutôt efficace en sachant contrôler l’espace par son pouvoir, sans être trop lourde dans son prélèvement. Il y a donc une forme de l’encellulement spécifique à l’Ouest mais qui entre bien dans le cadre général, même si des nuances sont à mettre au jour. Sans doute faut-il constater ici spécialement l’importance de l’habitat dans les cimetières, qui peut se rencontrer ailleurs certes, et surtout des prieurés qui quadrillent littéralement l’espace.
25Les nouvelles recherches, en particulier le développement de l’archéologie préventive qui multiplie les fouilles et même de centres villageois remarquables, en Haute Bretagne, éclairent sous un jour renouvelé la question et précisent ce que les textes peinent à faire. J’aimerais donc bien faire le point à la lumière des travaux récents, il me semble que le modèle proposé a sans doute besoin d’être affiné mais demeure globalement opératoire. Il s’est enrichi considérablement pas nombre d’études et je soulignerai l’intérêt des développements de l’archéogéographie qui, outre une analyse rénovée des parcellaire et des paysages, a contribué à systématiser ce que les ruralistes de Rennes 2 avaient entrevu, le décalage entre des faits trop souvent associés à tort car ils ont leur temporalité propre : habitat dispersé, bocage, individualisme agraire24. Cet agrégat n’était que l’aboutissement d’une évolution historique constatée au xixe siècle et encore faut-il nuancer : l’individualisme agraire s’avère très discutable et même caricatural à la période médiévale.
26— Le village est un peu une passion française, il est parfois empreint de nostalgie, on parle régulièrement de sa disparition ou de sa fin, parfois aussi des derniers jours de ce paysage rural dominé par le clocher villageois, autrefois paroissial. Pour le Moyen Âge, avec le recul que vous avez maintenant sur le sujet, quand et comment voyez-vous naître le(s) village(s) de l’Ouest ? Y aurait-il déjà la fin d’un type de village au cours du Moyen Âge, on pense ici aux cimetières qui abritaient à la fois les morts et les vivants25 ?
27— Depuis les années 90 du vingtième siècle, le village a dominé mes recherches avec une multiplicité d’approches : tout aussi bien par les formes de l’habitat, l’organisation des terroirs et des travaux agricoles ou le paysage que par la société et la communauté paysanne, la paroisse ou les prieurés qui m’ont beaucoup retenu à certains moments, mais ce n’était pas la nostalgie d’« un monde que nous avons perdu » qui m’animait, plutôt la tentative d’aller à la rencontre d’une majorité villageoise trop silencieuse dans les sources puisque nous ne savons quelque chose sur elle pratiquement que par le regard des puissants, d’où d’ailleurs l’intérêt de l’archéologie pour redresser un peu la situation.
28Ce village, centré sur son église, se met en place entre le viie et le xiie-xiiie siècles et le modèle va demeurer, globalement, jusqu’au xixe siècle, voire dans certains cas, aujourd’hui. Bien sûr, il continue à vivre et à évoluer. En effet, il ne faut aucunement figer les choses. Au centre, le cimetière n’est plus habité à partir du xiie siècle, la cohabitation des vivants et des morts à ce point commence à choquer les autorités ecclésiastiques. Dans les faits, l’habitat demeure mais on réduit l’espace vraiment funéraire dont les fonctions doivent demeurer liées aux morts, si l’on en croit les statuts synodaux. Le changement sera long à s’opérer, les visites pastorales de l’époque moderne en témoignent encore. En même temps, les moines disparaissent éventuellement des prieurés, surtout les plus modestes souvent mis à ferme. Des travaux divers modifient un peu l’aspect général, l’église s’embellit et, même parfois, se reconstruit consécutivement à des violences ou à la guerre, les maisons évoluent et quelques-unes, tardives, subsistent sous nos yeux après avoir plus ou moins échappé aux aléas des temps. Le terroir bouge aussi, des habitats disparaissent ou se développent, les limites se modifient.
29Malgré tout, les changements majeurs arrivent avec le xviiie siècle quand le cimetière commence à être déplacé à l’extérieur par mesure d’hygiène, ce qui rompt la communauté fondatrice des morts et des vivants, dégageant par là même une vaste place au milieu du « bourg » qui modifie son espace. La Révolution supprime la paroisse qui renaîtra sous une autre forme mais instaure une municipalité, et le centre villageois voit bientôt s’installer l’école et divers services de l’administration, renforçant par là même son influence. Par contre, la communauté villageoise pâtit sans doute de la fin des communs mettant un terme à des pratiques traditionnelles qui maintenaient les solidarités sociales. Finalement, un peu plus tard, ce sont les migrations rurales qui modifieront considérablement la physionomie et la vie du village. Le modèle aura donc duré longtemps mais faut-il parler de sa fin ou plutôt de son évolution, de son inscription dans le temps de l’Histoire ?
30— Toujours dans la continuité de votre approche du village, pourriez-vous expliquer comment vous êtes passé, pour reprendre un titre d’Aymat Catafau, du « village au paysage » ? En effet, plusieurs de vos travaux portent sur le paysage26, hérité, mais aussi créé, construit et élaboré par une société, la forêt27 ou le bocage28.
31— L’étude du paysage s’est vite imposée car les deux ruralistes du département d’histoire de l’université Rennes 2, Annie Antoine et moi-même, avons participé à la fin des années 1990 à un projet d’étude sur le bocage mené par un palynologue du laboratoire Archéosciences de l’université Rennes 1, Dominique Marguerie. Le groupe, très multidisciplinaire, intégrait aussi dendrochronologues, archéologues et chercheurs de l’Agrocampus. Le projet prévoyait de reprendre la question depuis longtemps disputée au prisme de multiples approches croisées. L’expérience enrichissante voyait les historiens apporter une dimension temporelle à des études des écosystèmes et anthroposystèmes très ancrées dans l’actuel par les écologues mais cette approche de systèmes aux multiples interférences permettait de penser la complexité d’un ensemble et l’action de l’homme à l’intérieur.
32Pour ma part, j’apportai des textes et l’expérience de ma thèse où je voyais, certes, quelques talus et haies mais pas vraiment un bocage complet. À cette époque, fut remis au jour un magnifique document oublié et pourtant conservé à la Bibliothèque nationale de France, le manuscrit dit de « la Vilaine » de 1543, offrant 22 planches de « vues aériennes » décrivant le cours du fleuve de Redon à Rennes29. Ce recueil exceptionnel, à plus d’un titre, soulevait de réels problèmes. Si les aménagements d’écluses et sites portuaires constituaient visiblement l’objectif de ce travail, l’importante place accordée au paysage sur les rives était-elle fiable ? Ce que beaucoup mettaient en doute, n’y voyant qu’un travail d’artiste laissant libre cours à son imagination. L’étude de ce type de document m’apprit qu’il était le fait d’un technicien prenant soin de faire auparavant un voyage de repérage et, un examen minutieux, des comparaisons avec le cadastre ancien et surtout l’étude de cette technique particulière qu’est la chorographie permettaient d’y reconnaître une vision simplifiée mais tirée du réel et donnant à voir le paysage. Le manuscrit se présentait donc comme un témoignage iconographique de grand intérêt et déterminant pour notre étude. De plus, la date de sa réalisation correspondait au développement de l’embocagement qui se dessinait depuis la fin du Moyen Âge et permettait d’identifier ses formes. Il s’agissait alors d’un paysage aux larges mailles incomplètes mais son développement s’affichait prioritairement autour des terres nobles, leurs propriétaires fermant les terres de parcours à la pratique commune. Par la suite, le mouvement s’accrut pour clore nombre de parcelles mais ce fut progressif et la clôture générale des terres n’aboutit seulement qu’aux xixe et xxe siècles. En 2003, le rapport final de notre groupe de travail synthétisa les apports de l’ensemble des disciplines concernées, mettant en évidence le processus historique d’un embocagement progressif et non un objet installé d’un coup dans son organisation complexe. Le paysage se révèle une construction humaine, la société en hérite et l’adapte au cours des temps à ses besoins et objectifs. Il se présente comme le fruit d’une évolution permanente. Ces études ont été reprises et intégrées dans des synthèses plus vastes sur les paysages par Magali Watteaux dans plusieurs articles, par la suite, et le travail demeure ouvert30.
33Plus que sur le bocage, finalement peu médiéval, l’étude du paysage se poursuivit sur les landes liées profondément aux pratiques culturales, elles n’étaient en rien des terres abandonnées mais participaient complètement à un système agricole équilibré et adapté à la mise en valeur des terres froides de l’Ouest. En élargissant le champ d’observation, c’est l’ensemble du terroir qui fut abordé : les pâtures et prairies, tout autant que la forêt et même les zones humides des marais31, ces formations végétales s’interpénétrant souvent si bien que la distinction, ager/saltus s’avère malaisée, le même espace pouvant passer de l’un à l’autre. Pour ces travaux, les textes très insuffisants trouvaient le renfort des études palynologiques et, à maintes reprises, je retournais au manuscrit de la Vilaine dont la richesse se dévoilait toujours plus.
34L’ensemble de ces recherches permettait de replacer le village dans son environnement au sens large du terme, ce qui dépassait la simple étude du paysage et éclairait bien des aspects du fonctionnement de la société villageoise. En même temps, cela déboucha sur un cours de licence plus général sur l’approche de la nature par les hommes du Moyen Âge : « Dieu, la nature et les hommes », et un autre sur les animaux : « Le cheval, le porc et le dragon ». À l’université, l’enseignement se nourrit largement de la recherche.
35— Vous êtes avant tout historien par votre usage des archives, mais votre approche des paysages tisse un lien direct vers une autre science sociale : la géographie. Le temps se lit dans l’espace et inversement. D’ailleurs votre thèse de doctorat s’inscrivait dans une région précise, le Bas-Maine en l’occurrence, dans la tradition de l’école de géographie française qui privilégiait la monographie régionale pour cadre d’étude. Quelle part la géographie a-t-elle dans votre démarche d’historien ? Cet intérêt pour la dimension spatiale est-il lié à vos années d’enseignement dans le Secondaire aux lycées Bertrand d’Argentré de Vitré (1972-1988) et Anne de Bretagne de Rennes (1988-1992) ?
36— Comme tout professeur de l’enseignement secondaire, j’ai eu en charge l’histoire et la géographie ce qui ne m’a d’ailleurs aucunement pesé, j’ai enseigné avec plaisir les deux matières qui, sur bien des points, se révèlent complémentaires. Ma formation a été double, même si je suis plus historien que géographe. J’ai reçu, entre autres, les cours d’André Meynier le grand géographe de l’université de Rennes qui achevait alors sa carrière. Bien évidemment, son ouvrage, Les paysages agraires, est devenu par la suite l’un de mes livres de référence32. Plus généralement, j’ai acquis une culture géographique, en particulier une pratique des cartes qui m’a été bien utile, d’abord dans mon enseignement, bien sûr, mais aussi dans mes recherches, j’ai toujours cherché à inscrire les phénomènes étudiés dans l’espace. Au cours de mes années dans l’enseignement secondaire, j’ai perfectionné ma connaissance de la géographie qui évoluait très vite. Grâce à l’un de mes collègues du lycée Anne de Bretagne, formateur en géographie, Jean-Michel Bernardin, je me suis intéressé particulièrement à la géographie nouvelle, en particulier celle générée par le groupe Reclus pour sa lecture de l’organisation spatiale, son analyse de la centralité, des marges et aussi des zones de contact33. Consciemment souvent ou non, tout cela a nourri mes recherches, sur le paysage, les terroirs, les territoires paroissiaux, etc., et il est vrai que la réflexion sur l’espace est primordiale, ce qui n’est quand même pas étonnant pour un historien du monde des campagnes.
37Comme vous évoquez mon passage dans l’enseignement secondaire, je voudrais y revenir brièvement car ce fut quand même la moitié de ma carrière, vingt ans ! Cela n’a pu que laisser des traces. J’y ai acquis une expérience très diversifiée. Ayant enseigné dans deux lycées, surtout à Bertrand d’Argentré, à Vitré puis à Anne de Bretagne, à Rennes, mais aussi ayant exercé des responsabilités diverses, j’ai pu me construire une vision très élargie du métier et de ses pratiques. Pendant quinze ans, dont dix à Rennes, j’ai été professeur du service éducatif des archives. Cela m’a appris beaucoup et offert nombre de satisfactions. D’abord, en fréquentant un monde familier aux historiens mais qui nous demeure en grande partie mal connu, celui des archivistes, hommes d’histoire, aux pratiques éprouvées de qui j’ai beaucoup reçu. Cela m’a ouvert aussi sur bien des périodes peu enseignées au lycée mais le souvenir du bicentenaire de la Révolution qui s’étala sur deux années particulièrement intenses demeure majeur. De nombreuses classes et une large gamme d’élèves ont été accueillies, du CP à la Terminale en passant par à peu près tous les types d’enseignement.
38Ce passage par le Secondaire m’a aussi permis de participer à la formation des enseignants : tuteur de stagiaires, formateur occasionnel, membre des jurys des concours internes et externes ou organisateur de stages. Tout cela a constitué un capital que je n’ai pas oublié à l’université et qui m’y a sans aucun doute été utile.
39— Laval34, Vitré35, Rennes36, ou encore Redon37, vous vous êtes aussi intéressé aux centres urbains38. Où placez-vous la limite entre l’urbain et le rural ? À partir de quand peut-on distinguer l’un de l’autre dans l’Ouest ?
40— L’étude des villes n’est pas première dans mes préoccupations. Laval devait évidemment figurer dans ma thèse ; par la suite, la seule agglomération sur laquelle j’ai effectivement effectué des recherches est Vitré. Enseigner dans une ville aussi marquée par le Moyen Âge ne laisse pas indifférent et, en plus, elle entretint des liens étroits avec Laval. Je me suis donc intéressé de près à ses origines un peu arrangées par Arthur de La Borderie et à ses deux prieurés particulièrement bien documentés. Pour les autres villes, il faut plutôt parler de sollicitations et mes publications, en ce domaine, à part quelques exceptions, appartiennent au domaine des synthèses de vulgarisation pour un public intéressé, d’ailleurs dans les trois cas cités : Rennes, Vitré et Redon, j’ai écrit des chapitres sur la fin du Moyen Âge, période un peu à l’écart de mes recherches habituelles.
41La codirection de l’histoire de Vitré vint pour la célébration du Millénaire, j’avais vécu quinze ans dans cette ville où je connaissais beaucoup de monde et je répondis à la demande du maire, m’occupant ensuite aussi du colloque sur les villes castrales voulu et dirigé par André Chédeville qui, malheureusement, tomba gravement malade et épuisa ses dernières forces dans la publication des actes. Pour Redon, ce fut une association avec mon collègue Georges Provost sollicité par les Redonnais et qui cherchait un médiéviste pour l’accompagner dans cette aventure. La difficulté n’était pas mince car, si pour Vitré nous disposions d’assez bonnes études locales et même un peu plus, pour Redon, il y avait fort peu de choses, même pas une histoire de l’abbaye ! Nous réussîmes quand même à réunir un colloque centré sur les points forts de l’histoire de la ville et à publier aux Presses universitaires de Rennes un très beau livre richement illustré grâce à l’aide d’une société savante locale.
42Ces villes illustrent des cas fort différents. Laval au xiiie siècle devient une petite ville très modeste et Vitré lui ressemble beaucoup. Les deux bourgades acquièrent progressivement des caractères, urbains particulièrement par le développement de bourgs multiples, et les deux villes profiteront de la présence de grandes familles seigneuriales qui s’uniront d’ailleurs, leur donnant une puissance indubitable. Pour Redon, nous avons suivi le cas, pas si fréquent, de la naissance d’une ville engendrée par une abbaye : Saint-Sauveur, et qui a pu s’appuyer sur son trafic portuaire. Rennes, bien sûr, présente une autre dimension.
43Sauf pour cette dernière, ancienne cité gallo-romaine, globalement on retrouve le même type de croissance basée sur le développement de multiples bourgs laïcs et religieux, formant progressivement une réunion de différents noyaux. Vers la fin xiie siècle et surtout au xiiie siècle, se précise une véritable identité urbaine, cependant, la campagne continue longtemps à pénétrer ce que l’on peut commencer à appeler une ville grâce à ses fonctions politiques, judiciaires, commerciales et à la présence d’institutions religieuses multiples. Finalement, cela ne diffère guère de bien des régions françaises.
44— Votre terrain d’étude a aussi été votre terrain de vie, d’un côté la Mayenne et le (Bas-)Maine39, de l’autre la Bretagne40, la zone des marches41. Vous avez travaillé sur plusieurs régions, outre les précédentes, il y a aussi l’Anjou et la Normandie42, et vous faites des marges et des confins43 un centre. D’ailleurs, le titre d’un de vos articles pourrait convenir à votre parcours : un historien « entre Normandie, Bretagne et Maine44 ». Dans ce cadre, quelle place la notion de frontière occupe-t-elle ?
45— Originaire du Bas-Maine, je ne me suis guère éloigné. Ma vie professionnelle et ma vie tout court se sont déroulées en Bretagne entre Vitré et Rennes. Cette assise spatiale, en ce qui concerne mes recherches, m’a permis une forte familiarité avec la région, ce qui constitue un atout évident. Si mes travaux ont commencé par une thèse sur le Bas-Maine, je ne pouvais demeurer le « spécialiste » de ce petit espace et, très vite, mes enquêtes sur l’habitat ou le paysage m’ont conduit à élargir le champ d’action mais, avec une certaine logique, vers l’Anjou et la Haute Bretagne, cet Ouest intérieur m’apparut vite comme un territoire assez homogène qui pouvait se définir par nombre de caractères communs dans les domaines aussi bien de l’habitat que des pratiques agricoles, tout comme dans l’organisation sociale ou la seigneurie, sans parler des sources. L’importance des fonds d’archives qui éclairent cet espace ajoute encore à ce choix raisonné. La Normandie demeure à part à bien des égards, tout comme la Basse Bretagne, si bien, qu’en gros, cette région retenue se rapproche finalement de l’Ouest d’André Siegfried que j’avais lu avec intérêt et non sans profit45.
46Il y a quelques décennies, cet Ouest demeurait quelque peu en déshérence, des travaux l’illustraient mais ils n’envisageaient que des espaces restreints, comtés ou duchés. D’ailleurs, en tant que tel, l’Ouest ne retenait guère l’attention des médiévistes qui, en général, opposaient plutôt le nord et le sud du royaume, c’était une périphérie en ce domaine ! Puis dans les années 90 du xxe siècle, il s’est révélé au fil des publications, en particulier celles de Dominique Barthélemy dont l’étude sur le Vendômois dépassait largement le cadre de cet étroit espace par la qualité de ses considérations. Il mettait en particulier en évidence la richesse de la documentation tant en nombre qu’en qualité, soulignant l’intérêt de la mutation documentaire qui vit apparaître les notices narratives si riches de détails46. Il développa et approfondit cet aspect en étendant son enquête aux pays ligériens.
47Le développement d’études sur cet ensemble occidental qui se dessinait devenait possible et utile. Mon but n’était guère l’étude politique des comtés et duchés, ce qui avait été souvent fait et fort bien, mais plutôt d’envisager le champ des mondes ruraux et villageois qui révélait une unité certaine avec, bien sûr, les variantes à prévoir dans une zone étendue. Dans ce cadre, les frontières politiques n’affichent qu’une existence toute relative. Non seulement elles peuvent évoluer mais en tant que limites leur rôle est à nuancer. D’ailleurs, elles peuvent demeurer floues, incorporer des espaces au statut complexe et être enjambées par de nombreux phénomènes. Ce rôle politique a été étudié par René Cintré surtout pour la fin du Moyen Âge mais la thèse de Jean-Claude Meuret a bien démontré que, de part et d’autre de la frontière Bretagne/Anjou les réalités demeuraient les mêmes, pour le paysage ou la seigneurie et que les mêmes familles aristocratiques y prospéraient d’un côté comme de l’autre47.
48Toutes ces régions ne constituent pas une périphérie globale, si elles ont pu l’être pour le royaume un moment, ce ne fut pas général et cela peut même être discuté. Les principautés, par contre, eurent leur zone centrale et leur périphérie. Incontestablement, le Bas-Maine demeurait très à l’écart d’un pouvoir comtal assez faible et ce n’est pas un hasard si les Mayenne et les Laval figuraient parmi les plus puissants seigneurs du Maine et ont pu développer à leur guise de multiples alliances avec l’Anjou ou la Normandie. La catégorie de faits que j’ai pu étudier s’inscrit éventuellement dans cette diversité et en incorpore les conséquences.
49Finalement, une unité réelle se retrouve dans la documentation particulièrement homogène qui n’est que la conséquence de l’irrigation de toute la zone par les abbayes ligériennes : Saint-Florent de Saumur, Marmoutier, Saint-Aubin et Saint-Serge d’Angers et, dans une moindre mesure, les abbayes mancelles.
50— Quelle est la part du hasard en histoire ? On pense par exemple à la redécouverte du manuscrit de la Vilaine48, ou aux fouilles, telles celles de Bréal-sous-Vitré49. Quand on se rend aux archives on sait ce que l’on peut trouver, mais on n’est jamais à l’abri d’une découverte… Avez-vous un exemple d’une mise au jour d’un document exceptionnel qui vous a marqué ?
51— L’historien qui se lance dans une recherche programme son travail et détermine les sources qu’il va consulter et exploiter, c’est la démarche classique. Le médiéviste sait globalement ce qu’il va trouver dans un cartulaire mais, dans le détail, certaines notices apportent leur lot de surprises, tout comme un graphique pollinique ou une miniature. Nombre de chartes m’ont apporté de l’inattendu et ont pu même remettre en cause des hypothèses qui semblaient bien établies. Votre question envisage le hasard de la découverte de documents exceptionnels mais la réponse demeure du même ordre, la surprise se révélant, dans ce cas, plus grande.
52Il faut transformer le hasard en opportunité et l’introduire dans le champ de la recherche qui peut, éventuellement, en être transformée. Vous évoquez Bréal-sous-Vitré, cette étude ne relève pas vraiment du hasard mais plutôt d’une recherche aux aguets. La découverte archéologique d’une nécropole était mentionnée en deux lignes dans une note infrapaginale d’un bon mémoire de maîtrise. Après s’est enclenché un processus pour en savoir plus, à savoir prendre contact avec les archéologues et lire leur rapport. Le hasard, s’il y en a un, c’est que ce modeste village nous livrait une nécropole remontant au haut Moyen Âge et possédait une documentation écrite qui pouvait être associée à l’interprétation de la fouille.
53Le cas du manuscrit de la Vilaine est plus emblématique. Ce magnifique document « cartographique » a été ressorti des rayons de la Bibliothèque nationale et, malgré un bel article publié il y a longtemps, était parfaitement oublié. Sans doute parce que son utilité ne sautait pas aux yeux, il restait un objet d’art et non un document historique, l’utilisation de ce genre d’images par les historiens demeurait largement à faire. Retrouver le document « par hasard » n’est donc pas le seul aspect, il faut en saisir l’opportunité, c’est-à-dire lui donner le statut de source à part entière et dans ce cas précis de source privilégiée. En effet, dans la mesure où l’on a pu établir son degré de fiabilité par rapport au réel, ce qui n’est pas évident au départ, il devient une source exceptionnelle pour l’aménagement de la rivière ou la restitution du paysage rural comme urbain. L’image représentant Rennes a pu orner la jaquette de l’Histoire de Rennes50, son analyse permet de distinguer l’idéologie qui la met en valeur d’une réalité matérielle décrite et particulièrement intéressante. Un peu de la même manière, mais avec une importance moindre, mes recherches pour l’illustration de l’Histoire de Redon, m’ont conduit à découvrir sur Internet, une magnifique bible enluminée du xie siècle réalisée pour l’abbaye de Saint-Sauveur par l’atelier du Mont-Saint-Michel et conservée dans le fonds de la Sauve Majeure à Bordeaux. La diffusion d’Internet épaule alors sérieusement le hasard !
54J’ai été un peu associé à une autre découverte où le hasard a joué son rôle. En 2014, au couvent des Jacobins de Rennes, a été sorti en dernier un cercueil de plomb, on connaît la suite. Le corps, exceptionnellement bien conservé de celle que l’on allait identifier comme Louise de Quengo, a fait l’objet d’une forte réactivité de la part de l’archéologue responsable, Rozenn Colleter, qui a su saisir une belle opportunité. On a, sans doute, par le passé, retrouvé des cas identiques mais qui se sont décomposés ensuite dans l’indifférence. La décision de transporter le corps rapidement pour analyse à Toulouse a permis une enquête novatrice et très riche de résultats. Il ne s’agit pas tant de hasard, cependant bien réel, que de savoir saisir une occasion offerte par les circonstances.
55Au-delà, de la découverte de documents « par hasard », on pourrait s’interroger, mais c’est un tout autre débat et qui nous conduirait loin dans l’épistémologie, sur la part à accorder au hasard dans l’interprétation historique. La question intervient à tout moment dans notre travail, hasard vrai ou simple ignorance de l’emboîtement des faits ?
56— Finalement, quel serait « votre » Moyen Âge ? Les titres de vos publications orientent en direction du Moyen Âge central, les xie-xiiie siècles, mais vos cours et le détail de vos publications suggéraient un « autre » Moyen Âge ?
57— Cette dernière question était évidemment prévisible, d’autant plus qu’il m’est arrivé de me la poser à moi-même, qu’est-ce qu’être médiéviste ? Pour quel Moyen Âge ? La réponse ne peut être d’un bloc et se confond avec ma propre évolution. Jeune étudiant, j’ai choisi cette période de spécialité, par goût, sans aucun doute, mais les motivations étaient complexes. L’histoire médiévale, dans les années 1960 rayonnait très largement, dominée par deux personnalités très fortes et brillantes : Georges Duby et Jacques Le Goff dont les œuvres s’imposaient. À cela s’ajouta, à Rennes, l’influence majeure d’un professeur, André Chédeville, qui assura un cours passionnant l’année de ma Licence. Il terminait sa thèse d’État et revoyait avec nous des textes difficiles qui lui posaient problème. Il nous plaçait face à la difficulté du commentaire de ces contrats agraires, et développait ses solutions qu’il n’avait pas toujours, et non sans un humour que ceux qui l’ont connu ont pu apprécier.
58Une maîtrise sur les cartulaires manceaux de l’abbaye de Savigny s’ensuivit puis une thèse sur le Bas-Maine, réduction d’une thèse d’État initialement consacrée au vaste Maine. Au départ, les deux volumes de Georges Duby : L’économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval51 constituaient une véritable bible puis, plus tard, les puissants livres de Robert Fossier m’ont beaucoup éclairé.
59Le Moyen Âge central est devenu ma période de prédilection, c’est certain, mais je n’ai jamais voulu (ou pu ?) me spécialiser à outrance, j’ai besoin d’une vision plus large. D’ailleurs, je suis sorti, et je sors encore souvent de ces limites, par nécessité mais aussi parce qu’aujourd’hui la médiévistique tend à voir le temps médiéval autrement. Le haut Moyen Âge a pris une importance et une complexité qu’il n’avait pas il y a quelques décennies et, par exemple, il n’est pas question de se pencher sur l’organisation du village sans aller voir ces siècles qui deviennent progressivement moins obscurs. Ce n’est aucunement par hasard que Florian Mazel a réuni un groupe pour éditer et traduire les Actus des évêques du Mans, je me suis joins à cette équipe et je crois que la réédition moderne de ce texte carolingien, important et jusqu’ici marginalisé, sera, toute proportion gardée, un évènement. Inversement, l’étude du bocage comme celle des villes ou celle des manuscrits enluminés m’a conduit vers la fin du Moyen Âge. Avec du recul, cette période lointaine et par certains côtés, exotique, avec les questionnements qui sont les nôtres, demeure au cœur de notre héritage et de nos préoccupations qu’il peut éclairer.
60Plusieurs centres d’intérêt constituent mon Moyen Âge, fruit d’interrogations et de sollicitations diverses mais que je juge nécessaires pour ne pas me fixer sur une vision trop spécialisée et finalement un peu étroite. Si l’histoire rurale est au cœur de mes préoccupations, je ne me suis aucunement arrêté à elle. Cela ne m’empêche pas, bien au contraire, de me tenir au courant des recherches récentes qui foisonnent sur les thèmes les plus divers et offrent l’image d’une période où la recherche s’affirme bien vivante et, dans cet éclatement, une vision unifiée comme celle exposée dans la Nouvelle histoire du Moyen Âge publiée sous la direction de Florian Mazel est la bienvenue et nourrit la réflexion52. L’originalité de son découpage et de certaines approches séduit et oblige à des remises en cause salutaires.
61Par ailleurs, je n’oublie pas que je suis historien et que pour une bonne part j’ai consacré ma carrière à enseigner d’autres époques, dont la contemporaine très largement au lycée, et elle reste pour moi un centre d’intérêt majeur. Je ne tiens pas à m’enfermer dans le Moyen Âge et je me suis aventuré dans l’art des tranchées, à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, dans l’histoire de la dynastie des Descartes à Rennes ou encore dans celle de Louise de Quengo déjà évoquée53. Au-delà de cette diversité de sujets, je demeure soucieux d’une réflexion sur ce qu’est l’histoire et je regrette un peu les années 1970 qui virent fleurir toute une série de livres inaugurée par le célèbre Comment on écrit l’histoire de Paul Veyne54. Il y en eut beaucoup, certains seulement techniques, d’autres beaucoup plus épistémologiques, voire philosophiques. Pour ma part, j’ai eu la chance d’être marié pendant quarante-deux ans à une philosophe et je sais tout ce qu’elle m’a apporté en ce domaine par la richesse et la rigueur de sa pensée, grâce lui en soit rendue.
62La retraite m’a quand même donné du temps et la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine m’a offert une ouverture sur des sujets insoupçonnés. Elle m’a permis d’investir tout un pan d’histoire locale qui peut déboucher sur des problèmes plus larges ; les sociétés savantes contribuent plus qu’on ne pense à la construction de l’Histoire, les chercheurs d’ailleurs ne s’y trompent pas et ne sont pas les derniers à lire leurs bulletins.
63Mon Moyen Âge se montre un peu déroutant, peut-être, mais l’Histoire fut et demeure une passion que j’ai eu la chance de concilier avec un métier où la recherche s’enrichit des liens humains qui se déploient dans l’exercice de l’enseignement.
Notes de bas de page
1Pichot Daniel, « Les cartulaires manceaux de l’abbaye de Savigny. Essai d’étude économique et sociale », Revue de l’Avranchin et du pays de Granville, vol. 53, 1976, p. 61-103 et 202-265 et Pichot Daniel, « Les archives, outil efficace et moderne », Historiens et Géographes, no 318, mars-avril 1988, p. 319-327.
2Pichot Daniel, « L’occupation du sol en pays bocager, sources textuelles et cartographiques dans le Bas-Maine (xe-xiiie siècle) », Enquêtes rurales, vol. 4, 1998, p. 5-27 ; Pichot Daniel, « Images du paysage : les bords de la Vilaine au xvie siècle », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne [désormais : MSHAB], t. 78, 2000, p. 261-283 ; Pichot Daniel, « Le médiéviste et les images, calendrier, société, travail », Atala, vol. 3, 2000, p. 49-70.
3Pichot Daniel, Le village éclaté. Habitat et société dans les campagnes de l’Ouest au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002 (publication d’une Habilitation à diriger des recherches soutenue en 1999) ; Colleter Rozenn, Jean Stéphane, Le Boulanger Françoise et Pichot Daniel, « Bréal-sous-Vitré (Ille-et-Vilaine) : du cimetière du haut Moyen Âge à la paroisse. Histoire et archéologie », MSHAB, t. 84, 2006, p. 531-556 ; Colleter Rozenn, Le Boulanger Françoise et Pichot Daniel, Église, cimetière et paroissiens. Bréal-sous-Vitré (Ille-et-Vilaine), étude historique, archéologique et anthropologique (viie-xviiie siècle), Paris, Errance, 2012.
4Zadora-Rio Élisabeth, « Le village des historiens et le village des archéologues », dans Élisabeth Mornet (dir.), Campagnes médiévales : l’homme et son espace. Études offertes à Robert Fossier, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995, p. 145-153.
5Marguerie Dominique et al., « Bocages armoricains et sociétés, genèse, évolution et interactions », dans Tatiana Muxart, Vivien Franck-Dominique, Bruno Villalba et Joëlle Burnouf (dir.), Des milieux et des hommes. Fragments d’histoires croisées, Paris, Elsevier Masson, 2003, p. 115-131.
6Colleter Rozenn, Le Boulanger Françoise et Pichot Daniel, Église, cimetière et paroissiens…, op. cit.
7Colleter Rozenn, Pichot Daniel et Crubezy Éric (dir.), Louise de Quengo. Une Bretonne du xviie siècle. Archéologie, Anthropologie, Histoire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2021.
8Pichot Daniel, « Les cartulaires manceaux de l’abbaye de Savigny… », art. cité.
9Pichot Daniel, « Sainte-Marie de Vitré (xie-xiie siècle) : du collège de chanoines au prieuré », dans Jean-Christophe Cassard, Pierre-Yves Lambert et Bertrand Yeurc’h (dir.), Mélanges offerts au professeur Bernard Merdrignac, 2013, Britannia Monastica, no 17, Landévennec, p. 261-274 ; Pichot Daniel, « La fondation du prieuré Sainte-Croix de Vitré (1064/1070 ?-1076) », dans Yves Coativy, Alain Gallicé, Laurent Héry et Dominique Le Page (dir.), Sainteté, pouvoirs, cultures et aventures océanes en Bretagne(s) [ve-xxe siècle], Mélanges en l’honneur de Jean-Christophe Cassard, Morlaix, Skol Vreizh, 2014, p. 269-278 ; Pichot Daniel, « Saint-Broladre : un prieuré breton de l’abbaye du Mont-Saint-Michel », Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-Vilaine [désormais : BMSAHIV], t. 123, 2019, p. 61-83.
10Avec Mazel Florian (dir.), Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [désormais : ABPO], t. 113-3, « Prieurés et sociétés au Moyen Âge », 2006 ; et Mazel Florian, « Les prieurés bretons de Marmoutier (xie-xiie siècle) », ABPO, vol. 119-3, « Les abbayes martiniennes », Judic Bruno (dir.), 2012, p. 153-175.
11Poilpré Pierre et Pichot Daniel, avec Ah-Thon Emmanuelle, Beuchet Laurent, Esnault Elen et Le Boulanger Françoise, « La forme du village en Haute-Bretagne : entre archéologie préventive et enquête historique, l’empreinte des moines ligériens », dans Olivier Passarrius et Aymat Catafau (dir.), L’archéologie au village. Le village et ses transformations, du Moyen Âge au premier cadastre, Carcassonne, Centre d’archéologie médiévale du Languedoc, 2020, p. 43-54 ; et Pichot Daniel et Poilpré Pierre, « Les moines ligériens et leur rôle dans l’organisation des villages en Haute-Bretagne au Moyen Âge. Archéologie et histoire », BMSAHIV, t. 126, 2022, p. 117-158.
12Pichot Daniel, « Vivre au cimetière (xie-xiiie siècles) », L’Oribus, no 13, 1984, p. 33-38.
13Lemaitre Jean-Loup (dir.), Prieurs et prieurés dans l’Occident médiéval, actes du colloque de Paris, 1984, Genève/ Paris, Droz/H. Champion, 1987.
14Le premier mémoire de maîtrise date de 1998 : Henot Aurélien, Les moines, le châtelain et les hommes. Le rôle politique et social des prieurés de Marmoutier près de Gahard et dans les seigneuries banales de Fougères et de Vitré (xie-xiiie siècle).
15Pichot Daniel et Mazel Florian (dir.), « Prieurés et sociétés au Moyen Âge », op. cit. ; Legros Sébastien, Moines et prieurés dans le Bas-Maine au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 (publication d’une thèse en histoire médiévale, sous la direction de Daniel Pichot, soutenue en 2007) ; Beaumon Jérôme, Entre Loire et Manche. Les prieurés des abbayes angevines et tourangelles en Haute-Bretagne (xie-xiiie siècle), 2 vol., thèse université Rennes 2, 2016.
16Pichot Daniel, « Laïcs et moines dans l’Ouest de la France : associations spirituelles et confraternités (xie-xiie siècles) », dans Marie-Madeleine de Cevins (dir.), en collaboration avec Caroline Galland, Le salut par procuration. Jalons pour une histoire des confraternités ou affiliations régulières, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2023, p. 23-40.
17Chapelot Jean et Fossier Robert, Le village et la maison au Moyen Âge, Bibliothèque d’archéologie, Paris, Hachette, 1980, 357 p.
18Fossier Robert, Enfance de l’Europe, aspects économiques et sociaux. vol. 1. L’homme et son espace, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio », 1982 ; Toubert Pierre, Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du ixe siècle à la fin du xiie siècle, Rome, École française de Rome, 1973.
19Bourin Monique, Villages et communautés villageoises en Bas-Languedoc (950-1350) : le cas du Biterrois, thèse en histoire médiévale, sous la direction de Robert Fossier, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 1979, 3 vol. (publiée en 1987 sous le titre : Villages médiévaux en Bas-Languedoc, Paris, L’Harmattan, 2 vol.).
20Pichot Daniel, « Encellulement et villages de l’ouest français (xie-xiiie siècle) », dans Catherine Laurent, Bernard Merdrignac et Daniel Pichot (dir.), Mondes de l’Ouest et villes du monde. Regards sur les sociétés médiévales. Mélanges en l’honneur d’André Chédeville, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998, p. 445-456.
21Pichot Daniel, « Encellulement et villages de l’Ouest français (xie-xiie siècle) », art. cité.
22Pichot Daniel, « Moulins et société dans le Bas-Maine, xe-xiie siècles », La Mayenne, Archéologie, Histoire, vol. 19, 1996, p. 38-53 ; et Pichot Daniel, « Le moulin et l’encellulement dans l’ouest français (xie-xiiie siècle) », dans Mireille Mousnier (dir.), Moulins et meuniers dans les campagnes européennes (ixe-xviiie siècle), Toulouse, Presses universitaires du Mirail, coll. « Flaran 21 », 2002, p. 110-129.
23Beuchet Laurent (dir.), ZAC du Champ des Buttes, Chasné-sur-Illet (Ille-et-Vilaine), rapport d’opération archéologique, Rennes/Cesson-Sévigné, Service régional de l’archéologie de Bretagne/Inrap Grand Ouest, 2016, 2 vol.
24Watteaux Magali, Le dynamisme de la planimétrie parcellaire et des réseaux routiers en Vendée méridionale. Études historiographiques et recherches archéogéographiques, thèse en archéologie et archéogéographie, sous la direction de Gérard Chouquer, université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2009.
25Pichot Daniel, « Vivre au cimetière (xie-xiiie siècles) », art. cité ; et Pichot Daniel, « Le cimetière, un espace pour les morts et les vivants », La Mayenne, Archéologie, Histoire, vol. 30, 2007, p. 84-89.
26Pichot Daniel, « Images du paysage… », art. cité ; Pichot Daniel, « Paysage et société féodale dans l’Ouest de la France », dans Annie Antoine et Dominique Marguerie (dir.), Bocages et sociétés, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 263-276 ; Pichot Daniel, « L’herbe et les hommes : prés et pâturages dans l’Ouest de la France », dans Francis Brumont (dir.), Prés et pâtures en Europe occidentale, Toulouse, Presses universitaires du Midi, coll. « Flaran 28 », 2008, p. 45-64.
27Pichot Daniel, « Défrichement et mise en valeur de la forêt de Mayenne (xie-xiiie siècle) », La Mayenne, Archéologie, Histoire, vol. 3, 1981, p. 255-269.
28Pichot Daniel, « L’occupation du sol en pays bocager », art. cité ; Marguerie Dominique et al., « Bocages armoricains et sociétés », art. cité.
29[Cours de la Vilaine de Redon à Rennes en vue cavalière], Bibliothèque nationale de France, département Cartes et plans, GE EE-146 (RES), les planches ont été éditées : Mauger Michel (dir.), En passant par la Vilaine. De Redon à Rennes en 1543, Rennes, Apogée, 1997.
30Par exemple, Watteaux Magali, « Sous le bocage, le parcellaire… », Études rurales, no 175-176, juillet-décembre 2005, p. 53-80.
31Pichot Daniel, « Des marais et des hommes : la basse Vilaine en 1543 », Revue du Nord, hors-série, coll. « Art et Archéologie », no 18, « Lisières, landes, marais et friches : les usages de l’inculte de l’Antiquité au xxie siècle », Beck Corinne, Guizard Fabrice, et Bodinier Bernard (dir.), 2012, p. 89-100.
32Meynier André, Les paysages agraires, Armand Colin, Paris, 1958.
33On en trouvera une synthèse dans Brunet Roger (dir.), Géographie universelle. t. 1. Mondes nouveaux, Belin, Reclus, 1990, où sont présentées les méthodes.
34Pichot Daniel, « Laval au xiiie siècle », L’Oribus, no 42, 1996, p. 2-42.
35Pichot Daniel, « Vitré, xe-xiiie siècle, naissance d’une ville », MSHAB, t. 84, 2006, p. 5-28 ; avec Lagier Valérie et Allain Gwénolé (dir.), Vitré, histoire et patrimoine d’une ville, Paris, Somogy éditions d’art, 2009 ; Pichot Daniel, « Vitré. Une ville et son château », dans André Chédeville et Daniel Pichot (dir.), Des villes à l’ombre des châteaux. Naissance et essor des agglomérations castrales en France au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 15-23.
36Pichot Daniel, « La naissance d’une capitale (v. 1300-v. 1550) », dans Gauthier Aubert, Alain Croix, Michel Denis et Jean-Yves Veillard (dir.), Histoire de Rennes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 66-87 (rééd. 2010) ; et Pichot Daniel, « Rennes en 1543, “Portrait” d’une ville », dans Augustin Pic et Georges Provost (dir.), Yves Mahyeuc (1462-1541). Rennes en Renaissance, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 267-282.
37Pichot Daniel et Provost Georges (dir.), Histoire de Redon. De l’abbaye à la ville, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015 ; et Pichot Daniel, « Le port de Redon à la fin du Moyen Âge », dans Frédérique Laget, Philippe Josserand et Brice Rabot (dir.), Entre horizons terrestres et marins. Sociétés, campagnes et littoraux de l’Ouest atlantique. Mélanges Jean-Luc Sarrazin, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 65-76.
38Chédeville André et Pichot Daniel, (dir.), Des villes à l’ombre des châteaux. Naissance et essor des agglomérations castrales en France au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 ; et Pichot Daniel, « Une enquête d’histoire urbaine. Les villes castrales en Bretagne au Moyen Âge », dans Pierre-Yves Laffont (dir.) et Pellerin Yvon (coll.), Les élites et leurs résidences en Bretagne au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 175-192.
39Pichot Daniel, « xie-xiie siècles : le temps des réformes », dans Guy-Marie dom Oury (dir.), Histoire religieuse du Maine, Chambray-lès-Tours, CLD, 1978, p. 59-82 ; Pichot Daniel, « Le Moyen Âge », dans Jacques Salbert (dir.), La Mayenne des origines à nos jours, Saint-Jean-d’Angély, Bordessoules, 1984, p. 97-171 ; Pichot Daniel, Le Bas-Maine, thèse de doctorat (1992), publiée (1995) : Pichot Daniel, Le Bas-Maine du xe au xiiie siècle. Étude d’une société, Laval, Société d’archéologie et d’histoire de la Mayenne.
40Pichot Daniel, « Un portrait d’historien : Pierre le Baud », dans Alain Gallicé et Chantal Reydellet (dir.), Talabardoneries ou échos d’archives offerts à Catherine Talabardon-Laurent, Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 2011, p. 115-128 et Pichot Daniel et Poilpré Pierre, « Les moines ligériens… », art. cité.
41Pichot Daniel, « Une ville des marches de Bretagne », dans Pichot Daniel et al. (dir.), Vitré, histoire et patrimoine d’une ville, op. cit., p. 12-16 ; et Pichot Daniel, « Bretagne/Maine : de la marche à la frontière entre Vitré et Laval (vie-xve siècle) », dans Michel Catala, Dominique Le Page et Jean-Claude Meuret (dir.), Frontières oubliées, frontières retrouvées. Marches et limites anciennes en France et en Europe, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 87-100.
42Pichot Daniel, « Les cartulaires manceaux de l’abbaye de Savigny… », art. cité.
43Pichot Daniel, « Villa, village, paroisse et seigneurie sur les confins du Maine et de la Bretagne (viiie-xiie siècles) », dans Dominique Barthélemy et Olivier Bruand (dir.), Les pouvoirs locaux dans la France du Centre et de l’Ouest (viiie-xie siècles). Implantation et moyens d’action, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 91-110.
44Pichot Daniel, « Savigny, une abbaye entre Normandie, Bretagne et Maine », dans Bernard Merdrignac et Joëlle Quaghebeur (dir.), Bretons et Normands au Moyen Âge. Rivalités, malentendus, convergences, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 241-261.
45Siegfried André, Tableau politique de la France de l’Ouest sous la troisième République, Paris, A. Colin, 1913.
46La Bretagne a alors bénéficié aussi d’un éclairage nouveau, grâce à une synthèse des travaux anciens dans Chédeville André et Tonnerre Noël-Yves, La Bretagne féodale (xie-xiiie siècle), Rennes Ouest-France, 1987. Citons encore Tonnerre Noël-Yves, Naissance de la Bretagne. Géographie historique et structures sociales de la Bretagne méridionale (Nantais et Vannetais) de la fin du viiie siècle à la fin du xiie siècle, Angers, Presses de l’université d’Angers, 1994 ; Barthélemy Dominique, La société dans le comté de Vendôme de l’an Mil au xive siècle, Paris, Fayard, 1993.
47Cintré René, Les marches de Bretagne au Moyen Âge, Pornichet, J.-M. Pierre, 1992 ; Meuret Jean-Claude, Peuplement, pouvoir et paysage sur la Marche Anjou-Bretagne des origines au Moyen Âge, La Mayenne, Archéologie, Histoire, supplément no 4, Laval, 1993.
48Pichot Daniel, « Des marais et des hommes… », art. cité ; Pichot Daniel, « Redon en 1543 », dans Daniel Pichot et Georges Provost (dir.), Histoire de Redon…, op. cit., p. 148-151.
49Colleter Rozenn et al., « Bréal-sous-Vitré (Ille-et-Vilaine)… », art. cité, et Colleter Rozenn et al., Église, cimetière et paroissiens…, op. cit.
50Aubert Gauthier et al. (dir.), Histoire de Rennes, op. cit.
51Duby Georges, L’économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval, Paris, Flammarion, 1962, 2 vol.
52Mazel Florian (dir.), Nouvelle histoire du Moyen Âge, Paris, Seuil, 2022.
53Pichot Daniel, « Les douilles d’obus décorées : “art des tranchées” et mémoire de la Grande Guerre », BMSAHIV, t. 119, 2015, p. 161-182 ; Pichot Daniel, « Joachim, René, Pierre et les autres : René Descartes en famille à Rennes et en Bretagne », BMSAHIV, t. 125, 2021, p. 111-151 ; Colleter Rozenn et al. (dir.), Louise de Quengo…, op. cit.
54Veyne Paul, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, 1971.
Auteurs
Université de Bretagne occidentale, CRBC (EA 4451/UMS 3554).
Julien Bachelier est PRAG.

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