Désigner les dépendances cisterciennes : exemple des abbayes possessionnées dans le Bas-Maine (xiie-xive siècles)
p. 265-280
Texte intégral
1« Les moines de notre Ordre doivent tirer leur subsistance du travail, de la culture des terres et de l’élevage des troupeaux… Pour exploiter, entretenir et maintenir tout cela en l’état, nous pouvons avoir, à proximité du monastère ou au loin des granges… » Cet extrait du Grand exorde de Cîteaux laisse entendre que l’originalité du système économique cistercien serait notamment matérialisée par l’existence de structures proprement nommées granges. Mais qu’est-ce qu’une grange ? Les dépendances cisterciennes sont-elles toutes des granges ? Le colloque organisé à Langonnet en octobre 2019 m’a donné l’occasion de travailler sur cette question de définition d’une dépendance cistercienne à partir de l’exemple de l’abbaye de Boquen1. Le postulat de départ était alors sans appel et est toujours valide à ce jour : les travaux sur les granges cisterciennes sont très nombreux et la recherche est stimulée depuis les années 1940-19502. Pour autant, rares sont ceux à s’être spécifiquement intéressés aux modes de désignations des dépendances cisterciennes. En somme, les chercheurs ont pris la commode habitude de nommer les dépendances par ce vocable sans même véritablement chercher à en préciser les cadres. Signalons cependant deux publications récentes : la première contribution à cette recherche est un article en hongrois que nous n’avons pu consulter pour des raisons linguistiques3. Le second, plus important pour nos travaux, est une recherche menée par Didier Panfili pour le Languedoc et la Gascogne4. Dans le cadre de cette contribution, je fais le choix de poursuivre ma réflexion initiale en l’étendant à cinq abbayes possessionnées dans le Bas-Maine (fig. 1) : le très modeste corpus documentaire de Clairmont fondée en 1150 au plus tard ne permettra pas de tirer seul des conclusions fiables. À l’inverse, Bellebranche dont la fondation suit de moins de deux ans, Savigny incorporée à l’ordre en 1147, sa fille Champagne qui sort de terre en 1188 et enfin Fontaine-Daniel, seul essaimage clairmontois vers 1200, ont toutes les quatre de beaux cartulaires ou chartriers qui permettent une étude relativement fiable basée sur quelque 2 000 chartes ou extraits de documents5.
Fig. 1. – Implantation des abbayes cisterciennes dans le Bas-Maine au Moyen Âge.

Conception J.-R. Ladurée, DAO M. Lallauret.
Rareté d’utilisation du terme et spatialisation seigneuriale
Une rareté du terme grangia en lien avec la modestie des temporels abbatiaux ?
2La consultation des sources à notre disposition pour les xiie-xiiie siècles permet d’abord de constater que le terme grangia est généralement peu usité (environ 2,13 % des actes le contiennent), ce qui amène plusieurs remarques. D’abord, une grange directement concernée par un acte est très rarement citée explicitement lors de la rédaction des documents, car les biens, quel que soit le mode de transmission, ne sont jamais directement vendus, donnés ou échangés aux granges, mais classiquement à l’abbaye et à ses occupants. Ainsi, la mention « Deo et abbacie beate Marie de… et monachis ibidem Deo servientibus » et ses nombreuses variantes représentent l’écrasante proportion de 79 % des actes de ce type en faveur de l’abbaye de Fontaine-Daniel et même plus de 90 % des mêmes documents pour celle de Champagne (fig. 2 et 3). La différence entre les deux abbayes se retrouve entre autres dans la taille de leurs temporels initiaux qui n’ont rien de commun. Fontaine-Daniel entre de plain-pied dans l’économie médiévale et détient par exemple un certain nombre de biens dans les principautés voisines à près de 200 km de son centre abbatial, alors que Champagne détient un patrimoine modeste et essentiellement haut-manceau. De nombreuses études ont déjà montré le lien étroit, mais non exclusif entre dotation initiale et constitution des premières granges6. Dans le cas des abbayes précitées, les logiques sont dissemblables : dès sa fondation, Fontaine-Daniel peut revendiquer la détention d’une demi-douzaine de dépendances de relative importance et certaines sont formellement désignées comme des granges, alors que l’abbaye de Champagne en détient au mieux une au moment de sa fondation confirmée en 1188. Les calendriers sont légèrement différents, l’importance des fondateurs et de leurs réseaux plus encore. Le rôle de l’abbaye-mère est significatif pour la première qui se voit notamment remettre dès sa fondation trois granges dans le Bas-Maine par l’abbaye de Clairmont, alors que l’implication savignacienne à Champagne n’est pas aussi remarquable. Le phénomène est similaire à Bellebranche : si la charte de fondation ou de confirmation n’est pas connue, il est possible de dresser un état du patrimoine de l’abbaye autour de 1230. Le système de granges ne semble pas véritablement y être développé. La cartographie du patrimoine apporte une image très similaire à celle déjà évoquée pour Champagne : un patrimoine relativement modeste, essentiellement concentré dans un rayon de vingt kilomètres, pouvant aller jusqu’à une quarantaine, limité au nord par Sillé-le-Guillaume, au sud par Angers. Le rayon des acquisitions vers l’est et l’ouest est encore plus réduit. Les quatre références au terme grangia dans la documentation de Bellebranche ne doivent pas tromper le chercheur : trois d’entre elles renvoient à une seule et même dépendance, la Sauvagère, ce qui sous-entend bien un statut particulier de ce lieu aux yeux des moines7. La confrontation des abbayes du corpus montre qu’un patrimoine foncier modeste reste relativement compact et localisé dans l’entourage de l’abbaye. Cette modestie a nécessairement influencé la fréquence d’utilisation du terme grangia, mais la situation savignacienne permet de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un facteur suffisant de compréhension.
Fig. 2.a. – Les granges de l’abbaye de Fontaine-Daniel au xiiie siècle.

Conception J.-R. Ladurée, DAO M. Lallauret.
Fig. 2.b. – Les granges de l’abbaye de Fontaine-Daniel au xiiie siècle.

Conception J.-R. Ladurée, DAO M. Lallauret.
Fig. 3. – Les dépendances de l’abbaye de Champagne dans les années 1230.

Conception J.-R. Ladurée, DAO M. Lallauret.
Des lieux qui peinent à devenir des référents spatiaux
3La faiblesse d’occurrence du terme grangia permet d’observer que les granges n’apparaissent pas comme des lieux essentiels à l’activité diplomatique des abbayes. Plus généralement, les dépendances cisterciennes, quelle que soit leur dénomination, sont rarement explicitement désignées comme des référentiels spatiaux. Mais, quand elles le sont, cela semble conférer un statut particulier à ces lieux. Tout d’abord, communément, on relève quelques désignations « in + nom de la dépendance » (47 % des occurrences) – citons pêle-mêle in Loheria en 1205 ou in Valle Juas en 1256 pour Fontaine-Daniel –, alors que l’expression « juxta + nom de la dépendance » apparait encore plus rarement (13 %) et que celle de « inter + lieu et + nom de la dépendance » n’a pu être relevée qu’une seule fois dans le frêle corpus de Clairmont8. Les locutions « versus + nom de lieu » et « apud + nom de lieu » restent elles aussi rarissimes. De plus, des différences se font jour entre les abbayes et, une nouvelle fois, la plus richement dotée dans le Bas-Maine se distingue des autres. C’est en effet pour les dépendances de Fontaine-Daniel que l’on relève l’essentiel des désignations « juxta + nom de lieu ». C’est le cas d’une charte datée de 1206 qui rappelle qu’un bien appartenant aux moines de Fontaine-Daniel est situé juxta Parcum ou encore dans une autre charte de 1256, un autre est situé « juxta manerium nostrorum de Valle Juas9 ». En 1210, un acte savignacien est dressé « apud grangiam nostram de Mereio in curia abbatis et monachis Savigneii10 ». À Champagne, Asnières est la seule dépendance qui a pu apparaitre comme référent spatial : en 1221, un journal de terre est donné à l’abbaye « propre granchiam monachorum de Asneriis ». En 1237, une autre terre est dite « versus grangiam de Asneriis11 ». Ces quelques exemples permettent d’observer que, dans la perception que se font les moines de leur espace environnant, ces dépendances ont pu apparaitre comme des éléments essentiels de propriété monastique12. En ce sens, Didier Panfili a raison d’affirmer qu’« il s’agit donc d’un pôle suffisamment marquant pour structurer le paysage mental de l’espace considéré13 ». Enfin, des granges peuvent également être repérées dans des listes de témoins, notamment grâce aux allusions de maitres de grange et de convers. Sans surprise, à Bellebranche, aucune allusion n’est faite à un convers expressément nommé, pas plus qu’à Champagne. À ce titre, une nouvelle fois encore, les plus richement dotées font plus régulièrement référence aux convers. De même, l’absence potentielle de maitre de grange à Champagne ou Bellebranche se comprend par la forte proximité des structures en question14. Il n’a pas été jugé nécessaire de créer un poste de ce type pour des domaines aussi peu étendus, souvent gérés directement depuis l’abbaye par le cellérier. L’on a ici clairement affaire à des entités majoritairement conçues comme des dépendances monastiques et non régulièrement comme des satellites du monastère.
Des dépendances liées aux origines ou aux développements des projets monastiques
La « grange de l’abbaye » aux origines du projet monastique ?
4Il existe donc un rapport étroit entre la constitution des premières granges et la dotation initiale : plus concrètement, l’acte de fondation ou de confirmation de chaque abbaye cistercienne incite à penser qu’elles disposaient déjà de leurs propres granges ou d’éléments permettant la constitution de la première d’entre elles, la « grange de l’abbaye ». Est-ce une exigence de démarrage ? Sans répondre de manière définitive, il semble qu’il s’agisse d’un critère essentiel, pour ne pas dire indispensable au bon démarrage de l’établissement et dans sa recherche d’une quasi-autosubsistance et d’une relative clôture. Qu’il soit réel ou spirituel, cet argument a pu jouer en faveur des abbayes au moment de la constitution de leur patrimoine d’origine et les moines ont su orienter la générosité de leurs bienfaiteurs en ce sens. L’installation des premières dépendances à proximité de l’abbaye permettait à celle-ci de s’ériger en un premier centre d’exploitation autour duquel les granges rayonnaient de manière plus ou moins réticulaire. Ainsi, lorsque le seigneur de Laval, confirme la fondation de l’abbaye de Clairmont, il rappelle qu’il y a parmi les biens donnés deux charruées de terre « in qua jam grangia sita est15 ». Il ne faut pas nécessairement considérer que la grange ait été fondée avant la création de l’abbaye, mais bien plutôt dans l’intervalle de deux ou trois années jusqu’à la confirmation officielle de celle-ci, et ce à partir des différents biens offerts par le fondateur, c’est-à-dire des terres, des forêts pour leurs animaux et pour la construction de bâtiments, un espace pour établir un étang (notamment pour le moulin de l’abbaye), un bourgeois et une maison à Olivet, ainsi que des droits particuliers sur une autre forêt. On est tenté d’y retrouver cette « communauté d’esprit » évoquée par Gilbert Larguier dans le cadre de son étude sur la grange de Fontcalvy, matérialisant le lien étroit entre le cœur de l’abbaye et la grange dite « de l’abbaye »16. Pourtant, la localisation de cette grange clairmontoise qui n’est jamais proprement dénommée pose de nombreuses difficultés. Deux sites potentiels peuvent correspondre, à moins qu’ils forment à l’origine une seule et unique exploitation : Les Fays et Brichardon. Le premier lieu n’est jamais cité comme grange dans la documentation. Pourtant, il apparait comme le site le mieux adapté à l’implantation d’une structure de ce type. Il s’agit de la ferme la plus proche de l’abbaye à moins de 500 m au nord. Cette grande proximité et son rapport direct et quotidien avec l’abbaye expliquent que ce lieu n’apparaisse jamais dans les chartes dont nous disposons, sauf à ce qu’il s’agisse d’un effet documentaire. On peut penser qu’ayant été donné dans sa totalité dès les premiers temps de l’abbaye, comme un élément attaché à celle-ci, il est normal qu’aucune autre donation ne s’y ajoute, ni qu’aucune contestation ne se fasse jour : cette grange faisant partie prenante de l’espace abbatial – elle n’a aucune existence seule –, cela reviendrait donc à contester l’existence même du centre abbatial. Les deux charruées de terres qui lui sont attachées, soit une surface s’étalant entre 40 et 80 ha, formeraient alors une bande très irrégulière entre l’abbaye et la grange avec l’étang dit de Clairmont comme accotement occidental et celui des Fays à l’est. Plus loin, la même charte se réfère à une terre et à un bois « juxta stagnum intra grangiam et abbatiam respicientem magnam forestam ab eadem foresta versus stagnum pendentem dedi Deo et fratribus Clarimontis ». Plus convaincant, l’abbaye est le centre d’une importante zone de défrichement radioconcentrique et la localisation des Fays tend à indiquer que ce site en est le lieu d’exploitation, autrement dit la grange la mieux située pour en assurer la mise en valeur. La seconde hypothèse, Brichardon, est quant à elle identifiée comme grange en 1194 lors d’une confirmation par Guy VI des diverses concessions de son prédécesseur17. Celle-ci apparait essentielle, au cœur d’une ellipse de défrichement plus vaste, mais plus éloignée de l’abbaye, à un peu plus de 1,5 km de celle-ci.
Des dépendances nées à la faveur du renforcement des patrimoines monastiques
5Une autre interrogation porte sur la question de la masse critique de biens et de droits qui pourraient être indispensables pour créer ou désigner un lieu en grange. Aussi est-il nécessaire de questionner la superficie des granges dépendantes des abbayes de notre corpus. Daniel Pichot, disposant d’un fonds documentaire conséquent d’une cinquantaine de chartes majoritairement du xiie siècle pour cette seule dépendance, affirme que la grange de Fayel, dans le diocèse de Rennes, et dépendante de Savigny, avait ses points éloignés de 5 km et que sa superficie devait dépasser les 250 à 300 ha18. On ne peut que supposer des étendues similaires pour les plus grandes granges retenues pour notre étude, car les actes dont nous disposons ne permettent aucunement de se faire une idée précise de ces granges aux frontières floues. L’établissement de listes des biens et revenus attachés aux abbayes de notre corpus dans les années 1790 permet néanmoins d’appuyer la pertinence des chiffres : la grange du Breil-Benoît dépendant de l’abbaye de Clairmont, située à seulement quelques kilomètres de celle de Fayel, domine nettement un espace qui peut être estimé à environ 340 ha, à savoir 5 métairies auxquelles sont attachés 247 ha de terres et de prés, un bois de 75 ha et une futaie de 18 ha19. L’exercice reste périlleux et ces données mériteraient d’être affinées. En effet, le même document permet d’estimer que la grange de Brichardon, située beaucoup plus près de l’abbaye que la précédente, s’étendrait quant à elle uniquement sur un peu plus de 106 ha, en terres et en prés, sans allusion au rattachement d’un bois ou d’une futaie. De même, la grange d’Asnières dépendant de Champagne couvre encore environ 63 ha à la fin du xviiie siècle, mais devait être certainement plus étendue au Moyen Âge20. Malgré l’incertitude, ces résultats confirment la taille variable des granges et que les plus petites sont régulièrement situées au plus près de l’abbaye21. Enfin, on peut également émettre l’hypothèse que le terroir des granges primitives a parfois pu être divisé en plusieurs granges. Ainsi, si l’on considère que la grange de Brichardon, qui apparait dans la documentation uniquement en 1194, n’est qu’une subdivision de celle des Fays située à la proximité immédiate de l’abbaye, le chiffre de 300 ha est alors grandement atteint. Doit-on y voir une valeur-type d’extension d’une grange cistercienne ? La question reste difficile à résoudre, même si la récurrence de cet ordre de grandeur est un indice probant et d’ailleurs, Charles Higounet démontre que la superficie de l’importante grange de Vaulerent devait être de 320 à 380 ha22.
La particularité des dépendances savignaciennes entre grange et prieuré (fig. 4)
Fig. 4. – Biens acquis par l’abbaye de Savigny dans le diocèse du Mans au début du xiiie siècle.

Conception J.-R. Ladurée, DAO S. Chollet.
6La rareté de l’emploi du terme grangia pour désigner les dépendances cisterciennes du Bas-Maine révèle l’absence d’un véritable modèle. La faiblesse du nombre d’occurrences de grangia pour une abbaye aussi bien dotée que Savigny pourrait surprendre. En pratique, cette variabilité terminologique résulte moins d’une hésitation en rapport avec une quelconque indétermination de l’institution de granges que d’adaptations et d’évolutions historiques propres à chaque établissement étudié. Lorsque l’on affine les recherches pour quelques dépendances, on observe que l’organisation de certaines d’entre elles ne se distingue pas – ou très peu – des prieurés bénédictins de la même époque. Force est de constater que dans son corpus manceau, Savigny sollicite avant tout les termes locum et terra. Certes, elle connaît le système des granges, mais elle détient également des prieurés. À Dampierre, les moines fondent d’abord une telle dépendance : créé entre 1119 et 1122 grâce à une donation d’Henri Ier Beauclerc, ce prieuré savignacien à la destinée particulière comporte les éléments caractéristiques d’une dépendance bénédictine classique, à savoir une maison d’habitation pour des moines, une chapelle, un cimetière et l’installation d’une population dans son entourage immédiat23. Mais, l’impression laissée par la documentation est que durant le xiie, ou au plus tard au xiiie siècle, ce lieu se réduit de plus en plus à une simple grange de type cistercien. À l’inverse, le manoir de la Gandonnière permet de bien comprendre l’organisation même d’une dépendance savignacienne. Le domaine est déjà aux mains des moines en 1174 lorsque Guérin de Saint-Berthevin leur en confirme la propriété : près d’une dizaine d’arpents de vignes, un campum, un pré, cinq autres arpents de terre, le droit de détenir un pressoir et la métairie de Grenoux sont autant d’éléments patiemment acquis par parties. Ajoutons que le manoir compte de nombreux bâtiments, le tout exploité par des convers24. Enfin, en 1237, Eude de Saint-Berthevin clôt le cycle de donation en permettant à l’abbaye d’installer en ce lieu une grange et une aire où seront rassemblées les dîmes. Selon Daniel Pichot, le système employé par l’abbaye normande était similaire à celui des Cisterciens, mais plus large. Nous pousserions nos conclusions plus loin encore : finalement, il n’y a pas toujours de véritables différences avec les dépendances bénédictines. Dans les faits, l’organisation des dépendances connaît quelques accommodements par rapport à ce que les premiers Cisterciens pouvaient en attendre. À ce titre, une dépendance comme Réville, aux mains de Fontaine-Daniel, ne se distingue en rien d’une maison bénédictine ou strictement savignacienne. La détention du droit de patronage sur l’église de Saint-Aubin de Pesnel en est l’élément le plus révélateur, comme la très importante distance séparant ce lieu du centre abbatial. La construction de chapelles et la détention d’église autour des granges cisterciennes évitaient aux convers de devoir se rendre à l’abbaye pour la messe dominicale. Ce qui est une tolérance au moment où le patronage de Saint-Aubin est donné à Fontaine-Daniel devient une autorisation officielle de l’ordre à compter de 1255. Que le nombre d’édifices détenus par les moines n’ait pas pour autant augmenté tend à démontrer qu’il ne s’agit que d’ajustements par rapport à la règle et non d’une volonté délibérée de pervertir les principes initiaux.
7Enfin, les origines proprement érémitiques de la fondation savignacienne ont des conséquences sur le statut de ses dépendances, comme le montre clairement l’exemple de Pontpierre. Le phénomène a été parfaitement perçu par Jean-Claude Meuret dans sa dernière étude sur le rapport entre érémitisme et frontière25. Assez rapidement après la fondation de l’abbaye de Savigny, Vital acquiert bois et terres en ce lieu situé à moins d’une dizaine de kilomètres. En 1114, Gautier offre à l’abbaye un bois situé sur la commune actuelle de Désertines26. D’autres donations entre 1114 et 1120 permettent l’acquisition de terres voisines à Fougerolles et La Dorée27. Les moines font alors construire une chaussée et un étang, avec pour conséquence de mettre en eau des terres situées en amont. Celles d’un certain Foucois Carbonel sont alors inondées. Rapidement, l’accord passé avec cet homme entraine les contestations d’un ermite nommé Renaud qui prétend détenir des droits à Pontpierre. Vital le dédommage en lui remettant un cheval noir de 20 sols28. Cet étang est un élément essentiel à la fondation de la future dépendance. Ainsi, en 1220, un probable descendant de Foucois, nommé Guillaume Charbonel, abandonne à son tour autant de terre que l’eau de l’étang de Pontpierre pourra recouvrir et en échange, les moines rehaussent la chaussée évoquée plus haut. Huit ans plus tard, un autre acte confirme l’existence d’une chapelle à Pontpierre. Un dernier daté de 1250 fait allusion au travail des moines comme à la possibilité d’envoyer des colons29. Finalement, population paysanne, chapelle et cimetière s’apparentent davantage à une protoparoisse, qu’à une simple grange.
La multiplicité des termes employés pour désigner les dépendances bas-mancelles
La polysémie du terme grangia
8La recension des occurrences de grangia dans les documents du corpus d’étude doit se faire prudemment, car il est nécessaire de s’interroger si le terme est utilisé ou non au sens de dépendance cistercienne30. Daniel Pichot a judicieusement repris l’inventaire du manerium de la Gandonnière qui liste des terres et des bâtiments, à savoir domos et grangias. À Chémeré, en 1209, le seigneur Yves Le Franc remet aux moines de Bellebranche d’importantes possessions dont un pressoir, une maison et une grange31. En 1431, un autre acte rappelle que les blés de grande dîme se ramassaient dans la grange des moines. Nul doute que dans les deux cas, grangia ne renvoie pas à une exploitation agricole, mais bien à un bâtiment de stockage. Pour Chémeré, l’importance des biens donnée à l’abbaye laisse envisager une tentative avortée de faire de ce lieu une grange au sens cistercien du terme, et l’échec s’explique par le voisinage d’un prieuré de l’abbaye bénédictine d’Évron. À l’inverse, impossible de mésinterpréter d’autres cas telle la Sauvagère en Saint-Denis d’Orques, car plusieurs actes datés de 1236 confirment qu’il s’agit bien d’une grange au sens cistercien : dans un premier temps, Raoul VIII de Beaumont donne aux moines de Bellebranche le droit de bois mort « ad usus proprius grangie », mais également celui de panage et de litière par toute la Charnie. Cet acte confirme que la grange existe déjà ou est en cours de constitution. Pourtant, par un acte de la même année, les moines vendent aux Chartreux du Parc tout ce qu’ils tenaient, à savoir « grangia de Sauvageria cum molendino et terris, nemoribus et omnibus pertinentibus ». Le même Raoul confirme finalement par un 3e acte la vente de cette grange32. Une fois encore, c’est la contiguïté d’une autre abbaye qui explique la cession de cette grange, car les Chartreux du Parc se constituent un patrimoine important dans cette zone en acquérant au même moment des biens auprès d’abbayes comme celle d’Évron33.
Le recours à des vocables non spécifiquement cisterciens
9Lorsque les dépendances cisterciennes ne sont pas désignées par le terme grangia, il est important d’analyser les autres termes employés. Chacun de ces termes exprime-t-il des particularités ? Tout d’abord, ce sont des métairies qui ont régulièrement des allures de granges : c’est le cas de la medietaria des Burons donnée avec son hébergement aux religieux de Fontaine-Daniel par Geoffroy d’Arquenay en 121634 ; de son côté, Champagne en reçoit onze. Ainsi, Asnières qui est l’une des deux seules dépendances d’importance de cette abbaye est qualifiée de grangia dans les années 1230 et dans un autre acte de medietaria35. Parfois, ces dépendances sont décrites par la présence d’un herbergamentum. Cet hébergement permet de comprendre comment ces territoires ont pu former des relais abbatiaux sans avoir toujours été érigés en granges. Là encore, il s’agit d’un terme qui n’a rien de proprement cistercien et qui se retrouve régulièrement par ailleurs. C’est un marqueur matériel et humain qui sous-entend que le lieu ainsi désigné accueille des moines ou des convers ou plus largement des hommes, à l’instar des termes monasterium ou locus pour lesquels on dispose de belles études chez les Bénédictins36. En optant pour le terme herbergamentum, un auteur rappelle en effet que l’on a affaire à un lieu de vie, de travail et d’accueil. Près de Châteauneuf-sur-Sarthe, à Tinoil, seule dépendance de Bellebranche avec une certaine importance et où la vigne semble tenir une place essentielle, l’herbergamentum est le lieu de résidence d’un moine notamment chargé de recueillir des redevances et des droits au plus tard au début du xive siècle. Ainsi, selon Daniel Pichot, ce terme renvoie à « la résidence quel que soit le statut du tenant ou le mode de faire-valoir des terres dont elle est le centre »37. Les remarques du chercheur confirment les conclusions d’André Chédeville pour le Perche et la Beauce qui rappellent que si ce terme sert finalement à désigner toutes les exploitations, à la fin du xiie siècle il est avant tout utilisé pour nommer un établissement notable dans le paysage local au travers de haies ou de fossés38. C’est ainsi qu’à deux reprises, le lieu de Champeux, appartenant d’abord aux moines de Clairmont, puis à ceux de Fontaine-Daniel est désigné par ce terme du début du xiiie siècle, alors qu’au même moment d’autres actes les désignent plus clairement comme une grangia39.
10Ensuite, ce sont des manoirs qui sont parfois constitués en centres d’exploitation. Le terme apparait alors clairement synonyme de grange, voire désignerait plus précisément un domaine avec résidence, formant le centre d’une seigneurie. Daniel Pichot considère que manerium est rarement utilisé pour désigner un domaine monastique et y voit une relative particularité laïque40. Sans contredire cette assertion, il convient cependant de distinguer deux structures du corpus : Fontaine-Daniel et Savigny. Ainsi, le manerium de Gandie, près d’Ernée est offert en 1248 à l’abbaye et les moines de Fontaine-Daniel disposent également de trois dépendances de ce type en Normandie. L’acte de confirmation de l’abbaye indique que Juhel de Mayenne cède aux moines ses manoirs de Réville, Montchamp et Fontenay-le-Pesnel. Mais, en 1207, il souhaite augmenter sa dotation initiale et offre l’universalité de ce qu’il possédait dans ces trois lieux. En moins de trois ans, les manoirs normands de l’abbaye de Fontaine-Daniel sont donc finalement constitués. De même, certaines dépendances savignaciennes sont également désignées par ce terme de manerium41. Ainsi, en règlement du conflit qui les oppose à Fontaine-Daniel, en 1250, les moines de Savigny se voient reconnaitre le droit d’installer des manoirs dans le tènement de Gaudin de Brée, mais l’acte précise qu’il ne leur est pas permis d’y faire résider un homme portant l’habit monastique ni d’y avoir d’animaux en dehors d’un troupeau de porcs. Il n’est pas aisé de voir dans ces manoirs une structure équivalente à une grange-type. Ailleurs, la dépendance de la Gandonnière est successivement désignée par les termes ou expressions : clausum, domum monachorum, locum ou terra. L’histoire des deux abbayes permet de comprendre qu’à compter du xiiie siècle, le terme manerium concurrence celui d’herbergamentum très probablement sous influence normande pour désigner « une grosse exploitation isolée, mais il n’est pas aisé d’élucider la différence entre les deux termes manoir et grange juxtaposés dans la même formule42 ». Ainsi, pour chaque occurrence du corpus, le manoir donné est ainsi désigné d’abord pas son généreux donateur. Contrairement à la grange, je pense que le manoir reste donc avant tout un bien d’origine laïque qui a pu, au fil des donations, passer en des mains ecclésiastiques, notamment cisterciennes.
11Enfin, un terme est aussi parfois employé : tenementum. Que penser du lieu de la Grinhardière en Saint-Georges-Buttavent à seulement quelques kilomètres de Fontaine-Daniel ? Vers 1200, ce lieu qualifié de tenementum est donné aux moines par Pierre de Villeray, puis moins de sept ans plus tard, Juhel de Mayenne entame une politique de rachat de tout ce qu’Hubert d’Andouillé pouvait encore posséder en ce lieu afin d’en céder le contenu aux Cisterciens43. On assiste incontestablement à la constitution progressive d’une dépendance relativement importante de l’abbaye, ce qui révèle la volonté des religieux de se constituer de véritables ensembles cohérents pour l’exploitation de leur domaine. Pour autant, le lieu n’est jamais désigné par grangia. L’acte visé n’a rien de spécifiquement monastique, mais il renvoie plus explicitement à des considérations féodales. À la manière du manoir, ce terme sert ainsi clairement à désigner le statut d’un bien au moment où il est donné par un généreux bienfaiteur. On ne le retrouve plus pour désigner le lieu de la Grinhardière une fois remis aux moines.
Choix du vocable et rôles des scribes
12Le choix des scribes est essentiel dans le cadre cistercien et permet d’entr’apercevoir les représentations qu’ils se font des espaces concernés au travers des actes. Régulièrement, notre corpus confirme que l’imprécision lexicale a pu se maintenir pour certaines dépendances, d’où l’importance d’identifier qui, de l’auteur, du disposant, du destinataire, du rédacteur ou du scribe est à l’origine de l’appel d’un terme plutôt que d’un autre. Dès 1998, Léon Pressouyre rappelle que lorsque l’on veut prendre connaissance des granges faisant partie de la dotation initiale d’une abbaye, les actes produits par la chancellerie pontificale constituent une source pertinente44. Il précise qu’un certain nombre de bulles de confirmations ont été émises afin de satisfaire à la demande des abbés aux xiie et xiiie siècles45. Le contenu des actes était alors constitué grâce aux informations apportées par les demandeurs, c’est-à-dire les abbés eux-mêmes. On pourrait préjuger qu’il s’agit d’une source fiable pour connaître la liste des granges d’une abbaye au moment de la rédaction de la bulle. Cela se confirme dans le cadre bas-manceau : nous disposons d’une charte des biens détenus par l’abbaye de Fontaine-Daniel dès 1208 établie par le pape Innocent III. Malgré l’état lacunaire de l’exemplaire conservé, on observe aisément que la liste des biens évoqués est strictement semblable à celle décrite dans la charte de fondation-confirmation. Nul doute ici que l’abbé a fourni aux rédacteurs pontificaux une copie de cette charte pour leur permettre d’établir la bulle (une nouvelle confirmation du pape Honorius III est faite sur la demande des moines en 1220, mais l’état trop lacunaire ne permet aucune hypothèse)46. De même, les choix lexicaux se distinguent également au travers des actes épiscopaux et archiépiscopaux : ainsi, en 1205, Hamelin, évêque de Tours, rédige un acte de confirmation de la fondation et il reprend mot à mot l’acte de fondation47. L’année suivante, c’est l’archevêque de Tours, Barthélemy, qui dans une même démarche reprend le contenu de la charte de l’évêque tout en précisant « in testimonium præfatæ elemosinæ, sicut in autenticis venerabilis fratris nostri Hamelini, cenomanensis episcopi, et ispsius Juhelli viddimus contineri48 ». En somme, tous ces documents sont basés sur une source commune, vraisemblablement dictée par le seigneur de Mayenne et reprise par les moines de Fontaine-Daniel. C’est donc bien au travers d’un prisme particulier que le terme grangia y est employé. L’exemple de Champagne permet quant à lui d’apporter de fortes nuances : en 1239, le pape Grégoire IX rédige une bulle de protection à destination de cette modeste abbaye. Contrairement aux actes précédemment évoqués, la bulle nous est parvenue dans son intégralité49. L’abbaye y est décrite avec deux granges à Hambers et Ségrie. Pourtant, ces lieux n’apparaissent nulle part ailleurs sous cette dénomination dans le cartulaire, même si l’abbaye y reste possessionnée. Or, les biens possédés sont essentiellement des dîmes et des droits sur des églises. En somme, des biens qui n’exigent pas l’existence d’une structure d’exploitation. Doit-on y voir la volonté des moines d’y installer de nouveaux centres d’exploitations ? C’est probable, car la même année, les moines y acquièrent deux bourgeois et un hébergement50. À l’inverse, dans ce même acte de confirmation, les seules grangiæ formellement identifiées par ailleurs dans le cartulaire (Asnières et la Grande Vieille Abbaye) ne sont mentionnées que comme des appartenances de l’abbaye. Cela est d’autant plus problématique que la première est constituée avec certitudes depuis au moins une vingtaine d’années et la seconde pourrait avoir été le premier lieu d’installation des moines51. Ce type d’acte doit donc nous conduire à la prudence sur l’interprétation de l’utilisation du terme grangia. Cela confirme les propos de François Blary qui rappelle qu’une dépendance désignée comme grangia dans une bulle pontificale n’en est pas nécessairement une52. L’inverse est tout aussi vrai, puisqu’une grange pleinement constituée peut ne pas figurer sous cette dénomination. Parfois, c’est une question d’affectivité qui justifie l’emploi d’un terme plutôt qu’un autre53. Ainsi, dans le cartulaire de Fontaine-Daniel, les granges du Parc ou de la Loherie sont plus souvent désignées directement par leur nom, sans qualificatif précis, alors qu’il s’agit de dépendances bien identifiées.
Conclusion
13Force est de constater qu’il n’y a jamais de stricte normalisation dans la dénomination des dépendances cisterciennes en Bas-Maine, comme ailleurs, contrairement à la tradition lexicale des prieurés bénédictins. En d’autres termes, il n’y a pas de modèle de grange ni de critères proprement fixés qui justifieraient l’utilisation du vocable grangia. Le choix des mots est avant tout le reflet d’enjeux économiques, sociaux, politiques, symboliques ou religieux. Hormis Savigny et Fontaine-Daniel, la modestie des systèmes d’organisation des dépendances cisterciennes du corpus est flagrante. Elle peut être rapprochée de celle qu’a rencontrée Martine Lacaze pour les dépendances de Gimont54. C’est bien peu en comparaison des grandes maisons cisterciennes. Cette modestie a une incidence claire sur les réseaux des dépendances et leurs dénominations. Peut-on d’ailleurs parler de système ? Le terme semble bien fort et les moines auront avant tout cherché à organiser le fonctionnement quotidien de ces structures, sans établir de liens entre elles, mais en privilégiant les rapports avec l’abbaye.
Notes de bas de page
1Ladurée Jean-René, « Grangia, manerium, etc. : faiblesse et pragmatisme des moines de Boquen face à la désignation de leur environnement économique (xiie-xiiie siècles) », dans Les Cisterciens en Bretagne et leur environnement. Des origines à la Révolution, actes du colloque de Langonnet, 3-4 octobre 2019, Bréhan, Association des Abbayes cisterciennes de Bretagne, 2021, p. 95-110.
2À titre d’exemple : Fossier Robert, « Les granges de Clairvaux et la règle cistercienne », Cîteaux in de Nederlanden, no 6, 1955, p. 259-266.
3Cechura Jaroslav, « Grangia sive curia. Terminy, vyznamy a myty cistercialu v Cechach ve vrcholnem a pozdnim stredoveku », Casopis Naroddniho muzea v Praze. Rada historicka, t. 169, 2000, p. 12-41.
4Panfili Didier, « Domus, grangia, honor et les autres. Désigner les pôles cisterciens en Languedoc et Gascogne orientale (1130-1220) », Le Moyen Âge, t. CXXIII, 2017/2, p. 311-338.
5Grosse-Dupéron Albert et Gouvrion Émile, Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Fontaine-Daniel, Mayenne, Poirier-Béalu, 1896 ; Archives départementales [désormais : Arch. dép.] Sarthe, 111 AC 913, Cartulaire de Champagne ; Arch. dép. Mayenne, ms. 33, 34 et 35, Cartulaire manceau de Savigny. Concernant Bellebranche, les sources sont plus diverses, mais il convient de signaler l’important travail de compilation réalisée dans le cadre d’une thèse en cours menée à l’université du Maine par René Despert.
6Mousnier Mireille, « Granges cisterciennes de la Gascogne toulousaine aux xiie et xiiie siècles. Une dynamique spatiale originale », dans Léon Pressouyre (dir.), L’espace cistercien, colloque de Fontfroide du 24 au 27 mars 1993, Paris, CTHS, 1994, p. 190-203.
7Bibliothèque nationale de France [désormais : BnF], collection Roger Gaignières, Cartulaire du Parc d’Orques, ms. lat. 17048, fo 281.
8Grosse-Dupéron Albert et Gouvrion Émile, Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Fontaine-Daniel, op. cit., acte 20 (1205) et Arch. dép. Sarthe, 111 AC 913, acte 15 (1256).
9Grosse-Dupéron Albert et Gouvrion Émile, Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Fontaine-Daniel, op. cit., acte 18 (1205) et Arch. dép. Sarthe, 111 AC 913, acte 16 (1256).
10Arch. dép. Mayenne, Ms 33, acte 54 (1210).
11Arch. dép. Sarthe, 111 AC 913, actes 139 (1237) et 160 (1221).
12Sur cette question de la représentation de l’espace par les moines, voir : Kleine Uta, « La terre vue par les moines. Construction et perception de l’espace dans les représentations figurées de la propriété monastique », dans Michel Lauwers (dir.), Monastères et espace social. Genèse et transformation d’un système de lieux dans l’Occident médiéval, Turnhout, Brepols, coll. « Études médiévales de Nice », 2014, p. 147-184.
13Panfili Didier, « Domus, grangia, honor et les autres… », art. cité, p. 323.
14À titre d’exemple : Durand Robert, « L’économie cistercienne au Portugal », dans Charles Higounet (dir.), L’économie cistercienne : géographie, mutations. Du Moyen Âge et aux Temps modernes, Centre culturel de l’abbaye de Flaran, troisièmes journées internationales d’histoire, 16-18 septembre 1981, Toulouse/Auch, Presses universitaires du Midi/Comité départemental du tourisme du Gers, coll. « Flaran 3 », 1983, p. 101-117.
15Pour retrouver l’intégralité de la charte de 1152, voir : Ladurée Jean-René, Les Cisterciens face à leur environnement spatial et humain : exemple des abbayes claravalliennes possessionnées dans le Bas-Maine (début xiie-fin xve siècle), thèse d’histoire, sous la direction de Daniel Pichot, université de Rennes 2, 2014, chap. iii, p. 184.
16Cette expression est tirée de Larguier Gilbert, « La Grange de Fontcalvy », dans Charles Higounet (dir.), L’économie cistercienne…, op. cit., p. 70-84 (ici p. 70).
17Bertrand de Broussillon Arthur, La Maison de Laval, 1020-1605. t. I. Les Laval, 1020-1264, Paris, A. Picard et Fils, 1895, acte 233.
18Pichot Daniel, « La Grange de Fayel et la mise en valeur du pays de Vitré au xiie siècle », Bulletin et mémoires de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, t. 79, 1976, p. 21-30.
19J. J. S. (N.D.L.A. : simples initiales), « Notice historique sur l’abbaye de Clermont », Mémorial de la Mayenne, t. III, 1844, p. 273-277. Pour être complet, il faut ajouter un moulin, deux étangs, plusieurs traits de dîmes et des rentes en nature.
20Girault Charles, Les biens d’Église dans la Sarthe à la fin du xviiie siècle, Laval, A. Goupil, 1953, p. 216.
21À titre de comparaison, Grandselve dispose de 11 granges faisant 300 ha et moins, 5 granges de 600 à 1 300 ha, 4 granges de 1 800 ha et plus et seules 5 ont des tailles inconnues (Mousnier Mireille, « Les granges de l’abbaye cistercienne de Grandselve (xiie-xiiie s.) », Annales du Midi, t. 95, no 161, janvier-mars 1983, p. 7-23).
22Higounet Charles, La Grange de Vaulerent : structure et exploitation d’un terroir cistercien de la plaine de France, xiie-xve siècles, Paris, SEVPEN, coll. « Les hommes et la terre », 1965, p. 36-39. Le même auteur rappelle que le terroir de la grange de Champigny s’élevait à 490 ha (Higounet Charles, « La grange de Champigny. Un terroir cistercien champenois à la fin du Moyen Âge », Cîteaux, vol. 35, 1984, p. 83-91).
23Arch. dép. Mayenne Ms 33, 34 et 35, Cartulaire manceau de Savigny, SI, actes 1 (1119) et 3 (1144-1149) ; Archives nationales [désormais : Arch. nat.] L 972 no 729 (1168) ; SI 109 (1178-1207) ; Arch. dép. Mayenne Ms 33, 34 et 35, Cartulaire manceau de Savigny, SI 101 (1178-1220). On dispose également d’une description architecturale du prieuré de la fin du xixe siècle. Voir : Le Faverais Henri, « L’ancien prieuré de Dampierre (canton de Passais) », Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne, t. VII, 1888, p. 154-161.
24Arch. dép. Mayenne Ms 33, 34 et 35, Cartulaire manceau de Savigny, SI 28 (v. 1174), SI 29 (1174), SI 70 (1188), SI 111 (SD) et SIII 130 (v. 1145-1187), SIII 304 (1250).
25Meuret Jean-Claude, « Au bois, en marge et à la frontière, le mouvement érémitique à l’est de la Bretagne (1050 à 1200) », dans Hélène Bouget et Magali Coumert (dir.), Histoires des Bretagnes. t. V. En marge, Brest, Centre de recherche bretonne et celtique/université de Bretagne occidentale, 2015, p. 147-176.
26Van Moolenbroeck Jaap, Vital l’ermite, prédicateur itinérant, fondateur de l’abbaye normande de Savigny, trad. Anne-Marie Nambot, Asse/Maastricht, Van Gorcum, 1990, acte 16, p. 287 et 288.
27Ibid., acte 17, p. 289 et 290.
28Ibid., acte 21, p. 293 et 294 et no 25, p. 298.
29Arch. nat. L969 no 350 (1220), no 352 (1228) et no 355 (1250).
30Sur cette précaution à interpréter le terme grangia, voir : Schattkowsky Martina, « De quelques aspects de l’économie cistercienne dans les territoires est-allemands au haut Moyen Âge », Cahiers de civilisation médiévale, no 33-129, 1990, p. 43-47.
31CBB 39 (1209).
32BnF, collection Roger Gaignières, Cartulaire du Parc d’Orques, ms. lat. 17048, fo 241-308.
33Ladurée Jean-René, Les 22 vies des prieurés d’Evron, du xe au xive siècle. Entre espaces, pouvoirs et société, mémoire de maîtrise d’histoire médiévale, sous la direction de Daniel Pichot, université de Rennes 2, 2006.
34Grosse-Dupéron Albert et Gouvrion Émile, Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Fontaine-Daniel, op. cit., acte 84 (1216).
35Arch. dép. Sarthe, 111 AC 913, actes 139 et 159 (1237).
36Méhu Didier, « Locus, transitus, peregrinatio. Remarques sur la spatialité des rapports sociaux dans l’Occident médiéval (xie-xiiie siècles) », dans Thomas Liénard (dir.), Construction de l’espace au Moyen Âge. Pratiques et représentations, 37e congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, Mulhouse, 2-4 juin 2006, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire ancienne et médiévale », 2007, p. 275-294.
37Casset Marie, Les évêques aux champs : châteaux et manoirs des évêques normands au Moyen Âge (xie-xve siècles), Caen/Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Caen/Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2018, p. 104 ; reprenant Pichot Daniel, Le Bas-Maine du xe au xiiie siècle. Étude d’une société, Laval, Société d’archéologie et d’histoire de la Mayenne, 1995, p. 306, 315 et 316.
38Chédeville André, Chartres et ses campagnes (xie-xiiie siècles), Paris, Klincksieck, 1973, p. 180-183.
39Grosse-Dupéron Albert et Gouvrion Émile, Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Fontaine-Daniel, op. cit., actes 18 (1205), 23 (1206), 62 (1212) et 99 (1219).
40Pichot Daniel, Le village éclaté. Habitat et Société dans les campagnes de l’Ouest au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2002, p. 210 et suivantes.
41Ladurée Jean-René, Les Cisterciens…, op. cit., p. 411.
42Casset Marie, Les évêques aux champs…, op. cit., p. 104.
43Grosse-Dupéron Albert et Gouvrion Émile, Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Fontaine-Daniel, op. cit., actes 12 (v. 1200).
44Pressouyre Léon, « Guide pratique pour un inventaire des domaines cisterciens en France », dans Léon Pressouyre (dir.), L’espace cistercien, op. cit., p. 266.
45Un exemple de démarche de ce type nous est offert par Locatelli René, « Papauté et Cisterciens du diocèse de Besançon au xiie siècle », dans Rolf Grosse, L’Église de France et la papauté (xiie-xiiie siècles), actes du XXVIe colloque historique franco-allemand (Paris, 17-19 octobre 1990), Bonn, Bouvier Verlag, 1993, p. 304-325.
46Grosse-Dupéron Albert et Gouvrion Émile, Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Fontaine-Daniel, op. cit., actes 41 (1208) et 102 (1220).
47Ibid., 20 (1205).
48Ibid., 22 (1206).
49Arch. dép. Sarthe, 111 AC 913, acte 13 (1239).
50Ibid., actes 373 (1239) et 374 (1239).
51Ibid., acte 158 (1221).
52Blary François, Le domaine de Chaalis (xiie-xiiie siècles). Approches archéologiques des établissements agricoles et industriels d’une abbaye cistercienne, Paris, Édition CTHS, 1989.
53Boureau Alain, « L’écriture comme prisme. Contraintes et créations des scribes médiévaux », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 16bis|2017, [https//journals.openedition.org/acrh/7479].
54Lacaze Martine, « Les granges de l’abbaye cistercienne de Gimont (milieu xiie-milieu xiiie siècle) », Annales du Midi, no 105, 1993, p. 165-182.
Auteur
Université catholique de l’Ouest (Laval), laboratoire CHUS et TEMPORA.
Jean-René Ladurée est maître de conférences en histoire du Moyen Âge.

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