Rouvrir les dossiers, reprendre l’enquête
Un retour aux prieurés bénédictins du Bas-Maine (xie-xve siècles)
p. 251-264
Texte intégral
1Les prieurés n’ont émergé qu’assez récemment comme objet d’étude historique. L’étude pionnière d’Odile Gantier en 19631 a, de ce point de vue, largement orienté la teneur des travaux ultérieurs : origine et développement des établissements dans une optique économique et sociale ou dispersion spatiale des maisons ont ainsi largement animé les études de Philippe Racinet2 ou Denyse Riche3. Parallèlement, les réflexions d’Anne-Marie Bautier4 sur la terminologie prieurale incitaient aussi à replacer les observations dans un processus historique au sein duquel les prieurés, comme institutions monastiques nouvelles, adaptées aux formes de domination et d’exploitation de la terre et des hommes et instituées aux xe et xie siècles, se sont progressivement affirmés et distingués par rapport aux cellæ carolingiennes antérieures. Cette maturation intellectuelle suscita la conduite de recherches au long cours. Plusieurs thèses avancèrent ainsi de concert dans les années 1990 et 2000 : celle de Noëlle Deflou-Leca5 sur les dépendances de Saint-Germain d’Auxerre ou encore celle de Claire Lamy6 sur les prieurés de Marmoutier en Anjou, l’une et l’autre consacrées aux établissements d’une même abbaye-mère. La thèse que j’ai soutenue sous la direction de Daniel Pichot, en 20077, proposait quant à elle, à l’échelle du Bas-Maine, entre le xie et le xiiie siècle, une approche plus comparative des pratiques prieurales d’une dizaine d’abbayes différentes8. L’objet prieural était dès lors bien reconnu et pouvait donner lieu à diverses journées d’étude et colloques, à l’instar de la journée d’étude du Mont-Dol dont les actes ont été publiés en 20069 ou du colloque de Bellecroix en 201110. L’archéologie s’est aussi saisie de cet objet, dont on mesure à présent avec une certaine précision la dimension matérielle et son évolution au Moyen Âge puis à l’époque moderne.
2Sur le fond, si les thématiques de recherches ont longtemps interrogé la place de l’objet prieural dans le féodalisme, les préoccupations se sont plus récemment orientées vers leur rôle dans le déploiement de la réforme grégorienne et vers les dynamiques réticulaires et territoriales sous-jacentes. Cette histoire-là ne peut certes s’abstraire de certaines réalités matérielles ou de terrain (les lieux d’implantation, les modalités des circulations des moines ou des échanges épistolaires…), mais elle intègre sans vraiment les considérer des « externalités » pourtant indispensables aux logiques de fonctionnement des relations de domination qu’elle étudie. Les prieurés devaient bien être construits, entretenus, approvisionnés pour abriter, chauffer et bien sûr alimenter ceux qui y vivaient (humains, animaux). Comment s’opéraient ces activités triviales ? Moines, familiers, tenanciers : qui les menaient à bien ? Dans quel état d’esprit ? Qu’est-ce qui pouvait venir compliquer, voire interrompre ces activités et remettre en cause le fonctionnement habituel (et éminemment rituel) des établissements ? Ce sont ces questions, propres à une époque qui fait retour sur les « nécessités de la vie », qui alimenteront les quelques réflexions qui vont suivre. Elles s’appuieront sur les dossiers d’archives constitués au cours du travail doctoral évoqué précédemment, et rouverts pour l’occasion, et proposeront quelques pistes pour une enquête à reprendre ou à réactiver. Chemin faisant, elles esquisseront à grands traits les contours du milieu de vie prieural.
Une proposition méthodologique : considérer les prieurés comme des milieux de vie
3Les prieurés, comme institution monastique abritant une communauté restreinte de moines et alimentant à la fois cette communauté (tant qu’elle réside) et l’abbaye-mère dont elle dépend, se sont maintenus tant bien que mal pendant près de huit siècles. On comprend qu’au-delà de l’utilité sociale qui fondait leur existence et déterminait leurs diverses fonctions, seigneuriales ou religieuses, il fallait aussi que ces établissements reposent sur un fonctionnement interne et des relations de voisinage durablement favorables et aussi sur de solides fondations matérielles. Ces éléments nous paraissent constituer ce « milieu de vie » prieural que Philippe Racinet a souvent désigné, sans pour autant chercher à en définir précisément les contours théoriques. Pour tout dire, la notion de « milieu de vie » reste assez vague, rarement définie pour elle-même dans une littérature davantage encline à raffiner les distinctions entre les notions de « milieu », « environnement » ou « écosystème »11 et à les inscrire dans le temps long des débats épistémologiques. Chez Philippe Racinet, cette notion de « milieu de vie » s’appréhende comme une évidence avant tout sociale12 : elle renvoie à l’entourage humain des prieurés, aux dépendants comme aux amis ou aux ennemis des établissements. Hormis sous l’angle de la production agricole, elle néglige un peu les dimensions physique et biologique auxquelles la notion de « milieu » fait pourtant référence. Élargie à ces dimensions (qu’on qualifierait aujourd’hui volontiers d’environnementales) ainsi qu’à leurs implications spatiales, la notion de « milieu de vie » nous semble toutefois d’une réelle richesse opératoire, car elle incite à mettre en lumière toutes les procédures mises en œuvre à l’échelle des prieurés pour assurer leur reproduction : en somme, ce qui fait d’eux des institutions vivantes. Ce faisant, ce sont d’autres pistes d’enquête qui se dessinent, moins (ou pas seulement) dirigées vers ces élites sociales avec lesquelles les moines prieuraux sont en relation (et qui occupent une part essentielle des investigations des historiens), mais plutôt en direction des communautés elles-mêmes et des dépendants qui œuvrent au quotidien dans l’orbite prieurale ; en direction aussi de toutes ces procédures destinées à assurer les « nécessités de la vie ».
Les prieurés comme milieu de vie social : coopération et tension, observance ou dérive…
…Au sein de la communauté monastique
4Le milieu de vie prieural implique d’abord les moines qui habitent les prieurés. La pérennité de ces derniers ne peut guère être assurée sans une stabilité interne, au demeurant inhérente à l’ordre monastique, et que les abbayes-mères doivent évidemment garantir (notamment aux yeux de leurs partenaires laïcs et de leurs confrères séculiers). Celles-ci doivent aussi permettre une certaine autonomie à leurs dépendances (et aux prieurs qui les dirigent), pour assurer leur dynamique d’installation et de développement13, tout en évitant que cette autonomie ne verse dans une indépendance d’autant plus envisageable que la distance risquait de distendre les liens avec l’abbaye-mère14. Et évidemment, tout se compliquait dès lors que le prieuré n’abritait qu’un seul moine, potentiel électron libre à des dizaines voire des centaines de kilomètres de son abbé… La vie prieurale s’apparente pourtant (à première vue) à un long fleuve tranquille, les moines paraissant moins enclins à souligner leurs écarts que ceux des séculiers intervenant dans leurs églises prieurales. À Laval en 1158, par exemple, l’abbé de la Couture s’engage à déplacer tout clerc coupable d’un comportement honteux au sein des églises qu’il patronne15. Les actes à visée interne sont pourtant suggestifs : même très ponctuels, ils permettent de questionner l’impact des comportements déviants sur le devenir des établissements. À titre d’exemple, le prieuré du Bignon, dépendance de Marmoutier, disparaît au xiiie siècle après une tentative de le restaurer consécutive aux manquements désastreux d’un prieur quelques années plus tôt16. Au-delà d’un tel cas, exceptionnel par son ampleur, les visites que l’abbé tourangeau opère dans ses prieurés manceaux au début du xive siècle sont parfaitement lénifiantes, répétant de façon stéréotypée la vie « bonne et honnête » des religieux rencontrés. Seules deux réprimandes sont adressées : à Laval, où le frère Pierre de Saint-Célerin « disoit ne pas savoir chanter », et à Louvigné où le socius du prieuré « s’est entremit de choses relatives au commerce ». Le prieur de ce dernier est épargné, sans doute n’avait-il rien remarqué… À Azé, à la fin du xve siècle, il est plus difficile à l’abbé de Saint-Nicolas d’Angers de ne pas réagir quand le prieur « s’entremettoit de faire noce et amesser les commères17 » ou à celui de la Trinité de Vendôme quand il constate le goût de ses moines de Craon pour la chasse18…
5À travers ces différents cas, on approche les enjeux qui ne manquaient pas de compliquer la vie des communautés prieurales. Celui du respect des obligations régulières, évidemment, mais aussi celui de comportements individuels et des relations interpersonnelles au sein du prieuré et de leur impact sur la vie des établissements. On n’en sait bien peu de choses, hormis une mention fugitive, dans un contexte d’extrême tension, en 1598, à Craon : le prieur de Saint-Clément détestait l’un de ses compagnons au point de finir par le chasser du prieuré19. Pourrait-on éclairer davantage la réalité de ces émotions monastiques, inimitiés, haines20 ou attachements, sans trop tordre des sources bien peu disertes à cet égard ? Sans doute est-il possible de relire à cet égard le dossier relatif au prieuré d’Avesnières, sorte de création irénique21 où des familles antagonistes (les Laval, les Saint-Berthevin et leurs affidés) cherchaient à réunir leurs filles ou leurs sœurs pour dépasser leurs contentieux et établir une concorde qui, dans le quotidien prieural, n’avait certainement rien d’évident à mettre en pratique. Un autre enjeu réside évidemment dans la porosité entre la vie claustrale à laquelle les moines sont astreints et la vie mondaine à laquelle certaines fonctions prieurales les exposent. La séparation paraît de fait bien fragile pour ces établissements de petite taille, très attentifs et dépendants vis-à-vis des opportunités locales, et rarement dotés d’un espace claustral nettement identifié et protégé22. La liste des échanges qui relient l’intérieur prieural à l’extérieur profane est de fait très fournie. Les moines sont souvent sur les chemins, qu’ils aillent formaliser un don23, visiter un ami du prieuré malade24, rendre des comptes à leur abbaye25… ou qu’ils s’autorisent à aller chasser26 ; l’extérieur pénètre aussi fréquemment le prieuré à travers d’innombrables interactions religieuses27, mais aussi seigneuriales28, sans rien dire des obligations d’approvisionnement ou d’entretien élémentaire29 ni des activités agricoles associées aux prieurés30. Il y a là une expérience monastique singulière, bien éloignée des pratiques conventuelles des abbayes elles-mêmes, qui interroge la façon dont celles-ci ont encadré leurs établissements délocalisés31. Au-delà des « prières et oraisons suivant [le] désir de la règle » évoquées par l’abbé de Vendôme et des innombrables conventions liturgiques encadrant les relations des religieux avec leurs confrères ou desservants séculiers locaux, différentes obligations, progressivement instituées, ont pesé dans la discipline quotidienne des microcommunautés prieurales : la pratique attentive de « l’écrit gestionnaire32 » et de l’archivage a certainement joué un rôle structurant à cet égard, mais les abbayes ont également multiplié les occasions d’intervention dans le milieu de vie prieural. Par la rotation des moines d’un lieu à l’autre33, par la remise des comptes annuels34, par les visites régulières de l’abbé ou de son représentant35 (et inversement celles des prieurs lors des chapitres prieuraux36), par les obligations financières37 ou alimentaires38 qui pèsent sur les prieurés (parfois prévues dès leur fondation). Et par la rédaction de statuts prieuraux, au xiiie siècle pour Marmoutier par exemple39. Ces obligations enserrent la vie prieurale dans un calendrier très ritualisé, un rythme de vie rigoureusement cadencé, qui faisait garde-fou aux dérives potentielles. Elles esquissent aussi l’ampleur des interactions que les moines entretenaient avec les élites laïques et séculières locales, mais aussi (et surtout) avec tous ces dépendants qui gravitaient de près ou de loin autour des prieurés.
…Entre les moines et leurs hommes
6Ces catégories constituent la part dissimulée du milieu de vie prieural. Les moines n’ont guère de raison de les mettre en avant dans leur production scripturaire et, fatalement, les historiens restent sur leur faim. Seuls quelques groupes spécifiques émergent du flou documentaire : les familiers ont notamment40 attiré l’attention méticuleuse de Philippe Racinet ou, plus récemment de Claire Lamy41 qui a souligné leur rôle de techniciens, de conseillers des prieurs (qui pouvaient ne faire que passer quand les familiers, eux, restaient), d’auxiliaires judiciaires et d’habitants des bourgs prieuraux. La documentation du Bas-Maine offre environ vingt-cinq mentions de familiers, concernant une douzaine de prieurés, pour la majorité des cas entre les milieux du xie et du xiiie siècle42 (mais ils ne sont plus désignés par leur nom au-delà la première moitié du xiie siècle). On les voit témoigner dans des actes de donation ou lors de litiges impliquant leurs maîtres43, lors d’achats ou d’échanges. De façon plus technique, on les voit participer à la collecte des dîmes prieurales44, réaliser des montrées dans les bois des moines45 et l’on devine que leur présence lors de la donation d’un bien foncier renvoie au fait qu’ils en auront la charge46. Il est difficile de percer le type de relations qui s’établissaient entre ces gens et les moines qu’ils servaient, mais l’on devine leur inévitable proximité et les relations de confiance qui pouvaient s’établir47 : la présence régulière du familier Babin auprès de la prieuresse d’Avesnières Isobie les suggère48.
7À côté du cas des familiers, c’est un autre personnage évoluant dans l’entourage des moniales d’Avesnières, le meunier Popard qui lève un coin de voile sur les relations entre les moines et leurs dépendants laïcs. Notre meunier se repère dans dix actes entre 1080 et 112649, lesquels suggèrent sa progressive affirmation dans l’entourage du seigneur de Saint-Berthevin, puis surtout dans celui des moniales du Ronceray, auprès desquelles il apparaît régulièrement en tant que témoin. Il est cité parfois immédiatement après la prieuresse et sa titulature s’enrichit progressivement : « Popard d’Avesnières », meunier, finit par apparaître comme prévôt du bourg prieural au sein duquel il est lui-même installé (son loyer est le plus élevé des 47 bourgeois cités dans un censif des années 1120-1130). Les deux actes qui le voient paraître – et pour nous disparaître –, dans l’abbatiale du Ronceray d’Angers, en 1126, sont suggestifs. Si le premier intéresse directement Avesnières, ce n’est pas le cas du second à ceci près qu’il implique une moniale, Burgonde50, ancienne prieuresse d’Avesnières, qui a alors réintégré son abbaye et auprès de laquelle notre Popard témoignait déjà au début du xiie siècle.
8Marque de confiance ou de reconnaissance ? On peut le penser, et d’autres indices suggèrent en tout cas une proximité intéressée, propice à établir de telles relations, ne serait-ce que parce qu’il fallait bien peupler les bourgs prieuraux. Assez fréquemment, les moines sont ainsi attentifs à inclure leurs hommes dans les droits d’usage qu’ils obtiennent de leurs donateurs laïcs : l’acte de fondation du prieuré Saint-Martin de Laval souligne ainsi que le droit accordé de prendre le bois vif et mort dans les forêts du seigneur de Laval, pour l’édification, la cuisine, le chauffage, vaut pour « nos hommes, tant moines, clercs que laïcs51 ». De même, vers 1080, quand les mêmes moines obtiennent un bois à Mondevert, ils font bien préciser que « nos hommes qui seront nos hôtes à cet endroit » auront un droit d’usage du bois vif et mort52. Ils savent aussi défendre à l’occasion les usages communs : vers 1075, les moines de Marmoutier attaquent Hamon de Laval, qui n’a pas accordé le droit de passage pourtant prévu pour les hôtes du bourg Saint-Martin53. Les déclarations prieurales ou les arrangements consécutifs à des litiges n’omettent pas de mentionner ces usages communs, sans doute essentiels pour la vie des dépendants des moines54. Parfois, les moines fournissent aussi du bois à leurs hommes : à Ballée, par exemple, le prieur doit fournir le bois de chauffe du four banal tous les samedis (et il prend un pain sur dix-huit en contrepartie) ; de même à Ménil, où le prieur se plaint de la charge que cela représente55.
9Ces quelques mentions invitent à considérer la complexité et la richesse sociales du milieu de vie prieural, car les moines ne doivent pas seulement composer avec les élites laïques et séculières, afin de construire graduellement un milieu qui soit profitable à leurs établissements. Ils sont impliqués dans des logiques comparables avec les catégories subalternes, avec lesquelles des relations de rivalités ou de tensions potentielles doivent être mises sous contrôle, et avec lesquelles des relations de coopération et de reconnaissance peuvent aussi être développées. Autour de Laval, par exemple, des liens étroits et répétés se repèrent à la lecture des listes de témoins d’une dizaine d’actes relatifs aux prieurés de Laval, Avesnières et Bazougers : entre 1070 et 1110, un groupe familial émerge par petites touches56. Il réunit Rainier et son frère Ermenald et leurs fils respectifs, Jean et Robert. Ces gens sont des marchands (Ermenald et Jean tout du moins, sont désignés comme tels), mais semblent aussi impliqués dans l’administration du bourg castral lavallois (Ermenald apparaît comme prévôt et peut-être aussi comme portier). Leur présence répétée traduit leur surface sociale, leur utilité professionnelle et leur implication directe dans certains projets de développement prieuraux, en partenariat avec le seigneur de Laval et les moines de Marmoutier notamment (mais aussi ceux de Saint-Vincent du Mans ou les moniales du Ronceray d’Angers) : vers 1080, ils apparaissent comme témoins dans deux actes qui traduisent leur évidente association à la mise en défrichement du bois de Mondevert, qui vient d’être remis aux moines pour construire une chapelle et installer des hôtes à proximité de la voie de Cossé. Au-delà de ce petit groupe spécifique de marchands lavallois, la vie prieurale a participé à la reconnaissance sociale de tout un milieu d’artisans et de professionnels locaux, qui, finalement, ne peuplent pas beaucoup moins les listes de témoins que les vassaux des grands seigneurs (à la fin du xie et au début du xiie siècle, tout du moins). Pour des prieurés en butte à de nombreux litiges avec leur fondateur, comme celui des moniales d’Avesnières ou celui des moines de Bazougers, on en vient même à se demander si les prieuresses ou prieurs locaux n’ont pas utilisé leurs relations étroites avec les pêcheurs, marchands, drapiers, cordonniers, charpentiers, forgerons, pelletiers, pontonniers, boulangers ou bouchers qui peuplent le bas de leurs chartes, en contrepoids vis-à-vis de leurs compétiteurs laïcs57. Du reste, ce sont aussi dans ces localités que des formes d’organisation ont commencé, de façon précoce, à rassembler les habitants, en particulier dans le cadre de confréries dont l’existence est attestée dès la fin du xie siècle à Laval ou à Bazougers58.
10Évidemment, s’il s’agit d’attirer l’attention sur des relations de coopération au sein du milieu de vie prieural, entre les moines et ceux qu’ils dominent, les oppositions potentielles ou avérées doivent aussi être recherchées. À vrai dire, elles aussi sont dissimulées mais peuvent très ponctuellement se révéler, spécialement à l’occasion de difficultés que peuvent connaître les prieurés (pendant la guerre de Cent Ans par exemple) ou quand les pratiques coutumières sont menacées. Ces oppositions prennent diverses formes, qui ne se recoupent pas chronologiquement, les résistances institutionnalisées (par des procès impliquant l’usage de l’écrit) intervenant plus tardivement, à partir du xiiie siècle, notamment dans le cadre paroissial (fabrique ou confrérie) ou professionnel (métiers). Entre autres exemples bien documentés, on suit ainsi avec une certaine précision les démêlés entre le prieur et les paroissiens de Vaiges, entre 1461 et 1479, et leurs arrangements quant au nombre de clous et d’ardoises que ces derniers doivent fournir pour l’entretien de la chapelle du premier59. Plus intéressants, peut-être, sont ces indices de résistance passive, qui percent entre les lignes, et qu’il faudrait traquer et analyser de façon systématique : impayés partiels60 ou refus de témoigner61 par exemple. Parfois l’obstruction prend des formes plus actives : ainsi, à Bouère, Philippot le Goulays dissimule un pressoir qu’il utilise durant vingt vendanges successives « contre le gré et volonté du prieur » entre 1380 et 140062.
11Ce rapide parcours social du milieu de vie prieural invite à compléter l’étude savante des relations que les moines entretiennent avec les élites seigneuriales, laïques et ecclésiastiques, par celle de leurs interactions avec les catégories plus subalternes de la société. Non moins riches et complexes, mais moins directement accessibles, elles permettent en outre de glisser vers une autre réalité de la vie prieurale, pour laquelle ces catégories sont notamment mobilisées par leur labeur…
Remplir les nécessités de la vie prieurale
12On entre ici dans une dimension plus matérielle de la vie prieurale, généralement envisagée sous l’angle économique, mais qu’il s’agit aussi de considérer dans une perspective environnementale à travers un impératif : celui de la subsistance. On peut décliner cet impératif de trois façons : avoir un toit sur la tête (le couvert), pouvoir se chauffer et cuire ses aliments (le combustible), et, de fait, avoir de quoi manger (le vivre)63.
13Le milieu de vie prieural implique d’abord… un prieuré, c’est-à-dire un logis pour les moines. L’archéologie livre évidemment de nombreuses informations à cet égard, pour les prieurés monastiques comme pour les prieurés canoniaux64. Là encore, Philippe Racinet a ouvert la voie65 en attirant l’attention sur la réalité physique des prieurés, leur rapport à leur environnement (topographie, ressources naturelles, réseau viaire, etc.), leur distribution interne (place donnée aux différentes fonctions de l’établissement et articulation entre elles, gestion des circulations) ou encore l’architecture des bâtiments qui répondent de ce programme66. Il s’agit ici d’envisager les conditions de leur construction, voire de leur reconstruction67, et surtout de leur entretien. Au vrai, la documentation signale davantage la construction des églises ou des chapelles que celle des logis et bâtiments annexes constituant les prieurés68 que l’on découvre au fil des textes une fois qu’ils ont été édifiés. Notre unique précision factuelle concerne le prieuré d’Origné où l’on comprend qu’un seigneur local, Guillaume de Saint-Sulpice, a mobilisé plusieurs constructeurs, sans doute dans le cadre d’une corvée, pour construire les murs de la maison des moines69. Plus intéressantes sont les multiples mentions relatives aux réparations des édifices, qui constituent une préoccupation récurrente des religieux, sur laquelle il faudrait se pencher systématiquement. De façon significative, les réparations sont envisagées dès les actes de fondations70, en particulier à travers les nombreuses précisions relatives aux usages du « bois vif » (ou vert) qui est alors utilisé pour la construction71. D’innombrables mentions de réparations jalonnent ensuite la documentation et laissent entrevoir une chronologie spécifique, de siècle en siècle : une première phase de réparations apparaît entre la fin du xiie siècle et le premier quart du xiiie siècle (au Bignon, à Mayenne, à Évron, à Berne, à Azé), grosso modo près d’un siècle et demi après les fondations. Puis un deuxième temps, moins documenté, intervient, à nouveau une centaine d’années plus tard, au début du xive siècle (Laval, Château-Gontier). Une troisième phase suit les destructions de la guerre de Cent Ans, dans la première moitié du xve siècle (Évron, la Cropte, Berne, Château-Gontier, Laval, Craon, Bouère, Fontaine-Géhard, Vaiges) et une dernière étape intervient au début du xvie siècle (Cheméré, Bais, Château-Gontier, Berne, Craon, Lincé, Gesnes). On devine les dégradations liées au vieillissement des bâtiments, mais les aléas naturels n’apparaissant pour ainsi dire jamais comme un facteur identifié et susceptible d’être nommé dans la documentation72. Les violences de guerres, elles, interviennent fréquemment et impliquent des compensations pour prévoir les réparations : vers 1150, Guy V de Laval donne ainsi aux moines de Gesnes un droit d’usage dans ses forêts à la suite de l’incendie qu’il a provoqué73.
14On voit bien dans les exemples précédents combien le milieu de vie prieural est dépendant d’un approvisionnement régulier et massif en bois et l’on aimerait pouvoir à cet égard quantifier l’impact des usages monastiques sur les ressources74, pour la construction bien sûr, mais aussi dans la consommation de bois mort. Celle-ci est liée au « combustible », c’est-à-dire à la cuisson et au chauffage, lesquels sont généralement distingués dans les actes : dans le Bas-Maine, une soixantaine de prieurés et quatre abbayes (auxquels s’ajoutent les établissements canoniaux) doivent ainsi être régulièrement approvisionnés, tant pour l’usage domestique des moines et de leurs familiers et serviteurs75 que pour remplir leurs obligations banales (four)76. Il faut aussi assurer l’outillage77. L’ensemble nécessite en tout cas une gestion attentive de la ressource (impliquant les seigneurs laïcs78), mais aussi des possibilités de circulation pour charroyer le bois79 et donc d’aménagement des chemins80. Pour satisfaire leurs besoins, les moines semblent nettement privilégier un accès au bois par des droits d’usage plutôt que par la propriété et le faire-valoir direct. La reconstitution des possessions d’une quinzaine de prieurés81 souligne combien les moines restent en la matière dépendants des possessions forestières laïques, même si quelques prieurés disposent d’un bois (Bouère, la Ramée, l’Abbayette, Mayenne, Laval82), dont les surfaces, rarement quantifiées, sont réduites par rapport aux propriétés foncières (cinq journaux pour le prieuré de Ballée, autant à Ménil83, trois journaux pour Saint-Clément de Craon). On comprend dans ces conditions l’attachement des prieurs à défendre leurs droits, car la forte pression sur la ressource génère une rude concurrence avec les seigneurs laïcs qui leur octroient ces usages. Au gré des nombreux litiges qui les opposent à leurs donateurs84, les moines défendent âprement leurs droits et protègent aussi la circulation de leurs familiers dans les forêts.
15Reste la question du vivre. L’alimentation au sein du milieu de vie prieural ouvre un immense champ d’enquête, qui combine des enjeux liés à la production agricole des prieurés85, à la transformation des productions et aux aménagements qu’elle implique (moulin, pressoir, four…), à l’approvisionnement par le marché (et donc à l’acheminement des denrées)86, et évidemment à la domination ecclésiastique et seigneuriale qui permet un prélèvement en nature87. Il faut ici considérer combien la subsistance alimentaire dépasse l’alimentation particulière des moines habitant le prieuré. Chaque établissement doit permettre de subvenir à ses besoins, mais doit aussi régulièrement remplir de nombreux devoirs alimentaires en faveur des seigneurs locaux ou des confrères religieux (dîner, pitance, etc.) et surtout, plus structurellement, participer à l’approvisionnement de l’abbaye-mère et à l’alimentation de ses envoyés quand ils résident au prieuré. Ces charges importantes multiplient les besoins d’approvisionnement, auxquels il faut aussi ajouter un devoir d’aumône88. Au cœur de ces obligations, réside également la question de la familiarité : le prieur entretien un certain nombre de gens qui entrent dans la familia de son prieuré, serviteurs, donateurs, nourris ou condonnés89, les serviteurs laïcs (procureurs notamment) ecclésiastiques et les familiers eux-mêmes90. Et, bien sûr, il faut aussi nourrir les animaux qui, eux aussi, habitent les prieurés91. On mesure ainsi la centralité de la question du vivre dans la vie prieurale, sa résolution évoluant évidemment fortement selon l’époque (dans le sens d’une monétisation permettant le recours au marché92). Pour autant, les prieurés doivent clairement être considérés, dès leur origine et dans la durée, comme des centres de production93 et de concentration des productions agricoles94, les droits ecclésiastiques (fêtes, dîmes, prémices) jouant à cet égard un rôle essentiel. À Ballée, en 1481, la déclaration du prieur Jean Goupil montre combien son alimentation reste encore associée aux droits qu’il perçoit lors des mariages et des fêtes, pourvoyeuses en œufs, beurre, pommes, poires, pois, fèves, viande d’agneaux et de porcelets, volaille, oignons, etc.95. De ce point de vue, le relevé précis du calendrier des devoirs propre à chaque prieuré incite à envisager l’économie prieurale comme une économie liturgique, permettant l’étalement des approvisionnements et construisant aussi une temporalité adaptée à chaque établissement selon le sanctoral qui lui est propre96.
Conclusion
16Envisager l’étude des prieurés par le prisme du « milieu de vie prieural » offre donc une ouverture intéressante sur la complexité et les ressorts profonds du fonctionnement de ces établissements monastiques. Les approches actuelles de la question prieurale explorent attentivement, à l’échelle des prieurés, les formes et les dynamiques de domination animées par les élites de la société seigneuriale (ecclésiastiques et laïques), dans les cadres seigneuriaux ou paroissiaux, et selon diverses dynamiques (en particulier celle de la réforme grégorienne). L’enquête peut s’ouvrir à d’autres réalités du tissu de relations se nouant à l’échelle des lieux où s’installent les prieurés. Entre les moines et les catégories subalternes de la société, en premier lieu, avec lesquelles les enjeux se révèlent tout aussi riches et complexes. Et aussi, pour le souligner brièvement, en second lieu, avec le milieu « naturel » dans lequel chaque établissement s’inscrit et qu’il aménage par ses constructions, son exploitation ou les déplacements qu’il génère. Cette dimension proprement matérielle de la vie prieurale s’avère riche d’enseignements et conduit à interroger de façon plus large les rythmes97 de la vie médiévale et les modalités d’habiter propres aux moines98.
Notes de bas de page
1Gantier Odile, « Recherches sur les possessions et les prieurés de l’abbaye de Marmoutier du xe au xiiie siècle », Revue Mabillon, t. 53, 1963, p. 91-110 et 161-167.
2Racinet Philippe, Crises et renouveaux. Les monastères clunisiens à la fin du Moyen Âge (xiii-xvie siècles) : de la Flandre au Berry, et comparaisons méridionales, Arras, Artois presses université, coll. « Histoire », 1997.
3Riche Denyse, L’ordre de Cluny à la fin du Moyen Âge. Le vieux pays clunisien, xiie-xve siècles, Saint-Étienne, Publications de  de Saint-Étienne, coll. « CERCOR. Travaux et recherches », 2000.
4Bautier Anne-Marie, « De “præpositus” à “prior”, de “celle” à “prioratus” : évolution linguistique et genèse d’une institution (jusque 1200) », dans Jean-Loup Lemaitre (dir.), Prieurs et prieurés dans l’Occident médiéval, Paris, Droz, 1987, p. 1-21.
5Deflou-Leca Noëlle, Saint-Germain d’Auxerre et ses dépendances (ve-xiiie siècle). Un monastère dans la société du haut Moyen Âge, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, coll. « Congrégations, ordres religieux et sociétés », 2010.
6Lamy Claire, L’abbaye de Marmoutier (Touraine) et ses prieurés dans l’Anjou médiéval (milieu du xie siècle-milieu du xiiie siècle), thèse de doctorat en histoire médiévale, sous la direction de Dominique Barthélémy, université Paris 4, 2009. Voir la présentation en ligne de l’auteure que nous avons utilisée pour le présent travail [https://www.brepolsonline.net/doi/pdf/10.1484/J.RM.5.101211], consulté le 17 mars 2023.
7Legros Sébastien, Prieurés bénédictins, aristocratie et seigneuries. Une géopolitique du Bas-Maine féodal et grégorien (fin 10e- début 13e siècle), thèse de doctorat en histoire médiévale, sous la direction de Daniel Pichot, université Rennes 2, 2007, publiée : Moines et seigneurs dans le Bas-Maine. Les prieurés bénédictins du xe au xiiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.
8Pour une approche comparable : Beaumon Jérôme, Entre Loire et Manche : les prieurés des abbayes angevines et tourangelles en Haute-Bretagne (xie-xiiie siècles), thèse de doctorat en histoire médiévale, sous la direction de Daniel Pichot, université Rennes 2, 2016.
9Pichot Daniel et Mazel Florian (dir.), Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, no 113, « Prieurés et société au Moyen Âge », 2006/3.
10Mouillebouche Hervé (dir.), Châteaux et prieurés, Chagny, Centre de castellologie de Bourgogne, 2012.
11Voir dernièrement : Taylan Ferhat, Mésopolitique : connaître, théoriser et gouverner les milieux de vie (1750-1900), Paris, Édition de la Sorbonne, coll. « Homme et société. Série Histoire environnementale », 2018.
12Racinet Philippe, « Familiers et convers, l’entourage des prieurés bénédictins au Moyen Âge », dans Nicole Bouter (dir.), Mouvances laïques des ordres religieux, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 1996, p. 19-34.
13Lamy Claire, L’abbaye de Marmoutier…, op. cit. ; voir Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, Laval, A. Goupil, 1911-1945, Fontaine-Géhard 9, p. 224.
14Gantier Odile, « Recherches sur les possessions… », art. cité.
15Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre de la Couture et de Saint-Pierre de Solesmes, éd. par les bénédictins de Solesmes, Le Mans, E. Monneyer, 1881, acte 73.
16Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Le Bignon 5, p. 476 et 477.
17Du Brossay Emmanuel, « Cartulaire d’Azé et du Genéteil », dans Archives historiques du Maine, t. III, Le Mans, Société des archives historiques du Maine, 1903, acte 97 (en 1478).
18Métais Charles, Cartulaire de l’abbaye cardinale de la Trinité de Vendôme, Paris, Vendôme, A. Picard et Fils, C. Ripé, 1893-1904, acte 837 (en 1598).
19Ibid.
20Voir les travaux d’Élisabeth Lusset sur la haine au sein des communautés, notamment : Lusset Élisabeth, « Per rancorem et odium motum. Réflexions sur la haine au sein des communautés conventuelles en Occident (xiiie-xve siècles) », dans Marc Deleplace (dir.), Les discours de la haine : récits et figures de la passion dans la Cité. Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et civilisations », 2009, p. 101-111. Dernièrement, l’ouvrage de Jean-Claude Schmitt offre de belles pages sur ce sujet : Schmitt Jean-Claude, Le cloître des ombres, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 2021.
21Voir la description saisissante du plaid qui se tient « dans le jardin près du chevet de l’église » vers 1110 (Marchegay Paul, Archives d’Anjou. Recueil de documents et mémoires inédits sur cette province. t. 3. Cartularium monasterii Beatae Mariae Caritatis Andegavensis, Angers, Cosnier et Lachèse, 1854, acte 367). Voir les remarques de Jacques Dalarun sur le rôle du monachisme féminin dans la régulation des conflits (Dalarun Jacques, Modèle monastique : un laboratoire de la modernité, Paris, CNRS Éditions, 2019, p. 86).
22Nous nous permettons de renvoyer ici à : Legros Sébastien, Moines et seigneurs…, op. cit, p. 61 et 62. Certaines descriptions suggèrent la séparation entre un espace proprement monastique et un espace à vocation agricole (peut-être aussi artisanale le cas échéant ?) : à Azé (Du Brossay Emmanuel, « Cartulaire d’Azé et du Genéteil », op. cit., acte 38, en 1265), à Craon (Métais Charles, Cartulaire de l’abbaye cardinale, op. cit., acte 741, en 1276).
23Legros Sébastien, Moines et seigneurs…, op. cit., p. 102. Voir notamment les déplacements du prieur de Bazougers à la fin du xie siècle (Charles Robert et Menjot D’Elbenne Samuel, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans (ordre de saint Benoît). Premier cartulaire, 572-1188, Mamers/Le Mans, Fleury/A. de Saint-Denis, 1886-1913, acte 1/437). Le moine Bernard passe en quelques jours de la maison de Vivien de Montfourmé à celle de Fromond de Beauchêne puis retrouve un donateur sur le pont de Bazougers.
24Le moine Albert passe ainsi de Bazougers à Anthenaise pour visiter Hubert Bordin (Charles Robert et Menjot D’Elbenne Samuel, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans…, op. cit., acte 1/469, vers 1096).
25Voir par exemple Joubert André, Histoire de Ménil et de ses seigneurs d’après des documents inédits (1040-1886), Paris, E. Chevallier, 1888, p. 50.
26Le prieur de Saint-Clément de Craon s’arrange avec un chevalier sur les heures auxquelles ses chiens pourront traverser ses terres (Archives départementales [désormais : Arch. dép.] Mayenne, H 137, fo 238, en 1291)… une habitude bien ancrée à tel point qu’en 1598 l’abbé recommande aux moines « de se tenir au-dedans de leur cloître, vaquer es prières et oraison suivant et au désir de leur règle et [non d’] aller chasser es garennes et pêcheries du prieuré » (Métais Charles, Cartulaire de l’abbaye cardinale, op. cit., acte 837).
27De nombreuses donations sont faites dans la « maison » des moines : à Saint-Martin de Laval en 1075 (s361) et 1096 (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Laval, acte 16) ; à Saint-Jean-Baptiste de Château-Gontier entre 1082 et 1106 (Bertrand de Broussillon Arthur, Cartulaire de l’abbaye Saint-Aubin d’Angers, Angers, Germain et Grassin, 1903, acte 678 : in claustro monachorum) ; à Bazougers (Charles Robert et Menjot D’Elbenne Samuel, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans…, op. cit., acte 1/460 en 1096 ; 1/448 et 449 : « dans le cloître des moines » en 1106) ou à Mayenne (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Mayenne, acte 12 en 1120). D’autres actes sont situés, parfois symboliquement, par exemple « dans le verger des moines » (Marchegay Paul, « Chartes mancelles de l’abbaye de Saint-Florent près Saumur, 848-1200 », Revue historique et archéologique du Maine, 1878-3, p 347-370, p. 365 : vers 1178 à Mayenne).
28Ces fonctions peuvent être celles des seigneurs alentour (ainsi, en 1238, Thibault de Mathefelon renonce par exemple à tenir ses « plaids, duels et causes » dans la maison du prieur de Changé : Arch. dép. Mayenne, H 204 et 210bis, acte 145), mais sont surtout celles du prieur, par exemple dans le cadre de l’exercice de ses fonctions judiciaires. Ainsi, certains prieurés disposent d’une prison (une est mentionnée à Saint-Clément de Craon en 1587 : Arch. dép. Mayenne, H 68, fo 947 ; une autre à Saint-Jean-Baptiste de Château-Gontier en 1360 : ibid., H 147, fo 39 et H 15)… Les prieurs sont aussi astreints à un grand nombre de devoirs alimentaires, en particulier auprès de leurs donateurs laïcs (ou de leurs partenaires séculiers) : pitances ou dîners à prendre au prieuré (mentionnés dans les prieurés de Juvigné, de Quelaines, de Laval, de Bazougers, de Château-Gontier, de Craon…). Lesquels peuvent être très fréquents : tous les samedis pour le seigneur de Laval au prieuré Saint-Martin, par exemple (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Laval, acte 26).
29Il faut bien faire fonctionner la boulangerie du prieuré de Craon, mentionnée en 1598 (Métais Charles, Cartulaire de l’abbaye cardinale, op. cit., acte 837) ; toujours à Craon, des maisons sont en construction « à l’intérieur du cloître » en 1276 (ibid., acte 741).
30Granges, étables, pressoirs s’agrègent aux prieurés… Un inventaire relatif à Saint-Georges de Ménil évoque au tout début du xvie siècle la maison prieurale « le tout 2 journaux de terre en un tenant avec chapelle, maison, granges, aire, vergers, fuye, pressoir… pour loger ledit prieur et ses gens et metaiers » (Joubert André, Histoire de Ménil…, op. cit., p. 42-50).
31Voir Lamy Claire, L’abbaye de Marmoutier…, op. cit.
32Pour reprendre une expression de Lamy Claire, ibid. Voir comment le prieur de Ballée, Jean Goupil, rappelle ses obligations en 1481 (Arch. dép. Mayenne, H 9), ou celui de Craon en 1468 (Arch. dép. Mayenne, H 143, fo 124).
33Voir Legros Sébastien, Moines et seigneurs…, op. cit., p. 109 et 110. On devine les enjeux classiques liés à une présence trop durable dans un prieuré donné. Nonobstant les possibilités documentaires, il faudrait creuser la question par un travail prosopographique permettant de retracer des « carrières » prieurales (durée des séjours prieuraux ? régularité des retours à l’abbaye ? alternance entre la fonction de prieur et le simple statut de « compagnons » ? et comment l’expérience prieurale, qui offrait une plus grande latitude d’action aux moines qui la vivaient, se répercutait-elle dans les équilibres conventuels quand ceux-ci réintégraient leur abbaye ?).
34Aimablement appelé « jour de surveille » à Saint-Aubin d’Angers (Arch. dép. Mayenne, H 19, fo 5-7, en 1436).
35Qui peuvent être anticipées dans le fonctionnement des prieurés : à Mayenne, le prieur doit prévoir l’avoine pour les chevaux de l’abbé quand il visitera le prieuré (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., acte 12, Mayenne, en 1120).
36On en trouve mention dès 1109 pour l’abbaye de la Trinité Vendôme, par exemple (Métais Charles, Cartulaire de l’abbaye cardinale, op. cit., acte 423 : « nous notifions […] que les prévôts des obédiences assemblées en chapitre général le jour de la fête de la nativité du notre seigneur, présidé par dom Geoffroy alors abbé, en rémission de leurs péchés, procureront l’entretien pour les frères qui demeurent au cloitre… »).
37La Trinité de Vendôme, encore elle, avait mis en place dès la première moitié du xiie siècle une taxe annuelle destinée à entretenir la bibliothèque abbatiale (Métais Charles, Cartulaire de l’abbaye cardinale, op. cit., acte 549). Ces obligations peuvent être monétisées à la fin du Moyen Âge (voir à Bazougers en 1497 : Arch. dép. Mayenne, 14 J 10).
38Outre les mémorables 906 harengs que le prieur de Berne doit à son abbé le mercredi des Cendres, ces obligations, très nombreuses dans la documentation, sont généralement céréalières. Elles sont parfois mentionnées dès l’acte de fondation de l’établissement, par exemple à Saint-Martin de Laval (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Laval, acte 1, estimé à 17 setiers de seigle au milieu du xviie siècle : Arch. dép. Mayenne, 14 J 478).
39Lesquels s’intéressent particulièrement au respect de la clôture, aux repas, à la chasse… Voir Oury Guy-Marie, « Les statuts des prieurés de Marmoutier (xiiie-xive siècles) », Revue Mabillon, t. 60, no 284, avril-juin 1981, p. 1-16.
40L’enquête peut se prolonger en direction d’autres catégories : procureurs, serviteurs, métayers…
41Racinet Philippe, « Familiers et convers… », art. cité ; Lamy Claire, L’abbaye de Marmoutier…, op. cit.
42Métais Charles, Cartulaire de l’abbaye cardinale, op. cit., acte 124, 186 ; Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., acte 1 (Ballée) et 15 (Fontaine-Géhard) ; Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre, op. cit., acte 196 ; Charles Robert et Menjot D’Elbenne Samuel, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans, op. cit., actes 1/437, 447, 453, 470 ; Bertrand de Broussillon Arthur, Cartulaire de Saint-Michel de l’Abbayette, prieuré de l’abbaye du Mont-Saint-Michel (997-1421), Paris, A. Picard et Fils, 1894, acte 8 ; Marchegay Paul, Archives d’Anjou…, op. cit., actes 367, 380, 381, 384 et 385 ; Du Brossay Emmanuel, « Cartulaire d’Azé et du Genéteil », op. cit., acte 13 ; Arch. dép. Mayenne, H 204 et 210bis, actes 15, 46, 102, 108, 111 ; Bertrand de Broussillon Arthur, Cartulaire de l’abbaye Saint-Aubin, op. cit., acte 899 ; Arch. dép. Mayenne, H 147, fo 94 et 14 J 480.
43Voir l’acte saisissant opposant la prieuresse d’Avesnières Isobie au seigneur de Saint-Berthevin, vers 1120 : face aux quatorze témoins du seigneur, seul Babin, son familier, accompagne la moniale (Marchegay Paul, Archives d’Anjou…, op. cit., acte 367).
44À Saulges, en 1209 (Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre, op. cit., acte 196).
45À Fontaine-Géhard, en 1206 (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Fontaine-Géhard, acte 15).
46Legros Sébastien, Moines et seigneurs…, op. cit., p. 220.
47Ou de défiance, bien sûr.
48Marchegay Paul, Archives d’Anjou…, op. cit., actes 367, 384 et 385.
49Par ordre chronologique : Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Laval, acte 12, supplément 1 ; Bertrand de Broussillon Arthur, La Maison de Laval 1020-1605. Étude historique accompagnée du cartulaire de Laval et de Vitré. t. 1. Les Laval 1020-1264, Paris, Alphonse Picard et Fils, 1895, actes 64, 65 ; Marchegay Paul, Archives d’Anjou, op. cit., actes 364, 381, 376, 382, 390, 383, 124.
50Personnage d’une certaine importance, Burgonde était la fille du seigneur de Sablé et de Craon, Robert le Bourguignon.
51Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Laval, acte 1 ; ce droit est encore rappelé en 1520 ; Arch. dép. Mayenne, 14 J 480 ; voir aussi à Arquenay : Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Arquenay, acte 2.
52Bertrand de Broussillon Arthur, La Maison de Laval…, op. cit., acte 64.
53Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Laval, acte 10 ; voir aussi Arch. dép. Mayenne, H 204 et 210bis, acte 96, en 1225.
54Ainsi le litige avec le seigneur de Brée, par exemple, en 1525 (Arch. dép. Mayenne, 1 J125) ; voir aussi à Bouère entre 1199 et 1214 (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Bouère, acte 16) ou à Craon en 1276 (Métais Charles, Cartulaire de l’abbaye cardinale, op. cit., acte 741).
55Ballée : Arch. dép. Mayenne, H 9 ; Pour Ménil : Joubert André, Histoire de Ménil…, op. cit., p. 42-50. Les deux cas se situent à la fin du xve siècle ou au début du xvie siècle.
56Voir les actes suivants qui les mentionnent, par ordre chronologique : Charles Robert et Menjot D’Elbenne Samuel, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans…, op. cit., acte 456 ; Marchegay Paul, Archives d’Anjou…, op. cit., acte 374 ; Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Laval, suppl. 1 ; Bertrand de Broussillon Arthur, La Maison de Laval…, op. cit., actes 64 et 65 ; Marchegay Paul, Archives d’Anjou…, op. cit., acte 364 ; Charles Robert et Menjot D’Elbenne Samuel, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans…, op. cit., actes 442, 448, 461 ; Marchegay Paul, Archives d’Anjou…, op. cit., acte 367.
57Hormis deux cas de donations fondatrices en 1068 et 1098 (à Ménil et au Ham : Métais Charles, Cartulaire de l’abbaye cardinale, op. cit., acte 186 ; Charles Robert et Menjot D’Elbenne Samuel, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans…, op. cit., acte 1/576), c’est d’ailleurs à Bazougers lors d’un énième litige avec Hamelin d’Anthenaise qu’un règlement est spécifiquement établi devant l’église et la paroisse assemblée, l’acte détaillant par le menu les métiers des témoins accompagnant le prieur et son abbé, venu pour l’occasion (Charles Robert et Menjot D’Elbenne Samuel, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans…, op. cit., acte 1/453, en 1096 ou 1097).
58Pour Laval : Angot Alphonse, « L’église de la Trinité de Laval : sa construction et son plan primitif », La Province du Maine, 1898, p. 42-50 ; pour Bazougers : Charles Robert et Menjot D’Elbenne Samuel, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans…, op. cit., acte 1/461. On en repère, quoique nettement plus tardivement, à Vaiges, à Louvigné, à Saint-Loup, à Château-Gontier, à Quelaines, à la Cropte, à Azé, à Astillé, à Craon. On pressent ici les enjeux politiques de long terme que génèrent ces formes d’organisation à l’ombre des prieurés…
59Arch. dép. Mayenne, 630 G 2, fo 23-39.
60Par exemple un acte relatif au prieuré de Cossé suggère qu’on a localement « manqué à la dîme » et qu’elle n’a pas été rendue intégralement (Marchegay Paul, « Chartes mancelles… », art. cité, p. 361).
61Dans un litige relatif aux dîmes de Vautorte, le prieur de Fontaine-Géhard ne peut établir ses revendications « ni par droit ni par témoin » (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Fontaine-Géhard, suppl. 2).
62Ibid., Bouère, acte 32, en 1399.
63À quoi pourrait s’ajouter le vêtement, que je laisse ici à regret de côté faute de documentation, hormis quelques mentions fugitives à la toute fin du Moyen Âge : il n’est évoqué que pour un couple de condonnés vers 1239 à Chemeré-le-Roi (Arch. dép. Mayenne, H 204 et 210bis, acte, acte 154) et pour les moines de Craon et Ménil dans deux brèves précisions au début du xvie siècle (ibid., H 143fo 188 et Joubert André, Histoire de Ménil…, op. cit., p. 42-50). On rencontre aussi quelques mentions relatives à la production de laine (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Arquenay, acte 1 ; Arch. dép. Mayenne, H 8 ; Bertrand de Broussillon Arthur, Cartulaire de l’abbaye Saint-Aubin, op. cit., acte 742).
64Bouvart Patrick, Les prieurés de Fontevraud dans le diocèse de Poitiers. Conditions d’implantation, topographie monastique et évolution, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Archéologie et Culture », 2021.
65Racinet Philippe, « Observation sur l’implantation et l’agencement du prieuré clunisien de Saint-Laurent d’Esserent », Revue archéologique de Picardie, no 1-2, 1989, p. 131-141.
66Citter Carlo, « Établissements monastiques, environnement et exploitation des ressources dans le haut Moyen Âge : analyse spatiale et postdictive », dans Michel Lauwers (dir.), Labeur, production et économie monastique dans l’Occident médiéval. De la règle de saint Benoît aux Cisterciens, Turnhout, Brepols, coll. « Études médiévales de Nice », 2021, p. 283-296.
67Évidemment identifiable par le bâti subsistant actuellement. Une seule mention formelle à Champgeneteux, en 1688 (Angot Alphonse, Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, t. 1, Laval, 1900-1910, p. 520).
68Quelques actes évoquent la construction du logis des moines. À Saulges, l’agencement général est envisagé avant même la fondation (Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre, op. cit., acte 13, entre 1050 et 1068). À Mayenne, un moine maçon (Algerio cementario) est signalé au moment de la fondation du prieuré (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Mayenne, acte 11, en 1120). La maison des moines doit être construite à Cuillé vers 1083-1094 (Angot Alphonse, Dictionnaire historique…, op. cit. t. 1, p. 848), l’Abbayette en 1128 (Bertrand de Broussillon Arthur, Cartulaire de Saint-Michel de l’Abbayette, op. cit., acte 10). Elle est donnée déjà construire à Nuillé (Charles Robert et Menjot D’Elbenne Samuel, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans…, op. cit., acte 1/476) ou à Bouère (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Bouère, acte 1).
69Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Origné, 2. Le terme operarii suggère une corvée. On ignore évidemment d’où vient la pierre.
70Voir Denis Louis-Jean, Archives historiques du Maine, t. 12 (1er fascicule), Chartes de Saint-Julien de Tours du xie au xive siècle, Le Mans, Société des Archives historiques du Maine, 1912, p. 26-29, acte no 18 (Javron, en 1046) ; Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Arquenay, acte 2 (Arquenay, vers 1055) ; Laurain Ernest, Laval, acte 1 (Laval, vers 1055-1060) ; Charles Robert et Menjot D’Elbenne Samuel, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans…, op. cit., acte 1/457 (Bazougers, vers 1070) ; Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre, op. cit., acte 19 (Saulges, entre 1080 et 1091) ; Azé (Du Brossay Emmanuel, « Cartulaire d’Azé et du Genéteil », op. cit., acte 5, vers 1100) ; Bertrand de Broussillon Arthur, Cartulaire de l’abbaye Saint-Aubin, op. cit., acte 680 (Château-Gontier, en 1112) ; Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Mayenne, acte 13 (Mayenne, en 1120) ; Arch. dép. Mayenne, H 204 et 210bis, acte 7 (Évron, 1123) et 118 (Bais) ; Fontaine-Géhard (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Fontaine-Géhard, acte 5, en 1147).
71Voir chapitre ii de : Bépoix Sylvie et Richard Hervé (dir.), La forêt au Moyen Âge, Paris, Les Belles Lettres, 2019.
72À titre d’exemple, une seule tempête a le mérite d’être relevée en 1326 à Laval (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Visite) et deux incendies naturels, à Laval en 1660 (ibid., suppl. 10), Villers-Charlemagne en 1542 (ibid., Villiers-Charlemagne, acte 24).
73Bertrand de Broussillon Arthur, La Maison de Laval…, op. cit., actes 91 et 128. De nombreux actes concernent les réparations du prieuré Saint-Étienne de Mayenne à la suite des guerres franco-anglaises (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Fontaine-Géhard, actes 9, 11, 12, au début du xiiie siècle).
74Voir les remarques générales à cet égard de Fabrice Mouthon dans : Le sourire de Prométhée. L’homme et la nature au Moyen Âge, Paris, la Découverte, 2017, p. 140-143.
75Un exemple en 1388 à Craon : le prieur peut prendre dans les forêts de Craon, « le bois mort sans monstrée pour le chauffage de l’hôtel du prieuré et pour l’usage du four de l’hôtel dudit prieur, pour lui et ses estaigers » (Arch. dép. Mayenne, H 143, fo 3-27).
76Quelques actes évronnais le précisent : Arch. dép. Mayenne, H 204 et 210bis, actes 7, 76, 108, 118.
77Il est évoqué dans un litige concernant les moines d’Evron en 1227 (Arch. dép. Mayenne, H204 et 210bis, acte 102).
78D’où de nombreux litiges sur l’accès aux bois, sur les coupes avec ou sans montrée préalable, sur la présence ou non d’un forestier…
79Voir Arch. dép. Mayenne, H 204 et 210bis, actes 77, 102, 108, 111 ; Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Saint-Loup, 6 ; Arch. dép. Mayenne, H 19, fo 46.
80Le prieur de Fontaine-Géhard fait ainsi modifier un circuit en 1323 (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, ibid., Fontaine-Géhard, acte 67).
81Berne, Bouère, Ballée, la Ramée, Ménil, Pritz, Bazougers, Avesnières, Abbayette, la Cropte, Mayenne, Fontaine-Géhard, Laval, Craon. Voir [https://independent.academia.edu/SébastienLegros] pour consulter les tableaux.
82Le prieur de Laval finit par échanger ses droits en forêt de Concise contre quinze journaux de taillis en 1619 : Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Laval, suppl. 7. Au passage, on comprend que le chauffage du prieuré et la cuisson représentent 60 charretées de bois par an.
83Joubert André, Histoire de Ménil…, op. cit., p. 42-50 : le bois se coupe tous les neuf ans et l’acte indique qu’il sert bien au chauffage de l’année.
84Voir : Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Laval, acte 19 (en 1150) ; Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre, op. cit., acte 299 (Soulgé, vers 1200) ; Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Fontaine-Géhard, actes 12, 15, 56, 85 et 86 et Arch. dép. Mayenne, H 66, fo 106-107 (Fontaine-Géhard, en 1203, 1206, 1264, 1459) ; Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre, op. cit., acte 267 (Pré-en-Pail, en 1218) ; Arch. dép. Mayenne, H 204 et 210bis, acte 76 (Berne, en 1219), 108 (Évron, en 1229) ; Métais Charles, Cartulaire de l’abbaye cardinale, op. cit., acte 741 ; Arch. dép. Mayenne, H 68, fo 788-803 et H 144, fo 161-170 (Craon, en 1276, puis vers 1500 et en 1540).
85Au-delà du métayage, le faire-valoir direct impliquerait de s’intéresser précisément aux jardins et vergers prieuraux.
86Ce recours au commerce alimentaire est rarement évoqué directement : on le perçoit pour les moines de Bouère (vers 1214 : Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Bouère, acte 16) et d’Évron (en 1230 : Arch. dép. Mayenne, H 204 et 210bis, acte 111). Le charroi apparaît également ponctuellement, notamment parce que les moines défendent leurs exemptions pour les déplacements de leurs hommes.
87Les indications sont innombrables et soulignent évidemment le rôle clef de la dîme, on y reviendra.
88Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Fontaine-Géhard, acte 79 (en 1451) ; Du Brossay Emmanuel, « Cartulaire d’Azé et du Genéteil », op. cit., acte 5 (vers 1100) ; Arch. dép. Mayenne, 144, fo 161-170 (1540).
89Voir notamment Arch. dép. Mayenne, H 204 et 210bis, acte 154 (vers 1239).
90Un acte du seigneur de Mayenne définit sa familia comme regroupant « ceux qui sont de mon pain et de mes vivres » (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Mayenne, acte 3, en 1120).
91Les porcs sont l’objet de nombreuses précisions, pour le pacage dans les forêts. Les autres animaux sont rarement nommés : un relevé rapide identifie des moutons et agneaux, des bœufs, des volailles, des lapins, des chiens (notamment un lévrier), des chevaux (pour les déplacements du prieur notamment) et des mules.
92Par exemple à Château-Gontier (Arch. dép. Mayenne, H 19, fo 7-10), à Ménil (Joubert André, Histoire de Ménil…, op. cit., p. 42-50).
93Dont il faudrait évaluer la spécialisation, que l’on devine pour des prieurés comme celui de Bouère (vigne), de Fontaine-Géhard (bois). En filigrane, se posent la question des compétences et des choix des prieurs destinés à gouverner ces établissements et, évidemment, celle de l’impact de ces activités agricoles dans l’aménagement des terroirs.
94Et de stockage (face aux aléas) ?
95Arch. dép. Mayenne, H 9.
96Voir notamment l’acte de fondation du prieuré de Bouère, qui détaille les treize fêtes annuelles lors desquelles le prieur récupère le tiers des oblations (Laurain Ernest, Cartulaire manceau de Marmoutier, op. cit., Bouère, acte 1). Le relevé de ce calendrier économique et liturgique souligne (sans grande surprise) l’importance de Pâques, de la fête de la Purification de la Vierge, de la Saint-Jean-Baptiste, de l’Angevine, de la Toussaint et de Noël.
97Schmitt Jean-Claude, Les rythmes au Moyen Âge, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque illustrée des histoires », 2016.
98Morsel Joseph (dir.), Communautés d’habitants au Moyen Âge (xie-xve siècles), Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. « Publications de la Sorbonne Histoire ancienne et médiévale », 2018.
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