Une guerre dans le Maine à la fin du xie siècle
Pour une relecture du récit d’Orderic Vital du siège de Sainte-Suzanne par Guillaume le Conquérant
p. 115-132
Texte intégral
1Sainte-Suzanne est aujourd’hui un petit bourg de l’est du département de la Mayenne, entre Le Mans et Laval1, situé sur la lisière méridionale des collines des Coëvrons et sur les confins occidentaux de la forêt de la Grande Charnie. Au Moyen Âge, Sainte-Suzanne relève du diocèse du Mans et du comté du Maine où le site occupe une position géographiquement assez centrale (fig. 1)2. Au moins à partir du début du xie siècle, la châtellenie est une seigneurie appartenant à un des plus puissants lignages du Maine : les sires de Beaumont, vicomtes du Maine.
Fig. 1. – Carte du diocèse du Mans au xie siècle. Le comté du Maine s’inscrit peu ou prou dans ces limites.

DAO H. Meunier, M. Muzellec et P.-Y. Laffont, 2024.
2Le bourg s’est développé en contrebas de son château, établi sur une crête de grès dominant le cours de l’Erve à 170 m d’altitude (fig. 2). Du château subsistent de remarquables vestiges dont la tour maîtresse, encore particulièrement bien conservée, est un élément emblématique. Cette imposante tour de pierre, qui s’inscrit pleinement dans le modèle des tours « romanes » de l’Ouest et du Centre de la France, a probablement été bâtie par un vicomte du Maine au début du xie siècle, en lieu et place d’un bâtiment antérieur dont quelques indices archéologiques laissent supposer l’existence3. Autour de ce château, qui présente, outre la tour, différents états successifs allant du xiie-xiiie siècle à l’époque moderne, s’est développé un habitat castral, enclos par une puissante enceinte de pierre, peut-être bâtie dès le xiiie siècle, mais dont subsistent avant tout des éléments des xive et xve siècles4. Le château prend lui-même le relai d’un habitat de hauteur fortifié de l’âge du Fer occupé jusqu’au iie ou au ier siècle avant J.-C., puis réoccupé à nouveau à partir de l’époque carolingienne (voire avant ?) par un habitat de type aristocratique5. On le voit le site de Sainte-Suzanne est donc depuis des temps très anciens un lieu de pouvoir de grande importance.
Fig. 2. – Vue aérienne du bourg de Saint-Suzanne et de ses abords en 2010. Au centre du château, on distingue la tour maîtresse en pierre du début du xie siècle.

Cliché commune de Sainte-Suzanne et DAO P.-Y. Laffont.
3À la fin du xie siècle, à une date et selon des modalités que nous chercherons justement à préciser ici, le château est assiégé par l’armée du roi d’Angleterre et duc de Normandie, Guillaume le Conquérant. Cet événement ne nous est décrit que par une seule et unique source, le livre VII de l’Historia ecclesiastica du célèbre moine et chroniqueur anglo-normand Orderic Vital (1075-c. 1142)6, texte qui a connu plusieurs éditions et traductions, sous divers titres, depuis le xviie siècle7.
4À partir du début du xixe siècle et de la publication en 1840 par le curé d’Évron, l’abbé Gérault, d’un petit ouvrage historique sur Sainte-Suzanne et son château8, divers historiens du Maine médiéval se sont attachés à restituer le récit de cet épisode guerrier, en développant toutefois pour la plupart une lecture assez littérale d’Orderic Vital et en relayant tout au long des xixe et xxe siècles le récit finalement assez statique d’un long siège de Sainte-Suzanne de plusieurs années. Il nous semble cependant, à la lumière d’une historiographie renouvelée depuis quelques décennies, notamment par des chercheurs anglo-saxons, qu’il est possible d’offrir une nouvelle lecture de ces événements dont on verra que la portée au xie siècle fut à l’évidence plus que locale.
5Le siège du château de Sainte-Suzanne que conduit Guillaume de Normandie dans les années 1080 s’inscrit plus largement dans le contexte des guerres qu’il mène alors dans le Maine depuis une vingtaine d’années. Revenons tout d’abord brièvement quelques décennies en arrière.
Le comté du Maine dans la seconde moitié du xie siècle
6Au xie siècle, le comté du Maine – qui correspond approximativement aux actuels départements de la Sarthe et de la Mayenne, excepté leurs franges les plus méridionales qui sont alors angevines et leurs franges les plus septentrionales qui sont alors normandes – est une principauté relativement inorganique, constituée d’une nébuleuse de seigneuries châtelaines autour de la cité épiscopale du Mans9. Son unité lui vient de la dynastie comtale qui la gouverne, mais dont le pouvoir est en réalité assez faible face à de puissants lignages locaux (comme les sires de Bellême ou de Mayenne), de puissants évêques et, surtout, de puissants voisins, normands et angevins10.
7En 1051, le comte Hugues IV, fils du comte Herbert Ier Éveil-Chiens, meurt en ne laissant que des enfants en bas âge. Le comte d’Anjou, Geoffroy II Martel, qui avait déjà imposé sa tutelle à Hugues IV lorsqu’il était enfant, profite de cette situation pour s’emparer du Maine, sur lequel il avait des visées depuis longtemps. L’évêque du Mans Gervais de Château-du-Loir, qui avait été en conflit lors de la minorité d’Hugues IV avec le comte d’Anjou, se réfugie alors auprès de Guillaume de Normandie qui a, par ailleurs, accueilli Herbert II, l’héritier présomptif d’Hugues IV et donc du comté du Maine. Durant les années qui suivent, les Angevins dominent le Maine et affrontent Guillaume sur les confins de cette principauté et de la Normandie. Celui-ci cherche à contrer l’influence angevine en prenant ou en construisant des châteaux sur la frontière (à Domfront ou Ambrières particulièrement11) et en soutenant les opposants manceaux à Geoffroy Martel. Probablement entre 1058 et 1060, Guillaume établit un accord avec le comte en exil Herbert. Au terme de celui-ci, il est convenu qu’Herbert épousera une des filles de Guillaume et que Robert Courteheuse, fils aîné de Guillaume, épousera Marguerite, fille d’Herbert, ce qui permettait évidemment au duc de Normandie d’acquérir par là des droits familiaux sur le comté du Maine, sources majeures de légitimité. De plus, en cas de mort sans héritier d’Herbert, le comté du Maine devait échoir au duc12.
8Et c’est bien la situation qui semble se présenter en 1062 lorsqu’Herbert II décède. S’appuyant sur l’accord précédent et profitant de l’affaiblissement du comté d’Anjou après la mort du comte Geoffroy Martel en 1060, Guillaume entreprend la conquête du comté du Maine, où le comte Herbert II avait déjà retrouvé quelque autorité après le décès de son ennemi. Le duc de Normandie se heurte toutefois à l’opposition de la majeure partie des seigneurs manceaux qui ont, eux, choisi pour héritier à Herbert II le comte du Vexin, Gauthier, beau-frère d’Herbert ; cela avec l’accord du comte d’Anjou Geoffroy III le Barbu, faible successeur de Geoffroy Martel. Guillaume prend alors possession de divers châteaux du Maine et de la cité du Mans en 1063, dont il s’empare notamment grâce à la construction de deux fortifications de siège, les célèbres mottes du Mont-Barbet et du Petit-Mont-Barbet13. Abandonnés par leurs alliés angevins, Gauthier du Vexin et ses partisans manceaux doivent finalement se soumettre.
9Le duc semble alors avoir acquis suffisamment de biens et de droits dans le Maine et dans la cité épiscopale pour avoir besoin d’un sénéchal pour le représenter sur place. Son fils Robert Courteheuse, alors âgé de 11 ou 12 ans, devient comte du Maine14 et, en 1065, à la mort de l’évêque du Mans Vougrin, ancien abbé de Saint-Serge d’Angers, Guillaume fait élire à sa place un évêque d’origine normande15.
10Mais Guillaume a dû mal à imposer son autorité sur les seigneurs du Maine et sur les habitants du Mans et il fait face à des révoltes. Au début de l’année 1073, il doit intervenir avec une puissante armée pour reconquérir le Maine, qui était dans une situation politique chaotique depuis une révolte en 1069 des Manceaux contre son autorité et celle de son fils Robert, qui avait amené l’expulsion des représentants de l’autorité normande. Cette révolte avait vu intervenir successivement au premier plan Azzo, marquis d’Este, mari de Gersende, fille de l’ancien comte Herbert Ier Éveille-chien, et son fils Hugues, puis Geoffroy, seigneur de Mayenne et le comte d’Anjou Foulque le Réchin16.
11L’intervention militaire de Guillaume s’était portée notamment contre le vicomte du Maine Hubert17, seigneur des châteaux de Beaumont et de Fresnay, dans la haute vallée de la Sarthe, au nord du Mans, ainsi que de celui de Sainte-Suzanne18. Hubert se soumettant finalement à Guillaume. Toutefois, cette pacification va s’avérer de courte durée dans un comté du Maine, décidément rétif à l’autorité normande19.
Les événements du début des années 1080 : le contexte d’une nouvelle crise
12En 1081, Guillaume le Conquérant doit, à nouveau, se porter physiquement sur place, cette fois pour s’opposer à l’immixtion angevine dans l’extrême sud-est du comté du Maine, dans la vallée du Loir aux portes mêmes de l’Anjou. La guerre est évitée de très peu avec le comte d’Anjou et une paix est signée, la paix dite de Blanchelande20.
13Surtout, à la toute fin de l’année 108321 ou au début de l’année suivante, c’est une autre révolte qui se déclare contre l’autorité normande22. La rébellion est à nouveau conduite par le vicomte Hubert, peut-être en réaction à des sanctions prises contre lui par le duc Guillaume après les événements de 1069-107323. Hubert abandonne ses châteaux de Beaumont et de Fresnay, sans doute trop exposés car près de la frontière normande, pour se réfugier dans son château de Sainte-Suzanne, d’où, avec son armée, il harcèle les représentants de l’autorité normande dans le Maine24, devenant ainsi, aux dires d’Orderic, un « ennemi public25 ».
14Son principal allié sur place paraît avoir été son parent Robert le Bourguignon, seigneur des châteaux de Craon et de Sablé (sur-Sarthe), dont les domaines, particulièrement sa seigneurie de Sablé, flanquaient immédiatement au sud ceux d’Hubert26. Robert le Bourguignon était un puissant personnage, très influent à la cour des comtes d’Anjou dont il était un fidèle. Robert était de haut lignage : neveu du roi Henri Ier, frère de Guillaume Ier, comte de Nevers, et oncle par alliance d’Hubert, vicomte du Maine, dont la femme Ermengarde était la fille du comte de Nevers. Probablement arrivé enfant ou adolescent à la cour des comtes d’Anjou, à la suite du mariage de sa grand-tante Agnès de Bourgogne avec le jeune comte Geoffroy II Martel en 1032, Robert tenait du comte d’Anjou Sablé dans le Maine ainsi que, en terre angevine, Craon et quelques autres seigneuries27. Les deux alliés soustrayaient ainsi à l’autorité du duc de Normandie tout le centre-sud du Maine. Il n’est pas impossible que Geoffroy de Mayenne, autre grand puissant du comté du Maine et dont la seigneurie joignait, elle, immédiatement au nord celle d’Hubert, ait aussi soutenu les deux révoltés28. C’est ce que pourrait laisser penser la présence simultanée de Robert le Bourguignon et de Geoffroy de Mayenne à la cour du comte d’Anjou à la toute fin de l’année 1083 et au tout début de l’année 108429.
15La situation est en tout cas suffisamment grave pour que le roi-duc Guillaume réunisse, sous son autorité personnelle, une armée pour intervenir à nouveau dans le Maine et marcher contre la place forte de Sainte-Suzanne depuis laquelle le vicomte du Maine défiait son autorité30. Normands et Bretons composent cette armée, comme l’indiquent différents patronymes donnés par Orderic, qui mentionne aussi que le roi a fait appel à ses alliés manceaux31. Mais de ceux-ci il ne sera plus du tout question ensuite dans le récit d’Orderic et on peut donc douter fortement de leur importance numérique dans le contingent mobilisé. En tout cas, la présence sur place, à un moment ou à un autre des événements, de très grands personnages comme Alain le Roux, comte de Richmond, Guillaume Ier de Warennes, futur comte de Surrey, ou Guillaume, comte d’Évreux32, tous membres de la familia regis, montre l’ampleur et la qualité des forces mobilisées par Guillaume de Normandie et par voie de conséquence l’enjeu stratégique de l’affaire, bien au-delà d’une querelle personnelle ou d’un simple conflit local33. On ne peut donner le nombre de guerriers présents dans l’armée normande à Sainte-Suzanne, toutefois, à titre de comparaison, Orderic Vital indique que l’armée du roi Guillaume II le Roux qui mène campagne dans le Maine en 1098, quelques années plus tard donc, comptait 1700 chevaliers34.
Le récit des événements selon Orderic Vital
16La chronologie fine des événements est très difficile à établir en raison des lacunes du récit d’Orderic, notre seule source directe. Par divers recoupements, David Bates considère comme période la plus plausible pour le début de la campagne militaire de Guillaume contre le vicomte du Maine, l’été 1084, après le 19 juin, date où le duc de Normandie est encore à Rouen35. Cependant, en raison de la distance entre la cité normande et le cœur du Maine, on peut estimer que Guillaume n’est pas à Sainte-Suzanne avant les derniers jours de juin 1084 au plus tôt. Au plus court, environ 210 km séparent Rouen de Sainte-Suzanne. Si l’on compte des étapes d’une trentaine de kilomètres par jour, rythme moyen de déplacement au Moyen Âge à cheval, il a fallu a minima sept jours à Guillaume et à son armée pour atteindre leur objectif dans le Maine36. L’armée normande arrive donc aux abords du château de Sainte-Suzanne au plus tôt fin juin ou début juillet 1084. C’est une bonne période pour la guerre, mais, pour les Normands, les événements ne vont pas se dérouler comme prévu…
17En effet, selon Orderic Vital, en raison du relief et de la densité des vignes qui l’entourent37, l’armée ducale s’avère incapable de prendre la place. Les assiégés parviennent même à rompre le blocus mis en place par Guillaume et ses hommes38. Finalement, le roi, rappelé en Normandie par d’autres affaires urgentes, doit quitter Sainte-Suzanne39. Il laisse sur place, sous le commandement d’un de ses proches, le breton Alain le Roux40, une partie de ses troupes établie dans une fortification construite pour l’occasion dans la valle Beugici à proximité du château assiégé41. Toutefois, malgré son équipement, ses chevaux, sa fortification, l’armée de Guillaume fait face à un adversaire redoutable qui ne cesse de se renforcer par l’arrivée de renforts venant de tout le royaume – particulièrement d’Aquitaine et de Bourgogne – et qui lui porte de nombreux coups, tuant mais aussi capturant nombre de Normands ou d’Anglais, s’enrichissant et se renforçant ainsi de leurs rançons42. Parmi les morts normands figurent, cités expressément par Orderic Vital : Robert de Vieux-Pont, Robert d’Ussy, Richer de l’Aigle43. Ce Richer de l’Aigle était le fils d’Engenulf, mort lui-même à Hastings, et le beau-frère du comte de Chester, Hugues. Le lignage de l’Aigle faisait partie des bienfaiteurs de l’abbaye de Saint-Évroult, l’abbaye d’Orderic Vital44. Robert de Vieux-Pont est sans doute le même que celui envoyé en 1076 par le duc Guillaume, avec un certain Guillaume de Moulins, pour aider Jean de la Flèche alors assiégé dans son château du bord du Loir par le comte Foulque le Réchin45. Robert de Uxeio nous reste, quant à lui, inconnu, mais il était probablement originaire d’Ussy, près de Falaise46.
18Pour venger la mort de Richer de l’Aigle, les Normands tentent l’assaut du château de Sainte-Suzanne, mais finalement l’échec de ce dernier, la mort d’Hervé le Breton qui avait remplacé Alain le Roux à la tête de l’armée ducale et la crainte de nouvelles défaites les poussent à proposer la paix au vicomte Hubert qui accepte et se rend même en Angleterre auprès du roi Guillaume pour sceller celle-ci47.
Du siège à la guerre…
19Pour la plupart des auteurs locaux, anciens voire plus récents, s’appuyant sur deux phrases de la chronique d’Orderic Vital48, le siège aurait duré trois ou quatre années49, puis harassée par les coups portés par le vicomte Hubert et ses alliés, l’armée des Normands aurait finalement abandonné celui-ci. D’autres auteurs – plus récents généralement, en premier lieu Marjorie Chibnall, mais aussi Bruno Lemesle et David Bates – estiment, eux, que la chronique d’Orderic exagère assurément la durée du siège50. En effet, la lecture faite traditionnellement du texte d’Orderic – qui reste imprécis dans le déroulé des événements, bien qu’il soit assurément un auteur fiable pour l’histoire du Maine tout proche de la Normandie – nous paraît très discutable. En réalité, même, il nous semble que la période de trois années puis de quatre années à laquelle se réfère la chronique renvoie non pas à la durée d’un siège, mais à la durée totale du conflit ayant opposé le vicomte Hubert et ses alliés au roi Guillaume, entre la fin de l’année 1083 ou le début de l’année suivante et 1085 ou plus sûrement 1086. Ce qui correspond par ailleurs à ce que l’on sait de la date du rétablissement de la paix entre les deux parties par une autre source, le cartulaire de Saint-Vincent du Mans51.
20Mais il convient aussi assurément de revenir sur la nature exacte des opérations militaires conduites dans le cadre de ces événements et de s’interroger peut-être sur la notion de « siège ». Au xie siècle, il existe globalement deux moyens (éventuellement complémentaires) pour prendre une place forte. Le premier consiste en des assauts plus ou moins répétés jusqu’à la prise de la place et la reddition des assiégés ou, au contraire, l’abandon des assiégeants. En 1090, Robert Courtheuse s’empare ainsi en une journée du château de Brionne, en Normandie, grâce à un assaut mené par une puissante armée52. La méthode est toutefois risquée et potentiellement coûteuse en vies humaines, tout en nécessitant de très importants moyens humains pour être efficace. Le second moyen consiste en la mise en place d’un blocus, plus ou moins serré, pour isoler et affamer les défenseurs, avec parfois la construction d’une ou plusieurs fortifications provisoires autour de la place assiégée pour appuyer le blocus, pratique employée à diverses reprises par Guillaume de Normandie53. La victoire de l’un ou l’autre camp dépend alors de divers facteurs : la topographie des lieux et la puissance de la forteresse (déterminantes en un temps où l’usage des machines de siège est encore limité), les effectifs et les moyens mobilisés, les possibles alliances (allant de l’arrivée de renforts extérieurs jusqu’à une trahison à l’intérieur de la forteresse assiégée ouvrant celle-ci aux assiégeants), la motivation de chacune des parties sur la durée.
21Il paraît clair qu’à Sainte-Suzanne les deux approches – assauts et blocus – ont pu être mises en œuvre avec sans doute aussi des phases de combat en rase campagne. Plus qu’un long siège figé de plusieurs années, comme peut le laisser penser aux premiers abords l’emploi du mot « siège » dans une partie de la bibliographie, le récit que donne Orderic Vital est en réalité plutôt celui d’une longue guerre opposant dans le centre-sud du Maine les Normands aux Manceaux révoltés et alternant différentes phases. À ce titre, il convient sans doute mieux d’évoquer la « guerre de Sainte-Suzanne » que le « siège de Sainte-Suzanne », d’autres arguments que nous développerons plus loin allant dans le sens d’un conflit long et d’importance54. Lisant entre les lignes de la chronique, il paraît envisageable de proposer un scénario de déroulement plausible pour cette guerre.
22Après la mobilisation de l’armée royale et son arrivée devant Sainte-Suzanne, l’opération pourrait avoir débuté par un réel siège militaire en règle du château, à partir de la toute fin du mois de juin ou du début du mois de juillet 1084. La durée de cette première phase nous est inconnue, mais on sait que les sièges les plus longs aux xie-xiie siècles n’excèdent pas les deux à trois mois et encore cette dernière durée est-elle très importante. Selon Stephen R. Morillo, la moyenne de durée des sièges conduits par les souverains anglo-normands des xie-xiie siècles tournerait autour de quatre à six semaines55. La mention de la mort du normand Richer de l’Aigle, tué d’une flèche ou d’un carreau d’arbalète sous l’œil, un 14 des calendes de décembre (18 novembre), année non précisée toutefois, pourrait nous donner un terminus ante quem. En effet, les circonstances de la mort de celui-ci évoquent plutôt un affrontement en rase campagne ou plus précisément une embuscade avant un tel affrontement56, donc le passage déjà dans une seconde phase du conflit. Un premier siège d’environ trois mois – de juillet à septembre, aux beaux jours ? – sous l’autorité directe du roi Guillaume nous paraît donc envisageable. Cette durée déjà exceptionnelle pour l’époque, comme on l’a dit, expliquerait la place donnée à ce récit par Orderic dans sa chronique car elle aurait marqué les contemporains. Il est probable que des assauts directs aient eu lieu durant cette première phase sans résultats toutefois. Il est impossible de déterminer si les Normands ont construit dès le début des opérations à Sainte-Suzanne un contre-château ou si la réalisation de celui-ci a été décidée dans la seconde phase qui débute avec le départ de Guillaume et le transfert du commandement de son armée à Alain le Roux, probablement à l’automne 1084. Quoi qu’il en soit, cette fortification que mentionne à trois reprises Orderic Vital57, pourrait correspondre, même si sa datation exacte pose des problèmes archéologiques complexes, aux vestiges de l’imposante fortification fossoyée établie à 800 m au nord du bourg de Sainte-Suzanne, appelé aujourd’hui « Camp de Beugy », « Camp des Anglais » ou encore « Camp de Guillaume » (fig. 3). Le site, dont l’état de conservation est remarquable, prend l’aspect de deux vastes enceintes quadrangulaires accolées, grossièrement orientées est-ouest et entourées sur trois côtés (au nord, au sud, et à l’ouest) par des fossés larges d’environ 5 m en fond de fossé (fig. 4). À l’est, un important abrupt naturel rend un fossé inutile. La hauteur des remparts de terre peut être estimée en moyenne à environ 2,50 m à 3 m, mesure prise à l’intérieur de l’enceinte, et à environ 6 m, mesure prise dans les fossés ; la largeur à la base de ces talus étant d’environ 20 m au nord et 18 m au sud. La petite enceinte, à l’ouest, et la grande enceinte, à l’est, sont séparées par un fossé large, lui, d’environ 9 à 10 m en fond de fossé, soit le double des autres fossés. L’ensemble mesure près de 225 m de longueur sur 95 m de largeur moyenne à l’ouest et 120 m de largeur moyenne à l’est, pour une superficie totale de plus de 2,5 ha. Il pourrait, par ailleurs, être associé à la fortification, au sud, un large enclos pour les chevaux. Le site a fait l’objet de divers travaux archéologiques sous notre direction depuis les années 201058. Dominant la rivière d’Erve, cette fortification était particulièrement bien placée, puisque tout en offrant une vue directe sur le château de Sainte-Suzanne – bien qu’en restant largement hors de portée de tir – elle était à proximité d’un carrefour routier sur un axe est-ouest Le Mans-Laval et sur un axe nord-sud Mayenne-Évron-Sablé59, conduisant au-delà de Mayenne au nord vers Ambrières et Domfront, alors seigneuries normandes. La place contrôlait de plus un gué sur l’Erve60. Enfin, les occupants du site pouvaient bénéficier de la proximité immédiate de la rivière pour l’approvisionnement en eau (même si la fortification disposait aussi d’un puits alimenté par la nappe phréatique) ainsi que des prés présents dans le lit majeur de celle-ci.
Fig. 3. – Carte de localisation du bourg et du château de Saint-Suzanne ainsi que du possible contre-château de Beugy. Les itinéraires indiqués sont les itinéraires majeurs probables aux xie-xiie siècles.

DAO J. Guillaume et P.-Y. Laffont, 2024.
Fig. 4. – Plan topographique du possible contre-château de Beugy.

DAO Ph. Sablayrolles, L. Jeanneret, P.-Y. Laffont.
23L’automne 1084 et le début de l’hiver 1085 pourraient correspondre, après le départ du roi et l’échec du siège initial, à une seconde phase du conflit voyant les Normands repliés dans leur contre-château et affrontant ponctuellement en rase campagne Hubert de Beaumont et son allié Robert le Bourguignon61. Les Manceaux reçoivent alors le renfort de combattants bourguignons et aquitains dont on voit mal comment ils auraient pu rejoindre des assiégés totalement bloqués62. La prise en considération d’une telle phase dans les opérations militaires explique l’attention portée par l’auteur – exclusivement au profit du parti manceau d’ailleurs – à la prise de rançon et de butin. La pratique est alors des plus courantes dans la guerre aristocratique et les engagements menés en rase campagne y sont évidemment les plus propices63. La mort de Richer de l’Aigle pourrait donc prendre place, comme expliqué précédemment, durant cette seconde phase.
24Cette mort entraîne sans doute une troisième phase. En effet, le décès de Richer amène certains Normands à vouloir le venger – pratique aristocratique là aussi fréquente – et dans ce contexte, en janvier (1085), un assaut est lancé contre le château de Sainte-Suzanne64. Mais il s’agit d’un nouvel échec, et sans doute sanglant si l’on suit Orderic : celui-ci y mentionne notamment la mort de Matthieu de Vitot65. Le comte d’Évreux est aussi fait prisonnier à cette occasion66.
25L’armée normande est alors désormais depuis l’automne 1084 sous l’autorité du seul Alain le Roux, qui lui-même cède sa place, à une date qui nous est inconnue, mais sans doute durant l’année 1085, à un personnage dont l’identité précise nous échappe : Herueus, qualifié de brito, qui va mourir d’ailleurs durant cette guerre67. Si l’identification de cet Hervé pose problème68, il faut retenir avant tout que celui-ci n’est à l’évidence pas du même rang qu’Alain le Roux. Cela ne peut que traduire le désengagement progressif des Normands : en effet, on passe progressivement d’une armée commandée par le roi-duc Guillaume en personne, à une armée commandée par un grand de son entourage proche, Alain le Roux, puis à une armée commandée par un personnage, sans doute notable, mais de rang social clairement inférieur et assurément pas paré d’un titre comtal. La diminution progressive du prestige du chef a dû assurément s’accompagner d’une réduction des effectifs engagés, qui augurait mal de l’issue pour les Anglo-Normands69.
26Si l’on reprend en détail le texte d’Orderic Vital, la chronologie et le déroulé des événements au-delà de l’assaut malheureux de janvier 1085 paraissent des plus flous. L’échec de ce dernier assaut amène en tout cas les derniers soldats de Guillaume encore présents, dans un contexte militaire très défavorable, isolés au cœur du Maine, pris entre les domaines du vicomte Hubert, des sires de Sablé et de Mayenne, loin de leurs bases arrière et des garnisons de châteaux « amis », à abandonner, la guerre au profit d’échanges diplomatiques pour parvenir à une paix70. D’autant que la guerre avait renforcé la position politique du vicomte dans le Maine71 et que, lucide et contraint par ailleurs, le roi était favorable à la paix lui aussi72. Au fond, tous deux gagnaient à la fin de ce long conflit sans issue, où aucune des parties ne pouvait l’emporter de manière décisive. La paix fut finalement scellée entre mai 1085 et avril 108673 ; le vicomte Hubert s’étant rendu directement en Angleterre pour cela à l’invitation du roi74. Au terme de cet accord, Hubert semble avoir recouvré officiellement tous ses droits alors que le roi-duc maintenait un statu quo apparent dans le Maine. Restituant officiellement ses droits et biens à Hubert et à ses fils, Raoul et Hubert, le roi Guillaume s’affirmait de fait comme le seigneur d’Hubert dans le Maine. Il mourra peu après en septembre 1087 ; le vicomte Hubert le suivant de quelques années dans la tombe, en 1095.
Pour conclure : du siège de Sainte-Suzanne au conflit régional
27À l’exception des auteurs purement locaux, la bibliographie a généralement donné une importance secondaire aux événements qui se déroulent aux environs de Sainte-Suzanne durant les années 1084-1086. Il nous semble cependant que cette « guerre de Sainte-Suzanne » a revêtu, en réalité, une importance géostratégique beaucoup plus considérable qu’il n’y paraît au premier abord.
28Un certain nombre d’arguments vont dans ce sens. Il s’agit tout d’abord de la durée du conflit armé sur le terrain qui s’étale sur au moins une année entre le début de l’été 1084 et au plus tôt le printemps 1085 (sans compter la période qui précède l’arrivée de l’armée de Guillaume de Normandie dans le Maine). Il s’agit ensuite de la qualité des personnages impliqués. Du côté des Normands, et sous le commandement direct du roi Guillaume dans un premier temps, figurent divers chefs de guerre prestigieux issus de l’entourage très proche du roi, a minima les comtes de Richmond, d’Évreux et le futur comte de Surrey. Du côté des Manceaux, on trouve au moins deux représentants des plus puissants lignages du Maine : Hubert le vicomte du Maine et Robert le Bourguignon, seigneur de Sablé et de Craon. Ce dernier apporte dans le conflit de très précieux appuis à Hubert. À l’exception de W. S. Jessee, les historiens n’ont guère prêté attention à la mention par Orderic Vital de l’intervention dans le conflit de guerriers bourguignons et aquitains. Or leur présence à Sainte-Suzanne n’est pas seulement motivée par la recherche de butin et de prestige, pratique alors courante chez les cadets de l’aristocratie, mais il faut y voir aussi des considérations politiques et lignagères et plus particulièrement l’influence majeure de Robert le Bourguignon. Ce dernier était bien évidemment très lié à la Bourgogne, comme nous l’avons vu, mais il était aussi lié à l’Aquitaine. En effet, n’oublions pas que la grand-tante de Robert le Bourguignon, Agnès de Bourgogne, femme du comte d’Anjou Geoffroy II Martel, avait été en premier lieu l’épouse du duc d’Aquitaine Guillaume V duquel elle avait eu trois enfants dont les ducs d’Aquitaine Guillaume VII et Guillaume VIII, qui de ce fait étaient des cousins (éloignés) de Robert75. Surtout, Robert Vestrol, plus jeune fils de Robert le Bourguignon, appartenait aussi dans ces années-là à la familia de Guillaume VIII d’Aquitaine76. W. S. Jesseee donne même à Robert, solidement établi dans son château de Sablé, place-forte angevine hors de portée des Normands, et soutenu, entre autres, par les comtes d’Anjou, de Poitiers et de Nevers, un rôle plus central dans cette guerre qu’au vicomte Hubert, lui-même77.
29Enfin, dernier argument plaidant pour l’importance du conflit : l’ampleur du contre-château de Beugy. Celui-ci présente en effet des dimensions extrêmement importantes, au-delà des dimensions des quelques très rares contre-châteaux ayant bénéficié d’une réelle étude archéologique. Il présente aussi un plan très original associant deux vastes plateformes rectangulaires accolées alors que les châteaux de siège connus présentent, eux, le plan d’un château à motte classique ou celui d’une enceinte plus ou moins circulaire78. L’édification du château de siège de Beugy a, quoi qu’il en soit, nécessité des moyens absolument considérables en matière de terrassement pour un usage de très courte durée.
30En réalité, au-delà d’un conflit aux apparences purement normano-mancelles, il faut très certainement voir dans cette guerre un nouvel épisode du conflit opposant, depuis le milieu du xie siècle, Normandie et Anjou pour le contrôle plus ou moins direct du Maine. De ce point de vue, la présence de Robert le Bourguignon lors de la « guerre de Sainte-Suzanne » aux côtés du vicomte Hubert traduit très certainement – au-delà de la seule solidarité lignagère – le rôle joué en arrière-plan par le comte d’Anjou Foulque le Réchin dans cette affaire79. Si, lorsqu’il accède à la fonction comtale, l’autorité de Foulque le Réchin sur le comté du Maine est faible, à proportion de l’affaiblissement qu’y a connu l’Anjou sous Geoffroy le Barbu, dès le milieu des années 1070 cependant, il y mène une politique très active, favorisée d’ailleurs par un tropisme plutôt angevin de l’aristocratie mancelle80.
31Et la mort de Guillaume le Conquérant en 1087 va d’ailleurs rapidement signifier pour son fils Robert Courteheuse, toute perte d’influence sur le comté du Maine. Même si à l’été 1088, il est accueilli plutôt favorablement dans la ville du Mans, notamment par trois des plus grands seigneurs du Maine, Hélie de La Flèche, Geoffroy de Mayenne et aussi Robert le Bourguignon, jusqu’en 1090, le normand doit affronter plusieurs révoltes au sein de l’aristocratie du Maine. Dès 1091, Hugues, fils d’Azzo marquis d’Este et de Gersende, fille du comte Herbert Éveille-chien, réapparaît pour reprendre à Robert Courteheuse le titre comtal. Un an plus tard, toutefois, faiblement soutenu localement et sans grand moyen financier, le comte Hugues V cèdera finalement à son tour, pour 10 000 sous manceaux, ses droits sur le comté à Hélie, seigneur de La Flèche et lui aussi petit-fils par sa mère Paule d’Herbert I81. Le titre comtal du Maine tombait alors entre les mains d’un lignage depuis plus de dix ans au service des comtes d’Anjou82, entérinant à nouveau la faible consistance réelle de ce titre83.
Notes de bas de page
1Sainte-Suzanne est à 35 km à l’est de Laval et à 55 km à l’ouest du Mans. La commune s’appelle désormais Sainte-Suzanne-et-Chammes, depuis la fusion récente de ces deux communes voisines.
2Orderic Vital dit, dans son Historia ecclesiastica, en parlant du château de Sainte-Suzanne : « … super Arva fluuium situm est in ardua rupe, in confinio Cenomannensium et Andegauensium » (Chibnall Marjorie [éd. et trad.], The Ecclesiastical History of Orderic Vitalis. t. 4. Books VII and VIII, Oxford, The Clarendon Press, 1973, p. 46). Il le place donc sur les confins du Maine et de l’Anjou. Si on regarde une carte du diocèse du Mans, Sainte-Suzanne est situé à peu près au centre-ouest de celui-ci, mais, d’un point de vue féodal, la seigneurie de Sablé qui jouxte immédiatement au sud celle de Sainte-Suzanne a en effet quitté depuis le milieu du xie siècle le giron des comtes du Maine pour celui des comtes d’Anjou (voir infra), plaçant de ce fait une frontière politique au sud de Sainte-Suzanne.
3Bocquet Anne et Mastrolorenzo Joseph, « La tour maîtresse de Sainte-Suzanne à travers l’archéologie », dans Christian Davy et Nicolas Foisneau (dir.), Sainte-Suzanne. Un territoire remarquable en Mayenne, no 106, Nantes, Inventaire général du patrimoine culturel, coll. « Cahiers du patrimoine », 2014, p. 77-97. Cette tour existe donc déjà au début des années 1080, lorsque l’armée de Guillaume le Conquérant assiège Sainte-Suzanne et forme alors le cœur du château.
4Davy Christian et Foisneau Nicolas (dir.), Sainte-Suzanne…, op. cit., p. 49-55, 101 sq.
5Bocquet Anne (dir.), Sainte-Suzanne. Le château, extension du logis. Rapport de la campagne de fouilles de juin à novembre 2006, vol. 1, Laval/Nantes, Conseil général de la Mayenne/Service régional de l’Archéologie des Pays de la Loire, 2006, p. 8 sq et 19 sq.
6Sur Orderic Vital et son œuvre, voir : Chibnall Marjorie (éd. et trad.), The Ecclesiastical History of Orderic Vitalis. t. 1. General introduction, books I and II, Oxford, Clarendon Press, 1980 ; Musset Lucien, « Horizon géographique, moral, intellectuel d’Orderic Vital, historien anglo-normand », dans Daniel Poiron (dir.), La chronique et l’histoire au Moyen Âge, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 1984, p. 101-122 ; Chibnall Marjorie, The World of Orderic Vitalis. Norman Monks and Norman Knights, Woodbridge, The Boydell Press, 1996 ; Rozier Charles C. et al. (dir.), Orderic Vitalis. Life, Works and Interpretations, Woodbridge, The Boydell Press, 2016.
7Si Louis-François Dubois donne la première traduction française du texte d’Orderic Vital en 1825 dans la Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France publiée sous la direction de François Guizot (Histoire de Normandie par Orderic Vital, Paris, chez J.-L.-J. Brière libraire), il existait déjà une édition latine de celui-ci, mais très ancienne et assez fautive : les Historiæ Normannorum scriptores antiqui publiés par André Duchesne, en 1619 à Paris. À partir de 1838, Auguste Le Prévost donne une nouvelle édition latine, le livre VII contenant le récit du siège de Sainte-Suzanne ne paraissant toutefois qu’en 1845 (Historiæ ecclesiasticæ libri tredecim, Paris, Société de l’histoire de France, J. Renouard, 1838-1855, 5 vol.). La dernière édition, qui peut être considérée comme l’édition scientifique de référence aujourd’hui et qui comprend aussi une traduction anglaise du texte original, est celle donnée par Marjorie Chibnall à partir de 1968, le livre VII étant publié en 1973 (The Ecclesiastical History of Orderic Vitalis, t. 4, op. cit.). Le récit du siège occupe les pages 170 à 175 de l’édition de Dubois et Guizot, les pages 194 à 201 de l’édition de Le Prévost et les pages 46 à 52 de l’édition de Chibnall. Ce livre de l’Historia ecclesiastica a probablement été composé au tout début des années 1130, soit moins d’une cinquantaine d’années après les faits relatés : Chibnall Marjorie (éd. et trad.), The Ecclesiastical History of Orderic Vitalis, t. 4, op. cit., p. xix.
8Gérault abbé, Notice historique sur Sainte-Suzanne et son château, Laval, Sauvage-Hardy, 1840.
9Sur l’histoire du comté du Maine au xie siècle et ses relations avec les principautés voisines, voir notamment : Halphen Louis, Le comté d’Anjou au xie siècle, Paris, A. Picard, 1906 ; Latouche Robert, Histoire du comté du Maine pendant le xe et le xie siècle, Paris, H. Champion, 1910 ; Guillot Olivier, Le comte d’Anjou et son entourage au xie siècle, Paris, A. et J. Picard, 1972, 2 vol. ; Le Patourel John, The Norman Empire, Oxford, The Clarendon Press, 1976 ; Gérard Louise, La seigneurie de Bellême, xe-xiie siècles. Dévolution des pouvoirs territoriaux et construction d’une seigneurie de frontière aux confins de la Normandie et du Maine à la charnière de l’an mil, Flers, Le Pays bas-normand, 1992-1993, 2 vol. ; Pichot Daniel, Le Bas-Maine du xe au xiiie siècle. Étude d’une société, Laval, Société d’archéologie et d’histoire de la Mayenne, 1995 ; Lemesle Bruno, La société aristocratique dans le Haut-Maine, xie-xiie siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999 ; Barton Richard, Lordship in the County of Maine, c. 890-1160, Woodbridge, The Boydell Press, 2004 ; Morin Stéphane, Trégor, Goëlo, Penthièvre. Le pouvoir des comtes de Bretagne du xie au xiiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 ; Bates David, William the Conqueror, New Haven, Yale University Press, 2016 ; Kohl Thomas, « Maine, Normandie und Anjou: Die Integration einer Grafschaft in die Nachbarterritorien », dans Geneviève Bührer-Thierry, Steffen Patzold et Jens Schneider (dir.), Genèse des espaces politiques (ixe-xiie siècle). Autour de la question spatiale dans les royaumes francs et post-carolingiens, Turnhout, Brepols, 2017, p. 247-268.
10Les relations à l’ouest avec le duché de Bretagne sont moins centrales dans l’histoire du comté du Maine au xie siècle, malgré des liens matrimoniaux entre la famille des comtes du Maine et celle des ducs de Bretagne et les jeux d’alliances variables entre Angevins, Bretons et Normands auxquels ont pu être mêlés certains lignages manceaux, comme les Sablé ou les Mayenne (Keats-Rohan Katharine, « Observations upon the earliest seigneuries in Maine », dans Catherine Laurent, Bernard Merdrignac et Daniel Pichot, (dir.), Mondes de l’Ouest et villes du monde. Regards sur les sociétés médiévales, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1998, p. 361-373 et Keats-Rohan Katharine, « Le problème de la suzeraineté et la lutte pour le pouvoir. La rivalité bretonne et l’État anglo-normand, 1066-1152 », MSHAB, t. 68, 1991, p. 45-69).
11Domfront, Orne. Ambrières (aujourd’hui Ambrières-les-Vallées), Mayenne.
12C’est ce qu’affirme Guillaume de Poitiers : Foreville Raymonde (éd. et trad.), Guillaume de Poitiers. Histoire de Guillaume le Conquérant, Paris, Les Belles Lettres, 1952, p. 88 et 89. O. Guillot considère néanmoins comme douteuse cette allégation (Guillot Olivier, Le comte d’Anjou…, vol. I, op. cit., p. 105 et 106). Le récit de Guillaume de Poitiers est évidemment très pronormand et très antiangevin…
13Sur celles-ci voir, quoique daté : Fleury Gabriel, « Les fortifications du Maine. La Tour Orbrindelle et le Mont Barbet », Revue historique et archéologique du Maine, t. XXIX, 1891, p. 137-154. Les deux fortifications sont mentionnées sous le terme municipium par Guillaume de Jumièges : Van Houts Elisabeth (éd.), The Gesta Normannorum Ducum of William of Jumièges, Orderic Vitalis and Robert of Torigni, vol. II, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 150 et 151. On le verra plus loin l’érection de ce type de contre-château n’est pas du tout sans lien avec le siège de Sainte-Suzanne deux décennies plus tard.
14La situation du point de vue féodal est néanmoins complexe car Robert Courteheuse rend quand même hommage au comte d’Anjou Geoffroy le Barbu pour le Maine, hommage renouvelé en 1081 après la paix de Blanchelande entre Guillaume de Normandie et Foulque IV (le Réchin) d’Anjou (Bates David, William the Conqueror, op. cit., p. 189 et p. 437).
15L’autorité de Robert Courteheuse sur le Maine va toutefois rester largement nominale, d’autant que la mort prématurée de Marguerite empêchera la consommation du mariage. Jusqu’à sa mort en 1087, le duc Guillaume exercera, de fait, seul le pouvoir dans le Maine et c’est lui qui interviendra lors des différentes crises. Il n’est d’ailleurs en aucun cas fait mention de Robert Courteheuse dans le récit d’Orderic du siège de Sainte-Suzanne alors qu’il mentionne divers autres grands personnages de l’armée anglo-normande.
16Latouche Robert, Histoire du comté du Maine…, op. cit., p. 36-38. Ces événements confinent au vaudeville : Geoffroy de Mayenne, personnage haut en couleur, exerçant un temps la régence au profit du jeune Hugues, comme protecteur et amant de sa mère, Gersende, après le retour d’Azzo d’Este en Italie…
17Il est le fils du vicomte Raoul IV mort avant 1067 et le petit-fils du vicomte Raoul III (Lemesle Bruno, La société aristocratique dans le Haut-Maine…, op. cit., 222). Déjà lors des événements de 1062-1063, Hubert avait été un des principaux opposants à Guillaume (Bates David, William the Conqueror, op. cit., p. 181). Lors de son évocation du siège de Sainte-Suzanne au début des années 1080, Orderic Vital dresse un portrait élogieux du vicomte Hubert : « Erat enim nobilitate clarus, sensu et probitate precipuus ingenti uirtute et audacia feruidus, et pro his insigniis longe lateque famosus » (Vital Orderic, VII, t. 4, Chibnall [éd.], 1973, p. 46 et 47).
18Aujourd’hui Beaumont-sur-Sarthe (Sarthe) et Fresnay-sur-Sarthe (Sarthe). Sur les vicomtes du Maine, qui sont issus de l’entourage des comtes du Maine et dont l’histoire est assurée avant tout à partir du milieu du xe siècle, voir Latouche Robert, « Les premiers vicomtes du Maine », Revue historique et archéologique du Maine, t. 65, 1909, p. 80-88 ; Keats-Rohan Katharine, « Politique et parentèle : les comtes, vicomtes et évêques du Maine, c. 940-1050 », Francia, 23/1(1996), p. 13-26 et Lemesle Bruno, La société aristocratique dans le Haut-Maine…, op. cit., p. 220-227.
19Orderic Vital a une explication, guère politique, de cette situation permanente de conflit dans le Maine, il voit là un trait de caractère des Manceaux, gens « agités » qui troublent la paix par leur agitation et s’en troublent eux-mêmes : Nam quidam Cenomannensium qui quasi naturali semper inquietudine agitantur, et mobilitate sua pacem turbant ipsique turbantur… (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 46).
20Bates David, William the Conqueror, op. cit., p. 435-437.
21Après le 2 novembre en tout cas car Orderic Vital place le début de ces nouveaux troubles dans le Maine après la mort de la reine Mathilde décédée le 2 novembre 1083 (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 46).
22Sur cet événement, dont notre connaissance repose à peu près uniquement sur la chronique d’Orderic Vital, voir Latouche Robert, Histoire du comté du Maine…, op. cit., p. 39 ; Lemesle Bruno, La société aristocratique dans le Haut-Maine…, op. cit., p. 36-37 ; Zumthor Paul, Guillaume le Conquérant, Paris, Tallandier, 2003, p. 382, 383 et 393 ; Bates David, William the Conqueror, op. cit., p. 452 sq. Étonnamment, Richard Barton, dans son ouvrage sur le comté du Maine aux ixe-xiie siècles, n’évoque, lui, que très sommairement ces faits dans une courte note (Barton Richard, Lordship in the County of Maine, c. 890-1160, op. cit., p. 166, note 130). Selon W. Scott Jessee, il n’est pas impossible que la nouvelle rébellion de Robert Courteheuse contre son père en 1083 puis son exil aient été les éléments déclencheurs de la révolte dans le Maine (Robert the Burgundian and the Counts of Anjou, ca. 1025-1098, Washington D.C., Catholic University Press of America, 2000, p. 131). Les données objectives manquent toutefois sur la chronologie exacte de ce conflit entre Guillaume et son fils aîné (Bates David, William the Conqueror, op. cit., p. 456).
23Bates David, William the Conqueror, op. cit., p. 453.
24« Illuc militarem manum sibi accersiit et Normannis qui Cenomannensem pagum tutari conabantur dampna dampnorumque formidinem non segniter intulit » (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 46) et « Custodes autem Cenomannicæ urbis et circumiacentium oppidorum infestationibus Huberti frequenter lacessiti sunt » (ibid., p. 48). On peut se demander si ces custodes ne sont pas en fait des officiers de Guillaume de Normandie établis dans quelques places-fortes du Maine et dans la cité du Mans.
25« … ut publicus hostis secessit » (ibid., p. 46).
26Robert le Bourguignon n’apparaît que dans un second temps du récit d’Orderic et de manière incidente, mais la proximité géographique de Sablé et de Sainte-Suzanne, ainsi que des liens de parenté et des considérations géopolitiques que nous développerons plus loin, laissent supposer que leur alliance fut scellée dès le début du conflit : « Multotiens opulenti Normannorum et Anglorum proceres capiebantur, quorum redemptionibus uicecomes et Robertus Burgundio cuius neptem in coniugio habebat aliique adiutores sui honorifice ditabantur » (ibid., p. 48). Sur Robert le Bourguignon, voir Lemesle Bruno, La société aristocratique dans le Haut-Maine…, op. cit., p. 231-236 et, surtout, Jessee W. Scott, Robert the Burgundian…, op. cit. Plus précisément sur la famille de Robert le Bourguignon, voir Jessee W. Scott, « The family of Robert the Burgundian and the creation of the Angevin march of Sable and Craon », Medieval Prosopography, vol. 16-2, 1995, p. 31-67.
27Les conditions de la prise de possession de Sablé par Robert le Bourguignon dans les années 1050 restent débattues : pour W. Scott Jessee, dans le prolongement d’une tradition historiographique ancienne, Robert aurait recueilli cette succession grâce à son mariage avec la dernière héritière du lignage de Sablé, Avoise dite Blanche, mais pour Bruno Lemesle cette hypothèse ne résiste pas à l’analyse de la documentation disponible. Quoi qu’il en soit, on perçoit très bien en arrière-plan de cette arrivée de Robert à Sablé la main du comte d’Anjou Geoffroy Martel. En effet, avant le milieu du xie siècle, la seigneurie de Sablé relevait vraisemblablement du comte du Maine (Guillot Olivier, Le comte d’Anjou…, vol. I, op. cit., p. 325, note 204bis).
28Geoffroy de Mayenne avait été aussi un des principaux adversaires de Guillaume lors des révoltes de 1062-1063 et de 1069-1073, voir : Renoux Annie, « Aux sources du pouvoir châtelain de Geoffroy, “seigneur de Mayenne, le fort homme du Maine” (1040-1098) », dans Dominique Barthélemy et Olivier Bruand (dir.), Les pouvoirs locaux dans la France du centre et de l’ouest, viiie-xie siècles. Implantation et moyens d’action, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 61-89 et Bates David, William the Conqueror, op. cit., p. 185, 186 et 304. Même si ses liens de vassalités ont aussi été multiples et variables dans le temps, Geoffroy ayant été tour à tour vassal des comtes d’Anjou, des ducs de Bretagne ou des ducs de Normandie (Keats-Rohan Katharine, « Le problème de la suzeraineté et la lutte pour le pouvoir… », art. cité).
29Jessee W. Scott, Robert the Burgundian…, op. cit. p. 131.
30Selon Orderic Vital, l’intervention de Guillaume aurait été motivée à la fois par les offenses anciennes, constantes et croissantes d’Hubert à son encontre : « Hubertus enim uicecomes gener Guillelmi Niuernensium comitis quibusdam paruis occasionibus regem prius offendit, sed postmodum in maius crescentibus… » (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 46) et par un appel à l’aide des garnisons du Maine harcelées par celui-ci : « Custodes autem Cenomannicæ urbis et circumiacentium oppidorum infestationibus Huberti frequenter lacessiti sunt : regique Guillelmo querelas infortunii sui retulerunt et ab eo auxilium poposcerunt » (ibid., p. 48).
31« Rex igitur exercitum Normannorum actutum asciuit, partemque Cenomannorum qui sibi cohærebant accersiit, et hostilem patriam cum ualida manu adiuit » (ibid., p. 48).
32Mentions de ces trois personnages par Orderic Vital (ibid., p. 48, 50 et 51). Orderic Vital précise : « Regis familia cui Alannus Rufus Britonum comes preerat… » (p. 48).
33Prestwich John Oswald, « The military household of the norman kings », The English Historical Review, vol. XCVI, janvier 1981, p. 1-35 (p. 10 particulièrement). Orderic Vital nous dit d’ailleurs que Guillaume agit alors dans le Maine cum valida manum, avec force donc (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 48).
34Vital Orderic, X, t. 5, Chibnall (éd.), 1975, p. 246. Plus exactement, Orderic mentionne un premier groupe de 700 milites et un second groupe de 1 000.
35Bates David, William the Conqueror, op. cit., p. 454.
36Il n’est pas forcément aisé d’estimer les temps de voyage au Moyen Âge. Un document exceptionnel du xiiie siècle, le registre des visites pastorales de l’archevêque de Rouen Eudes Rigaud, permet cependant d’avoir une idée de ceux-ci, notamment pour des régions proches et aussi au départ de Rouen. Ainsi Eudes Rigaud et sa troupe mettent-ils au milieu du xiiie siècle quatre jours pour rallier Paris depuis Rouen soit environ 110 km avec des étapes moyennes de 28 km par jour : voir Ouzoulias Pierre, « Eudes Rigaud et le “vieux chemin” Paris-Rouen », dans Jean Cuisenier (dir.), Matière et figure, Paris, La Documentation française, coll. « Études et travaux », 1991, p. 17-45, d’après Bonin Théodose (éd.), Registrum visitationum archiespiscopi Rothomagensis. Journal des visites pastorales d’Eude Rigaud, archevêque de Rouen, MCCXLVIII-MCCLXIX, Rouen, librairie A. Le Brument, 1852.
37« Sed castrum Sanctæ Suzannæ, quod inaccessibile erat præ rupibus et densitate vinearum, quibus circumdabatur, obsidere nequivit » (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 48). Le site de Sainte-Suzanne présentait alors un profil topographique assurément plus escarpé qu’aujourd’hui, les travaux de fortification de la fin du Moyen Âge et de l’époque moderne et leurs importants terrassements ayant nettement adouci le relief. Orderic insiste sur cette topographie dans son récit : en effet, plus haut dans le texte, il indiquait déjà que le château était implanté in ardua rupe (ibid., p. 46). On ne sait comment interpréter la référence aux vignes : réalité (peut-être, mais de là à bloquer une armée…) ou fantaisie littéraire de l’auteur ?
38« … nec hostem qui intus erat ad libitum coartare ualuit, quia fortiter sibi procurabat, et amplos aditus habebat » (ibid., p. 48).
39Les affaires urgentes appelant Guillaume en Normandie pourraient être soit liées à la révolte de son fils Robert Courteheuse, soit à une menace d’invasion du Danemark ou des Flandres (Bates David, William the Conqueror, op. cit., p. 455). Il n’est pas impossible aussi que la tournure prise par les événements ait précipité le départ de Guillaume… Selon L’art de vérifier les dates, dans sa « Chronologie historique des comtes du Maine », Guillaume aurait laissé à Sainte-Suzanne après son départ ses fils Guillaume et Henri avec Alain le Roux (L’art de vérifier les dates des faits historiques, des chartes, des chroniques et autres anciens monuments, depuis la naissance de Notre-Seigneur, par le moyen d’une table chronologique… Par un religieux de la congrégation de Saint-Maur, réimprimé… et continué… par M. de Saint-Allais, t. 13, Paris, 1818-1819, p. 94). À notre connaissance toutefois, aucune source originale n’indique cela.
40Alain le Roux (Alannus Rufus), appelé comte des Bretons (comes Britonum) par Orderic, est le quatrième fils d’Eudes, comte de Bretagne, et le petit-fils de Geoffroy Ier, comte de Rennes et duc de Bretagne. Il est un petit cousin de Guillaume et un très proche de celui-ci. Il l’a d’ailleurs peut-être accompagné lors de la conquête de l’Angleterre, même si les sources ne permettent pas d’être affirmatif sur ce point. En tout cas, Alain a reçu vers 1071-1072 une immense seigneurie dans le Yorkshire appelé « honneur de Richmond ». Il réside dès lors essentiellement en Angleterre, mais n’hésite pas à suivre la cour de Guillaume sur le continent. Sur Alain le Roux voir : Wilmart André, « Alain le Roux et Alain le Noir, comtes de Bretagne », Annales de Bretagne, t. XXXVIII, 1928-1929, p. 576-602 ; Keats-Rohan Katharine, « The Bretons and the Normans of England 1066-1154: the family, the fief and the feudal monarchy », Nottingham Medieval Studies, vol. XXXVI, 1992, p. 42-78 ; Morin Stéphane, Trégor, Goëlo, Penthièvre…, op. cit., p. 115 sq). Il faut noter que R. Latouche dans son Histoire du comté du Maine… (op. cit., p. 31) le confond avec Alain IV Fergent, comte de Cornouaille, de Rennes, de Nantes et duc de Bretagne.
41« Rex itaque quoddam municipium in ualle Beugici construxit, ibique magnam militum copiam ad arcendum hostem constituit, ipse uero pro magnis regni negociis in Neustriam rediit » (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 48).
42« Regis familia cui Alannus Rufus Britonum comes preerat, diuitiis equis et bellicis sumptibus prestabat, sed castrensis cuneus eis uirtute et multitudine equiparari satagebat. Nam de Aquitania et Burgundia aliisque prouinciis Galliæ probati milites ad Hubertum conuolabant! eique totis nisibus auxiliari suamque probitatem ostentare feruenter optabant. Vnde factum est ut ex detrimentis Beugicorum Susannense castrum ditaretur et cotidie ad resistendum magis magisque confortaretur. Multotiens opulenti Normannorum et Anglorum proceres capiebantur… » (ibid., p. 48).
43« In hac guerra Robertus de Veteri Ponte et Robertus de Vxeio aliique egregii Normannorum milites multumque lugendi occisi sunt, plus loin… et Richerium de Aquila Engenulfi filium letaliter sub oculo percussit » (ibid., p. 48). À cette liste s’ajoute Matthieu de Vitot, fils de Geoffroy le Petit, tué, lui plus tard, lors de la tentative d’assaut du château en janvier : « … et Mathiellus de Guitot filius Godefridi parui letaliter uulneratus est » (ibid., p. 50 ; lire « Vitot » au lieu de « Guitot »). Il était le frère de Robert de Vitot, mort d’une blessure au genou reçue lors de la conquête de l’Angleterre en 1066 et bienfaiteur de l’abbaye de Saint-Évroult (Vital Orderic, III, t. 2, Chibnall (éd.), 1969, p. 121 et Green Judith A., The Aristocracy of Norman England, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 29). Sur les liens de certains des guerriers normands mentionnés (Guillaume de Warenne, Richer de l’Aigle notamment) avec le roi Guillaume, voir Prestwich John Oswald, « The military household of the norman kings », art. cité.
44Voir Chibnall Marjorie, The World of Orderic Vitalis…, op. cit., p. 228 ; Green Judith A., The Aristocracy of Norman England, op. cit., p. 29 et Thompson Kathleen, « The lords of Laigle: ambition and insecurity on the borders of Normandy », Anglo-Norman Studies, vol. XVIII, 1995, p. 177-199.
45Vital Orderic, IV, t. 2, Chibnall (éd.), 1969, p. 309. Sur le lignage de Vieux-Pont voir Power Daniel, The Norman Frontier in the Twelfth and Early Thirteenth Centuries, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, appendix I, genealogies, no 33.
46Hippeau Célestin, Dictionnaire topographique du département du Calvados, Paris, Imprimerie nationale, 1883, p. 285.
47Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 50 et 52. Nous serons amené à citer plus loin le texte d’Orderic relatif à ces derniers événements de la guerre.
48« Sic tribus annis Hubertus Normannis restitit et inimicorum opibus locuples invictus permansit » (ibid., p. 48). Plus loin : « Normanni et Cenomanenses gaudebant, qui quadriennio conflictu multipliciter vexati fuerant » (ibid., p. 52).
49Ainsi, quatre ans, c’est la durée que propose l’abbé Gérault pour le siège (Notice historique sur Sainte-Suzanne et son château, op. cit., p. 6). En 1888, Charles Nory retient lui un siège de trois ans (Recherches historiques sur la ville de Sainte-Suzanne, Sillé-le-Guillaume, Veau-Besnardeau, 1888, p. 21). Pour le célèbre érudit mayennais, l’abbé Angot dans son Dictionnaire de la Mayenne, les Normands n’auraient pas réellement assiégé Sainte-Suzanne en raison d’un « roc inaccessible entouré de vignes inextricables », mais ils se seraient retranchés dans « un fort dans la vallée de Beugy » établis contre les « assiégés » et ce pendant plus de deux ans. L’abbé Angot pense qu’une durée de quatre ans est exagérée (Angot [abbé], Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, t. III, Laval, A. Goupil, 1902, article « Sainte-Suzanne »). Plus récemment, Jean Bellanger (« Le camp de Beugi. Témoin de l’échec de Guillaume le Conquérant à Sainte-Suzanne, 1084-1087 », La Mayenne, Archéologie, Histoire, t. 16, 1993, p. 125-145) retenait lui aussi l’idée d’un siège de trois ans, de 1084 à 1087, de même que Philippe l’Éleu de la Simone (Les guerres médiévales dans le Maine, 1015 à 1214, chez l’auteur, 2010).
50Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 48, note 3 ; Lemesle Bruno, La société aristocratique dans le Haut-Maine…, op. cit., p. 36 ; Bates David, William the Conqueror, Stroud, Tempus, 2004, p. 254. Richard Barton parle, lui, d’un siège de deux ans (Barton Richard, Lordship in the county of Maine, c. 890-1160, op. cit., p. 166, note 130), reprenant ainsi peu ou prou des auteurs anciens dont Auguste Le Prévost dans son édition de 1845 (Historiæ ecclesiasticæ libri tredecim, p. 201, note 1). R. Latouche doutait lui déjà d’une telle durée (Histoire du comté du Maine…, op. cit., p. 39, note 8), pensant qu’Orderic Vital se faisait en réalité surtout l’écho du fait que la longueur du siège avait frappé les contemporains.
51Voir infra. La période de quatre ans, donnée par Orderic Vital dans un second temps du texte, apparaît tout à la fin du récit des événements, alors que le vicomte Hubert s’est déjà rendu en Angleterre auprès du roi pour signer la paix.
52Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 208-211.
53En 1048, Guillaume assiège Domfront, constatant qu’un assaut direct n’est pas possible, il fait construire quatre fortifications de siège autour du site pour bloquer la garnison ; ce qui contraint celle-ci à se rendre. Il avait fait déjà de même à Brionne en 1047. Idem en 1054 à Arques-la-Bataille où il fait édifier des castella pour empêcher toute sortie et toute entrée de la garnison (Le Maho Jacques, « Fortifications de siège et “contre-châteaux” en Normandie [xie-xiie s.] », Château-Gaillard, XIX, actes du colloque de Graz, Autriche, 1998, Caen, Publications du CRAM, 2000, p. 181-189 et Purton Peter Fraser, A History of the Early Medieval Siege, c. 450-1200, Woodbridge, Boydell, 2009, p. 160 et 161). En 1077, dans le contexte de la rébellion que conduit Robert Courteheuse contre son père avec l’aide de quelques seigneurs normands, les troupes de Guillaume assiègent le château de Rémalard dans le Perche avec là encore quatre fortifications de siège autour du site pour isoler la garnison (Purton Peter Fraser, A History of the Early Medieval Siege, c. 450-1200, op. cit., p. 169). Guillaume de Normandie n’est pas le seul à procéder ainsi : en 1015, le comte d’Anjou Foulque Nerra assiège Montbazon, mais reconnaissant qu’un assaut direct est impossible, il construit une fortification de siège à 500 m ce qui amène les assiégés à se rendre (ibid., p. 157). Les exemples pour le xiie siècle (particulièrement anglo-normands) sont encore plus nombreux (voir les mêmes auteurs).
54J. O. Prestwich emploie d’ailleurs aussi l’expression « war of Sainte-Suzanne » (« The military household of the norman kings », art. cité, p. 10).
55Morillo Stephen R., Warfare under the Anglo-Norman Kings, 1066-1135, Woodbridge, Boydell and Brewer, 1994, p. 143 et 144. Peter Purton (A History of the Early Medieval Siege, c. 450-1200, op. cit.) donne quelques autres exemples pour les xie-xiiie siècles : en 1095, le roi Guillaume II assiège le château de Tynemouth appartenant au comte de Northumbrie alors en révolte, il s’en empare finalement au bout de deux mois (p. 171) ; à la fin des années 1130, le roi Étienne met un mois à prendre le château de Shrewsbury (p. 268) ; en 1203, le château de Radepont est pris par Philippe Auguste en un mois (p. 321) et lors de son expédition en Angleterre, en 1216, le futur Louis VIII s’empare de divers châteaux, le siège de Marlborough dure ainsi sept semaines (p. 324). Philippe Contamine donne quelques exemples un peu plus longs pour le xiiie siècle : le siège de Terme lors de la croisade albigeoise dure quatre mois en 1210, celui de Château-Gaillard mené par Philipe Auguste en 1204 s’étend, lui, sur cinq mois (Contamine Philippe, La guerre au Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France, 1980, p. 207).
56« Nam XIV kalendas decembris, dum Normannica cohors impetum in hostes faceret, quidam puer inberbis, qui secus viam inter vepres absconditus erat, sagittam emisit et Richerium de Aquila, Engenulfi filium, lethaliter sub oculo percussit » (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 48).
57« Rex itaque quoddam municipium in valle Beugici construxit […]. » ; plus loin : « Unde factum est ut ex detrimentis Beugicorum Susannense castrum ditaretur et cotidie ad resistendum magis magisque confortaretur […] » ; plus loin : « Normanni qui munitionem in valle Beugici custodiebant gravibus damnis afflicti et fortissorum casibus tironum imminuti deteriora ibi adhuc formidabant […] » (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 48 et 52). Le texte offre donc, d’une part, la mention d’un municipium construit dans la vallée Beugici et, d’autre part, d’une munitio gardée par les Normands dans cette même vallée Beugici. Enfin, il mentionne « ceux de Beugy » (Beugicorum). Sur le sens des mots munitio et municipium chez Orderic Vital, voir Painchault Aude, Les châteaux normands dans l’œuvre d’Orderic Vital et leurs traces archéologiques, t. 1, thèse d’archéologie, sous la direction d’A.-M. Flambard-Héricher, université de Rouen Normandie, 2015, p. 182 sq et 235 sq. Les deux termes semblent, toutefois, relativement interchangeables et ne pas désigner une réalité militaire très spécifique.
58Voir notamment Laffont Pierre-Yves et Jeanneret Lucie, « Le site de La Motte à Sainte-Suzanne (Mayenne). De la résidence aristocratique à la fortification de siège ? », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 127-1, 2020, p. 187-202. Une publication de synthèse est en préparation, mais les différents rapports d’intervention archéologique sont d’ores et déjà disponibles sur [http://www.academia.edu]. Dans notre article paru en 2020, nous avions conclu que le site avait connu deux occupations successives : une du xe siècle correspondant à un habitat aristocratique (établi en partie hors du site d’ailleurs), puis la construction de la fortification au xiie siècle et son abandon dès la fin de ce siècle ou le début du siècle suivant. L’usage de celle-ci comme fortification temporaire étant indéniable. La reprise générale des données archéologiques en cours laisse plutôt penser à trois états successifs avec un premier habitat datable d’un grand xe siècle, puis une fortification construite au xie siècle (celle mentionnée par Orderic Vital donc), qui a pu être réutilisée temporairement dans le courant du xiie siècle avant son abandon définitif. Le site est en tout cas nettement plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord.
59Évron est la principale abbaye du Bas-Maine au xie siècle.
60Étude archéogéographique du site réalisée par Jonathan Guillaume dans le cadre d’un stage de master d’archéologie (université de Rennes, 2022).
61Sur le rôle de ces contre-châteaux – avant tout l’hébergement d’une garnison chargée d’empêcher les sorties du site assiégé et les entrées dans celui-ci et de mener des chevauchées dans la région – voir Le Maho Jacques, « Fortifications de siège et “contre-châteaux” en Normandie (xie-xiie s.) », art. cité.
62« Nam de Aquitania et Burgundia aliisque prouinciis Galliæ probati milites ad Hubertum conuolabant eique totis nisibus auxiliari suamque probitatem ostentare feruenter optabant » (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 48). Sur la raison de la présence particulière de Bourguignons et d’Aquitains à Sainte-Suzanne, voir infra.
63« Multoties opulenti Normannorum et Anglorum proceres capiebantur, quorum redemptionibus vicecomes, et Robertus Burgundio […], aliique adjutores sui, honorifice ditabantur et plus loin : Sic tribus annis Hubertus Normannis restitit et inimicorum opibus locuples inuictus permansit » (ibid., p. 48).
64« Mense ianuario Guillelmus de Warenna et Baldricus de Chitreio, Nicolai filius atque Gislebertus de Aquila, cupiens mortem Richerii fratris sui vindicare, cum valida manu Normannorum impetum facere super oppidanos conati sunt, sed nichil preter ferrum in vulneribus suis lucrati sunt » (ibid., p. 50). Il s’agit au demeurant de la seule mention explicite dans la chronique d’Orderic d’un assaut direct contre le château de Sainte-Suzanne.
65Voir supra.
66« Tunc Guillelmus Ebroicensium comes captus est et Mathiellus de Guitot filius Godefridi parui letaliter uulneratus est » (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 50). Il est piquant de noter que Guillaume d’Évreux épousera une nièce de Robert le Bourguignon – Helvise de Nevers, fille du comte Guillaume Ier – et deviendra de ce fait un parent de Robert le Bourguignon et d’Hubert de Beaumont, petit monde… La date de ce mariage nous est inconnue, mais W. S. Jessee suppose, à juste titre nous semble-t-il, qu’il a pu être arrangé durant la captivité du comte d’Évreux à Sainte-Suzanne (Jessee W. Scott, Robert the Burgundian…, op. cit., p. 133).
67En effet, si Orderic désigne bien dans un premier temps Alain le Roux, comme chef de l’armée de Guillaume, plus loin dans son texte, il indique que le commandement a été confié à Hervé le Breton qui meurt d’ailleurs durant cette guerre : « Rex autem ut Herueum britonem quem magistrum militum constituerat et Richerium aliosque pugiles acerrimos interiisse audivit… » (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 52).
68L’identification de cet Hervé est particulièrement difficile car les « Hervé » sont nombreux dans l’aristocratie bretonne au xie siècle et il n’y a malheureusement rien sur celui-ci dans Keats-Rohan Katharine, « William I and the breton contingent in the non-norman conquest, 1060-1087 », Anglo-Norman Studies, vol. 13, 1990, p. 157-172. Toutefois, cet Hervé doit certainement être issu du groupe des Bretons installés en Angleterre après la conquête de 1066. Les Bretons ayant accompagné Guillaume en 1066 ou s’étant installés en Angleterre durant les années 1070-1100 semblent provenir essentiellement de Haute-Bretagne et plus particulièrement d’un triangle Lamballe-Rennes-Fougères (Jones Michael, « Notes sur quelques familles bretonnes en Angleterre », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 58, 1981, p. 74-97).
69J. Le Maho donne deux exemples d’échecs de siège en Normandie au xiie siècle, liés à des effectifs trop réduits dans les contre-châteaux, voir Le Maho Jacques, « Fortifications de siège et “contre-châteaux” en Normandie », art. cité.
70« Normanni qui munitionem in ualle Beugici custodiebant grauibus damnis affiicti et fortissimorum casibus tironum imminuti deteriora sibi adhuc formidabant, et quia Hubertum nec probitate nec felicitate superare ualebant mutato consilio studioque ad regis amiciciam eum reuocare temptabant » (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 52).
71Orderic en parlant d’Hubert : « Ille nichilominus licet in hac guerra diuitiis et potestate admodum esset corroboratus… » (ibid., p. 52).
72« Nec mora legati ad regem in Angliam missi sunt. Rex autem ut Herueum Britonem […] et Richerium aliosque pugiles acerrimos interiisse audiuit suumque aduersarium felici fortuna prouehi cotidieque contra se confortari comperit nimia procacitate in deteriorationem precipitari res suorum precauit » (ibid., p. 52).
73Lemesle Bruno, La société aristocratique dans le Haut-Maine…, op. cit., p. 36 d’après un acte du cartulaire de Saint-Vincent du Mans : « … et in illo eodem tempore Hubertus, vicecomes de Sancta Susanne, fecit pacem et concordiam cum anglico rege » (Charles R. (abbé) et Menjot d’Elbenne (vicomte), Cartulaire de l’abbaye de Saint-Vincent du Mans, ordre de saint Benoît. Premier cartulaire, 572-1188, no 492, Mamers/Le Mans, impr. Fleury/libr. A. de Saint-Denis, 1886-1913, col. 285). Acte daté justement entre mai 1085 et avril 1086. On sait que fin 1085, le roi Guillaume est assurément en Angleterre (Bates David, William the Conqueror, op. cit., p. 455), la paix doit donc être conclue au plus tôt dans la seconde moitié de l’année 1085. En tout cas, l’événement a été jugé suffisamment important dans la cité du Mans pour être mentionné dans l’eschatocole d’une notice du cartulaire de l’abbaye de Saint-Vincent de cette même ville.
74« Ille autem accepta securitate ad regem transfretauit, et facta inter eos amicicia omne paternum ius honorifice recepit… » et plus loin : « Deinde quamdiu rex Guillelmus uixit, prefatus heros ei fidus extiti honoremque suum libertate plaudens gratanter tenuit, filiisque suis Radulfo et Huberto moriens dimisit » (Vital Orderic, VII, t. 4, op. cit., p. 52).
75Soulard-Berger Isabelle, « Agnès de Bourgogne, duchesse d’Aquitaine puis comtesse d’Anjou. Œuvre politique et action religieuse (1019-v. 1068) », Bulletin de la Société des antiquaires de l’Ouest, 5e série, t. VI, 1er trimestre 1992, p. 45-56 ; et Jessee W. Scott, « The family of Robert the Burgundian… », art. cité.
76Richard Alfred, Histoire des comtes de Poitou. t. 1. 778-1126, Paris, A. Picard, 1903, p. 378 et Jessee W. Scott, Robert the Burgundian…, op. cit., p. 119. Il s’agit de Guy-Geoffroi alias Guillaume VIII d’Aquitaine, comte de Poitiers et duc d’Aquitaine.
77Jessee W. Scott, Robert the Burgundian…, op. cit., p. 132 et 133.
78Voir notamment pour la Normandie : Le Maho Jacques, « Fortifications de siège et “contre-châteaux” en Normandie (xie-xiie s.) », art. cité ; Lepeuple Bruno, « Deux contre-châteaux d’Henri Ier Beauclerc en 1118-1119 : approche historique et topographique », dans Élisabeth Lalou, Bruno Lepeuple, Jean-Louis Roch (dir.), Des châteaux et des sources. Archéologie et histoire dans la Normandie médiévale. Mélanges en l’honneur d’Anne-Marie Flambard-Héricher, Rouen, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2008, p. 187-201 ; ou encore Painchault Aude, Les châteaux normands dans l’œuvre d’Orderic Vital… t. II et III, op. cit., et par exemple le t. II, p. 131-140, pour Brionne (Eure). Voir encore pour l’Angleterre Stamper Paul A., « Excavations on a mid-twelfth century siege castle at Bentley, Hampshire », Proceedings of the Hampshire Field Club and Archaeological Society, vol. 40, 1984, p. 81-89. Curieusement, les archéologues britanniques semblent s’être très peu intéressés au sujet.
79C’est aussi la position de W. S. Jessee (Robert the Burgundian…, op. cit., p. 131) suivant en cela L. Halphen (Le comté d’Anjou au xie siècle…, op. cit., p. 186).
80En effet, les révoltes des années 1060-1080 dans le Maine ont toutes été tournées contre les Normands et en 1072 les révoltés manceaux contre Geoffroy de Mayenne en avaient même appelé au comte d’Anjou (Guillot Olivier, Le comte d’Anjou…, op. cit., p. 119 sq.).
81Latouche Robert, Histoire du comté du Maine…, op. cit., p. 41-44.
82Guillot Olivier, Le comte d’Anjou…, op. cit., p. 119 sq.
83Sur ce point précis, voir la relecture des sources faites dans Kohl Thomas, « Maine, Normandie und Anjou: Die Integration einer Grafschaft in die Nachbarterritorien », art. cité.
Auteur
Université de Rennes 2, UMR 6566 CReAAH.
Pierre-Yves Laffont est professeur d’histoire et archéologie médiévales.

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