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Chapitre II. Entre terre et mer, les réseaux plus ou moins imbriqués du commerce alimentaire

p. 73-128


Texte intégral

1Entre le temps de la production ou de la récolte, celui du marché et celui de la consommation, la circulation des marchandises est un moment clé des échanges commerciaux. Elle est aussi multiforme et complexe : les conditions et les moyens de transport sont divers, de même que les parcours empruntés sont plus ou moins flexibles, contraints par la nature des produits transportés, la conjoncture et l’état des infrastructures. L’objet de ce deuxième chapitre est de déterminer comment s’organisent et se différencient les réseaux de commercialisation des produits alimentaires. L’étude interroge les itinéraires des marchandises et leur éventuelle spécificité, les connexions entre les lieux de l’échange et la complémentarité des trafics. Elle implique de mettre en lumière les relations tissées entre les territoires urbains et les territoires ruraux, ainsi qu’entre les espaces maritimes et les espaces terrestres ; des liens souvent délaissés par les chercheurs qui se sont avant tout concentrés sur les transports maritimes assurant le déplacement des marchandises de port à port. De fait, le transport par voie maritime ou fluviale est privilégié pour le déplacement de bien des marchandises et le commerce breton s’inscrit dans un système d’interdépendances ancien, dont les dynamiques remontent au Moyen Âge1. Le cabotage, c’est-à-dire la navigation commerciale à distance limitée des côtes, est la forme de trafic la plus utilisée2. Il concerne toutes les marchandises et s’inscrit dans un système de transport complexe et multiscalaire, dans lequel on distingue les circulations caboteuses de longue et moyenne distance, qui se pratiquent à l’échelle interrégionale et internationale, les circulations de drainage et de redistribution, qui s’étendent à l’intérieur d’une aire portuaire et enfin les circulations de proximité3. Les ports et les circulations ont donc été au cœur d’études tournées vers le large4. Toutefois, le commerce débute et se termine à terre et l’histoire des circulations terrestres reste à explorer. Les difficultés documentaires et l’éparpillement des sources sont pour beaucoup dans le fait que cette question tient une faible part dans l’historiographie française. C’est au prisme de l’approvisionnement des centres urbains que les enjeux du transport par voie de terre ont avant tout été posés5. La gageure de ce chapitre est donc de montrer les liens entre la terre et la mer dans la distribution des denrées alimentaires et de déterminer les réseaux commerciaux et marchands à l’échelle de la péninsule bretonne en embrassant ces derniers dans leur pluralité, leur complexité et éventuellement leur particularité6. Mais aborder les flux des denrées alimentaires, c’est aussi prendre en compte le jeu de la conjoncture et interroger la souplesse de ces réseaux. Du choix de la période d’expédition des marchandises à celui de leur emballage en passant par l’embauche des voituriers, la livraison des marchandises est complexe, spécialement lors des périodes de conflits. Les guerres limitent, voire annulent les circulations à l’échelle internationale, obligent les marchands et l’État royal à s’adapter et contribuent à modifier les circuits régionaux et locaux. À ces désordres passagers, s’ajoutent des changements plus structurels qui transforment les échanges du quotidien. Sous l’impulsion d’un commerce colonial en pleine expansion, la Bretagne voit s’animer des mouvements nouveaux ou s’intensifier des relations existantes. L’arrivée des denrées antillaises et orientales bouleverse les habitudes de consommation dans les centres urbains, mais leur diffusion dans les campagnes reste mal connue7. Pour mener cette analyse, une approche par produit est ici privilégiée. Après avoir étudié les itinéraires des denrées produites en Bretagne, les denrées exotiques et les vins seront au cœur de l’enquête.

La commercialisation des produits « du cru »

2Territoire agricole ouvert sur la mer, la Bretagne vit d’un commerce reposant essentiellement sur les denrées alimentaires. Les grains, produits en quantité, le poisson, pêché régulièrement et le sel, ramassé dans le sud de la province, animent des circulations en tous genres. À celles-ci, héritées de la période médiévale, s’ajoutent celles des toiles qui font la richesse de la péninsule8. Peu d’études concernent pourtant les trafics de ces denrées banales et le travail de Joseph Letaconnoux sur le commerce des grains reste d’un apport important pour l’histoire économique bretonne9. Distinguant le commerce d’exportation du commerce d’approvisionnement, il analyse avec soin l’évolution de la réglementation sur la circulation des blés, montrant la liberté relative dont bénéficie la Bretagne dans la première moitié du xviiie siècle, les restrictions d’exportation de 1746 à 1764, année de libéralisation du commerce des grains, et enfin l’instabilité du commerce extérieur à partir de 1770. Dans le même temps, il aborde le commerce provincial et local à l’aune des difficultés rencontrées par les marchands, qu’il s’agisse de la lenteur des transports ou des divers droits à payer. Le trafic des bestiaux reste, quant à lui, principalement lié aux analyses de Jean Meyer, qui a dessiné les grandes trajectoires de circulation des bovins au xviiie siècle10. De leur côté, les produits de la mer ont davantage été observés à la lumière de leur commerce vers les autres provinces11. Le dialogue entre les modes de transports de ces marchandises, de même que les échelles et les étapes de leur circulations, restent à analyser. Nous distinguerons ici les grains des autres produits.

Des grains à toutes les échelles

3En Bretagne, l’abondance des récoltes est régulière et la province affiche une « surproduction relative » qui lui permet de vendre ses grains dans les ports de la côte atlantique et les colonies12. Le mode de vie des Bretons soutient ce négoce. Le froment et le seigle, dont les cultures sont dominantes, restent peu consommés, au contraire du mil, de l’orge ou du blé noir. De fait, parallèlement aux circulations liées à l’approvisionnement des marchés qu’assurent les paysans et les blatiers, le trafic des grains est primordial et considéré comme le « principal commerce » de la péninsule par les autorités13. Le transport maritime, beaucoup moins onéreux et plus rapide que le roulage, supporte l’essentiel des échanges en gros, qui s’opèrent souvent en dehors des marchés. Les négociants et marchands en gros se fournissent directement chez les seigneurs, les décimateurs et les gros propriétaires, contournant ainsi la réglementation et privant l’historien de données précieuses14. Les sources fiscales liées au contrôle du trafic maritime sont d’un apport important pour étudier les circulations qui relient les principales zones de production, situées sur le littoral, les petits ports et les pôles d’influence supérieurs dont ils composent l’aire portuaire. Seuls les registres récapitulatifs des acquits-à-caution, regroupant les copies de documents délivrés pour le transport des grains en Bretagne, permettent d’analyser ces dynamiques à l’échelle provinciale. Ils offrent l’opportunité d’étudier les réseaux du commerce maritime et de définir, pour une période donnée, les aires d’influence de l’ensemble des ports bretons. Dès lors, il est possible de voir dans quelle mesure les échelles de circulation s’imbriquent et d’observer comment le petit cabotage des grains se met au service d’un cabotage atlantique ou européen. Ces registres restent rares cependant. Nous disposons toutefois de 2 439 actes pour la période courant de mars 1773 à novembre 177415. En outre, les fonds de l’intendance de Bretagne regroupent les états récapitulatifs des soumissions délivrées à la fin de la décennie 1750 « pour l’exportation de grains et farines de cette province dans les généralités de Bordeaux, Poitiers et La Rochelle ». Ils permettent, au cœur de la guerre de Sept Ans, d’apprécier la pérennité des trafics et l’aspiration des grains bretons par le reste de la façade atlantique. Les années 1758 et 1759 sont les plus complètes, comptabilisant 831 actes au total16. Notons que les acquits-à-caution et les soumissions sont des documents dont la forme est proche. Ils mentionnent la date et le port de départ du bateau, le nom de celui qui a réalisé l’acquit ou la soumission, la nature et la quantité des grains chargés, leur port de destination et enfin le nom de la barque et du maître de barque chargés du transport17. En revanche, leur emploi diffère. La soumission est une déclaration faite par un négociant ou un marchand de la quantité de grains qu’il entend expédier hors de la province de Bretagne et dont il doit « faire soumission » de rapporter dans un délai de trois mois le certificat de décharge, « à peine de cinq cens livres d’amende et d’être contrains de payer la valeur desdits grains, farines et légumes au profit de sa majesté18 ». L’acquit-à-caution est une procédure visant également à contrôler l’activité économique, mais elle concerne l’intérieur comme l’extérieur de la province. Pour chaque expédition de grains par mer, le marchand doit établir au bureau des Fermes un document autorisant leur transport. Une fois les grains arrivés à destination et déchargés, ce dernier doit être signé par les officiers du bureau des Fermes du port de décharge et réexpédié au bureau du port de départ. Pour finir, l’intendant centralise ces données et fait une copie des acquits au contrôleur général des finances19. Ajoutons que des grains transportés vers un port relevant du même bureau des Fermes que le port de départ échappent à ce dispositif. Cela ne nous n’empêche pas pour autant d’apprécier les flux de circulation des grains à différentes échelles.

La force des réseaux portuaires bretons

4Capitale économique de la péninsule, Nantes joue le rôle de réceptacle des grains bretons, ce qui fait d’elle, tout au long du xviiie siècle, le premier marché céréalier de Bretagne (carte 10)20. Au début du siècle, les ports de la côte méridionale, situés entre Audierne et Vieille-Roche, assurent ainsi près de trois quarts des approvisionnements nantais. Cinq ports, déjà très actifs au siècle précédent et bénéficiant d’un arrière-pays productif, se détachent par leurs expéditions massives : Quimper, Quimperlé, Hennebont, Auray et Vannes21. Cette structure demeure dans la deuxième moitié du siècle. Les registres récapitulatifs des acquits-à-caution montrent cependant que Nantes n’est pas le seul port concerné par ces arrivées de grains22. C’est une organisation portuaire « en grappe » qui se dessine le long de l’estuaire de la Loire23. De nombreux bateaux déchargent en aval de la cité ligérienne, des caboteurs et des gabarres convoyant ensuite les marchandises à Nantes24. Sur les 18 lieux de déchargement que compte l’estuaire25 – lieux qui se sont multipliés en raison des difficultés de navigation et de l’augmentation du tonnage des navires – Paimboeuf, Saint-Nazaire et Méan se distinguent comme pôles de transit des grains26. Paimboeuf, qui bénéficie de deux rades profondes, accueille en outre entre 87 % et 96,5 % du tonnage dit « long courrier » de l’estuaire et reçoit d’importantes quantités de sel du Pouliguen27. Les autres ports de l’estuaire affichent un trafic plus modeste et reçoivent des bateaux d’un faible tonnage.

5Plus largement, le trafic des grains est très actif sur la côte sud de la péninsule. À l’ouest, un pôle finistérien se dégage. On y recense 282 départs de navires dont 77 se dirigent vers Quimper, 50 vers le pôle lorientais, 51 vers le golfe du Morbihan, 41 vers les ports de la Vilaine, 18 vers les ports à sel de la presqu’île de Guérande, 37 vers l’estuaire de la Loire et 8 vers la côte nord (Brest, Roscanvel, Camaret)28. Quantitativement et qualitativement, les envois sont très inégalement répartis. Les ports du Finistère nord, du pôle lorientais et du golfe du Morbihan acquièrent majoritairement du froment, quand le seigle compose la plupart des expéditions vers Nantes, la presqu’île de Guérande et l’embouchure de la Vilaine. En outre, Quimper intervient de manière ciblée dans la redistribution des grains à l’échelle provinciale. La ville n’envoie presque que des seigles à Nantes (540 quintaux de froment contre 5 163 quintaux de seigle) et bien qu’absorbant la moitié du trafic du petit port voisin de Pont-l’Abbé, elle n’empêche pas celui-ci de développer des relations directes avec les autres ports de la côte méridionale. Pont-l’Abbé assure ainsi près de 40 % des envois de la zone vers la région lorientaise, Quimperlé en fournissant 30 %. Dans le même temps, Quimperlé garantit plus de 60 % des expéditions de grains du Finistère sud vers le golfe du Morbihan. Ce pourcentage s’élève à près de 70 % pour les envois de seigle.

6Plus au sud, Lorient expédie peu de grains29. Malgré la dissolution de la Compagnie des Indes en 1769, la fonction d’armement du port demeure et les approvisionnements en direction de la ville restent importants. En 1773 et 1774, elle absorbe la majorité des froments expédiés depuis les ports du golfe du Morbihan30. De nombreux mouvements maritimes s’effectuent également au sein du golfe où chaque port paraît exercer une fonction précise. Vannes est le centre de cette zone, d’où partent les chargements vers Bordeaux et les ports de la Méditerranée, et au service duquel se mettent les havres les plus proches. Auray est son principal fournisseur en seigle, secondé par La Trinité pour les approvisionnements en froment. Parallèlement, ce petit port semble s’être spécialisé dans l’approvisionnement de Lorient en froment puisqu’il assure 80 % des approvisionnements maritimes de la cité31. Les ports de la Vilaine, dominés par Redon et La Roche-Bernard, affichent un volume d’échanges plus modeste. Ici, les temps de navigabilité de la rivière contraignent fortement le transport des grains. Lorsque les vents contraires, les crues ou la sécheresse rendent difficile, voire impossible la remontée vers Redon, les havres situés en aval sont utilisés pour transborder les cargaisons. Le havre de Rieux, rayonnant au Moyen Âge, est encore utilisé au xviiie siècle, tout comme celui de Vieille Roche. À l’entrée de l’estuaire, La Roche-Bernard est un avant-port aménagé d’un quai bordé d’entrepôts et de greniers et une pierre angulaire du trafic de la vallée. C’est ici que les navires de fort tonnage chargent et déchargent leurs grains. En 1773 et 1774, le port reçoit la moitié des cargaisons de Redon et de Billiers, port-relais situé à l’embouchure de la rivière32. Dans le même temps, il se partage avec Redon le trafic breton, tourné vers Nantes pour le froment et vers Vannes pour le seigle, mais assure seul avec Billiers les envois vers l’Aquitaine et Toulon. Une partie des grains expédiés vers ces destinations n’est probablement pas issue de la production locale, mais relève de la redistribution des céréales provenant du Finistère sud et du golfe du Morbihan. L’estuaire de la Vilaine joue alors un rôle d’étape dans la circulation des grains. Finalement, plusieurs systèmes de circulation s’esquissent au sein de la Bretagne méridionale. Le premier est animé par Nantes, qui absorbe les grains des principaux ports de la côte sud et ceux des havres plus petits comme Pont-l’Abbé. D’autres mobilités sont animées par les pôles de Vannes et de Lorient, qu’alimentent les ports du Finistère et du golfe du Morbihan. Enfin, on observe des systèmes locaux de circulation à l’intérieur de chacun des espaces. Les petits ports se mettent au service du pôle de commandement de la zone, tout en développant des dynamiques qui leur sont propres.

7Ces circulations multiscalaires se retrouvent dans le nord de la Bretagne où Saint-Malo et Brest sont les ports qui réceptionnent le plus de cargaisons de grains. Sur 385 mouvements enregistrés au sein de cette zone, 174 convergent vers la cité malouine33. À l’autre extrémité de la péninsule, Brest reçoit 94 % des froments de la côte nord34. Entre ces deux pôles, le Trégor, zone de production importante, domine outrageusement les expéditions de céréales35. C’est vers Brest que ses navires se tournent en priorité, lui fournissant 80 % de ses besoins en grains36. Dans le même temps, il arrive en tête des fournisseurs de la cité malouine. Tréguier, qui domine ces envois, n’apparaît cependant pas comme le centre de commandement de cet espace37. Paimpol incarne davantage cette fonction car les ports de la baie de Saint-Brieuc et du Trégor, y compris Tréguier, viennent y décharger du froment, ensuite réexpédié vers l’Aquitaine et la Méditerranée38. Parallèlement, les Trégorois participent à l’approvisionnement de Saint-Brieuc qui joue pareillement ce rôle de centre de distribution vers La Rochelle, Bordeaux ou Saint-Malo. Le trafic des autres ports de la côte septentrionale est plus modeste et presque uniquement tourné vers le pôle de rang supérieur dont ils sont le plus proche. Dans le pays malouin, à l’exception de Port-à-la-Duc qui réalise deux envois vers Brest, les ports regardent vers Saint-Malo où ils arrivent en seconde position des fournisseurs, suivis par les petites cités portuaires du pays de Saint-Brieuc39. Plus à l’ouest, le Léon fournit quant à lui 11 % des froments reçus par Brest, mais ne regarde guère vers Saint-Malo40.

Carte 10. – Les pôles de circulation des grains dans la province de Bretagne en 1773-1774.

D’après arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1680-1683, circulation des grains sous acquit-à-caution, 1773-1774.

8Ces cargaisons de grains, nombreuses à naviguer le long des côtes de la province, sont en majeure partie destinées aux autres provinces maritimes du royaume, en premier lieu celles de la façade atlantique.

Au service des provinces atlantiques

9Les travaux conduits à partir des années 1960 sur le commerce maritime aquitain et breton ont montré l’ancienneté des relations entre la Bretagne et les provinces atlantiques, principalement la Guyenne41. C’est autour du vin que les liens entre ces territoires se sont d’abord tissés. Au milieu du xviie siècle, 60 % des navires quittant Bordeaux prennent le chemin de la Bretagne, son premier partenaire maritime42. Saint-Malo, Morlaix, Brest, Landerneau, Le Port-Louis, Redon ou Nantes occupent une place prédominante dans ce trafic. Christian Huetz de Lemps note la grande dispersion des ports d’arrivée pour les navires bordelais : une vingtaine sur la côte nord, le double sur la côte sud43. Ces relations, animées par le dynamisme économique d’une Bretagne en plein « âge d’or », se maintiennent au siècle suivant, le froment breton fournissant un fret avantageux pour solder les retours en Guyenne44. Bordeaux, les ports de la Garonne et Libourne sont sans surprise les principales destinations des grains bretons.

Carte 11. – Sortie des grains de Bretagne sous acquit-à-caution, 1773-1774.

D’après arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1680, 1681, 1682, 1683, récapitulatif des acquits à caution, 1773-1774.

10Durant la première moitié du siècle, le golfe du Morbihan, principale zone de production de la province, est leur premier fournisseur45. Nantes endosse ensuite ce rôle quelle que soit la conjoncture, les ports du golfe restant toutefois aux premiers rangs pour les expéditions de grains46. D’autres sites de la côte méridionale participent à l’approvisionnement bordelais. À l’ouest, Quimper surtout, et Pont-l’Abbé dans une moindre mesure, devancent Audierne, Pont-Croix, Quimperlé et Pont-Aven, qui fréquentent moins régulièrement l’Aquitaine47. Absorbé par les besoins de la Compagnie des Indes, le pôle lorientais s’autorise quelques expéditions seulement. Sur la côte nord, Saint-Malo et les ports du Trégor expédient principalement du froment et des pois. De tous ces grains expédiés vers la Guyenne, notons enfin qu’une partie remonte la Garonne au-delà de Bordeaux, les cargaisons cheminant vers Langon, La Réolle, Tonneins, Agen ou Toulouse.

11L’Aunis et la Saintonge constituent la seconde destination des grains bretons mais les liens sont bien moins forts que ceux tissés avec le Bordelais48. En 1758 et 1759, les envois depuis la Bretagne méridionale s’élèvent à 900 tonneaux d’orge environ, 750 tonneaux de seigle et un peu moins de 80 tonneaux de froment ; plus de la moitié des seigles est destinée à La Rochelle, tandis que l’orge est davantage réservée aux îles. Dans les années 1770, le froment est essentiellement expédié par Nantes, la moitié des seigles vient d’Hennebont, quand les petits, voire très petits ports du Finistère sud, assument les fournitures d’orge. Les ports du golfe du Morbihan sont en revanche quasiment absents, tout comme les ports de la Manche. Saint-Malo et le Trégor se distinguent, mais les quantités expédiées demeurent très inférieures à celles de la côte sud49.

12Ces circulations atlantiques régulières et anciennes sont bouleversées lors des conflits et en période de disette, remodelant les dynamiques spatiales du commerce des céréales.

Les mauvaises récoltes et la guerre : des circulations bouleversées en période de conjoncture exceptionnelle

13Généralement épargnée par les aléas de la conjoncture, la Bretagne n’échappe pas aux mauvaises récoltes et à des périodes de hausse des prix, en partie alimentées par la demande extérieure. Plusieurs crises, liées à des récoltes médiocres, voire catastrophiques, jalonnent le siècle et conduisent à des disettes régulières50. Dès lors, et le plus souvent dès que les prix commencent à s’élever sur les marchés, les autorités importent du seigle, du froment et des farines, que fournissent les plaines agricoles d’Europe orientale et la Grande-Bretagne51. Possibles en période de paix, ces achats sont souvent inenvisageables lorsque le royaume est engagé dans un conflit. C’est le cas lors de la guerre de Succession d’Espagne (1701-1713), après les redoutables vagues de froid de l’hiver 170952. Alors que l’agriculture est anéantie et le nord du royaume envahi, les importations sont impossibles. En Flandre, l’armée ne parvient plus à nourrir ses hommes53.

14Dans ce contexte, la péninsule, au même titre que d’autres provinces, est mise à contribution pour ravitailler l’armée des Flandres en froment et en seigle54. La Bretagne étant moins touchée par les mauvaises récoltes que la plupart des régions, elle peut réunir des grains sans réelles difficultés55. Les excédents demeurent et ce d’autant plus que l’agriculture est diversifiée et que la population consomme avant tout, rappelons-le, du sarrasin et de l’orge. Les sollicitations royales, notamment une imposition de 60 000 sacs de grains à l’automne, rythment donc l’année 1709. Elles permettent de questionner la capacité de l’État royal à mettre sur pied, en un temps limité et au cours d’une période exceptionnelle, un réseau d’approvisionnement pour son armée. L’intendant doit en effet organiser le prélèvement des grains, leur acheminement vers des ports accessibles, leur conditionnement et leur stockage dans ces ports, puis leur expédition vers la côte septentrionale de la Bretagne et enfin vers la Flandre. Plus globalement, ces demandes de l’État royal donnent la possibilité d’interroger l’articulation entre les réseaux du commerce en temps de paix et les réseaux d’approvisionnement établis en temps de crise.

15Près de 400 lettres adressées au contrôleur général des finances, dont un peu moins de la moitié est rédigée par l’intendant de Bretagne, Antoine-François Ferrand, décrivent la mise en œuvre des prélèvements de grains et de quelles manières les réseaux de circulation et le fonctionnement traditionnel du commerce sont modifiés au cours de cette période56. On lit les démarches initiées par l’intendant – toujours avec zèle, pour répondre en 1709 et 1710 aux différentes injonctions royales –, la préparation des cargaisons et leur transport jusqu’en Picardie. Cet acheminement, souhaité rapide et par voie maritime en dépit de la menace anglaise, nourrit les inquiétudes. Il pose avec acuité la question de l’opportunité de faire circuler de grandes quantités de grains par la route.

L’imposition de 1709 : les modalités d’une mise en œuvre

16À l’échelle du royaume, différents modes d’approvisionnement, non exclusifs les uns des autres, sont mis en place pour assurer l’approvisionnement de l’armée57. Le premier consiste à effectuer des achats par l’intermédiaire de commissionnaires mandatés par les intendants, le deuxième à imposer aux provinces la fourniture d’une quantité de grains, le troisième à conclure des marchés avec des entrepreneurs qui s’engagent à livrer une quantité de grains pour un montant donné. En Bretagne, les trois systèmes sont employés après l’approbation des États provinciaux.

17Du début de l’année 1709 jusqu’à l’automne, des achats, essentiellement de froment et de seigle, sont effectués par des proches de l’intendant ou des hommes qui lui ont été recommandés. Ils s’accompagnent d’une restriction des autorisations de sortie des grains de la province, l’intendant ne délivrant plus ou quasiment plus de passeports aux marchands. Dans un premier temps, ce dernier avait d’ailleurs fait appel aux négociants et aux financiers malouins et nantais pour mener à bien les achats, mais ceux-ci s’étaient montrés peu enclins à engager leur argent dans une entreprise jugée trop risquée58. Les « comptables et fournisseurs » qui finissent par la financer ne sont pas des inconnus. Parmi eux, figurent Jean-Jacques de Montaran, trésorier des États de Bretagne et Jean-Jacques Baraly, directeur de la Monnaie de Rennes et adjudicataire des grands et petits devoirs de Bretagne59. Sur le terrain, la géographie des achats dessine les contours des principales zones de production de la province. Rallet, fermier des devoirs de Saint-Brieuc, est chargé de sillonner les évêchés de Saint-Brieuc et de Tréguier, Fellonneau ceux de Vannes et Quimper60. Ces deux hommes, épaulés par des marchands locaux, reçoivent de l’argent « sonnant et trébuchant » pour payer les grains comptant. Ils doivent agir le plus discrètement possible afin d’éviter les « émotions », ce qui n’est pas toujours facile. Dès l’été 1709, « la populace s’attroupe et murmure fort » aux abords de Saint-Brieuc61.

18À l’automne, la levée de 60 000 sacs de grains, dont la fourniture est imposée à la Bretagne, implique une autre organisation et suscite des réticences. Un mémoire rappelle à l’intendant la médiocre qualité des récoltes et les prélèvements déjà opérés62. Il l’interpelle aussi sur les conséquences de ces enlèvements pour l’évêché de Nantes, structurellement déficitaire en grains63. De fait, il propose de faire appel à des négociants nantais pour importer de la Baltique 20 000 sacs de seigle, qui pourraient être débarqués directement à Dunkerque ; une option jugée moins risquée et moins coûteuse. Cette solution n’est pas retenue par l’intendant qui discrédite l’auteur du mémoire en pointant du doigt sa méconnaissance de la conjoncture internationale. Il lui rappelle que le commerce du Nord est interdit à cette date64. Ferrand commence donc par distinguer les paroisses capables de participer à cet effort exceptionnel, puis le type et la quantité de grains qu’elles peuvent pourvoir. Des « ordonnances d’imposition » sont ensuite expédiées aux paroisses concernées65. Celles-ci sont logiquement situées dans les diocèses de Quimper, Vannes, Saint-Brieuc et Tréguier, où les excédents sont ordinairement importants. Néanmoins, Ferrand reste prudent sur les capacités de la province à réunir les grains exigés : « Il est à propos de compter seulement pour l’armée des Flandres sur 50 000 sacs » écrit-il au contrôleur général des finances66.

19Initiée en octobre 1709, l’entreprise bretonne est bien entamée au début du mois de février suivant puisque 38 400 sacs sont déjà réunis. Dans les « magasins du roi » d’Auray et de Saint-Brieuc, les quantités de grains stockées sont supérieures aux objectifs fixés. « Ne se mettant point en mouvement pour la fourniture des bleds », les diocèses de Vannes et de Quimper sont au contraire moins en avance, au grand regret de Ferrand67. L’envoi de plusieurs compagnies de dragons et de détachements de l’armée dans les paroisses récalcitrantes permet cependant de pallier les difficultés qu’il observe localement68.

20Les détails de la mise en œuvre de cette imposition ne sont pas documentés. En revanche, les démarches initiées par Rallet et Fellonneau pour réaliser les approvisionnements qui précèdent sont mieux renseignées. Les deux hommes procèdent de la même manière : ils acquièrent les grains chez les propriétaires fonciers et les marchands, sans jamais recourir aux marchés locaux, comme cela se pratique couramment en Bretagne69. Durant l’été 1709, sur la côte sud, Fellonneau acquiert ainsi plus de 820 tonneaux de froment auprès d’individus connus pour avoir fait des « amas70 », les quantités oscillant entre un et quelques dizaines de tonneaux par achat71. Sur la côte nord, Rallet indique de son côté qu’il s’est procuré plus de 320 tonneaux de froment dans les greniers de plus d’une quinzaine de propriétaires terriens72. Les quantités varient ici entre une centaine et plusieurs milliers de boisseaux, que pourvoient notamment les religieux de l’abbaye de Beauport et le président de Cucé73. Les prix négociés avec ces particuliers diffèrent : entre 2,15 livres sols le boisseau pour 67 boisseaux achetés à « différents particuliers » et 3,12 livres sols le boisseau pour 649 boisseaux acquis auprès de M. Trevinal. Ces grains réunis, il faut préparer leur expédition vers la mer du Nord.

Le stockage et la préparation des grains pour la Flandre

21Une fois achetés dans les greniers ou prélevés dans le cadre de l’imposition des paroisses, les grains sont véhiculés par terre ou par mer à Dinan, au Légué, à Lannion, au Port-Launay, à Quimper, Hennebont, Auray, Vannes et La Roche-Bernard ; des ports qui, nous l’avons vu, assurent déjà en temps de paix la diffusion des grains de la province mais regardent généralement vers Nantes et la côte atlantique. Pour faciliter les transbordements, des magasins sont établis à proximité des quais. Ces lieux de dépôt temporaires, sans doute loués à des marchands, sont organisés et administrés. Chacun d’eux est sous la surveillance d’un homme réputé digne de confiance. À Saint-Brieuc et Lannion, ce sont les frères Boulogne qui, recommandés à Ferrand par Béchameil de Nointel, ancien intendant de la province et conseiller d’État chargé des affaires de blés, sont établis à la « recette des grains74 ». Ils sont chargés d’assurer la surveillance des entrepôts, mais surtout de réceptionner les grains, de les faire mesurer et d’organiser leur préparation en prévision de leur transfert vers la Flandre. Pour éviter les pertes lors du transport, le choix est fait de les mettre dans des sacs d’une contenance de 100, 150, 200 ou 220 livres75. Dans le Sud de la province, Fellonneau en fait venir 9 500 de Nantes, qu’il paie 21 ou 22 sols pour les plus grands – d’une capacité de 200 livres –, qui sont aussi les plus nombreux et 16 sols pour les plus petits – d’une capacité de 100 livres. À Saint-Brieuc, Rallet fait quant à lui confectionner sur place plus de 3 000 sacs pour un montant de 26 sols pièce. Il emploie ensuite plusieurs hommes pour y mettre le froment, les ficeler avec de la corde, les cacheter à la cire, les peser et les marquer au noir de fumée. Désormais préparés, tous les grains sont transportés vers les côtes de la Manche où ils sont transbordés sur des navires en partance pour la mer du Nord.

Entre terre et mer, le difficile arbitrage du choix du transport

22Moins coûteux et plus rapide que le transport terrestre, le transport par mer semble un choix évident pour une province comme la Bretagne. Mais en cette période de conflit, la navigation en Manche est risquée. Tant bien que mal, l’acheminement des grains vers le nord de la province s’effectue donc par la route.

23Dès le mois de mai 1709, l’intendant s’inquiète des difficultés du transport et du retard des livraisons. Les circulations terrestres et fluviales, impliquant de fréquentes ruptures de charge, sont jugées trop lentes. Ainsi, des avoines acheminées de la côte sud jusqu’à Saint-Malo, leur point de départ vers Saint-Valéry-sur-Somme, remontent d’abord la Vilaine jusqu’à Redon. Là, elles sont mises en sacs, puis chargées sur des barques de quelques tonneaux capables de remonter la rivière jusqu’à Rennes, d’où elles gagnent Dinan par charrette. Elles rejoignent enfin Saint-Malo par la Rance. Lent et laborieux, le trajet nécessite un stockage temporaire à plusieurs endroits. À l’automne, les conditions climatiques allongent encore la durée des transports routiers et rendent quasiment impossibles les longs parcours. C’est dans ce contexte que les grains expédiés par Fellonneau à Saint-Brieuc, entre la fin du mois d’août et le début du mois d’octobre 1709, prennent du retard. Les sacs sont véhiculés depuis les évêchés de Vannes et de Quimper par plus de 640 charrettes et plus de 2 100 mules et chevaux qui peinent à avancer sur des routes devenues impraticables76.

Tableau 3. – Grains expédiés par Fellonneau à Saint-Brieuc.

Tableau 3. – Grains expédiés par Fellonneau à Saint-Brieuc.

Ville de chargement des grains

Nombre de charrettes

Nombre de mules et chevaux

Vannes

373

996

La Roche-Bernard

-

238

Auray

203

571

Hennebont

66

19

Quimperlé

281

Quimper et Pont-l’Abbé

Non indiqué

Non indiqué

Source : Arch. nat., G7 1806, bordereau des froments achetés par le sieur Fellonneau, novembre 1709.

24De fait, pour la suite du parcours, seul le transport par mer est estimé viable par l’intendant afin d’assurer l’approvisionnement de l’armée dans un délai raisonnable77. Envisagée durant l’été 1709, l’idée de transporter les grains par voie fluviale est rapidement abandonnée. Plusieurs propositions avaient pourtant été faites : expédier les grains jusqu’à Nantes, les faire naviguer sur la Loire, puis la Seine et enfin l’Oise jusqu’en Picardie, ou les convoyer par la mer jusqu’au Havre, avant de leur faire remonter la Seine puis l’Oise. Ces trajets, complexes et coûteux, convainquent les autorités de prendre le risque de transporter les cargaisons uniquement par la mer78.

25Une première difficulté est liée au choix des embarcations. Sur la côte nord de la Bretagne, seul le port de Saint-Malo peut accueillir des bateaux de plus de cent tonneaux. Deux solutions sont donc envisagées : l’une consiste à faire converger tous les grains vers la cité malouine afin de les charger sur de gros bâtiments, l’autre à utiliser des navires d’un plus faible tonnage, de multiplier les embarcations et les ports de départ. Cette deuxième alternative est privilégiée par l’intendant qui choisit également, contre l’avis de certains de ses conseillers, de recourir à des maîtres de barques français, principalement bretons79. Des navires d’une trentaine ou d’une quarantaine de tonneaux rejoignent donc Saint-Malo, le Légué et l’Île-à-bois, à l’embouchure du Trieux près de Tréguier, points de départ des convois quittant la Bretagne sous escorte de la Marine et de navire corsaires80. En mars 1710, une flotte de 27 barques réunie à l’embouchure du Trieux quitte ainsi la Bretagne escortée par quatre frégates et des corsaires malouins81.

Carte 12. – De la Bretagne à la Flandre : les grains bretons à destination de l’armée durant la guerre de Succession d’Espagne, 1710.

D’après Arch. nat., G7 1642, blés, généralités de Bretagne et de Caen, 1710.

26Protégées, les barques bretonnes rejoignent le nord du royaume dans des délais différents. Aucun convoi ne parvient cependant à effectuer le trajet en droiture. L’activité corsaire et les navires anglais sont des obstacles récurrents qui empêchent le départ des bateaux ou les contraignent à faire relâche dans des ports de la presqu’île du Cotentin, tandis que les vents les obligent régulièrement à s’abriter. Les multiples précautions prises afin de préserver les navires n’empêchent pas les pertes, ce qui contribue à remettre en cause régulièrement le bien-fondé du transport maritime.

27Dès le mois d’août 1709, alors qu’une barque était contrainte de faire relâche à Granville, la question des risques de l’approvisionnement de l’armée par la mer avait été soulevée. Pourquoi ne pas poursuivre le transport des grains par la route jusqu’au port de Touques, dans la généralité de Rouen ? Cette solution, qui évite de contourner la presqu’île du Cotentin sillonnée par des navires anglais, impose cependant d’autres contraintes. Elle implique d’employer, sur des chemins de terre, des voitures tirées par des bœufs incapables de parcourir plus de quatre ou cinq lieues par jour et de porter plus de 150 boisseaux de blé. Le temps du transport, sa cherté et la période à laquelle le trajet doit s’effectuer remettent rapidement en cause cette possibilité. Néanmoins, cette interrogation resurgit à l’été 1710. Tandis que la Bretagne a une nouvelle fois été sollicitée pour fournir des grains à l’armée des Flandres, 40 bateaux, d’un convoi de près de 70 bâtiments chargés de 3 000 à 4 000 sacs de grains, doivent se réfugier à Cherbourg. Cette fois, l’utilisation de chevaux est suggérée pour transférer les grains jusqu’à Caen. Mais cette proposition n’est guère plus convaincante. La durée du transfert, estimée à plus d’un mois, son prix, les risques d’accident, tout comme la possibilité de trouver le nombre de bêtes nécessaires alors que les travaux des champs battent leur plein, font obstacle82. Sur les 26 bateaux abrités à Cherbourg qui tentent donc de reprendre la mer, 14 quittent le port mais, sous la menace anglaise, ils sont obligés de relâcher à la Hougue ou à Isigny. Pour éviter des frais trop importants, les autorités décident finalement de vendre sur place une partie des grains échoués et d’en affecter une autre à l’approvisionnement des troupes stationnées dans le Cotentin ; charge à l’intendant d’en réunir une quantité identique dans le port de Caen, d’où ils seront expédiés en Picardie. Cette alternative se révèle difficile à mettre en œuvre. À la fin du mois de juillet 1710, bien que 1 500 sacs soient prêts à être embarqués dans le port de Caen, les achats sont arrêtés car les stocks restant à Cherbourg ne sont que très lentement écoulés. Ordre est donné de ne vendre que le blé gâté, le reste étant à nouveau chargé sur des navires83. Aussi risqué soit-il, le transport maritime prévaut donc toujours.

28Alors que la Bretagne compte parmi les provinces les plus imposées du royaume en 1709, elle parvient, au terme de plusieurs mois d’efforts, à réunir près de 10 % du total des sacs de grains fournis pour l’approvisionnement de l’armée des Flandres84. S’il est possible de déterminer l’organisation et la gestion des prélèvements, mesurer leur impact sur les consommations locales reste difficile. Quelques lettres indiquent seulement que la Bretagne ne peut honorer toutes les demandes de grains qui lui sont adressées et que le prélèvement de 60 000 sacs à l’automne 1709 s’effectue alors que la péninsule ne détient plus beaucoup de réserves85. De fait, c’est à l’appréhension du manque que l’on doit sans doute les attroupements observés86. À défaut de peser lourdement sur la consommation des habitants, l’imposition pèse sur les esprits et sur certains partenaires commerciaux comme la Guyenne, contraints de trouver d’autres sources d’approvisionnement. Et quoi qu’il en soit, la situation bretonne est jugée suffisamment bonne et pacifique pour que le contrôleur général des finances demande à la province de fournir 60 000 nouveaux sacs de grains au printemps 1710, puis 130 000 sacs supplémentaires en juin87.

29Ainsi, ce dossier est riche d’enseignements sur la force que constitue le potentiel breton en matière d’approvisionnement en grains à l’époque moderne, mais il montre surtout la capacité du gouvernement à mobiliser les énergies, les acteurs et les réseaux de commerce existants lorsqu’il s’agit d’enlever des grains pour son propre compte. Les achats et les prélèvements de grains, de même que leur préparation dans les entrepôts de stockage, s’effectuent plutôt aisément, respectant la géographie des zones de production et retraçant le réseau portuaire traditionnel du commerce breton, mais leur transport vers la mer du Nord découvre la rigidité des itinéraires maritimes et terrestres. Le choix de rompre la circulation des grains en Normandie plutôt que de les transporter par la route reflète la faible capacité des autorités à recontinentaliser les déplacements lorsque la conjoncture l’exige. Confrontées aux mêmes difficultés que les entrepreneurs privés, elles ne parviennent pas davantage à les surmonter. La logistique à mettre en place, trop lourde et trop coûteuse, les conduit donc à renoncer. Dépendantes de la mer, elles s’adaptent en trouvant des solutions par défaut.

30Les autres productions alimentaires bretonnes suivent elles aussi des trajectoires souvent bien établies. Majoritairement destinées à l’approvisionnement des habitants de la province, elles sont en partie expédiées vers le reste du royaume par la mer, mais aussi par la route.

Beurre, bestiaux et produits de la pêche : d’autres denrées pour la province et le royaume

31Les circulations terrestres qui animent la Bretagne concernent avant tout les approvisionnements des bourgs et des villes de l’intérieur de la péninsule, leurs boutiques, leurs foires et leurs marchés. Elles servent également au ravitaillement des provinces ne disposant pas d’un accès à la mer ou vers lesquelles une navigation maritime ou fluviale serait trop complexe ou risquerait d’altérer la qualité d’un produit fragile et cher. Les marchandises y convergent donc à des rythmes différents, selon des modalités et des réseaux distincts. Au regard des mouvements maritimes, ces trajets sont plus difficiles à saisir. Si les mouvements des bestiaux ont fait l’objet de travaux nourris88, les études sur les circulations des denrées restent souvent limitées à une marchandise ou un espace géographique restreint. Il est rarement question des déplacements sur de moyennes ou de longues distances et encore moins des étapes de la circulation marchande89. L’éparpillement des sources explique en partie cette faiblesse, la documentation sur les maisons de roulage et de commerce restant exceptionnelle90. En étudiant les documents comptables des marchands et leur correspondance, il est cependant possible de retracer les parcours des marchandises, en gardant toutefois à l’esprit que si ces dossiers sont riches d’informations, ils n’en illustrent pas moins des cas individuels, intéressant des produits, des quantités et des destinations ciblées, ce qui n’autorise pas une généralisation des comportements et des trajectoires commerciales. Quelques flux majeurs apparaissent néanmoins. Hors de la province, la Normandie et Paris sont des centres d’attraction importants pour les bestiaux, les menues denrées et les produits de la mer.

Les circulations des bestiaux

32La présence de territoires aux économies complémentaires favorise incontestablement les circulations marchandes à l’échelle bretonne. La production de bestiaux maigres dans le nord de la province et l’orientation du pays d’Auge voisin dans l’activité d’embouche engendrent d’importantes circulations d’animaux vers la Normandie et animent bien des foires de la région. Deux « routes de la viande » sillonnent la Bretagne91 : la première part des prairies de la vallée de la Loire et du pays de Retz. Les foires qui s’y tiennent sont de véritables plates-formes de la vente. Des bestiaux maigres venus du Poitou y sont vendus afin d’être engraissés dans les prairies des bords de Loire, tandis que d’autres sont acquis par des emboucheurs afin d’être élevés dans les herbages normands92. Dans le même temps, des bestiaux gras sont vendus à des bouchers nantais et à quelques rares marchands parisiens venus s’approvisionner dans l’Ouest93, la province s’inscrivant ainsi dans le troisième cercle d’approvisionnement de la capitale94. Une deuxième route du bétail longe la côte nord de la péninsule, suivant en partie la route de Brest à Rennes95. Ici, les foires et marchés sont essentiellement des lieux d’enlèvement de bestiaux maigres par les marchands normands96.

33Au contact de ces routes et des différents espaces d’élevage, Nantes et Rennes tirent profit de leur position géographique pour attirer les marchands bretons et ceux des provinces limitrophes. Ces derniers sont assurés de pouvoir y conclure des marchés, d’autant que la consommation urbaine de viande se généralise97. On retrouve donc logiquement de nombreux éleveurs normands dans les foires nantaises et rennaises. La famille Mollet, qui pratique l’embouche dans les marais de la Dives à Beuvron, achète ainsi l’essentiel de ses bestiaux au cours de campagnes menées dès le mois de février en Normandie puis, à partir du mois de mars, « en Bretagne, du Pays nantais (foire de Sainte-Pazanne et Saint-Marc de Nantes) jusqu’à Fougères (foire de la Chandeleur) en passant par Rennes98 ». Ces herbagers se procurent plus de la moitié de leurs bestiaux maigres aux foires de Fougères et de Rennes et n’hésitent pas à se rendre au cœur de la péninsule armoricaine, à Quintin par exemple, pour s’approvisionner99. Ils parcourent donc des distances considérables, comprises entre 500 et 600 kilomètres pour leur commerce. Conduits en Normandie où ils sont engraissés, les bestiaux sont vendus, entre autres, sur les marchés du Neubourg et à Paris100. La pratique de l’élevage dans les campagnes bretonnes contribue donc à l’établissement de réseaux de circulation des bestiaux tout en assurant le dynamisme des lieux traditionnels de l’échange que sont les foires et les marchés. Les beurres, autre denrée dont la Bretagne fait commerce, engagent des acteurs différents et actionnent d’autres réseaux.

Les beurres

34Vendus frais localement sur les foires et les marchés ou dans les boutiques des épiciers, les beurres bretons, essentiellement lorsqu’ils sont salés, gagnent des destinations plus lointaines, notamment les ports de la province afin d’assurer le ravitaillement des navires au long cours. Paris est une autre destination pour ces menues denrées. Si la capitale attire à elle les produits les plus réputés, au premier rang desquels les beurres frais de la région d’Isigny, elle reçoit également des beurres bretons, comme ceux de la Prévalaye, appréciés par la famille royale et expédiés pendant le carême101. Les quantités commercialisées sont difficilement quantifiables, mais des sources éparses livrent ponctuellement des données. C’est le cas de quelques courriers rédigés en 1761 par Joseph Abeille, secrétaire de la Société d’agriculture de Bretagne. Il note que les beurres salés de Locminé, expédiés à La Rochelle, Bordeaux et « toute cette côte » sont « les plus abondants », ceux de Questembert sont « les plus estimés », tandis que chaque semaine trois à quatre milliers de beurre « sortant du lait et sans sel » sont vendus à Carhaix102. Parallèlement il précise que chaque année, 335 milliers de beurre salés entrent en Bretagne, une quantité jugée trop importante par l’auteur qui souhaite y développer la production de beurre salé et de fromage afin de limiter les importations. Un autre document, rédigé 20 ans plus tard évalue le commerce annuel de beurre breton à 500 milliers, la capitale bretonne en absorbant 300 pour la consommation des habitants et le commerce de ses détaillants, les expéditions pour Paris ainsi que les armements nantais et lorientais s’élevant à 200 milliers103.

35Les modalités de transaction de ces beurres restent mal connues. Le livre de comptes d’un marchand rennais, Doublet, est le seul document retrouvé dans les fonds des faillites du consulat de Rennes détaillant des expéditions de beurre au xviiie siècle104. Le commerçant y note chronologiquement, de 1777 à 1779, les achats et les ventes qu’il réalise ainsi que les mouvements d’argent qui les accompagnent. Les livraisons qu’il effectue sont adressées à des épiciers parisiens et constituent ses seuls liens réguliers avec la capitale, le marchand vendant par ailleurs des toiles et des denrées exotiques qu’il achète à Lorient ou à Nantes105. Pour transporter les beurres qu’il acquiert à Rennes et dans les campagnes alentours, Doublet fait appel à la messagerie, dont il utilise 43 fois les services entre septembre 1778 et novembre 1779. Cette pratique est fréquente pour le transport de petites quantités de marchandises, notamment pour les plus fragiles et les plus renommées106. Dans son Dictionnaire universel du commerce, Savary des Bruslons qualifie d’ailleurs le transport des beurres bretons vers Paris comme « plutôt un négoce du messager de cette province, que des marchands épiciers107 ». Les envois de Doublet sont réguliers de l’automne au printemps, espacés d’une à deux semaines, au maximum d’un mois. Ils deviennent moins fréquents aux périodes les plus chaudes, entre la fin du printemps et celle de l’été, un mois et demi en moyenne séparant alors les expéditions108. Le transport s’effectue dans des « gresles » marquées et numérotées, dont le poids oscille entre 51 et 86 livres109. La « gresle » elle-même coûte de 12 sols à 14 sols et est accompagnée, pour protéger le beurre, d’une verge et demie de toile et de sel110. Pour livrer les cargaisons les plus importantes, Doublet emploie un roulier. Le 14 novembre 1778, il charge par exemple La Barre de conduire à Paris un panier de beurre de près de 250 livres. L’année suivante, c’est au roulier Marais qu’il fait appel. Celui-ci met 12 jours pour gagner la capitale avec un panier de plus de 110 livres. À son retour à Rennes, il est à nouveau chargé de mener deux paniers de beurre à Paris111. Les produits de la mer n’échappent pas non plus à la capitale, mais leurs trajectoires sont plus diverses.

Les produits de la mer

36Poissons, coquillages, crustacés, la pêche offre à la province une source d’alimentation et de commerce importante. Sur les côtes, les populations des paroisses riveraines de la mer pratiquent en effet la pêche « à pied » sur l’estran, gratuite et accessible au plus grand nombre. La pêche au poisson frais réalisée « par bateau » est quant à elle côtière ou hauturière, et parfois saisonnière comme la pêche à la sardine. Les rapports de l’inspecteur des pêches maritimes François Le Masson du Parc rédigés en 1726 et 1731 et celui de Daniel Marc Antoine Chardon sur les amirautés bretonnes, écrit 50 ans plus tard, sont d’une grande richesse pour connaître ces activités et plus largement la vie maritime bretonne au xviiie siècle112. À lire les deux hommes, on est d’emblée frappé par la très grande variété des espèces pêchées dans la province : bernicles, huîtres, moules, ormeaux, crabes, palourdes, homards, écrevisses, « grosses sauterelles de mer », poissons plats et ronds, « poules de mer », barbues, harengs, maquereaux, sardines, aiguillettes, congres, lieux, « gras-dos » ou éperlans, colins, bars, mulets, dorades, plies, turbots, grandes raies ou « gros guillaume », « flanards ou grosses tires », grands et petits « chiens de mer » ou roussettes, rougets, merlans, vieilles, « guittans » ou petites morues, lieux, bars, saumons. La liste des espèces est longue, les pêcheurs nombreux, mais les rapports déplorent la faible commercialisation des produits de la mer dans la plupart des amirautés bretonnes, où l’autoconsommation domine.

37Il n’en demeure pas moins que des poissons frais sont vendus par les pêcheurs dès leur retour à terre, a fortiori les jours maigres et durant la période du carême. Ils les marchandent directement là où ils accostent ou dans des auberges avec des « poissonniers mareyeurs » ou des « vendeurs regrattiers de poisson », qui les achètent et les débitent ensuite au détail, à même les quais ou sur les étals des marchés et des halles. Les poissons parcourent des trajets courts, réduits par une limite de fraîcheur très vite atteinte. Dans son rapport, Chardon précise ainsi que dans la rade de Brest et à proximité, « tous les poissons servent à la consommation du pays ». C’est également le cas dans l’amirauté de Saint-Brieuc où le poisson est transporté dans les villes et bourgs proches de la côte, mais parfois jusqu’à Rennes et Saint-Malo. Dans le même esprit, la vente du poisson frais de l’amirauté de Saint-Malo « se fait ordinairement à l’arrivée des bateaux, dans les différents havres d’où ils sont ». De là, des cargaisons sont transportées par des « marchands forains » ou des « chasse-marée » à Saint-Malo, Dinan, Dol, Fougères, Rennes et « quelques autres » villes de l’intérieur de la province, rarement plus loin. Les températures basses de l’hiver allongent le temps de conservation et autorisent des expéditions plus lointaines : le Maine, l’Anjou et quelques villes de Touraine sont approvisionnées par les marchands forains et les chasse-marée. À cette période de l’année, les ports les moins périphériques de la province entrent également au service du marché parisien, s’ajoutant à ceux de la Manche. Le Masson du Parc précise ainsi que Paris est une destination hivernale régulière pour les plus beaux poissons de la baie de Cancale, ce qui conduit à une augmentation des prix et à une baisse de la qualité sur les étals malouins. Les produits de la mer deviennent les objets d’une spéculation qui enrichit les « pourvoyeurs », intermédiaires entre les pêcheurs locaux et une clientèle urbaine aisée :

« La marée y devient de jour en jour plus rare et plus chère à Saint-Malo surtout durant l’hiver et le caresme, parce que depuis le mois d’octobre jusques à la fin de mars les chasse marées en ramassent la plus belle, qu’ils transportent à Paris, où la délicatesse des tables et la consommation deviennent de plus grandes en plus grandes […] depuis que la marée s’enlève pour Paris, plusieurs particuliers s’ingèrent sous le prétexte d’être pourvoyeurs des tables et maisons de sa Ma.té [Majesté] et des princes de sa famille, de mettre en leurs mains la plus belle marée des pescheurs, mesme l’abus est parvenu au point que plusieurs riches particuliers sans autre caractère que leur richesse, ont de ces sortes de pourvoyeurs qui enlèvent tout, en sorte que le public en souffre, et ne trouve plus pour ainsi dire aucun poisson de la première qualité pour son usage113. »

38Le commerce des huîtres répond à la même logique. Dans son rapport de 1726, l’inspecteur des pêches indique que les huîtres de la baie de Cancale, « espece de réservoir pour cette sorte de coquillage » sont expédiées fraîches par la route mais aussi par la mer « au Havre, a Rouen et a Dieppe pour Paris » afin de satisfaire la cour et les élites en général114. D’autres sont vidées et placées en saumure avant d’êtres expédiées à Paris ou à l’étranger115.

39La salaison ouvre d’autres perspectives de commercialisation aux poissons bretons. Elle concerne le maquereau, mais surtout la sardine qui, salée et pressée, se conserve pendant sept à huit mois, ce qui permet des expéditions lointaines. Dominique Robin a étudié cette pratique en pleine expansion dans le sud de la province. Le nombre de chaloupes dédiées à la pêche à la sardine en témoigne. Selon l’auteur, ce sont sans doute près de 700 bateaux en 1728, 1 500 en 1767 et environ 2 000 en 1790, qui assurent les approvisionnements des ports en poissons, des approvisionnements dont la quantité varie considérablement d’une année sur l’autre116. Parallèlement, les presses se multiplient au Port-Louis, à Belle-île, à Concarneau, à Douarnenez et à Camaret notamment. Cet essor s’explique par la forte demande des provinces de Provence et de Languedoc où la sardine, peu chère, est très consommée par les populations pauvres, mais où la pénurie devient chronique. Le Midi est dès lors la principale destination des sardines bretonnes, dont la préparation, principalement « en malestran », répond aux goûts des Méridionaux. Plusieurs étapes sont nécessaires. La première consiste à placer les sardines dans des barriques, en alternant le poisson et le sel. Une quinzaine de jours plus tard, les sardines sont retirées des barriques, embrochées sur de fines baguettes, puis lavées dans la saumure avant d’être mises à sécher. Vient enfin le temps de la presse. Les sardines sont placées pendant 10 à 12 jours dans une barrique placée sous une presse et dont le fond est percé afin d’évacuer l’huile.

40Cette préparation et plus largement le commerce des sardines pressées échappent aux pêcheurs et marchands modestes de la province. Ils sont aux mains de négociants, souvent d’origine méridionale, qui sont à la fois armateurs, propriétaires des presses – dans lesquels ils investissent plusieurs milliers de livres –, vendeurs du produit fini et, dans la deuxième moitié du siècle, marchands de rogue117. Les négociants bordelais sont d’autres acteurs clés de ce commerce : ils sont les commanditaires qui organisent la commercialisation des sardines vers le Midi méditerranéen, Bordeaux assurant le rôle de port de transit des marchandises. Dans cet ensemble, Camaret est un peu à l’écart. Les sardines y sont préparées « en pile », une méthode moins contraignante que la précédente, qui permet à des acteurs plus modestes d’en effectuer la commercialisation118. Le poisson concerne alors une autre clientèle, essentiellement normande, malouine et rennaise. Ainsi, en 1782 et 1784, les registres d’octrois de la capitale bretonne – qui comptabilisent au total 2 786 déclarations d’entrées et sorties de marchandises aux cinq bureaux d’octrois rennais – mentionnent 20 chargements composés de sardines et souvent d’autres marchandises quittant Saint-Malo pour Rennes, ville par laquelle passent également les cargaisons à destination de Nantes, Vitré, Laval, Château-Gontier et Le Mans119. Notons encore que les sardines réputées de Concarneau et de Douarnenez prennent aussi le chemin de la capitale bretonne. Deux trajets sont empruntés : l’un passe par Saint-Malo, où les sardines sont débarquées, puis chargées sur des charrettes, l’autre par la Vilaine, via le port de Redon où elles sont transbordées120. Rennes est enfin alimentée depuis Lorient par les sardines du Port-Louis et sans doute celles de Belle-île. Deux itinéraires se dessinent : l’un est maritime et terrestre, via Nantes, où les sardines sont conduites par la mer, puis chargées sur des charrettes, tandis que l’autre est totalement terrestre. Les données de l’octroi de 1784 indiquent qu’entre janvier et août, cinq cargaisons de sardines d’un poids total de 16 850 livres passent la barrière de Bourg L’Évesque à l’entrée ouest de la ville121.

41Déterminés par les productions locales, les réseaux de circulation des marchandises bretonnes sont dessinés par les besoins de la province et du reste du royaume. Leurs trajectoires sont plurielles. Les grains sont, comme les menues denrées agricoles, vendus sur les marchés locaux, mais ils gagnent surtout les ports afin d’être exportés. Nombre de bestiaux maigres prennent quant à eux le chemin de la Normandie, quand les produits de la pêche innervent l’intérieur des terres ou gagnent la côte Atlantique et le Midi. Lorsque la saison le permet, les produits bretons se mettent enfin au service de la capitale. De fait, l’organisation des réseaux de distribution de ces produits diffère. Elle est rarement aux mains des seuls acteurs locaux et implique, dès que les marchandises quittent la Bretagne, des marchands plus importants, souvent les négociants des cités portuaires. Les denrées expédiées vers la Bretagne, qu’elles arrivent par voie terrestre ou maritime, mettent en mouvement d’autres acteurs et d’autres circulations vers les centres urbains et les campagnes bretonnes.

Des denrées ultramarines et des vins : entre circulations nouvelles et circuits traditionnels

42Les vins et les produits ultramarins font partie des marchandises qui animent le plus le commerce breton au xviiie siècle. Si les premiers sont l’objet d’un trafic ancien, surtout avec l’Aquitaine, les seconds bouleversent le commerce atlantique dans le courant du siècle. Les études sur ces marchandises ont été en partie renouvelées ces dernières années. Maud Villeret a récemment étudié la filière sucrière dans la vallée de la Loire, proposant une « histoire totale du secteur sucrier », dans laquelle elle analyse l’explosion des importations nantaises, multipliées par huit au cours du siècle, et le développement d’une véritable « culture de la consommation » portée par des acteurs dynamiques122. Dans le même esprit, Hiroyasu Kimizuka s’est attaché à mesurer l’arrivée des vins de Bordeaux dans la péninsule bretonne, tout en étudiant les goûts des consommateurs123. Entre l’arrivée de ces marchandises en Bretagne et leur consommation, l’organisation concrète de leur circulation à l’échelle locale et régionale reste encore à explorer, de même qu’il importe de comprendre comment, chemin faisant, les denrées coloniales débarquées en Bretagne quittent la province pour les grandes villes du royaume et les États européens, mais surtout comment elles irriguent les campagnes bretonnes.

De la mer à la terre, les réseaux marchands des denrées exotiques

43La commercialisation des denrées ultramarines fait intervenir des individus très divers. Les commissionnaires et les consignataires en sont les acteurs les plus connus et les plus visibles, car ils reçoivent en quantité ces marchandises qu’ils livrent ensuite à des négociants français ou étrangers. Mais, au bout de la chaîne de distribution, ce sont les épiciers et les confiseurs qui alimentent les villes et les campagnes du royaume. Différentes sources offrent l’opportunité de suivre le cheminement de ces denrées. En premier lieu, les « tableaux récapitulatifs des marchandises entrées et sorties par les ports des directions de Rennes et de Nantes » apportent des précisions quantitatives et qualitatives sur les produits débarqués en Bretagne et quittant la province124. Si la fiabilité et les limites de ces documents ont été discutées, ils n’en restent pas moins les seuls permettant d’aborder la question du poids des denrées coloniales dans le commerce breton125. Pour chaque direction, un cahier présente annuellement les quantités importées et exportées de marchandises soumises aux droits d’entrée et de sortie du royaume126. Les denrées vendues à Lorient lors des ventes de la Compagnie des Indes, exemptées de taxes à l’entrée du royaume, en sont donc exclues127. À l’échelle locale, les documents comptables des marchands permettent d’étudier les réseaux d’approvisionnement qu’ils ont mis en place.

Les réexportations et les réexpéditions avant tout

44Représentant 25 % des importations du royaume en 1716 et plus de 30 % en 1787, les biens de consommation coloniaux jouent un rôle croissant dans le commerce français au xviiie siècle128. En Bretagne, ils ont une place centrale dans les trafics portuaires nantais et lorientais et pèsent de manière toujours plus importante dans la balance commerciale de la péninsule, les périodes de guerres mises à part. Leur importation génère des profits considérables. Le poids dominant des denrées antillaises dans les importations de la province apparaît clairement dans les tableaux récapitulatifs des bureaux des traites dressés entre 1749 et 1754129. Durant ces six années sans perturbation du trafic maritime, le café, le cacao et le sucre représentent, en valeur, plus de 50 % des marchandises débarquées en Bretagne, essentiellement à Nantes.

Tableau 4. – Montant comparé des importations de denrées antillaises avec l’ensemble des marchandises importées en Bretagne, 1749-1754.

Tableau 4. – Montant comparé des importations de denrées antillaises avec l’ensemble des marchandises importées en Bretagne, 1749-1754.

Produits

Valeur en livres

Valeur exprimée en %

Cacao

235 622

0,14

Café

8 891 961

5,41

Sucre blanc

65 243

0,04

Sucre brut

23 867 960

14,51

Sucre terré

23 188 815

14,10

Sucre tête

28 438 598

17,29

Total des sucres, du café et du cacao entrés en Bretagne

84 688 199

51,49

Total des marchandises étrangères et coloniales (Guinée comprise) hors produits de la Compagnie des Indes entrées en Bretagne

164 455 574

100

D’après arch. dép. de Loire Atlantique, C 864, chambre de commerce, récapitulation générale de toutes les marchandises entrées et sorties par les ports des directions de Nantes et de Rennes, 1749-1754.

45Toutefois, une partie seulement de ces denrées s’invite à la table des habitants du royaume, l’autre reprend la mer pour l’étranger. Le port de Nantes, qui effectue logiquement la distribution des denrées antillaises, assure également celle d’une grande partie des denrées asiatiques débarquées à Lorient130. Suivant la tendance nationale, il réexporte, principalement vers la Hollande et la Baltique, près de deux tiers des sucres importés – essentiellement bruts – au début du siècle et toujours près de la moitié d’entre eux entre 1749 et 1754131. Le thé et le café des Antilles sont aussi l’objet de réexportations massives vers le nord de l’Europe. Sans doute au bénéfice des stocks en magasin, les sorties de café pour l’étranger sont même légèrement supérieures aux importations entre 1749 et 1754. Au contraire, le Moka ne génère qu’un trafic négligeable132. À l’inverse de l’Angleterre qui conserve ces denrées pour sa consommation, la France les réexporte toujours davantage133. Cette position est favorisée par la mise en culture des terres fertiles des Antilles françaises et de Saint-Domingue. Produisant à un coût moindre, la France fournit une grande partie du marché européen134. Ces exportations sont une manne financière pour la Bretagne.

Tableau 5. – Montant comparé des exportations de denrées coloniales avec l’ensemble des marchandises sorties de Bretagne, 1749-1754.

Tableau 5. – Montant comparé des exportations de denrées coloniales avec l’ensemble des marchandises sorties de Bretagne, 1749-1754.

Produits

Valeur en livres

Valeur sur l’ensemble des produits ultramarins sortant de Bretagne (exprimée en %)

Valeur sur l’ensemble des produits sortant de Bretagne (exprimée en %)

Cacao

77 293

0,1

0,03

Café des îles

9 262 565

12,2

4,13

Café Bourbon

14 911 974

19,6

6,64

Café Moka

196 257

0,3

0,09

Sucres (blanc, brut, commun, en pain, terré, tête)

42 046 398

55,5

18,73

Thé (bouy principalement)

9 317 730

12,3

4,15

Total des produits ultramarins sortis de Bretagne pour l’étranger et les colonies (Guinée comprise)

75 812 214

100

33,77

Total des marchandises sortant de Bretagne pour l’étranger et les colonies (Guinée comprise)

224 497 993

100

D’après arch. dép. de Loire Atlantique, C 864, chambre de commerce, récapitulation générale de toutes les marchandises entrées et sorties par les ports des directions de Nantes et de Rennes, 1749-1754.

46Au milieu du xviiie siècle, elles représentent plus de 30 % de la valeur totale des marchandises sortant de la province, le sucre à lui seul comptant pour 55,5 % des denrées ultramarines et 18,7 % des exportations. Néanmoins, si ces denrées lointaines contribuent à rendre excédentaire la balance commerciale des ports bretons, elles ne supplantent pas les toiles qui restent le bien le plus exporté, vers la péninsule ibérique principalement. Leur valeur s’élève à plus de 78 millions de livres, soit 34,8 % des exportations bretonnes.

47Au-delà de cette commercialisation à l’échelle européenne, une partie des denrées ultramarines gagne l’intérieur de la province et le reste du royaume.

Le cheminement des denrées antillaises

48Sortis de l’entrepôt où ils ont été stockés pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, les produits ultramarins prennent en premier lieu le chemin des centres urbains où leur consommation se démocratise135. De Nantes, le cabotage – 10 à 20 fois moins coûteux que le transport terrestre – est privilégié pour gagner les villes maritimes, tandis que la voie fluviale et à défaut, la route, sont utilisées pour approvisionner l’intérieur des terres136. Parmi ces denrées, le sucre est le seul qui, préalablement à sa consommation, doit être transformé. Cette nécessité donne naissance, dès la fin du xviie siècle, à une industrie nantaise du raffinage et à la spécialisation de certains marchands dans ce commerce. La ville ne parvient cependant pas à maintenir cette activité qu’elle délaisse progressivement. Dans le même temps, Orléans devient, avec Bordeaux, le principal centre raffineur du royaume au xviiie siècle137. Le sucre brut remonte donc le plus souvent la Loire pour y être raffiné avant d’être distribué dans tout le nord du royaume138. Parallèlement, les faibles quantités de sucre transformées à Nantes sont vendues par les raffineurs locaux, dans des zones de chalandises limitées. Les faillites de trois raffineurs nantais déposées entre 1752 et 1759 permettent de dessiner les contours de ces espaces. Claude Moreau concentre par exemple ses affaires à Nantes et en Normandie, tandis que Louis Fouché regarde vers la Loire, du Pouliguen à Ingrandes139. L’espace commercial de François Desbois est plus large. Il distribue l’essentiel de ses sucres à Nantes et dans les villes proches, mais son réseau de relations s’étend du Pouliguen à Amboise, en passant par Ancenis, Varades, Ingrandes et Angers140. Les villes bretonnes, du Maine et de Saintonge ne sont pas absentes de son horizon commercial puisque le raffineur entretient des relations avec des marchands de Vannes, Redon, Josselin, Château-Gontier, Saint-Fulgent (Saintonge), Pons (Saintonge), Niort et Pouancé141. Certains épiciers et confiseurs tentent également d’implanter l’industrie du raffinage à Rennes, mais l’expérience reste très artisanale et fait long feu. Ainsi, en 1755, Pierre Le Page, épicier et confiseur, investit dans un établissement « pour raffiner les sucres ». Son installation comporte un unique fourneau où il travaille à l’aide d’un ouvrier. L’investissement est fragile, isolé et l’expérimentation tourne court. L’épicier confiseur doit affronter un procès – sans doute lié aux pollutions qu’il occasionne – qui finit par faire chanceler ses affaires142. De fait, le sucre arrive plus couramment transformé dans la capitale bretonne. Et de même que pour les autres produits ultramarins, il vient généralement de Nantes, par la route.

49Installés au cœur de la Bretagne, les marchands d’épiceries et confiseurs rennais, au nombre d’une centaine dans la deuxième moitié du xviiie siècle, n’ont d’autre choix que de se tourner, directement ou par l’intermédiaire de grossistes, vers Nantes, Saint-Malo ou Lorient pour satisfaire les élites urbaines, consommatrices de produits nouveaux143. Les récapitulatifs des entrées de marchandises aux différentes barrières d’octrois de la ville montrent la place privilégiée de Nantes dans ce domaine144. Les « entrées pour Rennes » par la porte de la Madeleine, située au sud de la ville, sont quantitativement les plus importantes145. En 1782 comme en 1784, les charrettes en provenance de la cité ligérienne contiennent majoritairement des « épiceries » et, dans une moindre mesure, du sel, des vins et de l’eau-de-vie. Les chargements arrivant de Saint-Malo par la porte Saint-Martin sont plus divers. On y retrouve du beurre, de la morue, du fromage, des vins, des fruits, des sardines ou encore des harengs. Quant aux charrettes venant de Lorient, elles sont avant tout chargées de café, de sucre et de vin. Les documents commerciaux de Charles Lemair et de la veuve Le Nouvel illustrent cette dépendance rennaise à l’égard des villes maritimes les plus proches146. La correspondance du premier est l’une des plus volumineuses dont nous disposons. Installé porte Toussaints, au sud de la ville, le marchand épicier vend des produits exotiques, des vins et de l’eau-de-vie. Lorsqu’il fait faillite en 1787, son actif ne dépasse pas 3 621 livres, tandis que son passif s’élève à 5 104 livres. Outre son bilan, ce commerçant dépose au consulat de Rennes une centaine de lettres et factures, des quittances de paiement, quelques lettres de voiture, des promesses de paiement et des reconnaissances de dettes. De Nantes, Lemair, tout comme la veuve Le Nouvel, reçoit deux à quatre fois par mois du café, du sucre, du poivre ou encore du chocolat147. Ces denrées sont apportées par des rouliers, plus rarement par l’intermédiaire de la messagerie. Leur itinéraire est toujours identique, tracé par la route de poste reliant Nantes et Rennes et le passage aux barrières de péages de Bain, Poligné et Pont-Péan. Les lettres et les enregistrements à la barrière d’octrois de la Madeleine indiquent des trajets d’une durée variable. Si certaines cargaisons mettent cinq jours pour atteindre la capitale provinciale, d’autres, contenant un chargement similaire, y parviennent en trois seulement148. Aucun document n’explique cette différence. Peut-être est-elle due aux étapes réalisées par les rouliers chez d’autres marchands ou à l’état de la route. Ainsi, lorsque Legué transporte du poivre et du savon pour Lemair, rien n’indique si sa charrette ne contient que des produits destinés à ce marchand et s’il passe la nuit à l’auberge du Soleil d’Or ou à celle de La Croix verte à Bain, dont les tenanciers entretiennent des relations commerciales avec le Rennais. Quoi qu’il en soit, jamais un trajet par la Vilaine n’est envisagé. Plus long, risqué, nécessitant un transbordement des marchandises à Redon et non empruntable l’hiver ou lors des basses eaux l’été, cet itinéraire n’est choisi que pour conduire les produits volumineux, tels que les matériaux de construction, les vins, les sels ou les grains.

Les denrées de la Compagnie des Indes : privilège à la voie terrestre

50Quand la destination des denrées est trop éloignée de la mer ou d’un fleuve, lorsque les denrées sont fragiles et que le cumul des modes de transports nécessite une organisation trop fastidieuse ou trop coûteuse, les marchands lorientais choisissent également de faire transporter les denrées ultramarines par la route. Ici, les charrettes prêtes à gagner l’intérieur du royaume sont nombreuses et plusieurs routes de circulation se dessinent. Fermier Laîné est l’un des rares marchands en gros pour lequel nous disposons d’un livre de factures volumineux, offrant la possibilité d’observer le transport terrestre des denrées issues des ventes de la Compagnie des Indes149. Qualifié de négociant, ce Lorientais est, de loin, le marchand de notre corpus affichant l’actif et le passif les plus importants au moment de sa faillite. Son actif – pertes comprises – s’élève à un peu plus de 184 000 livres, son passif à environ 170 000 livres150. Il n’en est pas moins une figure modeste de la ville – sa capitation est comprise entre 9 et 20 livres entre 1757 et 1789 –, qui regarde avant tout vers l’intérieur de la province151. En outre, son commerce ne se cantonne pas à la commission et à la vente des marchandises orientales. Au milieu des années 1770, il diversifie ses activités en se lançant dans le commerce de fer et de charbon de terre. À la veille de déposer son bilan, en 1783, il commercialise aussi un peu de sucre. Son registre de factures, commencé en 1768, recense près de 200 ventes de denrées orientales, principalement du thé, du café de Moka et de Bourbon. Elles présentent des expéditions avant tout régionales, mais Fermier Laîné compte quelques clients à l’étranger et dans le reste du royaume152. Dès lors, une partie des produits quitte Lorient par cabotage, l’autre est expédiée par voie terrestre sans qu’aucune rupture de charge ne soit, semble-t-il, envisagée. Aux portes de la Bretagne, Laval figure parmi les villes reliées par charrette. Cette solution « en droiture », passant par Rennes et évitant une navigation maritime vers Nantes, puis fluviale jusqu’à Angers, est invariablement choisie par Fermier Laîné. Entre 1768 et 1777, il organise 16 livraisons de café pour deux familles négociantes de la ville, les Matagrin et les Duchemin, qui fournissent en toiles la Compagnie des Indes153. Les envois ne dépassent jamais trois balles et sont assurés par le bureau de roulage de la ville ou un carrosse de la messagerie. Les clients français les plus lointains de Fermier Laîné sont installés à Lyon et à Nancy. La capitale des Gaules est une destination peu courante pour les marchandises du négociant, mais elle est toujours gagnée par la route. Bien qu’il dispose d’un correspondant à Nantes, le marchand n’y fait pas transiter les denrées qu’il expédie dans la vallée du Rhône. La Loire paraît pourtant être le lien le plus « naturel » vers la cité rhodanienne. C’est par le fleuve que remontent en effet les épices et les sucres débarqués à Nantes, les toiles de Bretagne et une partie des draps normands et angevins. Ce dernier permet également de transporter les étoffes et les soieries lyonnaises appréciées par les élites bretonnes154. Fermier Laîné opte donc pour un itinéraire exclusivement terrestre. En janvier 1775, 25 caisses de thé confectionnées en 12 ballots sont par exemple chargées sur la charrette de Louis Gillette. Les lettres de voitures d’autres négociants lorientais soulignent que ce choix de la route pour gagner Lyon n’est pas isolé155. Aucun d’eux n’explique pourquoi il préfère livrer ses clients de cette manière, mais la fragilité des produits qu’ils acheminent n’est sans doute pas étrangère à leur décision. Nancy est une destination plus fréquente pour les marchandises de Fermier Laîné. Entre 1770 et 1778, près de 30 voitures quittent Lorient pour cette ville, à raison d’une à quatre expéditions chaque année156. Les cargaisons, principalement du café de Bourbon ou de Moka, auxquelles s’ajoutent parfois de la porcelaine et du thé, se composent d’une à 10 balles de café et sont généralement destinées à plusieurs clients. Pour assurer les transports, le marchand fait toujours appel à la compagnie de roulage Le Chesne installée à Lorient. Le trajet des rouliers, notamment la traversée de Rennes, de même que le passage par le bureau des cinq grosses Fermes de La Gravelle, à la frontière de la province, sont connus grâce aux documents fiscaux. En revanche, les étapes journalières des voituriers n’ont laissé aucune trace. Les documents du Lorientais n’indiquent pas non plus si un voiturier effectue la totalité du trajet ou si la cargaison et la lettre de voiture qui l’accompagne passent entre les mains d’autres rouliers, à Rennes ou à Paris par exemple. Ce cas de figure semble fréquent. Des enquêtes consulaires de la seconde moitié du siècle montrent en effet que les transports entre Lorient et Paris peuvent être scindés en deux parties : l’une jusqu’à Rennes est assurée par un premier roulier, l’autre est réalisée par un second, chacun utilisant sa propre charrette. La rupture de charge a généralement lieu dans une auberge, sous le contrôle d’un marchand. En 1762, ce rôle semble dévolu à la demoiselle Doublet qui œuvre à l’auberge du Puits Maugé. Elle y assure le passage des denrées d’un roulier à l’autre et la transmission des lettres de voiture157. Le retard du roulier effectuant la première partie du parcours peut mettre à mal cette organisation et l’obliger à effectuer entièrement le trajet. Le roulier Yvon y est contraint au mois de décembre 1762. S’il est convenu qu’il doit transporter des balles de café jusqu’à Rennes, le relais étant ensuite assuré par René Homey, ce dernier refuse de prendre en charge les marchandises car « le retardement dudit Yvon le mettoit hors d’état de pouvoir les rendre à Paris au jour fixé158 ». Le délai de livraison dépassé, il ne pourra être payé du montant total de sa course159. Ce refus de transporter la cargaison tourne à la confrontation. Pour forcer Yvon à poursuivre sa route et à ne pas abandonner son chargement, René Homey l’empêche de décharger ses deux voitures de café et de les entreposer dans la cour de l’auberge. Yvon n’a d’autre choix que d’accepter de continuer vers Paris, avec de nouvelles lettres de voitures qu’il doit récupérer à la barrière de la ville.

51Parallèlement à ces circulations à l’échelle du royaume, les documents de Fermier Laîné décrivent les réseaux de commerce qu’il a établis en Bretagne. Une partie des denrées qu’il achète à Lorient traverse la province pour gagner les ports de la côte nord. Entre novembre 1768 et octobre 1779, le Lorientais rédige près de 60 factures mentionnant des envois de café, de poivre, de cannelle, de noix de muscade, de porcelaine, de taffetas, mais surtout de thé à 11 marchands épiciers de Morlaix et de Roscoff. Les acheteurs sont moins nombreux dans les autres villes du littoral. Il ne compte qu’un client à Saint-Brieuc et sept à Saint-Malo, dont les achats sont peu réguliers. Ici, le négociant ne fait pas appel à la messagerie ou à un bureau de roulage, il emploie des voituriers individuels. Ces derniers sont fidèles au marchand et spécialisés dans les trajets vers leur ville d’origine. Ceux qui gagnent Morlaix et Roscoff sont installés au Cloître et à Plourin, au sud de Morlaix. Le trajet des voituriers employés est long et accidenté. Il leur faut franchir une partie des Montagnes Noires et des Monts d’Arrée en passant par Le Faouët puis Carhaix : une Bretagne centrale où les routes sont étroites et sur lesquelles, tout au long de l’année, les voituriers sont autorisés à attacher des chevaux de renfort à leur charrette afin de pouvoir circuler plus facilement160. Neuf jours au moins sont nécessaires pour traverser la province161. Afin de limiter les risques, qu’il s’agisse du vol ou de l’accident, vite arrivé lors de la traversée d’un pont ou l’emprunt d’une chaussée trop abîmée, Fermier Laîné regroupe ses envois et organise régulièrement des départs en convois. En décembre 1770 par exemple, 36 caisses de thé bouy, menées par deux charrettes de Plourin sous la direction de quatre charretiers, quittent Lorient pour être livrées à Morlaix et à Roscoff. Les départs groupés ne sont cependant pas systématiques. Certaines expéditions sont enregistrées pour le même destinataire à quelques jours d’intervalle seulement. Elles ne paraissent pas planifiées et ne concernent que des quantités modestes, expédiées par « première occasion de charrette ». L’arrivée tardive d’un courrier peut expliquer cette absence d’anticipation, que l’on observe spécialement en novembre 1768. Alors qu’il expédie 30 caisses de thé bouy le douze du mois à Morlaix et Roscoff, Fermier Laîné fait partir, trois jours plus tard, un quart de caisse de 95 livres de thé vert pour Morlaix. Dix jours plus tard, il expédie encore deux quarts de caisses de thé vert « tonkai » à Yves Marie Fournier, pourtant destinataire d’une partie des 30 caisses expédiées plus tôt. Par ces envois, Fermier Laîné se montre donc à l’écoute de sa clientèle. L’importance de ce commerce avec le nord de la Bretagne ne peut sans doute se comprendre qu’au prisme de l’intense contrebande qui anime les côtes septentrionales de la péninsule. La forte demande britannique, les rivalités entre les deux puissances et les tarifs douaniers imposés de part et d’autre de la Manche alimentent une fraude intense qui transforme les côtes de la Manche en « côte du thé162 ». Boulogne et Dunkerque sont les têtes de pont de ce trafic auquel participent les ports de Saint-Malo, Roscoff, Morlaix et Nantes163. En temps de paix, les thés que drainent les trois ports bretons de la Manche sont en partie réexpédiés vers Guernesey et, de là, vers la Grande-Bretagne. Ces envois s’effectuent en droiture, mêlés au commerce légal d’autres marchandises.

Carte 13. – La clientèle de Fermier Laîné, négociant à Lorient, d’après son livre de factures 1768-1783.

D’après arch. dép. du Morbihan, 11B 73, consulat de Vannes, livre de factures de Fermier Laîné, 1770-1783.

52Par terre ou par mer, dirigées vers la terre ou vers la mer, les denrées ultramarines circulent donc selon des trajectoires variées depuis les principaux ports bretons. Au cœur de la province, l’intensité de leurs circulations répond à une consommation croissante qui touche également les campagnes.

Les denrées exotiques dans les campagnes bretonnes

53Connues et consommées dans les grandes villes du royaume où leurs détaillants sont de plus en plus nombreux, les denrées exotiques ne sont pas ignorées dans les campagnes. À l’image des paysans des Alpes suisses et savoyardes étudiés par Anne Radeff, qui profitent des foires pour s’approvisionner en café ou en tabac, les ruraux de la péninsule bretonne goûtent aussi à ces denrées164. Si les élites et les populations des cités portuaires comme celles des plus grandes villes profitent de l’augmentation de l’offre des épiciers et connaissent rapidement les saveurs des denrées venues d’Asie et des Antilles, les produits ultramarins gagnent aussi la Bretagne intérieure, en témoignent des sondages réalisés dans les inventaires après-décès et la présence de marchands d’épicerie, que nous a permis de reconstituer l’enquête de 1767165. L’analyse du contenu des stocks et du livre de comptes d’un marchand épicier du Trégor tend à montrer l’existence et la croissance de ces consommations en milieu rural.

54Le livre de comptes de Jean Toudic, marchand épicier en gros et au détail du petit port fluvial de La Roche-Derrien, rend possible l’observation de la distribution de café, de thé, mais surtout de sucre dans les campagnes du nord de la Bretagne166. Rédigé entre janvier 1770 et la fin du mois de mars 1780, il donne la possibilité d’analyser la modification des habitudes des acheteurs, qui trouvent également dans cette boutique du poivre, du savon, du sel, de la morue ou encore des fruits, très probablement expédiés par un grossiste de Saint-Malo167. Près de la moitié des clients de Toudic sont installés à La Roche-Derrien. Les autres acheteurs, dont plus d’un tiers sont des femmes, viennent des petites cités du Trégor, principalement des différents chefs-lieux de subdélégation ou des villes de foires et marchés, Vieux-Marché et Guingamp arrivant en tête avec quatre et six clients168. L’analyse des quantités et de la qualité des denrées débitées différencie le profil des acquéreurs, dont beaucoup sont sans doute des détaillants. Les 76 ventes de sucres enregistrées en 1770 s’élèvent à un poids d’une vingtaine de livres en moyenne, les acheteurs s’approvisionnant en général à deux reprises dans l’année. Le sucre blanc, raffiné, est le plus fréquemment acheté. Les quantités débitées et la fréquence des approvisionnements varient toutefois considérablement. Avec dix visites annuelles chez Toudic, Le Guet, de La Roche-Derrien, est l’acheteur le plus coutumier et le seul qui achète du thé à plusieurs reprises. Pourtant, ce n’est pas celui qui achète le plus. En huit passages chez Toudic, Jean Le Moal, de Vieux-Marché, se procure 324 livres de sucre de différentes qualités. À l’opposé, Anne Goubert, se contente de trois achats annuels de cinq livres. Vendre de petits volumes de marchandises permet sans nul doute au marchand d’augmenter le nombre de ses acquéreurs, mais ces quantités ne sont pas aussi faibles que celles débitées par les épiciers urbains. À Rennes, ces derniers se contentent régulièrement de vendre au détail une livre ou une demi-livre de café ou de cassonade, voire quelques onces de marchandises. Leurs comptes mentionnent des débits de sucre candi, de café, de chocolat ou de thé pour des montants compris entre un et quatre sols. Pour Toudic, proposer à ses clients des produits de qualité variée stimule par ailleurs la demande. La vente exceptionnelle et à faible coût de sucre avarié au mois de décembre 1770 élargit la clientèle du marchand, tandis que certains de ses clients réguliers viennent acheter en plus grande quantité169. Quelques-uns, habitués à repartir avec une à deux livres de marchandises, se procurent alors un volume plus de dix fois supérieur, jusqu’à 131 livres pour le Guingampais René Hamon. Le sucre gris ou terré, c’est-à-dire raffiné aux Antilles, connaît moins de succès. Pourtant meilleur marché que le sucre blanc, Toudic en vend deux fois moins. La clientèle à laquelle il s’adresse recherche sans doute la meilleure qualité proposée, quand bien même elle reste probablement très inférieure à celle que l’on peut trouver chez les meilleurs épiciers ou confiseurs parisiens. Parallèlement, les ventes de café sont limitées. Toudic ne compte que cinq clients pour ce produit en 1770. Les quantités cédées, dont la qualité n’est pas précisée, s’élèvent à 11 livres en moyenne et n’excèdent pas 50 livres. En outre, quelques livres de thé bouy se vendent exclusivement à La Roche-Derrien.

55Neuf années plus tard, la physionomie des ventes de l’épicier a changé. Si géographiquement son horizon marchand ne s’est que légèrement modifié, les quantités de marchandises qu’il débite contrastent davantage170. En moyenne, les clients de Toudic repartent avec plus de 55 livres de sucre lors de chaque achat mais Louis Mariette, de Guingamp, son plus gros client désormais, en achète 850 livres en une fois. Dans le même temps, les ventes peuvent dépasser 100 livres dans certains bourgs. La fréquence des achats a aussi gagné en rapidité. Quand les acquéreurs les plus modestes se contentent toujours d’une à deux emplettes par an, Louis Mariette s’approvisionne à 17 reprises ; plusieurs acheteurs se fournissant cinq à huit fois dans l’année. Ces observations tendent à valider l’hypothèse d’un goût grandissant pour le sucré. Toutefois, l’augmentation des ventes n’empêche pas Toudic d’investir dans la production du miel, seul aliment sucré traditionnellement consommé en milieu rural. Il y place à trois reprises son argent en 1779 pour un montant total de 1 170 livres. Par stratégie commerciale peut-être, par observation du maintien des consommations traditionnelles sans doute, le marchand diversifie donc ses activités. Les ventes de café témoignent également d’une diffusion de la consommation de cette boisson. Le marchand en débite des quantités plus importantes à une clientèle élargie. Chacun de ses 24 clients acquiert en moyenne 66 livres de café par achat et Louis Mariette est une fois encore l’acheteur le plus régulier : entre février et septembre, il réalise six achats d’un poids de 100 à 375 livres. Cette croissance des ventes s’accompagne d’une spécialisation de la vaisselle utilisée pour le service du café. En plus du produit, Toudic vend des « gobelets à café ». Parallèlement, la diffusion du thé progresse timidement. Le marchand propose une gamme de produits plus variée, composée de thé bouy et de thé vert, mais les ventes n’excèdent jamais six livres pour le premier et une demi-livre pour le second, vendu près de deux fois plus cher. Son client principal reste Louis Mariette, mais Toudic peut aussi compter sur des marchands de Pontrieux et de Tréguier.

56À la lecture de la comptabilité de ce marchand épicier, on voit donc que des goûts nouveaux pénètrent dans les campagnes bretonnes dans la seconde moitié du xviiie siècle. Il est toutefois impossible de conclure à une large diffusion du sucre, du café et du thé à partir de cet unique exemple. D’autres sources montrent que l’intérieur de la province est, à la fin du siècle, encore peu concerné par la consommation du sucre. Celle du miel est en revanche informée par la présence régulière de « marchands de cire et de miel171 ». Le coût du sucre explique peut-être ce retard, mais les différences de prix ne sont pourtant pas très significatives entre les centres urbains et les campagnes. Ainsi, en 1779, Toudic vend son sucre – sans que la qualité soit précisée – entre 16 et 19 sols la livre ou 80 à 90 le cent pesant. À Rennes un an plus tôt, Yves Limpalaire débite sa cassonade 18 sols la livre, quand, à Nantes, le négociant Guer vend le sucre terré à 80 livres le cent, le brut 45 livres le cent172. Dans le même temps, le prix du café vendu par Toudic, sans doute du café des Antilles, est compris entre 17 sols 6 deniers et 18 sols 6 deniers la livre. Deux ans plus tôt, le café des Îles est débité par le Rennais Doublet 15 sols la livre, celui de Bourbon 19 sols la livre. Ces prix analogues sont la traduction d’un marché relativement intégré à l’échelle bretonne.

Carte 14. – La clientèle du marchand épicier Jean Toudic en 1770.

La clientèle de Jean Toudic en 1770. D’après arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 2 et 16, livre de comptes de Jean Toudic, 1770-1780.

Carte 14 bis. – La clientèle du marchand épicier Jean Toudic en 1779.

La clientèle de Jean Toudic en 1779. D’après arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 2 et 16, livre de comptes de Jean Toudic, 1770-1780.

57Notons enfin que Toudic se contente de vendre les produits qu’il reçoit, sans les transformer. En ville, certains épiciers, qui sont également confiseurs, proposent une gamme de produits élaborés à leur clientèle aisée. Chez le Rennais Pierre Le Page, on achète ainsi des macarons et des confitures173. Dans le même esprit, lorsqu’il fait faillite au milieu du siècle, le marchand épicier et confiseur Mallet dispose encore dans sa boutique de compotiers, de gaufriers, d’un bassin à dragées ou encore de moules à glaces et à biscuits, ce qui laisse présager de la diversité des denrées sucrées qu’il proposait jusqu’alors174.

58Animatrices du trafic des cités portuaires et sources de croissance pour la province, les denrées ultramarines se retrouvent donc à la table des Bretons au terme d’un cheminement hiérarchisé et organisé, essentiellement depuis Nantes et Lorient. À la fin du siècle, les disparités ville-campagne et littoral-intérieur des terres sont encore prégnantes et les consommations différenciées : le sucre et, dans une moindre mesure, le café des Antilles sont plus largement diffusés que le thé qui reste rare, spécialement dans les zones rurales. De manière générale, la Bretagne est encore loin de connaître une « consommation de masse » telle que Carole Shammas l’évoque pour la Grande-Bretagne à la même époque175. Une « culture de la consommation » se met néanmoins en place. À défaut d’être directement connectés au reste du monde, les ruraux de la province connaissent au moins les arômes venus d’Outre-Atlantique et s’inscrivent dans un monde qui s’étend au-delà de leur horizon quotidien. La pêche de la morue contribue également à cette ouverture.

Le trafic de la morue

59Dès le xvie siècle, de nombreux Bretons – au même titre que les Basques, les Rochelais ou les Normands – partent pour la pêche de la morue à Terre-Neuve. Cette activité, étudiée sous tous ses aspects par Charles de La Morandière, prend une dimension économique majeure dans le dernier quart du siècle et, 200 ans plus tard, elle est la première pêche française, tant en termes de prises que par les capitaux investis et le nombre d’hommes qui la pratiquent176. Ces derniers, qui rapportent à la fois de la « morue verte » et de la « morue sèche », embarquent avec eux des quantités de sel considérables afin de conserver le poisson177. Le dynamisme des ports morutiers évolue néanmoins au cours du xviiie siècle. Durant les premières décennies de la période, l’armement ne se maintient que dans les ports de Saint-Malo, Granville et ceux de la direction de Nantes où l’activité a connu son apogée au siècle précédent178. Pour tous, les guerres contre l’Angleterre marquent un coup d’arrêt spectaculaire. La réquisition des marins et l’insécurité sur mer provoquent une chute, voire un arrêt des armements. À Nantes, Bernard Michon montre la baisse du trafic jusqu’en 1778 et plus globalement la fragilité de « l’industrie morutière179 ». À l’issue de la guerre d’Indépendance américaine, les armements retrouvent néanmoins de la vigueur à Granville et à Saint-Malo qui représente au milieu des années 1780 un tiers de l’armement français180. Ces ports ne touchent cependant qu’indirectement le bénéfice du commerce de Terre-Neuve. Plus de 90 % des morues sèches sont déchargées au sud de Nantes et 60,4 % du total dans le seul port de Marseille, d’où les navires repartent vers la côte atlantique avec des huiles, des fruits, des anchois ou des liqueurs181. Pour Jean-François Brière, cette stratégie commerciale des terre-neuviers contribue à dessiner un autre commerce triangulaire entre les ports morutiers français, les pêcheries de Terre-Neuve et les ports de la Méditerranée occidentale182. Une partie de la pêche sert toutefois à l’approvisionnement des villes de la province. Chardon indique dans son rapport de 1783 qu’il revient « quelques cargaisons […] pour l’approvisionnement de la ville et des environs », et précise que 429 200 morues sèches et surtout « 123 barils, 62 demis et 10 quarts de morue vertes » ont été débarqués à Saint-Malo183.

60Les morues sont ensuite distribuées dans l’arrière-pays malouin et véhiculées en deux jours jusqu’à Rennes. Les données de l’octroi traduisent la fréquence du trafic, qui porte surtout sur la morue verte. En 1782, entre septembre et février principalement, 37 cargaisons de plusieurs milliers de livres, dont la moitié est transportée avec du beurre, entrent ainsi sur des charrettes ou des charriots dans la capitale bretonne. Deux ans plus tard, durant ces mêmes mois, ce sont 33 cargaisons qui gagnent Rennes. Ces chargements sont ensuite vendus sur place ou redistribués dans les bourgs environnants par des marchands épiciers tels que Charles Lemair, qui approvisionne des aubergistes de Bain et de Poligné184. Parallèlement, une vingtaine de chargements traversent la ville pour rejoindre Ploërmel, Redon, Nantes, Lorient, Vitré, mais aussi Laval, Rochefort, Le Mans, La Flèche, Château-Gontier, Orléans, Saint-Germain, Paris et Versailles. Les vins sont également l’objet d’un trafic ancien, dont l’organisation est moins hiérarchisée.

Les circulations des vins

61Bien qu’elle soit productrice de vin, la Bretagne fait venir cette boisson d’autres provinces. Le vin nantais, de qualité inférieure et souvent transformé en eau-de-vie, reste en effet peu apprécié, quand celui tout proche de la vallée de la Loire, le vin d’Amont, grandement renchéri par le passage de la douane à son entrée en Bretagne, y trouve peu de débouchés185. Au xviiie siècle, les Hollandais en sont les principaux acheteurs – de même qu’ils sont les premiers clients des produits viticoles français –, tandis que les Flamands acquièrent des eaux-de-vie en quantité186. Depuis le Moyen Âge en revanche, les vins de la région bordelaise affluent massivement vers la péninsule grâce à un cabotage intense, les Bretons chargeant des grains ou des produits de la mer dans la province et rapportant des vins en retour187. Ces circulations sont toujours soutenues au xviiie siècle. Les vins du Sud-Ouest gagnent la Bretagne par la mer, mais leurs itinéraires comportent aussi des trajets terrestres et parfois des circulations fluviales qui révèlent toute la complexité des réseaux marchands. Des réseaux qui sont tout aussi complexes lorsque les vins viennent de Bourgogne ou de Champagne.

Du Bordelais à la Bretagne

62Dans son travail sur les routes du vin entre Bordeaux et la Bretagne, Hiroyasu Kimizuka a montré la forte consommation des vins bordelais en Bretagne au xviiie siècle, spécialement dans les villes côtières – excepté dans l’évêché de Nantes où le vin produit localement est davantage consommé. Plus de 16 millions de litres de « vins hors », produits à l’extérieur de la province, sont en effet enregistrés par les bureaux de courtage de la province188. Deux modes d’approvisionnement des cités du littoral breton sont distingués. Le premier est une distribution directe des vins, le second une diffusion par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs ports-entrepôts : Saint-Malo irrigue la Normandie, Brest l’ouest de la province et Lorient, Vannes et Nantes la côte méridionale, la cité ligérienne servant également d’entrepôt pour les autres ports. Ces deux modes d’approvisionnement se complètent. Ainsi, Quimper reçoit à la fois des vins d’Aquitaine depuis Bordeaux et Lorient189. Une fois à Quimper, ces vins sont en partie redistribués par la route vers les bourgs du Sud de la Cornouaille ou par cabotage vers les petits ports alentours, tels que Pont-l’Abbé – ce qui n’empêche pas ce dernier d’entretenir des relations directes avec Bordeaux et de recevoir des vins de Lorient190. De même que pour les grains, des systèmes locaux de circulation sont donc à l’œuvre. Une fois les côtes bretonnes atteintes, les ports de déchargement innervent leur arrière-pays et les centres de consommation situés à l’intérieur des terres.

63Au-delà de l’approche quantitative permise par les données de la Ferme des devoirs, les octrois des villes et les congés de l’amirauté, les documents comptables et les correspondances permettent de retracer des aires de distribution du vin. Dans l’ouest de la province, elles sont principalement délimitées par la concurrence que se livrent les ports et les relations qu’entretiennent les grandes maisons de négoces bordelaises avec les négociants des cités portuaires191. Toutefois, parallèlement à ces acteurs, des marchands de vin en gros bretons plus modestes entretiennent des liens directs avec l’Aquitaine et donnent naissance à d’autres réseaux de distribution, moins puissants, moins hiérarchisés, mais pleinement révélateurs de leur capacité à façonner des espaces marchands. C’est le cas de certains Rennais qui assurent l’approvisionnement de la capitale bretonne, où les vins arrivent par les ports de Nantes, Redon, Lorient et Saint-Malo192. Leur réseau relationnel embrasse le sud-ouest du royaume et une partie de la Bretagne193. Ces marchands tissent des liens avec différents foyers de production viticole d’où ils font venir des crus qu’ils destinent au commerce local. Pour pérenniser leurs réseaux d’approvisionnement, ils s’appuient sur un certain nombre de pôles et d’individus relais : Bordeaux et Libourne sont des interfaces maritimes essentielles dans le Sud-Ouest, tandis que le long de la Vilaine, Redon est un véritable avant-port pour la ville. La lecture des courriers adressés à Berthou cadet à la fin des années 1770 et au début des années 1780 traduit sans doute le mieux la nécessité d’une organisation sans faille afin de garantir l’arrivée des vins en Bretagne. Pour s’assurer de leur transport jusqu’à Rennes, ce dernier ne passe pas par l’intermédiaire de négociants réputés, mais dispose de divers interlocuteurs, producteurs de vins ou simples commissionnaires, installés dans les ports jalonnant les rivières de Dordogne, du Lot, de la Garonne et de la Vilaine. À Bordeaux, il compose avec plusieurs commissionnaires qui assurent la réception des marchandises et leur transbordement. Ceux-ci ont également pour mission de vérifier l’état des barriques, de les faire réparer et compléter si besoin, d’avancer le paiement du fret, des droits de passage et des droits portuaires. Trénis se charge par exemple de l’expédition des « vins de ville » qu’il achète sur place194, quand les autres interlocuteurs de Berthou réceptionnent les vins de Cahors, véhiculés sur le Lot puis la Garonne et les font embarquer sur des chasse-marée195. De la même façon, les vins expédiés de Sarlat ou de Domme descendent la Dordogne jusqu’à Libourne où ils sont pris en charge par l’un des cinq contacts du Rennais. Les vins quittent ensuite l’estuaire de la Gironde pour celui de la Vilaine. L’arrivée des barques à Redon est un moment clé. Ici, chaque commissionnaire, par ailleurs aubergiste ou marchand, réceptionne les vins d’un expéditeur pour les charger sur des navires à fond plat de faible tonnage capables de remonter la rivière jusqu’à Messac196. Là, ils sont à nouveau transbordés sur des navires plus grands pour un ultime relais les menant, une fois les 13 écluses de la Vilaine franchies, jusqu’au port Saint-Yves à Rennes197. Ils y sont réceptionnés par Helye, receveur des droits au bureau du port et dernier maillon de la chaîne des acteurs au service de Berthou198.

Carte 15. – Le réseau marchand de Berthou le Jeune.

D’après arch. dép. Ille-et-Vilaine, 10B 108-110, consulat de Rennes, dossier Berthou, 1779-1784.

64Complexe dans sa logistique, le trajet des vins n’est pas un long fleuve tranquille. Le manque d’eau dans les rivières dès la fin du printemps, les crues, les inondations et les « glaces » hivernales, rendent régulièrement impossible la circulation des bateaux. La livraison des marchandises accuse alors du retard et des frais supplémentaires sont engendrés par leur mise en magasin. Dès lors, des marchands préfèrent éviter le stockage et font appel à des rouliers lorsque la navigation s’interrompt, quitte à payer plus cher le transport199. La fiabilité des bateliers est un autre problème. Sur la Vilaine, Berthou est confronté au « coquinisme » de ces derniers, qui prennent régulièrement du retard, abîment les cargaisons, voire les détournent, le bateau restant quelquefois introuvable200. Cette situation explique la réticence de certains Nantais à expédier des marchandises par voie fluviale. En 1767, le port de Messac, point de passage obligé des bateaux, est d’ailleurs présenté comme « un écueil […] plus à craindre qu’une tempête » qui « ruine tous les commerçans201 ». Berthou doit enfin faire face aux aléas de la guerre d’Indépendance américaine. À partir de 1778, plusieurs de ses commissionnaires lui indiquent les difficultés qu’ils ont à organiser des expéditions vers la Bretagne et soulignent l’augmentation du prix du fret et des assurances. Dès la mi-septembre, Lavau précise que, désormais, les bateaux quitteront uniquement la Gironde par convois « sans quoy il y auroit trop d’imprudence, la mer étant couverte de vaisseaux ennemis202 ». La situation ne s’améliore guère les mois suivants. À la fin du mois de mai 1779, Bontemps, de Libourne, signale qu’il est impossible de sortir les vins de la rivière. Les marins craignent les navires anglais bien que ceux-ci « n’ayent pas fait bien des prises dans notre golfe » ; ils n’acceptent que des départs en convois203. De fait, certaines barques affrétées et chargées restent quatre à cinq mois à Libourne avant de prendre la mer. Face à ces obstacles et aux possibles pertes, quelques correspondants proposent à Berthou de s’adapter et de prendre des mesures nouvelles : ne pas mettre tous les vins dans le même navire afin de limiter les conséquences d’une éventuelle attaque204. Ainsi, la guerre ne coupe pas les liens entre Berthou et ses fournisseurs. Entre 1779 et 1781, au moins 10 navires chargés de près de 80 tonneaux de vin rouge et de 16 tonneaux de vin blanc quittent Bordeaux et Libourne pour Redon. Tous n’arrivent cependant pas à bon port. En juin 1782, Louis Fourcaud perd le chasse-marée dans lequel il a chargé des vins. « Voilà le fruit de cette malheureuse guerre » annonce-t-il, se désolant de ce « coup du sort » et déplorant le manque à gagner à venir pour Berthou205.

65Une fois débarqués sur les quais de la Vilaine à Rennes après un trajet plus ou moins difficile, les vins n’ont pas terminé leur voyage. Si une partie d’entre eux sustente les habitants de la ville, celle-ci n’est qu’un point de transit pour bon nombre de barriques qui continuent leur route vers les campagnes alentours. Dans son imposant « livre de marque », rédigé entre avril 1774 et avril 1781, Pierre-André Lemière note sans interruption la quantité et la qualité des vins qu’il achète, mais aussi le nom de ses clients206. Entre janvier 1779 et juillet 1780, il reçoit via Redon 62 tonneaux de vin rouge de la vallée de la Garonne – des vins de Bourg, de Saint-Emilion, du Médoc, de Blaye et de Graves de différentes qualités – qu’il distribue à Rennes, Fougères, Saint-Aubin-d’Aubigné, La Guerche, Guingamp et Dinan. Il mentionne également des livraisons dans des « châteaux » à Hédé, Vitré, Janzé, Livré et Saint-Méen. Il s’agit probablement ici des demeures de campagne de différents notables rennais. Les vins de Berthou Le Jeune sont quant à eux vendus dans un périmètre plus restreint, principalement à l’ouest de Rennes. Ils s’adressent à une clientèle plus ciblée, principalement des marchands ou des débitants207.

Carte 16. – Localisation de la clientèle de Berthou le Jeune d’après son livre de comptes (1779-1784).

D’après arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 108, consulat de Rennes, livre de marque de Berthou le Jeune, 1779-1784.

66Les vins de Bordeaux ne sont toutefois pas les seuls à être appréciés à Rennes et aux environs. Les marchands font aussi venir pour leur clientèle la plus aisée des vins plus prestigieux de Bourgogne et de Champagne.

Les routes de l’intérieur : les vins de Bourgogne et de Champagne

67Une faible part des vins consommés en Bretagne entre dans la province par la route. On observe leur arrivée à Rennes grâce aux registres de l’octroi de 1782 et 1784208. Les données enregistrées à la barrière de la rue Hue, où arrivent les voitures en provenance de Paris, Laval et Vitré indiquent que les « vins hors » composent la majorité des denrées en provenance de Paris : 19 cargaisons dont 14 à destination de Rennes sont enregistrées en 1782 et 45 deux ans plus tard – sur un total de 89 – dont 31 pour la seule capitale bretonne. Il s’agit notamment de vins de Bourgogne et de Champagne, dont on trouve trace dans les papiers des marchands Lemière et Berthou. Entre 1777 et 1779, le premier entretient une correspondance ponctuelle avec des négociants rémois, Vanier et Godinot, auprès desquels il effectue trois commandes, toutes expédiées à l’automne, une fois les chaleurs estivales susceptibles d’altérer les vins définitivement passées209. La première expédition, au début du mois de novembre 1777, concerne deux paniers de 120 bouteilles de différentes qualités210. Elle s’effectue en deux étapes : les vins sont d’abord conduits par deux rouliers chez un commissionnaire versaillais, qui se charge ensuite de les faire transporter jusqu’à Rennes. La commande de 240 bouteilles passée à la fin du mois d’août 1779 suit les mêmes modalités211. Les documents de Berthou traduisent plus clairement la logistique bien réglée qu’implique le transport par terre des vins de Champagne et de Bourgogne vers la Bretagne. Nous pouvons suivre les premiers une fois leur arrivée enregistrée au bureau des aides de Roissy, au nord-est de Paris. Le 3 octobre 1783, un laissez-passer est délivré par ce bureau pour un panier « engaîné » de soixante bouteilles de vin « d’envoi de M. Cliquot environs de Reims » à destination de Rennes212. Quatre jours plus tard, sans que nous sachions toutefois de quelle manière le panier a traversé la capitale, une lettre de voiture indique son départ de Versailles213. Le transport est effectué par le « sieur veuve Godard », un voiturier professionnel au service de la maison Germon Le Jeune installée à Versailles et à Lyon. L’entête de la lettre informe des engagements de cette entreprise de roulage. Elle se présente comme faisant « transporter toutes sortes de marchandises et effets dans toutes les villes, bourgs, châteaux, routes de traverse dans toute l’étendue du royaume ainsi que dans les pays étrangers ». Suivent quelques termes de réclame : « La prompte expédition et le juste prix des voitures font la facilité du public. » Le voiturier dispose de 15 jours pour se rendre à Rennes sous peine de perdre le tiers du paiement de sa voiture. Nous ne savons précisément à quelle date il arrive en Bretagne mais les délais impartis semblent respectés. Un acquit de paiement du bureau des Fermes du roi de Laval enregistre son passage dans la ville le 21 octobre 1783. À cette date, il lui reste donc une journée pour parcourir les quelques dizaines de kilomètres qui le séparent de Rennes. Les vins de Bourgogne achetés en 1781 par Berthou pour un montant de 850 livres suivent la même trajectoire. Là encore, il est impossible de savoir dans quelles conditions ils sont véhiculés jusqu’à Paris dans la mesure où Berthou s’adresse directement à des négociants de la capitale pour s’approvisionner. Nous trouvons une première trace de la transaction le 23 décembre 1781 aux carrières de Charenton. Les interlocuteurs du Rennais, Jacquet et Cie, font appel à Leroy, un commissionnaire de roulage tenant un dépôt de vins et de « toutes sortes de marchandises », pour effectuer l’expédition des vins vers la Bretagne. Il emploie Le Marchand pour parcourir le trajet. Le voiturier dispose de 16 jours pour gagner Rennes sous peine de perdre sa voiture. De plus, il lui est interdit de « vendre » sa voiture, c’est-à-dire d’échanger sa cargaison avec un autre roulier. Il conduit donc lui-même les vins et arrive à temps à Rennes puisque, le 19 janvier, le procureur de Berthou le rémunère un peu plus de 267 livres.

68L’approvisionnement en vins de la capitale bretonne et de ses campagnes se révèle donc complexe et bien structuré, mais pas tributaire de réseaux très hiérarchisés comme cela peut l’être dans l’ouest de la province. Il montre qu’un acteur modeste du commerce peut être au centre d’un réseau marchand relativement étendu et entretenir des relations durables avec des fournisseurs et des intermédiaires éloignés. Cette mécanique n’en demeure pas moins fragile. Lorsqu’ils ne dépendent pas de puissantes compagnies de négociants, les marchands de vin restent tributaires d’acteurs multiples, ce qui rend leur activité incertaine, en particulier quand se conjuguent des aléas climatiques et une conjoncture internationale difficile. Leur quotidien oscille donc entre attente, gestion et distribution des vins, mais aussi entre paiement des créances et octroi de crédits. Tenir l’équilibre entre les deux est une gageure difficile qui peut les contraindre, nous le verrons, à déposer leur bilan.

69Au terme de cette navigation au sein des circulations marchandes, il apparaît que l’organisation des circulations des produits alimentaires en Bretagne diffère selon la nature des denrées. Véritables plaques tournantes des échanges, les ports assurent la connexion entre la terre et la mer, et la continuité des circulations qui s’inscrivent dans des réseaux tantôt locaux, provinciaux ou internationaux. Ces réseaux s’articulent différemment selon les marchandises. En effet, les échelles de circulation des denrées ne s’emboîtent pas toujours. Si la logique de hiérarchisation fonctionne pleinement pour les denrées ultramarines expédiées de Nantes, Lorient et Saint-Malo vers les ports secondaires puis à l’échelle locale, il n’en va pas de même pour les autres denrées. Dans le cas des grains et des vins, des logiques de distribution verticales et horizontales coexistent : le transit des marchandises par un pôle central est fréquent mais n’est pas systématique. Ainsi, incontournable dans le cadre de la diffusion des denrées antillaises, Nantes n’est pas un passage obligé pour les autres denrées. La cité ligérienne compose avec des réseaux locaux structurés et indépendants et s’intègre dans des circulations marchandes dont elle n’est parfois qu’un maillon secondaire. En outre, face aux incertitudes de la conjoncture et aux aléas climatiques, les marchands s’adaptent. Lorsque les circulations maritimes s’avèrent risquées, les échanges épistolaires permettent aux acteurs de s’accorder et de mettre sur pied des solutions temporaires, qui dessinent une géographie des échanges parfois différente. Mais en dépit de ces décisions, le transport des marchandises reste coûteux et souvent périlleux. Il impose aux marchands de prendre soin du conditionnement des produits s’ils veulent pérenniser leurs relations commerciales et, plus largement, leurs activités.

Notes de bas de page

1Touchard Henri, Le commerce maritime breton à la fin du Moyen Âge, Paris, Les Belles lettres, 1967, 455 p.

2Le Bouëdec Gérard, « Le cabotage sur la façade atlantique française (xvie-xixe siècles) », in Olivier Chaline, Jean-Pierre Poussou et Michel Vergé-Franceschi (dir.), Histoire du cabotage européen aux xvie-xixe siècle, Revue d’histoire maritime, no 8, 2008, p. 9-11.

3Le Bouëdec Gérard, « Le cabotage sur la façade atlantique au xviiie siècle », in Denis Woronoff (dir.), La circulation des marchandises dans la France d’Ancien Régime. Journée d’études tenue à Bercy le 12 décembre 1997, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1998, p. 60.

4Pour la Bretagne, on notera les travaux suivants : Lespagnol André, Messieurs de Saint-Malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011 (1990), 867 p ; Pourchasse Pierrick, Le commerce du Nord : les échanges commerciaux entre la France et l’Europe septentrionale au xviiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, 392 p. ; Michon Bernard, L’aire portuaire de Nantes aux xviie et xviiie siècles. Construction d’une aire portuaire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, 397 p.

5Le Roux Thomas, Le commerce intérieur de la France à la fin du xviiie siècle, Paris, Nathan, 1996, 315 p. ; Abad Reynald, Le grand marché. L’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 2002, 1 030 p. ; Woronoff Denis (dir.), La circulation des marchandises dans la France d’Ancien Régime, op. cit.

6Par réseau commercial, on entend le maillage des échanges, la notion de réseau marchand étant entendue comme un espace relationnel d’individus. Marzagalli Silvia, « La mise en place d’un réseau commercial et marchand : Bordeaux et les États-Unis à la fin du xviiie siècle », in Damien Coulon (dir.), Réseaux marchands et réseaux de commerce. Concepts récents, réalités historiques du Moyen Âge au xixe siècle, p. 88-89.

7L’essor des consommations en France a été démontré par Daniel Roche et Annik Pardailhé-Galabrun. Roche Daniel, Le peuple de Paris, essai sur la culture populaire au xviiie siècle, Paris, Aubier-Montaigne, 1981, 286 p. ; Roche Daniel, Histoire des choses banales. Naissance de la consommation, xviie-xixe siècle, Paris, Fayard, 1997, p. 265 et Pardailhé-Galabrun Annik, La naissance de l’intime, 3 000 foyers parisiens, xviie-xviiie siècles, Paris, Presses universitaires de France, 1988, 523 p. Pour un parallèle avec la Grande-Bretagne, voir Brewer John et Porter Roy (dir.), Consumption and the World of Goods, Londres, Routledge, 1993, 564 p.

8Sur cette question, voir Tanguy Jean, Quand la toile va. L’industrie toilière bretonne du xvie au xviiie siècle, Rennes, Apogée, 1994, 158 p. et Martin Jean, Toiles de Bretagne. La manufacture de Quintin, Uzel et Loudéac 1670-1830, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998, 374 p.

9Letaconnoux Joseph, Les subsistances et le commerce des grains en Bretagne au xviiie siècle, essai de monographie économique, Rennes, imprimerie Oberthur, 1909, 396 p. Pour un travail à l’échelle du royaume, on se reportera à Meuvret Jean, Le problème des subsistances à l’époque de Louis XIV. La production des céréales dans la France du xviie et du xviiie siècle, Paris, Mouton, 1977, 2 vol.

10Meyer Jean, La noblesse bretonne au xviiie siècle, Paris, Éditions de EHESS, 1985 (1966), 2 vol., 1 292 p.

11Robin Dominique, Pêcheurs bretons sous l’Ancien Régime. L’exploitation de la sardine sur la côte atlantique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000, 394 p.

12Letaconnoux Joseph, Les subsistances et le commerce des grains en Bretagne au xviiie siècle, essai de monographie économique, op. cit., p. 35.

13Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1662, lettre de l’intendant au contrôleur général, mars 1748.

14Les achats dans les greniers des particuliers apparaissent au détour de la comptabilité d’un négociant comme celle du Vannetais Ignace Advice-Desruisseau, mais nous ne disposons d’aucune série de données. Nous n’avons par ailleurs retrouvé qu’un seul dossier de faillite de blatier, peu précis, déposé au consulat de Nantes.

15L’arrêt du 14 février 1773 autorise les exportations de grains depuis les ports d’amirauté uniquement. Le 23 mai, après protestation de l’intendant, l’arrêt est publié avec une modification. Les transports de grains jusqu’à 50 tonneaux peuvent également s’effectuer d’un port à l’autre de la province, qu’il soit ou non d’amirauté. Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1680, 1681, 1682, 1683, récapitulatif des acquits-à-caution, 1773-1774. Les mois d’octobre 1773, de novembre 1773 et de décembre 1774 sont manquants.

16Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1666-1668, état des soumissions pour l’exportation des grains et farines de cette province dans les généralités de Bordeaux, Poitiers et La Rochelle, 1758-1759.

17Nous considérons donc que les trajets s’effectuant en droiture.

18Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1663, « arrêt du conseil d’état du Roy qui permet la sortie des grains, farines et légumes par les ports de la province de Bretagne, pour les Provinces du Royaume, en observant les formalités exprimées », 12 mars 1748.

19Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1684, arrêt du 14 février 1773.

20Letaconnoux Joseph, Les subsistances et le commerce des grains en Bretagne au xviiie siècle, essai de monographie économique, op. cit., p. 370-372.

21Michon Bernard, L’aire portuaire de Nantes aux xviie et xviiie siècles. Construction d’une aire portuaire, op. cit., p. 221-226. Concernant le xviie siècle, on pourra se reporter à Collins James B., La Bretagne dans l’État royal. Classes sociales, États provinciaux et ordre public de l’Édit d’Union à la révolte des bonnets rouges, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 59-62.

22Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1680, 1681, 1682, 1683, récapitulatif des acquits-à-caution, 1773-1774.

23Le Bouëdec Gérard, « Le cabotage sur la façade atlantique française (xvie-xixe siècle) », in Olivier Chaline, Jean-Pierre Poussou et Michel Vergé-Franceschi (dir.), Histoire du cabotage européen aux xvie-xixe siècle, Revue d’histoire maritime, no 8, 2008, p. 22.

24Les lieux de déchargement à Nantes sont : la Poterne, la Saulzaie, Port-Giraud, la Fosse, le Sanitat ou l’Hôpital, la Machine, l’île Gloriette, la Chézine, le quai d’Aiguillon, l’Hermittage et le Pré-au-Duc. Michon Bernard, L’aire portuaire de Nantes aux xviie et xviiie siècles. Construction d’une aire portuaire, op. cit., p. 100-101.

25Nantes, Chantenay, Couëron, Le Pellerin, Port-Launay, La Martinière, La Taillée, Cordemais, La Ramée, Rohart, Lavau, Paimboeuf, Donges, Corsept, Mandin, Saint-Brévin, Montoir, Méan. Pétré-Grenouilleau Olivier, Les négoces maritimes français, xviie-xviiie siècles, op. cit., p. 60.

26Les 169 navires quittant Paimboeuf chargés de grains en 1773-1774 sont tous sont à destination de Nantes, de même que les 26 bateaux quittant Méan. Aussi, sur 90 navires quittant Saint-Nazaire chargés de grains, 71 prennent la direction de Nantes. Dans le même temps, Paimboeuf reçoit 56 navires en provenance de Nantes, chargés de froment mais surtout de farines. Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1681-1683, entrées et sorties des grains de la province de Bretagne, 1773-1774.

27Michon Bernard, L’aire portuaire de Nantes aux xviie et xviiie siècles. Construction d’une aire portuaire, op. cit., p. 107-109.

28Le pôle lorientais comprend principalement Lorient, Hennebont et Port-Louis. Le golfe du Morbihan, les ports de Quiberon, Carnac-La Trinité, Vannes, Auray et Belle-île-en-mer principalement. Les ports de la Vilaine sont Billiers, Vieille-Roche, La Roche-Bernard et Redon ; ceux presqu’île de Guérande : Le Croisic, Mesquer, le Pouliguen.

29Seuls neuf départs sont enregistrés par acquits à caution en 1773 et 1774, tous en direction de Nantes (908 quintaux de farine et 2 333 quintaux de seigle).

30Les relevés des fournisseurs de la Compagnie des Indes effectués par Gérard Le Bouëdec traduisent ces mouvements pour les années antérieures. Le Bouëdec Gérard, Les approvisionnements de la Compagnie des Indes (1737-1770). L’horizon géographique lorientais, op. cit., p. 135-140. Voir aussi Le Bouëdec Gérard, « Les approvisionnements de la Compagnie des Indes (1737-1770) : l’horizon géographique lorientais », art. cité, p. 408.

3110 566 quintaux sur les 13 206 reçus par Lorient.

32Au total, 101 navires quittent l’un des ports de la rivière durant cette période.

3398 % des grains qui y sont débarqués viennent de la côte nord de la Bretagne. Les cargaisons sont essentiellement composées de froment.

34Soit 42 478 quintaux de froment.

35Il est composé des ports de Lannion, Tréguier, Perros, Pontrieux, Lézardrieux, Paimpol, Bréhat.

36Soit 34 890 quintaux de froment.

37Ce port expédie au total 53 274 quintaux de froment : 18 961 sont à destination de Brest et 11 256 à destination de Saint-Malo.

38Paimpol reçoit près de 24 000 quintaux de froment venant des ports du Trégor, du Goëlo et de la baie de Saint-Brieuc. S’y ajoutent de faibles quantités de seigle, d’orge, d’avoine, de blé noir et de pois. Ils repartent vers Blaye, Bordeaux, Sète, Toulon, La Ciotat, Antibes, et Cannes. S’y ajoutent Brest, Saint-Malo et quelques autres ports bretons comme Saint-Brieuc ou Quimper.

39Erquy, Dahouët, Pléneuf-Val-André, Le Légué (Saint-Brieuc), Binic, Saint-Quay-Portrieux.

40Il fournit à Brest plus de 5 000 quintaux de froment et près de 400 quintaux de seigle.

41Sur le commerce bordelais, voir notamment Huetz de Lemps Christian, Géographie du commerce de Bordeaux à la fin du règne de Louis XIV, Paris/La Haye, 1975, in-8o, 661 p. et Butel Paul, Les négociants bordelais, l’Europe et les îles au xviiie siècle, Paris, Aubier, 1974, 427 p. Sur le commerce breton, voir Touchard Henri, Le commerce maritime breton à la fin du Moyen-Âge, op. cit., 455 p. ; Tanguy Jean, Le commerce du port de Nantes au milieu du xvie siècle, Paris, Armand Colin, 1956, 101 p.

42Un pic est observé dans les années 1645-1650. Les départs vers la Bretagne représentent alors 71 % des sorties de Bordeaux. Ce mouvement se stabilise jusqu’au début du xviiie siècle. Lespagnol André, « Bordeaux et la Bretagne : une relation particulière », in Hervé Bonin et Silvia Marzagalli (dir.), Négoce, ports et océans xvie-xxe siècles. Mélanges offerts à Paul Butel, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2000, p. 150, 152.

43Huetz de Lemps Christian, Géographie du commerce de Bordeaux à la fin du règne de Louis XIV, op. cit., p. 126-127.

44Les tissus et les sardines composent également les cargaisons vers la Guyenne.

45En 1722, Paul Butel indique qu’avec plus de 7 000 boisseaux, le golfe du Morbihan est le premier pôle exportateur de grains bretons. Nantes totalise plus de 3 000 boisseaux. Butel Paul, Les négociants bordelais, l’Europe et les îles au xviiie siècle, Paris, Aubier, 1974, 427 p.

46Au cœur de la guerre de Sept Ans, plus de 4 000 tonneaux de froment et plus de 500 tonneaux de seigle quittent l’estuaire de la Loire. Au lendemain de la disette de 1772, ce sont plus de 5 500 tonneaux de froment et près de 500 tonneaux de seigle qui prennent la même direction. Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1666-1668, état des soumissions pour l’exportation des grains et farines de cette province dans les généralités de Bordeaux, Poitiers et La Rochelle, 1758-1759 et arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1680, 1681, 1682, 1683, récapitulatif des acquits-à-caution, 1773-1774.

47Les ports sud-finistériens apportent 1 089 tonneaux de froment et 1 991 tonneaux de seigle en 1758-1759. Quimper expédie 351 tonneaux de froment et 1 306 tonneaux de seigle, Pont-l’Abbé 506 tonneaux de froment et 369 de seigle. Les expéditions du port de Quimper sont en revanche plus équilibrées en 1773 et 1774. Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1680-1683, intendance, enregistrement des déclarations d’embarquement des grains et acquits-à-caution, 1773-1774.

48Ensemble comprenant Rochefort, l’île d’Oléron, La Rochelle, Noirmoutier, la rivière de Charente, Marans, Bouin, l’île de Ré, Saint-Gilles, Saint-Savinien.

49En 1773 et 1774, Nantes expédie 1 712 quintaux de froment, 2 714 quintaux de seigle et 670 quintaux de riz. Parmi ces petits ports du Finistère sud, on retrouve principalement Pont-l’Abbé et Audierne. L’île-Tudy et Loctudy, situés à l’embouchure de la rivière de Pont-l’Abbé figurent aussi dans cette liste.

50Il s’agit notamment des années 1709, 1725, 1759, 1766, 1768, 1772, 1775, 1785 et 1789.

51La position de force acquise par la Grande-Bretagne tend peu à peu à disparaître à partir de 1760. Afin de nourrir une population considérablement renforcée, le pays, qui avait cessé d’importer du grain à la fin du siècle précédent, redevient un pays acheteur, ce qui redynamise le commerce des céréales de la Baltique. Pourchasse Pierrick, Le commerce du Nord : les échanges commerciaux entre la France et l’Europe septentrionale au xviiie siècle, op. cit., p. 91.

52Sur le contexte du « Grand Hyver », on se reportera à Lachiver Marcel, Les années de misère. La famine au temps du Grand Roi, Paris, Fayard, 1991, 574 p.

53Lynn John Albert, Les guerres de Louis XIV, Paris, Perrin, 2014, p. 433-434.

54Elle est également sollicitée pour approvisionner le Nord de la France, en particulier Paris.

55Aucune politique annonaire n’y est mise en place. À Nantes, une « compagnie charitable » est néanmoins créée pour assurer l’approvisionnement journalier de la ville. Parallèlement, le procureur général du parlement de Rennes appelle à établir des « magasins publics » dans les autres villes pour assurer leur approvisionnement. Arch. nat., G7 1641, extrait des registres du greffe de l’hostel de ville et maison commune de la ville de Nantes, 19 avril 1709 ; Arch. nat., G7 1641, généralité de Bretagne, lettre concernant les blés, 389, 23 août 1709.

56Arch. nat., G7 1641-1642, généralité de Bretagne, lettres concernant les blés, 1709-1710.

57Arch. nat., G7 1809, armée des Flandres, état récapitulatif des grains fournis, 1710.

58Dès le printemps Ferrand cherche à créer, en vain, une compagnie avec des négociants rennais. À Nantes, il se heurte au refus des négociants qui jugent l’entreprise trop hasardeuse, tant sur le plan des achats de grains que sur celui du transport par mer. Quant aux « gens les plus aisés » de Saint-Malo, ils invoquent l’impossibilité de trouver des fonds et les risques qu’une telle compagnie représenterait pour leurs affaires. Arch. nat., G7 1641, généralité de Bretagne, lettres concernant les blés, 323, 29 mai 1709, 325, 9 juin 1709.

59Il paie des achats de grains assignés sur la Monnaie de Rennes.

60La condition de ce dernier n’est jamais précisée dans les sources. Arch. nat., G7 1642, généralité de Bretagne, lettres concernant les blés, 2, 3, 4, 4 et 17 novembre 1709.

61Arch. nat., G7 1642, G7 1641, généralité de Bretagne, lettre concernant les achats de blés, 392, n. d.

62Son auteur est peut-être Guillaume Le Barz, intéressé aux Fermes de Bretagne. Arch. nat., G7 1642, généralité de Bretagne, mémoire de Le Barz, novembre 1709.

63Ces remarques sont régulièrement faites par les intendants, notamment Béchameil de Nointel et Des Gallois de la Tour dans leur mémoire sur l’intendance de Bretagne à la fin du xviie siècle et en 1733. Bérenger Jean et Meyer Jean (dir.), La Bretagne à la fin du xviie siècle, d’après le mémoire de Béchameil de Nointel, Paris, Klincksieck, 1976, 219 p. ; Lemaître Alain-Jacques, La misère dans l’abondance en Bretagne au xviiie siècle. Le mémoire de l’intendant Jean-Baptiste des Gallois de la Tour (1733), Rennes, Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1999, 311 p.

64Arch. nat., G7 1642, généralité de Bretagne, lettre concernant les blés, 2, 17 novembre 1709.

65Arch. nat., G7 1641, généralité de Bretagne, lettre de l’intendant Ferrand relative à l’approvisionnement de l’armée des Flandres, 28 novembre 1709. Nous ne disposons d’aucun document précisant le nom des paroisses désignées par l’intendant.

66Arch. nat., G7 1642, lettre concernant les blés, 53, n. d.

67Le magasin de Saint-Brieuc compte 10 200 sacs, Hennebont 6 500, Lannion 6 000, Quimper 5 000, Auray 3 200, Tréguier 2 000, Port-Launay 2 000, Vannes 1 500. S’y ajoutent 1 000 sacs à Dinan et 1 000 autres sacs à La Roche-Bernard. Arch. nat., G7 1642, lettres concernant les blés, 50, 16 février 1710.

68Au mois de janvier 1710, une compagnie est dépêchée dans l’évêché de Quimper et une autre dans celui de Vannes. Dans la subdélégation de Port-Louis, le commandant du port a lui-même pris l’initiative d’envoyer un détachement de dragons dans certaines paroisses afin d’accélérer le prélèvement des grains. Arch. nat., G7 1642, lettres concernant les blés, 31, 23 janvier 1710.

69Letaconnoux Jean, « Les subsistances et le commerce des grains en Bretagne au xviiie siècle », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 20/2, 1904, p. 129.

70Arch. nat., G7 1806, bordereau des froments achetés par le sieur Fellonneau, novembre 1709.

71Le poids et le prix du tonneau sont différents selon les évêchés. Ce dernier varie entre 220 et 240 livres à Vannes ou Auray, et 300 livres à Hennebont.

72Le boisseau de Saint-Brieuc équivaut à un poids de 37 livres, le tonneau de mer à 2 000 livres. Arch. nat., G7 1805, lettres concernant les achats de blés, 449, 451, juin-juillet 1709 et G7 1642, généralité de Bretagne, lettre concernant les blés, 1710.

73Arch. nat., G7 1805, lettre concernant les blés, 1710.

74Arch. nat., G7 1805, lettre de l’intendant Antoine-François Ferrand relative à la fourniture de blé pour l’armée des Flandres, 8, 28 novembre 1709.

75Ibid., 4 novembre 1709.

76Les voituriers sont rémunérés 40 sols le quintal ou entre 46 et 55 sols pour ceux qui acheminent les grains depuis Quimper et La Roche-Bernard. Entre un quart et un tiers du paiement s’effectue généralement au départ, le reste à l’arrivée. L’itinéraire suivi n’est pas précisé par les sources. Arch. nat., G7 1806, bordereau des froments achetés par le sieur Fellonneau, novembre 1709.

77Arch. nat., G7 1642, généralité de Bretagne, lettre de l’intendant Ferrand relative à l’approvisionnement de l’armée des Flandres, 15, 30 novembre 1709.

78Arch. nat., G7 1653, lettres concernant les blés, 136, 11 juillet 1709. Il faut dix jours pour descendre la Seine et remonter l’Oise jusqu’à Noyon.

79Certains souhaitent qu’il soit fait appel à des vaisseaux neutres, suédois ou danois. Mais en mars 1710, sur les 23 barques qui quittent le Legué, 6 viennent de Bréhat, 6 de Saint-Briac, 1 de Saint-Servan, 1 de Saint-Malo, 1 de Kerity, 1 du Conquet, 2 de Paimpol, 1 du Légué, 1 de Saint-Brieuc, 1 de Tréguier, 1 de Brest et 1 de Saint-Valéry-sur-Somme.

80Arch. nat., G7 1642, généralité de Bretagne, lettre concernant les achats de blés, 59, 60, 21 mars 1710.

81Les frégates sont la Cavalier de Flessingue, armée au Port-Louis, la Milfort, armée à Brest, et l’Amarante et la Flore, frégates plus petites venues du Havre en complément.

82Arch. nat., G7 1642, généralité de Caen, lettre concernant les achats de blés, 318, 6 juillet 1710.

83Arch. nat., G7 1642, généralité de Caen, lettre concernant les achats de blés, 325, 23 juillet 1710 et 329, 28 juillet 1710.

84La Flandre apporte plus de 30 % des grains. Arch. nat., G7 1809, armée des Flandres, état récapitulatif des grains fournis, 1710.

85Arch. nat., G7 1641, généralité de Bretagne, lettre du procureur général au parlement de Rennes, 389, 23 août 1709.

86Sur cette question, on se reportera à Nassiet Michel, « Émotions populaires et prix des grains en Bretagne au xviiie siècle », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 66, 1989, p. 165-184.

87Arch. nat., G7 1642, lettres concernant les blés, 55, 6 mars 1710 et 83, 25 juin 1710.

88Abad Reynald, Le grand marché. L’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, op. cit. ; Antoine Annie, « Les bovins de la Mayenne (1720-1820). Un modèle économique pour les campagnes de l’Ouest ? », Histoire et sociétés rurales, vol. 4, 1995/2, p. 105-136 ; Garnier Bernard, « Des bœufs pour Paris : commercialisation et élevage en Basse-Normandie (1700-1900) », Des animaux et des hommes. Histoire de l’élevage, stratifications sociales et pluriactivité rurale, Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, t. 106, 1999, p. 104-105.

89Par exemple : Cocula-Vaillieres Anne-Marie, « La galette et le pot de beurre : l’approvisionnement menu des villes (xvie-xviiie siècles) », in Christian Desplat (dir.), L’approvisionnement des villes de l’Europe occidentale au Moyen Âge et aux Temps modernes, actes des V e journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran, septembre 1983, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1985, p. 231-236 ; Conchon Anne, « Péages et circulation marchande au xviiie siècle », in Denis Woronoff (dir.), La circulation des marchandises dans la France d’Ancien Régime, op. cit., p 145-162 ; Montenach Anne, Espaces et pratiques du commerce alimentaire à Lyon au xviie siècle. L’économie du quotidien, op. cit. En Bretagne, Sée Henri, « Le commerce du beurre et des salaisons de Bretagne », in Julien Hayem (dir.), Mémoires et documents pour servir à l’histoire du commerce et de l’industrie en France, Paris, Hachette, 10e série, 1926, p. 175-185.

90On notera l’exception que constituent les fonds de la maison Romberg, conservés aux Archives départementales de Gironde. Thésée Françoise, Négociants bordelais et colons de Saint-Domingue. « Liaisons d’habitations ». La maison Henry Romberg, Bapst et Cie. 1783-1793, Paris, Société française d’histoire d’outre-mer, 1972, 252 p.

91Meyer Jean, La noblesse bretonne au xviiie siècle, Paris, Imprimerie nationale, 1966, p. 453-455.

92Les bestiaux sont achetés maigres dans le Poitou ou vendus par des Poitevins dans les foires du comté Nantais. Leur présence est mentionnée par Des Gallois de la Tour dans les foires des subdélégations de Nantes, du Croisic et de Clisson. Un document du début du siècle mentionne la vente de 100 ou 150 couples de bœufs vendus par foire à Pontchâteau et à Saint-Gildas-des-Bois. Arch. dép. de Loire-Atlantique, C 703, foires et marchés des bourgs de Bretagne, n. d.

93Des Gallois de la Tour indique la présence de marchands parisiens à Clisson. Lemaître Alain-Jacques, La misère dans l’abondance en Bretagne au xviiie siècle. Le mémoire de l’intendant Jean-Baptiste des Gallois de la Tour (1733), op. cit., p. 139.

94Abad Reynald, Le grand marché. L’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, op. cit. On consultera sur ce point le chapitre 2 du livre 1.

95Cette route est aussi celle des chevaux.

96Ils sont présents dans d’autres foires comme à Hennebont, Corlay ou Plélan, à proximité de Rennes. Lemaître Alain-Jacques, La misère dans l’abondance en Bretagne au xviiie siècle. Le mémoire de l’intendant Jean-Baptiste des Gallois de la Tour (1733), op. cit., p. 160, 193 et 255.

97Le nombre de têtes de bétails sur pied entré dans la capitale entre 1635 et 1789 est multiplié par près de deux. Garnier Bernard, « Des bœufs pour Paris : commercialisation et élevage en Basse-Normandie (1700-1900) », art. cité, p. 103-104.

98Vallez Jean-Marie, « Le commerce des bestiaux de Normandie : l’activité de la famille Mollet (1680-1730) », compte rendu de la 45e semaine du droit normand, Caen, 1987, Annales de Normandie, 34e année, 1988/4, p. 342-343.

99Garnier Bernard, « Des bœufs pour Paris : commercialisation et élevage en Basse-Normandie (1700-1900) », art. cité, p. 106.

100Tout au long du xviiie siècle, la Normandie fournit plus de la moitié des bœufs vendus sur les marchés parisiens. Abad Reynald, Le grand marché. L’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, op. cit., chap. 1 et annexe I, p. 821-836 ; Garnier Bernard, « Des bœufs pour Paris : commercialisation et élevage en Basse-Normandie (1700-1900) », art. cité, p. 101-120.

101Abad Reynald, Le grand marché. L’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, op. cit. ; Sée Henri, « Le commerce du beurre et des salaisons de Bretagne », in Julien Hayem (dir.), Mémoires et documents pour servir à l’histoire du commerce et de l’industrie en France, Paris, Hachette, 10e série, 1926, p. 179-180.

102Un millier correspond à 1 000 livres.

103Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1568, beurres et fromage de Bretagne, 1780.

104Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 112, consulat de Rennes, dossier Doublet, livre de comptes, 1777-1779.

105N. Fessard, résidant Saint-Germain de L’Auxerois, Berthelin, installé rue des bourdons, Auvray, rue Rubac, Delarue, à la « Halle neuve » ainsi que La Saudade, Sallé, Vaintain, Combe et Chaudier, Santerre et Boscary. Notons que Reynald Abad retrouve peu de mentions de « beurre de Bretagne » dans les stocks ou les comptes des épiciers parisiens. Abad Reynald, Le grand marché. L’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, op. cit., p. 760.

106Meyzie Philippe, L’unique et le véritable. Réputation, origine et marchés alimentaires (vers 1680-vers 1830), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2021, 376 p.

107Savary des Bruslons Jacques, « Beurre », in Dictionnaire universel du commerce, t. 2, Paris, Chez la veuve Estienne et fils, 1748, p. 930.

108Aucun transport n’est mentionné entre le début du mois de mai et la mi-juin, entre le début du mois de juillet et la mi-août et enfin entre la mi-août et le début du mois d’octobre.

109Jean Letaconnoux affirme qu’au-delà d’un poids de 50 livres, il faut s’adresser à un roulier ou un voiturier. Letaconnoux Jean, « Les transports en France au xviiie siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 11, 1908-1909, p. 106. Selon Lucien Guillou, le roulier ne peut charger à moins de 100 livres, ce qui correspond davantage aux expéditions de Doublet. Guillou Lucien, « André Vanderheyde, courtier lorientais, et ses opérations (1756-1765) », Annales de Bretagne, t. 33, 1918/3, p. 383.

110Les beurres d’Isigny sont quant à eux recouverts d’un linge propre, puis entourés de paille fraîche avant d’être déposés dans un panier. Fajal Bruno, « Quelques observations sur le conditionnement du beurre, notamment du beurre en pot en Basse-Normandie (fin du Moyen Âge-xixe siècle) », in Manger et boire en Normandie, actes du XXXIIIe congrès des sociétés historiques et archéologiques de Normandie, Caen, musée de Normandie, 1999, p. 81-83.

111En dehors du terme panier, aucune précision n’est donnée sur le volume transporté.

112Arch. nat., fonds Marine, C5/20 et C5/26, rapport de l’inspecteur des pêches maritimes Le Masson du Parc, amirautés de Saint-Malo, Saint-Brieuc, Morlaix, Brest, 1726, 1731 et C4/175, Bretagne, procès-verbaux d’inspection des amirautés, Daniel Marc Antoine Chardon, commissaire du roi, 1781-1783. Charpentier Emmanuelle, Le peuple du rivage, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 23.

113Arch. Nat., fonds Marine, C5/26, rapport de l’inspecteur des pêches maritimes Le Masson du Parc, amirauté de Saint-Malo, 1731.

114Voir aussi Abad Reynald, Le grand marché. L’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, op. cit., p. 519-528.

115Arch. nat., fonds Marine, C5/26, rapport de l’inspecteur des pêches maritimes Le Masson du Parc, 1731.

116Robin Dominique, Pêcheurs bretons sous l’Ancien Régime. L’exploitation de la sardine sur la côte atlantique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000, 387 p.

117Principal appât utilisé pour la pêche.

118Le poisson est d’abord salé et empilé, avant d’être embroché, lavé puis placé dans des barriques percées pour la presse.

119La quantité respective de chaque produit n’étant pas indiquée, il est impossible de connaître le poids total de sardines entré dans Rennes à ces dates. Le poids des cargaisons de sardines seules s’élève à 17 975 livres en 1782 et 34 894 livres en 1784. Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 3935, ville de Rennes, octrois, 1782 et 1784.

120Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 130, consulat de Rennes, dépôt de bilan de Charles Lemair, 1785.

121Aucune cargaison n’est indiquée en 1782, sans doute car la pêche à la sardine est alors fortement perturbée par la guerre d’Indépendance américaine. Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 3935, ville de Rennes, octrois, 1784.

122Villeret Maud, Le goût de l’or blanc. Le sucre en France au xviiie siècle, op. cit.

123Kimizuka Hiroyasu, Bordeaux et la Bretagne au xviiie siècle. Les routes du vin, op. cit.

124Arch. dép. de Loire-Atlantique, C 706, chambre de commerce, directions de Nantes et de Rennes, 1714-1746 ; arch. dép. de Loire-Atlantiqu, C 716-717, chambre de commerce, traites foraines, bureaux de Nantes et de Rennes, 1749-1780 ; arch. dép. de Loire-Atlantique, C 864, chambre de commerce, récapitulation générale de toutes les marchandises entrées et sorties par les ports des directions de Nantes et de Rennes, 1749-1754. Les chiffres divergent partiellement entre ces différentes sources. Notons que la multiplicité des unités de mesures employées empêche de synthétiser ces données. Il convient aussi de préciser que les nations indiquées comme lieu de provenance ou de destination des marchandises n’en font parfois que le commerce. C’est notamment le cas de la Hollande. Les données du bureau de Nantes ont été dépouillées par Paul Jeulin dans : L’évolution du port de Nantes ; organisation et trafic depuis les origines, Paris, Presses universitaires de France, 1929, 516 p.

125Sur les débats concernant les données des bureaux des traites, on se reportera à Daudin Guillaume, Commerce et prospérité. La France au xviiie siècle, Paris, Presses universitaires de la Sorbonne, 2005, p. 195-197.

126La Bretagne répond à l’organisation provinciale de la Ferme générale qui divise le royaume en directions. Au xviiie siècle, elle est divisée en deux ou en trois directions : celles de Nantes et de Rennes, auxquelles s’ajoutent par intermittence, celles de Saint-Malo, du Port-Louis et de Lorient. Chaque direction abrite plusieurs bureaux principaux chargés de centraliser les recettes des bureaux de traites. Leur nombre oscille entre 72 et 74 au xviiie siècle. Rogani Élisabeth, « L’administration des douanes d’Ancien Régime : fonctions et résistances sur le littoral breton au xviiie siècle », in François Chappe et Gérard Le Bouëdec (dir.), Pouvoirs et littoraux du xve au xxe siècle, actes du colloque international de Lorient (24, 25, 26 septembre 1998), Rennes, Presses universitaires de Rennes/université de Bretagne sud, 2000, p. 438 ; arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1675, ports de la direction de Nantes où il y a des bureaux, 1773.

127Selon R. Romano, les ventes de la compagnie représentent à elles seules 4 à 10 % du commerce extérieur français au xviiie siècle. Cité par Haudrère Philippe, La Compagnie française des Indes au xviiie siècle, 1719-1785, Paris, Les Indes savantes, 2005 (1989), p. 320.

128On entend ici le sucre, le tabac, le poivre, le thé, le café, le cacao, le riz et les épices. Daudin Guillaume, Commerce et prospérité. La France au xviiie siècle, op. cit., p. 217. Les pourcentages sont calculés à partir des chiffres donnés par Ambroise Marie Arnould (1791), dont l’auteur établit une critique p. 198-203.

129Arch. dép. de Loire Atlantique, C 864, chambre de commerce, récapitulation générale de toutes les marchandises entrées et sorties par les ports des directions de Nantes et de Rennes, 1749-1754.

130Entre 1758 et 1769, les Nantais achètent 60 % du thé et 62 % du café vendus par la Compagnie. Parallèlement, les Lorientais acquièrent entre 7 et 12 % des denrées, alors que les autres villes bretonnes effectuent 4 à 10 % des achats. Haudrère Philippe, La Compagnie française des Indes au xviiie siècle, 1719-1785, op. cit., p. 314.

131Villeret Maud, Le goût de l’or blanc. Le sucre en France au xviiie siècle, op. cit., p. 70-71 ; arch. dép. de Loire Atlantique, C 864, chambre de commerce, récapitulation générale de toutes les marchandises entrées et sorties par les ports des directions de Nantes et de Rennes, 1749-1754.

132Arch. dép. de Loire Atlantique, C 864, chambre de commerce, récapitulation générale de toutes les marchandises entrées et sorties par les ports des directions de Nantes et de Rennes, 1749-1754.

133À l’échelle du royaume, Guillaume Daudin indique que 80 % des « biens de consommation coloniaux » sont réexportés. Daudin Guillaume, Commerce et prospérité. La France au xviiie siècle, op. cit., p. 221.

134Ibid., p. 217-221. L’auteur estime la part des denrées coloniales et des esclaves dans les exportations françaises à près de 20 % en 1716 et environ 30 % en 1787.

135Pardailhé-Galabrun Annik, La naissance de l’intime, 3 000 foyers parisiens, xviie-xviiie siècles, op. cit., p. 300-301 ; Roche Daniel, Histoire des choses banales. Naissance de la consommation, xviie-xixe siècle, Paris, Fayard, 1997, p. 265.

136Le Bouëdec Gérard, « Le cabotage sur la façade atlantique française (xvie-xixe siècles) », art. cité, p. 15.

137Villiers Patrick, « Quelques exemples d’influence du commerce atlantique à Orléans au xviiie siècle », in Guy Saupin (dir.), Villes atlantiques dans l’Europe occidentale du Moyen Âge au xxe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 90-93 ; Villeret Maud, Le goût de l’or blanc. Le sucre en France au xviiie siècle, op. cit., p. 127-147.

138Leroux Thomas, Le commerce intérieur de la France à la fin du xviiie siècle, Paris, Nathan, 1996, p 230.

139Arch. dép. de Loire Atlantique, B 5620, consulat de Nantes, dépôt de bilan de Claude Moreau, 26 novembre 1752 ; arch. dép. de Loire-Atlantique, B 5626, consulat de Nantes, dépôt de bilan de Louis Fouché, 16 janvier 1759.

140Arch. dép. de Loire-Atlantique, B 5625, consulat de Nantes, dépôt de bilan de François Desbois, 1758.

141Pouancé à proximité de Châteaubriant ou Pouançay au sud de Saumur.

142Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 90, consulat de Rennes, dépôt de bilan de Le Page, confiseur, 1761.

143D’après les registres de capitation, Rennes compte 73 marchands épiciers, marchands confiseurs et cafetiers limonadiers en 1767 et une soixantaine à la veille de la Révolution. D’après arch. mun. Rennes, CC 537 et CC 561.

144Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 3 935, récapitulation des marchandises entrées par les barrières de la ville de Rennes, 1782 et 1784.

145Tous produits confondus, les marchandises entrant par la porte de la Madeleine dépassent le poids de 1,6 million de livres. Il est impossible de mesurer avec précision le poids de chacune des marchandises, seule leur quantité totale étant indiquée.

146Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 130, consulat de Rennes, dépôt de bilan de Charles Lemair, marchand épicier, 1787 ; arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 126, consulat de Rennes, registre de comptes d’Anne Jourdan, veuve Le Nouvel, marchande, 1786.

147Ces données sont valables en hiver et au printemps. Les intervalles de livraison sont plus distants durant l’été.

148De Saint-Malo, les rouliers mettent deux jours pour gagner Rennes.

149Il vend essentiellement du café de Moka et de Bourbon, du thé, du poivre, de la cannelle, des pièces de guinée, des baffetas, des garras, des mouchoirs du Bengale, de la porcelaine. Arch. dép. du Morbihan, 11B 73, consulat de Vannes, livre de factures de Fermier Laîné, 1747-1783.

150Arch. dép. du Morbihan, 11B 69, consulat de Vannes, bilan de Fermier Laîné, 9 décembre 1783.

151Ses activités ne sont en rien comparables avec celles d’hommes comme André Vanderheyde, courtier des grandes maisons nantaises, qui réexpédie des denrées orientales dans toute l’Europe. Guillou Lucien, « André Vanderheyde, courtier lorientais, et ses opérations (1756-1765) », Annales de Bretagne, t. 33, no 1, 1918, p. 13-38 ; no 2, p. 189-202 ; no 3, p. 379-404 ; no 4 p. 536-546 ; Kerloc’h Marianne, Les élites municipales de Lorient (1738-1789), mémoire de maîtrise sous la direction de Gérard Le Bouëdec, Lorient, université Bretagne sud, 2001, p. 148-149.

152Il les expédie à Roscoff, Vannes, Morlaix, Laval, Saint-Malo, Nancy, Nantes, Gand, Rennes, Paris, Cadix, Toulouse, Saint-Brieuc, Marseille, Bordeaux, Lorient, Lyon, Provins. Arch. dép. du Morbihan, 11B 73, consulat de Vannes, livre de factures de Fermier Laîné, 1747-1783.

153Le Bouëdec Gérard, Les approvisionnements de la Compagnie des Indes (1737-1770). L’horizon géographique lorientais, vol. 2, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Jean Meyer, Paris, université Paris-Sorbonne, 1982, p. 31.

154Le Gouic Olivier, Lyon et la mer au xviiie siècle. Connexions atlantiques et commerce colonial, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 123-124 et 132-133.

155À la fin du siècle, les frères Delaye expédient également à Lyon du café par l’intermédiaire de la compagnie de roulage lorientaise Ganier fils et Painpeni. Arch. dép. du Morbihan, E 2437, famille de Delaye-Lamaignere, connaissements et lettres de voitures, 1768-an VIII.

156Arch. dép. du Morbihan, 11B 73, consulat de Vannes, livre de factures de Fermier Laîné, 1770-1783.

157La lettre de voiture contient la quantité et la qualité des marchandises transportées. Elle permet tant au voiturier de se faire payer par celui à qui les marchandises sont adressées, qu’au destinataire de vérifier la quantité et le conditionnement des marchandises au jour indiqué sur la lettre.

158Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 70, consulat de Rennes, enquêtes consulaires, 13 décembre 1762.

159Les lettres de voitures indiquent le délai accordé pour effectuer le trajet et précisent qu’il doit être tenu, « à peine de diminution d’un tiers ».

160À 92 endroits en Bretagne, sur des distances plus ou moins longues, les rouliers sont autorisés à utiliser un ou deux chevaux supplémentaires pour faciliter le passage de leur charrette ou charriot. Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 6267, grands chemins, ordonnance sur le roulage, 1787.

161Des lettres de voiture des frères Delaye indiquent ce délai pour parcourir la distance Lorient-Morlaix, soit 120 kilomètres. Arch. dép. du Morbihan, E 2437, famille de Delaye Lamaignère, connaissements et lettres de voitures, 1768-an VIII.

162Les trois-quarts du thé importé en France seraient réexportés vers la Grande-Bretagne. Crouzet François, La guerre économique franco-anglaise au xviiie siècle, Paris, Fayard, 2008, p. 59-61.

163Roscoff devient, à partir des années 1760, une plaque tournante de la contrebande vers la Grande-Bretagne. Pourchasse Pierrick, « Roscoff, un important centre de contrebande entre la France et l’Angleterre à la fin du xviiie siècle », in Margueritte Figeac-Monthus et Christophe Lastécouères (dir.), Territoires de l’illicite : ports et îles. De la fraude au contrôle (xvie-xxe siècle), Paris, Armand Colin, 2012, p. 147-156.

164Quellier Florent, La table des Français. Une histoire culturelle (xve-xixe siècle), Rennes/Tours, Presses universitaires de Rennes/Presses universitaires François Rabelais, 2013, p. 69 ; Villeret Maud, Le goût de l’or blanc. Le sucre en France au xviiie siècle, op. cit., p. 299 ; Radeff Anne, Du café dans le chaudron. Économie globale d’Ancien Régime. Suisse occidentale, Franche-Comté et Savoie, Lausanne, Société d’histoire de la Suisse romande, 1996, 559 p.

165On consultera notamment : Croix Alain, « Relations villes-campagnes et inventaires après-décès dans la France de l’Ouest (xvie-xixe siècles) : le point sur une enquête », in Sociétés villageoises et rapports villes-campagnes au Québec et dans la France de l’Ouest (xviie-xxe siècles), actes du colloque de Québec (1985), Trois-Rivières, UQTR, 1987, p. 141-150 ; Lagadec Yann, « Trévé et la Vera Cruz : Les horizons d’un marchand de toiles de Bretagne centrale au xviiie siècle », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, t. 112, no 3, 2005, p. 135-137 ; Morvan Stéphanie, La diffusion du sucré du littoral à l’intérieur du Morbihan au xviiie siècle, mémoire de maîtrise sous la direction de Gérard le Bouëdec, Lorient, université de Bretagne sud Lorient, 1999, 384 p. Voir aussi arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1449 et C 1450, état des arts et métiers et autres professions qui s’exercent dans les villes et paroisses et qui ne sont point en jurande, 1767.

166Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 2 et 16, livre de comptes de Jean Toudic, 1770-1780. Ce registre comptant 209 folios mentionne uniquement les ventes du marchand.

167Au total, nous recensons plus de 300 produits entre le début et la fin du livre de comptes du marchand.

168Vieux-Marché et Guingamp comptent respectivement 5 000 et 4 500 habitants à la fin de l’Ancien Régime. Arch. nat., F 20 319, population, département des Côtes-d’Armor, 1793.

169Le marchand ne précise pas pourquoi ce sucre est ainsi qualifié. Peut-être est-il gagné par l’humidité. Toujours est-il que trois clients n’achètent que ce type de sucre vendu à 40 livres ou 42 livres 10 sols le cent contre 50 à 55 livres pour le sucre blanc.

170Pour cette année 1779, la qualité du sucre n’est pas précisée.

171Notamment au Faouët, à Guiscriff, Lanvénégen, Pontivy ou Trémorel. Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1449 et C 1450, état des arts et métiers et autres professions qui s’exercent dans les villes et paroisses et qui ne sont point en jurande, 1767. La force de l’apiculture et la faiblesse de la consommation de sucre sont confirmées par travaux menés sur les inventaires après décès. Morvan Stéphanie, La diffusion du sucré du littoral à l’intérieur du Morbihan au xviiie siècle, op. cit., p. 68.

172Villeret Maud, Le goût de l’or blanc. Le sucre en France au xviiie siècle, op. cit., p. 43 ; arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 112, consulat de Rennes, dépôt de bilan de Limpalaire, 1778.

173Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 90, consulat de Rennes, dépôt de bilan de Pierre Le Page, 14 septembre 1761.

174Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 84, consulat de Rennes, dépôt de bilan de Mallet, 1748-1749.

175Pour l’autrice, parler de « consommation de masse » implique qu’au moins 25 % de la population adulte, aux revenus variés, consomme ces biens quotidiennement. Cité par Coquery Natacha, « La diffusion des biens à l’époque moderne. Une histoire connectée de la consommation », Histoire urbaine, no 30, 2011/1, p. 12.

176La Morandière Charles de, Histoire de la pêche française de la morue dans l’Amérique septentrionale (des origines à 1789), Paris, Maisonneuve et Larose, 1962, 3 vol., 1 023 p. ; voir aussi Pétré-Grenouilleau Olivier, Les négoces maritimes français, xviie-xviiie siècles, Paris, Belin, 1997, p. 17.

177La première pêche ramène un poisson simplement salé, la seconde apporte un poisson préparé, salé et qui a été mis à sécher sur les grèves du littoral de Terre-Neuve avant de traverser l’Atlantique.

178Quéniart Jean, La Bretagne au xviiie siècle (1675-1789), op. cit., p. 327.

179Michon Bernard, L’aire portuaire de Nantes aux xviie et xviiie siècles. Construction d’une aire portuaire, op. cit., p. 135 ; Briere Jean-François, La pêche française en Amérique du Nord au xviiie siècle, Montréal, Fidès, 1990, 270 p.

180La Morandière Charles de, Histoire de la pêche française de la morue dans l’Amérique septentrionale (des origines à 1789), Paris, Maisonneuve et Larose, 1962, p. 571 et 999.

181Brière Jean-François, La pêche française en Amérique du Nord au xviiie siècle, Montréal, Fidès, 1990, p. 28 et 55. Sur le cas malouin, voir Lespagnol André, Messieurs de Saint-Malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, Rennes, op. cit., p. 231-306.

182Brière Jean-François, « Le commerce triangulaire entre les ports Terre-Neuviers français, les pêcheries d’Amérique du Nord et Marseille au xviiie siècle : nouvelles perspectives », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 40, no 2, 1986, p. 193-214.

183Arch. nat., fonds Marine, C4/175, Bretagne, procès-verbaux d’inspection des amirautés, Daniel Marc Antoine Chardon, commissaire du roi, 1781-1783.

184Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 130, consulat de Rennes, dépôt de bilan de Charles Lemair, 1785.

185Savary des Bruslons évoque un vin « uniquement bon à brûler pour produire de l’eau-de-vie ». Savary des Bruslons Jacques, « Vin », in Dictionnaire universel du commerce, Paris, Chez la veuve Estienne et fils, 1748, p. 627.

186Les Hollandais enlèvent 70 % des exportations bordelaises entre 1717 et 1721 et encore 35 % dans les dernières décennies du siècle. Wegener-Sleeswijk Anne, « Les vins de Guyenne sur le marché hollandais à la fin du xviie et au xviiie siècle », Chronique d’histoire maritime, no 38, 1998-2, p. 31 ; Pourchasse Pierrick, Le commerce du Nord : les échanges commerciaux entre la France et l’Europe septentrionale au xviiie siècle, op. cit., p. 101.

187On se reportera notamment à Touchard Henri, Le commerce maritime breton à la fin du Moyen Âge, op. cit. ; Butel Paul, Les négociants bordelais, l’Europe et les îles au xviiie siècle, Paris, Aubier, 1974, 427 p. ; Huetz de Lemps Christian, Géographie du commerce de Bordeaux à la fin du règne de Louis XIV, Paris, La Haye, 1975, in-8o, 661 p.

188Kimizuka Hiroyasu, Bordeaux et la Bretagne au xviiie siècle. Les routes du vin, op. cit., p. 65-74.

189L’influence nantaise à Lorient est modérée et les envois sont essentiellement liés à l’approvisionnement de la Compagnie des Indes. Le Bouëdec Gérard, « Les approvisionnements de la Compagnie des Indes (1737-1770) : l’horizon géographique lorientais », Histoire, économie et société, no 3, 1982, p. 405-407, p. 411.

190À lui seul, ce petit port reçoit 43 % des expéditions quimpéroises ; les vins étant ensuite principalement répartis entre Audierne, Brest, Port-Launay, Douarnenez et Morlaix. Poignant Annie, Les activités commerciales du port de Quimper de 1716 à 1781, mémoire de maîtrise, Brest, université de Bretagne occidentale, 1973, 116 p.

191Kimizuka Hiroyasu, Bordeaux et la Bretagne au xviiie siècle. Les routes du vin, op. cit., p. 65-74.

192En 1784, 89 déclarations d’entrée et de sortie des vins sont établies aux cinq barrières d’octroi de la ville : 22 indiquent des vins en provenance de Lorient, 16 en provenance de Nantes et 12 en provenance de Saint-Malo. Les vins venant de Redon, accostant au port Saint-Yves, ne sont pas comptabilisés.

193Nous retenons particulièrement les dossiers Berthou et Lemière. La capitation de ce dernier s’élève à 40 livres en 1781. Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 113, consulat de Rennes, bilan de Pierre-André Lemière, 1781 et arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 108-110, dossier Berthou, 1779-1785.

194Vins produits dans la sénéchaussée de Bordeaux.

195Lorsque le Lot est impraticable, les vins sont parfois transportés de Cahors jusqu’à Moissac et plus rarement Montauban pour qu’ils puissent ensuite descendre la Garonne. D’autres envois sont simplement retardés.

196À Messac, tous les transbordements, qu’il s’agisse de ceux de Berthou ou d’autres marchands de vin rennais s’effectuent à cette période sous la direction d’un certain Dupuis, négociant du lieu.

197Le mauvais état des écluses rend cette remontée souvent périlleuse. Nières Claude, La reconstruction d’une ville au xviiie siècle. Rennes 1720-1760, 1972, op. cit., p. 158.

198Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 10B 109, consulat de Rennes, correspondance Berthou le Jeune, quittances de paiement, 1777-1782.

199C’est le cas à Redon. Arch. nat., F14 1270, grande enquête sur le commerce et les moyens de transport, département du Morbihan, ville de La Roche-Bernard, 1811-1812.

200Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 10B 109, consulat de Rennes, correspondance Berthou le Jeune, 6 juillet 1783.

201Arch. mun. de Nantes, FF 209, police de Nantes, arrêt du 3 juillet 1767.

202Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 10B 109, consulat de Rennes, correspondance Berthou le Jeune, 13 septembre 1778.

203Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 10B 110, consulat de Rennes, correspondance de Berthou le Jeune, 24 mai 1779.

204Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 10B 109, consulat de Rennes, correspondance de Berthou le Jeune, 20 juin 1779.

205Ibid., 1er juillet 1782.

206Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 10B 113, consulat de Rennes, livre de marque de André-Pierre Lemière, 1774-1781.

207Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 10B 108, consulat de Rennes, livre de marque de Berthou le Jeune, 1779-1784.

208Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 3935, ville de Rennes, octrois, 1782 et 1784. Nantes bénéficie d’un acheminement par la Loire.

209Ou Vanin. Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 113, consulat de Rennes, correspondance de Lemière, 1777-1779.

210Dans le premier panier : cinquante bouteilles « œil-de-perdrix » à 40 sols, vingt-cinq bouteilles « mousseaux cordons noir » à 45 sols, vingt-cinq bouteilles « mousseaux seconde qualité » à 35 sols, dix bouteilles « non mousseaux cordon blanc » à 40 sols, deux bouteilles « tisannes » à 26 sols, quatre bouteilles de vin rouge « première qualité » à 35 sols, quatre bouteilles « de la seconde qualité » à 25 sols. Dans le deuxième panier : cent bouteilles « mousseaux première qualité » à 45 sols, dix bouteilles « œil-de-perdrix » à 45 sols, dix bouteilles de « rouge première qualité » à 40 sols.

211Elle est composée de cent bouteilles « mousseaux 1re qualité » à 45 sols, cent bouteilles « mousseaux seconde qualité » à 40 sols, vingt bouteilles « rouge » à 35 sols, dix bouteilles S à 30 sols, dix bouteilles « non mousseaux » à 45 sols. Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 113, consulat de Rennes, correspondance de Lemière, 1777-1779.

212Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 10B 110 : consulat de Rennes, correspondance de Berthou le Jeune, 3 octobre 1783.

213Ibid., 7 octobre 1783.

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