Introduction générale
p. 11-32
Texte intégral
1Dans un article publié en 1932 dans la revue française généraliste Lectures pour tous, le médecin et écrivain Octave Béliard part à la rencontre des doyens des facultés parisiennes et les interroge sur leur ressenti face à la féminisation du public des universités. Il souhaite vérifier l’assertion du sénateur Raymond Duplantier – antiféministe notoire –, qui a affirmé quelques mois plus tôt que « le niveau des études tant secondaires que supérieures a sensiblement fléchi depuis qu’elles ont été envahies par les étudiantes1 ». Quelles représentations les doyens se font-ils des étudiantes françaises, bien plus nombreuses en ces années 1930 que lors de leur timide percée à la fin du xixe siècle ? Leur position est sans équivoque ; s’ils leur reconnaissent de nombreuses compétences, admettant qu’elles sont « intelligentes, sérieuses, attentives et assidues2 », et qu’elles « travaillent bien, aussi bien que les hommes3 », ils restent convaincus qu’il existe des « différences naturelles » entre femmes et hommes qui entraîneraient des disparités irrémédiables dans leurs possibilités créatrices et professionnelles4. C’est ainsi qu’Henry Berthélémy, doyen de la faculté de droit de Paris, expose que la réussite universitaire des étudiantes – meilleure que celles des étudiants – ne peut être synonyme d’accès aux mêmes emplois que leurs homologues masculins du fait de leur infériorité à passer de la théorie à la pratique :
« Leur intelligence et leur sensibilité […] rendent [les étudiantes] éminemment aptes à la culture, à la spéculation désintéressée, à la curiosité des choses de l’esprit. Les étudiantes valent souvent mieux que les étudiants. Mais lorsqu’il s’agit de transformer le savoir en action, l’étudiant médiocre leur passe devant. À chacun son rôle, l’homme est fait pour la vie publique ; à l’étude, la femme se classe première5. »
2De manière similaire, Georges Urbain, directeur de l’Institut de chimie leur dénie toute aptitude à l’inventivité, conception qui ne peut que les maintenir dans des positions subalternes et dominées par des hommes s’arrogeant les privilèges de l’innovation scientifique :
« À chaque sexe, ses prérogatives. La femme a la compréhension plus prompte, la mémoire plus fidèle. Elle brille aux examens. Pratiquement, comme agent d’exécution, elle peut être incomparable. Mais elle ne suggérera pas une expérience nouvelle ; elle ne produit pas de l’inédit. Il y a une sorte de génie qui semble réservé à l’homme, même inférieur à tout autre point de vue, plus lent à assimiler, moins habile et moins soigneux à réaliser6. »
3Nous pourrions multiplier les exemples, l’article débordant de ces piquantes citations qui soulignent la fragilité des conquêtes des premières étudiantes françaises, dont la situation est très similaire à celles des femmes de l’ensemble des pays occidentaux. Malgré les réussites parfois spectaculaires des pionnières, qui se sont battues à partir de la seconde moitié du xixe siècle pour rendre les cursus universitaires accessibles aux femmes, le regard que les professeurs portent sur les étudiantes dans les années 1930 atteste du caractère inachevé du processus de féminisation du public étudiant7. Alors que l’attention des historiens et historiennes s’est surtout portée sur ces figures exemplaires, Christophe Charle remarque, au sujet des femmes professeures d’université, que « l’étude des “premières” n’a pas grand sens, hormis au plan symbolique, car il s’agit toujours de personnalités ou de circonstances exceptionnelles, d’exception à la règle plus que de l’instauration d’une nouvelle règle8 ». Sans nier les apports des recherches mettant en lumière les profils et batailles de celles ayant en premier poussé les portes des facultés, il est effectivement nécessaire de se pencher également sur les générations suivantes, qui participent réellement à la féminisation des bancs des universités. En effet, les représentations des professeurs masculins ci-dessus sont révélatrices des ambiguïtés d’une période où le droit des femmes à fréquenter les universités est globalement admis dans les pays occidentaux, mais qui voit perdurer de nombreux débats sur leur valeur intellectuelle – qui les excluent de certains champs de savoir – et sur leurs capacités à mener une carrière professionnelle. Pour reprendre les propos de Juliette Rennes, la « banalisation de la figure de l’étudiante s’accompagne d’un processus continu de ségrégation sexuée qui s’élabore à trois niveaux : la répartition par disciplines, l’accès aux diplômes, et l’accès aux filières d’élite9 ». De fait, ces inégalités dans le domaine universitaire ont des implications sur le marché du travail, et limitent leur accès aux professions intellectuelles théoriquement accessibles par ces diplômes10.
4Dans ce contexte, il est compréhensible que les femmes diplômées de l’enseignement supérieur aient cherché à se grouper, à différentes échelles, pour affirmer collectivement leurs positions dans les champs éducatifs et professionnels ; c’est le cas de celles qui rejoignent la Fédération internationale des femmes diplômées des universités (FIFDU), qui voit le jour au lendemain de la Première Guerre mondiale sous l’impulsion d’une poignée de femmes universitaires britanniques et états-uniennes. Destinée initialement à favoriser la compréhension internationale entre femmes diplômées de l’enseignement supérieur, la FIFDU est conçue comme une fédération d’associations nationales, étant entendu qu’une seule association par pays ne peut y adhérer. En raison des intérêts spécifiques de ses membres, le programme d’action mis en place se centre fortement sur le développement des opportunités éducatives et professionnelles des femmes.
5Cette étude entreprend d’écrire l’histoire de cette association, en s’intéressant plus particulièrement aux engagements pluriels des membres en faveur de l’accès des femmes aux études et aux titres universitaires, ainsi qu’à leur accès aux postes à responsabilités. Ce faisant, nous souhaitons visibiliser les obstacles qui freinent encore les femmes dans leurs ascensions scolaires et professionnelles bien après les luttes des pionnières, et les stratégies adoptées par les diplômées des années 1920 à 1970 pour contourner ou faire tomber ces barrières pour elles-mêmes et les étudiantes à venir. En ce centrant sur cette période, l’ambition est d’historiciser plusieurs générations de femmes diplômées, et de mettre en regard leurs trajectoires et revendications avec les évolutions de l’enseignement supérieur, notamment sa féminisation et le début de la massification.
6En s’intéressant à une association internationale féminine, il s’agit également de retracer la manière dont la question de l’éducation supérieure des femmes – corollaire de leur accès à toutes les professions – s’est faite une place sur la scène internationale. S’intégrant pleinement dans ce qu’Anne Rasmussen a appelé le « tournant organisateur » de l’internationalisme11, la FIFDU adopte une posture originale par rapport aux autres associations internationales de femmes, tant par leur recrutement sélectif (seules les diplômées de l’enseignement supérieur peuvent y adhérer) que par la centration de leurs activités sur les questions éducatives et professionnelles. Elles profitent de la mise en place des organisations internationales intergouvernementales et de leurs agences spécialisées pour diffuser leurs conceptions à plus large échelle, manœuvrant à obtenir – puis conserver – leurs entrées à la Société des Nations (SDN) et à l’Institut international de coopération intellectuelle (IICI) durant l’entre-deux-guerres, et après 1945 à l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) et au Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC). Cette étude se propose ainsi d’évaluer la place prise par les débats sur l’éducation des filles et des femmes au sein de ces organisations, à partir de l’engagement particulier de la FIFDU. En outre, ceci permet d’étudier les jeux de collaboration qui s’établissent entre la fédération et la multitude d’associations internationales, de femmes, d’étudiants et plus largement celles traitant d’éducation, gravitant autour des organisations internationales et contribuant à former un réseau dépassant les frontières pour promouvoir des causes communes. De plus, réfléchir aux thèmes abordés dans ces débats permet d’esquisser un panorama de la situation des femmes dans l’enseignement supérieur dans différentes régions du monde, et les solutions envisagées par les diplômées pour la développer.
Les associations de diplômées, « dernières-nées du mouvement féministe » ?
Une nouvelle organisation dans le nuancier des féminismes
7Écrire l’histoire de la FIFDU c’est d’abord et avant tout, contribuer à l’histoire des femmes12 ; c’est écrire une histoire collective de femmes, teintée d’histoires individuelles singulières. En choisissant de mettre sur pied un groupement non mixte, les fondatrices de la FIFDU se placent dans la lignée des mouvements féminins qui s’institutionnalisent depuis la fin du xixe siècle dans les pays occidentaux13. En sont-elles féministes pour autant ? La définition du terme « féminisme » est loin de faire consensus, tant auprès des militantes que des historiennes, du fait de l’importante pluralité des mouvements ayant visé l’émancipation des femmes. Leurs variations temporelles, géographiques, organisationnelles, ou encore la diversité des critiques et revendications portées par les militantes, font privilégier l’emploi de « féminismes » au pluriel14. Ute Gerhard propose une définition large traduisant cette hétérogénéité, exposant que « le féminisme désigne l’ensemble des tentatives menées par des femmes pour leur reconnaissance, leur autodétermination, leur participation politique et le respect de leurs droits15 ». Dans ce cadre, les actions mises en place par les fondatrices de la FIFDU les font bien appartenir aux mouvements féministes, ou en tout cas à ce que Laure Bereni nomme « l’espace de la cause des femmes », qu’elle décrit ainsi :
« En quelques mots, on peut le définir comme la configuration des sites de mobilisation pour la cause des femmes dans une pluralité de sphères sociales. Il s’agit d’une catégorie plus large que ce que l’on entend habituellement par “mouvement de femmes”. […] Il inclut des sites de défense de la cause des femmes inscrits dans une pluralité de champs sociaux, dont des institutions (administration, partis, institutions religieuses, universités…)16. »
8Néanmoins, leurs réticences à s’identifier ouvertement comme féministes posent question, et nous tâcherons de rendre compte des nuances de leur engagement pour la promotion des droits des femmes, en cherchant à déterminer si leur statut et positionnement diffèrent de ceux de groupes affirmant clairement leur appartenance au féminisme.
Au creux de la vague, ou au chevauchement des vagues ?
9La présentation de la FIFDU comme « dernière-née du mouvement féministe17 » par la présidente de la branche finlandaise Eeva Jalavisto en 1959 interroge la temporalité des mouvements de femmes. De nombreux travaux d’historiennes se sont intéressés à l’étude de mouvements nationaux, généralement en distinguant deux « vagues » du féminisme. La « première vague », qui court de la fin du xixe siècle à la Seconde Guerre mondiale, voit les militantes réclamer « surtout l’égalité des droits entre homme et femme, droit à l’instruction, droits politiques, droits civils, droit au travail, mais aussi protection de la maternité, lutte contre la prostitution, promotion de la paix18 ». Un changement de discours s’établit lors de la « deuxième vague », qui débute à la fin des années 1960, alors que « les militantes ne cherchent plus la conquête des droits égaux dont un certain nombre sont acquis (droit de vote, droit à l’instruction, droit au travail), mais parlent de “libération” des femmes (MLF), c’est-à-dire se libérer de la domination masculine, désignée par le concept de “patriarcat19” ». Entre les deux, la période de 1945 à 1970 est souvent considérée comme « le creux de la vague », un moment d’infléchissement des mouvements, position que certaines historiennes comme Sylvie Chaperon ont contribué à nuancer20. L’utilisation de la métaphore des vagues pour penser la chronologie des mouvements féministes est d’ailleurs aujourd’hui soumise à controverses. Devant l’imbrication des mouvements et la porosité des revendications selon les périodes, Christine Bard expose que « plutôt que d’imaginer une succession des vagues, chacune chassant l’autre, il faut plutôt observer que lorsque la mer monte, les vagues se chevauchent, la plus neuve gagnant du terrain21 ». Invitant les historiennes et historiens à penser ces mouvements dans un temps long, Karen Offen s’aventure, elle, dans un autre type d’image, celle du volcan :
« Je parlerais donc du féminisme en termes d’éruptions, de coulées, de fissures, de lave en fusion (de magma), car je le considère plutôt comme une forme menaçante et insaisissable de mécontentement, qui ne cesse de s’attaquer aux points faibles des couches de sédiments accumulés qui forment la cuirasse du patriarcat, le vernis institutionnel des sociétés organisées (et réussit parfois à se frayer un chemin au travers)22. »
10Néanmoins, Bibia Pavard, qui historicise la métaphore des vagues en replaçant son utilisation dans les contextes politiques, militants, et académiques, lui reconnaît tout de même des avantages conceptuels :
« Tantôt évocation des temporalités des mobilisations, la métaphore des vagues permet de délimiter des périodes et des contextes, démarche utile pour penser l’action, écrire l’histoire et l’enseigner. Tantôt évocation des continuités et des ruptures, elle permet de poser la question de la transmission et du renouvellement générationnel dans le champ militant. Tantôt synonyme de mouvance politique, elle sert à insister sur la diversité des mobilisations féministes à un temps T. Cette extrême fluidité entre apport descriptif et portée prescriptive montre à quel point il s’agit d’une catégorie à la fois indigène et savante, c’est sa faiblesse mais c’est aussi sa force23. »
11À la suite de ces travaux, notre étude vient documenter une période de transition entre deux « apogées » des mouvements féministes, en cherchant à analyser si les associations de diplômées créées à la fin de la première vague ont accompagné les changements de revendications et de modes d’action, ou sont restées en marge des évolutions.
Un profil spécifique pour cette petite sœur des associations internationales féminines ?
12Caractériser la FIFDU comme « dernière-née du mouvement féministe » permet aussi de raisonner en termes de filiations des mouvements. En effet, loin de constituer des phénomènes exclusivement nationaux, les mouvements féminins qui émergent à partir du xixe siècle revêtent une dimension internationale24, et certains liens de parenté se retrouvent entre les diverses associations transnationales qui sont successivement créées. Leila Rupp, qui s’est intéressée aux trois « grandes » associations internationales de femmes, montre ainsi que ce sont les limites des premières qui ont stimulé la création des suivantes25. Le Conseil international des femmes26 (CIF) créé en 1888, finit par être perçu par certaines de ses membres comme trop consensuel et trop peu offensif sur la question des droits politiques des femmes, ce qui les pousse à fonder en 1904 l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes (AISF). De la même manière, la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté27 (LIFPL), créée en 1915 et adoptant ce nom en 1919, entend en pleine Première Guerre mondiale pallier le trop fort nationalisme du CIF et de l’AISF qui fonctionnent comme des fédérations d’associations ou de sections nationales, mode d’organisation qui rend parfois conflictuelle la tension entre nationalisme et internationalisme. La FIFDU vient dans le sillage de ces trois associations internationales, et ses fondatrices bénéficient ainsi de réseaux internationaux déjà établis, sur lesquels elles peuvent s’appuyer pour développer leur groupement. Mais en créant leur propre association, elles pointent aussi du doigt les limites de celles les ayant précédées, ce qui interroge à nouveau leurs conceptions du féminisme et leur positionnement dans le champ. Que cherchent-elles, en créant une association regroupant spécifiquement des diplômées de l’enseignement supérieur ? Si elles partagent une même « conscience de genre », que Florence Rochefort définit comme « la conscience d’appartenir à une force sociale spécifique, à un collectif de femmes qui partage un sort et un objectif communs28 », quelles caractéristiques particulières voient-elles dans leur formation universitaire, qui les conduit à monter un collectif distinct ? Se donnent-elles des missions originales, que ne pourraient poursuivre les autres associations féminines, pourtant également dirigées par une élite de femmes29 ?
Une fédération se prétendant internationale : internationalité réelle ou stratégie d’affichage ?
13Ces questions de statut et d’objectifs en amènent d’autres, et notamment celles touchant au caractère international de la FIFDU. Leila Rupp montre que dans les trois principales associations internationales féminines prétendant agir pour des causes « universelles », les responsabilités restent l’apanage d’une population occidentale. Marie Sandell, qui rajoute la FIFDU aux trois grandes associations précédemment citées, expose que ce sont bien des femmes occidentales qui dominent le façonnage et la conduction des politiques associatives, le dialogue avec des femmes non occidentales étant surtout mis en œuvre pour légitimer leur action universaliste et y ajouter un soupçon d’exotisme30. Les recherches actuelles tendent à montrer que la focalisation sur ces grandes associations occidentalo-centrées occulte de nombreuses initiatives directement menées par des femmes de culture non occidentale, qui ne leur sont pas nécessairement imposées par les Européennes et Nord-Américaines. La plupart de ces travaux privilégient surtout des études de cas regroupées par aires géographiques31, limitant la réflexion sur les circulations internationales entre mouvements féminins, comme le soulignent Francisca de Haan, Margaret Allen, June Purvis, et Krassimira Daskalova32.
14Ces regroupements géographiques sont parfois le fait des mouvements féminins eux-mêmes, l’internationalisation de ces associations se caractérisant également par leur régionalisation, comme le prouvent entre autres les exemples des Pan-Pacific Women’s Conference, All-India Women’s Conference, et All-Asian Women’s Conference33. Dans ces cas, il est possible d’étudier d’autres formes d’internationalisme qui mettent en contact des femmes à des échelles intermédiaires, entre leur pays et le « monde entier » que les grandes associations internationales se veulent – et parfois se disent – représenter.
15Dans cette étude, sans avoir cherché à investiguer en détail l’histoire d’une association nationale non occidentale et son intégration à la FIFDU, nous tâcherons dès que possible de visibiliser ces nations, ou du moins de souligner les processus d’invisibilisation voire d’exclusion de certaines diplômées quand ils existent. En effet, les dirigeantes se targuent de représenter des femmes d’un grand nombre de contrées, condition nécessaire à la légitimation de leur statut d’association « internationale ». En tant que fédération d’associations nationales, la FIFDU représente une grande variété de situations associatives. Les pays représentés sont majoritairement européens et nord-américains durant l’entre-deux-guerres, et une expansion géographique s’effectue à partir des années 1950 en Amérique latine et en Asie, et plus timidement en Afrique dans les années 1960. Les responsables des différentes branches sont obligées de composer entre injonctions et idéaux des dirigeantes, et la réalité des contextes nationaux. Ceci peut être source de tensions et difficultés, qu’elles arrivent parfois à occulter à l’échelle internationale. Il conviendra ainsi de comparer autant que faire se peut les associations nationales pour affiner l’analyse de la représentativité internationale de la FIFDU, et l’atteinte de ses objectifs au sein des populations dans des situations particulières.
L’éducation des femmes au cœur des causes de la FIFDU
16En s’intéressant à la FIFDU, il s’agit également de replacer dans la constellation des organisations féminines internationales une association qui a moins focalisé les regards des historiennes que le CIF, l’AISF et la LIFPL, à l’instar de ce que fait actuellement Francisca de Haan sur la Fédération démocratique internationale des femmes34. Sa démarche résulte de l’ambition de questionner les implications de la guerre froide sur la structuration et les mobilisations des associations transnationales de femmes, et d’historiciser une association considérée comme nettement plus politique que le CIF ou l’AISF, voire même suspectée de faire partie du bloc de l’Est. De notre côté, notre choix d’objet résulte moins de l’étude d’un contexte particulier que de celui de « causes » spécifiques, au sens où l’entend Pierre-Yves Saunier :
« Faire l’histoire des causes, c’est cerner la manière dont des horizons d’engagement ont été définis, défendus, contestés, incarnés, embrassés en tant que questions dites “d’intérêt général” voire “universelles”, suite à un travail social et intellectuel visant à démontrer qu’y répondre exige d’œuvrer à travers les territoires et les souverainetés. Cette histoire passe souvent par celle des formes organisées qui ont soutenu ces discours et ces pratiques : campagnes, pétitions, périodiques, congrès, conférences, associations, organisations. […] Néanmoins, mettre l’accent sur ces infrastructures des causes permet de saisir l’écologie générale d’un espace de positions et d’interactions, de suivre l’histoire d’un monde des causes dans lequel se meuvent les protagonistes de leur définition, incarnation et défense35. »
17C’est l’ambition d’étudier l’accès des femmes à l’éducation supérieure qui nous a conduit à la FIFDU. En cherchant à écrire l’histoire des processus de féminisation des universités, et des actrices et acteurs qui ont rendu ce phénomène possible, nous avons à diverses reprises croisé les traces laissées par cette association ayant particulièrement œuvré pour cette cause. Pourtant, à la suite des membres de l’association qui ont elles-mêmes tenté de retracer leur histoire36, les historiennes qui se sont penchées sur ces archives n’ont que peu adopté cette perspective de recherche, appréhendant plutôt la FIFDU comme un réseau de femmes scientifiques37. Joyce Goodman fait exception en réalisant quelques études d’initiatives particulières de la fédération dans le domaine éducatif38. Elle étudie d’autres pans de leur programme39, ainsi que leur posture de neutralité politique justifiée par leurs engagements pacifistes40. Les analyses des actions des branches nationales de la FIFDU pour la promotion de l’éducation supérieure des femmes ont été plus fécondes, dans le cadre de travaux sur l’accès des femmes aux universités41. Les derniers travaux existants ont consisté en des études générales d’associations nationales42, traitant de leurs actrices, des réseaux dans lesquels elles s’insèrent et de leurs engagements pour la promotion des droits des femmes. Tout en tirant parti de ces études, notre approche vient ainsi combler un vide historiographique dans le dynamique champ de recherche des mouvements internationaux féminins, et cherche à renouveler les approches en le croisant avec l’histoire de l’éducation supérieure.
L’accès des femmes à l’éducation supérieure, entre logiques nationales et internationalisation
Une histoire marquée par les migrations internationales d’étudiantes
18Analyser la mise en place et les actions d’une association internationale de diplômées prend tout son sens si l’on considère que l’histoire de l’accès des femmes à l’université est indissociable de l’étude de formes d’internationalisation de l’enseignement supérieur. À partir de la seconde moitié du xixe siècle, les premières étudiantes à fréquenter les universités d’Europe occidentale sont des étrangères, en provenance notamment des pays d’Europe de l’Est où, selon les cas, elles ne peuvent étudier du fait de conditions d’enseignement limitées ou de discriminations confessionnelles ou ethniques43. Ne pouvant prétendre exercer une profession libérale dans le pays d’étude, ces étrangères ne représentent pas une concurrence pour les étudiants masculins, et elles arrivent à ouvrir les portes des établissements supérieurs aux femmes en particulier dans les pays où l’offre universitaire est trop abondante par rapport à la demande nationale comme en Suisse ou en Belgique44. Ces migrations permettent dans un second temps l’entrée des femmes locales dans les universités de leur propre pays, même si celles-ci ont davantage de difficultés à y accéder car elles n’ont généralement pas les possibilités d’obtenir le diplôme de fin d’études secondaires nécessaire, et elles ne bénéficient pas des équivalences de diplômes mises en place pour les étrangères. En France, le baccalauréat reste difficile à obtenir pour les femmes avant la réforme de l’enseignement secondaire de 1902 qui crée un enseignement plus moderne, et surtout avant le décret Bérard de 1924 qui assimile les programmes masculins et féminins de l’enseignement secondaire45. De la même manière à Genève, l’École secondaire et supérieure de jeunes filles ne prépare pas les élèves à la maturité avant 192546. Dans ces conditions, les aspirantes à l’enseignement supérieur doivent se former par elles-mêmes47, ou demander des dérogations pour fréquenter les grandes classes des lycées de garçons48. Aux États-Unis également, alors que l’enseignement supérieur féminin est très développé, les femmes restent cantonnées au premier cycle et ont peu accès aux études avancées. Dès lors, elles doivent souvent terminer leurs cursus en Europe pour y obtenir les plus hauts diplômes. À leur retour, elles contribuent à l’élévation des standards requis sur le marché du travail de leur pays, puisqu’elles attestent de diplômes plus élevés que leurs compatriotes, et elles utilisent parfois leurs positions pour participer activement à l’élévation du niveau universitaire49. Les fondatrices de la FIFDU sont nombreuses à avoir elles-mêmes expérimenté les mobilités internationales, en tant qu’étudiantes ou en tant que professeures. Étudier leurs trajectoires individuelles permettra ainsi d’analyser ces stratégies internationales de contournement des obstacles limitant l’accès des femmes aux différents diplômes.
19Ces parcours seront également mis en relation avec leurs engagements associatifs, puisqu’elles sont sensibilisées à l’utilisation des séjours à l’étranger pour la promotion des carrières féminines. Elles vont notamment mettre en place un programme de bourses internationales de recherche et d’études avancées pour permettre à des chercheuses de passer plusieurs mois à l’étranger pour y poursuivre leurs recherches. En tâchant de déterminer les spécificités de ce programme en termes de formation des boursières et d’échanges interculturels, nous chercherons à apporter notre contribution à un champ de recherche en plein développement. En effet, sous l’impulsion des chercheurs travaillant sur les grandes organisations philanthropiques américaines qui représentent les principales structures de financement de ce type de bourses, les historiens commencent à se pencher plus sérieusement sur ces programmes et à explorer les transferts culturels et les liens entre nationalisme et internationalisme qui s’établissent dans ces contextes d’échanges universitaires50. Les dirigeantes de la FIFDU mettant sur pied l’un des rares programmes de la période ciblant un public strictement féminin, il s’agira aussi d’interroger le rôle du voyage d’études à l’étranger dans les trajectoires académiques féminines et dans la construction d’une identité collective de femmes diplômées. Par-là, nous nous proposons d’apporter quelques pistes de réflexion au champ de l’histoire du voyage au féminin51.
Entre coopération intellectuelle et diplomatie universitaire : des initiatives locales et internationales pour favoriser les études et améliorer les conditions de vie des étudiantes
20De manière plus générale, le voyage est au cœur du projet pacifiste et internationaliste des fondatrices de la FIFDU. Perçu comme le moyen le plus efficace de se confronter aux autres cultures, il est pensé dans différents cadres ; congrès de la fédération, bourses internationales, échanges de professeurs, de médecins et d’autres professionnelles52, séjours touristiques. Elles réfléchissent à l’accueil des diplômées et des boursières en voyage à l’étranger, cherchant à faciliter leur intégration au pays hôte et à stimuler les rencontres entre femmes de cultures variées pour développer la compréhension internationale. Pour ce faire, elles souhaitent mettre en place des clubs internationaux dans les grandes villes universitaires, qui fonctionneraient comme des résidences pour diplômées en voyage, projet qu’elles arrivent effectivement à mener à bien à Paris, Londres et Milan. En outre, ces deux priorités d’action – bourses et clubs internationaux – sont stimulées par le contexte de forte internationalisation de l’enseignement supérieur qui s’établit dès le tournant du siècle. Cette internationalisation peut être mise en lien d’une part avec les politiques nationales de « diplomatie universitaire53 » visant à faire rayonner les systèmes universitaires nationaux par-delà les frontières, et qui se traduisent concrètement par une recherche de financements auprès des États, collectivités, et mécènes privés pour développer les infrastructures universitaires et œuvres pour étudiants, et stimuler la présence de professeurs et d’étudiants à l’étranger. D’autre part, le développement de la « coopération intellectuelle internationale54 » impulsée par la SDN pour faire collaborer des intellectuels et scientifiques du monde entier et favoriser les échanges universitaires internationaux, a également participé à cette internationalisation de l’enseignement supérieur.
21Alors que les dirigeantes de la FIFDU se revendiquent clairement en faveur de la coopération intellectuelle internationale et cherchent à collaborer activement avec la SDN et l’IICI, elles ne se positionnent pas au premier abord dans une politique de diplomatie universitaire susceptible de développer les systèmes universitaires nationaux. Néanmoins, Daniel Laqua a bien montré que derrière les idéaux, la coopération intellectuelle internationale n’est pas exempte d’enjeux nationalistes55, et la création des clubs internationaux de la FIFDU fait écho à certains projets de grande envergure menés pour attirer des étudiants étrangers dans des grandes villes universitaires, au premier rang desquels se trouve la Cité internationale universitaire de Paris56. Si l’ampleur de la Cité internationale est sans commune mesure avec les clubs de la fédération, l’étude de ces derniers permet de contribuer à diversifier nos connaissances de toute la palette des initiatives publiques et associatives mises en place pour stimuler l’internationalisme tout en améliorant les conditions de vie des étudiants et étudiantes. Elle permet aussi de se confronter davantage au cœur de l’expérience du séjour d’études à l’étranger des boursières et des diplômées voyageuses, et ainsi d’analyser les besoins de soutien matériel et moral des étudiantes.
Des sciences au politique : l’expertise comme moyen d’infiltration des grandes organisations internationales
22La notion de coopération intellectuelle à laquelle adhèrent fortement les dirigeantes de la FIFDU nous amène immanquablement au dernier champ dans lequel nous situons notre travail : celui de l’histoire des organisations internationales. Les recherches actuelles tendent à réinterroger leur rôle dans l’élaboration d’un système de régulation internationale et dans la circulation transnationale des idées, et ainsi à rendre compte de leur impact sur les politiques publiques nationales57. Si certains travaux récents, en particulier ceux de l’équipe ERHISE, ont mis en évidence l’intégration des problématiques éducatives à l’agenda des organisations internationales58, peu ont encore exploré la place prise par la question de l’éducation des filles et des femmes sur la scène internationale. Pourtant, les recherches sur les femmes dans les organisations internationales suscitent un intérêt certain chez les historiens et les historiennes. Les travaux existants entendent surtout évaluer la place prise par les femmes dans ces organisations – à la fois individuellement en tant que fonctionnaires et collectivement en tant qu’associations –, et le rôle qu’elles ont joué dans la prise en compte des droits des femmes à une échelle globale59. Ce faisant, il s’agit aussi d’analyser les processus d’intégration des femmes au domaine politique, les associations et les organisations internationales leur permettant de jouer un rôle sur la scène publique à une époque où certaines d’entre elles n’ont pas encore gagné la bataille pour le droit de vote60.
23Tout comme d’autres associations de femmes, les dirigeantes de la FIFDU usent de stratégies pour infiltrer ces organisations internationales. En particulier, elles valorisent leur formation universitaire pour justifier d’un potentiel d’expertise dans divers domaines, relativement variés durant l’entre-deux-guerres puis qui tendent à se resserrer sur les problématiques strictement féminines après la Seconde Guerre mondiale. Pour ce faire, elles mènent un grand nombre d’enquêtes internationales sur les études universitaires, l’éducation des filles, les carrières ouvertes aux femmes, ou encore le statut économique et juridique des femmes. Elles se frayent ainsi également une voie de participation aux jeunes sciences sociales, moins formelle que dans les institutions de sciences sociales qu’elles peinent à intégrer61 mais dont le retentissement est davantage politique. Le concept de « féminisme d’expertise » théorisée par Françoise Thébaud à partir des travaux de politologues sur les féminismes d’État et les « fémocrates », s’adapte ainsi parfaitement aux visées des dirigeantes de la FIFDU :
« Parlant “d’expertise féministe” et “d’expertes féministes”, ces travaux associent d’abord la notion d’objectivité scientifique – appuyée sur des enquêtes scientifiques et des connaissances acquises dans des formations diplômantes et par l’expérience –, même si les effets de l’expertise sont politiques62. »
24L’ambition de notre travail est bien de coupler les approches, et d’utiliser cette étude de cas sur la FIFDU pour éclairer les intersections entre féminisme et éducation, et pour examiner la manière dont ces revendications ont été accueillies, exploitées et diffusées par les organisations internationales.
Écrire l’histoire d’une association internationale féminine : sources et précisions méthodologiques
25Écrire l’histoire d’une association féminine implique de mobiliser le genre comme catégorie d’analyse, que Joan W. Scott définit comme « un élément constitutif de rapports sociaux fondés sur des différences perçues entre les sexes, et […] une façon première de signifier des rapports de pouvoir63 ». Le genre permet de penser les différences comme une construction sociale, ce que Françoise Thébaud précise ainsi :
« L’utilisation du genre dénaturalise la différence des sexes – “LA femme” n’existe pas, pas plus que “L’homme” – et invite à analyser, dans leurs contextes et par une comparaison dynamique, la construction des rôles (masculin et féminin) et des identités sexuées64. »
26Mobiliser la catégorie analytique du genre dans le cadre de l’étude d’une association dont les membres se revendiquent explicitement comme « femmes diplômées », permet de questionner la construction sociale de cette identité. Quelles relations entretiennent-elles avec les normes de leur époque ? Lesquelles ont-elles intégré, de quelle manière se les approprient-elles, lesquelles cherchent-elles à adapter, voire à transgresser ? Il permet également de réfléchir aux paradoxes existants entre la décision des dirigeantes de créer une association non mixte, alors même que leurs objectifs visent à atteindre la pleine égalité d’accès aux études et aux professions supérieures. Dans une société marquée par des rapports de domination au profit des hommes – qu’elles expérimentent au quotidien au cours de leurs études, dans leur vie professionnelle, mais également au sein des grandes organisations internationales avec qui elles collaborent – comment se positionnent-elles face à leurs homologues masculins ?
27Cependant, l’utilisation du concept « genre » ne doit pas occulter d’autres catégories d’analyse, et nous raisonnerons donc aussi en termes d’intersectionnalité qui « vise à décrire des formes combinées de domination renvoyant aux dilemmes stratégiques et identitaires de certaines catégories de la population65 ». Compte tenu de la nature internationale de la FIFDU, il s’agira de croiser différentes catégories d’analyse, et notamment le genre et l’origine nationale et ethnique. Les membres de la fédération appartenant globalement aux mêmes classes sociales – moyennes et supérieures – il sera moins opérant de prendre en compte cette variable comme outil analytique, même si nous interrogerons justement cette homogénéité et ses effets sur les normes incorporées et les prises de positions des diplômées.
28Pour écrire l’histoire de la FIFDU, ce sont les archives associatives qui ont été les plus mobilisées. Les archives de la fédération, conservées à l’Atria Institute on gender equality and women’s history à Amsterdam, se sont révélées extrêmement riches, les responsables de la FIFDU ayant consigné et conservé un grand nombre de documents retraçant la vie de l’association, les décisions prises, les actions réalisées, les événements organisés. La série de rapports des congrès de la FIFDU a constitué un type de sources particulièrement utile. Ces rassemblements, qui ont lieu tous les deux ans jusqu’en 1926 puis tous les trois ans, voient se réunir les membres du bureau et des diverses commissions de travail, les déléguées des différentes associations nationales, et des membres de ces associations dans une proportion plus ou moins grande selon les années et les groupements. Ces sources publiées se sont avérées plus détaillées que les procès-verbaux des mêmes événements, en particulier car elles contiennent les retranscriptions des principaux discours ou conférences qui n’apparaissent pas dans les comptes-rendus administratifs. Elles contiennent également les rapports des différentes commissions de travail, et permettent ainsi de brosser une vue d’ensemble des évolutions des objectifs des dirigeantes sur la longue durée, ainsi que des actions projetées et celles réalisées.
29Si, du fait de leur formation universitaire, les dirigeantes de la FIFDU semblent avoir entretenu un rapport à l’écrit moins « rare et utilitaire66 » que d’autres types d’associations, elles ont tout autant soigné leurs publications officielles qui leur servaient de vitrine. Elles les ont diffusées aux associations nationales ainsi qu’aux organisations internationales, puisque nous en avons retrouvé certaines dans les archives de la SDN. Comme l’a noté Armelle Le Goff, ces documents sont extrêmement subjectifs, car ils résultent de choix éditoriaux et de stratégies d’affichage de certaines priorités idéologiques et programmatiques. Cette critique peut être faite également aux autres documents présents dans les archives de la fédération, puisque même les procès-verbaux sont sujets à des omissions volontaires de certains points ou à des développements particulièrement détaillés d’autres sujets. En particulier, nous n’y retrouvons que peu les « échecs » assumés des dirigeantes, puisque celles-ci préfèrent souligner leurs réussites. Il y a souvent une euphémisation voire une invisibilisation des difficultés et des obstacles rencontrés, ainsi que des controverses et désaccords entre les protagonistes, ce qui rend difficile l’analyse des dissensions ayant existé au sein de la fédération. Nous les découvrons parfois dans les archives de périodes bien plus récentes, car ces tensions peuvent être affichées et analysées par les actrices de manière rétrospective, mais ces cas de figure restent rares.
30Ces limites des archives associatives ont déterminé une partie de notre démarche, car nous avons décidé d’utiliser ces sources pour ce qu’elles sont officiellement : des archives privées. Tout comme les écrits personnels67, par les choix d’écriture et de sélection qu’elles supposent, la constitution des archives de la FIFDU permet la présentation orchestrée d’« un » visage de l’association. Mais justement, cette écriture subjective d’un « nous » par les responsables de la fédération nous intéresse en soi. Quelles représentations portent-elles sur elles-mêmes, à la fois comme groupe associatif et comme groupe social ? En quoi ces modes d’écriture participent-ils de la construction d’une identité collective d’un « corps » de diplômées ? Quelles mises en scène réalisent-elles de leurs réussites, combats voire échecs ? En gardant ces questions à l’esprit, mais également en interrogeant aussi souvent que possible les silences des sources et ce que les dirigeantes ont délibérément pu taire, nous pensons pouvoir nous prémunir contre l’écriture d’une histoire hagiographique de la fédération. Car l’ambition est bien, à partir de l’étude d’une association spécifique, de restituer une histoire culturelle, au sens d’une « histoire sociale des représentations, ou […] une histoire des représentations collectives68 ». Nous cherchons à décrire le groupe social des membres de la FIFDU – et ainsi de plusieurs générations de diplômées de l’enseignement supérieur –, en faisant ressortir des actrices et en étudiant leurs parcours, représentations et pratiques autour des questions éducatives, dans toutes leurs diversités et particularités.
31L’étude d’une association internationale implique nécessairement de se décentrer des cadres nationaux traditionnellement utilisés pour analyser les faits historiques, et d’adopter une perspective transnationale69. Celle-ci entend effectuer un « décloisonnement du regard70 » pour s’intéresser moins aux nations de manière individuelle qu’aux circulations, connexions, interrelations « qui se développent à la fois entre les États-nations, mais aussi au-dessus, au-delà, et en deçà de ceux-ci71 ». Afin d’appréhender en quoi les échanges transnationaux mis en place par la FIFDU façonnent – ou non – les politiques et initiatives privées nationales, il est impératif de multiplier les angles d’analyse par des jeux d’échelles72, confrontant les grands débats et prises de positions ayant cours sur la scène internationale à des exemples de situations plus locales. Dans ce cadre, nous nous efforcerons dans la mesure du possible d’éclairer les projets et actions impulsées à l’échelle internationale par le petit cercle des dirigeantes de la FIFDU, par des études de cas d’associations nationales censées décliner localement les projets de la fédération. Nous trouvons des traces des actions menées au niveau local dans les archives de la FIFDU, mais nous avons aussi dépouillé d’autres fonds d’archives associatives, en particulier celles de trois branches nationales et locales de la FIFDU ; l’Association des Françaises diplômées des universités (AFDU), la British Federation of University Women (BFUW), et l’Association genevoise des femmes universitaires (AGFU). Nous avons complété ces archives associatives par des archives privées de quelques membres ayant joué un rôle important dans la vie de la fédération, notamment les papiers personnels de la Britannique Caroline Spurgeon, et des Françaises Marie-Louise Puech et Jeanne Chaton, ainsi que l’autobiographie publiée de l’États-unienne Virginia Gildersleeve73. Ces archives associatives et de dirigeantes ont été complétées par les archives de l’IICI, de l’Unesco, et de la section de coopération intellectuelle de la SDN.
Construction de l’ouvrage
32Cette recherche d’histoire transnationale, à la croisée de l’histoire sociale de l’éducation et de l’histoire des femmes et du genre, enrichie de l’histoire des relations internationales, prend en compte la période allant de la création de la fédération en 1919 jusqu’à la fin des années 1960. Ce choix s’entend du fait de la temporalité des mouvements féminins, que nous avons décrite plus haut, et permet d’interroger la transition entre les deux vagues du féminisme. En outre, elle constitue une période charnière en ce qui concerne l’accès des femmes aux études universitaires et aux carrières intellectuelles ; il s’agit d’un moment d’accélération de la féminisation des universités et des professions supérieures, au cours duquel les femmes cessent d’y constituer des « exceptions » comme à la fin du xxie siècle. Dans son ouvrage sur l’histoire de l’égalité professionnelle en Europe, Sylvie Schweitzer dit avoir opéré un « nécessaire lissage des chronologies pour dégager un mouvement d’ensemble » des pays européens, et décrit la période de 1920 à 1970 comme celle de « la percée numérique des femmes dans les différentes professions74 ». Par ailleurs, ce choix de périodisation permet également d’analyser la mise en place des liens de collaboration de la FIFDU avec les différentes instances de l’ONU sur une vingtaine d’années, et d’étudier les changements de thématiques qui privilégient progressivement les problématiques strictement féminines. Ceci préfigure l’intensification des travaux de l’ONU sur les femmes qui s’effectue après 1970 avec la préparation de l’« année de la Femme », qui se tient en 1975, puis de la « décennie de la Femme » (1975-1985)75.
33Dans un premier temps, nous analyserons la construction par les dirigeantes de la FIFDU d’une identité collective. Cherchant à fédérer les diplômées du monde entier autour de principes communs, nous verrons dans le premier chapitre comment les parcours individuels des fondatrices – savamment mis en scène dans la littérature de l’association – façonnent les bases idéologiques sur lesquelles repose leur programme d’action. Dans le deuxième chapitre, nous chercherons à analyser si le mode d’organisation de la FIFDU permet effectivement aux dirigeantes d’atteindre leurs objectifs internationalistes, en interrogeant le caractère international de la fédération.
34Les deux chapitres suivants visent à étudier le programme d’action mis en place par les dirigeantes pour promouvoir l’accès des femmes à l’enseignement supérieur. Le chapitre iii s’intéresse au programme de bourses internationales d’études et de recherche, et aux modes d’accueil que les associations nationales mettent en place à destination de ces boursières et, plus globalement, des diplômées en voyage dans leur pays. Le chapitre iv consiste en l’étude de trois initiatives menées par des branches locales de la fédération pour apporter aux jeunes filles de la documentation sur les études universitaires et les professions supérieures, et pour développer l’orientation professionnelle.
35Les deux derniers chapitres s’intéressent aux liens qui s’établissent entre la FIFDU et les organisations internationales, et qui permettent aux dirigeantes de la fédération de médiatiser leurs revendications en affichant une posture d’expertise dans certains domaines spécifiques. Le chapitre v explore les relations qui se mettent en place durant l’entre-deux-guerres avec la SDN et l’IICI, au sein desquels les membres de la FIFDU cherchent surtout à apparaître comme des spécialistes des questions universitaires. Dans le chapitre vi, nous verrons les évolutions qui se produisent après la Seconde Guerre mondiale avec la mise en place de l’Organisation des Nations unies et la création de l’Unesco, qui entraîne le recentrage des activités de la FIFDU sur la problématique de l’éducation des filles et des femmes.
Notes de bas de page
1Klejman Laurence et Rochefort Florence, L’égalité en marche. Le fémisme sous la IIIe République, Paris, Presses de la FNSP/Des femmes, 1989, p. 251-252.
2Propos d’Henri Delacroix, doyen de la faculté des lettres, cité par Béliard Octave, « Jeunes filles 1932 à la conquête des diplômes », Lectures pour tous, juillet 1932, p. 9-16, p. 12, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5421228k/f1.image.r=lectures%20pour%20tous%20jeunes%20filles%20à%20la%20conquête%20des%20diplômes], consulté le 13 mars 2023.
3Propos de Victor Balthazard, doyen de la faculté de médecine, cité par Béliard Octave, « Jeunes filles 1932 à la conquête des diplômes », art. cité, p. 14.
4Ces représentations des compétences intellectuelles féminines ont des incidences sur les inégalités d’accès aux différents champs de savoirs, comme l’a montré Mosconi Nicole, « La femme savante. Figures de l’idéologie sexiste dans l’histoire de l’éducation », Revue française de pédagogie, no 93, 1990, p. 27-40.
5Propos d’Henry Berthelémy, cité par Béliard Octave, « Jeunes filles 1932 à la conquête des diplômes », art. cité, p. 16.
6Propos de Georges Urbain, directeur de l’Institut de chimie de Paris, cité par Béliard Octave, « Jeunes filles 1932 à la conquête des diplômes », art. cité, p. 13.
7À titre d’exemple, en France, où elles accèdent aux universités à partir des années 1860, elles sont de l’ordre de 3,5 % du public étudiant en 1905-1906 et 25 % en 1935-1936. Voir en particulier pour la France, Puche Amélie, Les femmes à la conquête de l’Université (1870-1940), Paris, L’Harmattan, 2022 ; pour la Grande-Bretagne, Dyhouse Carol, No Distinction of Sex? Women in British Universities 1870-1939, Londres, Routledge, 1995 ; pour les États-Unis, Solomon Barbara M., In the Compagny of Educated Women: A History of Women and Higher Education in America, New Haven, Yale University Press, 1985.
8Charle Christophe, « Les femmes dans l’enseignement supérieur. Dynamique et freins d’une présence, 1946-1992 », in Patrick Fridenson (dir.), Avenirs et avant-gardes en France, Paris, La Découverte, coll. « TAP/HIST contemporaine », 1999, p. 84-105, p. 84-85.
9Rennes Juliette, Le mérite et la nature, Une controverse républicaine: l’accès des femmes aux professions de prestige, 1880-1940, Paris, Fayard, 2007, p. 55.
10Schweitzer Sylvie, « Du vent dans le ciel de plomb ? L’accès des femmes aux professions supérieures, xixe-xxe siècles », Sociologie du travail, vol. 51, p. 183-198 ; Buscatto Marie et Marry Catherine, 2009, « “Le plafond de verre dans tous ses éclats”. La féminisation des professions supérieures au xxe siècle. Introduction », Sociologie du travail, vol. 51, no 2, 2009.
11Rasmussen Anne, « Tournant, inflexions, ruptures : le moment internationaliste », Mil neuf cent. Revue d’histoire culturelle, vol. 1, no 19, 2001, p. 27-41.
12Thébaud Françoise, Écrire l’histoire des femmes et du genre, Lyon, ENS Éditions, 2007 (1998).
13Rochefort Florence, Histoire mondiale des féminismes, Paris, Presses universitaires de France, 2018.
14Gubin Éliane, Jacques Catherine, Rochefort Florence, Studer Brigitte, Thébaud Françoise et Zancarini-Fournel Michelle (dir.), Le siècle des féminismes, Paris, Les éditions de l’Atelier/Éditions ouvrières, 2004.
15Gerhard Ute, « Concepts et controverses », in Éliane Gubin et al. (dir.), Le siècle des féminismes, op. cit., p. 47-63, p. 48.
16Bereni Laure, « Penser la transversalité des mobilisations féministes : l’espace de la cause des femmes », in Christine Bard (dir.), Les féministes de la deuxième vague, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 27-41.
17IFUW archives, Atria, dossier 88, Report of the 13th Conference, Helsinki, 1959, p. 9.
18Mosconi Nicole, « Mai 68 : le féminisme de la “deuxième vague” et l’analyse du sexisme en éducation », Les sciences de l’éducation – Pour l’Ère nouvelle, vol. 41, no 3, 2008, p. 117-140. Il est impossible ici de rendre compte de l’ensemble de ces travaux, citons tout de même pour la France : Bard Christine, Les Filles de Marianne. Histoire des féminismes (1914-1940), Paris, Fayard, 1995 ; Bard Christine (dir.), Les féministes de la première vague, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.
19Mosconi Nicole, « Mai 68 : le féminisme de la “deuxième vague”… », art. cité, p. 117-140. De la même manière, pour la France, Bard Christine (dir.), Les féministes de la deuxième vague, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
20Chaperon Sylvie, Les années Beauvoir (1945-1970), Paris, Fayard, 2000.
21Bard Christine, « Faire des vagues », in Karine Bergès, Florence Binard et Alexandrine Guyard-Nedelec (dir.), Féminismes du xxie siècle : une troisième vague ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 31-45.
22Offen Karen, Les Féminismes en Europe (1700-1950), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 56.
23Pavard Bibia, « Faire naître et mourir les vagues : comment s’écrit l’histoire des féminismes », Itinéraires, 2017-2, 2018, [https://journals.openedition.org/itineraires/3787#quotation], consulté le 16 mars 2023.
24Anderson Bonnie, Joyous Greetings: The First International Women’s Movement 1830-1860, Oxford, Oxford University Press, 2000.
25En anglais, elle utilise le terme « major », pour définir ces associations, du fait de leurs revendications larges et de leur important nombre d’adhérentes. Rupp Leila, Worlds of Women. The Making of an International Women’s Movement, Princeton, Princeton University Press, 1997.
26Gubin Éliane et Van Molle Leen (dir.), Des femmes qui changent le monde, Histoire du Conseil international des femmes, Bruxelles, Éditions Racine, 2005.
27Foster Catherine, Women for All Seasons: The Story of the Women’s International League for Peace and Freedom, Athens, University of Georgia Press, 1989.
28Rochefort Florence, Histoire mondiale des féminismes, op. cit., p. 19.
29Leila Rupp a montré que les dirigeantes du CIF, de l’AISF et de la LIFPL sont généralement d’origine européenne, de confession chrétienne, plutôt âgées, et appartiennent à une élite. Rupp Leila, Worlds of Women, op. cit. Se centrant sur le CIF, Catherine Jacques met également en évidence la présence de diplômées de l’enseignement supérieur parmi les dirigeantes, qui impulsent les dynamiques et les prises de positions, tandis que de riches bourgeoises et aristocrates offrent aux associations les moyens financiers nécessaires à leur fonctionnement. Jacques Catherine, « Construire un réseau international : l’exemple du Conseil international des femmes (CIF) », in Éliane Gubin et al. (dir.), Le siècle des féminismes, op. cit., p. 131.
30Sandell Marie, The Rise of Women’s Transnational Activism: Identity and Sisterhood Between the World Wars, Londres, Tauris, 2015.
31Par exemple, Roces Mina et Edwards Louise (dir.), Women’s Movements in Asia. Feminisms and Transnational Activism, Londres/New York, Routledge, 2010 ; Rillon Ophélie et Bouilly Emmanuelle (dir.), « Femmes africaines et mobilisations collectives (années 1940-1970) », Le Mouvement social, vol. 2, no 255, 2016.
32De Haan Francisca, Allen Margaret, Purvis June et Daskalova Krassimira, « Introduction », in Francisca de Haan et al. (dir.), Women’s Activism. Global Perspectives from the 1890s to the Present, Londres/New York, Routledge, 2013, p. 4-5.
33Sandell Marie, « Regional versus International: Women’s Activism and Organisational Spaces in the Inter-war Period », The International History Review, vol. 33, no 4, 2011, p. 604-625 ; Goodman Joyce, « Education, Internationalism and Empire at the 1928 and 1930 Pan-Pacific Women’s Conferences », Journal of Educational Administration and History, vol. 46, no 2, 2014, p. 145-159.
34De Haan Francisca, « Continuing Cold War Paradigms in Western Historiography of Transnational Women’s Organisations: the Case of the Women’s International Democratic Federation (WIDF) », Women’s History Review, vol. 19, no 4, 2010, p. 547-573.
35Saunier Pierre-Yves, « La secrétaire générale, l’ambassadeur et le docteur. Un conte en trois épisodes pour les historiens du “monde des causes” », Monde(s). Histoire, espaces, relations, vol. 1, no 1, 2012, p. 29-47, p. 29.
36C’est à Edith Batho que l’on doit le premier document rendant compte de l’histoire de la FIFDU, rédigé à l’occasion du jubilé en 1968. Batho Edith, A Lamp of Friendship, A Short History of the International Federation of University Women, Londres, IFUW, 1968.
37On pense surtout au seul ouvrage d’envergure écrit sur la FIFDU, qui est celui de Von Oertzen Christine, Science, Gender, and Internationalism: Women’s Academic Networks, 1917-1955, Basingtoke, Palagrave Macmillan, 2014, ainsi qu’à la thèse de Cabanel Anna, La fabrique d’une persona scientifique au féminin: l’International Federation of University Women (années 1920-années 1960), thèse d’histoire, KU Leuven, Rijksuniversiteit Groningen, 2019.
38Goodman Joyce, « Women and international intellectual Co-Operation », Paedagogica Historica, vol. 48, no 3, 2012, p. 357-368 ; Goodman Joyce, « Visualizing Girls’ Secondary Education in Interwar Europe: Amélie Arató’s L’Enseignement Secondaire des Jeunes Filles en Europe », in Martin Lawn (dir.), The Rise of Data in Education Systems: Collection, Visualization and Use, 2013, p. 117-138 ; Goodman Joyce, « International Women’s Organisations and Education », in Tanya Fitzgerald (dir.), Handbook of Historical Studies in Education, Netherlands, Springer, 2020, p. 697-713.
39Goodman Joyce, « International Citizenship and the International Federation of University Women before 1939 », History of Education, vol. 40, no 6, 2011 p. 701-721.
40Goodman Joyce, « International Women’s Organisations, Peace and Peacebuilding », in Aigul Kulnazarova et Vesselin Popovski (dir.), The Palgrave Handbook of Global Approaches to Peace, Londres, Palgrave, 2019, p. 441-459.
41Pour la Grande-Bretagne, Dyhouse Carol, « The British Federation of University Women and the Status of Women in Universities, 1907-1939 », Women’s History Review, vol. 4, no 4, 1995, p. 465-485. On retrouve quelques bribes d’information sur la Fédération irlandaise dans Harford Judith, « An Experiment in the Development of Social Networks for Women: Women’s Colleges in Ireland in the Nineteenth Century », Paedagogica Historica, vol. 43, no 3, 2007, p. 365-381 ; pour les États-Unis, Eisenmann Linda, Higher Education for Women in Postwar America, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2006.
42Il s’agit de l’histoire de l’association américaine, Levine Susan, Degrees of Equality: The American Association of University Women and the Challenge of Twentieth-Century Feminism, Philadelphie, Temple University Press, 1995 ; de l’association britannique, Spencer Stephanie, « Cosmopolitan Sociability in the British and International Federations of University Women, 1945-1960 », Women’s History Review, vol. 26, no 1, 2017, p. 93-109 ; Golby Alison, A socio-historical Study of the British Federation of University Women, 1930-1957, thèse de doctorat, Portsmouth, université de Portsmouth, 1999 ; de l’association française, Fouché Nicole, « Des américaines protestantes à l’origine des “University Women” françaises, 1919-1964 », Bulletin de la Société d’histoire du protestantisme français, no 146, 2000, p. 133-152 ; pour la Suisse Vincenz Bettina, Biederfrauen oder Vorkämpferinnen? Der Schweizerische Verband der Akademikerinnen (SVA) in der Zwischenkriegzeit, Baden, Hier + Jetzt, Verlag für Kultur und Geschichte, 2011.
43Tikhonov-Sigrist Natalia, « Les étudiantes étrangères dans les universités occidentales. Des discriminations à l’exil universitaire », in Patrick Ferté et Caroline Barrera (dir.), Étudiants de l’exil. Migrations internationales et universités refuges (xvie-xxe siècle), Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2010, p. 105-117.
44Tikhonov Natalia, « Migrations des étudiants et féminisation de quelques universités européennes. À la recherche d’une convergence », in Peter Harmut Rudiger et Natalia Tikhonov (dir.), Universitäten als Brücken in Europa: Studien zur Geschichte der studentischen Migration. Les universités : des ponts à travers l’Europe. Études sur l’histoire des migrations étudiantes, Berne, Peter Lang, 2003, p. 43-53.
45Mayeur Françoise, L’enseignement secondaire des jeunes filles sous la Troisième République, Paris, Presses de la FNSP, 1977.
46Renevey-Fry Chantal, En attendant le prince charmant. L’éducation des jeunes filles à Genève, Genève, SRED, 1997.
47Christen-Lécuyer Carole, « Les premières étudiantes de l’université de Paris », Travail, genre et sociétés, vol. 2, no 4, 2000, p. 35-50 ; Condette Jean-François, « “Les Cervelines” ou les femmes indésirables. L’étudiante dans la France des années 1880-1914 », Carrefours de l’éducation, vol. 1, no 15, 2003, p. 38-61.
48Pezeu Geneviève, Des filles chez les garçons. L’apprentissage de la mixité, Paris, Vendémiaire, 2020.
49Rossiter Margaret W., Women Scientists in America: Struggles and Strategies to 1940, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1984.
50Tournès Ludovic et Scott-Smith Giles (dir.), Global Exchanges: Scholarships and Transnational Circulations in the Modern World, New York, Berghahn Books, 2018.
51Rogers Rebecca et Thébaud Françoise (dir.), « Voyageuses », Clio. Histoire, femmes et sociétés, no 28, 2008 ; et les deux numéros « Voyageuses et histoire(s) », Genre et histoire, no 8, 2011 et no 9, 2011 ; ainsi que Bourguinat Nicolas (dir.), Le voyage au féminin. Perspectives historiques et littéraires (xviiie-xxe siècles), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2008.
52Les échanges de professeurs, de médecins et d’autres professionnelles (notamment archivistes, bibliothécaires…) auront moins de succès que le programme de bourses de recherches, notamment à cause de la difficulté de trouver des conditions salariales comparables entre pays.
53Tronchet Guillaume, Savoirs en diplomatie. Une histoire sociale et transnationale de la politique universitaire internationale de la France (années 1880-1930), thèse de doctorat d’histoire, Paris, université Paris 1, 2014.
54Grandjean Martin, Les réseaux de la coopération intellectuelle. La Société des Nations comme actrice des échanges scientifiques et culturels dans l’entre-deux-guerres, thèse de doctorat d’histoire contemporaine, Lausanne, université de Lausanne, 2018.
55Laqua Daniel, « Internationalisme ou affirmation de la nation ? La coopération intellectuelle transnationale dans l’entre-deux-guerres », Critique internationale, vol. 52, no 3, 2011, p. 51-67.
56Kénovian Dzovinar et Tronchet Guillaume (dir.), La Babel étudiante. La Cité internationale universitaire de Paris, (1920-1950), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013 ; Kénovian Dzovinar et Tronchet Guillaume (dir.), Le Campus monde. La Cité internationale universitaire de Paris, de 1945 aux années 2000, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022.
57Pedersen Susan, « Review Essay: Back to the League of Nations? », American Historical Review, vol. 112, no 4, 2007, p. 1091-1117 ; Kott Sandrine, « Les organisations internationales, terrains d’étude de la globalisation. Jalons pour une approche sociohistorique », Critique internationale, no 52, 2011, p. 9-16.
58Voir notamment Droux Joëlle, « Children and Youth: A Central Cause in the Circulatory Mechanisms of the League of Nations (1919-1939) », Prospects, vol. 45, no 1, 2015, p. 45-63 ; Hofstetter Rita et ERHISE (dir.), Le Bureau international d’éducation, matrice de l’internationalisme éducatif (premier xxe siècle) : pour une charte des aspirations mondiales en matière éducative, Bruxelles, Peter Lang, 2022.
59Miller Carol, Lobbying the League: Women’s International Organizations and the League of Nations, thèse de doctorat, Oxford, université d’Oxford, 1992 ; Winslow Anne (dir.), Women, Politics, and the United Nations, Westport/Londres, Greenwood Press, 1995.
60Cohen Yolande et Thébaud Françoise (dir.), Féminismes et identités nationales : les processus d’intégration des femmes au politique, Lyon, Recherches en sciences humaines, 1998 ; Delaunay Jean-Marc et Denéchère Yves (dir.), Femmes et relations internationales au xxe siècle, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2006 ; Gaspard Françoise, « Les femmes dans les relations internationales », Politique étrangère, no 3-4, 2000, p. 730-741.
61Charron Hélène, Les formes de l’illégitimité intellectuelle. Les femmes dans les sciences sociales françaises 1890-1940, Paris, CNRS Éditions, 2013.
62Thébaud Françoise, « Marguerite Thibert ou la promotion d’un féminisme d’expertise », in Christine Bard (dir.), Les féministes de la première vague, op. cit., p. 155-165. Anne Epstein a montré que cette posture d’expertise féminine se construit dès la fin du xixe siècle dans la France de la Belle époque, Epstein Anne, « Gender and the Rise of the female Expert during the Belle époque », Histoire@Politique, no 14/2, 2011, p. 84-96.
63Scott Joan W., « Genre : une catégorie utile d’analyse historique », Les cahiers du GRIF, no 37-28, 1988, p. 125-153, p. 141.
64Thébaud Françoise, « Sexe et genre », in Margaret Maruani (dir.), Femmes, genre et sociétés. L’état des savoirs, Paris, La Découverte, coll. « TAP/Hors série », 2005, p. 57-66.
65Jaunait Alexandre et Chauvin Sébastien, « Intersectionnalité », in Catherine Achin et Laure Bereni (dir.), Dictionnaire. Genre et science politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, p. 286-297.
66D’après Armelle Le Goff, « les associations humanitaires étant tournées vers l’action, elles recherchent une certaine efficacité. L’écrit est employé seulement quand il est nécessaire et reste donc rare. La parole reste en effet le principal moyen de communication […] » Le Goff Armelle, « Les archives des associations humanitaires au Centre des archives du monde du travail », Gazette des archives, no 194, 2004, p. 117-132, p. 128.
67Artières Philippe et Kalifa Dominique, « Présentation. L’historien et les archives personnelles : Pas à pas », Sociétés et représentations, vol. 1, no 13, 2002, p. 7-15.
68Prost Antoine, « Sociale et culturelle, indissociablement », in Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli (dir.), Pour une histoire culturelle, Paris, Le Seuil, 1997, p. 131-146, p. 134.
69Clavin Patricia, « Defining Transnationalism », Contemporary European History, vol. 14, no 4, 2005, p. 421-439.
70Douki Caroline et Minard Philippe, « Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 54-4 bis, 2007, p. 7-21.
71Saunier Pierre-Yves, « Circulations, connexions et espaces transnationaux », Genèses, vol. 4, no 57, 2004, p. 110-126.
72Revel Jacques (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard/Le Seuil, 1996.
73Gildersleeve Virginia, Many a Good Crusade. Memoirs of Virginia Crocheron Gildersleeve, New York, Macmillan Compagny, 1954.
74Schweitzer Sylvie, Femmes de pouvoir, Une histoire de l’égalité professionnelle en Europe (xixe-xxe siècle), Paris, Payot, 2010, p. 15.
75Winslow Anne (dir.), Women, Politics, and the United Nations, Westport/Londres, Greenwood Press, 1995.
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2008
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2008
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2008
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2008
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