Lettre de Jacques-Antoine Coquille d’Alleux adressée aux administrateurs du département de Maine-et-Loire, ADML, 1 L 364, 6 avril 1792

« À Messieurs,
Messieurs les administrateurs du département de Mayenne et Loire,
Messieurs,
Le sieur Jacques Antoine Coquille d’Alleux curé de Beaupréau a l’honneur de vous exposer que le dimanche des Rameaux premier du présent, voyant qu’on avoit rien disposé pour l’exercice du culte public, se contanta de dire une messe basse où il exhorta le petit nombre de fidèles qui assistent à l’office de s’atourner vers la municipalité affin de pouvoir obtenir tout ce qui est nécessaire pour l’exercice du culte ; il ajouta qu’il avoit fait son possible mais qu’on ne daignoit pas même lui répondre, que cependant il ne pouvoit seul faire toutes les cérémonies si multipliées dans la Semaine Sainte et dans le temps de pasques.
D’après cet avertissement public, n’avoit-il pas lieu d’espérer que tout se trouveroit disposé le jeudi St pour le culte public ? Vous scavez Messieurs, que ce jour on a coutume de parer un autel de tout ce que la fabrique a ordinairement de plus précieux, et pour me servir de l’expression du vulgaire de faire un paradis, qui n’est et ne devroit être que la représentation du tombeau.
À neuf heures et demie du matin le curé se transporte à l’église pour exercer les fonctions de son St ministère ne voyant rien de prest il prent le parti de faire assembler la municipalité, envoye en conséquence chercher Mr le procureur de la commune et Mr le maire pour leur représenter en public, que s’il ne procédoit pas à l’exercice du culte public dans sa forme ordinaire, c’est qu’on le mettoit dans l’impossibilité. Toutes ses précautions furent inutiles la municipalité ne voulut pas se présenter. Ce que voyant le Sr Coquille, il dit aux assistans, mes frères vous voyez que je suis dans l’impossibilité d’exercer le culte, les ennemis du bien public ne manqueront pas de dire que la religion est changée répondez leurs que nous ne changeons rien et que c’est la municipalité qui en me refusant toute espèce de secours est seule cause du scandale qui arrive aujourd’hui.
Le soussigné vous prie, en conséquence, Messieurs, de vouloir bien lui permettre de nommer lui-même les personnes nécessaires pour procéder avec plus de dignité à l’exercice du culte public ; il a l’honneur de vous observer que la municipalité ayant 1 520 livres a sa disposition pour cet objet, il espère qu’en donnant une rétribution honête à un chantre, à un autre enfant de choeur, et à une troisième personne pour porter la croix il pouroit exercer ses fonctions de manière que le peuple ne tarderoit pas à revenir de son erreur. Mais tant qu’il sera seul le peuple accoutumé aux cérémonies de l’église croira que tout est changé, parce qu’on ne chante point, qu’on ne porte plus la croix, ni les chandelliers.
Il ose donc se flatter que vous aller peser les raisons et que vous déterminerez vous mêmes la somme qu’il faut alouer aux différents individus dont il a besoin. À Beaupréau le six avril 1792 l’an quatre de la liberté Coquille Curé de Beaupréau.
Post script.
Ma requête étant faite ce matin, et croyant que sur les avis que j’avois donné, le vendredi St n’offriroit pas un sujet de plainte ; d’autant plus qu’il ne falloit qu’une croix, pour la faire adorer au peuple, et un tapis sur le quel on pouvoit l’exposer. Ces pieux instruments de dévotion pour le temps, n’ayant point paru malgré la réquisition que j’en ai faites je persiste à vous prier d’avoir la complaisance, Messieurs, de vouloir bien faire droit à ma requête. Le sammedi Saint, et les trois fêtes de paques me fourniront les moyens de vous prouver que la municipalité de Beaupréau est la plus anti-curé-constitutionnel qui puisse exister dans l’empire français. Je ne parle pas des hommes que l’ont fait saouler pour venir m’assassiner dans le presbitère ; hommes que j’ai dénoncé (qu’à la vérité on a fait conduire chez moi en me demandant quelle peine je voulois qu’ils subissent) (proposition inconstitutionnelle) à la quelle j’ai répondu, qu’ils étoient sous la loi, et que je n’avois ni ne devois, ni ne pouvois accorder de grace. Qu’il falloit les poursuivres au terme des loix. Ce qui n’a point été fait.
Coquille curé de Beaupreau. »