Lettre de Jacques-Antoine Coquille d’Alleux déposée sur le bureau de la municipalité de la ville de Beaupréau, ADML, 1 L 365, 16 octobre 1791

[En marge :] « Écrire à la municipalité de Beaupréau. Le 30 octobre 1791 écrire une seconde lettre à la municipalité de Beaupréau pour la faire expliquer sur le compte de Mr Coquille au nom du Directoire. Copie de la lettre déposée le 16 octobre sur le bureau de la municipalité de la ville de Beaupréau par Mr Coquille curé constitutionnel de la dite ville. »

« Messieurs,
D’après la lettre que vous me fîtes l’honneur de m’écrire le deux juin dernier et dans laquelle vous me marquiez des avis de scavoir de vos nouvelles enchantés de votre amour pour la patrie, connaissant votre zèle pour rapeler les brebis égarées depersuader vous des fantômes qu’on vous a faits des habitans de cette cité, venez au milieu de votre troupeau qui vous regardera d’un oeil favorable et non comme des rebelles : soyez sur que la paix reigne parmis nous et qu’elle y reignera toujours.
D’après cette lettre MM. je me flatois de faire respecter les loix parce que je pensois qu’un corps administratif qui m’inspiroit cette confience, auroit assez d’énergie pour me mettre sous la sauve-garde de la loi. Aujourd’hui que j’apperçois malheureusement que loin d’être surs de la bonne disposition des habitants, vous n’étiez même pas surs de faire exécuter la loi. Je persiste dans la plainte que j’ai inscrite sur vos registres le trois du présent plainte que j’aurois pu porter depuis que je suis ici, et que j’aurois renouvellée tous les jours depuis qu’elle est inscrite. Plainte à laquelle je vous prie d’ajouter que je ne puis me promener dans mon jardin ou dans ma cour sans risquer d’attraper des coups de pierres que je ne puis sortir sans trouver à mon retour la serrure embarassée de toutes sortes d’ordures enfin que non contants de m’insulter jour et nuit on casse les vitres de chez moi.
Voyant donc MM. que vous ne faites aucuns efforts pour m’assurer la paix et la tranquillité, ou du moins que vos efforts sont inutiles, considérant que l’anarchie est à son comble, désirant épargner des crimes à vos concitoyens comme ministre d’un dieu de paix ne voulant appeler la force publique ni la provoquer ; espérant plus du temps que des peines que l’on pouroit infliger aux coupables que je connois ; mais aux quels je pardonne avec cette douce satisfaction qu’éprouve un vrai chrétien quand il exerce le pardon des injures. Je déclare donc, MM. que je vas m’absenter pendant quinze jours consécutifs, ne pouvant m’absenter plus longtemps sans une permission de Mr l’Evêque et du directoire du district ; permission que j’obtiendrois surement vu les malheureuses circonstances. D’allieurs MM. si je ne reviens pas au bout de la quinzaine vous donnerez avis à Mr le procureur général syndic de mon absence qui m’avertira de retourner à mon poste alors j’espère que l’ordre sera rétabli. Mais soyez surs que je ne reviendrai que lors que la commune m’aura assuré la tranquillité sur sa responsabilité ; ou quand le pouvoir exécutif qui tôt ou tard saura faire respecter la volonté du souverain me l’ordonnera.
Je déclare que comme citoyen je laisse ma maison à la garde des citoyens et à la vigilance de la municipalité ; ne prévoyant pas que ma domestique puisse résister seule aux sotises dont on l’accable tous les jours.
Je remets entre vos mains les clefs de l’Église ne pouvant prendre sur moi d’autoriser quelqu’ecclésiastique que ce soit à me remplacer pendant mon absence pour exercer les fonctions curiales ; Mr l’Evêque sur la réquisition de la municipalité, ayant seul droit de nommer un desservant. Cependant j’observe que MMrs le curé de St Martin ainsi que ses vicaires, n’étant point encore remplacés, peuvent d’après mon consentement que je leur accorde volontiers sur votre réquisition exercer les dites fonctions dans la paroisse de Notre-Dame de Beaupréau. Mais outre les dénommés ci dessus nul ecclésiastique n’a droit d’exercer dans la paroisse les fonctions déclarées publiques, sans vous présenter une approbation signée de Mr Pelletier Évêque du département de Mayne et Loire.
J’assure sur tout ce qu’il y a de plus faire que le motif qui me détermine à prendre ce parti n’est point occasionné par la différance des opinions religieuses, je vois avec douleur à la vérité l’Église déserte, les impiétés qui se commettent à la porte et les blasphèmes qu’on y prononce. Mais comme je ne partage point avec Dieu le pouvoir de scruter les consciences ; je déclare que si les habitans ne m’avoient pas plus inquiétés que je ne les ai inquiété que nous aurions vécu tranquilles bons frères et bons amis, parce que suis persuadé que le vrai chrétien doit prier pour ses frères égarés, et que dieu a seul droit de juger ceux qui sont dans l’erreur. Les raisons qui me déterminent sont inscrites sur vos registres et détaillées dans cette lettre.
J’ai l’honneur d’être avec un profond respect. »

« Je soussigné certifie que Monsieur le curé de Beaupréau m’a remis en main les clefs de l’église, comme aussi certifie que la copie cy dessus et des autres parts est entièrement conforme à l’original je remetteray à la municipalité ainsi que les dittes clefs sitôt qu’ils seront assemblés à leurs bureaux à Beaupréau le seize octobre mil sept cent quatre vingt onze. R, F, Gontard juge au tribunal. »