Chapitre VI. Rompre
Le religieux refoulé
p. 207-234
Texte intégral
1Les tensions accumulées dans les Mauges depuis deux ans sur la question religieuse éclatent au grand jour dans les premiers moments de mars 1793, confirmant les craintes évoquées de longue date par Jacques-Antoine d’une Saint-Barthélemy des patriotes. Plusieurs de ses confrères curés constitutionnels qu’il a côtoyés et qui sont demeurés dans leurs paroisses subissent les foudres d’une partie de la population. C’est le cas du jeune François Mélouin, 26 ans, curé constitutionnel d’Andrezé, qui rendait visite à Coquille il y a encore peu de temps à Beaupréau1. Le 5 mars 1793, les prêtres réfractaires viennent le désarmer2. Il parvient à se retirer le 14 mars 1793 à Cholet au moment où la ville tombe entre les mains des insurgés. Il se sauve en traversant la rivière de la Moine à la nage, poursuivant sa fuite jusqu’à la Tessoualle où il est pris dans un champ de genêts3. Jean Hulin lui, curé de Sainte-Christine, réussit à échapper de justesse à la vindicte populaire :
« Le lendemain 14 [mars], sur les six heures et demie, comme j’étais caché dans le grenier, quinze ou vingt [habitants] se sont portés dans la maison curiale, ont levé les serrures des portes et mon armoire, ont brûlé dans la cour les lois et décrets, que je m’étais chargé d’enregistrer, et ont mis tout sens dessus dessous, et de là sont partis pour Montjean4. »
2Jacques-Antoine affirme lui aussi que tous ses papiers ont été incendiés5. L’issue est plus dramatique pour d’autres curés constitutionnels comme celui de Jallais, Nicolas Gasnault, à quelques kilomètres seulement de Beaupréau. Fait prisonnier par les insurgés et placé à leur tête tel un bouclier humain, il meurt lors de la prise de Chemillé le 13 mars 1793. Le clergé constitutionnel est donc visé dès les premiers instants de l’insurrection, confirmant l’acuité de la question religieuse dans le déclenchement des hostilités.
3Inscrit sur une liste de réfugiés le 24 mai 1793, Coquille compte donc parmi les vingt-quatre curés constitutionnels des Mauges recensés à Angers entre mars et août 17936. Nous ne disposons d’aucun élément sur cette période de sa vie, si ce n’est qu’il réside sans doute Place neuve dans la paroisse Saint-Maurice7. Ce qui est sûr, c’est qu’il a dû se cacher ou s’enfuir lors de la prise d’Angers par les Vendéens le 18 juin, la ville ayant été évacuée sur ordre du général Menou commandant les troupes républicaines8. Fin juin, ce sont les révoltés qui quittent les lieux et subissent désormais un enchaînement de revers. À Paris, les Montagnards ont eu raison d’une partie des Girondins fin mai début juin. Mais ils doivent faire face à l’insurrection vendéenne et aux révoltes fédéralistes qui éclatent en divers points du royaume, les conduisant dans une politique radicale à l’encontre de leurs opposants, mais aussi à l’égard du clergé constitutionnel désormais suspect lui aussi dans le cadre de la mise en place de mesures « déchristianisatrices ».
4C’est dans ce contexte que Jacques-Antoine, âgé de 46 ans9, se libère d’abord du célibat au mois d’octobre 1793. Puis, au mois de novembre suivant, il s’apprête à faire le choix le plus engageant de sa vie, celui de la rupture avec son état de religieux qu’il a toujours connu depuis sa formation ecclésiastique une trentaine d’années auparavant. Ayant abdiqué ses fonctions et changé de nom, c’est un homme nouveau qui peut dès lors se lancer corps et âme dans l’action révolutionnaire radicale.
Se marier, un acte militant
5Le mariage des prêtres n’est pas une question propre à la Révolution française. Le sujet a suscité de nombreuses controverses depuis le ive siècle, période à laquelle le célibat commence à être observé par certains ecclésiastiques, suite au décret du pape Sirice qui l’instaure en 385. Au Moyen Âge, c’est le concile du Latran de 1132 qui interdit l’ordination d’hommes mariés. Dès 1789, la volonté d’une régénération de la religion conjointement à celle de l’État, doublée d’un retour à une Église dite primitive, remet le sujet à l’ordre du jour. En 1793, le mariage devient pour les prêtres assermentés un acte révolutionnaire militant ou contraint, à la faveur de la déchristianisation et de l’amorce de la liquidation du clergé constitutionnel. 70 % des ecclésiastiques mariés font ce choix entre octobre 1793 et novembre 179410. Jacques-Antoine est de ceux-là.
La mariage des prêtres : le retour d’un débat ancien
6Le mariage des prêtres est l’un des aspects les plus spectaculaires de la déchristianisation de l’an II11. Ce sujet a cependant été abordé au xviiie siècle à plusieurs reprises bien avant 1793. Entre 1735 et 1741, les écrits de l’abbé de Saint-Pierre avançaient déjà des arguments en faveur de l’union des curés, « pour repeupler le royaume et pour accroître le nombre des familles vertueuses12 ». En 1758, c’est le chanoine Desforges qui préconisait le mariage comme nécessaire physiologiquement à l’homme, et le présentait telle une imitation de l’union de Jésus-Christ avec l’Église13. Le grand succès de librairie sur ce sujet paraît en 1781 et est l’œuvre de l’oratorien Jacques Gaudin sous le titre explicite Les inconvénients du célibat des prêtres. Coquille l’a peut-être consulté, tant les idées qu’il développe dans ses écrits rejoignent ceux de cet abbé, son ouvrage composant un « important réservoir d’arguments et de réflexions en faveur de la suppression du célibat ecclésiastique14 ». L’ouvrage connaît une nouvelle édition en 1790 et est en tout cas disponible à cette date à Angers chez l’imprimeur Pavie : le journal L’Observateur provincial, dont Jacques-Antoine était un contributeur, en fait la publicité15.
7Dans un précédent numéro, ce même journal publiait un article anonyme en forme d’argumentaire répondant à la question : « Est-il avantageux à la société que les prêtres aient la liberté de se marier16 ? » Un premier élément en faveur du mariage des prêtres dans ce texte porte sur la parole divine qui demande aux hommes de croître et de se multiplier, et qui est source de paradoxe :
« C’est une contradiction bien singulière que, pour admettre un candidat au sacerdoce, on exige de lui qu’il soit muni de tous les organes destinés à la multiplication de l’espèce, et qu’on lui en interdise l’usage17. »
8La loi de la nature fait son œuvre y compris chez les jeunes religieux et religieuses quand ils deviennent matures. S’ils succombent à son empire, ils se voient contraints de se conduire en hypocrites, « d’être dans une contradiction perpétuelle de [leurs] paroles avec [leur] conduite, de prêcher la vertu en s’abandonnant au vice18 ». Ces attitudes conduisent à « tant de scandales publics ou particuliers, tant de froideur pour la religion, et tant de mépris pour ses ministres19 » ou même à l’onanisme20. S’il résiste à ses pulsions naturelles, le jeune prêtre « s’aigrit à force de contrariétés ; sa vertu devient sombre, sa morale prend une teinte atrabilaire qu’il répand dans ses discours, et dans l’exercice de ses fonctions. Alors loin de faire aimer la religion, il la rend odieuse21 ». Occupé par son propre intérêt personnel parce que n’ayant pas de lien affectif, le prêtre forme avec ses confrères une « ligue dangereuse […] qui ébranla tant de fois les empires, et qui a fait répandre tant de sang en Europe22 ». Pour l’auteur, rappeler les prêtres à l’état de nature en leur octroyant l’accès aux liens du mariage permettrait d’« éteindre à jamais le flambeau du fanatisme, qui semble vouloir se rallumer23 » :
« Alors ils pourront avoir des mœurs ; alors ils prêcheront la vertu d’exemple et de parole ; alors la considération que s’attireront les ministres rendra la religion plus chère et plus respectable ; alors, livrés à des sentimens plus humains, les prêtres auront des vues plus pacifiques ; alors ils n’auront pas des intérêts opposés à ceux de la société ; alors ils seront hommes, ils seront citoyens24. »
9Le sujet de l’abrogation du célibat ecclésiastique retrouve une certaine actualité avec le décret du 13 février 1790 sur l’abolition des vœux monastiques25. Robespierre propose une union pour les prêtres le 31 mai suivant dans le cadre des débats préparatoires sur la Constitution civile du clergé, mais sans succès. Le 17 juillet, malgré une pétition envoyée à son attention par une partie du clergé pour abolir le célibat ecclésiastique, l’Assemblée nationale refuse de légiférer sur cette question. Il faut attendre le 27 août 1791 pour qu’un décret autorise indirectement le mariage des prêtres en dehors de l’Église, en stipulant que la loi ne considère le mariage que comme un contrat civil. Certains religieux s’engouffrent dans cette brèche juridique26 : le député de Maine-et-Loire Delaunay fait ainsi part à l’Assemblée le 19 octobre 1791 d’une pétition pour conserver le traitement d’un « ci-devant bénéficier qui venait de convoler27 ». Avec la fin de la royauté, l’arsenal législatif s’étoffe de plusieurs mesures comme la laïcisation de l’état civil le 20 septembre 1792, l’interdiction faite au clergé de s’opposer au mariage des prêtres le 22 janvier 1793 et la déportation pour les évêques qui font obstacle à ces unions par la loi du 19 juillet 1793.
Le mariage de Coquille : une union sincère ?
10Avec le calme relatif revenu à Angers en juillet 1793, Jacques-Antoine peut désormais songer à son projet de mariage, peut-être encouragé par un décret de la Convention du 19 juillet qui précise qu’« aucune loi ne peut priver du traitement les ministres du culte catholique qui se marient28 ». Les débats se tendent à l’été 1793 entre les partisans du mariage des prêtres et les défenseurs du célibat ecclésiastique :
« La Convention vote des mesures de plus en plus répressives contre ceux qui condamnent les prêtres mariés. À la fin de l’été, le mariage n’est plus conçu comme un moyen d’intégrer le prêtre dans la France nouvelle mais comme une arme déployée pour détruire l’Église, et même le christianisme. Ce sont les prémices de la déchristianisation de l’an II dont les mesures concernant le mariage ecclésiastique se poursuivront jusqu’à la fin de l’année 179429. »
11Une étape majeure est en cela franchie dans la campagne en faveur du mariage des prêtres avec le décret adopté par la Convention le 17 septembre 179330 :
« Tout prêtre qui sera marié, et qui sera inquiété à ce sujet par les habitants de la commune de sa résidence, pourra se retirer dans tel lieu qu’il jugera convenable, et son traitement lui sera payé aux frais de la commune qui l’aura persécuté31. »
12Implicitement, les curés constitutionnels sont invités à quitter leurs fonctions puisqu’ils ne sont plus obligés d’exercer leur ministère pour continuer à percevoir leur salaire32. Le 25 septembre suivant, c’est Fouché, alors représentant en mission dans la Nièvre, qui donne selon les historiens le coup d’envoi de la déchristianisation de l’an II, en proposant aux autorités du département un arrêté stipulant que les prêtres désirant conserver leur pension doivent dans un délai d’un mois « se marier, adopter un enfant ou entretenir et nourrir à [leur] table un vieillard indigent33 ». La chronologie des faits est essentielle ici puisque le 30 septembre, treize jours après le décret de la Convention, Coquille se rend chez le notaire Mathurin Brevet34 à Angers pour faire rédiger un contrat de mariage avec une certaine Louise-Marie Vivien. Il y indique que « comme curé sa pension d’ecclésiastique est de la somme de deux mille livres35 ». La perspective d’un mariage lui permet d’envisager le maintien de ce traitement assez confortable.
13Alors, mariage de raison ou mariage d’amour ? Qui est cette Louise-Marie Vivien ? Les renseignements biographiques sur cette femme sont ténus. Au moment de passer le contrat de mariage, elle réside à Angers rue Basse-Saint-Martin, à proximité immédiate de l’habitation de Coquille36. Fille du journalier Jean Vivien, mort avant sa naissance, et de Jeanne Closier37, elle est âgée de 38 ans, ce qui explique peut-être qu’elle apporte 4 000 livres en dot pour le mariage, qu’elle possède en fonds propres, et un certain nombre d’effets personnels « lits, armoire, buffet, draps, serviettes […] habillements, hardes, linge et vêtements à son usage38 ». A-t-elle déjà été mariée ? Nulle indication ne le mentionne, mais cela demeure plausible au regard de son âge et des biens qu’elle possède. Mais alors pourquoi Jacques-Antoine choisit-il de s’unir à cette femme de huit ans sa cadette ? Louise-Marie Vivien est originaire de Saint-Denis d’Anjou, où elle née le 6 mars 175539, à environ 6 km de Morannes et de Varenne Boureau, là même où il avait de nombreuses attaches familiales par sa mère Perrine Joubert et où ses parents se rendaient fréquemment. L’hypothèse d’un amour de jeunesse n’est pas à exclure et ce mariage perdure jusqu’au début du xixe siècle. D’ailleurs les unions s’inscrivent sur le long terme pour la quasi-totalité d’entre elles40, celles qui sont simulées étant minoritaires41. Néanmoins, l’inscription chronologique de ce mariage et la publicité qui en est donnée en font, à n’en pas douter, un événement éminemment politique.
La mise en scène d’un mariage aux accents politiques et patriotiques
14Coquille ne s’est donc pas marié dans sa paroisse belloprataine et encore moins avec l’une de ses paroissiennes comme le martèle l’historiographie. Comment imaginer un tel mariage le premier octobre 1793, quelques jours avant la déroute vendéenne de Cholet42 qui charrie des milliers de combattants dans la ville de Beaupréau, et où le conseil des généraux de l’Armée catholique et royale se réunit, dans le château de cette place, pour décider d’une marche vers le nord bientôt appelée Virée de Galerne ?
15En se présentant à la mairie du 2e arrondissement d’Angers dans l’après-midi de ce mardi 1er octobre devant l’officier Étienne Myionnet43, Jacques-Antoine fait partie des premiers ecclésiastiques fonctionnaires publics à se marier en Maine-et-Loire et peut se targuer d’être un précurseur en la matière. Avant lui, seuls quelques-uns ont franchi le pas comme par exemple Louis Moulin44, vicaire épiscopal avec qui il abdiquera, et Pierre Joseph Richou45, curé constitutionnel de Chaudron-en-Mauges, mais qui était devenu prêtre après son mariage. À l’échelle du royaume, entre 1791 et l’été 1793, une minorité de prêtres (8 %) a choisi la voie du mariage46. Ces unions ont donné lieu à de nombreuses réactions, d’hostilités comme celle de l’évêque constitutionnel du Calvados Claude Fauchet47, ou d’approbations sous la forme de pamphlets. Ceci pour dire que Coquille avait sans nul doute connaissance des noces de ces religieux, ce qui a pu le conforter dans son choix, d’autant plus si l’on considère que même des prélats de l’Église constitutionnelle ont convolé dès l’automne 1792 comme Thomas Lindet, évêque constitutionnel de l’Eure.
16Le réseau des patriotes de Chalonnes-sur-Loire l’accompagne dans cet engagement puisque parmi les témoins présents ce jour-là figurent plusieurs de ses amis réfugiés comme lui paroisse Saint-Maurice à Angers : Denis-Jacques Renou, curé constitutionnel de Saint-Maurille, Louis Foucault, ancien contrôleur ambulant et directeur des aides dans l’Indre et en Maine-et-Loire, accompagné de sa fille Jeanne Foucault qui n’est autre que la femme du docteur Augustin Bousseau de Chalonnes.
17Trois semaines plus tard, le journal Les Affiches d’Angers donne un écho retentissant à ce mariage en publiant les 18 et 19 octobre le discours prononcé par Coquille le jour de ses noces, accompagné d’une chanson qu’il a présentée à son épouse. C’est dans ce texte que s’apprécie la conception du mariage comme un moyen efficace de s’offrir une réinsertion parmi ses semblables :
« Demander si un prêtre peut se marier, c’est demander s’il est homme ; soutenir qu’il ne le peut pas, c’est le confondre avec ces animaux monstrueux qui participant à plusieurs espèces sont incapables de se reproduire ; en un mot, c’est en faire un être extraordinaire, qui ne tient à la société que pour son existence, à ses semblables par ses besoins ; dire qu’il le peut et qu’il ne le doit pas, c’est dire qu’il est homme, et qu’il ne doit pas l’être48. »
18Ainsi le prêtre ne peut être élevé selon lui au-dessus de ces hommes vertueux que sont les pères de familles. Sinon comment pourrait-il les comprendre, éduquer leurs enfants, les rendre sociables alors que lui-même est placé en dehors de la société ? Comment peut-il faire la promotion des liens sacrés du mariage s’il ne les expérimente pas lui-même et alors qu’il considère celui-ci comme « un état d’imperfection » ? Seuls les « fanatiques » peuvent abonder dans le sens de ces contradictions qu’il qualifie d’« absurdités révoltantes ». C’est à la nature qu’il s’en remet en obéissant à sa voix :
« La religion qui toujours est d’accord avec la nature, quand le fanatisme n’étouffe pas sa voix, crie indistinctement à tous les hommes : croissez et multipliez49. Voilà le premier commandement que l’être suprême a donné à tous les mortels […]. Dans ces temps fortunés, le célibat étoit un crime ! Comment a-t-il pu devenir une vertu ? […] Qu’on ne dise pas que c’est le législateur des chrétiens ; eh ! n’a-t-il pas élevé lui-même le mariage à la dignité de sacrement […]. Jamais il n’a ordonné à ses apôtres et à ses disciples d’être célibataires ? La preuve en est qu’ils étoient presque tous mariés50 […]. Le célibat des prêtres est une insulte à la nature, un attentat aux décrets du Tout-Puissant, et qui n’a pris sa source que dans la corruption des mœurs51. »
19Coquille emploie ici « l’argument le plus définitif en faveur de l’abolition du célibat des prêtres52 » déployé précédemment par l’abbé Jacques Gaudin, à savoir le droit naturel, par ailleurs repris dans le journal L’Observateur provincial. Cette union, réclamée par la raison, est aussi une façon pour lui de répondre au fanatisme et à la superstition auxquels il a été particulièrement confronté depuis son ministère constitutionnel exercé à Beaupréau :
« Il est temps que le flambeau de l’hymenée éclipse la torche du fanatisme ; nous avons été trop longtemps victimes de la superstition, il est temps que son empire cède à celui de la raison, il faut qu’à la gloire de nos contemporains un siècle de lumière succède à quatorze siècles d’erreurs. C’est le mariage des prêtres qui doit achever de dissiper les ténèbres de l’ignorance […], la régénération des mœurs ne peut avoir lieu tant que les prêtres seront célibataires53. »
20La singularité de Coquille à cet instant, c’est qu’il ne semble pas vouloir mettre un terme à ses fonctions de prêtre. Le 30 septembre déjà, il signait son contrat de mariage « Coquille d’Alleux curé de Beaupréau », et sur l’acte de mariage le lendemain, il signe « Coquille curé de Beaupréau ». Beaucoup de prêtres ont en effet abdiqué avant de se marier. Serge Bianchi précise que « le mariage est donc profondément intégré à la pratique des curés rouges de l’an II comme moyen privilégié de déprêtrisation54 ». Ce n’est pas son cas. Nourrit-il encore l’espoir d’être utile à la nation, en poursuivant sa prédication patriotique, comme il l’écrit avec emphase dans la chanson qu’il dédie à son épouse Louise le jour de ses noces ?
C’est aujourd’hui que je suis prêtre,
Que je puis prêcher avec fruit ;
Avant l’hymen, que pouvois-je être ?
Toujours séducteur ou séduit ;
Presqu’inutile à ma patrie,
Forcé d’étouffer mes penchans,
Je passois tristement la vie
À redouter jusqu’à mes sens […].
Toi qui me rends à la nature,
Tu me feras chérir sa loi ;
En m’arrachant à l’imposture,
Tu fais un autre homme de moi,
En me rendant à la patrie,
C’est ton cœur qui se rend au mien ;
Ainsi, mon épouse chérie,
Tu fais mon bonheur et le tien55.
21Il n’a par ailleurs pas versé dans l’athéisme. Son discours est empreint de nombreuses références au Dieu des chrétiens qu’il nomme tour à tour « être suprême », « législateur des chrétiens », « Dieu » (à cinq reprises), « Tout-Puissant », « la Divinité ». S’adressant même directement à Dieu, il ajoute : « Si j’ai le bonheur d’être père, tu auras un adorateur de plus sur la terre56 ! » La rupture qui prend forme pour le moment dans l’esprit de Jacques-Antoine n’est donc pas celle qui concerne la religion, mais plutôt la manière d’exercer les fonctions de prêtre avec la fin du célibat qui le réintègre parmi les hommes. Il parvient en outre à concilier les apports des Lumières et l’existence de Dieu :
« Je dois à la raison, à la philosophie, à mon état présent l’exemple des vertus, je ferai celui des époux ; j’en atteste le ciel et la terre, et j’en prends Dieu et les hommes à témoins ; je ne fausserai pas mon serment, puisque la nature l’a inspiré, que le cœur l’a dicté et que Dieu le reçoit57. »
22Près de 6 000 prêtres se sont mariés en France entre 1791 et 1816, soit plus de 10 % de l’ensemble du clergé séculier de 1789 et près d’un quart du clergé jureur en exercice en 179158. La majorité d’entre eux se marie après avoir renoncé à leurs fonctions, mais pas Coquille59. Il ne tue pas le prêtre en lui par le mariage après avoir abdiqué comme beaucoup l’ont fait en usant d’un moyen de rupture efficace60, il le transforme d’abord en homme utile en rompant avec une pratique pluriséculaire, celle du célibat ecclésiastique, qu’il juge dorénavant dépassée.
Abdiquer : la « prérogative de l’homme libre » ?
23L’abdication a voué aux gémonies les prêtres constitutionnels. C’est en raison de cet acte qu’ils ont été honnis, si ce n’est écartés par l’historiographie. Cette dernière ne pouvait prendre en considération un geste perçu comme totalement irréfléchi. Ainsi se trouvaient-ils affublés des qualificatifs d’« apostats », de « défroqués », de « renégats », de « traditeurs61 », sources de confusion entre prêtres mariés et abdicataires, et résumant leurs itinéraires à ce seul moment de leur vie :
« Depuis longtemps ils avaient perdu la foi, si jamais ils avaient cru sérieusement. Ces malheureux ne nous intéressent point et ne méritent pas de nous arrêter62. »
24Pourtant, resituée dans son contexte et mise en perspective à l’échelle d’une vie, l’abdication prend un tout autre sens. Pour Coquille, elle n’est ni inéluctable ni incohérente mais consiste bien en un moment de rupture.
La fin du prêtre patriote
25Jacques-Antoine choisit la voie de l’abdication de ses fonctions car l’image du prêtre patriote ne va pas tenir bien longtemps à l’automne 1793. Très impliqués dans les débuts de la Révolution, les curés ont été nombreux à investir les fonctions de maires par exemple. Mais la confiance des révolutionnaires dans le clergé a été largement mise à mal en 1790-1791 avec le rejet de la Constitution civile du clergé par environ la moitié du clergé, contribuant à répandre l’idée qu’il n’existerait pas de bon prêtre63. Ajoutée à cela l’insurrection vendéenne de mars 1793 rappelant pour beaucoup l’ancienne alliance des prêtres avec la monarchie et la noblesse, les républicains sont de plus en plus nombreux à amalgamer clergé et Ancien Régime64. Le soutien d’une grande partie de l’épiscopat constitutionnel aux Girondins jette un discrédit supplémentaire sur le clergé assermenté en juin 1793, lorsque les Montagnards écartent leurs opposants du pouvoir et font exécuter certains d’entre eux le 31 octobre 1793. Proche des Girondins, l’évêque constitutionnel du Calvados Claude Fauchet fait partie à ce moment-là de ceux qui montent à l’échafaud, alors que les révoltes fédéralistes se sont multipliées dans le pays depuis plusieurs mois. Les hébertistes et les sans-culottes font alors tout leur possible pour que le clergé constitutionnel renonce à ses fonctions65. Le 21 octobre 1793, en plus de mesures visant les réfractaires, la Convention décrète que les prêtres constitutionnels dénoncés pour incivisme seront déportés. Cette mesure, floue dans sa définition, même s’il est précisé que six citoyens au moins sont nécessaires pour obtenir la condamnation, contribue à mettre la pression sur les jureurs.
26À Paris, le 10 novembre, a lieu la célébration en grande pompe de la fête de la Raison dans la cathédrale Notre-Dame, devenue précisément le temple de la Raison. Elle se veut fédératrice66 et l’exemple d’un culte à suivre pour le pays, en complément d’autres fêtes déchristianisatrices comme la célébration des martyrs de la Liberté tels Marat, Le Peletier, Chalier, puis plus tard le jeune Bara67. La politique déchristianisatrice, ou de « défanatisation » comme la nomme Bernard Plongeron68, est désormais engagée et portée en province par les représentants en mission. Dans l’Ouest, c’est le conventionnel Francastel, nommé représentant du peuple en mission le 13 octobre 1793 près de l’armée de l’Ouest, qui est à la manœuvre aux côtés de Carrier, Bourbotte, Turreau et Pinet aîné. Il rejoint Angers après un passage du côté de Nantes, où il participe à la mise en place des rouages administratifs qui serviront à organiser la répression des combattants vendéens69. Il s’emploie à faire pression sur le clergé constitutionnel pour obtenir son abjuration.
27Ainsi, le 19 novembre 1793, l’évêque constitutionnel Hugues Pelletier remet son abdication à Francastel son abdication dans une formule qu’il intitule « sa profession de foi70 » :
« Citoyens, je m’honore de faire aujourd’hui à la Raison, sur l’autel de la Patrie, le sacrifice de tous mes titres de chanoine régulier, de prêtre, de curé et d’évêque, pour m’en tenir à celui de citoyen pur et simple, dans la ferme croyance où, depuis plus de trente ans, j’ai le bonheur d’être que, comme le père du genre humain, grand et simple dans ses moyens, n’a fait qu’un soleil pour éclairer tous les yeux du corps, il a cru aussi, dans sa sagesse, ne devoir donner, pour éclairer les yeux de l’âme et pour règle de nos devoirs, que la seule loi, la seule religion naturelle et que la diversité des cultes, suivis dans les quatre parties du monde, prouve avec évidence que les hommes y ont mis la main, et qu’ils donnent à chaque nation, pour venir du ciel, ce qui, au vrai ne vient que de la terre. Vive la République française, une et indivisible, vive la Convention ! Vive la Montagne qui a le courage d’en poser les fondements durables, et d’en ôter les pièces propres à compliquer et gêner ses mouvements71. »
28Plusieurs prêtres précèdent ou imitent leur évêque et remettent leurs lettres de prêtrise qui sont brûlées le lendemain 20 novembre sur le parvis de la cathédrale lors de la fête de la Raison. C’est Jean-Jacques Payelle, ex-vicaire de la Madeleine d’Angers, qui rédige le premier le 13 novembre sa renonciation à ses fonctions72, suivi deux jours plus tard par Antoine Vallée, ex-curé de Saint-Florent-le Vieil, et Joseph Meignan73 dont le mariage fait l’objet d’une vaste opération de propagande de la part des révolutionnaires saumurois. Le 17, c’est au tour des trois frères Loir-Mongazon74. François-Yves Besnard, ex-curé de Nouans dans la Sarthe, rédige la sienne le 18 novembre, tout comme Louis Moulin, ex-vicaire épiscopal. Les abdications de Vallée, Besnard et Moulin sont les trois premières portées sur le registre des abdications lors de la séance publique du 19 novembre. La quatrième et dernière de cette journée est celle de Coquille :
« Il y a un an que j’avois demandé à la convention l’abolition du culte romain, aujourd’hui que l’esprit public marche à grands pas vers la vérité et que la philosophie triomphe, elle recevra ma profession de foi ; les brigands de la Vendée ayant brûlé mes lettres de praîtrises, avec mes effets, je ne puis en faire un autodafé. Je déclare, citoyens administrateurs, que je renonce à l’exercice de mes fonctions ecclésiastiques, que je crois qu’un prêtre romain est un être aussi dangereux qu’inutile dans une république aussi vaste que la république française et que s’il y avoit des représentants de dieu sur la terre, cette glorieuse prérogative n’appartiendroit qu’à l’homme libre75 […]. »
29Jacques-Antoine fait donc partie des tout premiers à faire le choix de la renonciation à l’exercice de ses fonctions, un mois et demi après son mariage. Le contexte politique menaçant pour le clergé, la poursuite de l’insurrection vendéenne symbolisant le fanatisme, l’exemple de son confrère Hugues Pelletier qu’il côtoie depuis qu’il a été récollet à Beaufort-en-Vallée, sont autant de facteurs qui ont certainement conforté Coquille dans cet acte. Il n’y a pas de trace de sa demande d’abolition du culte romain à la Convention à l’automne 1792 comme il le mentionne, mais si le fait est avéré, cela révèle la précocité de sa réflexion en la matière. Ou bien s’agit-il d’une réécriture de sa propre histoire visant à renforcer la portée de son acte aux yeux de Francastel ? Il souligne bien par ailleurs que l’accélération des mesures révolutionnaires a guidé son choix. Il met en avant une thématique largement rencontrée auparavant dans ses écrits à savoir l’inutilité du prêtre, qui plus est en république. Enfin, une nouvelle fois, il affirme sa conception d’une relation directe des hommes avec Dieu, expression d’un déisme désormais parfaitement assumé. La rupture avec le clergé est consommée, il faut maintenant la revêtir de tout son éclat.
La fête de la Raison ou la célébration de la rupture
30C’est Francastel qui orchestre la fête de la Raison dans la cathédrale Saint-Maurice le 20 novembre 179376, à la demande du comité révolutionnaire d’Angers mis en place au mois de juillet précédent par Choudieu, Bourbotte et Tallien. Cette cérémonie, célébration emblématique de la rupture créatrice77, se déroule dans un édifice qui a accueilli le 20 mars 1791 la messe d’installation du tout nouvel évêque constitutionnel Hugues Pelletier. Depuis, de 1792 à 1793, la cathédrale a été dépouillée d’une grande partie de ses objets en or et en argent. Les Vendéens y ont célébré plusieurs messes lors de leur passage d’une dizaine de jours à Angers en juin 1793, avant qu’elle ne devienne une prison pour certains d’entre eux. Les préparatifs de la fête commencent les 11 et 12 novembre où l’on enlève les colonnes, les statues en marbres et les tables d’autels. La fête de la Raison se tient huit jours plus tard et son déroulement est rapporté par Les Affiches d’Angers, seul document relatant l’événement :
« Le dernier decadi de brumaire, à deux heures après midi, sur l’invitation du comité révolutionnaire, tous les sans-culottes d’Angers se transportèrent en foule dans la ci-devant cathédrale qui est devenu le temple de la Raison ; c’est dans ce lieu, où l’œil du républicain ne rencontre plus ces vains hochets de la superstition, que l’homme libre enseignera à ses concitoyens l’amour de la patrie ; c’est dans ce lieu, où le fanatisme alimentoit l’imbécile crédulité de nos pères, que l’on a rendu le premier hommage à la raison, en livrant aux flammes les lettres de prêtrise qu’avoient remises au département les citoyens Pelletier, ex-évêque ; Vallée, ex-curé du Montglonne ; Moulins, ex-vicaire épiscopal, et qui le premier a contracté les doux noeuds du mariage ; Besnard, ex-curé de Nonans78 ; Jean-Antoine Loir, ex-curé de Juigné ; Louis-Pierre Loir, ex-vicaire épiscopal ; Jacques-Espérance Loir, ex-curé de Saugé l’Hôpital ; et Horatius Cocles Coquille, ex-curé de Beaupréau. Ô triomphe de la raison ! Puisse l’amour de l’humanité l’emporter sur ceux que ces brevets d’ignorance reviennent encore à leur ancien métier !… Qu’ils sachent enfin que le peuple voit clair, et qu’il chérit la Liberté !…
Pendant cet autodafé national, le représentant du peuple Francastel, a prononcé un discours, frappé au coin de la fraternité la plus pure, et du bon sens montagnard ; ensuite le vice-président de l’assemblée populaire de l’ouest, a fait entendre dans la chaire de l’erreur, la vérité toute entière ; et a parlé au cœur en même temps qu’à l’esprit. Enfin on a pu se convaincre des progrès de l’esprit public des habitans qui manifestoient ouvertement leur joie de ce que la raison donnoit le coup de grâce au fanatisme. Des hymnes à la liberté, des cris mille fois répétés de vive la république une et indivisible, accompagnés de plusieurs salves d’artillerie, ont terminé un jour qui par sa sérénité ajoutoit à nos plaisirs79. »
31Coquille n’a pas pu brûler ses lettres de prêtrise, ne les ayant plus en sa possession. Il est en revanche probablement l’auteur de la chanson80 qui accompagne le récit des Affiches d’Angers81, tant le style se rapproche des écrits que nous lui connaissons, où il est question une nouvelle fois du mariage des prêtres et de l’exaltation de la nature. Le lendemain de la fête, dans un courrier adressé à la commission militaire de Saumur, Francastel se félicite de l’opération comme d’un défi lancé aux insurgés vendéens :
« Ici l’on se met au pas sensiblement. L’évêque a laissé la mitre et la crosse, et l’a fait de bonne grâce : une dizaine de prêtres l’ont imité. Hier, jour de décade, on a célébré une fête de la Raison. Les boutiques se sont fermées d’elles-mêmes. Un concours nombreux s’est rendu à la ci-devant cathédrale. On y a chanté des hymnes à la Liberté ; l’orgue républicain a joué les Ça ira, les Où peut-on être mieux…, etc. On a fait un auto-da-fé de lettres de prêtrise et de vieux nobiliaires. Un effet assez pittoresque était la réunion en masse de ces citoyens, à la porte de la Vendée, marchant sur les débris des autels et du sanctuaire, foulant aux pieds les saints. On a fini par la danse dans les allées du Mail. Ce n’est pas du tout mal pour un coup d’essai. Le fanatisme ne bat plus que d’une aile82. »
32Le représentant en mission peut se targuer d’une certaine réussite, en ce qui concerne surtout la liquidation du clergé constitutionnel. Outre les abdicataires déjà mentionnés, c’est tout le réseau chalonnais de Jacques-Antoine qui se déprêtrise83. Son ami Denis-Jacques Renou, de Saint-Maurille de Chalonnes, renonce à toutes ses fonctions ecclésiastiques le 13 décembre 1793 puis se marie le 27 janvier 179484. Les anciens vicaires de cette paroisse font de même : Jean-Pierre Lafont abdique en octobre-novembre puis se marie85 ; Jacques Delahaye renonce le 6 mars 1794. Le curé de Notre-Dame de Chalonnes, François Brideau, abdique le 27 janvier 1794. En dehors de ce groupe, bien d’autres prêtres assermentés que Jacques-Antoine a côtoyés quittent l’Église, comme François Mélouin, ex-curé constitutionnel d’Andrezé ou encore Jean Hulin, ex-curé de Sainte-Christine. Au total, au moins 24 curés constitutionnels ayant transité par les Mauges abdiquent. Tous ont observé de près la piété démonstrative des populations de ce territoire qu’ils n’ont pu interpréter que comme du fanatisme, miroir d’une religion dans lequel ils ne pouvaient plus se mirer. L’incompatibilité avec leur patriotisme a précipité leur rupture avec le clergé.
Se débaptiser : Horatius Coclès, l’homme nouveau
33En modifiant son prénom lors de son abdication, Coquille envoie un signal fort à la société dans laquelle il évolue en inscrivant sa rupture au cœur même de son identité. Cet acte plutôt original pour un prêtre ayant renoncé à ses fonctions exprime sa volonté d’apparaître aux yeux de tous comme un homme nouveau.
Le changement de prénom : un marqueur d’entrée dans une vie nouvelle
34La déchristianisation de l’an II a pris de multiples formes, ce qui la rend parfois difficile à cerner86. Elle est dans la plupart des cas coercitive : pression en faveur du mariage des prêtres, déportation et exécution des réfractaires, changements de noms de lieux, destruction de symboles chrétiens (églises, statues, croix, etc.), utilisation d’un nouveau calendrier dépourvu de références religieuses, fêtes civiques, etc. Mais en aucun cas elle n’oblige les citoyens, encore moins les prêtres, à modifier leur nom ou leur prénom. Le décret du 14 novembre 1793 stipule que « chaque citoyen a la faculté de se nommer comme il lui plaît, en se conformant aux formalités prescrites par la loi (du 20 septembre 1792)87 ». C’est ce que Coquille choisit de faire en même temps que son abdication le 19 novembre 1793 :
« Puisque ma femme s’est débaptisée, je suis son exemple, au lieu de Jacques-Antoine Coquille je m’appelle Horatius Cocliès [sic]. Je suis avec fraternité votre dévoué concitoyen, Horatius Cocliès Coquille, ci-devant récolé puis curé de Beaupréau88. »
35Louise-Marie Vivien venait effectivement d’abandonner son prénom de baptême pour celui de Véturie, s’identifiant par là même à une patricienne romaine des vie ou ve siècles avant Jésus-Christ. Ce choix correspond à la mode et au goût de l’Antiquité répandus en France à l’époque de la Révolution. Louise-Marie opte pour le nom d’une femme romaine devenue veuve, élevant seule son fils Coriolan. Cela renvoie peut-être à sa condition d’alors avant son mariage avec le curé de Beaupréau. Si tel n’est pas le cas, ce choix est motivé par l’image du patriotisme qui valut à Véturie d’être vénérée par les Romains comme un parangon de vertu féminine. Partageant les convictions de Jacques-Antoine et une acculturation à l’histoire antique, Louise-Marie est aussi pour lui une source d’inspiration. Il faut cependant pousser l’interprétation plus avant au regard du parcours personnel de son mari.
36En effet, le changement de prénom de Coquille revêt une toute autre dimension lorsqu’il est replacé dans le cadre de son expérience passée chez les récollets dans les années 1770. En entrant dans l’ordre des franciscains, il avait opté pour une nouvelle vie. Dans la tradition monacale, il avait alors déjà changé deux fois de prénom, s’appelant d’abord frère Bernardin lors de son noviciat en 1776, puis frère Simplicien lors de sa profession en 1778. En sortant du couvent en 1790, s’engageant là aussi sur un nouvel itinéraire, il avait repris son prénom de baptême, Jacques-Antoine. Rien de véritablement surprenant donc, en novembre 1793, à le voir emprunter un nouveau prénom pour marquer là encore son entrée dans une période inédite de sa vie. Modifier son prénom n’est donc pas un acte irréfléchi, voire de folie, comme l’a suggéré l’historiographie, mais bien une recomposition de son parcours personnel aux étapes cruciales de celui-ci. Et son choix dévolu sur Horatius Coclès n’est absolument pas anodin. La figure de ce personnage est appréciée sous la Révolution : une pièce de théâtre éponyme est publiée en 1794, un moine bénédictin angevin appelé Boniface choisit lui aussi de se nommer ainsi, Camille Desmoulins parle de Robespierre avec ce même terme dans son journal Le Vieux Cordelier89, et le père d’Alexandre Dumas, alors militaire, est surnommé l’Horatius Coclès du Tyrol quelques années plus tard pour avoir défendu seul le pont de Clausen en Autriche en 1797.
37Les récits élaborés aux iiie et iie siècles avant Jésus-Christ par quelques sénateurs romains avaient fait de ce chevalier un héros de la défense de Rome et de la fondation de la République en 509 avant Jésus-Christ90. Ainsi Horatius Coclès avait-il sauvé la ville des mains de Porsenna91 en brisant le seul point d’accès sur le Tibre que constituait le Pont Sublicius, le tout dans une réécriture totale de l’histoire. Borgne dans certains récits, il dirige malgré tout les Romains dans la bataille et prend la décision de couper le pont avant de mourir ou bien d’être blessé. Certaines traditions rapportent qu’il s’est battu seul contre tous. C’est là que l’analogie avec Coquille prend tout son sens, lui qui, au cœur des Mauges à Beaupréau, s’est battu seul en farouche patriote pour faire triompher la Révolution face à ce qu’il a considéré comme des hordes de fanatiques.
38À proprement parler, le prénom Horatius Coclès n’est pas un prénom révolutionnaire, c’est-à-dire qui rompt avec le passé, ce que précise Pierre-Henri Billy :
« Choisir un nom en dehors du calendrier tridentin est en soi une rupture, mais nombre d’aristocrates en ont usé et abusé avant 1789, suivant en cela une longue tradition onomastique qui consiste à utiliser des noms d’origines diverses en prénoms : cette rupture-là est antérévolutionnaire92. »
39Il n’en demeure pas moins que le moment choisi par Jacques-Antoine pour changer de prénom, son abdication, en fait un acte révolutionnaire, et donc de rupture, ce que souligne là aussi Pierre-Henri Billy :
« Le côté franchement révolutionnaire de certains prénoms réside en ce qu’ils s’inscrivent délibérément dans un temps donné, comme, auparavant, Fleurdelis au xve siècle ou Georges Washington dix ans avant la Révolution93. »
Choix personnel ou phénomène collectif : la pratique d’une minorité
40Un autre héros apparaît dans cette bataille du Pont Sublicius : Scaevola. C’est ce nom dont un capitaine angevin s’empare le 18 septembre 1793 pour remplacer son prénom de Joseph, en précisant qu’il lui paraît « plus signifians et caractéristique dans l’ordre républiquain94 ». Jacques-Antoine a ainsi pu être influencé par la vague des prénoms révolutionnaires de l’an II.
41En tout état de cause, les prêtres abdicataires ne sont pas nombreux à franchir le pas. Il s’agit là d’une pratique significative certes, du point de vue du sens, mais elle reste minoritaire95. Il n’est cependant pas le seul prêtre à avoir changé de prénom en Maine-et-Loire. Six d’entre eux au moins l’ont fait à notre connaissance96. Ce qui est remarquable, c’est que cinq de ces assermentés figurent dans le réseau de Coquille. C’est d’abord son confrère le plus proche et son témoin de mariage, Denis-Jacques Renou, qui choisit à une date indéterminée le prénom de Caïus97. C’est aussi le cas de Louis Léonard Château, ex-curé de Saint-Denis d’Anjou, que Jacques-Antoine a connu à Beaufort-en-Vallée. Il renonce à la prêtrise en 1794, se marie la même année à une religieuse, Marie Nayrac98, et déclare à cette occasion s’appeler Cincinnatus Chaumière. C’est donc sous l’égide là aussi d’un héros romain de la République à la fin du vie siècle av. J.-C. que se place Château, s’identifiant à celui qui, considéré pour ses vertus exemplaires et ses mœurs épurés, incarne le modèle du romain dévoué à sa patrie. Il a en revanche aussi changé son nom à la différence de Coquille, résultant d’une opposition probable entre la référence aristocratique du « château » face à la simplicité de la « chaumière99 ». Son ancien voisin de Beaupréau, François Mélouin, ex-curé constitutionnel d’Andrezé devenu un farouche révolutionnaire en Mayenne, troque son patronyme pour celui de Phocion, avec une référence extraite cette fois-ci de l’antiquité grecque au ive siècle av. J.-C. Homme politique athénien, disciple de Platon, Phocion est aussi connu pour ses conquêtes militaires et sa condamnation à mort par la cigüe lors du rétablissement de la démocratie à Athènes. Enfin, l’ex-vicaire Moulin devient « Civique-Aristide », alors que le vicaire de la paroisse de la Madeleine d’Angers Jean-Jacques Payelle, qui va bientôt croiser la route de Jacques-Antoine, se renomme en « Rousseau ».
42Ces prêtres ont donc pour beaucoup fait le choix, y compris Coquille, de prénoms que l’on peut regrouper dans la catégorie proposée par Serge Bianchi qui renvoie à des références historiques des républiques passées de l’Antiquité100. Il s’agit bien dans le cas d’Horatius Coclès d’un prénom de rupture puisque puisé dans une période dont les repères chronologiques et politiques sont situés au-delà de la monarchie d’Ancien Régime et de la religion chrétienne.
43Le changement de prénom est ici volontariste chez Coquille, signe d’un engagement désormais radical en faveur de la Révolution française qui se confirme dès les jours suivants, dans un processus de réincarnation patriotique101. Après le mariage, l’abdication et le changement de prénom, la renaissance de Jacques-Antoine passe par son implication au service de la propagande révolutionnaire dans une visée pédagogique.
Défendre le peuple : Coquille le jacobin
44Si le prêtre doit s’occuper des fidèles, le prédicateur patriote s’occupe lui de tous les citoyens sans distinction, en s’employant à les instruire de ce qui leur est profitable. C’est ce qu’Horatius Coclès Coquille s’emploie à faire à l’automne 1793, dans un contexte politique marqué par les luttes entre les diverses factions révolutionnaires. Au cœur des sociétés populaires angevines, il évolue dans une cellule vivante du corps social qui véhicule les composantes et les tensions d’une société révolutionnée102.
L’affaire Coquille-Payelle
45Alors qu’il abdique le 19 novembre et participe le lendemain 20 novembre 1793 à la fête de la Raison dans la cathédrale Saint-Maurice, Coquille est visé par une plainte de la municipalité d’Angers. Ce qui va devenir « l’affaire Coquille-Payelle » est détaillée dans le registre des délibérations de cette assemblée. Tout est parti de deux interventions à la « société populaire séante aux ci-devant jacobins de cette ville103 ». La première est l’œuvre de Jean-Jacques Payelle. Religieux originaire du diocèse d’Arras et passé par un vicariat à Paris paroisse Saint-Sulpice, il parcourt les limites sud des Mauges pendant la Révolution : curé constitutionnel de la Séguinière du 20 octobre au 6 novembre 1791, il devient vicaire de Montfaucon-sur-Moine et de Montigné, puis est installé curé constitutionnel du Longeron le 8 janvier 1792, paroisse qu’il demande à quitter quelques jours plus tard. Il est retiré du district de Cholet en raison de ses agissements104 et vient se fixer à Angers comme vicaire dans la paroisse de la Madeleine jusqu’en janvier 1793. Le 15 novembre, il intervient devant la municipalité d’Angers en tant que commissaire de la Société populaire, c’est-à-dire au club des jacobins de l’Est. Il y expose ses « vues » sur la loi du maximum105 « tendante à prévenir les accaparements qui se font des denrées de première nécessité par des particuliers qui se postent à leur arrivée sur les avenues de cette ville106 ». C’est à la suite de cette prise de parole que se produit un incident d’après la municipalité :
« Le prêtre Payelle dénonça une demie heure environ après avoir fini sa mission que si la loi sur le maximum éprouvait des difficultés dans son exécution, c’était la faute sinon du conseil général, du moins de quelqu’un de ses membres, puisqu’il était informé qu’il y avait dans son sein des marchands qui vendaient des marchandises au dessus du maximum et ajouta soi dit en passant, et que cette observation serve d’avertissement à ceux qui se sentent coupables107. »
46La municipalité d’Angers s’était engagée à procurer sous trois jours des subsistances aux citoyens de la ville et à distribuer des bons de consommation. À ce sujet, Payelle aurait eu ces mots devant la Société populaire :
« Si dans trois jours cette mesure n’était pas prête, le peuple souverain devrait s’armer de sa massue et frapper les têtes coupables108. »
47Craignant que de tels « propos incendiaires » ne conduisent à une insurrection, les autorités de la ville décident d’engager des poursuites judiciaires contre l’ex-prêtre en présentant leur délibération à un juge de paix en guise de plainte. Dans la même délibération, elles procèdent à l’identique à l’encontre de Coquille en lui reprochant deux interventions dans cette même société populaire. Dans la première, quelques jours avant son confrère Payelle, alors que le sujet des débats portait sur la question des subsistances, Jacques-Antoine aurait tenu des propos calomnieux et provocateurs en affirmant que « la municipalité de cette ville est la plus aristocrate de ce département109 ». Puis, dans la seconde, lors de la séance du 15 novembre, il y aurait employé des paroles virulentes :
« Il y a prêché hautement l’insurrection et le massacre des autorités constituées, en y disant que si dans trois jours, la municipalité n’avait pas pourvu de pain en abondance les citoyens de cette ville, le peuple étoit la [sic], qu’il était souverain et qu’en cette qualité il devoit se lever tout entier […]. Il dit à l’assemblée : citoyens, ajournerez-vous à trois jours la misère du peuple ? Ne voyez-vous pas tous les jours des mères désolées, accompagnées d’enfants décharnés assiéger les boutiques des boulangers ? Et qui vous a dit que sous trois jours il n’y aura pas une insurrection110 ? »
48Cette délibération est très frappante dans la manière dont elle renvoie Payelle et Coquille à leur stricte condition d’ecclésiastique. Cette fonction ne peut d’abord être que suspecte pour la municipalité au regard du passé :
« Il semble même que les prêtres qui dans tous les temps ont causé les malheurs du peuple sous l’apparence de faire son bonheur, s’appercevant qu’on est las depuis longtemps de leur joug de feu et qu’on veut leur porter le dernier coup, mettent en ce moment en action tous les ressorts de leur imagination empoisonnée pour corrompre la masse du peuple et le porter à des excès dont il n’est pas capable quand il n’est pas trompé111. »
49De ce fait, il faut les ranger parmi les ennemis du peuple car ils composent « cette horde à jamais le fléau destructeur du genre humain : on luy voit toujours jouer un des premiers rôles112 ». La mise en cause des comportements passés des ecclésiastiques conduit à amalgamer prêtres réfractaires et prêtres constitutionnels, car ces derniers auraient pu feindre un patriotisme fallacieux :
« Considérant que si nous avons la cruelle expérience que les prêtres insermentés ont employés tous les moyens pour nous égarer dans le chemin de la révolution qu’ils ont parsemé d’écueils presqu’insurmontables et teints d’une partie du sang des français, nous devons craindre et surveiller avec la plus scrupuleuse exactitude ceux que l’interrêt ou peut-être des desseins plus criminels encore ont porté à se soumettre en apparence à la loi qu’au fond de leur cœur, ils n’ont jamais entendu suivre, parce que cette classe impérieuse s’est toujours crue au-dessus d’elle. Considérant que dans ce moment où ils voyent qu’on veut enfin leur porter le dernier coup et couper la dernière tête de l’hydre sacerdotal, toujours enveloppée du manteau du patriotisme, ils employent auprès du peuple toutes les formes d’un prothée113, pour le porter à l’avilissement, auprès des autorités constituées114. »
50Les religieux assermentés sont aussi pernicieux que les réfractaires, voire pires car dissimulant leurs véritables intentions : ils sont coupables parce que prêtres. Pour cela, ils demeurent suspects aux yeux de beaucoup de révolutionnaires même après leur abdication. La rhétorique déchristianisatrice à l’encontre du clergé constitutionnel est ici clairement exprimée. Se sachant menacé de poursuites après ses interventions au club des jacobins, cette affaire a-t-elle pu précipiter Coquille dans sa décision d’abdiquer pour s’affranchir de toutes ces accusations ?
Instruire le peuple : le Dialogue entre un pauvre et un riche républicain
51Comment expliquer cette prise de position de Coquille en faveur du peuple au club des jacobins ? Une partie de la réponse tient peut-être dans une de ses publications, non datée, mais que l’on peut raisonnablement situer au printemps 1793, quelques mois donc avant la séance de la société populaire pour laquelle il est mis en cause. Ce texte publié chez l’imprimeur angevin Mame porte le titre suivant : Dialogue entre un pauvre et un riche républicains ; ou exposition des principes des anarchistes avec leur réfutation115. Cet opus est précédé de quatre pages présentant le dessein de l’auteur et dédié « aux vrais Républicains116 ». Il éclaire le positionnement politique de Jacques-Antoine. Celui-ci donne à réfléchir avec prudence et sagesse sur « les différents systèmes qu’on nous propose, pour établir une république une et indivisible, et qui sera posée sur les loix éternelles de la liberté et de l’égalité117 ». L’heure est pour lui à la réunion des Français, divisés sur la question religieuse mais pas seulement :
« Nous ne pouvons nous dissimuler que deux opinions contraires partagent la convention : ces opinions sont la source de débats tumultueux dont nos législateurs ont eu à rougir plusieurs fois ; elles sont la cause de cette funeste division qui porte le découragement et qui alarme à juste titre les citoyens ; elles ont donné naissance à l’anarchie et enfanté la guerre civile118. »
52Convaincu que Montagnards et Girondins œuvrent sincèrement pour la République, il met en exergue l’opposition des moyens requis pour ce faire par les uns et les autres. La seule solution à cette dichotomie réside pour lui dans une intervention du peuple souverain. Confirmant l’analyse de Xavier Maréchaux sur le positionnement politique des curés constitutionnels en 1792-1793 plus éloignés des Montagnards119, il prend alors position en faveur des Girondins, plus modérés, sans les nommer :
« Les uns veulent la république et désirent terminer la révolution par des mouvemens violens ; les autres ne voudroient que suivre la marche ordinaire de la nature : ceux-ci veulent l’anarchie ; ceux-là veulent des loix : les uns déclament contre les riches ; les autres n’invoquent que le respect dû aux propriétés : ceux-ci voudroient plier sur-le-champ toutes les têtes sous le niveau de l’égalité ; ceux-là attendent tout de l’instruction et des progrès de l’esprit humain. En un mot, c’est couverts du sang des proscrits et environnés de la terreur, que les uns prétendent nous mener plus sûrement à la république : c’est par la raison, par la philosophie et par des loix aussi douces que la nature, que les autres veulent nous faire aimer la liberté120. »
53Le but à atteindre qu’il propose avec cette forme dialoguée entre un pauvre et un riche républicain, c’est « l’instruction du peuple121 ». Comme Philippe Bourdin l’a constaté avec son étude sur le prêtre clermontois Pascal-Antoine Grimaud, Coquille est bien l’un de ces acteurs primordiaux de l’éducation populaire122. C’est un nouveau prêche patriotique qu’il met à disposition de tous : « Citoyens, lisez, méditez et jugez. Puisse mon ouvrage contribuer à la réunion de tous les Français ! C’est le vœu le plus ardent de celui qui est avec fraternité, votre Concitoyen123. » Il réclame à plusieurs reprises une instruction publique, la mise en place d’une éducation nationale raisonnable pour briser le sceptre de la superstition124.
54Ce dialogue est divisé en trois parties. La première est consacrée à l’urgence de donner à la France une nouvelle constitution. Depuis le mois de janvier 1793, un comité de rédaction composé de Brissotins a été constitué à cet effet. Un premier texte a été proposé puis fortement remanié après la mise à l’écart des Girondins le 2 juin pour être finalement adopté par la Convention le 24 juin 1793125. Soumise au peuple le 27 juin, cette constitution est suspendue le 10 août 1793 jusqu’à la paix au regard des menaces étrangères, fédéralistes et vendéenne. L’échange de Coquille se situe donc avant l’élimination des Girondins.
55Le riche républicain, bien à propos nommé Crésus, refuse l’adoption d’une constitution dans ces temps « sous le canon des tyrans et le glaive des fanatiques126 », autrement dit la guerre extérieure avec les monarchies européennes et la guerre civile avec l’insurrection vendéenne. Son argument tient en ce que « le peuple est trop agité pour juger sainement ; il adapteroit sans examen, et ne tarderoit pas à se repentir127 ». Irus128, son contradicteur assimilé au pauvre républicain derrière lequel il faut déceler la pensée de Coquille, préconise l’adoption de la constitution, avec le plus de célérité possible, qui seule peut sauver la France et rassembler les Français « sous l’étendart de la fraternité129 ». Le peuple souverain la désire ; dans le cas contraire, le pays s’expose à de funestes présages : « Si dans six semaines ou trois mois tout au plus tard, on ne la présente pas à la sanction, la liberté est perdue, et la France est esclave130. » Le peuple mérite la confiance car il « se trompe rarement quand il est livré à sa réflexion131 ».
56La seconde partie du dialogue s’attache à démontrer que l’anarchie ne peut conduire plus sûrement à la république. Crésus assure pourtant que c’est en forçant le peuple « à rabattre la fierté desci-devatnobles [sic], l’orgueil des prêtres, l’égoïsme des négociants, l’avidité des banquiers, et la morgue des riches [que] c’est en multipliant les insurrections que non seulement vous détruirez toute espèce d’aristocratie, mais que vous lui [le peuple] donnerez le sentiment de sa puissance132 ». Irus s’y oppose avec vivacité, arguant qu’en procédant de la sorte l’on aboutisse à l’anarchie, alors qu’une constitution permettrait de diriger les passions des hommes vers le bien public :
« Qu’on fasse des loix répressives contre les sang-sues du peuple, et la cupidité des agioteurs, des banquiers, des capitalistes, enfin de tous ces monstres qui ne vivent que du malheur des autres133. »
57Ses interventions du mois de novembre 1793 aux jacobins font écho à ce passage, tout comme la suite des propos d’Irus :
« Depuis que la révolution est commencée, en est-il revenu un sol à la nation ? Le peuple mange-t-il le pain à un meilleur marché ? Non, tout est resté dans des mains impures, et le trésor public seul en a souffert134. »
58Crésus est finalement convaincu par les arguments d’Irus et renonce à l’anarchie. Mais il fait alors une autre proposition, celle de la loi agraire permettant l’égalité entre tous. Irus lui rétorque, à grand renfort d’arguments et de calculs, qu’il s’agit là d’une chimère, qu’en renversant toutes les fortunes il n’y aura que des misérables.
59Dans un troisième et dernier point, Crésus et Irus examinent la « cause des riches135 ». Coquille exprime sa conception d’une société dans laquelle, par des lois sages136, les riches sont forcés de contribuer à la chose publique. Crésus est bien assimilé au Montagnard pour qui il faut animer le peuple et flatter ses intérêts137. Alors qu’Irus, plus modéré à l’image des Girondins, souhaite « conserver la société à laquelle je tiens par les liens du sang, par la foi conjugale et par les nœuds sacrés de l’amitié138 ». Il ajoute « après avoir égorgé les riches, faudra-t-il massacrer les fermiers pour avoir leurs bleds139 ? », avant de conclure « laissons l’homme de travail s’occuper utilement ; si l’on veut l’opprimer, levons-nous pour le défendre, ou plutôt qu’il se lève pour écraser les usurpateurs de son autorité140 ». Convaincu, Crésus lui adresse alors ses louanges : « L’illusion est dissipée. Vous avez éclairé mon âme ; mon esprit est tranquille. Adieu, mon cher Irus ; prêchez la vertu, c’est le devoir d’un homme de bien141. »
60C’est donc en homme aux convictions politiques plutôt modérées que Coquille apparaît dans cet écrit, mais néanmoins défenseur du peuple, souhaitant subvenir à ses besoins et lui éviter les malheurs de l’anarchie. C’est peut-être aussi cette proximité politique avec les conceptions girondines qui a pu jouer en sa défaveur à l’automne 1793 suivant, où les représentants en mission envoyés par les Montagnards comme Francastel à Angers mettent la pression sur les autorités locales142.
Entrelacs et fractures jacobines
61Comme nous l’avons vu, Coquille est membre depuis ses débuts du club des jacobins de l’Est, fondé en 1790 puis appelé société des Amis de la Constitution. La poursuite de cet engagement politique en 1793 marque là aussi une forme de rupture avec son passé. Puisqu’on lui refusait de cumuler ses fonctions de prêtre constitutionnel et d’officier municipal alors qu’il était en poste à Beaupréau, en évacuant désormais le religieux de sa personne, il peut exprimer librement ses convictions politiques dans le cadre du club jacobin. Au cœur de ce réseau, il expérimente les aléas de la vie politique nationale au gré des événements parisiens. La concurrence avec le club de l’Ouest (appelé par la suite club des Défenseurs des droits de l’homme) devient en effet plus patente à mesure que s’exacerbe à Paris l’opposition entre les Girondins et les Montagnards. Alors que le 31 mai 1793 l’ancien club de l’Ouest se félicitait de la conduite énergique tenue par les Montagnards contre les membres de la Gironde, les Amis de la Constitution déploraient, via une adresse rédigée la veille par son secrétaire Mévolhon143, « l’aveuglement qui faisait méconnaître les intentions pures et les talents supérieurs des députés girondins144 ». Aux côtés de certaines bonnes connaissances dans ce club comme Hugues Pelletier ou La Révellière-Lépeaux, Coquille se sentait sûrement suffisamment à l’aise pour prendre la parole comme il le fit à plusieurs reprises.
62Avec l’arrivée des représentants en mission Hentz et Francastel à l’automne 1793, les choses se compliquent pour l’ancien club de l’Est devenu la Société républicaine depuis l’adoption de la nouvelle constitution. Les deux envoyés prennent fait et cause pour le club des Défenseurs des droits de l’homme, dont ils s’assurent de l’indépendance vis-à-vis du club concurrent, et à qui ils proposent de s’installer dans le nouveau temple de la Raison145. Les invectives vont crescendo contre les membres de la Société républicaine accusés d’être des fédéralistes et des contre-révolutionnaires. Le contexte local est alors des plus tendus. L’Armée catholique et royale, après avoir tenté de prendre le port de Granville dans sa virée vers le nord, a engagé depuis plusieurs semaines son retour vers la Loire et fonce vers Angers qu’elle assiège les 3 et 4 décembre 1793, sans parvenir toutefois à faire tomber la ville comme au mois de juin précédent.
63C’est à la suite de ces événements que Coquille est rattrapé par la plainte de la municipalité d’Angers : il est arrêté le 11 décembre 1793 en même temps que Jean-Jacques Payelle qui avait été lui aussi mis en cause. Tous deux sont incarcérés à la citadelle d’Angers146. Les archives sont lacunaires sur le jugement de cette affaire. Les seules mentions y faisant référence apparaissent dans les comptes décadaires du Comité révolutionnaire d’Angers147 : « 31 décembre 1793-9 janvier 1794 […] poursuite de l’affaire Coquille et Payelle, renvoyée au juge de paix » ; « 31 janvier 1794 […] Pétition de Coquille, tendante à être jugé ; renvoyée au tribunal du district d’Angers ». Louise-Marie Vivien, sa femme, intervient en adressant une pétition « aux représentants du peuple pour obtenir le jugement de son mari détenu148 ». Cette demande est « renvoyée à la municipalité pour donner des renseignements149 ». Les officiers municipaux décident, le 26 janvier 1794, d’envoyer « au représentant du peuple » la copie de la délibération portant la plainte contre Coquille. Cet emprisonnement va durer plus de deux mois pour Jacques-Antoine qui est finalement libéré le 18 février 1794. Trois jours plus tôt, les représentants du peuple Hentz, Francastel et Garreau se sont présentés à la Société républicaine pour mettre en accusation plusieurs de ses membres. Pour se défendre, Joachim Proust150 dénonce à son tour certains membres de la Commission militaire Parein-Félix151 pour ses excès et pour avoir calomnié la société. Le club est finalement dissout le 23 mars suivant, ce qui fait que Coquille n’eut pas l’occasion d’y retourner bien longtemps si tel fut le cas.
64Difficile de dire quels ont été les effets immédiats de cette incarcération sur l’ex-curé. Sans doute a-t-il pu se remémorer son expérience carcérale à Chartres en 1776. Ce qui est plausible cependant à plus long terme, c’est qu’il en garde le souvenir d’une injustice supplémentaire à son encontre, lui le prédicateur patriote, dont le seul tort à ses yeux a été de soutenir le peuple. À sa sortie de prison, ses convictions demeurent et sont peut-être même renforcées : il va se faire l’orateur des fêtes révolutionnaires et l’avocat du peuple en tant que défenseur officieux.
Notes de bas de page
1ADML, BIB 9008. La chronique de Beaupréau rapporte l’anecdote suivante : « François Mélouin. C’est celui-ci auquel quelques femmes de Beaupréau, réunies sur la chaussée du moulin pour laver leur linge, firent prendre un bain forcé, lorsqu’il venait un jour visiter son digne confrère Coquille. »
2L’Anjou historique, 1901, p. 246-247.
3ADML, 1 L 1018, 18 avril 1793, déposition de François Mélouin devant le comité de surveillance du département de Maine-et-Loire.
4Port Célestin, La Vendée angevine, op. cit., p. 291, déposition de Hulin.
55 E 8 357, 30 septembre 1793, contrat de mariage établi à Angers entre Jacques-Antoine Coquille d’Alleux et Louise-Marie Vivien devant le notaire Mathurin Brevet.
6Liste probablement non exhaustive. D’autres se réfugient dans le diocèse de Nantes.
75 E 8 357, 30 septembre 1793, contrat de mariage établi à Angers entre Jacques-Antoine Coquille d’Alleux et Louise-Marie Vivien devant le notaire Mathurin Brevet.
8Maillard Jacques, L’Ancien Régime et la Révolution en Anjou, op. cit., p. 335.
9La moyenne d’âge des prêtres mariés est de 40 ans en 1794 et de 32 ans pour leurs épouses selon Maréchaux Xavier, « La place des prêtres mariés dans l’histoire de la Révolution française », in Jean-Paul Bertaud, Catherine Duprat, François Brunel et François Hincker (dir.), Mélanges Michel Vovelle. Sur la Révolution : approches plurielles, op. cit., p. 87-94.
10Maréchaux Xavier, Noces révolutionnaires, op. cit., p. 80.
11Chopelin Paul, « Le débat sur le mariage des prêtres dans le diocèse de Rhône-et-Loire au début de la Révolution (1789-1792) », Chrétiens et Sociétés, no 10, 2003.
12Ibid.
13Ibid.
14Ibid.
15L’Observateur provincial, no 21, 1790, p. 77.
16Ibid., no 17, 1790, p. 61-65.
17Ibid.
18Ibid.
19Ibid.
20Avec la publication à Londres de l’ouvrage Onania en 1715, puis celle en France de L’onanisme du docteur Samuel Auguste Tissot en 1760, le débat sur cette question et sa condamnation deviennent prégnants dans la société du xviiie siècle. Sur ce sujet, voir Carol Anne, « Les médecins et la stigmatisation du vice solitaire (fin xviiie-début xix siècles) », RHMC, no 49, 2002, p. 156-172.
21L’Observateur provincial, no 17, 1790, p. 61-65.
22Ibid.
23Ibid.
24Ibid.
25Chopelin Paul, « Le débat sur le mariage des prêtres dans le diocèse de Rhône-et-Loire au début de la Révolution (1789-1792) », art. cité.
26Ibid.
27Ibid.
28Maréchaux Xavier, Noces révolutionnaires, op. cit., p. 58.
29Ibid.
30Ibid., p. 62.
31Archives parlementaires, t. LXXIV, p. 297-298.
32Maréchaux Xavier, Noces révolutionnaires, op. cit., p. 62.
33Ibid.
34Notaire originaire de Beaufort-en-Vallée que Coquille a sûrement rencontré alors qu’il était chez les récollets de cette ville.
35ADML, 5 E 8/357, 30 septembre 1793, contrat de mariage passé devant le notaire Brevet à Angers.
36Une centaine de mètres les sépare.
37Louise-Marie est la troisième fille du couple et seule survivante, ses deux aînées étant décédées en bas âge.
38ADML, 5 E 8/357, 30 septembre 1793, contrat de mariage passé devant le notaire Brevet à Angers.
39ADM, 6 mars 1755, acte de baptême de Louise-Marie Vivien, registre de Saint-Denis d’Anjou, 1740-1759, en ligne, vue 367.
40Maréchaux Xavier, « La place des prêtres mariés dans l’histoire de la Révolution française », art. cité.
41Maréchaux Xavier, Noces révolutionnaires, op. cit., p. 82.
42Le 17 octobre 1793.
43ADML, 1er octobre 1793, acte de mariage de Jacques-Antoine Coquille d’Alleux et Louise-Marie Vivien, registre des mariages d’Angers, 2e arrondissement, en ligne, vues 41-42.
44Louis Moulin, ex-carme, déclare lorsqu’il abdique : « l’exemple que le premier j’ai donné, au département de Maine-et-Loire, du mariage des prêtres le 28 avril 1792, garantit la franchise et la sincérité de ma déclaration », ADML, 1 L 964.
45Pierre Joseph Richou fut ordonné prêtre par l’évêque constitutionnel Hugues Pelletier vers 1792. Il avait déjà trois enfants.
46Maréchaux Xavier, Noces révolutionnaires, op. cit., p. 46.
47Claude Fauchet, évêque constitutionnel du Calvados, est un ardent défenseur du célibat des prêtres. En novembre 1792, il publie dans son diocèse des interdits contre les prêtres mariés et ceux qui les marient.
48Les Affiches d’Angers, no 160, 18 octobre 1793.
49À souligner ici la reprise de l’argument développé dans l’article en faveur du mariage des prêtres du journal L’Observateur provincial.
50Reprise ici d’un argument développé en 1781 par l’abbé Jacques Gaudin dans son ouvrage Les inconvénients du célibat des prêtres.
51Les Affiches d’Angers, no 160, 18 octobre 1793.
52Chopelin Paul, « Le débat sur le mariage des prêtres dans le diocèse de Rhône-et-Loire au début de la Révolution (1789-1792) », art. cité.
53Les Affiches d’Angers, no 160, 18 octobre 1793.
54Bianchi Serge, « Les curés rouges dans la Révolution française », art. cité, p. 453.
55Sur l’air d’une chanson populaire de l’époque : « Eh quoi ! Tu peux dormir encore ».
56Les Affiches d’Angers, no 160, 18 octobre 1793.
57Ibid.
58Maréchaux Xavier, Noces révolutionnaires, op. cit., p. 10.
59Un tiers des abdicataires de Maine-et-Loire se marie. Voir Cousin Bernard, Cubells Monique et Moulinas René, La pique et la croix, op. cit., p. 182.
60Bianchi Serge, « Les curés rouges dans la Révolution française », art. cité.
61Plongeron Bernard, « Les prêtres abdicataires parisiens », Actes du 89e congrès national des sociétés savantes, Paris, Imprimerie nationale, 1964.
62Bliard Pierre, Jureurs et Insermentés, 1790-1794, d’après les dossiers du tribunal révolutionnaire, Paris, Émile-Paul, 1910, p. 183.
63Maréchaux Xavier, Noces révolutionnaires, op. cit., p. 63.
64Ibid.
65Rolland-Boulestreau Anne, « Au cœur des tourmentes révolutionnaire et vendéenne (1789-1802) », in Emmanuel Delmas (dir.), Angers, la grâce d’une cathédrale, Paris, Mengès, 2020.
66Biard Michel et Dupuy Pascal, La Révolution française, 1787-1804, Paris, Armand Colin, 2020, p. 193.
67Coquille a pu être tout à fait sensible plus tard à la mort du jeune tambour Bara, tombé à Jallais dans les Mauges sous les coups des insurgés vendéens le 7 décembre 1793, à 9 km de son ancienne paroisse de Beaupréau.
68Plongeron Bernard (dir.), Histoire du christianisme, t. X : Les défis de la modernité (1750-1840), Paris, Desclée, 1997.
69Le Cossec Anne-Louise, « Francastel, représentant en mission dans la guerre de Vendée », La Révolution française, 2017, [http://journals.openedition.org/Irf/1726], consulté le 16 juillet 2021.
70ADML, 1 L 964.
71Ibid.
72AN, F19 889.
73Joseph Meignan est originaire de Saint-Denis d’Anjou où il est né le 7 octobre 1759. Il devient curé constitutionnel de Saint-Jacques-de-Saumur. Il se marie à Saumur le 15 novembre 1793 avec Louise Thoreau de la Martinière avec laquelle il avait eu un fils qu’il reconnut peu de temps après.
74Jacques-Espérance Loir-Mongazon, ex-curé constitutionnel de Saulgé l’Hôpital, Jean-André Loir-Mongazon, ex-curé constitutionnel de Juigné-sur-Loire, Louis-Pierre Loir-Mongazon, ex-vicaire épiscopal.
75ADML, 1 L 964.
76Rolland-Boulestreau Anne, « Au cœur des tourmentes révolutionnaire et vendéenne (1789-1802) », art. cité.
77Ozouf Mona, La fête révolutionnaire, op. cit.
78Il s’agit en réalité de Nouans dans le département de la Sarthe.
79Les Affiches d’Angers, 23 novembre 1793, no 181.
80Sur l’air de La Marseillaise.
81Nous formulons ici la même hypothèse que Benjamin Bois.
82Revue de l’Anjou, t. II, 1852, p. 295.
83Nous n’évoquons ici que ceux ayant abdiqué à Angers.
84À Angers avec Marguerite Renée Jeanne Charbonneau.
85À une date indéterminée avec Jeanne Marguerite Reigner, avant l’an VIII.
86Maréchaux Xavier, Noces révolutionnaires, op. cit., p. 64 ; Vovelle Michel, La Révolution contre l’Église, de la Raison à l’Être suprême, op. cit., 1988.
87Billy Pierre-Henri, « Des prénoms révolutionnaires en France », AHRF, no 322, 2000, p. 39-60.
88ADML, 1 L 964, 19 novembre 1793, abdication de Jacques-Antoine Coquille d’Alleux.
89Le Vieux Cordelier, no 1, 25 novembre 1793.
90Meszaros Alexis, « La réécriture d’une encombrante défaite : naissance, mort et résurrection historiographiques d’Horatius Coclès », Pallas, no 110, 2019, [http://journals.openedition.org/pallas/17831], consulté le 19 juillet 2021.
91Porsenna, roi étrusque de Clusium au vie siècle avant Jésus-Christ, tente de réinstaller la dynastie des Tarquins à Rome.
92Billy Pierre-Henri, « Des prénoms révolutionnaires en France », art. cité.
93Ibid.
94Ibid.
95Bianchi Serge, « Les curés rouges dans la Révolution française », art. cité, p. 459.
96Le seul qui n’ait pas de lien avec Coquille, c’est le bénédictin Louis Boniface. Officier de la garde nationale puis membre du comité de surveillance à Angers de juillet 1793 à décembre 1794, il a néanmoins peut-être croisé Jacques-Antoine dans la capitale de l’Anjou.
97Caïus a désigné plusieurs personnages de l’Antiquité romaine : s’agit-il d’une référence à l’un des Gracques ? À Pline le Jeune, Jules César ou Caligula qui portaient aussi ce prénom ? Ou encore au consul Varro ?
98Le 24 août 1794.
99L’on peut aussi y voir une référence supplémentaire à Cincinnatus qui s’est retiré un temps dans une chaumière.
100Bianchi Serge, « Les “prénoms révolutionnaires” dans la révolution française : un chantier en devenir », AHRF, no 322, octobre-décembre 2000, [http://journals.openedition.org/ahrf/123], consulté le 19 juillet 2021.
101Bianchi Serge, « Les curés rouges dans la Révolution française », art. cité, p. 459.
102Peyrard Christine, Les Jacobins de l’Ouest, op. cit.
103AMA, 1 D 4, registre des délibérations du conseil municipal d’Angers (23 juillet 1793-9 février 1794).
104Le procureur de Cholet de Beauveau écrit au département à son sujet : « il a contracté des habitudes chéries et la manière d’agir de ce prêtre et les preuves qu’il donne de sa débauche sont du plus grand scandale et font le plus de tort à la chose publique », ADML, 1 L 203.
105La loi du maximum du 4 mai 1793 fixait le prix des grains à ne pas dépasser. Elle est complétée par plusieurs mesures dans les mois qui suivent, notamment le 29 septembre par la loi du maximum général bloquant les prix et les salaires.
106AMA, 1 D 4, registre des délibérations du conseil municipal d’Angers (23 juillet 1793-9 février 1794).
107Ibid.
108Ibid.
109Ibid.
110Ibid.
111Ibid.
112Ibid.
113Protée : un homme qui change constamment d’opinion, qui peut jouer toutes sortes de rôles, en référence à Protée, divinité marine de la mythologie grecque, qui disposait du pouvoir de se transformer.
114AMA, 1 D 4, registre des délibérations du conseil municipal d’Angers (23 juillet 1793-9 février 1794).
115Coquille d’Alleux Jacques, Dialogue entre un pauvre et un riche républicains ; ou exposition des principes des anarchistes avec leur réfutation, Angers, Mame, sans date.
116Ibid., p. 1.
117Ibid.
118Ibid., p. 1-2.
119Maréchaux Xavier, Noces révolutionnaires, op. cit., p. 64.
120Coquille d’Alleux Jacques, Dialogue entre un pauvre et un riche républicains, op. cit., p. 5.
121Ibid.
122Bourdin Philippe, Le noir et le rouge, op. cit.
123Coquille d’Alleux Jacques, Dialogue entre un pauvre et un riche républicains, op. cit., p. 6.
124Ibid., p. 17.
125Martin Jean-Clément, La Révolution française, 1789-1799, une histoire socio-politique, Paris, Belin Sup, 2004, p. 184.
126Coquille d’Alleux Jacques, Dialogue entre un pauvre et un riche républicains, op. cit., p. 9.
127Ibid.
128Dans la mythologie grecque, Irus est un mendiant, personnage de l’Odyssée d’Homère.
129Coquille d’Alleux Jacques, Dialogue entre un pauvre et un riche républicains, op. cit., p. 8.
130Ibid.
131Ibid., p. 14.
132Ibid., p. 16.
133Ibid., p. 17.
134Ibid., p. 21.
135Ibid., p. 29.
136Ibid., p. 30.
137Ibid., p. 32.
138Ibid., p. 33.
139Ibid.
140Ibid., p. 40.
141Ibid.
142Le Cossec Anne Louise, « Francastel, représentant en mission dans la guerre de Vendée », art. cité.
143Jean Joseph Marie Mévolhon était professeur de rhétorique à l’Oratoire d’Angers. Il prête le serment en 1791, puis change son nom pour celui de Civique-Penn. Il est l’auteur de nombreux textes en faveur de la Révolution et notamment sur l’enseignement.
144Blordier-Langlois, Angers et le département de Maine-et-Loire, op. cit., p. 210.
145Le projet n’aboutit pas, le club s’installant à l’église Saint-Nicolas.
146ADML, 81 L 6, liste des détenus à la citadelle d’Angers.
147L’Anjou historique, 1906.
148AMA, 1 D 4, 7 pluviôse an II, registre des délibérations du conseil municipal d’Angers.
149Ibid.
150Joachim Proust, révolutionnaire angevin de la première heure, prend la présidence de la deuxième commission militaire d’Angers à partir du 5 décembre 1793.
151Commission militaire mise en place le 10 juillet 1793 pour juger les Vendéens et les contre-révolutionnaires. Elle prononce 1 168 condamnations à mort.
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