Le séminaire de Sens et l’ordination (1771)

3C’est un acte notarié, passé à Morannes devant maître Poullet le 28 août 1771, qui renseigne la formation religieuse de Jacques Coquille alors âgé de 24 ans6. Il fait à cette époque « ses exercices au séminaire de Sens en Bourgogne » pour se former « à dessein de se pourvoir aux ordres sacrés ». Pour cela, il lui faut obtenir un titre clérical lui assurant une rente annuelle versée par un membre de son entourage. Accompagné de plusieurs de ses proches, il se rend à l’auberge du Lion d’Or de Morannes pour établir ce document devant notaire. Sa mère Perrine Joubert étant décédée, c’est son frère François qui, « voulant se prêter aux saintes intentions du dit sieur Jacques », décide de lui verser cent livres sous forme de rente viagère prélevée sur la moitié de la valeur de la closerie de la Pécaudière, sise à Varenne-Bourreau, dont ils ont hérité. Ce versement doit se faire chaque année « à partir du jour de sa promotion au sous-diaconat », jusqu’au décès de Jacques.

4Coquille a donc très probablement suivi le cursus classique d’accès aux ordres consistant en trois étapes bien distinctes au xviii^e siècle. Entre 14 et 20 ans, c’est la tonsure qu’il accomplit en réalisant un mois de petit séminaire. S’ensuivent des études de philosophie, puis, vers sa vingtième année, avant une cérémonie un dimanche ou un jour de fête, il reçoit de l’évêque les quatre ordres mineurs : portier, lecteur, exorciste et acolyte. C’est avec ce dernier terme qu’il est qualifié en 1771 dans l’acte notarié de maître Poullet. C’est enfin la dernière étape vers les ordres qui s’offre à lui : le sous-diaconat. Plusieurs conditions le régissent : production de lettres testimoniales délivrées par l’évêque sur avis du supérieur du séminaire, justification de mœurs irréprochables, possession d’un « acte notarié de son titre clérical, c’est-à-dire la rente annuelle que des parents ou amis lui assurent en attendant l’obtention d’un bénéfice7 ». S’expliquent ainsi les cent livres annuelles versées par son frère François, « minimum vital [qui] varie entre 80 et 100 livres, à la fin de l’Ancien Régime8 ». Reste, pour terminer, l’obligation de la publication des bans pendant trois dimanches consécutifs dans la paroisse de résidence. C’est chose faite pour Coquille à Saint-Vincent de Tours les 25 août, 1^er et 30 septembre 1771, où le curé de la paroisse « annonce à la grand-messe l’ordination prochaine et somme les paroissiens, sous peine de faute grave, de faire connaître “quelques vices ou empêchements qui le rendraient indigne de cet état”9 ». La même publication est réalisée à Varenne Bourreau les dimanches 1^er, 8 et 15 septembre. D’après l’acte notarié du 28 août 1771 portant sur le « titre clérical du sieur d’Alleux », un certificat de la première publication du 1^er septembre est « précipitamment envoyé à Sens après les autres formalités à cause du temps pressant de l’ordination10 ». Étant dans sa 24^e année, Jacques Coquille est en mesure de recevoir le sous-diaconat. C’est donc chose faite durant les mois de septembre-octobre 1771. Les registres d’ordination de l’archevêché de Sens sont malheureusement lacunaires pour cette période.

5Mais quelle formation a-t-il reçu au séminaire de Sens ? Quelle a été sa vie quotidienne dans ce cadre ? Fondé par l’archevêque Languet de Gergy dans la première moitié du xviii^e siècle, le petit séminaire de Sens fait partie des nombreux établissements qui jalonnent le royaume de France à l’époque, en réponse aux attentes du concile de Trente :

« Faire du prêtre, un être séparé du monde, le “religieux de Dieu” selon la spiritualité sacerdotale de l’École française du xvii^e siècle. Et les hauts murs, qui enserrent jardin et maison presbytérale, continueront de symboliser cette rupture avec le “siècle”11. »

6Pendant une formation qui s’étend sur plus d’un an (seize mois en moyenne en 1789), la vie de l’ordinand est rythmée par la prière comme le rapporte un certain François Pottier, clerc en formation dans un séminaire parisien :

« On se lève à cinq heures, on a une demi-heure pour s’habiller, ensuite on va à la prière jusqu’à six heures, après cela on va à l’étude jusqu’à sept heures quarante-cinq ; l’étude faite, on va déjeuner jusqu’à huit heures. Le quart d’heure suivant, c’est pour faire ce que l’on veut. À huit heures et quart, on va au collège [des jésuites] jusqu’à onze heures où on est à la Messe. On revient ensuite chanter jusqu’à 11 h et demie. Le quart d’heure suivant, on va dire le bénédicité et à onze heures trois quarts on dîne. Après le dîner, on va à la récréation jusqu’à une heure et demie, ensuite la conférence jusqu’à deux heures et quart, après quoi on va au collège jusqu’à quatre heures et demie. En allant et en revenant, on dit le chapelet. À l’arrivée, on va à l’étude jusqu’à cinq heures trois quarts, ensuite à la conférence jusqu’à six heures et demie, et après cela au bénédicité qui dure un quart d’heure, parce qu’on y fait une petite exhortation ; après cela, on soupe. Le souper fait, on va à la récréation jusqu’à 8 h et demie, ensuite à la prière pendant un quart d’heure et enfin au lit12. »

7Si ce témoignage ne vaut pas modèle, la vie quotidienne de Jacques Coquille au petit séminaire ne fut sûrement pas très différente. Mais alors pourquoi avoir choisi la ville de Sens ? Les pistes sont ténues, mais il pourrait bien s’agir d’une raison familiale. L’acte de naissance en 1741 de la sœur de Jacques-Antoine, Marie Anne Claire, porte la signature d’un certain Caillet de la Renouardière. Il s’agit très probablement de celui qui devient curé de Pouy à partir de 1753, paroisse distante de cinq lieues de Sens. Cette connaissance du père de Jacques a peut-être joué dans le choix du séminaire de Sens, dont la position géographique rapproche en outre ce fils du berceau de sa famille dans la région voisine de Nevers.

Le collège de Chinon : influence et expérience de l’enseignement (1772)

8Ses études terminées au séminaire de Sens, Jacques-Antoine apparaît en 1772 sur la liste des régents du collège de Chinon. Le voici donc de retour en Touraine, dans cette ville « qui s’est assoupie depuis la fin du Moyen-Âge13 ». En effet, ce petit centre administratif et judiciaire connaît une activité économique limitée, fondée sur le commerce de produits agricoles et sur une activité textile en déclin. Un petit collège royal y a ouvert ses portes en 1574. Un temps confié aux augustins de 1705 à 1721, il est dirigé par les archevêques de Tours de 1738 à 1791, chargés de nommer les principaux, les régents, et de fixer leurs traitements.

9Le principal que Coquille côtoie en cette année 1772 est Adrien Vallée. Né en 1732, clerc tonsuré en 1756, il est nommé professeur au collège de Chinon par l’archevêque de Tours Henri-Marie-Bernardin de Rosset de Fleury le 24 octobre 1757. Devenu prêtre en 1760, il prend les fonctions de principal de l’établissement la même année et le fait prospérer. Le nombre d’élèves augmente (150 jeunes en 1772 dont 92 pensionnaires), les revenus tout autant, ce qui permet d’entreprendre de nombreux travaux. Coquille évolue donc en 1772 dans un collège en pleine transformation avec, en plus des rénovations, l’édification de nouveaux bâtiments. La vie au collège est elle aussi remaniée depuis l’arrivée du nouveau principal. Le règlement est modifié en 1768 :

« La discipline était alors assez sévère au Collège, que les exercices religieux y tenaient une grande place, que l’étude de la langue latine y précédait celle de la langue française, et qu’à la fin de chaque année les professeurs faisaient passer aux élèves un examen public sur toutes les matières d’enseignement14. »

10Le traitement des professeurs est revu à la hausse en 1772, notamment pour Coquille, 5^e régent, « qui n’avait pas encore d’appointements fixes [et qui] recevrait chaque année 100 livres d’honoraires, [tandis] que le principal toucherait une somme de 50 livres pour la nourriture de ce régent15 ». Les études sont régies par ce même règlement de 1768 :

« On enseigne dans le collège la grammaire, les humanités et la rhétorique. On commence par l’étude de la langue latine ; l’étude de la grammaire et de la littérature française suit de près, et bientôt on fait marcher ces deux études à pas égal. On y joint l’étude de la géographie et de l’histoire, dont on donne des leçons tous les jours. À la fin de chaque année, M.M. les professeurs font faire à leurs écoliers un exercice public sur toutes ces différentes parties. Ils y préparent les pensionnaires par des répétitions qu’ils leur font tous les soirs depuis six heures jusqu’à sept16. »

11La rhétorique est très présente, elle demeure « le fondement et l’aboutissement de la pédagogie dispensée, et cet art de la persuasion justifie cet entraînement précoce, dès les premières classes, qui est aussi un art de l’imitation des Anciens, et particulièrement de Cicéron17 ». Coquille a lui aussi reçu un tel enseignement qui lui vaut sans doute ses talents d’orateur pendant la Révolution. Les élèves sont accueillis à partir de 6 ans pourvu qu’ils sachent lire et écrire18. Ce sont ces plus jeunes dont Coquille s’occupe durant son passage au collège.

12L’enseignement de cette époque est aussi connu en partie grâce à un livre de commerce répertoriant les livres utilisés par les élèves : en plus des grammaires et des ouvrages élémentaires, y figurent des œuvres de Cicéron, Horace, Tacite, Virgile, des traités d’histoire et de géographie, divers catéchismes et livres religieux. D’après Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, ce programme est des plus classiques pour l’époque. Celui de 1769, dans sa forme, s’apparente quant à lui à ceux des collèges bretons, la question se posant alors de l’appartenance du collège de Chinon à un réseau de professeurs issus de cette province19.

13Lorsqu’il quitte ses fonctions de principal en 1776, Adrien Vallée est reconnu par le conseil d’administration du collège qui le gratifie du titre de principal émérite, d’une pension de 300 livres et d’une place d’administrateur honoraire. Le collège a prospéré et a bénéficié d’un contexte favorable. L’expulsion des jésuites du royaume de France en 1762-1763 et la fermeture de certains de leurs établissements d’enseignement a peut-être joué en faveur des collèges comme ceux de Chinon qui dépendaient directement du roi. D’autres sont toutefois repris par les autorités municipales, ce qui est le cas pour le collège de la Flèche20. Le Journal d’Éducation, rédigé par Le Roux, publie en avril 1777 un article qui rend compte du succès du collège de Chinon :

« Le Collège royal de Chinon nous paraît réunir tout ce que l’on peut souhaiter de plus propre à procurer une éducation solide. Les procédés que l’on y suit dans l’enseignement sont les fruits d’une longue expérience ; et c’est cette expérience même qui doit en quelque sorte assurer à cette Maison la confiance entière du public. Autant de morale qu’il en faut pour être éclairé sur tous ses devoirs, et conséquemment vertueux ; assez de littérature pour ouvrir aux élèves l’entrée de toutes les sciences, de tous les arts ; et, pour le physique, tout ce qui peut procurer et conserver une santé vigoureuse ; voilà ce qui constitue l’éducation qui se donne depuis longtemps dans ce Collège, et avec des succès connus21. »

14Adrien Vallée reprend les rênes du collège en 1778 et ce jusqu’en 1785. Il demeure membre du bureau du collège jusqu’à sa fermeture en 1794. Il prête serment à la Constitution les 26 août et 11 octobre 1792. Il remet ses lettres de prêtrise au conseil général de la commune de Chinon le 15 novembre 1793, et continue de résider à Chinon où il meurt le 17 février 1799.

15D’après la liste des régents pour l’année 1772, Coquille a croisé au moins quatre autres religieux professeurs dans ce collège22. Même s’il passe au final peu de temps dans cet établissement, environ une année, cette période a-t-elle pu le marquer durablement ? L’analyse des parcours de ces professeurs a de quoi questionner. Si nous ne savons rien d’un certain Paulmier professeur de rhétorique en 1771-1772, il n’en va pas de même pour les autres.

16Âgé de 22 ans, François-Joseph Gigault23 débute comme professeur des troisième et quatrième classes au collège royal de Chinon en 1772, tout comme Jacques-Antoine qui en a alors 25. Il devient curé de Huismes en 1781, paroisse située à quelques kilomètres au nord de Chinon. Il y poursuit son ministère jusqu’à la Révolution dans laquelle il s’implique activement. On le retrouve ainsi acteur de la rédaction du cahier de doléances de Huismes en 1789, puis président de l’assemblée de Chinon en 179024. Prêtre jusqu’en 1793, il devient ensuite président de l’administration centrale du canton de Chinon. Il demeure toujours à Huismes, commune dont il devient maire entre 1801 et 1803. À cette date, il est choisi pour rouvrir et réorganiser le collège de Chinon dont il assure la direction jusqu’à sa mort en 1807.

17Coquille croise également la route de Jean Guérineau, originaire de la paroisse de Ligueil, professeur au collège de Chinon de 1772 à 1775 comme lui, pour les cinquième et sixième classes. On le retrouve curé constitutionnel à Varennes près de Ligueil en 1790. Après avoir renoncé à toute fonction ecclésiastique, il devient juge de paix en 1794 et prête serment de haine au roi et à la tyrannie. Il exerce ensuite le poste de commissaire du pouvoir exécutif auprès de l’administration du canton de Manthelan en Indre-et-Loire. Vers l’an V, il est indiqué comme ex-prêtre à Manthelan affublé de l’adjectif « zélé ».

18François Joseph Le Manceau, autre professeur, s’inscrit dans un parcours semblable. Issu de la paroisse de Preuilly25, il exerce au collège de Chinon à plusieurs reprises de 1772 à 1776, de 1778 à 1780, puis de 1793 à 1794. Il en prend même brièvement la direction de 1776 à 1778. Homme réputé talentueux, il publia en 1777 un Traité de la Sphère, du Globe et de la Mappemonde à destination des élèves du collège « pour précéder à l’étude de la Géographie26 ». Devenu officier municipal de Chinon sous la Révolution, il rédige notamment une instruction sur la nouvelle dénomination des rues de Chinon en 1793 et publie un Discours prononcé à la fête de la Raison et de la reprise de Toulon, le 1^er décadi de nivôse de l’an second (21 décembre 1793). Il venait de renoncer à la prêtrise le 13 décembre 1793. Il meurt à Chinon le 14 décembre 1811 à 72 ans.

19Si l’historien doit se prémunir contre toute forme de déterminisme, l’analyse des trajectoires de ces régents et du principal du collège de Chinon conduit toutefois à plusieurs remarques. Tous ont été investis dans les débuts de la Révolution, soit en exerçant différentes fonctions administratives, soit en publiant des écrits en faveur des changements de l’époque. Tous ont un destin dans l’Église constitutionnelle en tant que prêtres assermentés. Plusieurs renoncent à la prêtrise27. Jacques-Antoine Coquille, qui connaît le même parcours, a-t-il forgé au contact de ses collègues des convictions qui le conduisent ultérieurement, lui aussi, à une profonde adhésion aux idées nouvelles de son temps et au souhait d’une réorganisation de l’Église ? Peut-on parler dans ces conditions d’une simple coïncidence ? La suite de sa formation accrédite cette influence des réseaux qu’il a fréquentés.

Le séminaire-collège de Valognes : un établissement de renom (1773)

20Les raisons du départ de Coquille du collège de Chinon sont inconnues, quoiqu’il n’ait semble-t-il pas laissé un mauvais souvenir au principal. Celui-ci lui accorde, l’année suivante, un certificat de bonne conduite. Le voici établi en 1773 dans la Manche au séminaire de Valognes, pour une durée indéterminée mais qui n’excède pas trois ans. Pourquoi cette destination ? Coquille la doit probablement aux attaches qu’y possédait Adrien Vallée, le principal du collège de Chinon. Ce dernier était en effet originaire du diocèse de Coutances, en 1732 dans la petite paroisse de Ménilbus, à moins d’une cinquantaine de kilomètres de Valognes. Il était devenu chapelain titulaire de la chapelle de la Hézardière à Saint-Aubin du Perron, à quelques kilomètres de son lieu de naissance, avant de rejoindre Chinon. Il est ainsi plus que probable qu’Adrien Vallée ait fréquenté lui-même le séminaire et le collège de Valognes dont la réputation est grande à l’époque.

21En cette deuxième moitié du xviii^e siècle, Valognes est une ville de 7 000 à 8 000 âmes qui bénéficie de « l’aspect et de la réputation d’une ville importante28 ». Dotée de nombreux hôtels particuliers, elle attire les notables de tout le Cotentin agissant telle une capitale. La cité, forte de son influence et de cette architecture florissante, acquiert le surnom de « Versailles normand29 ». De nombreux couvents d’hommes et de femmes la jalonnent et participent par ailleurs à son essor depuis le xvii^e siècle. Le séminaire de Valognes ouvre ses portes en 1654 mais est rapidement fermé, en 1675, car devenu un foyer du jansénisme sous l’action de son fondateur l’abbé François Le Tellier de la Luthumière. Le séminaire rouvre en 1702, puis à partir de 1730 ce sont les pères eudistes30 qui en prennent la direction et ce, jusqu’en 1790. Un collège est adjoint au séminaire et, en 1774, l’ensemble comporte près de 600 élèves rayonnant sur la Normandie « et faisait une concurrence redoutable à l’école de latin de Cherbourg qui était en ce moment-là en pleine décadence31 ». D’après les manuscrits d’un ancien élève, Constant Demons, de Cherbourg, ils étaient 101 dans la classe de philosophie en 1772 et 377 élèves au total au collège en 177832.

22Coquille arrive donc, probablement pour enseigner, dans un établissement d’une plus grande taille que celui de Chinon et dont les bâtiments en imposent aux visiteurs. C’est du moins ce que l’on constate en lisant la description faite par Robert de Hesseln dans son dictionnaire en 1771 :

« Le séminaire est le plus bel édifice qui soit à Vallogne [sic]. On admire sa situation ; la place qui est vis-à-vis de son entrée ; cette entrée même, ornée de pilastres et de colomnes [sic] d’une seule pièce de pierres plus dures que le marbre, ainsi que la grande croix qui est au-dessus de la porte ; enfin, les pavillons, et ses cours majestueuses. La seconde, dans laquelle sont les édifices, est plus élevée que la première de quatre ou cinq degrés, qui sont de toute la longueur de la première cour. Celle-ci est toute pavée ; mais celle d’en haut est en gazons, et ornée d’allées sablées en compartiments. Le grand corps-de-logis est accompagné de deux ailes, dont l’orientale est l’église. Les jardins sont vastes et vraiment magnifiques. Autour du premier jardin règne une terrasse en fer-à-cheval, comme celle du palais du Luxembourg à Paris. Sur cette terrasse était le plus beau berceau qu’on ait peut-être vu en Normandie. Il était formé par un grand nombre d’ormes, plantés à distances égales ; leurs troncs paraissaient des colomnes [sic] de dix à douze pieds, et leurs branches entrelacées formaient une voûte impénétrable à l’ardeur du jour et à la pluie33. »

Fig. 3. – Le collège de Valognes.

23Depuis 1740, une bibliothèque est adjointe au séminaire, ouverte au public et dotée à cette date de « 2 000 volumes de différentes matières, grandeurs et tomes34 ». Dans cette institution, l’ouverture de l’enseignement à la modernité « est confirmée par la forte participation des professeurs de collège à l’activité de l’académie, toute proche, de Cherbourg qui fonctionne de 1765 à 178335 ».

24Ce sont les pères eudistes de la congrégation de Jésus et Marie qui dirigent l’ensemble depuis 1730. Cet ordre a pour objectif la formation des prêtres, et à Valognes les élèves se destinent majoritairement à être clercs36. Mais dans ce collège ils ne peuvent assurer toutes les classes :

« Seule la chaire de théologie devait être occupée par un eudiste. Les autres, celles de philosophie et des humanités, étaient attribuées aux externes qui ne les obtenaient ordinairement que par voie de concours ou par la libre désignation des édiles de la ville de Valognes37. »

25Jacques-Antoine arrive peut-être dans ces conditions mais aucun document ne permet de l’affirmer. Qui plus est, aucune archive ne renseigne la vie de Coquille dans cet établissement. Nous savons simplement qu’il bénéficie en 1773, comme pour le collège de Chinon, d’un « certificat de bonne vie et mœurs et de capacité38 » rédigé par Jean Auger, principal du séminaire de Valognes de 1767 à 1777.

26Sans mentionner de source, l’historiographie du xix^e siècle insiste sur le caractère instable, volubile, d’un Jacques-Antoine divaguant de séminaire en séminaire39. Les déplacements de Coquille s’expliquent plutôt par des raisons familiales comme pour le séminaire de Sens, ou par les rencontres qu’il peut faire à l’instar de celle d’Adrien Vallée pour le séminaire-collège de Valognes. Cela correspond en tous points à la grande mobilité d’une partie du clergé d’Ancien Régime. En outre, Jacques-Antoine passe d’un collège de cent cinquante élèves à Chinon au séminaire-collège de Valognes avec 600 élèves, réputé, majestueux, dans une ville de grande renommée. Ne s’agirait-il pas d’une forme de valorisation de son parcours au regard de son mérite ?

27Pourtant, faut-il enlever tout crédit aux dires de cette historiographie du xix^e siècle ? Peut-on exclure que Célestin Port, évoquant la jeunesse orageuse de Coquille, ait eu accès à une tradition orale le concernant ? Un fait est peut-être à l’origine de ce commentaire de l’archiviste de Maine-et-Loire, particulièrement marquant dans la vie de Jacques-Antoine, et pourtant non relaté par les historiens.

Initiation de sociabilité régulière et influences franciscaines chez les récollets de Tours

35Il est 17 h au couvent des récollets de Tours ce 31 décembre 1776 lorsque la cloche retentit. Toute la communauté est assemblée comme elle en a l’habitude en pareil cas pour accueillir un nouveau membre. Ces circonstances sont exposées dans le registre des professions et vêtures du couvent pour l’année 1776 qui comporte la prise d’habit de Jacques-Antoine dans l’ordre de Saint François :

« Aujourd’huy, trante et un dexcembre mil sept cent soixante seize, je soussigné, Jacques-Antoine Coquille d’Alleux, clerc tonsurré du diocèse de Tours, fils de Jacque François Coquille d’Alleux, écuyer et controlleur embulant en laditte ville de Tours, et de dame Perrine Joubert, son épouse, mes père et mère étant morts, moy, Jacques-Antoine Coquille d’Alleux, certiffie avoir reçû l’habit de mon séraphique père St François, en qualitté de clerc, des mains du révérend Père Constantin Rebin, entien [sic] lecteur de théologie, entien [sic] deffiniteur et actuelement gardien des pères Récollets de La Flèche […] et l’on m’a donné le nom de frère Bernardin, le tout après avoir été interrogé sur les conditions requises a quoy j’ai répondu la véritté, en foy de quoy j’ai signé le présent acte […]47. »

36Jacques-Antoine a donc à peine 30 ans quand il intègre cet « ordre de masse » que sont les récollets, « rameau réformé de l’arbre franciscain48 » proche des capucins, à la définition très voisine, mais bel et bien concurrents. Les franciscains sont mieux connus aujourd’hui grâce au développement ces dernières années de l’historiographie les concernant49. La vocation de cet ordre à l’origine semblait claire : réformer l’ensemble des couvents franciscains50. En ce dernier quart de xviii^e siècle, même si l’ordre n’est plus à son apogée et connaît un déclin continu jusqu’à la Révolution51, le maillage du territoire par les récollets demeure bien établi avec 2 534 religieux en 1768 pour 223 couvents répartis en onze provinces. Tous observent une organisation commune en France depuis la congrégation nationale de Versailles en 1770 et la publication de statuts communs. Tours compte parmi les établissements de la province de Sainte-Marie Madeleine dont le siège se situe alors à Orléans. L’installation du couvent des récollets à Tours avait été autorisée par une délibération de l’hôtel de ville du 6 mai 1619 entre les rues des Fossés-Saint-Martin et Sainte-Anne52, dans un espace peu enviable puisqu’au xviii^e siècle la rue des récollets est signalée comme inondée en permanence53. L’édifice placé sous la protection d’Anne d’Autriche vient compléter, comme dans beaucoup de villes du royaume, un ensemble fourni de congrégations religieuses masculines et féminines installées ou à venir parmi lesquelles feuillants, capucins, carmélites, oratoriens, ursulines, minimes, jésuites…54. Le cloître et l’église sont bâtis en 1620-1621. Peu à peu, l’ensemble est doté de murs, rendant l’ensemble massif et inscrivant « la suprématie définitive des récollets dans le tissu urbain de ce quartier55 ».

37Entrer chez les récollets, c’est intégrer un ordre mendiant et faire le choix d’une vie expérimentant l’extrême pauvreté marquée par une oraison mentale quotidienne d’une heure. Le mot même de récollet, « se recueillir en soi-même », apporte une bonne définition de cette attitude spirituelle56. L’apostolat est marqué par la prédication et la confession selon Frédéric Meyer :

« Les récollets prêcheraient plutôt une religion affective, l’amour de Dieu que la peur de l’Enfer […]. Cette pastorale de la séduction est en fait une pastorale de la sécurisation […]. Il s’agit d’encadrer les laïcs, mais aussi de les protéger au matériel comme au spirituel. »

38Ce point apparaît essentiel pour notre étude. En effet, la vision spirituelle des récollets s’accorde dans la deuxième moitié du xviii^e siècle avec l’évolution de la perception de Dieu. Comme le rappelle l’historien Rodney Dean en prenant l’exemple de la pensée du philosophe Gotthold Lessing, « la représentation d’un Dieu conçu comme Dieu Juge ou au contraire comme Dieu d’Amour paraît avoir occupé l’actualité dans les décennies précédant 1789. […] Les convictions de Lessing à propos du Dieu-Amour et du Christ (ou bien celles d’autres penseurs comme lui) paraissent nourrir un parallèle avec les opinions exprimées par certains ecclésiastiques constitutionnels57 ». À savoir que « l’image d’un Dieu vengeur, rancunier et cruel, ne se trouve […] presque nulle part, dans les publications ou les discours du clergé constitutionnel, non seulement en 1791 mais tout le long de l’histoire de cette Église58 ». L’on mesure ici la possible influence de la spiritualité des récollets sur la pensée de Jacques-Antoine Coquille. À l’inverse d’une pastorale tridentine très développée en Bretagne et en Anjou à laquelle il se heurtera bientôt et où « l’Église use sans cesse de la crainte de la mort, du jugement et de l’enfer, comme instrument de pastorale et moyen de maintenir les fidèles dans le droit chemin59 », Coquille fait l’expérience d’un Dieu aimant, ouvrant la voie possible au bonheur et à un monde meilleur. Ces idées se retrouvent ultérieurement dans son parcours.

39Présents dans l’accompagnement des malades, même si l’assistance ne fait pas partie des points majeurs de leur engagement, les récollets jouissent encore d’une certaine popularité dans la deuxième moitié du xviii^e siècle malgré un essoufflement à l’instar des autres ordres masculins. Ils s’ouvrent ponctuellement à d’autres pratiques comme l’enseignement. C’est le cas pour Coquille signalé par Célestin Port comme étant professeur chez les récollets de Tours au premier janvier 1778 sous le nom de frère Simplicien. Suggérée par Frédéric Meyer60, l’étude des prénoms de religion choisis par les novices sur les registres de vêtures renseigne aussi sur les motivations des récollets. Vécu comme un deuxième baptême, « il donne au religieux un modèle de sainteté à imiter, tout au long de sa vie61 ». En choisissant le nom de frère Bernardin pour sa prise d’habit, Coquille se place dans la lignée du franciscain Bernardin de Sienne (1380-1444), prédicateur infatigable de la péninsule italique, prônant pacifiquement la régénération de la société par l’instauration d’une stricte moralité. Comme pour les récollets de la province de Lyon dont les noms ont été étudiés62, ce choix de Coquille marque une spiritualité attachée à l’ordre franciscain, mais aussi une sensibilité à une refonte de la société. Le nom de frère Simplicien qu’il choisit pour sa profession rappelle quant à lui saint Simplicien, évêque de Milan mort en 404, successeur de l’évêque saint Ambroise et couvert de louanges par saint Augustin63.

40Jacques-Antoine choisit donc la stricte observance de la règle de Saint François d’Assise faite de privation matérielle. Nous ne disposons malheureusement pas d’éléments directs sur sa vie pendant cette période. Mais l’étude du registre des vêtures et des professions du couvent des récollets de Tours a permis de recenser et d’étudier les frères qu’il a fréquentés. Une liste d’environ 70 religieux a pu être constituée et son analyse offre des perspectives de compréhension de ce monde des réguliers de Tours, dans lequel Coquille a passé quelques années, de la fin de 1776 jusqu’en 1782 au moins64. Sur 34 prises d’habit identifiées dans une période allant de 1770 à 1786, l’âge moyen des 31 novices, dont les dates de naissance sont connues, s’élève à 23 ans et demi. Ce sont donc plutôt des hommes jeunes qui entrent chez les récollets. Jacques-Antoine a lui 29 ans, ce qui le place parmi les plus âgés à s’engager, puisque seuls deux frères sont plus vieux que lui lors de leur vêture. Cette entrée plus tardive au couvent s’explique par son passage précédent dans les deux séminaires de Sens et de Valognes et au collège de Chinon, signe peut-être d’une hésitation de sa part à s’engager dans les ordres ? La période de probation dure habituellement une année. C’est donc logiquement que l’âge moyen à la profession se situe chez les récollets de Tours à 25 ans. Là aussi, à trente ans passés, Coquille figure parmi les plus âgés.

41Le recrutement géographique des novices et profès montre le rayonnement du couvent sur de nombreux diocèses, principalement ceux de la généralité de Tours et de Bourges, ou encore de Nantes, ce qui correspond à la province récollette Sainte-Marie-Madeleine. À plus de 55 %, l’origine de ces religieux est urbaine. Moins de 17 % d’entre eux proviennent de paroisses de moins de 1 000 habitants. Originaire de Tours, Coquille appartient à ce milieu urbain qu’il retrouve donc majoritairement dans ce couvent. Frédéric Meyer a pu constater, dans ses travaux sur les récollets lyonnais, que le recrutement social, globalement bourgeois, tend à glisser de la robe à la marchandise des années 1630 à 1750. L’origine sociale des religieux récollets de Tours vient confirmer cette analyse. Leurs parents sont plutôt des marchands, des bourgeois et des artisans. Coquille est proche de ceux-ci puisqu’issu, certes, d’une famille de la Régie des aides mais qui est au contact de la bourgeoisie marchande. La noblesse est quant à elle peu représentée chez les récollets : « Il s’agit d’une petite noblesse, sans titre, la grande noblesse d’épée ou de robe ne donne pas ses fils aux récollets65. »

42L’analyse des catégories de frères dans le couvent des récollets de Tours confirme elle aussi une tendance observée dans d’autres provinces de l’ordre. Ces catégories sont au nombre de trois : les clercs, les frères lais qui demeurent dans l’état laïc et, particularité chez les récollets, les frères tertiaires. Ces derniers ont fait des vœux simples et passent par une période de probation de deux ans. Frédéric Meyer précise qu’« ils ne sont pas uniquement cantonnés aux tâches matérielles [mais doivent] participer comme de vrais religieux à la vie de l’ordre ». À Tours, la très grande majorité entre donc au couvent en tant que clercs, loin devant les frères tertiaires et les frères lais. Lors de sa vêture mentionnée précédemment, Jacques-Antoine s’engage en qualité de clerc. Rien de bien surprenant à cela : « La prêtrise est la vocation même des récollets. Prêcher, confesser, administrer les sacrements imposent les ordres majeurs. C’est de prêtres dont l’ordre a besoin66. » 70 % des récollets au xviii^e siècle sont des clercs. Ce nombre s’élève même à 93,5 % en 1790 dans la province récollette Sainte-Marie-Madeleine dont dépend le couvent de Tours.

43L’engagement de Jacques-Antoine est un événement majeur pour lui mais aussi pour son entourage. L’étude des signatures au bas de sa profession chez les récollets le 1^er janvier 1778 est significative à cet égard. Outre les membres de la communauté qui signent l’acte, plusieurs proches assistent à la cérémonie, notamment son frère François. C’est aussi le cas d’Antoine Rattier son parrain, alors trésorier des troupes de la généralité de Tours. De nombreuses autres signatures sont visibles, ce qui fait l’originalité de ce document par rapport aux autres professions de récollets du même registre. Citons notamment un Martel de Saint-Antoine, un Sain de Boislecomte ou encore un D. Langellerie.

44Choix délibéré ? Imposé ? Résigné ? L’engagement de Coquille n’est peut-être pas aussi irréfléchi que le laisse supposer l’historiographie du xix^e siècle. D’abord parce que l’entrée chez les récollets est rigoureusement contrôlée. Avant de revêtir l’habit, le candidat est assimilé à un « postulant ». Pendant une semaine, il vit au couvent tout en conservant ses habits séculiers. S’ensuit une interrogation menée par le gardien du couvent, ou le maître des novices. Les questions portent sur la motivation, les conditions et qualités requises pour faire profession67. Les aptitudes intellectuelles mais aussi physiques sont vérifiées lors d’un entretien préalable au noviciat : « On n’accepte dans les couvents que des fils nés en légitime mariage, baptisés, catholiques et célibataires. Les statuts ajoutent “prêts à souffrir en martyr”68. » Vient alors le temps de la vêture ou prise d’habit, véritable cérémonie religieuse. Jacques-Antoine a vécu ce moment solennel, où, devant toute la communauté assemblée, le novice se confesse et reçoit l’assentiment de l’ensemble des frères. Nul doute que ce moment ne fut très différent des vêtures du xvii^e siècle :

« Les frères sont au chœur, le novice est à genoux au centre de la chapelle, les mains jointes, fixant le sol. On lui remet la tunique, le capuce, la corde, les socques, la discipline. Hymnes, prières, interrogations : face contre terre puis à genoux, le novice demande miséricorde, réitère sa foi catholique, son célibat, assure qu’il est de naissance légitime, libre, sans parent à charge, etc. Puis il récite le confiteor, reçoit l’absolution et la communauté récite les litanies de la Vierge69. »

45C’est alors le temps du noviciat proprement dit, au cours duquel il n’est pas rare de voir des candidats abandonner leur démarche face aux rigueurs de la vie au couvent. Le nouvel entrant est confié à un maître des novices. Dans le cas de Jacques-Antoine, il s’agit de Julien Cordelais, alias frère Anselme. Agé de 50 ans, il a fait profession chez les récollets de La Flèche en 1742. On le retrouve au couvent des récollets d’Angers vers 1770. C’est donc lui qui, tout au long de l’année 1777, accompagne Coquille pour lui inculquer la « gravité modeste » du franciscain70. Cette pédagogie s’organise quotidiennement autour d’une leçon « sur l’office divin, l’oraison mentale, la nécessité de fuir le vice et de pratiquer la vertu, sur la règle, les constitutions de l’ordre71 ». Rassemblés en dortoir, les novices ne peuvent sortir à leur guise mais le maître est toujours présent pour eux au besoin. La confession des péchés est quotidienne auprès du maître des novices et la communion, hebdomadaire, lors de la messe dominicale au couvent. Prières et chants rythment les journées tandis que le vendredi est consacré à un jeûne au pain et à l’eau. Ils servent également la messe et accomplissent différentes tâches d’entretien du couvent. Il s’agit bien « d’un apprentissage à la vie conventuelle, à l’humilité, à la rupture avec le monde, à l’abandon de soi72 ». Plusieurs examens scandent l’année du noviciat qui peuvent aboutir, le cas échéant, au renvoi du novice qui est interrogé sur ses compétences et sa connaissance de la règle. Renvoi ou départ volontaire, car un retour au monde est toujours possible, ce qui exclut de considérer le noviciat comme un enfermement. Au terme de ces douze mois, Coquille a sans doute effectué une récollection, c’est-à-dire une retraite de huit à dix jours, avant de confirmer son choix et de faire profession.

46C’est ainsi que, le 1^er janvier 1778, il écrit de sa main sur le registre des vêtures et des professions du couvent :

« Aujourd’hui le premier jour de janvier mil sept cent soixante et dix huit je soussigné frère Simplicien nommé au siècle Jacques Antoine Coquille d’Alleux, fils du sieur Jacques François Coquille d’Alleux contrôleur ambulant et de dame Perrine Joubert son épouse mes père et mère, étant morts, de la paroisse de Saint-Vincent ville et diocèse de Tours où j’ai été baptisé le dix sept juin mil sept cent quarante et sept ; certifie à qui il appartiendra avoir fait vœu et profession de la règle de mon séraphique père St François, librement et sans contrainte entre les mains du vénérable père Bénin Le Tourneux maître des novices du couvent des Récollets de Tours, en qualité de clerc, sur les onze heures du matin, en présence de la communauté assemblée pour cet effet au son de la cloche du chapitre devant le grand autel après avoir achevé l’année de mon noviciat ayant pris l’habit le trente et un décembre mil sept cens soixante et seize après avoir fourni les attestations nécessaires en pareil cas et avoir été sommé juridiquement de dire devant la communauté si j’avais répondu la vérité lorsque j’ai été interrogé sur les conditions requises par les cannons [sic] et les statuts de l’ordre à quoi j’ai assuré avoir dit la vérité, en foi de quoi j’ai signé le présent acte sur l’autel le jour et an que dessus73. »

47Si nous reprenons ici ce document dans son intégralité, c’est pour mieux souligner le caractère engageant de la démarche. Jacques-Antoine a franchi toutes les étapes du noviciat et c’est a priori librement qu’il fait vœu d’entrer chez les récollets franciscains. En effet, même s’il existe des cas d’engagements forcés sous l’effet de pression des parents, des recours sont ensuite possibles pour quitter les couvents. Et dans le cas de Coquille, ses parents sont déjà décédés depuis plusieurs années ce qui exclut cette hypothèse. Après une sélection sévère où les échecs au noviciat avoisinent les 20 %, mais avec la liberté d’y renoncer, et avec la perspective d’une vie rigoureuse, il pose un acte fort d’adhésion au clergé régulier. Les couvents ne sont pas que des prisons où des familles se débarrasseraient d’enfants gênants comme le souligne Dominique Dinet74. Le siècle des Lumières a produit le cliché de couvents remplis de religieux contre leur gré75, tout comme l’historiographie du xix^e siècle a voulu le suggérer pour Coquille.

48En guise de preuve supplémentaire, il demeure dans cet ordre quatorze années consécutives jusqu’en 1790. Il aurait peut-être pu quitter le couvent76 et l’ordre des récollets bien avant la Révolution, mais il ne l’a pas fait. Outre ses motivations religieuses dont nous ne pouvons faire état, il sait qu’il entre dans un « faisceau de familiarités77 » très rassurant. Il se retrouve tout d’abord à Tours, milieu urbain qui l’a vu naître et dans lequel il a passé les premières années de sa vie. La majorité des nouveaux récollets de ce couvent, jeunes comme lui, est elle-même issue de ce milieu urbain, bourgeois et marchand, donc socialement proche du cadre dans lequel il a vécu jusqu’à présent. Le récollet meurt au monde par sa profession, mais il n’y meurt pas seul selon la formule de Frédéric Meyer78, qui poursuit :

« La vocation du récollet est sécurisante, elle ne rompt pas avec la société antérieure, elle la sublime par le mythe communautaire franciscain, par l’assurance du minimum vital et du salut dans l’autre monde. […] Suivre le Poverello, oui. Choisir l’isolement du pauvre, le vrai, celui qui est démuni dans toutes les circonstances (matérielles, sociales, affectives), non. Paradoxe pour un ordre mendiant. »

49Quelle a donc été cette vie choisie par Jacques-Antoine ? Celle d’une vie ordonnée par un lever à cinq ou six heures du matin, suivant la saison, et rythmée par les offices chantés aux différentes heures de la journée dans le chœur, par les frères clercs dont il fait partie :

« La communauté s’assemble au chœur pour l’office de prime, suivi d’une heure d’oraison mentale ou récollection […]. À 9 heures a lieu l’office de tierce, suivi de la messe conventuelle. À 11 heures et demie, sexte, avant le dîner et la coulpe des novices vers midi. De 13 heures à 14 heures a lieu une récréation dans les chambres, mais avec silence obligatoire dans tout le couvent. À 14 heures, c’est l’office de none, à 15 heures vêpres, à 17 heures complies suivies d’une autre heure d’oraison. Le souper est servi vers 19 heures ; à la fin, on récite l’antienne Tota Pulchra, on fait une aspersion d’eau bénite, on récite un De Profundis. Chaque religieux, les bras en croix, dit six pater, un ave et un Gloria Patri et fait un court examen de conscience. À 20 heures le silence tombe sur le couvent. La nuit est coupée par les matines à minuit […]. Elles sont suivies des laudes, d’une demi-heure d’oraison mentale et de la lecture d’une méditation. Puis la communauté se recouche jusqu’à prime79. »

50Ce fractionnement de la journée est celui des récollets lyonnais que l’on retrouve aussi, avec quelques variantes, chez ceux du Bordelais et de Provence. Celui des Tourangeaux ne devait pas être bien différent. La semaine est ponctuée par deux confessions. Le silence prévaut la plupart du temps et constitue une vertu du récollet. Le respect est manifeste. Lorsqu’un frère lai ou tertiaire croise Jacques-Antoine, il doit faire une génuflexion pour marquer cette déférence au clerc. La pauvreté quant à elle, nécessairement visible, se manifeste par l’habit épuré : robe de bure, ceinture à corde, capuce court. L’apparence du frère récollet clerc est marquée par les cheveux coupés en couronne au-dessus de l’oreille. Les repas, simples, se prennent au réfectoire, en silence, séparément suivant les catégories de frères, et ils sont accompagnés de lectures en français et en latin. Les périodes de jeûne, pendant lesquelles on se contente d’un repas par jour, sont nombreuses totalisant environ quatre-vingts jours dans l’année. À cela s’ajoutent des jours d’abstinence.

51Méditation, solitude et retraite spirituelle caractérisent le récollet, tout autant que l’apostolat : « Le récollet cherche à équilibrer la vie dans le cloître et dans le monde80. » En effet, il s’agit bien pour les récollets d’accompagner les laïcs par la prédication, la confession, les conseils spirituels. D’ailleurs cet aspect fondamental ressort chez Coquille pendant la Révolution lorsqu’il propose un journal qu’il intitule Le Prédicateur patriote.

52Mais qui sont plus précisément ces récollets de Tours ? Nous avons déjà évoqué leurs origines sociales, leur âge aux différentes étapes de leur entrée dans l’ordre. Leurs parcours personnels ultérieurs peuvent-ils être éclairants sur les modes de pensée de Jacques-Antoine qui les a côtoyés ? Commençons par ceux qui entrent au couvent dans les années avérées de présence de Coquille dans celui-ci. Ils sont 19 à prendre l’habit ou à faire profession entre 1776 et 1782. Parmi eux, cinq renoncent à poursuivre leur engagement. Sur les 14 restants, le devenir de huit d’entre eux est connu pendant la Révolution. Jean Camus, alias frère Agathange, se retire dans sa famille à la fermeture des couvents en 1790. Charles Lusson, frère Léandre, part aux États-Unis d’après Philippe Joutard qui le classe parmi les réfractaires en exil à partir de 179181. Ce qui est remarquable, c’est que les six autres récollets s’engagent dans l’Église constitutionnelle. Claude Bonnet, René Aubin et Joseph Coindet ont fait les serments de 1791 ou de 1792. René Lorier, Jean-François Pichard et Jacques Coquille ont tous les trois revêtu leurs habits de récollet en 1776 et ont ensuite fait profession à peu de temps d’intervalle. Ils ont donc partagé leur engagement et leur parcours de formation au couvent. Ils ont été accompagnés par leur maître des novices, frère Bénin alias Pierre Le Tourneux. Ce dernier est lui-même devenu curé constitutionnel, élu pour la cure de Notre-Dame de Chemillé dans les Mauges le 17 avril 1791 (tout près de Beaupréau où Jacques Coquille exerce son ministère constitutionnel), puis installé comme prêtre constitutionnel de la paroisse de Noyen dans le diocèse du Mans jusqu’à la cessation du culte. René Lorier devient curé constitutionnel de Beaumont-Pied-de-Bœuf dans le diocèse du Mans. D’après dom Piolin, il brûle lui-même ses lettres de prêtrise82. Mais c’est le parcours de Jean-François Pichard qui retient le plus l’attention, tant il est comparable à celui de Jacques-Antoine. Né tout comme lui dans un milieu urbain, au Mans, il fait profession chez les récollets de Tours quinze jours avant Coquille, le 15 décembre 1777, avec la même qualité de clerc. Ordonné à Nantes en 1780, il prêche dans différents diocèses. Aux débuts de la Révolution, il réside au couvent de Vitré en Bretagne. Sermenté, il revient au Mans puis exerce comme vicaire dans la paroisse du Pré. Il devient ensuite curé constitutionnel de la paroisse de Vallon où il arrive le 10 ou 11 juillet 1791 pour remplacer un prêtre réfractaire. Jean-François Pichard poursuit son ministère au moins jusqu’à l’automne 1792. Il se marie comme Coquille avant de devenir instituteur. Quant à Charles Toussaint Valframbert, entré chez les récollets de Tours un an et demi après Coquille, il prête serment le 6 février 1791 et est élu curé de Cossé, puis de Chanteloup, paroisses situées à une trentaine de kilomètres de Beaupréau, où il connaît lui aussi de nombreuses difficultés.

53D’autres membres de la communauté des récollets de Tours, au nombre de sept, connaissent un destin dans l’Église constitutionnelle pendant la Révolution en tant que vicaires ou curés constitutionnels. Parmi eux, Gabriel Piquet, « récollet supérieur » tel qu’il est mentionné sur le registre en 1777, écrit au Comité ecclésiastique en 1790 pour « qu’on brise entièrement nos fers83 ». Il devient curé constitutionnel de Soulaines en Maine-et-Loire, où il ne peut se maintenir plus d’un mois et demi, et se retrouve par la suite curé constitutionnel de Cherré dans le même département.

54Un maître des novices, un récollet supérieur et de nombreux jeunes récollets : au total au moins quinze frères gravitant autour de Coquille font le choix du serment constitutionnel en 1791. Tout comme au collège de Chinon mais dans une plus grande proportion, le réseau de relations de Jacques-Antoine au couvent des récollets de Tours révèle qu’il a évolué dans un terreau religieux propice à l’ouverture vers l’Église constitutionnelle à l’heure du serment de 1790. La formation, les échanges, les réflexions, les discussions entre ces religieux sur les questions de leur temps ont contribué à forger sa vision de la société, et l’idée que des changements doivent être opérés au sein de l’ordre du clergé.

Les récollets du couvent de Beaufort-en Vallée : une communauté investie dans un maillage clérical dense

55Le couvent des récollets de Beaufort appartenant aux récollets de Tours, il n’est pas étonnant d’y croiser Jacques-Antoine Coquille en 1789, sans que nous ne connaissions toutefois la date84 et les raisons de son arrivée. Relevons simplement qu’il n’était pas rare pour les récollets de changer de couvent, contrairement à ce qu’en dit l’historiographie du xix^e siècle qui y voit là la preuve de l’instabilité de Coquille. Dominique Dinet a ainsi prouvé que les moines demeurent rarement plus de six ans dans la même abbaye et qu’ils se déplacent avec l’accord préalable de leurs supérieurs pour différents motifs, notamment pour se former intellectuellement85.

Fig. 4. – Photographie du couvent des récollets de Beaufort-en-Vallée, xix^e siècle.

56L’établissement des récollets à Beaufort remonte à 1603, « dans les bâtiments de l’hospice qui leur avaient été concédés par lettres de 1599, charge pour eux de fournir des prédicateurs aux fêtes solennelles. L’église fut consacrée par Henri Arnauld le 25 septembre 168186 ». Cette installation fait suite à une assemblée tenue à Beaufort le 23 décembre 1598 où les récollets de la Baumette d’Angers répondent à une demande de la population pour y fixer un couvent. En effet, le prieur-curé ne suffisait pas pour desservir cette petite ville de mille trois cents feux à l’époque87. Fidèles à leur action et à leur réputation, les récollets, qui avaient récemment secouru les Beaufortains lors d’une épidémie de peste, prennent leurs quartiers dans une partie de l’ancienne maladrerie jouxtant la chapelle du Port qui leur est dévolue. S’ensuit la construction de douze cellules pour les frères et d’une église au début du xvii^e siècle. Puis, l’hôpital ayant été transféré en dehors de leurs bâtiments, les récollets reconstruisent entièrement leur couvent de 1679 à 1681. Peu de modifications sont réalisées au cours du xviii^e siècle. Jacques Coquille évolue dans un couvent doté d’une chapelle tapissée de sept toiles, dont l’une représentait l’Ascension, et d’une bibliothèque garnie de 1 894 volumes, vendus à la Révolution, qui ont sans nul doute nourri ses réflexions. Ce nombre de livres fait partie de la moyenne supérieure des collections des couvents qui majoritairement alignent de 500 à 2 000 volumes, mais bien au-delà du millier de volumes observé habituellement chez les franciscains88.

Fig. 5. – Novice des récollets de Beaufort-en-Vallée.

57En 1789, le couvent complète un maillage clérical désormais dense à Beaufort-en-Vallée composé d’un prieuré-cure, d’un collège, d’un hôtel-Dieu, d’une congrégation de religieuses hospitalières et de la succursale de Saint-Pierre-du-Lac :

« Les récollets devaient fournir des prédicateurs aux grandes fêtes, assurer la direction spirituelle des Hospitalières, administrer les sacrements aux pauvres de l’Hôtel-Dieu, aux quatre fêtes principales de l’année89. »

58À la veille de la Révolution, le couvent des récollets de Beaufort compte trois frères et six pères dont Coquille. L’analyse de l’entourage de Jacques-Antoine dans cet établissement, tout comme il a été possible de le réaliser pour le collège de Chinon et les récollets de Tours, apporte des pistes de compréhension à son engagement ultérieur dans un ministère constitutionnel. Établissons donc à présent le portrait de ces religieux.

59Parmi les six pères récollets, citons d’abord le doyen, Louis-Antoine Hardiau de la Pastrière, dit Jean Damascène, né à Huillé en 1710. Il avait fait profession en 1729 à la Flèche. Le 30 septembre 1791, à 80 ans, il quitte le couvent de Beaufort pour s’établir à la Chapelle-sous-Doué. Il renonce finalement à toutes ses fonctions ecclésiastiques le 6 décembre 179390. Un état des ecclésiastiques de 1793 le dit « bon patriote et vrai républicain91 ».

60Coquille a aussi croisé la route du père Georges, alias Jean-Claude Vinot, originaire du diocèse de Besançon où il voit le jour en 1730. Entré dans les ordres en 1748 en ayant fait profession lui aussi à La Flèche, il devient aumônier des prisons de Beaufort. Il prête le serment à la Constitution civile du clergé le 13 février 1791 en compagnie de Jacques-Antoine. En 1792, il prend les fonctions d’aumônier de l’hôtel-Dieu de Beaufort, mais pour quelques mois seulement, forcé de démissionner en raison de l’opposition des sœurs hospitalières à son égard.

61Le père Othon, Jean-Marie Hémery, occupe quant à lui une place particulière dans ce couvent des récollets puisqu’il en est le gardien. Il prête le serment peu de temps après Coquille et Vinot le 20 février 1791 dans la paroisse de Gée. Élu curé constitutionnel de Gesté, il ne s’y rend cependant pas. Après quelques mois passés comme vicaire de la Trinité d’Angers jusqu’en mai 1791, il devient curé constitutionnel de Liffré près de Rennes, où il rejoint sa terre natale puisqu’il est né à Saint-Aubin de Rennes en 1751.

62Étienne Daburon, père Alexis, a lui aussi fait profession au couvent de La Flèche en 1768, alors âgé de 18 ans. Après son passage au couvent de Beaufort, il fait le serment, est élu vicaire de Trémont puis curé constitutionnel de Tancoigné près de Vihiers, poste qu’il occupe jusqu’à la cessation du culte. Il y exerce les fonctions d’officier public jusqu’en 1795, avant de prendre de nouveau la voie d’un ministère religieux après s’être rétracté, ce qui le conduit à desservir la paroisse de Saint-Augustin-des-Bois, puis celle de Cantenay-Epinard où il décède en 1809.

63Enfin, le vicaire du couvent parmi les pères récollets se nomme Jean-Baptiste Thierry, dit père Isaac. Il s’oppose en 1790 au décret de l’Assemblée supprimant les ordres et refuse le serment à la Constitution civile du Clergé. Expulsé du couvent en novembre 1790, il est pourtant nommé curé constitutionnel de Saint-Crespin par les électeurs du district de Cholet, car on croyait qu’il avait fait le serment comme les autres récollets !

64Quant aux frères présents au couvent de Beaufort aux côtés de Jacques-Antoine, il n’y a que peu d’éléments disponibles sur eux. Il en va ainsi de Jacques-Denis Habert de la Marche né en 1712 aux Ponts-de-Cé, frère lai chez les récollets, et décédé en 1792 à Beaufort. Même constat pour René-Mathurin Besnard né en 1738, également frère lai, qui déclare à Beaufort le 26 juillet 1790 « vouloir sortir du couvent le lendemain, car il attend sa liberté depuis 32 ans ». Le dernier frère, Pierre Besson né à Angers en 1730, fait profession chez les récollets de Tours en 1756, vingt ans avant Coquille. Frère lai chez les récollets de Beaufort, il se retire à Baugé puis à Angers dans la paroisse Saint-Maurice. Non soumis à la prestation du serment car il n’était pas prêtre, il fait cependant le serment de Liberté-Égalité à Angers le 25 septembre 1792.

65Comme au collège de Chinon et au couvent de Tours où la majorité des coreligionnaires de Coquille a embrassé ultérieurement une carrière au sein du clergé constitutionnel, quatre des pères récollets sur les cinq présents au couvent de Beaufort choisissent la même voie en 179092. Tout ceci fait dire à Jacques Levron et Pierre d’Herbécourt que « la réputation du couvent n’était pas fameuse, si l’on veut bien songer que sur 9 membres [pères et frères additionnés] 8 devaient se défroquer93 » ! Ajoutons que le clergé séculier de cette ville n’est pas en reste, puisque le prieur-curé Hugues Pelletier (futur évêque constitutionnel de Maine-et-Loire), ses trois vicaires et un diacre font de même. Jacques-Antoine Coquille évolue donc à Beaufort-en-Vallée, tout comme à Chinon et à Tours, dans un milieu clérical qui se montre quasiment homogène face à la réorganisation religieuse induite par la Constitution civile du Clergé. Ces relations ont sans doute contribué à façonner sa pensée.

66L’étude de la formation religieuse puis de l’itinéraire de Coquille dans l’ordre mendiant des franciscains récollets conduit à reconsidérer son parcours à l’aune des réseaux de sociabilité religieuse. Il est clair qu’il a évolué dans un contexte se révélant propice à un engagement ultérieur dans l’Église constitutionnelle. La présence autour de lui de nombreux ecclésiastiques qui ont un avenir dans la nouvelle organisation religieuse de la Révolution française démontre l’influence des facteurs communautaires sur les comportements individuels :

« Ce passé est encore bien vivant en 1791. Il s’incarne dans des hommes, ses confrères, qui ont leur opinion sur la question du serment : c’est avec eux ou contre eux qu’il s’engage. La pression communautaire est beaucoup plus précise et déterminante encore que la pression vaguement sociologique que subit le clergé séculier à la même époque94. »

67Étudier le clergé constitutionnel ne peut donc se faire sans une inscription sur le temps long, en amont de la Révolution, pour saisir les engagements de ces religieux à l’heure des bouleversements sociétaux majeurs qui s’annoncent.