Premiers mécanismes de fixation de la mémoire d’un prêtre constitutionnel

3Les travaux de l’historien Jean-Clément Martin sur les Guerres de Vendée ont montré combien la mémoire d’un événement résulte d’un long processus de fabrication au cours du temps, soumis aux luttes politiques ou religieuses2. C’est ce processus, appliqué ici à un prêtre constitutionnel, qu’il faut questionner.

Passes d’armes mémorielles : la figure de Coquille au cœur des luttes historiographiques de la III^e République

15L’essentiel des travaux abordant de près ou de loin la vie de Jacques Coquille s’échelonnent de 1874 à 1907, s’agissant des auteurs retenus pour notre étude. Le journaliste et collectionneur Joseph Denais (1851-1916), à l’origine du musée éponyme de Beaufort-en-Vallée, l’évoque en quelques lignes dans sa Monographie de Beaufort-en-Vallée remarquant que « le récollet Coquille, alors aumônier de la garde nationale de Beaufort [en 1789] […] devait plus tard affliger l’Église par son impiété20 ». Dans une note, il justifie cette prise de position en citant la lettre dans laquelle Coquille explique les raisons de son abdication en l’an II. Denais signale aussi l’existence de deux discours imprimés du religieux conservés à la bibliothèque de la ville d’Angers21.

16Mais le premier à véritablement remettre en lumière ce personnage n’est autre que Célestin Port, archiviste de Maine-et-Loire et auteur à partir de 1874 du Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire. À l’article « Coquille » l’on découvre un portrait mesuré d’un homme aux idées louables mais aux actes répréhensibles :

« Coquille d’Alleuds (Jacques-Antoine), est un exemple de ces esprits honnêtes mais fourvoyés, qu’une position fausse engagea par faiblesse dans les exagérations révolutionnaires […] il mena une jeunesse orageuse, réduit souvent à la suite de duels à se réfugier dans les monastères sous prétexte de quelque noviciat dont il se dégoûtait vite22. »

17Célestin Port, qui consacre une page entière à cette notice biographique, s’appuie sur les écrits de Coquille et notamment sur son Discours patriotique sur l’égalité et la liberté civile et politique, prononcé en 1789 à Beaufort-en-Vallée. Il qualifie ce texte non seulement de « parole de sagesse simple et à la portée du peuple » mais aussi d’« œuvre de courage et de fermeté ». Pour l’archiviste de Maine-et-Loire, le ministère constitutionnel de Jacques-Antoine à Beaupréau dans les Mauges, de 1791 à 1793, paraît justifier les prises de position ultérieures radicales du prêtre :

« Ses sentiments religieux sont même encore assez prononcés pour qu’il s’entende accuser d’intolérance, mais il s’en défend avec énergie […]. Il est curieux de voir dans ses lettres sincères la position faite par les populations aux intrus […]. Il supporta quelque temps ces misères et s’en plaignait sans colère et avec modération ; puis il partit en attendant que le Département eût la force de maintenir son autorité et pour ne pas provoquer des violences ou attirer des châtiments. Il y revint pourtant [à Beaupréau], mais dès lors engagé, par la résistance même, de plus en plus dans le mouvement révolutionnaire23. »

18La figure du prosélyte républicain, du « barde patriotique », émerge alors :

« On le voit dès lors figurer dans toutes les démonstrations du temps. Quoique bègue, il devint l’orateur des solennités nationales, le poète et le chansonnier des fêtes publiques et privées. Son zèle démagogique faillit bien pourtant tourner à mal24. »

19Célestin Port s’empare le premier de l’histoire de Jacques Coquille de bout en bout. Référencée, appuyée sur les documents d’archives, son analyse nuancée est pourtant comprise par ses détracteurs comme l’éloge d’un républicain détestable fait par un républicain convaincu. La réplique historiographique se met alors en marche : la personne même de Coquille n’est plus seulement au cœur du débat qui se transforme en une opposition entre historiens dits « bleus » et historiens dits « blancs » dans le contexte de l’affirmation de la III^e République.

20C’est l’abbé Félix Deniau qui, entre 1876 et 1878, revisite en quelques lignes le portrait de Coquille à l’occasion de la publication de son Histoire de la Vendée25 réalisée à la demande de l’évêque d’Angers M^gr Freppel26. Le qualifiant de « prédicateur renommé » et de « barde démagogue » tout comme Aimé de Soland et d’« homme d’esprit » à la manière de Célestin Port, Deniau développe cependant une thématique suggérée dans les écrits de Gruget et abondamment reprise par la suite :

« En peu de temps il [Coquille] en vint aux excès de l’ivrognerie et de l’immoralité les plus flagrantes, jusqu’au point d’étonner les libertins les plus déhontés […]. À cause de sa vie abominable, il put échapper au couteau de la guillotine27. »

21À en croire l’abbé Deniau qui rapporte un témoignage d’Urbain Loir-Mongazon28, son enterrement ne fut pas plus digne :

« Il fut porté en terre par quatre ivrognes comme lui, ses anciens compères, qui, en passant devant chaque guinguette, le déposaient devant la porte et venaient boire sur son cercueil à sa triste mémoire29. »

22Ivrognerie et immoralité sont accolées le plus souvent aux curés constitutionnels. Jacques Coquille, ici, n’échappe pas à la règle30.

23En 1886, un sénateur passionné d’histoire, Léon de la Sicotière, publie une notice sur Notre-Dame du Chêne ou de la miséricorde31. Il y fait le récit des origines de l’édification d’une chapelle à Saint-Laurent-de-la-Plaine, à l’emplacement où convergeaient, pendant la Révolution, des processions venues de toutes les Mauges, s’apparentant à un véritable pèlerinage auprès d’un chêne dans lequel serait apparue la Vierge Marie. Si Léon de la Sicotière s’intéresse à Coquille, c’est parce que ce dernier rédige une pièce de théâtre en 1792, Le prêtre réfractaire ou le Tartuffe nouveau, dans laquelle il met notamment en scène une intrigue qui se déroule, pour partie, à Notre-Dame du Chêne. Outre une analyse de cette pièce sur laquelle nous reviendrons plus longuement, l’auteur dresse un portrait sans concession du prêtre assermenté. Il justifie sa charge dans un passage accompagné d’une note qui traduit bien le contexte de lutte historiographique d’alors :

« Ce Coquille d’Alleux […], auquel M. Port qui sait tant de choses, a consacré dans son Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, une notice intéressante, est un triste et curieux spécimen d’une certaine catégorie d’ecclésiastiques de ce temps-là. [Note] Nous aurions moins insisté sur cette figure peu sympathique sans les efforts tentés récemment pour grandir au-delà de toute mesure certains noms de l’église constitutionnelle. Notre portrait est, du moins, pris sur le vif. M.M. Port, Lemarchand32 et Quéruau-Lamérie33, nous ont aidés de leurs communications. Ce dernier a même pris la peine de copier, à notre intention, les morceaux les plus curieux des œuvres du personnage34. »

24Si Léon de la Sicotière concède avoir reçu de l’aide de la part de Célestin Port, il fait bien référence indirectement à la publication en 1880 par l’archiviste de Maine-et-Loire des Souvenirs d’un nonagénaire de François-Yves Besnard. Ce que confirme Martine Taroni qui a récemment étudié ces écrits :

« C’est l’enjeu des élections de 1880 qui incite Célestin Port à publier les Souvenirs d’un nonagénaire. Le climat politique est agité et la bataille fait rage entre opposants et partisans de la République. L’affrontement des deux courants est particulièrement vif en Maine-et-Loire. Dans son Tableau politique de la France de l’Ouest sous la IIIe République, André Siegfried considère ce département comme antirépublicain. L’offensive catholique est menée par l’évêque Charles-Emile Freppel. Pour contrecarrer le courant conservateur, Célestin Port voit l’occasion avec la publication des Souvenirs de restaurer une figure aimable d’un acteur de la Révolution, un modèle de républicain et qui plus est, un Angevin. Pour ce faire, Célestin Port n’hésite pas à supprimer 1/5^e environ du texte. Cette pratique de la censure est partagée par certains de ses contemporains35. »

25Les accusations d’« ivrognerie » et d’« inconduite » sont reprises par Léon de la Sicotière à l’encontre de Coquille. Les thématiques de la démagogie et de l’apostasie y figurent également. De nouveaux qualificatifs apparaissent comme celui de « défroqué ». Le sénateur reprend aussi chez Célestin Port l’idée suivant laquelle Coquille était bègue, achevant un portrait à sens unique.

26Deux ans après, en 1888, à l’approche du centenaire de la Révolution propice aux polémiques36, Célestin Port publie sa Vendée angevine où il retrace les origines et le déroulement de la Guerre de Vendée dans les Mauges. Il édite à cette occasion plusieurs lettres du curé constitutionnel Coquille. Précisant qu’il a déjà raconté l’histoire de cette « curieuse et originale figure » dans son dictionnaire, il se contente de ces quelques mots :

« Honnête autant que courageux et modéré, il avait été, sous sa robe de récollet, l’orateur des premiers jours de la Révolution, comme il va en devenir, après sa vie de misère, sous la robe d’avocat, le barde, le chansonnier, même l’auteur comique37. »

27Cette fois-ci Célestin Port semble se montrer moins critique, les termes de démagogie et de prosélytisme n’étant plus mentionnés. Cette modération s’explique sans doute par l’état d’esprit dans lequel l’archiviste de Maine-et-Loire a entrepris son ouvrage. La fin de sa préface est éclairante de ce point de vue :

« Et voilà pourquoi, tout en remontant, pour rendre mon témoignage, vers ces temps de luttes et d’angoisses, à toi, dans mon humble cœur, je dédiais ce livre, ô toi, en qui vivent toute notre âme et tout notre être, toi qui as créé la patrie, régénéré la famille, purifié le temple, attendri toute loi, brisé toute servitude, et, d’un seul coup, en rendant au travail son honneur et sa liberté, renouvelé le monde, ô maîtresse de justice, ô Révolution, bonne mère38 ! »

28Célestin Port se pose alors en combattant de la mémoire républicaine et s’attaque à la figure favorite des partisans de la Vendée, à savoir Jacques Cathelineau, minorant son rôle dans l’insurrection.

29C’est l’abbé Eugène Bossard (1853-1905), professeur à l’Université catholique de l’Ouest, qui mène la contre-offensive à propos de Cathelineau en publiant en 1893 Cathelineau, Généralissime de la Grande Armée Catholique et Royale (13 mars 1793-14 juillet 1793), Réponse à M. Célestin Port. Et Jacques Coquille se retrouve au milieu de cette passe d’armes érudite :

« M. Port ne nous apporte guère que des témoignages d’adversaires, et ce n’est pas le moindre reproche qu’on puisse faire à la plupart de ses ouvrages ; il ne nous fait guère entendre les plaintes des Vendéens contre les patriotes ; il nous en donne assez néanmoins pour savoir que les patriotes n’étaient pas des modèles de patience, de réserve, de bonté, de vertu. Le Club ambulant de la Société populaire était-il donc plus réservé dans ses paroles que les Missionnaires ? Les Martinet39, les Coquille, les Martineau40 surtout, qui écrivaient des lettres comme celles que publie M. Port, étaient-ils beaucoup plus mesurés que les Barbotin ou plus vertueux que les Cantiteau41 ? »

30Eugène Bossard livre alors une intéressante note de bas de page sur Coquille par le condensé qu’elle donne à voir des thématiques développées par ses prédécesseurs, démagogie mise à part :

« Coquille d’Alleux, l’un des plus tristes apostats de cette époque, naquit à Morannes42 en 1747, fit profession aux récollets de Tours, prêta serment, devint vicaire de Saint-Maurille de Chalonnes et curé de Beaupréau. Il se maria en octobre 179743, apostasia le 19 novembre et prit le nom d’Horatius Coclès. Écrivain public à Angers, il mourut dans l’ivrognerie, la misère et le mépris, à Angers, le 22 mai 180544. »

31La légende noire est en marche, les différents auteurs prenant désormais modèle sur leurs prédécesseurs sans plus recourir directement aux sources ou alors simplement pour y trouver des éléments à charge. Il ne manque plus qu’une biographie de référence pour parfaire le tout. C’est un avocat, Henri Bourgeois, fils d’un député royaliste, qui l’établit en 1899 dans la revue qu’il dirige presque seul depuis 1897, La Vendée historique, sous la forme d’un article d’une quinzaine de pages publié en quatre volets et intitulé « Les intrus de la Vendée militaire45 ». La charge est d’emblée virulente. Jacques-Antoine y est présenté comme :

« Intelligent, mais d’une intelligence qui manquait quelque peu d’équilibre […] d’un caractère inconstant et indiscipliné […] naturellement léger lui-même […] Sa vie, paraît-il, fut loin d’être édifiante pendant son séjour dans la capitale, et la chronique rapporte que l’habit qu’il portait ne l’empêchait même pas de se battre en duel à l’occasion46. »

32Il est intéressant de remarquer ici qu’Henri Bourgeois emprunte à la notice du dictionnaire de Célestin Port cette question de la pratique des duels, de même que l’erreur du lieu de naissance. Il poursuit tout en concédant qu’en 1789 Coquille ne fait que suivre le mouvement général d’accueil favorable à la Révolution. Néanmoins « arriva le fameuse Constitution civile du clergé […]. Coquille devait s’y briser au premier choc : il fut l’un des premiers, en effet, à prêter le serment schismatique, et nous n’allons plus avoir désormais en face de nous qu’un prêtre apostat, que son apostasie entraînera bientôt aux plus lamentables excès47 ». À la lecture des lettres de Coquille écrites depuis Beaupréau où il a été installé curé constitutionnel le 10 juillet 1791, Henri Bourgeois, qui en cite quelques extraits, y voit « une sorte d’autobiographie de l’un de ces malheureux dévoyés, orgueilleux et avides, prêchant hypocritement la paix du bout des lèvres, mais, en réalité, intolérants et persécuteurs, et que la voix du peuple – qui était bien alors la voix de Dieu – avait tout de suite flétri du nom d’intrus48 ». Il montre par la suite à deux reprises son opposition de vue vis-à-vis de Célestin Port, illustrant par là même le contexte de lutte mémorielle entre historiens bleus et historiens blancs49. La cause est entendue :

« L’année 1793 va nous le montrer apostat complet, rejetant toute pudeur, foulant aux pieds ses lettres de prêtrise et se ravalant au niveau de tout ce que la Révolution avait produit de plus abject50. »

33C’est finalement avec l’ivrognerie supposée de Coquille qu’Henri Bourgeois termine son portrait :

« La haine que l’apostat portait à ses anciens confrères n’avait d’égal que son amour pour la “dive bouteille” et il pratiquait le culte de Bacchus au moins autant que celui de la “Raison”. Il ne se passait presque point de jour où il ne s’enivrât régulièrement à la santé de la République […] C’est ainsi que, buvant et blasphémant, Coquille vécut pendant la Terreur […] et tomba bientôt dans la plus crapuleuse débauche51. »

34Il reprend enfin l’anecdote déjà évoquée par l’abbé Deniau sur l’enterrement « arrosé » de Coquille le 22 mai 1805. Comment expliquer ce regard porté par Henri Bourgeois ? Il réagit au fond à l’instar de ces historiens qui, « frappés de vertige face à l’outrance verbale [de ces prêtres], refusent de s’incliner devant cette dernière et recherchent les échappatoires, les pièges du discours. Comment concevoir que des anciens prêtres condamnent avec une telle violence les desservants et le contenu d’un culte qu’ils ont professé si longtemps ? Comment envisager une telle escalade dans le sacrifice de l’autodestruction ? Cela est-il possible sans pression, sans calcul52 ? »

35Dans cet article d’une quinzaine de pages, avec 20 occurrences, Henri Bourgeois compose un véritable florilège de qualificatifs qui marque profondément la mémoire de Jacques Coquille. À la lecture de cette brève biographie, nous avons le sentiment de retrouver ce que Pierre Serna a observé à propos de l’historiographie sur Antonelle :

« En définitive, l’ensemble des notices a “anesthésié” le personnage, soit en réduisant sa carrière à la décennie révolutionnaire, soit en dressant le portrait d’un énergumène, afin d’atteindre, à travers lui, le jacobinisme, la Terreur ou la conspiration des Égaux53. »

36En cette même année 1898, dom Chamard, qui a consulté les écrits de Simon Gruget54, conforte la position d’Henri Bourgeois. Pour ce moine de la congrégation bénédictine de l’abbaye de Solesmes, Coquille ne peut s’en prendre qu’à lui-même :

« L’indigne religieux qui accepta la cure de Notre-Dame de Beaupréau […] méritait toutes les avanies dont il fut l’objet de la part d’une population fervente, qui voyait avec indignation le presbytère de son vénérable pasteur Jean Trottier souillé par la vie scandaleuse du moine apostat. […] Dissolu, ivrogne, impudique, il justifiait tous les outrages qu’il subissait55. »

37Dom Chamard dénonce aussi l’image élogieuse de ce prêtre patriote véhiculée selon lui par Célestin Port avec qui les controverses ne manquent pas. Élisabeth Verry souligne d’ailleurs que « cette sympathie affichée [par Célestin Port] pour les hommes et les choses de la Révolution lui valut immédiatement des critiques acerbes et même quelques menaces de procès qui n’eurent pas de suite56 ». D’autant plus que, de l’avis de dom Chamard, la mémoire de la figure de Coquille est désormais bien établie : « Nos lecteurs connaissent déjà assez le curé dissolu et scandaleux Coquille pour n’être étonnés qu’il ait été contraint de quitter son poste de Beaupréau57. » La réputation du prêtre constitutionnel n’est plus à faire, et mis à part Célestin Port dont la vision est un peu plus modérée, les historiens républicains de la même époque n’ont semble-t-il pas cherché, eux non plus, à mettre en avant ces prêtres patriotes, devenus pour certains de farouches révolutionnaires comme Coquille, et dont les excès leur paraissent répréhensibles. Ils laissent la voie libre aux historiens blancs pour construire les portraits de ces curés constitutionnels dont Coquille devient l’archétype. Caroline et Paul Chopelin expliquent bien cette situation à propos de la mémoire de l’abbé Grégoire :

« La III^e République anticléricale se refusait à glorifier l’action d’un ecclésiastique. Elle ne souhaitait pas jeter le trouble parmi ses soutiens politiques, alors engagés dans le conflit religieux résultant de la loi de dispersion des congrégations non autorisées (19 mars 1880). […] Mais le ralliement n’était pas encore à l’ordre du jour, catholicisme et République restaient incompatibles. L’ancien évêque était victime d’une “alliance objective du cléricalisme et de l’anticléricalisme”58. »

38C’est en 1901 qu’apparaît alors l’expression « curé rouge » pour qualifier certains de ces prêtres dans ce contexte de lutte farouche entre l’Église et la III^e République laïque et anticléricale. L’historien Serge Bianchi a analysé ce nouveau concept :

« À un moment décisif de tension, le curé rouge est celui qui choisit la légitimité républicaine et la laïcité en rompant avec son ancien état et qui consacre son apostolat à diffuser des valeurs civiques, morales, patriotiques en totale rupture avec le culte catholique. Le rappel de l’an II peut être conçu comme la justification d’une pratique militante de ce début du xx^e siècle pour des historiens (chrétiens ?) engagés aux côtés de la République contre le clergé conservateur59. »

39Eugène Lelong, biographe en 1902 de Célestin Port décédé l’année précédente, a d’ailleurs ces mots pour qualifier ces joutes historiographiques : « À Angers, historiens bleus et blancs, à ce que je vois, se font à coup de textes une vraie guerre ou revivent les passions d’antan60. » Ce qualificatif de « rouge » n’est pas repris dans l’historiographie à propos de Coquille. Ce dernier remplit pourtant toutes les conditions pour prétendre à cette dénomination comme nous le verrons plus loin. Mais son image est surtout très largement forgée par ses opposants, Célestin Port répondant seul à la catégorie des historiens républicains. À travers l’hostilité qu’ils lui manifestent, ne s’agirait-il pas aussi pour ces historiens blancs d’assurer une forme de lutte contre les hussards noirs de la III^e République, nouveaux prédicateurs républicains et laïcs convaincus ?

40C’est dans ce contexte, et en plein débat sur la séparation de l’Église et de l’État que le chanoine François Uzureau publie en 1905 l’Histoire de la Constitution civile du clergé de Simon Gruget que nous avons déjà évoquée. La masse des autres publications sur l’histoire de l’Anjou par François Uzureau étalée sur 47 années est considérable avec plus de 70 ouvrages et d’innombrables articles. La plupart de ceux-ci sont compilés dans les deux revues qu’il a créées, dirigées et alimentées : L’Anjou historique61 et Andegaviana62. Le nom de Coquille y revient à maintes reprises. Parmi les articles les plus remarquables pour notre propos, signalons celui paru en 1908 sur le clergé de Beaupréau pendant la Révolution. Uzureau y établit les grandes étapes de sa vie, en citant et s’appuyant très largement sur les travaux de l’abbé Gruget. Il ajoute à l’occasion du départ de Coquille de Beaupréau pour Angers en 1793 : « Personne ne le regretta63. » Le chanoine utilise la même méthode en 1920 pour une étude sur le clergé de Beaufort-en-Vallée pendant la Révolution, avec une page entière extraite des écrits de Gruget. Il précise que Coquille meurt à Angers le 22 mars 180564 « universellement méprisé65 ».

41En 1908, le père Armel d’Étel, capucin, auteur de divers travaux sur le clergé français, publie dans la Revue de l’Anjou un article intitulé « Les Franciscains de Maine-et-Loire pendant la Révolution66 ». Il y livre une petite étude de la composition du couvent des récollets de Beaufort dans laquelle chaque frère fait l’objet d’une notice. Pour celle de Jacques Coquille, le père Armel d’Étel s’appuie sur les écrits de Célestin Port et de Simon Gruget. Il y apporte néanmoins quelques éléments supplémentaires comme sa naissance à Tours67 et les conditions de son élection à la cure de Freigné le 9 avril 1791. Il reprend l’erreur déjà constatée du lieu de la célébration du mariage de Coquille dans sa propre église de Beaupréau en octobre 1793 (au lieu d’Angers), un « scandale » pour l’auteur. Il conclut en qualifiant Coquille de « triste personnage ». Notons que Célestin Port est à l’origine de cette méprise géographique dans la première édition de son Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire. Celle-ci est abondamment reprise puisque nous la retrouvons chez quasiment tous les auteurs que nous avons consultés : l’abbé Deniau, Léon de la Sicotière, Henri Bourgeois, dom Chamard ou encore Émile Quéruau-Lamérie. Ce dernier, dans son Clergé du département de Maine-et-Loire pendant la Révolution ne consacre toutefois que quelques brèves lignes à Jacques Coquille68. Il faut attendre un article du chanoine Uzureau en 1920 pour voir l’erreur enfin rectifiée69.

42Ces mobilisations historiographiques70 opposent donc deux camps dans un manichéisme efficace. De plus, depuis le début du xix^e siècle, « ces histoires ne sont pas écrites par des historiens de profession mais par des amateurs éclairés et passionnés71 ». Les publications sont militantes et particulièrement actives du côté pro-vendéen. La figure de Jacques-Antoine Coquille d’Alleux a donc été construite en très grande partie par les réseaux proches des royalistes. Ce qui explique l’absence pour lui d’une légende dorée et la permanence d’une légende noire.

Du prisme de la mémoire à la falsification de l’histoire : l’œuvre de François Grille en question

43La mémoire de Jacques Coquille construite tout au long du xix^e siècle agit comme un prisme déformant, répondant à des logiques partisanes et à des contextes particuliers, procédant à des sélections d’informations sur ce personnage en fonction d’un but précis recherché par les différents auteurs. Certains sont prêts à aller encore plus loin pour servir leur propos. C’est le cas de l’Angevin François Grille (1782-1853), employé du ministère de l’Intérieur à Paris, en charge des Sciences et des Arts de 1807 à 1830, puis bibliothécaire de la ville d’Angers de 1837 à 184872. Libéral, républicain et anticlérical73, il s’intéresse de près à l’histoire angevine, marqué lui-même par les guerres de Vendée alors qu’il était enfant. Parmi ses publications, celle qui a retenu notre attention est parue en 185074. L’on y trouve en effet une bien curieuse lettre de Coquille, non commentée, datée du 3 août 1791 à Angers, et adressée aux administrateurs du département de Maine-et-Loire. Dans cette lettre75, Coquille demande son inscription sur la liste du premier bataillon des volontaires de Maine-et-Loire. Il y compare l’ordre des capucins avec celui des dominicains :

« J’ai été capucin, et je m’en vante. Cet ordre faisait plus de bien que celui des dominicains. Ils prêchaient, nous prêchions, ils étaient fanatiques et nous étions raisonnables. Ils avaient établi l’inquisition et nous étions humains, charitables, vivant de charité au foyer du pauvre, partageant sa soupe et même son lit, non pas celui de sa femme comme on l’a trop dit. Qu’il y ait eu des fornications je ne le nie point : l’homme est de chair, et le froc ne change pas sa nature, il l’excite76. »

44Coquille poursuit en rassurant les destinataires :

« Je n’ai pas cédé, je n’ai pas trompé, mais j’ai quitté le cloître avec un bonheur que je ne puis dire. Ma famille m’y avait mis, le ciel m’en a ôté, j’en profite avec joie, je suis redevenu homme et je compte bien jouir de tous mes droits, je compte bien me marier77. »

45À la lecture de ce document, un doute s’installe. À cette date supposée du 3 août 1791, Coquille est dans sa nouvelle cure de Beaupréau dans les Mauges depuis un peu plus de trois semaines. Il a fort à faire avec ses paroissiens et écrit de nombreux courriers au procureur général syndic du département le 25 juillet, aux administrateurs du département le 14 août et au procureur syndic du district de Saint-Florent-le-Vieil le 19 août. Il indique avoir contacté l’évêque Hugues Pelletier, confirmant sa possible présence dans la ville d’Angers. Mais à cette période il ne fait pas référence dans ses écrits à une demande d’inscription dans le bataillon des volontaires de Maine-et-Loire78.

46La signature de Coquille utilisée dans le document proposé par François Grille pose question : « Salut, égalité, fraternité et confiance. » En aucun cas il ne signe ainsi dans les courriers qu’il envoie à cette époque. Il adopte plutôt la formule suivante dans les trois lettres que nous venons de citer : « J’ai l’honneur d’être, avec respect, votre très humble et très obéissant serviteur, Coquille, curé constitutionnel de la ville de Beaupréau. » Le contenu de la lettre interroge enfin : celui-ci ressemble plus à un condensé de la vie de Coquille, entre sa formation au sein du clergé régulier, sa sortie du couvent aux débuts de la Révolution et son enthousiasme pour les décisions de l’Assemblée, sa volonté de se marier et son intérêt artistique pour les hymnes, les vers, les chansons. L’on s’étonne en outre d’y lire qu’il a été capucin et qu’il s’en vante, lui, le récollet, appartenant à l’autre grande famille des franciscains concurrente des capucins. En effet, pour Bernard Plongeron, les récollets étaient un « groupe très à part dans le monde franciscain, faisaient profession d’observer la règle du Fondateur dans toute son intégrité et se montraient très difficiles à l’égard de leurs autres frères79 ».

47Une question se pose alors : François Grille aurait-il réalisé un faux ? C’est ce que semble penser Léon de la Sicotière, le sénateur érudit mentionné précédemment et qui met sérieusement en doute l’authenticité du document :

« J’avoue, toutefois, que l’authenticité de ce texte m’est un peu suspecte : je ne le trouve que dans l’ouvrage de F. Grille […]. Je me défie singulièrement des imaginations de l’auteur et de ses prétendues transcriptions. M. Quéruau-Lamérie fait les mêmes réserves au sujet de cette lettre80. »

48La remarque est d’autant plus intéressante que Léon de la Sicotière aurait pu tirer parti de ce document pour noircir davantage le portrait à charge de Jacques Coquille. Il ne le fait pas, tout comme les autres auteurs d’ailleurs qui se sont intéressés à ce prêtre, ce qui jette un sérieux doute sur ce document.

49Marc-Édouard Gautier, dans l’article qu’il consacre à François Grille en 2012, apporte de nombreuses pistes qui vont dans le sens de la réalisation d’un faux document. Il rappelle tout d’abord la charge de l’abbé François Uzureau :

« En avril 1944, la revue l’Anjou historique du chanoine Uzureau publiait une note intitulée François Grille est-il un historien ? Ces trois pages non signées se terminaient par une sentence accablante contre “Grille le menteur, Grille le faussaire, Grille le fabricant de pièces”. La note était étayée d’exemple précis et nombreux de sources présentées comme authentiques mais éditées par François Grille avec force de réécritures et inventions de paragraphes entiers81. »

50En tout état de cause, l’analyse de ce document de François Grille résume assez bien la nécessité pour l’historien de s’approprier les ressorts de l’écriture de l’histoire au xix^e siècle pour mieux effectuer un retour aux matériaux originels, les archives. Car, comme l’écrit François Grille : « Une bibliothèque a de tout, un peu du faux, du vrai, du clair et de l’absurde82. » Cela vaut pour l’historiographie du xix^e siècle.

De l’histoire passion à l’histoire raison : le temps des historiens

51Après les travaux du chanoine François Uzureau, Jacques-Antoine Coquille continue ponctuellement de faire l’objet de quelques références au xx^e siècle. Celles-ci sont dorénavant l’œuvre d’universitaires, d’historiens ou d’archivistes.

52C’est le cas tout d’abord de Benjamin Bois, inspecteur de l’enseignement primaire et disciple de l’historien Albert Mathiez, qui soutient en 1929 une thèse à l’Université catholique de l’Ouest, et de laquelle sont tirés deux volumes en 193083. Dans le second opus, il évoque la participation régulière de Coquille à l’organisation et à l’animation des fêtes républicaines dans la capitale de l’Anjou, en s’appuyant notamment sur les publications des Affiches d’Angers84. Sans analyser le personnage, Benjamin Bois donne à voir le dynamisme dont fait preuve Coquille pour ces fêtes sur lesquelles nous reviendrons plus longuement85. Pas de jugement de valeur chez l’auteur : il reproduit, sans véritablement les analyser, les hymnes, vers, odes et épitaphes composés par Coquille pour la période allant de 1793 à 1799.

53En 1965, dans la version revue et mise à jour du Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire de Célestin Port, les archivistes Jacques Levron et Pierre d’Herbécourt présentent une nouvelle notice sur Coquille qui diffère quelque peu de la précédente86. On y retrouve cependant l’erreur du lieu de naissance de la première édition (Morannes en Maine-et-Loire au lieu de Saint-Vincent-de-Tours). On le dit « intelligent et indiscipliné », menant dans sa jeunesse « une vie fort peu édifiante ». Le commentaire se fait par la suite plus acerbe : « Il fut envoyé au couvent de Beaufort, dont la réputation n’était pas fameuse, si l’on veut bien songer que sur 9 membres 8 devaient se défroquer. » Son « zèle révolutionnaire » est mis en avant au regard de ses différentes publications. Mais ce qui est le plus frappant, c’est l’insistance des auteurs sur la présumée « cupidité » de ce prêtre. Le processus à l’œuvre de fabrication de la mémoire de Coquille est ici remarquable : cette thématique d’un Coquille avide, qui tente de cumuler les revenus par la réunion de plusieurs cures, n’apparaît en premier lieu qu’avec les travaux de l’avocat Henri Bourgeois, très critique en son temps, comme nous l’avons vu, des travaux de Célestin Port classé parmi les historiens républicains. Or cette idée est reprise dans la version mise à jour du dictionnaire. La référence à Henri Bourgeois est d’ailleurs clairement mentionnée à la fin de l’article. L’anecdote de Félix Deniau sur son enterrement où ses anciens compagnons s’arrêtent devant chaque auberge pour boire sur son cercueil y figure. Autrement dit, la version de 1965 du dictionnaire apparaît moins favorable à Coquille que celle de 1876 sous la plume de Célestin Port, contribuant à accréditer en quelque sorte une partie de la légende noire des curés constitutionnels héritée du xix^e siècle. Le temps a fait son œuvre.

54Aucun historien ne s’est emparé de la biographie de ce curé. Le révérend John Mac Manners, universitaire britannique, y fait allusion en quelques lignes en 1961, en soulignant le véritable enthousiasme de Coquille pour la Révolution87. L’historien américain Charles Tilly l’évoque aussi dans son ouvrage The Vendee publié en 1964. Il perçoit les nombreux documents relatifs à Coquille dans les archives : « Les moments difficiles par lesquels passa Coquille, le curé élu de Beaupréau, sont parmi les mieux connus, parce qu’il les a décrits dans une correspondance spirituelle et volumineuse avec les dirigeants départementaux88. » Et l’historien français François Lebrun a bien repéré, quant à lui, une certaine singularité chez Coquille, mais sans aller plus loin. Il l’évoque en quelques mots en 1981 dans son Histoire du diocèse d’Angers : « Aucun religieux ne choisit “la liberté” avec plus d’enthousiasme, et de théâtralité que le récollet de Beaufort Coquille, suspendu pour inconduite par le curé de la ville en 1789. Il déclare en sortant du couvent : “Redevenu homme, je compte bien jouir de mes droits, je vais me marier”89. »

55L’on doit l’étude la plus récente faisant référence à Jacques Coquille à Philippe Rubion, étudiant en 1995 à l’Université catholique de l’Ouest, qui livre un mémoire de maîtrise sur la Révolution à Beaupréau de 1787 à 179990. À l’aide des lettres de Coquille, il retrace le « calvaire91 » du curé de Beaupréau entre 1791 et 1793, qui, pour les habitants, est devenu le « symbole de la menace qui a pesé sur la religion92 ». Il reprend bien malgré lui certaines des approximations constatées dans l’historiographie comme le lieu erroné du mariage du prêtre, Beaupréau, mais également le faux document de François Grille montrant Coquille « prêt à partir aux frontières pour se battre93 ». Sans percevoir la falsification, il s’étonne quelque peu de la forme de ce document : « La même lettre de Coquille, reproduite par Boutillier de Saint-André, présente le curé constitutionnel sous un autre angle. Nous étions habitués à un autre registre de langage avec lui. […] Sa lettre continue ainsi, par le récit “d’exploits” dont nous ferons grâce au lecteur94. » Il conclut sa partie sur la Constitution civile du clergé en suggérant le rôle majeur joué par le curé constitutionnel de Beaupréau : « Il est possible que la population belloprataine ne se serait pas soulevée en 1793 s’il n’y avait eu Coquille95. »

56Cette présentation de l’historiographie relative à Jacques Coquille d’Alleux conforte notre ambition, à l’instar de Caroline et Paul Chopelin à propos de l’abbé Grégoire, de « proposer une lecture dépassionnée d’une vie et d’une œuvre. Il ne s’agit pas de démythifier, encore moins de réhabiliter, mais de comprendre pourquoi ce personnage de la Révolution française provoque aujourd’hui encore tant d’enthousiasme ou de détestation96 ». Ce recensement des auteurs qui ont approché la figure de Coquille répond en outre à une nécessité résumée par Jean-Clément Martin :

« La déambulation dans le maquis touffu des interprétations élaborées par les historiographies successives est indispensable pour mettre en perspective ce qui a été lu, pour établir des comparaisons avec d’autres cas, pour souligner les enjeux immédiats, pour ouvrir des voies explicatives au travers des ajouts successifs97. »

57Au fond, le personnage de Jacques-Antoine Coquille d’Alleux a lui aussi été aspiré par la « machine à fantasmes98 » jusqu’à ce que son histoire soit presque totalement brouillée. Nous puisons là une motivation essentielle pour notre étude. Parce que trop longtemps passionné, son itinéraire reste à écrire. Le cas historiographique de Jacques-Antoine Coquille n’est cependant pas exceptionnel. D’autres prêtres constitutionnels de l’Anjou connaissent les mêmes avanies mémorielles. Sans multiplier les exemples, citons a minima celui de Guy-Joseph Duboueix, curé constitutionnel de Roussay près de Cholet, puis vicaire épiscopal d’Hugues Pelletier99 pour lequel dom Chamard utilise la même rhétorique du personnage « indigne », « emporté », « violent », « sacrilège », « lâche100 ».

58Dans un autre espace géographique, l’historien Philippe Bourdin fait le même constat concernant Pascal-Antoine Grimaud, chanoine clermontois devenu franc jacobin et terroriste sous la Révolution :

« Pour abandonner le Vatican, vers lequel se tourne la droite catholique française fustigée par E. Combes en ce début du xx^e siècle, les prêtres de la Révolution ne pouvaient être que des “imbéciles”, des “naïfs” et des “ignorants” soumis au plus fort, ou des carriéristes, des “passionnés”, tels l’évêque constitutionnel de l’Allier Laurent et son premier vicaire Grimaud. Peu importe les moteurs de leur choix : ils ont fauté101. »

59À l’aune de cette analyse historiographique, c’est un retour impérieux aux matériaux bruts dégagés de ce prisme déformant qu’il est nécessaire d’opérer. Place donc à présent aux archives, avec l’absolue conscience de ce qu’elles veulent ou peuvent dire, de ce qu’elles ne disent pas et de notre propre interprétation de celles-ci, puisque la « subjectivité [de l’historien] n’en demeure pas moins éclatante dans le choix et le rapprochement des sources opérés102 ».