Préface
p. 7-8
Texte intégral
1Cela fait désormais plus d’une décennie que, prenant appui sur la politique d’ouverture des archives de l’établissement, le comité d’histoire de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a entrepris de promouvoir la réalisation de travaux de recherche sur l’histoire de l’administration de l’asile, c’est-à-dire sur l’évolution historique de la pratique du droit d’asile par les institutions qui en ont la charge ou, pour mieux dire, par les femmes et les hommes qui incarnent ces institutions.
2Le premier ouvrage issu de ces travaux – Réfugiés et apatrides : administrer l’asile en France (1920-1960) – portait sur la période où se met progressivement en place l’architecture du régime d’asile contemporain, avec notamment ces actes fondateurs que sont l’adoption de la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et, en ce qui concerne la France, la création, par la loi du 25 juillet 1952, de l’Ofpra, qui succède ainsi aux offices par nationalités de l’entre-deux-guerres et de l’immédiate après-guerre.
3La séquence historique couverte par ce second ouvrage, bornée, d’une part, par les décolonisations et, d’autre part, par la chute du mur de Berlin, est donc, d’une certaine manière, celle de la première maturité de ce nouveau dispositif juridique et institutionnel – maturité paradoxale, néanmoins, car l’Ofpra, comme le système de l’asile dans son ensemble, est rapidement confronté à des mutations qui font entrer l’institution dans une crise qui ne fera que s’accentuer jusqu’au tournant des années 1990, où de nouvelles dynamiques se mettent en place. En effet, tandis que le contexte de la guerre froide continue, comme dans les années 1950, de fournir la grille d’analyse dominante, la période, avec la conclusion en 1967 du protocole dit de Bellagio à la convention de Genève, qui lève les restrictions géographiques et temporelles de la convention de Genève, est marqué par la mondialisation des origines géographiques des demandeurs d’asile, laquelle, conjuguée aux mutations économiques et sociales des pays européens d’accueil, confronte les institutions de l’asile à des problématiques nouvelles et les conduit, non sans difficultés, à réinterroger leurs pratiques.
4Pour éclairer ces questions, le comité de rédaction de cet ouvrage, qui est une nouvelle manifestation du dynamisme de la recherche autour des archives de l’Ofpra, a pris soin d’intégrer des contributions utilisant des fonds inédits de l’office, sans négliger pour autant de s’ouvrir à des travaux reposant sur l’exploitation d’autres fonds d’archives, permettant des approches diverses et des comparaisons internationales. Fidèle à l’esprit qui anime depuis l’origine les travaux du comité d’histoire, l’ouvrage donne également la parole à des témoins, acteurs administratifs ou réfugiés.
5Le lecteur, qu’il soit spécialiste ou simplement soucieux de mettre à distance les passions du moment sur un sujet où la polémique s’invite trop fréquemment, y trouvera ainsi une abondante matière à réflexion et à mise en perspective autour d’enjeux qui, s’ils sont ici abordés à l’aune d’un contexte historique déterminé, n’en continuent pas moins de structurer aujourd’hui le débat public sur l’asile, qu’il s’agisse de l’adaptation des institutions de l’asile à l’évolution de la demande, des pratiques de protection – entendues comme application concrète du cadre juridique du droit d’asile à des situations données – ou encore de l’intégration des réfugiés. À l’heure où la guerre en Ukraine confronte l’Europe à une crise de déplacement forcé d’une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale et où la fermeture de la parenthèse ouverte par la pandémie de Covid-19 voit la demande d’asile, alimentée notamment par la situation de l’Afghanistan, reprendre une trajectoire ascendante plus que décennale, c’est une contribution importante à l’intelligence de ces questions fondamentales.
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