Confirmé par le doyen et le chapitre
Produire et conserver des actes écrits dans les diocèses d’Hereford et de Salisbury au xiiie siècle
p. 171-178
Texte intégral
1En explorant le thème proposé ici, je ne veux pas aborder un sujet spectaculaire mais plutôt mettre en lumière un phénomène discret et même monotone : l’établissement de la routine administrative dans un chapitre cathédral. La routine est une chose importante, et, pour les historiens, l’établissement des routines mérite l’investigation. Cet exposé cherche à mettre en lumière, premièrement, les relations entre les évêques et leurs chapitres de la fin du xiie au milieu du xiiie siècle, et, en second lieu, la façon dont la gestion des copies est devenue plus fréquente et plus habituelle.
2L’origine de cette contribution se trouve dans les recherches faites il y a longtemps en préparant une édition des chartes des évêques de Hereford pour la série des English Episcopal Acta1. Il était impossible de ne pas remarquer un grand nombre de copies de chartes épiscopales réalisées dans des vidimus (ou inspeximus, d’après le verbe couramment utilisé en Angleterre) donnés par le chapitre cathédral, plusieurs chartes d’évêques du xiiie siècle ayant survécu uniquement dans les vidimus donnés par le chapitre cathédral. J’avais fait, à cette époque, cette observation en passant et sans y attacher un grand intérêt2 mais je l’avais retenue et, au moment où ce colloque a été projeté, j’ai pensé que ce pouvait être une bonne occasion d’apprendre pourquoi toute une série de doyens de la cathédrale d’Hereford et leurs collègues, les chanoines du chapitre, avaient fait des efforts notables pour confirmer, copier et préserver les textes des chartes données par leurs évêques. Cette contribution se concentre sur Hereford sans se limiter toutefois à ce diocèse, parce que le phénomène était très répandu au xiiie siècle (et plus tard). Le chapitre cathédral d’Hereford n’était pas le seul à écrire des vidimus des chartes épiscopales et il n’était pas le premier chapitre cathédral à s’engager dans cette activité. Il n’était pas non plus le chapitre le plus actif en la matière. Tous ou presque tous les chapitres cathédraux anglais du xiiie siècle, séculiers ou monastiques, ont donné des vidimus, et on peut voir des activités parallèles en France également. Comme nous allons le voir, il y avait des différences entre les chapitres, mais au fond nous nous trouvons en face d’un phénomène largement répandu.
3Pour explorer le vidimus capitulaire, son émergence et son déploiement, il faut commencer par réfléchir brièvement aux chapitres en tant que communautés indépendantes, capables de promulguer des documents ayant une valeur juridique, et à la variété de méthodes que ceux-ci pouvaient employer pour confirmer les chartes épiscopales aux xiie et xiiie siècles. Nous devons aussi considérer la nature différente des chartes épiscopales que les chapitres ont copiées le plus fréquemment dans leurs vidimus, ainsi que les occasions et les lieux où les chartes étaient promulguées, avant de s’intéresser à la préservation et à la transmission des actes, et enfin aux relations entre l’évêque et le chapitre.
4Dès les années quarante du xiie siècle au plus tard, les chapitres cathédraux anglais ont possédé leurs propres sceaux et promulgué des chartes indépendamment de l’évêque3. L’utilisation du mot « chapitre » pour définir les communautés de chanoines cathédraux (à distinguer de l’usage de ce terme pour désigner l’assemblée des chanoines) avait déjà commencé, à fin du xie siècle dans quelques cathédrales françaises4, mais allait se répandre plus largement au long de la première moitié du xiie siècle. En Angleterre, c’est autour de l’an 1140 qu’on trouve le terme dans ce sens nouveau5. Au milieu du xiie siècle on a oscillé entre « capitulum6 » et « conventus7 » pour désigner le chapitre. L’usage nouveau était associé à l’idée du chapitre cathédral comme corps principalement responsable, au moins théoriquement, de l’élection de l’évêque mais aussi à l’indépendance croissante des chapitres à l’égard de l’autorité de leur diocésain8. Cette indépendance ne voulait pas dire nécessairement une détérioration des relations entre l’évêque et son chapitre, mais plutôt un éloignement dans lequel les deux parties pouvaient souvent maintenir des relations cordiales, quoique ponctuées de moments d’hostilité9. Très souvent les chartes données par les chapitres étaient des confirmations de chartes épiscopales.
5Les chapitres disposaient de plusieurs méthodes pour confirmer les chartes épiscopales – cette contribution traite seulement des confirmations des chartes épiscopales –, mais il faut remarquer que les chapitres ont aussi confirmé des chartes de chanoines et de beaucoup d’autres acteurs. Dès le milieu du xiie siècle, les chapitres cathédraux ont donné des chartes indépendantes pour confirmer les dispositions de leurs évêques10. À Bayeux, on trouve très souvent pendant la seconde moitié du xiie siècle des chartes données par l’évêque, le doyen et le chapitre ensemble (en effet, le chapitre confirmait l’acte épiscopal)11. Une autre possibilité était de faire sceller les chartes épiscopales avec le sceau capitulaire en plus du sceau épiscopal, tout en spécifiant cette action au cours de la corroboration. Ces mentions de l’apposition des deux sceaux sont nombreuses : j’en ai trouvé 18 à Hereford entre 1174 et 123412, et on rencontre cet usage assez fréquemment dans les actes d’Hugues de Wells, évêque de Lincoln (1209-1235)13. Plus rares étaient les occasions où le chapitre faisait écrire une clausule de ratification à la fin de l’acte épiscopal14. Néanmoins, la méthode la plus développée pour confirmer les chartes d’autrui était le vidimus, dont la caractéristique la plus distinctive est la citation intégrale du texte de la charte confirmée.
6En produisant des vidimus, les chapitres cathédraux suivaient l’exemple de leurs évêques. Les chartes épiscopales en forme de vidimus se trouvent dès les années 1170 dans les diocèses de Worcester, Londres, Bath et York15. L’archevêque Rotrou de Rouen a donné un vidimus entre 1177 et 118316. Robert Foliot, évêque d’Hereford entre 1174 et 1186, a expérimenté une forme de vidimus17 mais c’est son successeur Guillaume de Vere (1186-1198) qui en a employé une forme plus standardisée18. Dans les années 1190, l’usage du vidimus par les évêques est devenu normal, et c’est au cours de cette décennie que le chapitre cathédral de Lincoln a commencé à suivre le modèle épiscopal. À Lincoln autour de 1195, le chapitre, sous l’autorité de son doyen maître Roger de Rolleston, a donné un très long vidimus confirmant de nombreuses chartes épiscopales pour les prieurés de l’ordre de Sempringham, situé dans le diocèse19. Les autres chapitres anglais ont suivi cet exemple au xiiie siècle : avant 1211 à Chichester sous le doyen Nicolas de l’Aigle (doyen de Chichester de 1201 à 1211 puis doyen d’Avranches de 1211 à 1219-1223), le chapitre a vidimé une charte de Seffrid, évêque de Chichester, et de deux autres ecclésiastiques agissant comme juges délégués du pape20 ; avant 1213 à Londres, le doyen Alard et le chapitre de Saint-Paul ont vidimé une charte de leur évêque Guillaume de Sainte-Mère-Église21. À Salisbury, où les chartes épiscopales en forme de vidimus ont commencé seulement sous l’évêque Richard Poore (1217-1228), on trouve les premiers vidimus capitulaires en 1220, sous le doyen Adam22. Dans le diocèse de Bath et Wells, le chapitre de Wells a donné deux vidimus entre 1214 et 122023 et, à Hereford, le premier vidimus capitulaire peut être daté d’entre 1219 et 1231, probablement autour de 122524. En Normandie, le chapitre du Saint-Sépulcre de Caen a vidimé une charte de l’évêque de Bayeux, Robert des Ablèges, en 1219, tandis que le chapitre cathédral de Bayeux a vidimé les chartes épiscopales à partir de 125625. Après le milieu du xiiie siècle, le nombre de vidimus a augmenté et les chapitres ont commencé à vidimer les chartes épiscopales anciennes (par exemple du xiie siècle) en plus des chartes contemporaines.
7Dans la première moitié du xiiie siècle, les chapitres qui jouissaient des relations les plus amicales avec leur évêque tendaient à être les plus enthousiastes à confirmer les chartes de celui-ci en forme d’inspeximus. À Salisbury, Richard Poore avait été doyen de 1197 à 1215 avant de devenir évêque de Chichester de 1215 à 1217 puis de Salisbury de 1217 à 122826. C’est peu surprenant de trouver 16 de ses chartes copiées par son chapitre dans des vidimus. À Hereford, trois évêques successifs, de 1216 à 1239, étaient en fonction au chapitre avant leur promotion épiscopale et c’est pendant le pontificat du deuxième d’entre eux, Hugues Foliot (1219-1234) qu’on voit le début des vidimus capitulaires, cette pratique étant prolongée sous son successeur Raoul de Maidstone (1234-1239), qui avait été auparavant doyen du chapitre (1231-1234)27. Les trois évêques d’Hereford entre 1216 et 1239 ont vu leur chapitre confirmer leurs actes. On peut remarquer aussi que, pendant l’épiscopat du successeur de Raoul, le Savoyard Pierre d’Aigueblanche, évêque de 1240 à 1268, c’est seulement lorsque l’un de ses protégés savoyards, Anselme de Conflens, est devenu doyen en 1253 que le chapitre s’est mis à donner des vidimus de ses actes28.
8Normalement, l’étendue des actes épiscopaux qui ont été copiés dans les chartes capitulaires était très limitée, mais on perçoit des différences entre les diocèses concernant le type de chartes épiscopales qui était vidimé. À Salisbury et à Hereford, les chapitres ont très souvent vidimé les chartes épiscopales dont les bénéficiaires étaient les locataires des propriétés épiscopales, souvent les officiels dans la familia de l’évêque, ou même les parents de celui-ci29. Ainsi cinq chartes de Richard Poore pour ses locataires ont été confirmées par le doyen et le chapitre30. De même, à Hereford, trois actes d’Hugues Foliot et trois de Raoul de Maidstone pour leurs locataires sont parvenus jusqu’à nous parce qu’ils ont été confirmés dans des vidimus capitulaires31. En outre, Stephen Thornbury, doyen de Hereford (1234-1247 ?), et le chapitre ont vidimé une charte de Raoul spécifiant les préparatifs qu’on devrait faire pour protéger le cheptel des terres épiscopales après la fin de l’épiscopat32. En toutes ces circonstances, un vidimus capitulaire était utile pour assurer une continuité au moment de la succession épiscopale ou pour témoigner auprès du nouvel évêque des droits des locataires, ou encore pour garantir les droits de ce nouvel évêque. Mais il pouvait arriver que le chapitre confirme les donations faites aux protégés épiscopaux qui ne concernaient pas la propriété épiscopale, comme par exemple une donation confirmée par Pierre d’Aigueblanche à son serviteur Gaye ou Gayta. Cette donation nous est connue grâce à un vidimus capitulaire, en ce cas préservée seulement dans une traduction anglaise faite par un notaire au xviii siècle33.
9Les chapitres de Salisbury et d’Hereford ont vidimé aussi des chartes épiscopales concernant les prébendes et dignités capitulaires ou confirmant les chartes de chanoines. Ainsi, deux chartes de Richard Poore pour les vicaires des églises de Salisbury incluses dans des prébendes ont été vidimées par le chapitre34, qui a aussi vidimé une charte de Richard vidimant elle-même une charte d’un chanoine de Salisbury pour son locataire, Étienne fils d’Estmund35. De façon semblable, lorsque Jean le Breton, évêque d’Hereford, a permis, en 1273, au chanoine Bodro ou Boson de Valence (un protégé de Pierre d’Aigueblanche) de recevoir en la maison des Templiers à Londres les paiements dus par ses églises en Herefordshire comme pension annuelle (pour faciliter le transport de l’argent à Valence, où Bodro était chanoine), cette charte a été vidimée par le doyen et le chapitre36. En 1262, Pierre a permis au trésor de sa cathédrale d’incorporer une église paroissiale après la mort du clerc en fonction37. Les chapitres ont rarement vidimé les chartes épiscopales dont ils étaient eux-mêmes bénéficiaires mais certaines circonstances pouvaient nécessiter une telle procédure. Ainsi en 1256, quand Pierre d’Aigueblanche a fait les préparatifs pour la fondation de son obit, qu’il prenait soin de lier étroitement aux préparatifs pour l’obit de son protégé Bernard de Champagne, le doyen et chapitre d’Hereford ont vidimé sa charte, peut-être pour reconnaître qu’ils devraient célébrer les services anniversaires38. Il faut ajouter que Bernard, un chanoine de Belley, dans le Bugey, et parent illégitime d’Éléonore de Provence, avait été assassiné dans la chapelle épiscopale à Hereford en 1252, lors d’une conspiration très probablement inspirée par l’archidiacre d’Hereford, Nicolas Boistard, lorsque Pierre était en France, occupé par les affaires d’Henri III39. Le chapitre a de plus vidimé une charte de Pierre pour un petit prieuré près d’Hereford dans lequel l’évêque allait fonder plus tard un anniversaire pour Bernard40.
10Les chapitres cathédraux ont souvent vidimé les chartes épiscopales pour les maisons religieuses. Dans certains cas, ces maisons étaient liées au chapitre. Ainsi, par exemple, l’abbaye normande de Cormeilles, qui avait converti ses églises dans le diocèse d’Hereford en une prébende de la cathédrale en 119541, a reçu des vidimus capitulaires de trois actes de Pierre d’Aigueblanche en 1247 et 125342. Auparavant, en 1230-1231 environ, le doyen Thomas de Bosbury et le chapitre ont vidimé une charte d’Hugues Foliot établissant un hôpital à Ledbury, qu’il a confié aux soins du chapitre43. Beaucoup plus souvent, cependant, les chapitres cathédraux n’étaient pas des parties intéressées lorsqu’ils ont vidimé des actes épiscopaux pour les monastères, et il est plus probable que ces institutions ont activement demandé les vidimus comme une validation additionnelle. Nous pouvons remarquer que les vidimus pour les maisons religieuses concernent souvent les églises paroissiales, les autorisations d’incorporation des bénéfices et les octrois de revenus paroissiaux. Ainsi l’abbaye de Shrewsbury a demandé au doyen Raoul de Maidstone et au chapitre d’Hereford, entre 1231 et 1234, de vidimer une charte de l’évêque Gilbert Foliot (1148-1163)44 et l’abbaye de Gloucester a demandé d’une part au même Raoul, devenu évêque, et d’autre part au chapitre des vidimus d’une charte de l’évêque Hugues Foliot45. Le doyen Anselme et le chapitre d’Hereford ont vidimé une charte de Pierre d’Aigueblanche, vidimant elle-même l’octroi par Henri III d’Angleterre de deux églises d’Hereford à l’hôpital de Saint-Antoine en Viennois46. Un mois après la mort de l’évêque Thomas de Cantilupe, le doyen Jean d’Aigueblanche et le chapitre d’Hereford ont vidimé plusieurs chartes épiscopales anciennes pour le prieuré clunisien de Much Wenlock47. Dans le diocèse de Lincoln à la fin du xiie siècle48 et dans ceux de Londres et de Chichester aux premières décennies du xiiie siècle, les bénéficiaires de presque tous les vidimus capitulaires étaient les maisons religieuses49. Nous reviendrons plus tard sur la question du rôle assumé par le chapitre lorsqu’il confirme les actes épiscopaux.
11Si on examine le lieu et la date des vidimus capitulaires, on découvre pourquoi ce type de chartes est devenu une manière privilégiée de confirmer les chartes épiscopales au cours du xiiie siècle. Beaucoup de vidimus capitulaires ne sont pas datés (cela arrive très souvent dans le cas des actes pour les locataires épiscopaux)50 mais sur la base des clauses de datation qui existent, nous pouvons avoir une idée du délai « normal » entre la date d’une charte épiscopale et la date du vidimus capitulaire. Si on met à part les vidimus capitulaires qui étaient donnés plusieurs années plus tard, le délai normal était compris entre un et six mois51 mais il pouvait être beaucoup plus bref, pour exemple une ou deux journées52. Des délais de quelques années étaient possibles53, et il arrivait souvent qu’un chapitre octroie un vidimus peu de temps après la mort de l’évêque concerné54. Une comparaison des lieux où sont donnés les actes est également utile : dès les années 1220, les évêques anglais ont donné des chartes dans une grande variété de lieux tout le long de leurs itinéraires, chose très différente du xiie siècle, où (pour autant qu’on puisse l’estimer) ils ont démontré une préférence très marquée pour octroyer les chartes importantes dans leur cathédrale et très souvent dans la salle capitulaire elle-même, ou au moins dans leur résidence près de la cathédrale55. Au xiie siècle, cela semble être aussi une préférence des évêques français, au moins dans les diocèses d’Arras et de Laon56. Il était alors beaucoup plus facile pour le chapitre de se joindre à l’évêque pour confirmer ses actes, par exemple en apposant son sceau à la charte épiscopale. Au xiiie siècle, c’était une autre histoire : l’évêque se trouvait peut-être dans le diocèse mais pas nécessairement proche de la cathédrale et, par conséquent, si le chapitre voulait confirmer les chartes épiscopales, il devait préparer sa propre charte de confirmation ou son vidimus, et cette dernière option qui était privilégiée par les bénéficiaires.
12Enfin nous devons considérer la question de la préservation et de la transmission des vidimus, parce qu’elle peut éclairer l’étendue des buts visés lorsque de tels actes étaient octroyés. En premier lieu nous pouvons constater que les vidimus capitulaires ont très souvent survécu dans les archives capitulaires, en original ou dans les cartulaires, ou sous les deux formes. Il est évident que les archives capitulaires étaient le lieu le plus approprié pour les chartes qui concernaient les intérêts du chapitre lui-même, comme par exemple les actes concernant les églises incluses dans les prébendes ou les dotations des dignités capitulaires57, mais beaucoup d’autres chartes ont été préservées dans les archives capitulaires ou ont été copiées dans les cartulaires du chapitre, y compris de nombreuses chartes pour les locataires épiscopaux58, ce qui n’empêche pas qu’une proportion non négligeable de ces chartes ait aussi été préservée dans les collections privées des familles59. De même, quoique la plupart des vidimus capitulaires pour les maisons religieuses ait été conservée dans les cartulaires de ces maisons, certaines d’entre elles ont également été conservées dans les archives capitulaires : c’est le cas par exemple pour le grand vidimus de Roger Rolleston et le chapitre de Lincoln pour les maisons de l’ordre de Sempringham60. Nous pouvons noter aussi que, bien qu’une charte de Richard Poore pour la cathédrale de Coutances ait été préservée dans les cartulaires de Coutances, le vidimus du chapitre de Salisbury dans lequel elle a aussi été copiée a été préservé dans le cartulaire principal de la cathédrale de Salisbury, le Registre de Saint Osmund61. Cela suggère que la version originale du vidimus a été gardée dans les archives capitulaires. Il est donc vraisemblable que le chapitre a agi comme dépôt d’archives pour le diocèse, probablement à la demande de l’évêque. Un développement comparable et contemporain était en vogue pour faire des chirographes tripartites de quelques actes épiscopaux, dont un exemplaire était placé dans la sacristie de la cathédrale. On constate ce phénomène pour certaines chartes de Richard Poore à Salisbury62 et de l’évêque Eustache de Fauconberge à Londres63. Un autre témoignage de la responsabilité des chapitres cathédraux dans la conservation des actes pour les évêques se trouve dans le registre de l’évêque Thomas Cantilupe à Hereford : il s’agit d’une liste de chartes concernant deux manoirs épiscopaux avec l’indication que les chartes avaient été déposées dans deux boîtes placées dans une grande caisse dans la salle capitulaire, sous le sceau de l’évêque, le 23 février 127664. Nous pourrions penser que, lorsque les évêques ont commencé à enregistrer leurs actes, cela aurait dû les aider à en préserver la mémoire, mais les vidimus capitulaires sont restés nécessaires et ont été très souvent copiés dans les registres épiscopaux65. Évidemment, l’un des buts principaux du vidimus capitulaire était d’agir comme une forme d’enregistrement : il est aussi possible que certains vidimus aient été octroyés en plusieurs exemplaires pour permettre que l’un de ces exemplaires reste dans les archives capitulaires, l’autre étant expédié chez le bénéficiaire.
13Au tournant du xiiie siècle, les évêques et les bénéficiaires des actes de ces derniers ont donc commencé à demander aux chapitres cathedraux de promulguer des vidimus de chartes épiscopales. Leur objectif était principalement d’engager les évêques futurs à préserver les transactions de leurs prédécesseurs. La tendance croissante qu’ont eue les évêques anglais du xiiie siècle à promulguer leurs actes n’importe où au cours de leurs pérégrinations a également joué un rôle dans ce processus de « mise en vidimus ». Les différents acteurs ont eu durablement confiance en la capacité des chapitres à préserver les documents d’importance pour le diocèse, même apres que les évêques ont commencé à enregistrer leurs actes.
Notes de bas de page
1Barrow Julia (éd.), English Episcopal Acta, VII: Hereford, 1079-1234, Oxford, Oxford University Press, 1983 (ci-après EEA VII) ; Barrow Julia (éd.), English Episcopal Acta, 35: Hereford, Oxford, Oxford University Press, 2009 (ci-après EEA 35).
2Le regretté Brian Kemp a remarqué la fréquence de ce phénomène dans le diocèse de Bath et Wells : Kemp Brian (éd.), English Episcopal Acta, 45: Bath and Wells 1206-1247, Oxford, Oxford University Press, 2016 (ci-après EEA 45), p. lii et nos 3-4, 10-11, 13, 17, 30, 37, 39-40, 42, 45, 58, 64, 67, 70, 77, 90, 95-96, 98, 102-103, 112, 114-115, 128, 140-141, 143, 154-155, 157-158, 160, 162, 164-166, 168, 175, 180-183, 186-187, 191-192, 196-200, 204, 206, 207 et 209. Voir aussi Ramsey Frances (éd.), English Episcpal Acta, X: Bath and Wells, Oxford, Oxford University Press, 1995, nos 110, 111 et 239. Les deux chapitres (le chapitre monastique de Bath et le chapitre de chanoines séculiers à Wells) ont donné leurs vidimus séparément.
3Par exemple, Gibbs Marion (éd.), Early Charters of the Cathedral Church of St Paul’s, t. LVIII, Londres, Royal Historical Society, 3e série, 1939, nos 154 (1145, charte originale, sceau perdu), 218 (entre 1111 et 1138, copie sans mention de sceau) ; Londres, National Archives, C115 K2/6683, fol. 120 vo, section VI, no 5 (chapitre d’Hereford pour le prieuré de Llanthony en 1144) ; Hereford, Cathedral Archives no 1088 (charte originale du doyen et chapitre d’Hereford entre c. 1135 et 1158, sceau mentionné mais perdu ; pour un facsimile, voir Barrow Julia, « Athelstan to Aigueblanche, 1056-1268 », in Gerald Aylmer et John Tiller [dir.], Hereford Cathedral: a History, Londres, Hambledon, 2000, p. 21-47 à la p. 33, fig. 9 ; pour l’édition du texte, voir Capes William Wolfe [éd.], Charters and Records of Hereford Cathedral, Hereford, Wilson and Phillips, 1908, p. 9) ; Bourrienne Valentin (éd.), Antiquus cartularius baiocensis, 2 vol., t. I, Rouen et Paris, Lestringant, 1902-1903, nos 71-73 (1150-1163, 1164, 1163).
4Par exemple, à Poitiers en 1089 (Marchegay Paul [éd.], Chartes poitevines de l’abbaye de Saint-Florent près Saumur, Les Roches-Baritaud, 1873, p. 128, no 87) ; à Chartres en 1094 (Lépinois Eugène et Merlet Lucien [éd.], Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, t. I, no 22, Chartres, Garnier, 1862, p. 99-100).
5Latham Roland E. et Howlett David R. (dir.), Dictionary of Medieval Latin from British Sources, t. I, Oxford, Oxford University Press, p. 272.
6Par exemple, Capes W. W. (éd.), Charters and Records, op. cit., p. 10-11 : « Radulphus Herefordensis ecclesie decanus, totumque capitulum » ; Bourrienne V. (éd.), Antiquus cartularius, op, cit., t. I, nos 97 : « Robertus Rothomagensis ecclesiae decanus eiusdem capitulum » (1176-1177) et no 99 : « Guillelmus Baiocensis ecclesiae decanus et eiusdem ecclesiae capitulum » (entre 1151 et 1183).
7Gibbs M. (éd.), Early Charters, op. cit., no 218 (« Willelmus decanus et conventus sancti Pauli », entre 1111 et 1138) ; Londres, National Archives, C115 K2/6683, fol. 120 vo, section VI, no 5 : « Radulfus decanus et conventus ecclesie Hereford[ie] », en 1144 ; Bourrienne V. (éd.), Antiquus cartularius, op. cit., t. I, nos 48 (1169), 71 (1151-1163) et 73 (1163).
8Peltzer Jörg, Canon Law, Careers and Conquest: Episcopal Elections in Normandy and Greater Anjou, c. 1140-c.1230, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, p. 20-29 ; Thier Andreas, Hierarchie und Autonomie: Regelungstraditionen der Bischofsbestellung in der Geschichte des kirchlichen Wahlrechts bis 1140, Francfort-sur-le-Main, Klostermann, 2011, p. 308-42 ; Pacaut Marcel, Louis VII et les élections épiscopales dans le royaume de France, Paris, Vrin, 1957, p. 37 et 46-49.
9Edwards Kathleen, The English Secular Cathedrals in the Middle Ages, Manchester, Manchester University Press, 1967 (2e éd.), p. 97-134.
10Londres, National Archives, C115 K2/6683, fol. 120 vo, section VI, no 5 (Raoul, doyen et chapitre d’Hereford, en 1144) ; Capes W. W. (éd.), Charters and Records of Hereford Cathedral, op. cit., p. 10-11 (Raoul, doyen et chapitre d’Hereford, entre 1144 et 1148) ; Gibbs M. (éd.), Early Charters, op. cit., no 193 (1162).
11Par exemple Bourrienne V. (éd.), Antiquus cartularius, op. cit., t. I, nos 48, 75 et 84 ; voir aussi nos 56 et 96, où il n’y a pas de mention du doyen.
12EEA VII, nos 125, 180, 188, 207, 209, 244, 257, 260, 267, 278, 315, 330, 337, 341-343, 346 et 358 ; le chapitre donne son consentement au no 311.
13Par exemple Smith David M. (éd.), The Acta of Hugh of Wells, Bishop of Lincoln, 1209-1235, t. LXXXVIII, Woodbridge, Boydell, 2000, nos 198, 215, 380 et 382.
14EEA VII, no 330 : « Omnia premissa concedente et ratificante toto capitulo nostro Herefordensi. »
15Cheney Christopher R., English Bishops’ Chanceries, Manchester, Manchester University Press, 1950, p. 90-96.
16Ibid., p. 95-96, n. 6.
17EEA VII, no 137.
18EEA VII, nos 211 et 218.
19Smith David M. (éd.), English Episcopal Acta, I: Lincoln 1067-1185, Oxford, Oxford University Press, 1980 (ci-après EEA I), nos 97 et 286 ; Smith David M. (éd.), English Episcopal Acta, IV: Lincoln 1186-1206, Oxford, Oxford University Press, 1986 (ci-après EEA IV), nos 4, 6, 41, 117, 141 et 174-178 ; Cheney C. R., English Bishops’ Chanceries, op. cit., p. 96, n. 1.
20Mayr-Harting Henry M. R. (éd.), Acta of the Bishops of Chichester, 1075-1207, Londres, Canterbury and York Society, 1964, no 131 : les autres juges délégués sont Louis, préchantre de Chichester, et Gui, prieur de Southwick.
21Johnson D. P. (éd.), English Episcopal Acta, 26: London 1189-1228, Oxford, Oxford University Press, 2003 (ci-après EEA 26), no 145.
22Kemp Brian (éd.), English Episcopal Acta, 19: Salisbury 1217-1228, Oxford, Oxford University Press, 2000 (ci-après EEA 19), nos 274 et 300.
23EEA 45, nos 10-11.
24Londres, British Library Add. Ch. 66626, mentionné EEA 35, appendice 1, no XVII ; Oxford, Bodleian Library, Rawlinson MS B329, fol. 154 vo.
25Bourrienne V. (éd.), Antiquus cartularius, op. cit., t. I, no 219 et t. II, 1903, no 422.
26Hoskin Philippa, « Poor [Poore], Richard », in Henry C. G. Matthew et Brian Harrison (dir.), Oxford Dictionary of National Biography, t. XLIV, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 855-857.
27EEA VII, p. xlvi-l ; EEA 35, p. xxxiv-xxxvii.
28EEA 35, p. liv-lv ; Barrow Julia, « Peter of Aigueblanche’s support network », in Janet Burton, Frédérique Lachaud et Phillipp Schofield (dir.), Thirteenth-Century England, XIII: Proceedings of the Paris Conference, 2009, Woodbridge, Boydell, 2011, p. 27-39, p. 35.
29Officiels et domestiques : EEA 19, nos 307 et 339 ; parent : EEA 35, no 159 (don fait par Jean le Breton, évêque d’Hereford [1269-1275] à son neveu, Robert le Breton).
30EEA 19, nos 271, 306-308 et 339.
31EEA VII, nos 363 et 367 ; EEA 35, nos 15, 31 et 32, et appendice 1, no XVII.
32EEA 35, no 12.
33EEA 35, no 50 ; « Gaye », probablement d’origine savoyarde, peut être identifiable avec le Gayta qui était un des bénéficiaires du testament de Pierre, ibid., no 124.
34EEA 19, nos 278 et 351.
35EEA 19, no 280.
36EEA 35, no 127. Bodro est probablement identifiable avec Boson de Mâcot, un chanoine d’Hereford d’origine savoyarde : Barrow Julia (dir.), Fasti Ecclesiae Anglicanae 1066-1300, VIII: Hereford, Londres, Institute of Historical Research, 2002, p. 64.
37EEA 35, no 94.
38EEA 35, no 89.
39EEA 35, p. li-liv ; Barrow J., « Peter of Aigueblanche’s support network », art. cité, p. 32-33.
40EEA 35, nos 120 et 124.
41EEA VII, no 188.
42EEA 35, nos 44-45 et 47.
43EEA VII, no 348.
44EEA VII, no 112 ; Morey Adrian et Brooke Christopher N. L. (éd.), The Letters and Charters of Gilbert Foliot, Cambridge, Cambridge University Press, 1967, no 344.
45EEA VII, no 333 ; EEA 35, no 11.
46EEA 35, no 108.
47EEA VII, nos 228, 277 et 359.
48EEA I, nos 97 et 286 ; EEA IV, nos 4, 6, 41, 117, 141 et 174-178.
49EEA 26, nos 157, 175, 178, 189 et 244 ; Mayr-Harting Henry M. R. (éd.), Acta of the Bishops of Chichester, op. cit., no 131 ; Hoskin Philippa (éd.) English Episcopal Acta, 22: Chichester 1215-1253, Oxford, Oxford University Press, 2001, nos 49, 50, 57, 71 et 89.
50EEA 19, nos 306-308 ; EEA VII, nos 363, 367 et 370 ; EEA 35, nos 26, 31-32 et 159 et appendice 1, no XVII.
51EEA 35, nos 12, 47, 50 et 108 ; EEA 19, nos 274, 278 et probablement 300.
52EEA 19, no 394 (une journée) ; EEA 35, no 127 (deux jours) ; EEA 45, nos 98 et 164 (le même jour).
53EEA 35, nos 44-45, où le vidimus capitulaire a été donné lorsque le bénéficiaire était en train de demander des chartes supplémentaires de l’évêque (ibid., nos 46-47).
54EEA VII, nos 322, 333 et 363.
55Barrow Julia, « English bishops’ itineraries, c. 700-c. 1200 », in David Rollason (dir.), Princes of the Church: Bishops and their Palaces, Londres, Routledge, 2017, p. 161-168, aux p. 165-166.
56Ibid., p. 166.
57Par exemple, EEA 35, no 89 a été copié dans un cartulaire capitulaire et dans deux registres épiscopaux ; EEA 19, nos 278, 280 et 351 ont été copiés dans un cartulaire capitulaire.
58EEA VII, no 367 ; EEA 19, nos 271, 303-308 et 339 ; EEA 35, nos 31-2 ; Smith D. (éd.), The Acta of Hugh of Wells, op. cit., no 106.
59EEA VII, no 363 ; EEA 35, nos 15, 50 et 94 et appendice 1, no XVII.
60EEA I, nos 97 et 286, et EEA IV, nos 4, 6, 41, 105, 117, 141 et 174-178 ; une charte pour Westminster a été conservée à Salisbury : EEA 19, no 394.
61EEA 19, no 277. Fontanel Julie, Le cartulaire du chapitre cathédral de Coutances, Étude et édition critique, Saint-Lô, Archives départementales de la Manche, 2003, no 281.
62EEA 19, nos 267 (prieuré de Breamore), 303-304 (prieuré d’Ivychurch) et 330 (prieuré de Monkton Farleigh).
63EEA 26, p. xcvi-xcviii ; l’évêque Mauger de Worcester (1200-1212) a aussi employé les chirographes tripartites : Cheney Mary G., Smith David, Brooke Christopher et Hoskin Philippa (éd.), English Episcopal Acta, 34: Worcester 1186-1218, Oxford, Oxford University Press, 2008, nos 99, 100 et 151.
64Griffiths R. G. et Capes William Wolfe (éd.), The Register of Thomas de Cantilupe, Bishop of Hereford (A.D. 1275-1282), Hereford, Cantilupe Society, 1906, p. 40-41.
65EEA 35, nos 12, 89, 127 et 159.
Auteur
Université de Leeds.
Julia Barrow est professeure d’études médiévales à l’université de Leeds (Royaume-Uni). Ses principaux domaines de recherche sont les évêques, le clergé et le concept de réforme entre le viiie et le xiie siècle.
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