Écrire à l’ombre des cathédrales de la Basse-Normandie
La production diplomatique des évêques de Bayeux et de Coutances (xie-xiiie siècle)
p. 25-42
Texte intégral
1Après les diplômes royaux et les bulles pontificales, les actes épiscopaux offrent le fonds diplomatique le plus cohérent susceptible d’être exploité par les médiévistes du Moyen Âge central. L’intérêt multiforme de ces textes a depuis longtemps été démontré grâce aux entreprises de recensement et de publication lancées il y a une bonne quarantaine d’années, notamment en Angleterre, où ils font l’objet d’une publication régulière dans la série English Episcopal Acta1, mais également en France, surtout à l’initiative de Michel Parisse2. Les années récentes ont heureusement vu la réouverture du chantier de l’édition des actes épiscopaux normands, et c’est dans le cadre de ce mouvement de relance des études que nous proposons d’examiner ici les pratiques de l’écrit documentaire des évêques de la Basse-Normandie. S’agissant du corpus, nous exploiterons principalement les presque 700 actes, dont plus de 130 en originaux, émis par les évêques des deux anciens diocèses de Coutances et de Bayeux pendant la période allant du début du xie siècle jusqu’à la charnière de l’an 1200. Restés largement inexploités par les médiévistes depuis les travaux des érudits des xviiie et xixe siècles, les actes des évêques de Coutances sont actuellement en cours d’édition par nos soins dans le cadre du projet Actépi3. Les actes de Bayeux, quant à eux, ont fait l’objet d’une thèse de l’École des chartes, encore non publiée, soutenue par Hubert Dupuy en 19704. Se pencher sur une si imposante collection de documents est l’occasion d’approfondir la réflexion sur les actes produits au nom des évêques d’une manière à la fois locale et plus globale. Le choix de traiter deux diocèses adjacents, entre lesquels les liens et la circulation de dignitaires ont été réels, permet de s’interroger sur plusieurs questions, celles de la production, de l’influence et de la diversité des actes, ce que propose d’examiner ce colloque. Ces réflexions, nourries des exemples d’autres diocèses voisins, surtout ceux d’Avranches et de Sées5, permettent également de connaître une partie du fonctionnement concret de ce que l’on appellera les chancelleries épiscopales et de nourrir des questionnements autour de l’existence d’une diplomatique « cathédrale » propre à l’espace bas-normand. Le présent article permettra enfin de faire le point sur les éditions scientifiques actuellement en cours des actes épiscopaux normands et de réfléchir un peu sur les modalités de leur valorisation.
2Avant d’en venir à la présentation du corpus, commençons par donner une très brève histoire de chacun des diocèses au cours de la période qui nous retient. Situé à la périphérie occidentale du duché, l’ancien diocèse de Coutances comprenait le Cotentin (au sens ancien du terme). La situation géographique de la péninsule l’exposa aux ravages vikings fréquents au ixe siècle, et le dernier évêque résident est assassiné à Saint-Lô en 890. Peu de temps après, l’église rouennaise devint le nouveau siège de la cathédrale de Coutances, et grâce à une donation du « duc » Rollon († 928/933), les évêques s’installèrent dans l’ancienne église Saint-Sauveur de Rouen, bientôt rebaptisée en l’honneur de saint Lô6. L’exil aurait pu n’être que provisoire, mais il fut exceptionnellement long, et cinq évêques allaient en effet siéger à Rouen. Les premières étapes dans la restauration de l’église de Coutances sont dues au duc Richard Ier (943-996), qui a institué le chapitre et le dota de terres, mais le retour dans le Cotentin ne commença que sous l’évêque Herbert II (c. 1022), avec l’établissement à Saint-Lô. Aucun des six monastères prénormands n’a connu une restauration directe à la suite des invasions scandinaves, et des abbayes fondées au xie et au xiie siècle il y en a peu qui aient bénéficié d’une grande réputation en dehors du Cotentin. Il en va à peu près de même pour les évêques, à l’exception de Geoffroy de Montbray (1048-1093), proche du Conquérant, et d’Algare (1131/1132-1151), prélat réformateur d’origine anglaise.
3Le diocèse de Bayeux, quant à lui, a connu des fortunes contrastées à la suite de l’arrivée des Vikings dans la vallée de la Seine en 841. Il ne fait aucun doute que la force de l’implantation scandinave dans le Bessin a distendu le tissu ecclésiastique, mais à la différence des autres diocèses bas-normands, qui ont connu de longues périodes de vacance, on peut toujours noter la trace d’une activité épiscopale bayeusaine pendant le xe siècle7. Or, la succession épiscopale ne se rétablit vraiment qu’avec l’élection de l’évêque Raoul vers 990, et surtout avec l’arrivée sur le siège d’Hugues d’Ivry (c. 1011-c. 1049), fils de Raoul, comte d’Ivry, frère utérin du duc Richard Ier, puis d’Odon de Conteville (c. 1049-1097), demi-frère du Conquérant, dont la carrière remarquable est trop connue pour que nous ayons besoin de nous y arrêter8. Sa mort entraîna une période troublée dans l’histoire du diocèse, pendant laquelle la ville de Bayeux fut brûlée en 11059. Dans le sillage de cette catastrophe, le pouvoir politique et l’activité économique abandonnèrent Bayeux pour la ville de Caen, qui s’affirme au début du xiie siècle comme ville principale de la Normandie occidentale. Reconnaissant que l’église bayeusaine avait également souffert et perdu de son riche temporel depuis la mort de l’évêque Odon, le duc-roi Henri Ier (1100-1135) fit procéder à une enquête sur les fiefs de l’évêché en 113310. Mais c’est seulement avec l’élection des évêques Philippe d’Harcourt (1142-1163), parent et protégé de Galeran, comte de Meulan (1104-1166), et Henri de Beaumont (1165-1204), ancien doyen du chapitre de Salisbury, qui entreprirent de restaurer et d’embellir leur église, quelque peu négligée par leurs prédécesseurs, que le diocèse commence à récupérer ce qu’il avait perdu11.
4Passons maintenant à l’analyse du corpus. En ce qui concerne les types d’actes retenus, seuls les actes promulgués par l’évêque lui-même ont été réunis. Le recueil exclut les lettres, qui forment un genre documentaire différent, ainsi que les actes dans lesquels intervient un évêque sans que la charte soit donnée sous son autorité. Les chartes où l’on trouve uniquement le signum de l’évêque ont été aussi rejetées. Les chartes octroyées par un évêque de concert avec un ou plusieurs autres dignitaires, n’ont été éditées que lorsque l’évêque est le premier auteur cité. Ainsi, pour les évêques de Coutances nous avons recueilli jusqu’à présent 407 actes pour la période allant jusqu’en 1208, date de décès de l’évêque Vivien (avant le 28 décembre 1201-1208), parmi lesquels on relève la présence de 73 mentions d’actes perdus. Malheureusement, seuls 45 actes, soit environ 10 % du total, nous sont connus par une charte originale. Cela tient principalement à la destruction du dépôt des Archives départementales de la Manche lors des bombardements alliés de Saint-Lô pendant la Seconde Guerre mondiale : plus de 100 chartes originales coutançaises de notre période furent brûlées en 1944, sans oublier plusieurs copies dans des cartulaires et par des érudits. Ce n’est que grâce aux copies effectuées par Paul Le Cacheux, ancien directeur des Archives, que les textes de beaucoup de ces chartes nous ont été transmis12. En ce qui concerne les actes de Bayeux, le recueil d’Hubert Dupuy comprend les textes de 281 actes pour la période allant jusqu’à la mort de l’évêque Henri de Beaumont en 1204, dont 79 (28 %) sont des originaux13. À ce total, il faut ajouter une vingtaine d’originaux inconnus de Dupuy, conservés tant dans les archives françaises qu’anglaises ou américaines14, dont la moitié sont des actes qui lui ont été totalement inconnus. Nous avons également retrouvé une quinzaine d’actes ignorés par Dupuy qui ne sont connus que par des copies ultérieures15. Pour ce qui est des originaux bayeusains, ce total correspond bien à celui des autres diocèses bas-normands (Avranches : 27 % pour la période jusqu’en 1210 ; Sées : 30 % pour la période jusqu’en 1201), alors que le nombre des originaux est également à comparer, pour une période correspondante, avec la proportion des originaux dans des diocèses extérieurs à la Normandie, tels Bath et Wells (13 %), Lincoln (19 %), Salisbury (19 %), Ely (21 %), Winchester (21 %), Limoges (21 %), Norwich (22 %), Amiens (24 %), Laon (31 %), Bourges (37 %) et Arras (38 %)16. Toutes les chartes, à l’exception d’une poignée, étaient apparemment scellées mais on ne possède que six sceaux pour les évêques de Bayeux, dont l’un est ignoré de Dupuy, et huit pour ceux de Coutances. Leur forme est en général répétitive et peu originale, tout comme les sceaux des autres diocèses bas-normands. En navette, ils montrent l’évêque revêtu des habits épiscopaux, portant une crosse dans la main gauche et bénissant de la main droite. Seul le sceau de Richard de Bohon, évêque de Coutances (1151-1179), qui est de forme ronde, se distingue17. Notons également le sceau d’Odon de Bayeux, connu uniquement par un dessin du xviie siècle, dont le contre-sceau montre l’évêque monté sur un cheval, armé de toutes pièces18.
5Les sources nécessaires à l’étude ayant été rassemblées, la première question qu’elles invitent à poser est de savoir s’il y a trace d’une « chancellerie » épiscopale à Coutances ou à Bayeux. Sans chercher à définir le sujet, notons simplement qu’alors que certains spécialistes sont réticents à employer le mot de « chancellerie » pour décrire les activités diplomatiques épiscopales des xie et xiie siècles, préférant parler de la rédaction des actes dans l’entourage de l’auteur ou dans les bureaux d’écriture, d’autres, bien que parfaitement conscients de ce que les chancelleries qu’ils étudient ne sont que très souvent des organismes embryonnaires, n’hésitent pas à utiliser le terme en question19. En ce qui concerne notre corpus, il est tout à fait conforme à ce que l’on retrouve ailleurs : jamais le terme cancellaria n’est employé dans les actes recensés. Les mentions de chanceliers en revanche varient fortement d’un diocèse à l’autre. Pour ce qui est de Coutances, le titre de chancelier (cancellarius) n’a jamais existé, semble-t-il, pendant la période ducale. En outre, nous ne retrouvons mention ni d’un scribe épiscopal ni d’un notaire parmi les actes recueillis, tandis qu’aucune charte ne contient une phrase indiquant qu’une personne spécifique s’est occupée de son élaboration. La perte de tant de chartes originales coutançaises, dont l’analyse aurait au moins permis de tracer les activités de certains scribes, même anonymes, est donc doublement à regretter. Les chanceliers de Bayeux en revanche sont signalés régulièrement dans les actes à partir du début du xiie siècle. On n’a de documents que pour quatre chanceliers pendant une période de plus de soixante-dix ans (avant 1137-1204), ce qui dénote une stabilité exceptionnelle du cancellariat20. Or, nous ne savons malheureusement presque rien du rôle précis du chancelier, à l’exception du fait qu’il est le troisième dignitaire de l’église cathédrale et c’est à lui qu’est confiée la garde du sceau épiscopal21.
6L’analyse des originaux de Bayeux révèle en outre qu’il est assez difficile de discerner une organisation systématique de la chancellerie épiscopale. Notons tout d’abord qu’il n’est pas toujours possible de répondre à la question essentielle de savoir dans quelle mesure les actes étaient écrits par des scribes bayeusains. Il n’est pas surprenant de constater que les bénéficiaires, tout comme dans d’autres diocèses anglo-normands, semblent avoir assumé la rédaction d’une part importante des actes donnés au nom de l’évêque22. C’est ainsi que plus de la moitié des actes d’Henri de Beaumont destinés à l’abbaye de Savigny, maison cistercienne située dans le diocèse d’Avranches, présentent des caractéristiques qui leur sont propres et que l’on peut retrouver dans plusieurs autres actes du chartrier savinien23. Il en va de même pour deux des trois actes du même prélat donnés en faveur de l’abbaye de Saint-André-en-Gouffern, quatrième fille de Savigny, qui présentent une même écriture qui correspond à l’un des principaux modèles en usage au scriptorium abbatial au xiie siècle que l’on rencontre également dans des actes donnés par les évêques de Coutances et de Sées24. Trois chartes en faveur du prieuré augustinien de Sainte-Barbe-en-Auge, dont l’une est conservée dans le chartrier de l’abbaye de Fontenay25, sont de la même main que l’on retrouve dans un acte donné en faveur du prieuré par Garin de Cierrey, évêque d’Évreux (1193-1201)26. L’écriture d’une autre se rencontre dans un acte de Froger, évêque de Sées (1159-1184/1185)27. Hubert Dupuy a enfin noté le dossier d’actes bayeusains en faveur de l’abbaye Saint-Étienne de Caen, dont les écritures livresques, très semblables les unes aux autres, suggèrent la rédaction par des moines travaillant dans le scriptorium abbatial28.
7Une étude des formules révèle également que l’usage de certaines d’entre elles se limite aux actes donnés en faveur d’une abbaye particulière, ce qui nous permet d’attribuer la rédaction au destinataire, même lorsqu’on ne possède qu’une copie ultérieure. Citons à titre d’exemple l’exposé qui se trouve dans une grande charte confirmative de l’évêque Henri donnée en faveur de l’abbaye de Saint-André-en-Gouffern29, dont la forme est presque identique avec celle des exposés que l’on rencontre dans trois actes contemporains de la même maison écrits au nom de Lisiard, évêque de Sées (1187/1188-1201)30. De même, certains préambules sont caractéristiques du scriptorium monastique dont ils émanent : ainsi le préambule de deux actes de l’évêque Henri de Beaumont pour l’abbaye de Savigny est réemployé dans deux autres chartes de l’abbaye31, alors que l’on a remarqué ailleurs qu’un préambule en usage au scriptorium du prieuré augustinien du Plessis-Grimoult, attesté à cinq reprises entre 1153 et 1204, revenait chaque fois dans des grandes chartes confirmatives données en sa faveur par les évêques de Bayeux32. Notons cependant que les caractéristiques de l’écriture de l’un de ces actes sont proches de celles relevées dans les chartes dont la rédaction peut être attribuée au milieu épiscopal33. Nous sommes ici confrontés au problème classique : comment attribuer l’élaboration d’une charte dont la rédaction (dictamen) est due à l’impétrant et la mise par écrit (scriptio) attribuable à l’auteur ? Les conclusions des études menées jusqu’à présent sur ce sujet sont provisoires34, tandis que le présent article ne peut en aucune façon prétendre apporter des éclaircissements.
8Quoi qu’il en soit, ces circonstances ne signifient pas que nous n’avons pas pu déceler quelques affinités d’écriture qui trahissent l’existence de scribes épiscopaux bayeusains. Le plus actif d’entre eux a été responsable de la mise par écrit d’au moins cinq actes de l’évêque Henri, jadis conservés dans les archives de quatre établissements différents (figure 1)35. Son écriture se distingue par l’emploi de quelques traits distinctifs : les H onciaux initiales, avec une barre redoublée et ondulée ; l’emploi d’un R majuscule pour terminer la forme abrégée du nom de l’évêque, dont le trait diagonal est barré d’un tilde ; l’abréviation du mot episcopus en eps, dont le e est étiré en hauteur et la haste inférieure du p est barrée par le jambage plongeant du s ; les hastes longues des d minuscules qui s’inclinent vers la gauche en barrant parfois les hastes verticales de lettres adjacentes ; les g minuscules dont la boucle inférieure ouverte s’allonge horizontalement vers la gauche ; l’emploi d’un signe tironien 7 formé de deux traits ondulés ; l’abréviation de salutem commençant par un s majuscule. Or, si l’examen des écritures permet de trouver un certain nombre de scribes du milieu épiscopal, il se révèle difficile de retrouver une activité équivalente à celle que ce scribe a exercée auprès de l’évêque. Pour la plupart des autres scribes épiscopaux bayeusains, on ne peut en effet que leur attribuer chacun la rédaction de deux actes36, avec pour résultat que sur les 88 actes originaux connus des évêques Philippe et Henri, l’écriture de moins d’une quinzaine peut être attribuée avec quelque certitude à un scribe du milieu épiscopal.
9Étant donné la présence d’un chancelier à Bayeux depuis le début du xiie siècle, le fait que l’on se retrouve devant une telle diversité de mains et de styles rédactionnels peut surprendre, et d’autant plus lorsqu’on fait la comparaison avec les autres diocèses bas-normands. Pour ce qui est des actes coutançais, on retiendra surtout l’homogénéité de l’écriture des originaux de l’évêque Richard de Bohon. Nous possédons 11 actes originaux du prélat, ainsi qu’une photographie d’une charte originale brûlée en 1944. Sept de ces chartes furent rédigées, sinon par le même scribe, du moins en conformité avec les pratiques paléographiques du même scriptorium (figure 2)37.
10L’écriture se distingue par les C majuscules à redoublement, l’utilisation d’un N majuscule dans la phrase dilectis in Christo, les M majuscules formées à gauche d’un ovale fermé et à droite d’un jambage plongeant et courbé, les W majuscules larges et assez compactes, l’emploi du signe tironien 7 pour et. Le fait que ces actes se rapportentà quatre destinataires différents (Savigny, Mortain, Blanchelande, Le Mont-Saint-Michel), et que l’on peut constater certains des mêmes éléments paléographiques dans une copie figurée de la première ligne d’une charte perdue de l’évêque pour le prieuré de Bohon38, dépendance de l’abbaye de Marmoutier, nous conduit à conclure que l’évêque Richard dispose d’une chancellerie embryonnaire relativement bien organisée. Il en va de même dans le diocèse de Sées. Citons à titre d’exemple les 14 chartes originales de l’évêque Froger, dont les traits paléographiques distinctifs ont été déjà examinés ailleurs39.
11Ce n’est pas seulement dans l’écriture que l’on a du mal à discerner les traditions et les usages de la chancellerie épiscopale de Bayeux. L’étude des différents éléments du discours diplomatique met également en évidence une grande diversité qui rend difficile toute tentative d’identifier des règles fixes selon lesquelles les actes ont été rédigés. Sans entreprendre une véritable étude, focalisons-nous sur quelques éléments présents dans presque toutes les chartes à partir de 1142.
12Examinons tout d’abord la suscription. L’analyse de cet élément semble à première vue révéler une certaine uniformité avec l’usage de la formule classique de Dei gratia Baiocensis episcopus qui prédomine sous les évêques Philippe d’Harcourt (25 actes sur 35) et Henri de Beaumont (214 actes sur 243). Or, non seulement cette partie revêt des formes bien différentes40, mais on ne rencontre jamais l’homogénéité dans son usage perceptible dans d’autres actes épiscopaux bas-normands, où la suscription prend toujours (ou presque) la même forme et se situe toujours dans la même partie de l’acte41. Il en va de même pour le salut. Bien qu’il s’exprime le plus souvent par le simple mot salutem (94 cas entre 1142 et 1204), on rencontre 34 autres expressions, dont 26 se retrouvent dans les actes de l’évêque Henri. Par comparaison, on ne connaît que 11 formules de salut sous Froger de Sées, 17 sous son successeur, Lisiard, 13 sous Guillaume de Tournebu, évêque de Coutances (c. 1183-1200/1), et cinq sous son successeur, Vivien.
13L’examen de l’adresse, partie du discours diplomatique très liée au salut, révèle que cet élément possède aussi des significations variées d’un acte à l’autre. Il va de soi que plusieurs d’entre elles reproduisent les mêmes éléments (tam presentibus quam futuris, sancte matris Ecclesie filiis, universis Christi fidelibus), mais dans les 243 actes de l’évêque Henri de Beaumont connus jusqu’à présent, on rencontre 70 formules d’adresse générale différentes, dont la plus utilisée ne se retrouve que dans 27 actes (omnibus Christi fidelibus ad quos presens scriptum pervenerit)42. Il en va de même pour les actes de l’évêque Philippe d’Harcourt : 35 actes connus comportant 12 formules d’adresse universelle et cinq formules d’adresse collective différentes, dont la plus répandue se trouve dans cinq actes seulement (clero et populo per Baiocensem episcopatum constituto)43. Le contraste est saisissant avec les actes de Coutances. On possède le texte de 225 actes des évêques Guillaume de Tournebu et Vivien, parmi lesquels on relève moins de quarante formules d’adresse générale différentes (31 et 8, respectivement). La plus fréquemment utilisée se trouve dans 106 actes (Universis Christi fidelibus ad quos presens scriptum pervenerit), ce qui suggère que la chancellerie épiscopale, même face à l’absence du poste de chancelier et à la rédaction des actes par les destinataires, a été en mesure de favoriser l’usage de certaines formules. Même les actes des évêques de Sées, dont les formules d’adresse ne sont pas fixées dans la même mesure que celles de Coutances, manifestent une certaine unité à partir des années 116044, ce qui met encore en lumière la grande diversité des formules des actes bayeusains et l’absence d’un travail de chancellerie stable que cela implique.
14L’analyse des préambules, élément qui ne figure que dans un quart des actes du xiie siècle, contribue à son tour au bilan contrasté de l’activité de la chancellerie épiscopale de Bayeux. Comme dans d’autres actes épiscopaux bas-normands, l’emploi du même préambule dans plusieurs actes constitue l’exception, alors que la rédaction de certaines formulations identiques peut être attribuée au destinataire, comme nous l’avons déjà vu. Mais un préambule qui se trouve dans quatre actes, dont deux de l’évêque Philippe d’Harcourt et deux d’Henri de Beaumont, tous donnés à des institutions différentes (tableau 1, no 1), laisse deviner l’existence d’un service d’écriture capable de dresser les actes auprès des évêques ainsi que d’autres personnes. La raison tient non seulement à l’usage d’une même formule par deux évêques successifs, ce qui est inconnu dans les actes des autres diocèses bas-normands, mais également au fait que l’on peut retrouver ce même préambule dans un acte donné vers 1150 par Guillaume II de Briouze (avant 1135-c. 1181), membre d’une illustre famille anglo-normande45, en faveur de l’abbaye de Saint-Florent de Saumur, située dans le diocèse d’Angers (tableau 1, no 2). De la présence de ce préambule dans un acte donné par quelqu’un d’autre que l’évêque, on aurait généralement tendance à conclure à la rédaction par l’établissement bénéficiaire et ainsi à la transmission de ce préambule du scriptorium abbatial à la chancellerie bayeusaine. Trois choses militent cependant en faveur de la rédaction de l’acte saumurois, et donc de ce préambule, par un scribe du milieu épiscopal : constatons tout d’abord que nous n’avons pu trouver aucun autre exemple de ce préambule parmi les actes de Saint-Florent, même dans une forme retravaillée.
Tableau 1. – Un « service » d’écriture épiscopal observable à travers les préambules.
Préambule | Auteur(s) | Destinataire(s) | |
1 | Provida veterum consuevit antiquitas litterarum thesauris includere quod ad posteros volebat absque erroris nebula pervenire, ne aliquando posset aut oblivione subtrahi aut improborum hominum vexatione turbari | Les évêques Philippe et Henri de Bayeux | Le Plessis-Grimoult, chapitre de Bayeux, Saint-Pierre de la Couture, Saint-Vincent du Mans A |
2 | Provida veterum consuevit antiquitas litterarum thesauris includere quod ad posteros volebat absque erroris nebula pervenire, ne aliquando posset aut oblivione subtrahi aut improborum [hominum] vexatione turbari | Guillaume II de Briouze | Saint-Florent de Saumur B |
3 | Ea que feruntur cito oblivioni traduntur, nisi aliquo scripto retineantur ; volumus ea que communi nomine facta sunt litterarum commendare thesauro, ne aliqui possint aut oblivione substrahi aut improbatione hominum vexatione turbari | L’évêque Philippe de Bayeux | Le Val C |
4 | Consuetudinis est literarum custodie committere ea quae inconcussa volumus stabilitate permanere, ne valeant aliquando aut oblivione subtrahi aut improborum hominum vexatione turbari | L’évêque Philippe de Bayeux | Le Val-Richer D |
5 | Contra oblivionis incommodum quaerens antiquitas curiosa remedium, coepit litterarum thesauris includere quod volebat ad posteros, absque erroris nebula, pervenire | L’évêque Philippe de Bayeux | Chapitre de Bayeux E |
6 | Que inconcussa volumus stabilitate permanere, ea necesse est litterarum memorie commendari, ne in posterum valeant improborum hominum refragatione turbari | L’évêque Philippe de Bayeux | La Trinité de Vendôme F |
7 | Eaquae debent firma stabilitate permanere, necesse est litterarum memoriae commendari, ne in posterum valeant improborum hominum refragatione turbari | L’évêque Philippe de Bayeux | Chapitre de Bayeux G |
8 | Antiquorum diligens providentia contra oblivionis imcommodum repperisse dicitur remedium litterarum in quarum thesauris fideliter custodienda reponebat quecumque ad posteritatis notitiam absque ulla erroris nebula pervenire cupiebat | L’évêque Philippe de Bayeux | Saint-Étienne de Caen H |
9 | Diligens antiquorum providentia prudenter solebat litterarum thesauris includere quod ad posterorum noticiam volebat pervenire | Les évêques Philippe et Henri de Bayeux | Le Plessis-Grimoult I |
15En revanche, le corpus bayeusain offre d’autres préambules, dont certains se trouvent dans des actes antérieurs à l’acte de Guillaume de Briouze, qui en reprennent soit une phrase entière (tableau 1, nos 3-5), soit quelques expressions distinctives (tableau 1, nos 6-7). Notons enfin qu’en tête de la liste des témoins de l’acte de Guillaume de Briouze figurent l’évêque Philippe et son chapelain (et futur chancelier), Onfroi46. Leur présence s’explique par le fait que l’évêque de Bayeux et le seigneur de Briouze étaient cousins47, et c’est probablement ce lien de parenté qui se cache également derrière la rédaction de cet acte par un membre de l’entourage épiscopal bayeusain.
16L’identification de ces préambules « de chancellerie », si elle a d’abord un rôle explicatif du contexte rédactionnel, permet également de nous orienter vers une lecture nouvelle d’autres actes du corpus. La phrase caractéristique absque erroris nebula pervenire se trouve, par exemple, dans un acte en faveur de l’abbaye Saint-Étienne de Caen, conservé en original (tableau 1, no 8), dont la mise par écrit a été attribuée au scriptorium monastique, suggérant soit que l’on doit attribuer la rédaction (dictamen) à la chancellerie bayeusaine, soit que le scribe monastique a tenté d’imiter son style. On peut même se demander si la phrase litterarum thesauris includere quod, utilisée dans l’un des préambules attribué au scriptorium du Plessis-Grimoult (tableau 1, no 9)48, est en revanche emblématique d’une rédaction par la chancellerie épiscopale. Quoi qu’il en soit, ces circonstances nous rappellent que l’étude de la diplomatique médiévale présente des caractéristiques particulières qui obligent toujours à multiplier les approches et à élargir le champ d’investigation.
17Dans la même veine, rappelons que les préambules présentent un éventail des diverses possibilités offertes aux rédacteurs des documents et des influences auxquelles ils ont pu être soumis. Les influences subies à Bayeux sont souvent celles auxquelles on s’attendrait. Nous rencontrons ainsi des citations bibliques49, et des phrases qui semblent avoir été empruntées à la chancellerie pontificale50. Un acte peut-être faux d’Henri de Beaumont commence par les mots Approbate consuetudinis est51, qui font écho au début du sermon de Fulbert de Chartres (1006-1028) sur la Vierge, une source d’inspiration perceptible dans d’autres actes épiscopaux bas-normands52. Par ailleurs, l’affaire Becket semble se faire sentir avec le préambule commençant par Levis et inconstantis hominis53, phrase qui se trouve dans une des lettres d’Herbert de Bosham54, secrétaire de l’archevêque martyr, correspondant de l’évêque Henri de Beaumont55, et témoin de l’un de ses actes56. Plus intéressant encore sont les deux préambules, sans doute rédigés dans la chancellerie57, qui reprennent les premiers mots d’une lettre de Théodoric le Grand, roi des Ostrogoths (481-526), conservée dans les Variæ de Cassiodore (c. 485-c. 580)58, dont les travaux comptaient parmi la collection de manuscrits donnée avant sa mort par l’évêque Philippe d’Harcourt à l’abbaye du Bec59.
18L’analyse des actes de deux diocèses adjacents est aussi l’occasion de s’interroger sur l’existence d’influences réciproques entre les chancelleries bayeusaine et coutançaise, et la transmission de formules qui pourrait en résulter. Comme nous l’avons déjà noté, ces deux diocèses voisins ont vu la circulation d’hommes d’un chapitre à l’autre. Deux évêques de Coutances ont en effet été auparavant doyens du chapitre de Bayeux et60, comme nous le verrons, on sait que des dignitaires bayeusains ont parfois suivi leur ancien doyen à la suite de son élection au siège coutançais. Notons également que la circulation de formules entre des institutions bas-normandes est connue ailleurs. À titre d’exemple, citons l’un des actes de l’évêque Henri de Bayeux, daté de 1172, pour l’abbaye Saint-Étienne de Caen. Rédigé vraisemblablement dans le scriptorium abbatial, plutôt que dans la chancellerie épiscopale, son préambule61, repris mot pour mot dans un acte de même date de Rotrou, archevêque de Rouen (1165-1183)62, est presque identique à celui de la confirmation de l’accord envoyée par les cardinaux Albert et Theodwin au roi Henri II (1154-1189), impliqué dans le meurtre de Thomas Becket, dont les termes furent acceptés pour une deuxième fois par le roi au cours d’une cérémonie publique tenue à Caen le 30 mai 117263. Compte tenu de ces circonstances, on peut faire l’hypothèse qu’un moine caennais aurait eu la confirmation cardinale sous ses yeux et aurait été impressionné par le préambule au point de le faire figurer, avec quelques petites modifications, en tête des actes de l’évêque Henri et de l’archevêque Rotrou. Nous ignorons bien entendu l’identité de celui-ci, mais constatons que le même préambule se trouve dans un acte de Thomas, abbé de Lessay (avant le 14 février 1185-après 1192), ancien religieux de Saint-Étienne, donné en faveur du prieuré de Boxgrove64. De même, le préambule d’une charte pour l’abbaye de Savigny de Richard l’Évêque, évêque d’Avranches (1170-1182), qui avait auparavant été archidiacre de Coutances, se trouve dans un acte de Richard de Bohon, évêque de Coutances, pour l’abbaye prémontrée de Blanchelande, suggérant que l’usage de ce préambule dans l’acte savinien témoigne d’une certaine fidélité soit de la part de l’évêque d’Avranches à cette formule, qu’il a peut-être rencontrée pendant son archidiaconat à Coutances, soit de la part du scribe de l’acte, qui avait peut-être accompagné Richard l’Évêque à Avranches à la suite de son élection au siège épiscopal. Il est même possible que l’on doive attribuer au même scribe la rédaction d’un autre acte de Richard l’Évêque, dont le préambule fait écho à celui d’une autre charte de Richard de Bohon65.
19Les recherches de Grégory Combalbert ont en outre révélé quelques éléments suggérant l’existence d’influences réciproques entre les chancelleries de Bayeux et de Salisbury, deux communautés qui ont également connu les circulations d’hommes pendant cette période66. L’examen des formules des actes bayeusains et coutançais ne révèle malheureusement pas l’existence d’éléments semblables, même à titre de curiosité. C’est en partie parce que la grande diversité de formules déjà notée rend difficile toute analyse ou interprétation, et en partie parce qu’on peut parfois déceler une tendance inverse à l’égard de l’usage de certaines formules dans chacun des diocèses67. La recherche des différents scribes en activité à cette époque auprès de l’évêque nous permet néanmoins de parfois tracer leur circulation et, avec eux, celle des techniques d’écriture et des pratiques documentaires. On a déjà montré ailleurs, par exemple, comment la main distinctive que l’on retrouve dans deux actes du chartrier savinien, dont le premier est d’un évêque de Bayeux et le deuxième d’un évêque de Coutances, n’est pas celle d’un moine du scriptorium abbatial mais plutôt d’un membre du groupe de dignitaires bayeusains connu pour avoir accompagné le doyen de Bayeux suite à son élection au siège coutançais68. Trois actes de l’évêque Vivien69, dont l’écriture présente des caractéristiques semblables à celles qui ont été relevées dans au moins cinq chartes bayeusaines (figure 3)70, nous met, semble-t-il, sur la piste d’un autre membre de ce groupe, sans qu’il soit pour l’instant possible d’en dire davantage, faute d’actes originaux de ce prélat71.
20En guise de conclusion de ce rapide survol de questions relatives aux actes épiscopaux de Coutances et de Bayeux, qu’il nous soit permis d’insister sur les points suivants. Tout d’abord, nous sommes bien conscient de n’avoir fait qu’effleurer un sujet très complexe, qui nécessiterait, pour aboutir, de nombreuses études de détails, surtout l’analyse minutieuse des formulaires, sur laquelle Benoît-Michel Tock a développé la réflexion ces dernières années72. L’encodage en XML-TEI du texte de chaque acte dans le cadre du projet Actépi, qui a pour ambition l’édition critique multimodale (numérique et papier), la valorisation et l’exploitation des actes écrits émis au nom des évêques dans une vingtaine de diocèses du nord de la France du Moyen Âge central, dont les huit corpus des actes épiscopaux normands73, sera à cet égard particulièrement significatif. Dans la même veine, l’étude des écritures bénéficierait sans doute de l’emploi des méthodes plus objectives, plus scientifiques, plus rigoureuses, telles que le chiffrage mis au point par quelques paléographes74, pour donner une base plus sûre à des identifications. Pour prolonger cette étude et pour mieux mettre les actes dans leur contexte diplomatique, il faudrait également poursuivre l’examen de certains sujets que les limites imposées à cet article nous ont empêché d’aborder. En étudiant particulièrement la mise en page, par exemple, on peut révéler, non plus un scribe, mais un milieu de production. Il ne fait enfin aucun doute que le corpus qui nous est parvenu donne seulement une image imparfaite des activités diplomatiques des évêques pendant ces années, surtout dans la mesure où de nombreux actes originaux coutançais jadis conservés aux Archives de la Manche ont été perdus.
21Malgré ces insuffisances, nous espérons avoir ouvert quelques pistes de réflexion sur certains sujets importants. Sur un plan global, le premier constat qui se dégage de ce bref examen est que rien, semble-t-il, ne nous permet de parler de l’existence d’une diplomatique « cathédrale » propre à l’espace bas-normand. En revanche, ce qui ressort est la diversité de pratiques diplomatiques. Les différences entre les corpus diocésains mais également entre les actes d’un même corpus, d’un évêque à l’autre, sont importantes et, bien que l’on puisse parfois retrouver la transmission de formules et d’écritures d’une chancellerie bas-normande à l’autre, ces exemples constituent l’exception plutôt que la règle. Il ne paraît pas impossible de déceler toutefois quelques traits généraux pouvant s’appliquer à l’ensemble du corpus. Notons tout d’abord que l’influence de modèles prestigieux traditionnels est très restreinte. L’influence de la diplomatique pontificale, par exemple, tout comme dans la majorité des diocèses haut-normands, est quasi nulle ou presque. Les actes de certains évêques, tels Richard de Bohon, évêque de Coutances, et Philippe d’Harcourt, évêque de Bayeux, contiennent des éléments témoignant d’une certaine réceptivité au modèle diplomatique pontifical, mais ils demeurent des indices limités qui ne nous permettent de parler que d’inspiration (plutôt que d’imitation) des pratiques de la chancellerie papale75. À la différence des actes épiscopaux anglais, les actes bas-normands se caractérisent tous aussi par l’absence prononcée de l’influence de la diplomatique royale76. La rédaction de plusieurs actes par les bénéficiaires constitue enfin une caractéristique commune à l’ensemble du corpus, même si le chiffre exact reste à déterminer.
22Une deuxième conclusion concerne le bilan contrasté de l’activité de la chancellerie épiscopale de Bayeux. D’une part, le chancelier bayeusain constitue l’un des membres les plus actifs de l’entourage épiscopal et figure régulièrement dans les actes, souvent en tête des listes de témoins77, ce qui suggère que la chancellerie ne se trouvait pas sous un contrôle épiscopal semblable à celui observé dans d’autres diocèses français78. D’autre part, l’analyse des écritures et des formules, et surtout la comparaison avec les autres corpus diocésains, révèle une documentation assez variée qui ne permet pas de repérer, semble-t-il, des règles fixes selon lesquelles les actes ont été rédigés. En effet, la diversité observable tant dans l’écriture que dans les formules est telle que l’on serait tenté d’en conclure non seulement à un rôle négligeable du chancelier dans la fixation des usages de la chancellerie, mais également à la rédaction de la majeure partie des actes par les destinataires79. Or, nous espérons avoir montré, à travers l’analyse des préambules, que la conception dualiste traditionnelle acte de bénéficiaire/acte de chancellerie n’est pas toujours applicable sur l’ensemble du corpus bayeusain. En outre, avec la rédaction avérée par un membre de l’entourage épiscopal de l’acte de Guillaume de Briouze, on éclaire d’un jour nouveau une activité non épiscopale de la chancellerie semblable à celle observée ailleurs en France80, ce qui suggère que les évêques de Bayeux disposaient à la fois d’une chancellerie bien organisée et d’un personnel qui pouvait jouir de la confiance de tiers. En tout état de cause, ces faits apparemment contradictoires nous rappellent que l’histoire d’une chancellerie épiscopale n’est en rien linéaire.
23Nous espérons enfin avoir mis en lumière l’importance des actes épiscopaux bas-normands pour notre connaissance du processus de création de l’acte écrit non seulement en milieu cathédral, mais dans un contexte médiéval plus large. En effet, les thèmes qui pourront être abordés par les chercheurs après l’achèvement du projet d’édition sont nombreux. Hormis l’étude des caractères internes et externes, on pourra également s’interroger sur le recours et le passage à l’écrit, sur l’autorité de l’auteur et de l’écrit qu’il fait instrumenter, et sur la place et la fonction de l’écrit épiscopal dans la société. Les quelques éléments qui ont été abordés dans cet article en ont déjà fourni un aperçu. L’exemple de l’acte de 1172 de l’évêque Henri de Beaumont, rédigé par un scribe monastique dans le sillage d’une affaire dont l’importance dépasse bien les limites de l’évêché de Bayeux, nous rappelle avec force qu’une charte n’est pas seulement le réceptacle figé de la mémoire administrative : en elle se focalise celle d’un réseau d’événements et de liens sociaux beaucoup plus complexe. Dans ce cas, la reprise du préambule du texte cardinal donne à l’acte épiscopal une valeur mémorielle supplémentaire, et rattache clairement l’action et l’auteur juridique non seulement à un événement exceptionnel mais à la mémoire de Thomas Becket, homme illustre s’il en est. Certes, le remploi d’une formule d’un document si significatif constitue l’exception. Mais la volonté de situer un acte dans un réseau de relations plus large se manifeste par ailleurs, à une échelle moindre, dans l’emprunt de formules employées par d’autres institutions situées tant en Normandie, comme nous avons déjà vu, que dans les régions qui l’entourent81. La publication du corpus permet également de nourrir des observations sur le contenu des actes, à commencer par leur contenu idéologique, qui véhicule la représentation que se fait l’auteur de son positionnement ecclésiologique, de son pouvoir ou de la société. Quoi qu’il en soit, un fait reste certain : les actes épiscopaux bas-normands méritent d’être scrutés plus attentivement qu’ils ne l’ont été jusqu’à aujourd’hui, et comme l’informatique nous apporte de nouveaux outils permettant de faciliter le lourd travail éditorial et de faire des interrogations plus systématiques, il devient nécessaire de s’y livrer.
Notes de bas de page
1Smith David et Hoskin Philippa (dir.), English Episcopal Acta, 47 vol., Oxford, Oxford University Press, 1980-2023.
2Parisse Michel (dir.), À propos des actes d’évêques. Hommage à Lucie Fossier, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1991.
3Allen Richard (éd.), Les actes des évêques de Coutances de 1048 à 1208, édition multimodale en préparation dans le cadre du projet Actépi, à paraître aux Presses universitaires de Caen.
4Dupuy Hubert, Recueil des actes des évêques de Bayeux antérieurs à 1205, Paris, thèse de l’École des chartes, 1970 ; résumé dans École nationale des chartes, positions des thèses, 1970, p. 73-74. Les actes bayeusains seront également édités dans le cadre du projet Actépi.
5Sur les actes des évêques d’Avranches et de Sées, dont la publication est également en cours par nos soins dans le cadre du projet Actépi, voir Allen Richard, « Les actes des évêques d’Avranches, ca. 990-1253 : esquisse d’un premier bilan », Tabularia « Études », no 12, 2012, p. 63-106 ; Id., « Mémoire et diplomatique : l’édition des actes des évêques de Sées (911-1220) », Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne, no 133, 2015 pour 2014, p. 91-112 ; Id., « Episcopal acta in Normandy, 911-1204: the charters of the bishops of Avranches, Coutances and Sées », Anglo-Norman Studies, no 37, 2015, p. 25-51 ; Id., « The reform of the chapter of Sées (1131) reconsidered: the evidence of the episcopal acta », The Journal of Ecclesiastical History, no 67, 2016, p. 23-52.
6Sur l’église de Saint-Lô de Rouen à cette époque, voir Le Maho Jacques, « Les lieux de pèlerinage rouennais au temps des ducs (xe-xiie siècles) », in Catherine Vincent (dir.), Identités pèlerines : actes du colloque de Rouen, 15-16 mai 2002, Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime), Publications de l’université de Rouen, 2004, p. 43-65, aux p. 57-58.
7Selon Dudon de Saint-Quentin, l’évêque Henri de Bayeux baptise Richard, fils de Guillaume Longue Épée, en 943 (Lair Jules [éd.], De moribus et actis primorum Normanniae ducum auctore Dudone sancti Quintini decano, Caen, Typ. F. Le Blanc-Hardel, 1865, p. 191 et 219). Il est également possible qu’un évêque Ertmand (Ertmandus) ait occupé le siège bayeusain pendant le xe siècle (Baylé Maylis, « Sur quelques inscriptions lapidaires proches de l’an mil », in François de Beaurepaire et Jean-Pierre Chaline [dir.], La Normandie vers l’an mil : études et documents, Rouen, Société de l’Histoire de Normandie, 2000, p. 45-59, aux p. 45-47).
8Sur la carrière d’Odon, voir Bourrienne Valentin, Odon de Conteville, évêque de Bayeux. Son rôle au début de la première Croisade, Évreux, Imprimerie de l’Eure, 1900 ; Gleason Sarell Everett, An Ecclesiastical Barony of the Middle Ages: the Bishopric of Bayeux, 1066-1204, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1936, p. 8-17 ; Bates David, « The character and career of Odo, bishop of Bayeux (1049/50-1097) », Speculum, no 50, 1975, p. 1-20 ; Musset Lucien, « Un prélat du xie siècle, Odon de Bayeux », Art de Basse-Normandie, no 76, 1978-1979, p. 12-18 ; Allen Richard, The Norman Episcopate, 989-1110, 2 vol., t. I, thèse de doctorat d’histoire, dir. Stephen Marritt et Matthew Strickland, université de Glasgow, 2009, p. 120-160.
9Le chanoine Serlon, témoin oculaire de cet épisode, rapporte que la cathédrale fut incendiée et détruite (Recueil des historiens des Gaules et de la France, 24 vol., t. XIX, Paris, Palmé, 1869-1904, p. xci-xciv).
10Navel Henri, « L’enquête de 1133 sur les fiefs de l’évêché de Bayeux », Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, no 42, 1934, p. 5-80.
11Bourrienne Valentin, Un grand bâtisseur : Philippe de Harcourt, évêque de Bayeux (1142-1163), Paris, Jean Naert, 1930 ; Gleason, S., An Ecclesiastical Barony, op. cit., p. 26-35 ; Dupuy H., Recueil, op. cit., p. xv-xix ; Roche Thomas, « A bishop and his conflicts: Philip of Bayeux (1142-63) », in Paul Dalton, Charles Insley et Louise J. Wilkinson (dir.), Cathedrals, Communities and Conflict in the Anglo-Norman World, Woodbridge, Boydell, 2011, p. 117-130 ; Crosby Everett, The King’s Bishops: the Politics of Patronage in England and Normandy, 1066-1216, New York, Palgrave Macmillan, 2013, p. 211-213 et p. 255-270.
12Arch. dép. Manche, 136 J non paginé (2 Mi 175). La copie effectuée par Paul Le Cacheux est la seule copie manuscrite que l’on possède pour 84 actes épiscopaux coutançais.
13Dupuy H., Recueil, op. cit., p. xxi.
14Princeton University, Manuscripts Division, John Scheide Collection, no 206-6996 (Dupuy H., Recueil, op. cit., no 161) ; Arch. dép. Calvados, 77 F 207 (Dupuy H., Recueil, op. cit., no 200) ; ibid., 77 F 212 (inconnu à Dupuy) ; ibid., 2 H 160 (inconnu à Dupuy) ; ibid., H 941 (inconnu à Dupuy) ; Arch. dép. Seine-Maritime, 20 HP 5 (inconnu à Dupuy) ; Arch. nat., L 969, no 400 (inconnu à Dupuy) ; BL, Add. Ch. 67581 (Dupuy H., Recueil, op. cit., no 236) ; Manchester, John Rylands Library, Beaumont Charters, nos 13 (ibid., t. 2, no 133), 85 (ibid., t. 2, no 225), 86 (inconnu à Dupuy), 98 (ibid., t. 1, no 73) ; BnF, archives du Cogner, coll. Chappée 67, no 4 (inconnu de Dupuy).
15Cette liste ne prétend pas être exhaustive : Bates David (éd.), Regesta regum Anglo-Normannorum: the Acta of William I (1066-1087), Oxford, Clarendon Press, 1998, nos 71, 74, 85, 86 et 135 (actes de l’évêque Odon) ; Allen R., op. cit., t. II, no 35 (acte de l’évêque Turold pour Le Bec) ; Chédeville André (éd.), Liber controversiarum sancti Vincentii Cenomannensis, ou Second Cartulaire de l’abbaye de Saint-Vincent du Mans, Paris, C. Klincksieck, 1968, nos 18, 35 et 40 (actes de l’évêque Henri pour Saint-Vincent du Mans) ; Denis Louis J. (éd.), Chartes de Saint-Julien de Tours (1002-1227), Le Mans, Archives historiques du Maine, no 12, 1912, nos 119 et 125 (actes de l’évêque Henri pour Saint-Julien de Tours) ; Albon André d’ (éd.), Cartulaire général de l’Ordre du Temple, 1119 ?-1150 : recueil des chartes et des bulles relatives à l’Ordre du Temple, Paris, Champion, 1913, nos CCLXXXVI et DXLI (actes de l’évêque Philippe pour les Templiers) ; Bloche Michaël, Le chartrier de l’abbaye de la Trinité de Fécamp : étude et édition critique, 928/929-1190, Paris, thèse de l’École des chartes, 3 vol., t. II, 2012, nos 149, 178 et 230 (actes de l’évêque Henri pour Fécamp) ; Dubosc François (éd.), Cartulaire de Mont-Morel, Saint-Lô, Jacqueline fils, 1878, nos LXXXV-LXXXVII (actes de l’évêque Henri pour Montmorel) ; Bénédictins de Solesmes (éd.), Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre de la Couture et de Saint-Pierre de Solesmes, Le Mans, E. Monnoyer, 1881, nos CXVI et CXVII (actes de l’évêque Henri pour Saint-Pierre de la Couture) ; Arch. dép. Orne, H 1956 (acte de l’évêque Henri pour Troarn) ; BL, ms. Cott. Cleopatra A VII, fol. 93 vo (acte de l’évêque Henri pour Tewkesbury).
16Allen R., « Episcopal acta in Normandy », art. cité, p. 28-30.
17Arch. nat., L 970, no 549 ; ibid., S 5049 (7), no 43.
18Northamptonshire Record Office, Finch Hatton ms. 170, fol. 92.
19À ce sujet, voir Guyotjeannin Olivier, « Écrire en chancellerie », in Michel Zimmermann (dir.), Auctor et auctoritas : invention et conformisme dans l’écriture médiévale, Paris, École des chartes, no 59, 2001, p. 17-35. Sur les chancelleries épiscopales anglaises, voir Cheney Christopher, English bishops’ chanceries, 1100-1250, Manchester, Manchester University Press, 1950.
20Les quatre chanceliers sont Arnoul, maître Onfroi Bove, maître Ranulf et Roger Bove (Spear David, The personnel of the Norman cathedrals during the ducal period, 911-1204, Londres, University of London, School of Advanced Study, Institute of Historical Research, 2006, p. 48-49).
21Chevalier Ulysse (éd.), Ordinaire et coutumier de l’église cathédrale de Bayeux (xiiie siècle), Paris, A. Picard et fils, 1902, p. 50 et 317 ; Bourrienne Valentin (éd.), Antiquus cartularius ecclesiae Baiocensis (Livre noir), Rouen, A. Lestringant, 2 vol., t. II, 1902-1903, no CCCCLXXX, p. 219 ; Chevalier U., Ordinaire, op. cit., p. 299.
22Hubert Dupuy a émis l’hypothèse que la majeure partie des actes a été rédigée par les destinataires (Dupuy H., Recueil, op. cit., p. xxxiii).
23Il s’agit de Arch. nat., L 967, nos 107et 108 ; L 971, no 557 ; L 976, no 1158 ; L 978, no 1309. Sur les autres actes saviniens de la même écriture, voir Allen Richard, « Les chartes originales de Savigny des origines jusqu’au xiiie siècle (1112-1202) », in Véronique Gazeau, Gilles Désiré dit Gosset et Brigitte Galbrun (dir.), L’abbaye de Savigny (1112-2012). Un chef d’ordre anglo-normand (Actes du colloque de Cerisy-la-Salle, 3-6 octobre 2012), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, p. 55-82.
24Arch. dép. Calvados, H 6546/2 et H 6546/4. Pour d’autres actes de la même écriture, voir ibid., H 6547 (acte de Guillaume de Tournebu, évêque de Coutances), H 6551/8, /18, /19 et /24 (actes de Lisiard, évêque de Sées), H 6573 (acte de Néel de Montbray), H 6607 (acte de Guillaume du Vey), H 6609 (acte de Richard de Beaumont), H 6635 (acte de Robert, doyen de Rouen), H 6694 (acte de Guillaume Plenier).
25Arch. dép. Calvados, 2 D 61/1, 2 D 61/3 et H 5606.
26Ibid., 2 D 63, voir l’édition critique dans Actes des évêques d’Évreux (xie siècle-1223), Grégory Combalbert (éd.), Caen, Presses universitaires de Caen (e-Cartae – Actépi), 2019, no 155, [https://www.unicaen.fr/puc/sources/ecartae/evreux/consult/actes/Acte_155.xml] (erreur en 2024). Voir également Arch. dép. Calvados, 2 D 86.
27Ibid., 2 D 60 (acte de l’évêque Henri, Dupuy H., Recueil, op. cit., no 142), 2 D 66 (acte de l’évêque Froger).
28Dupuy H., Recueil, op. cit., p. xxxiii-xxxiv.
29« Utilitati et paci dilectorum filiorum nostrorum abbatis et monachorum Sancti Andree de Goufer providentes quasdam possessiones coram nobis in diversis temporibus illis datas et concessas in unum colligere et presenti carta confirmare dignum duximus et honestum », Dupuy H., Recueil, op. cit., no 225.
30Prenons comme cas exemplaire : « Utilitati et paci abbatis et conventus Sancte Andr(ee) de Gouff(er) providentes quasdam elemosinas coram nobis in diversis temporibus illis datas et concessas, in unum colligere et presenti scripto confirmare dignum duximus et honestum », Arch. dép. Calvados, H 6510, fol. 29.
31Sur l’usage de ce préambule dans le scriptorium savinien, voir Allen Richard, « À la recherche d’un atelier d’écriture de la Normandie cistercienne : le scriptorium de l’abbaye de Savigny (xiie-xiiie siècles) », in Arnaud Baudin et Laurent Morelle (dir.), Les pratiques de l’écrit dans les abbayes cisterciennes (xiie-milieu du xvie s.). Produire, échanger, contrôler, conserver, Paris, Somogy éditions d’art, 2016, p. 31-54, aux p. 44-46.
32Allen R., « Episcopal acta in Normandy », art. cité, p. 41 n. 111.
33Il s’agit de Arch. dép. Calvados, H 9089 (Dupuy H., Recueil, op. cit., no 188).
34Voir à ce sujet Tock Benoît-Michel, « Auteur ou impétrant ? Réflexions sur les chartes des évêques d’Arras au xiie siècle », Bibliothèque de l’École des chartes, t. CXLIX, 1991, p. 213-248.
35Arch. dép. Calvados, 77 F 207, H 152, H 727 et H 7773 (× 2) [Dupuy H., Recueil, op. cit., nos 155, 181, 187 et 271].
36Arch. dép. Calvados, H 1844/4 et H 9090 (actes de l’évêque Philippe pour Saint-Étienne de Caen et le prieuré du Plessis-Grimoult) ; ibid., 2 D 60 et H 7773 (actes de l’évêque Henri pour Sainte-Barbe-en-Auge et Troarn) ; ibid., 77 F 212 et Arch. nat., L 975, no 1062 (actes de l’évêque Henri pour Guillaume de Fontenay, clerc, et Savigny) ; ibid., L 968, no 232 et L 978, no 1308 (actes de l’évêque Henri pour Savigny).
37Caen, musée des Beaux-Arts, coll. Mancel, ms. 4, no 49 (acte pour Blanchelande) ; Arch. nat., L 970, nos 548 et 549 (actes pour Savigny) ; ibid., L 973, nos 751 (acte pour Mortain), 779 et 780 (actes pour Savigny) ; Arch. de la Manche, 1 H 12 (acte pour Le Mont-Saint-Michel).
38BnF, coll. Moreau, vol. LXVIII, fol. 151.
39Allen R., « Episcopal acta in Normandy », art. cité, p. 36-37.
40En dehors de cette formule, on retrouve Dei gratia Baiocensis ecclesie minister (Bourrienne V., Antiquus cartularius Bajocensis, op. cit., t. 1, nos LII et LXXXI) ; Dei gratia Baiocensis ecclesie minister humilis [ou humilis minister] (ibid., t. 1, no CXLVIII ; Dupuy H., Recueil, op. cit., nos 62 et 78 ; t. II, nos 163 et 233) ; Baiocensis ecclesie minister humilis (Bourrienne V., Antiquus cartularius Bajocensis, op. cit., t. I, no CXXVII) ; Baiocensis ecclesie minister (ibid., t. II, no CCCXLII) ; Baiocensis ecclesie presbiter (Dupuy H., Recueil, op. cit., nos 24 et 37) ; Deo donante Baiocensis episcopus (ibid., t. I, no 46) ; dispensante Deo Baiocensis ecclesie antistes (ibid., t. I, no 47) ; Dei gratia Baiocensis ecclesie episcopus (ibid., t. II, no 272) ; Dei gratia et dignatione Baiocensis ecclesie minister humilis (ibid., t. II, no 108) ; Dei miseratione Baoicensis ecclesie minister humilis (Bourrienne V., Antiquus cartularius Bajocensis, op. cit., t. I, no CCLXXV) ; divina miseratione Baiocensis episcopus (Dupuy H., Recueil, op. cit., no 214) ; divina miseratione Baiocensis ecclesie minister (ibid., t. II, no 254) ; Dei gratia, Baiocensis ecclesie episcopus (ibid., t. I, no 92) ; divine miseratione gratia Baiocensis episcopus (ibid., t. II, nos 258 et 259).
41Citons à titre d’exemple la suscription de l’évêque Froger de Sées, Allen R., « Mémoire et diplomatique », art. cité, p. 99.
42Arch. dép. Calvados, 2 H 160 ; Dupuy H., Recueil, op. cit., nos 88, 94, 95, 98 et 99 ; t. II, nos 104, 120, 132-134, 144, 155, 169, 171, 174, 179, 210, 239, 243, 246, 249, 254, 257et 278 ; Bourrienne V., Antiquus cartularius Bajocensis, op. cit., t. I, no CCXL ; Dubosc F., Cartulaire de Mont-Morel, op. cit., no LXXXVII.
43Dupuy H., Recueil, op. cit., nos 26, 27, 32 et 36 ; Bourrienne V., Antiquus cartularius Bajocensis, op. cit., t. I, no LXIII.
44Allen R., « Mémoire et diplomatique », art. cité, p. 99-100.
45Guillaume II de Briouze (Orne, cant. Athis-de-l’Orne), connu également comme Guillaume de Braose, était le fils de Philippe Ier de Briouze (avant 1094-c. 1135). La famille détenait plusieurs biens en Angleterre, dont le château de Bramber (West Sussex).
46Sur maître Onfroi Bove, qui était aussi chapelain (titre qu’il porte dans l’acte de Guillaume de Briouze), voir Spear D., The personnel, op. cit., p. 48-49.
47Philippe Ier de Briouze, père de Guillaume, était l’oncle de Philippe d’Harcourt (Crosby E., The King’s Bishops, op. cit., p. 211).
48L’exposé de ces actes contient également la phrase « improborum hominum vexatione turbari ».
49Des citations bibliques se trouvent dans trois préambules : « alter alterius onera portando Christi legem adimplere », Dupuy H., Recueil, op. cit., no 25 (Ga 6, 2) ; « dabit homo commutationem pro anima sua », ibid., no 177 (Mt 16, 26) ; « operit multitudinem peccatorum », ibid., no 189 (Jc 5, 20).
50À titre d’exemple, voir le préambule d’une bulle papale du 2 juin 1154 (Holtzmann Walther [éd.], Papsturkunden in England, 3 vol., t. III, no 93, Berlin, Weidmannsche Buchhandlun, 1930-1952) et celui d’un acte d’Henri de Beaumont (Dupuy H., Recueil, op. cit., no 271).
51Dupuy H., Recueil, op. cit., no 148.
52Allen R., « Episcopal acta in Normandy », art. cité, p. 41.
53« Levis et inconstantis hominis circa proverbium factum venire et quod gessit in irritum revocare », Dupuy H., Recueil, op. cit., no 152.
54« Eapropter non ut pavidi, meticulosi, facilis, levis et inconstantis hominis, sicut Assur sine causa calumniatus est », Robertson James (éd.), Materials for the History of Thomas Becket, Aarchbishop of Canterbury (Canonized by Pope Alexander III., A. D. 1173), 7 vol., t. V, no CCXXII, Londres, Longman, 1875-1885, p. 479.
55Cambridge, Corpus Christi College, ms. 123, fol. 42-44.
56Dupuy H., Recueil, op. cit., no 107 (magistro Herberto de Bosahan).
57« Quoniam in lucrum cedunt que bene meritis conferuntur », Dupuy H., Recueil, op. cit., no 119 ; « Quoniam in lucrum cedere noscuntur que bene meritis conferuntur », ibid., no 170.
58« In lucrum cedunt quae bene meritis conferuntur et de ipso munere magis adquiritur », Fridh Åke Jison (éd.), Magni Aurelii Cassiodori Senatoris opera, 2 vol., t. I, no XXIV, Turnhout, Brepols, 1973, p. 158.
59Ravaisson Félix, Rapports au ministre de l’Instruction publique sur les bibliothèques des départements de l’Ouest, suivis de pièces inédites, Paris, Joubert, 1841, p. 392.
60Il s’agit de Richard de Bohon, doyen entre c. 1144 et 1151, et de Guillaume de Tournebu, doyen de 1151 à c. 1183.
61« Ne in oblivionem veniant que geruntur, usus habet et communis consideratio utilitatis exposcit ut scripture serie debeant annotari », Dupuy H., Recueil, op. cit., no 61 (édition d’après Arch. dép. Calvados, H 1845/1, H 1845/4 et H 1845/5).
62Arch. dép. Calvados, H 1842/4.
63« Ne in dubium veniant que geruntur, et usus habet, et communis consideratio utilitatis exposcit ut scripture serie debeant annotari », Duggan Anne, « Ne in dubium: the official record of Henry II’s reconciliation at Avranches, 21 May 1172 », English Historical Review, no 115, 2000, p. 644-658, à la p. 657.
64« Ne in dubium veniant que geruntur, usus habet et communis consideratio utilitatis exposcit, ut scripture serie debeant annotari », BL, ms. Cott. Claudius A. vi., fol. 49 (46).
65Allen R., « Les actes des évêques d’Avranches », art. cité, p. 83-84.
66Combalbert Grégory, « La diplomatique épiscopale en Angleterre et en Normandie au xiie siècle. Essai d’une approche comparative », in Pierre Bauduin et David Bates (dir.), 911-2011 : Penser les mondes normands médiévaux (Actes du colloque de Cerisy-la-Salle, 29 septembre-2 octobre 2011), Caen, Presses universitaires de Caen, 2016, p. 373-403, aux p. 402-403.
67C’est ainsi pour la clause de réserve. À Coutances, l’utilisation de cette clause connaît un essor particulier sous Richard de Bohon (31 occurrences) mais subit un véritable déclin à partir de l’épiscopat de Guillaume de Tournebu (12 occurrences entre c. 1183 et 1208). À Bayeux, en revanche, la clause de réserve est presque inconnue avant 1165 (une occurrence, Dupuy H., Recueil, op. cit., no 25) mais apparaît assez régulièrement dans les actes d’Henri de Beaumont (45 occurrences).
68Allen R., « Episcopal acta in Normandy », art. cité, p. 37-38.
69Arch. nat., L 970, no 554 et L 971, nos 571 et 572.
70Arch. dép. Calvados, 77 F 207, H 152, H 727 et H 7773 (× 2) [Dupuy H., Recueil, op. cit., nos 155, 181, 187 et 271].
71Sur les 31 chartes originales de Vivien conservées avant 1944, seuls six nous sont parvenues (Arch. dép. Calvados, H 7777 ; Arch. nat., L 969, no 320 ; L 970, no 554 ; L 971, nos 571 et 572 ; MM 894, no 37).
72Voir en particulier Tock Benoît-Michel, Une chancellerie épiscopale au xiie siècle : le cas d’Arras, Louvain-la-Neuve, Institut d’études médiévales, 1991, p. 21-25 ; Tock B.-M, « Auteur ou impétrant ? », art. cité, p. 215-248.
73[https://www.craham.cnrs.fr/projet/programmes/actepi/], consulté le 7 février 2021.
74À ce sujet voir Tock B.-M, « Auteur ou impétrant ? », art. cité, p. 242-244.
75Allen R., « Episcopal acta in Normandy », art. cité, p. 39 ; Combalbert G., art. cité, p. 386-387.
76Combalbert G., art. cité, p. 380-382.
77Sous l’évêque Henri de Beaumont, par exemple, le chancelier figure avec son titre dans 72 actes sur 133 dotés d’une liste de témoins (soit 54 %).
78Tock B.-M., Une chancellerie épiscopale, op. cit., p. 214-219.
79C’est la conclusion qu’avait déjà tirée Hubert Dupuy à propos de l’écriture (Dupuy H., Recueil, op. cit., p. xxxiii).
80Tock B.-M., Une chancellerie épiscopale, op. cit., p. 221-225.
81C’est ainsi qu’un acte épiscopal sagien de 1131 fait écho au préambule d’un acte de Pierre, évêque de Saintes (1117-1127), mis entre les mains de l’évêque Jean de Sées (1124-1144) deux ans plus tôt lors d’une réunion tenue pour mettre fin à un différend entre les abbayes de Fontevraud et de La Couronne (Allen R., « Episcopal acta in Normandy », art. cité, p. 41-42).
Auteur
Magdalen College.
Richard Allen est chercheur et archiviste au Magdalen College, Oxford. Ses recherches portent sur l’histoire ecclésiastique du monde anglo-normand du xie au xiiie siècle et l’édition critique de chartes, en particulier les actes épiscopaux normands, dans le cadre du projet ACTÉPI. Il s’intéresse aussi aux pratiques documentaires en Europe du Nord-Ouest, à la culture médiévale de l’écrit et à l’histoire de l’abbaye cistercienne de Savigny.
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