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Chapitre IV. Le cas de Saint-Nazaire : la ville nouvelle
p. 119-144
Texte intégral
1Saint-Nazaire, une ville qui n’évoque pas a priori l’histoire du protestantisme mais plutôt celle de l’industrie, les chantiers navals, les paquebots Normandie, France, Queen Mary 2 et les dernières villes flottantes de plus de 370 m de long bâties sur l’estuaire de la Loire… Des cinéphiles reconnaissent la plage de Monsieur Hulot, le célèbre film de Jacques Tati. Certains évoquent la ville « rouge », symbole des conquêtes ouvrières et de la première convention collective ou bien encore Fernand Pelloutier père du syndicalisme révolutionnaire… et arrière-petit-fils d’un pasteur et des indienneurs suisses protestants installés à Nantes. D’autres se souviennent de la ville martyre, détruite à 85 % pendant la guerre 39-45, et dernière ville libérée de France, le 11 mai 1945.
2Mais nul jusqu’à présent n’a considéré l’estuaire de la Loire et Saint-Nazaire en particulier, comme lieux historiques du protestantisme lié à la Loire. Quel est le rôle des protestants dans l’histoire et l’évolution de cette ville moyenne de l’ouest de la France au xixe siècle ? En apparence, rien de primordial. Mais leur présence est intimement liée de près ou de loin au développement industriel et urbain, aux activités maritimes de la ville. La partie de l’estuaire de la Loire est appelée « Basse-Loire ». Ici, le protestantisme du xixe siècle n’est pas un mouvement spontané – comme au xvie siècle où les conversions sont avérées – mais a pour origine l’arrivée de nouveaux habitants liés aux activités portuaires et industrielles.
3Après avoir totalement disparu à la fin du xviie siècle, le protestantisme renaît au début du xixe siècle avec la révolution industrielle. Sur l’estuaire, le commerce, les manufactures demandent une main-d’œuvre extérieure à la région. Comme nous l’avons évoqué auparavant, Indre, Paimbœuf voient l’arrivée d’Anglais, de Suisses et de métropolitains dès les années 1800. Le protestantisme ne « renaît donc pas de ses cendres » mais d’un phénomène nouveau : l’ère industrielle. Le Second Empire engage les grands travaux portuaires. En amont, Nantes est sur le déclin depuis la fin de la traite négrière, et en même temps ne peut répondre à la mutation de son trafic : navires plus lourds peinant à remonter l’estuaire de la Loire, industrialisation comme nous l’avons analysé dans le chapitre consacré à ce sujet. Saint-Nazaire, petit bourg de l’estuaire, devient l’avant-port de Nantes. Le bourg devient ville ; puis une ville cosmopolite, point de passage de milliers de marins étrangers venus du nord de l’Europe : Britanniques, Danois, Hollandais… qui influencent le développement du protestantisme à Saint-Nazaire. On les appelle les « flottants » auxquels viennent se mêler, durant la guerre 14-18, les prisonniers de guerre allemands et les soldats américains.
4C’est ainsi qu’une poignée de protestants sédentaires organise l’Église réformée à Saint-Nazaire, dans la seconde moitié du xixe siècle. C’est aussi leur histoire que nous restituons. Pour conclure cette brève présentation, les différents stades de l’histoire du protestantisme en région nazairienne (soit la Basse-Loire et la presqu’île Guérandaise au xvie siècle, xixe siècle et premières années du xxe siècle) n’ont rien de comparables. Sinon un seul point commun : autour de la Loire, des femmes et des hommes se reconnurent dans la Réforme, malgré les siècles différents et les contraintes d’une religion minoritaire.
Un nouveau port
5Saint-Nazaire, c’est l’estuaire d’un fleuve qui prend sa source aux confins des Cévennes et vient embrasser, à 1 012 kilomètres vers l’ouest, l’océan Atlantique. La ville a tiré son nom d’un martyr chrétien, Nazarius qui, au premier siècle de notre ère évangélisa le sud de la France avec son compagnon Celse. Au vie siècle, l’évêque Grégoire de Tours (538-594) évoque les reliques du bienheureux abritées dans une basilique à la proue d’un appendice rocheux sur la rive droite de l’estuaire de la Loire1. Mais c’est surtout l’histoire d’une ville bâtie au milieu du xixe siècle autour de l’avant-port de Nantes à la croisée des routes, des rivières et de la Loire. Contrairement à la légende, Saint-Nazaire n’est pas, à l’origine, un port de pêcheurs. D’une superficie légèrement inférieure à la moitié de celle de Paris, Saint-Nazaire est un bourg sud-armoricain parmi tant d’autres où vivent simplement quelques dizaines de foyers d’agriculteurs, de marins, d’artisans et surtout de pilotes qui possèdent les clés d’entrée de l’estuaire en guidant les navires vers Nantes. Et c’est pourtant dans ce bourg où nul ne s’arrête sinon par inadvertance, dans cette bourgade en apparence banale, qu’en l’espace d’à peine cent cinquante années naît la plus fabuleuse aventure industrielle et portuaire française2. Histoire d’une saga humaine et maritime où tout commence et finit sur le port où vivent, entre autres, des protestants influents.
6Aperit et nemo claudit, « elle ouvre et personne ne ferme » : la devise de Saint-Nazaire qui lui va si bien, tient évidemment à sa situation. Dans ce village au milieu des eaux, les pilotes, à bord de leurs cotres, connaissent les passes entre les bancs sableux de l’estuaire et ouvrent le passage vers Nantes sur des chenaux turbulents. Ils accueillent les navires qui peinent de plus en plus à remonter le fleuve du fait de l’augmentation constante de leur tonnage et de l’ensablement croissant de la Loire. Les bateaux se modernisent au milieu du xixe siècle ; finis les petits caboteurs et embarcations à fonds plat destinés au négoce et au grand trafic maritime, place aux grands voiliers et à la vapeur naissante. Le temps est déjà compté. De plus en plus de navires étrangers délaissent Nantes au profit des ports plus accessibles.
7Comme nous l’avons largement explicité dans les chapitres précédents, Nantes a perdu sa splendeur d’antan. Sa survie dépend d’un port en eau profonde, en aval. Nantes, au cours des siècles, a toujours disposé d’avant-ports de négoce, à Bourgneuf-en-Retz dès le xive siècle, au Croisic puis à Paimbœuf où les navires de commerce relâchaient. Le sel et le vin notamment transitaient alors vers les ports lointains du Nord et du sud de l’Europe. Mais Paimbœuf, d’où partent de nombreux navires et gabares, s’ensable aussi, tandis que Saint-Nazaire prépare l’avenir : dès 1822, elle est tête de ligne d’un service de bateaux à vapeur dans la Basse-Loire et fait construire, avec le soutien de la Chambre de commerce de Nantes, une digue d’abri en 1835, le « vieux môle ».
8Le 21 avril 1838, le sort de Saint-Nazaire est scellé. Par délibération du conseil général de Loire-Inférieure, et après homologation du ministère des travaux publics, il est décidé de creuser un bassin à flot capable d’accueillir les navires de grands tonnages. Ainsi débute l’aventure moderne de Saint-Nazaire : chronique d’une ville de bâtisseurs, vouée aux défis urbains et industriels. Mémoire d’une ville dont l’histoire tourmentée fait d’elle la seule ville nouvelle de France bâtie à deux reprises en l’espace d’une centaine d’années, à cheval sur deux siècles : 1850 et cent ans plus tard, détruite et reconstruite après la seconde guerre mondiale.
9Que reste-t-il du Saint-Nazaire au siècle qui voit apparaître les premiers réformés ? Même pas la forteresse, toute modeste du reste, qui défendait l’entrée du fleuve. Seules quelques grandes familles féodales ont laissé leurs noms. Heinlex, famille liée au Duc de Rohan, future propriété d’Alphonse Cézard ; La Motte Allemand, grande famille du xive siècle liée à la vicomté de Donges qui donne son nom à un lieu haut de l’Immaculée où trônent aujourd’hui les vestiges d’un blockhaus… allemand sur la butte de Marsac. Familles aussi passées à la Réforme au xvie siècle.
10Peu connue du public, la chapelle Notre Dame de Toutes Aides, située impasse de la Chapelle, non loin de l’église catholique Saint-Gohard, est certainement le plus vieil édifice de la commune à l’exception des vestiges néolithiques. Construite en 1659, elle a été « miraculeusement » sauvée des démolitions après la guerre. Dans les années 1980, Emmanuel Fortineau, alors curé et archiprêtre de Saint-Nazaire proposa à Marcel Bouscasse représentant de la communauté protestante de Saint-Nazaire, de pouvoir y célébrer le culte réformé3. La présence de la vierge datant du xviiie siècle dissuada les protestants de répondre favorablement à ce geste remarquablement œcuménique pour l’époque.
11Combien d’hommes illustres se sont-ils arrêtés à Saint-Nazaire ou à proximité ? Les légendes sont légions : Jules César, à bord d’un navire guerrier, dut y apercevoir quelques huttes fumantes avant de s’en aller vaincre la tribu des Vénètes dans le golfe du Morbihan. Napoléon Ier, stupéfait de découvrir un site stratégique sur l’estuaire laissé sans défense à la merci des Anglais, aurait parcouru à pied les venelles de Saint-Nazaire après s’être arrêté longuement à Nantes4. C’est ainsi qu’un projet de fortification voulu par Napoléon Bonaparte faillit voir le jour. Il est abandonné en 1857 après l’ouverture du premier bassin en eau profonde.
12Bien plus tard, au xixe siècle, Jules Verne dut apercevoir le vieux bourg lorsqu’il quitta Nantes pour l’aventure. D’aucuns rêvent de son inspiration née en partie des estacades et des chantiers. Saint-Nazaire a donné à la France Aristide Briand, homme politique, d’abord simple conseiller municipal, puis ministre de l’intérieur à l’origine de la loi de séparation des Églises et de l’État – coécrite avec les protestants Buisson, Pressensé, Méjan et Réveillaud, onze fois Président du Conseil, l’équivalent du premier ministre. Autre ministre de l’Intérieur à l’origine de la loi sur la liberté syndicale de 1884, de la loi relative aux associations de 1901 et ami de plusieurs figures du protestantisme libéral, Pierre Waldeck-Rousseau fit ses premières armes d’avocat stagiaire à Saint-Nazaire.
13La naissance du port vaut à Saint-Nazaire une explosion démographique. Elle n’usurpe pas son surnom de « petite Californie bretonne » voyant partir vers l’Amérique centrale et les Antilles les premiers paquebots du service postal transatlantique5. Les populations proviennent surtout du Morbihan et du Finistère, du centre des Côtes d’Armor. Les registres protestants des baptêmes, mariages et sépultures sont éloquents : tous les départements métropolitains ou presque ont fourni au port sa main-d’œuvre et ses cadres. Les nouveaux arrivants sont terrassiers et manœuvres, des ouvriers déjà spécialisés dans l’industrie. Parmi eux, des protestants. Ils sont, pour la plupart forgerons, ouvriers ou cadres. Beaucoup sont originaires de Suisse. Rapidement, tous les peuples du monde se croisent à un moment ou l’autre dans le port : Danois, Turcs, Anglais, Asiatiques… L’histoire de Saint-Nazaire, ville armoricaine, est celle d’une ville cosmopolite, vouée aux migrations. Il s’agit de la métamorphose planifiée d’un simple bourg de 800 habitants en une ville de plus de 20 000 habitants un demi-siècle plus tard et où la présence des protestants, pourtant très minoritaires, est déterminante quant à son développement. Alors que la ville compte 3 701 habitants en 1836, elle en compte plus de 40 000 à la veille de la Seconde Guerre mondiale6.
14L’ouverture du premier bassin dit de Saint-Nazaire eut lieu le jour de Noël 1856. Ses quais en granit de 580 m de long sur 160 m de large accueillent le premier trois-mâts barque par l’écluse Est. Le trafic de charbon augmente ainsi que l’activité des lignes transatlantiques. Après l’ouverture du second bassin dit « de Penhoët » en 1881, les chantiers navals de la Loire et de Penhoët en tirent rapidement parti, utilisant la moitié de sa longueur en quais d’armement et de finition des navires en construction.
De l’aventure transatlantique : les frères Pereire et le baron d’Eichthal
15La genèse du chantier de Saint-Nazaire a pris une dimension légendaire. Au tournant du xviie siècle, ouvert au trafic négrier, naissent de nombreux chantiers navals aux fortunes diverses. Ils sont au xixe siècle, plus d’une centaine installés sur les rives de la Loire, de Nantes à Paimbœuf et Trignac en passant par Indre7. Le protestant Voruz qui se bat pour l’arrivée du chemin de fer à Nantes, milite pour le creusement d’un bassin à flot à Saint-Nazaire. Il s’adresse ainsi aux négociants nantais, en 1846 : « Créer des docks, des bassins, pour abriter vos navires contre les crues et les glaces, et surtout pour atténuer les frais de manutention. Faîtes exécuter le bassin à flot de Saint-Nazaire, et vous aurez replacé Nantes au rang que ce port, admirablement situé, possédait jadis parmi les villes maritimes de la France8 ! » Pour Voruz, il s’agit là de renforcer le port de Nantes.
16À la fin des années 1840, au départ du port de Nantes, une compagnie de fret et de voyageurs : la Compagnie des Paquebots de l’Ouest propose deux départs par semaine pour Bordeaux ; elle mute en Compagnie Franco-Espagnole de Navigation9. La Chambre de commerce ne cache pas son ambition d’obtenir de l’État que la Basse-Loire soit choisie comme tête de ligne de paquebots vers les Antilles et l’Amérique centrale. Le Président Betting de Lancastel plaide en faveur de l’emplacement de Saint-Nazaire. Dans un long exposé, il vante le bon marché local des vivres pour l’approvisionnement des navires, les facilités de transporter les marchandises outre-mer, par la Loire jusqu’au cœur de la France, la sécurité d’un point de vue militaire… Car Le Havre veut s’approprier toutes les lignes au départ de son port et ne laisser que quelques miettes à Nantes (à destination du Brésil) à Bordeaux ou à Marseille. Sous impulsion du maire Favre, un comité de souscription pour créer une société d’exploitation se forme, sous la présidence de Pierre-Joseph Maës, Jules Gouïn, Betting de Lancastel et Voruz soutenu par la Chambre de commerce. La bataille est rude et dure près de quinze ans. Après de multiples rebondissements, la loi du 17 juin 1857 permet l’ouverture de trois lignes de navigations transatlantiques :
Le Havre vers New York ;
Bordeaux vers le Brésil et l’Argentine ;
Saint-Nazaire vers les Antilles, le Mexique, l’isthme de Panama et la Guyane… au grand désespoir de Frédérick de Coninck, comme nous l’avons évoqué auparavant, passé avec armes et bagages des intérêts de Nantes à ceux du Havre.
17Pour Saint-Nazaire, c’est une belle opération réussie grâce aux réseaux bonapartistes dont font partie les principaux décideurs économiques et politiques protestants. À commencer par Favre et Voruz. Les liaisons sont gérées par la CGT, la Société générale transatlantique des frères Pereire. Nul n’imagine alors l’influence déterminante des Pereire et du banquier protestant Adolphe d’Eichthal financeur de leurs projets. Les frères Pereire originaires de Bordeaux œuvrent à doter leur ville d’un réseau de chemin de fer. Ils s’intéressent ainsi au développement des réseaux ferrés français et aux liaisons maritimes, particulièrement dans les ports de l’Atlantique. Ils vont poursuivre le double objectif d’obtenir la concession d’un ensemble de lignes dans le sud-ouest de la France au profit d’une nouvelle compagnie et de s’assurer le contrôle de la compagnie de Bordeaux à La Teste. C’est ainsi qu’ils obtiennent, avec le concours d’Adolphe d’Eichthal et de James de Rothschild, la concession de la ligne de chemin de fer de Bordeaux à Sète, autorisée par la loi du 8 juillet 1852, puis celle de Bordeaux à Bayonne, le 24 août 1852 ainsi que l’embranchement de Narbonne à Perpignan. Ils forment la Compagnie des chemins de fer du Midi pour la construction et l’exploitation des lignes précitées. Ils obtiennent l’exploitation de la ligne transatlantique de Saint-Nazaire10. Nous ne savons pas à ce jour si Adolphe d’Eichthal vint en personne à Saint-Nazaire. Ce nancéen est un enfant de son siècle. Né en 1805 et mort en 1895 à Paris, il est le fils du baron Louis d’Eichthal, fondateur de la banque du même nom à Paris11. En 1828, il est nommé administrateur de la Société de la morale chrétienne où il croisa peut-être Thomas I Dobrée. Associé à la banque de son père en 1830, il poursuit de nombreuses activités dans le milieu bancaire. Il devient directeur de la Caisse d’Épargne de Paris en 1835, et régent de la Banque de France du 31 janvier 1839 au 23 mars 1848. En 1839, il reprend la direction de la banque Louis d’Eichthal et Cie, fondée par son père. Il joue un rôle important au sein du groupe Pereire notamment en raison des liens entretenus au sein des saint-simoniens. Il est cofondateur et président de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Saint-Germain. Il prend part à la création du Crédit mobilier des Frères Pereire dont il devient vice-président en 1854. En 1859, il leur rachète, 630 hectares dans la forêt de Crécy et, en 1867, les mines de fer de la Bidassoa.
18Quant aux frères Pereire, leurs origines confessionnelles ne sont pas protestantes mais juives et très liées aux réseaux d’affaires d’acteurs de confession réformée. Juifs d’origine portugaise, les frères Pereire sont de grands banquiers et entrepreneurs. Ils prennent part à la réalisation de nombreux projets industriels durant le Second Empire et la IIIe République. Émile Pereire, né à Bordeaux en 1800, est banquier, économiste et homme politique comme son frère et collaborateur Isaac, né également à Bordeaux en 1806. Les frères Pereire créent notamment le Crédit mobilier en 1852, lequel favorisa l’essor économique français, et fondent des compagnies de chemin de fer en France et à l’étranger. Ils créent aussi en partie la ville d’Arcachon. Ils mènent des projets de réalisations de quais et d’infrastructures sur l’estuaire de la Loire à Saint-Nazaire mais aussi à Pauillac sur l’estuaire de la Gironde qui aurait pu devenir dans le même temps le « Saint-Nazaire de Bordeaux12 ». Le groupe Pereire dépasse en puissance le groupe Rothschild et le groupe industriel du protestant Paulin Talabot. Ils provoquent même l’éclatement des banques protestantes de Paris. Les unes prennent le parti du Crédit mobilier. Ainsi les Mallet, Hottinguer, Fould. Les autres, plus méfiantes, se groupent autour de Jean-François Bartholony lié aux Rothschild13.
19Leur influence est toutefois ébranlée par la faillite du Crédit mobilier en 1867. Jacob Émile est élu député de la Gironde et Isaac des Pyrénées Orientales, de 1863 à 1869. Les Pereire adhèrent au saint-simonisme, système de pensée qui se réclame du christianisme et qui s’appuie sur la science et la foi. Le postulat est simple : le progrès est la source de l’amélioration sociale et du développement économique. La source de tout progrès et de tout bien est en Dieu. Au sein des saint-simoniens, ils croisent nombre de réformés dont Jean Baptiste Say. Leur devise est empruntée à Saint-Simon14 : « À chacun selon ses capacités, à chaque capacité selon ses œuvres », montre bien qu’ils ne sont pas pour une société égalitaire, même si, par ailleurs, ils continuent à s’opposer à la propriété des moyens de production. Ainsi, pour que les « capacités » s’épanouissent véritablement, il faut que l’économie soit très organisée, notamment grâce à un réseau bancaire très ramifié et contrôlé. Leur système repose sur des spéculations sans cesse renouvelées. L’argent doit « couler », s’infiltrer partout, être « le ferment de toute végétation sociale ».
20Ils sont amis du baron Haussmann. Vers la fin de sa vie, Isaac écrit un petit livre, La question religieuse dans lequel le pape n’est pas ménagé : « le vicaire de Jésus Christ qui n’avait que des fidèles, devint un souverain qui eut des sujets ! » Tant par alliances familiales que par leurs relations avec la communauté juive, ils restent fidèles à la tradition judaïque. Toutefois, la descendance d’Émile est en partie liée aux grandes familles protestantes (Laroche, Aubert, Desforges, Thurneyssen, Peugeot, Fries, Mathé, etc.)15. Le mariage de son fils Émile (dit Émile II) avec une catholique provoqua l’ire de la hiérarchie catholique qui dénonça ce mariage mixte d’un juif et d’une catholique16. Cette branche s’allie aussi aux familles protestantes Moreau-Néret, Mallet, Mirabaud, Seydoux de Clausonne ou bien encore Goudchaux. Cette dernière s’allie quant à elle à la famille Grill, dont le descendant, Alain Grill (1929-2017), fut le PDG des Chantiers de l’Atlantique de 1980 à 198817. Visionnaire, il oriente la stratégie de la construction navale de Saint-Nazaire vers les paquebots à forte valeur ajoutée.
21Pour assurer le trafic transatlantique avec les Antilles, la CGT doit mettre en service 16 bâtiments qui assurent également le transport du corps expéditionnaire français vers le Mexique18. C’est, pour les frères Pereire, un contrat prodigieux. La convention prévoit un départ par mois de Saint-Nazaire vers Vera-Cruz via Cuba et la Martinique. Le 14 avril 1862, le navire La Louisiane est pavoisé aux couleurs des nations des deux mondes. Ce paquebot, à coque de fer, allie voile et propulsion par roues à aube. Celles-ci, mues par une machine de 600 chevaux-vapeur, permettent au navire de sillonner les mers à une allure de 11 nœuds. Long de 86,44 mètres, il inaugure la première traversée, en présence d’Émile Pereire. Ce paquebot avait été racheté en 1861 par l’entreprise de John Scott aux chantiers J. & G. Thomson en Écosse, alors même qu’il était en construction sous le nom de Cortes pour un autre commanditaire qui s’était désisté. Il avait été lancé le 17 décembre 1861. Deux coups de canon saluèrent son départ et ceux de ses 210 passagers qui atteignirent Fort de France treize jours après19. Mais il faut de plus en plus de paquebots et la convention stipule que la moitié des navires de la CGT doivent être construits en France. Certes, mais où ? Peu de chantiers français, à l’exception de ceux du Havre sur la Manche et de Marseille sur la Méditerranée, maîtrisent vraiment la construction de navires de haute mer en coques de fer. Alors, pourquoi ne pas faire appel à John Scott…
La naissance de la construction navale nazairienne
22La Grande-Bretagne et l’Allemagne possèdent des chantiers capables de construire les paquebots modernes à coques de fer. Mais où construire sur les rives de l’Atlantique ? Les frères Pereire décident alors de lancer leur propre site de construction et d’opérer ce que l’on peut qualifier aujourd’hui, de véritable transfert de technologie. C’est ainsi que débute la grande aventure navale de Saint-Nazaire. Le 24 octobre 1861, ils traitent directement avec la maison écossaise John Scott et Cie de Greenock qui prend possession d’un espace situé à Penhoët, un promontoire rocheux plongeant dans l’estuaire, où sont établis en un temps record des cales, ateliers et bureaux. Les travaux sont achevés en 1862. La Société Scott amène avec elle quinze ouvriers spécialisés et contremaîtres20. Les registres BMS contiennent la mention du baptême d’un enfant issu de cette immigration britannique. Cependant, les archives des chantiers Scott à Saint-Nazaire ont été détruites pendant la Seconde Guerre mondiale. Et pareillement à Greenock. On sait seulement que John Scott était un presbytérien écossais. Les archives sur ce sujet sont quasi inexistantes sinon les actes écossais de la Trinity United Presbyterian Church of Scotland le concernant21. Deux ans plus tard, l’Impératrice Eugénie est lancée en présence de l’Impératrice même, marraine du navire. Entre 1862 et 1866, les chantiers John Scott livrent à la Transat huit navires. De ce fait, Saint-Nazaire voit son destin basculer : le port transatlantique, l’annexe de Nantes, devient à ce moment même le terreau d’un important complexe industriel. Et ce transfert de technologie offre à la France, le savoir-faire de la construction navale moderne22. Car les quinze contremaîtres écossais forment sur place une main-d’œuvre nombreuse et bon marché. Dans le même temps, entre 1861 et 1866, la population de Saint-Nazaire augmente de près de 80 %.
23L’euphorie est malheureusement de courte durée : après la livraison des huit bateaux pour la Compagnie générale transatlantique, à laquelle s’ajoutent quelques unités pour des armateurs privés ou pour l’État, le carnet de commandes est vide. Le traité de libre-échange, signé avec l’Angleterre en 1860, expose un peu plus les chantiers français à la concurrence des chantiers anglo-saxons reconnus pour la modernité des navires qu’ils construisent. Ce traité prévoyait la fin de la politique française protectionniste dans la construction navale au profit de taxes de francisation ou de pavillon23. Le krach du marché des fontes en Écosse aggrave encore la situation, tandis que la ruine du Crédit mobilier des frères Pereire, principaux actionnaires de la Compagnie générale transatlantique, prive les chantiers de leur soutien financier. Le chantier Scott, mis en faillite en novembre 1866, ferme en 1867. La Compagnie transatlantique réussit à négocier les créances à hauteur de 25 % de leur dette. Les frères Pereire font alors appel à la Société des Chantiers de l’Océan à Bordeaux dans laquelle ils possèdent quelques actions. À partir de 1869, un seul paquebot est construit, le Ville de Brest ; avant la faillite, à son tour, des Chantiers de l’Océan24. La construction navale nazairienne connaît alors sa première traversée du désert, jusqu’en 1881. Entretemps, d’autres investisseurs protestants vont s’intéresser à Saint-Nazaire. Pas vraiment dans le but de contribuer à son essor industriel, mais pour y spéculer.
Le projet Lebaudy-Cézard
24Au début, une société immobilière britannique au nom un peu « ronflant » : Saint-Nazaire Company Limited, comme il en existe déjà plusieurs pour acquérir et revendre des terrains dans le but de construire des immeubles de rapports et faire face à l’afflux de la population, tout en spéculant25. Ces sociétés investissent à proximité du port et empêchent parfois les industries de Nantes et d’ailleurs de se procurer des terrains à des prix raisonnables. La Saint-Nazaire Company Limited est représenté à Saint-Nazaire par Alphonse Cézard, armateur et fils de Nicolas Cézard, protestant d’origine nancéenne, lui aussi armateur et propriétaire de raffineries de sucres à Nantes comme nous l’avons évoqué dans le chapitre consacré au sucre. En février 1863, il obtient de la municipalité la concession de l’entrepôt réel des douanes créé en 1857, entrepôt qu’il n’exploita jamais. Il est déjà propriétaire d’une partie des terrains de dunes longeant l’actuel front de mer. Son idée est de faire de Saint-Nazaire un terrain de fortune en misant sur la spéculation et les projets de ville nouvelle. En cela, il reprend l’idée d’Adolphe Lebaudy (1807-1875), fils d’un raffineur de sucre et lié à Jean-Baptiste Quéruel inventeur de la méthode d’extraction du sucre de la betterave26.
25Après avoir conduit des affaires également dans le sucre et fait faillite en Guadeloupe à la suite de la crise et de la révolution de 1848, Lebaudy fonde la Société des docks-entrepôts et terrains de Saint-Nazaire, en octobre 1859. Alphonse Cézard et l’ingénieur anglais Georges Lowe font partie des actionnaires. Il propose adroitement au négoce nantais de changer le nom de la société en y adjoignant celui de Nantes27. Dans le même temps, il persuade le conseil municipal de Saint-Nazaire de lui accorder le droit d’aménager des terrains et d’y installer des docks-entrepôts comme ceux de Londres. Pour cela il s’appuie sur le rapport du préfet Henri Chevreau qui déclarait :
« Avant dix ans, Saint-Nazaire sera le Liverpool de l’ouest. Nantes gardera intacte sa situation, elle l’accroitra même. Le commerce en se multipliant suffira à cette double grandeur et des deux villes, sans rivalité, sans antagonisme, s’aidant, se fortifiant l’une par l’autre, feront un instrument commercial perfectionné dont ne soupçonnait pas l’importance et qui donnera les résultats les plus inattendus et les plus grandioses28. »
26On connaît la suite ; il n’en fut rien. L’idée est de faire de Saint-Nazaire le grand port de l’Atlantique d’entrée aux produits du nouveau monde à condition d’avoir des bassins suffisants (des docks-entrepôts) et d’utiliser le système des warrants comme en Angleterre. Le warrant était en Grande-Bretagne un récépissé de marchandise qui permettait son transfert à un nouvel acquéreur par un simple endossement sans obligation de déplacer ladite marchandise, ce, pour en faciliter la session. Ce dispositif permettait aussi de procéder à des ventes aux enchères publiques que l’on commençait à pratiquer au Havre et à Marseille. Et Lebaudy fait autorité en la matière d’où la confiance qui lui est accordée dans un premier temps par les négociants nantais29. Dans le port, l’ingénieur Lowe, de son côté, avait tracé les plans d’une digue enserrant la baie dite de Villès-Martin (actuel front de mer de Saint-Nazaire) pour y établir un polder de 100 hectares afin d’y édifier les docks. On y prévoyait la construction de six bassins avec des magasins sur les quais…
27Le montage financier imaginé par Lebaudy était simple : vendre 40 000 titres d’action à 100 F et des terrains conquis sur la mer par tranches de 60 hectares à 25 F le mètre carré. Sur le papier l’opération couvrait ainsi l’investissement et il était assuré du soutien de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans. Il s’agissait de construire un nouveau Liverpool ; mais le ministère des Travaux publics recula devant le gigantisme des dépenses et des travaux ainsi que face au risque d’envasement induit sur les chenaux et l’entrée du port. Et surtout, à l’exception de Cézard, de Gouïn et des chantiers navals Dubigeon, aucun négociant nantais ne le suivit. Le journal du Phare de la Loire, dans son édition du 10 décembre 1859, avait déjà qualifié ce projet de chimérique. Le quotidien très influent mena une campagne « contre ceux qui voulaient détruire le commerce de Nantes au profit des Anglais de Saint-Nazaire ». Néanmoins, un autre projet beaucoup plus chimérique faillit voir le jour 15 années plus tard à Saint-Nazaire : l’idée était de submerger l’actuel quartier de Méan-Penhoët pour faire place à un troisième bassin rectangulaire de 700 m de long et de 150 m de large. L’anse actuelle de Saint-Nazaire devait être comblée pour offrir un quatrième bassin communicant avec deux autres à la place de l’actuel parc paysager. Saint-Nazaire faillir devenir le champion des ports en bassins à flot devant Le Havre30.
Le second projet Cézard et Oppermann
28Alphonse Cézard est né à Batavia en 1832 quand son père, Nicolas, y vivait depuis 1823 à la tête de sa maison d’armement et de commission, dans l’actuelle Jakarta, sur l’archipel indonésien alors sous contrôle néerlandais. Comme nous l’avons vu, ces affaires l’ont mis en relation avec le port de Nantes et l’active entreprise des Dobrée dont les navires croisèrent à Batavia. Son sens des affaires et sa fortune personnelle amassée à Batavia permettent à Nicolas Cézard de devenir le premier armateur nantais à la tête d’une vingtaine de navires. Son objectif est de développer le plus important marché français de sucre exotique, et d’investir dans deux raffineries. Alphonse est incontestablement un aventurier ; mais il bénéficie néanmoins de l’aide financière de son père. Il est connu pour sa jeunesse baroudeuse alternant bagarres, duels et voyages aux Indes et à Java31. Assagi, il crée sa propre maison d’armement mais perd rapidement ses deux navires, en 185932. L’un d’entre-deux, le Sigisbert Cézard, navire construit à Nantes en 1853 et revendu à la Compagnie générale maritime des frères Pereire (son père Nicolas siégeait au conseil d’administration), fait naufrage dans des conditions suspectes, au large de la Guyane, en 1856, avec à son bord 822 migrants en provenance de l’Inde33. Puis il tente de s’implanter politiquement à Saint-Nazaire en se présentant aux élections législatives contre le seul candidat officiel soutenu par le Second Empire, Anselme François Fleury, le 17 mai 1863. Il s’y affiche catholique, en espérant que cela passera mieux, de par son mariage avec Marie-Gabrielle de Terrouenne, originaire d’Orléans. Sans succès, à nouveau. Car il avait déjà tenté, avec le soutien de son père, d’être élu sous l’étiquette républicaine face à Jean-Simon Voruz, candidat du pouvoir sur la seconde circonscription de Nantes en 1859. Sévèrement battu par Voruz (15 455 voix contre 2 488), il lui en tiendra toujours rigueur. Ainsi l’accuse-t-il dans une lettre ouverte un peu confuse, d’incompétence à l’égard du commerce nantais et du port de Saint-Nazaire tout en faisant allusion à leurs origines confessionnelles communes : « Comment se fait-il, dans la question romaine, que la Chambre, qui n’admet pas l’infaillibilité du pape, admette si facilement l’infaillibilité de leurs excellences Messieurs les ministres sans portefeuille ? ». Et sa rancune est tenace : « Sous l’influence de principes opposés, nous nous sommes rencontrés comme adversaires dans une lutte électorale. Vous avez obtenu l’honneur de représenter la ville de Nantes, j’ai éprouvé un échec. Nous sommes engagés tous deux dans la politique ; vous avez vos amis j’ai les miens34. »
29Un an plus tard, il expose ses projets devant le conseil municipal du 24 février 1864 : dresser à l’emplacement du projet Lowe, un quartier neuf et moderne, en bordure de mer, comprenant des boulevards, une église monumentale, un théâtre somptueux, une caserne, un collège, un édifice servant à la fois d’hôtel et de Bourse. Sans compter les halles, des abattoirs, un lavoir et des bains publics, le tout réparti sur 84 îlots comprenant une sous-préfecture, des tribunaux civils et de commerce35. Sa société concéderait gratuitement un service de l’eau, le sol des rues et un emplacement de 60 mètres sur 40 pour la construction d’une église en échange d’un bail emphytéotique de 99 ans pour la régie de l’eau, de 30 ans pour les revenus des marchés et abattoirs. Cézard s’appuie sur les plans d’un ingénieur des Ponts et Chaussées, lui aussi de confession protestante, Charles Oppermann (1839-1897). Pour faire avancer son dossier il écrit au préfet s’excusant de sa candidature à la députation, non par ambition mais par désir « de marcher rapidement vers son but », tout en sollicitant une entrevue auprès de l’empereur36. En vain.
30Contrairement au premier projet Lebaudy, celui-ci mise sur le développement urbain de Saint-Nazaire, inspiré en grande partie des plans de Lowe. C’est d’ailleurs pourquoi le conseil municipal, séduit, donne son accord de principe. Les travaux préliminaires sont engagés dès 1865. Entre-temps, Cézard aidé de ses deux frères, Jules et Louis, constitue une nouvelle société, la Société des Crédits Généraux. Son unique objet : racheter les terrains appartenant à la première société Saint-Nazaire Company Limited mais le paiement est effectué hors de la vue des notaires37. En septembre 1865, la fusion des deux sociétés donne naissance à la Société du Commerce de France. Un sénateur entre dans le capital, le sulfureux Armand Jacques Leroy de Saint-Arnaud ainsi que l’European Bank38. Mais la faillite est prononcée en 1866. Plusieurs raisons à cela : des versements en espèces jamais effectués, la banqueroute de la société de son frère Jules qui avait fusionné et un capital insuffisant pour continuer les travaux. La société du Crédit mobilier des Frères Pereire était elle-même en faillite ainsi que les chantiers Scott. Cela faisait beaucoup.
31Saint-Nazaire mit un certain temps à se relever de l’aventure Cézard. En 1880, on pouvait lire dans un journal local rapporté par Marthe Barbance :
« Dernièrement encore, on essayait en vain de vendre tous ces terrains […] ; aujourd’hui, lorsqu’on traverse la dune, le pied heurte des bordures de trottoirs enfouis dans le sable que le vent amoncelle sans cesse sur ces ruines éphémères. On se demande si quelque Pompéi n’est pas caché sous la dune et l’on en rapporte une fructueuse leçon sur les entrainements d’une spéculation trop hardie39. »
32Certes ces spéculateurs étaient inexpérimentés et furent atomisés par les affairistes de l’European Bank qui, quant à eux, touchèrent des dividendes. Même si Alphonse Cézard fit preuve d’une certaine naïveté, il fut cependant un précurseur. C’est à l’endroit où il rêvait sa ville nouvelle, que s’élève une quarantaine d’années plus tard un quartier aux maisons bourgeoises des plus recherchées, celles qui donnent sur la mer et qui ont échappé miraculeusement aux bombardements de la seconde guerre mondiale. Par ailleurs, Alphonse Cézard, bien qu’imprévisible en affaires, vouait une vraie passion pour Saint-Nazaire. Ainsi se désolait-il des quartiers misérables dans sa lettre adressée à Jean-Simon Voruz. C’est non sans condescendance à l’égard de la ville qu’il écrit ceci : « Pourquoi l’habitant de Saint-Nazaire persiste à croire à la possibilité de commercer dans cette ville, malgré la ruine réservée infailliblement à tous ceux qui viennent y faire le commerce ? » La suite est sans concession à l’égard de la ville :
« Pourquoi, avec l’augmentation de population de Saint-Nazaire, ces maisons isolées et sans surveillance possible, malsaines, deviennent tantôt des foyers d’épidémie, tantôt des bouges dans lesquels tous les vices d’une ville naissante trouvent aisément asile ; Pourquoi, par l’effet de la diffusion de la population, les jeunes générations grandissent privées d’éducation et d’instruction, et sont pour la plupart destinées à être les trop faciles recrues de la paresse, de l’ignorance et du vice ; Pourquoi, dans certains hameaux sans communications, les mariages se font continuellement entre les habitants de ces hameaux, ce qui, combiné avec l’insalubrité des habitations et le travail pénible des femmes qui sont ravalées au-dessous de la condition des bêtes de somme, donne ces populations d’épileptiques, de crétins et d’idiots ; Pourquoi les habitants de Saint-Nazaire sont obligés de se rassembler dans une mauvaise église dont le clocher à moitié pourri menace ruine, pourquoi les églises neuves ne peuvent être achevées, pourquoi toutes n’ont pas de chemins qui y conduisent, pourquoi, lorsqu’un chemin classé, conduit à l’une d’elles, il ne s’est fait ni prestation, ni travail sur ce chemin, et cela depuis vingt-cinq années ; Pourquoi tout le canton de Saint-Nazaire présente un état d’abandon et de délabrement contre lequel lutte une civilisation impuissante, qui se retirera peut-être un jour, laissant pour traces de son passage le désordre moral, les vices qu’entraîne après elle son œuvre ébauchée et non terminée40. »
33Alphonse Cézard habitera Saint-Nazaire en investissant dans le manoir d’Heinlex qu’il fera entièrement reconstruire. Ironie de l’histoire, cette propriété appartenait à la famille de Heinlex-Rohan passée à la Réforme au xvie siècle. Ruiné, il s’en sépare en 1866 et la revend à Henri Duval, président de la Chambre de commerce de Saint-Nazaire. La suite est pathétique. Il se réfugie au château de la Touchelais à Savenay grâce à l’aide financière de son père. Il y crée une fromagerie. Il intente de multiples procès pour se renflouer, ce qui fera dire à l’un des syndics qu’il avait à faire à un « cerveau malade41 ». Il décède dans son château le 12 février 1892. Sa devise était empruntée à celle de son père : Post nubila Phœbus (Après la pluie le beau temps)… Le moins que l’on puisse dire, c’est que les faillites des investisseurs protestants des années 1860 n’ont pas laissé le meilleur des souvenirs de leurs passages à Saint-Nazaire. Et la présence des protestants n’est pas toujours bien acceptée. Y compris dans les cimetières tant en région nazairienne que dans le reste du département.
Une intégration parfois problématique. Les cimetières : lieux de conflits
34De graves incidents entre catholiques et protestants se produisent à l’occasion d’inhumations notamment à la fin du xixe siècle. Un premier lieu d’inhumation avait été accordé à Nantes aux protestants dès le xviie siècle à proximité de la Motte Saint-André au niveau de l’actuelle rue d’Argentré, puis dans un terrain inutilisé du quartier Saint-Léonard (actuel Hôtel de Ville) malgré les protestations des catholiques42. Trois autres lieux de sépultures étaient actés dans le cadre de la promulgation de l’édit de Nantes en 1598 : le même cimetière Saint-Léonard au bas de la motte Saint-André, un second à la porte de Couëron de la Ville-Neuve (Marchix et actuelle place Bretagne), enfin un dernier essentiellement destiné aux marins étrangers à l’emplacement de l’actuelle rue de Richebourg. C’est principalement le second situé à l’angle de l’actuelle rue Mercœur et de la place Bretagne qui était encore utilisé au xviiie siècle, les autres ayant disparu43.
35Le nouveau cimetière Miséricorde, ouvert sur une terre maraîchère en 1793, prévoyait une zone séparée pour les protestants confirmée par l’article 15 de la loi du 23 Prairial an XII (12 juin 1804). Ce lieu théoriquement de paix rencontre pourtant régulièrement l’hostilité des catholiques. Ainsi, en 1852, l’évêché demande à la municipalité que des dispositions soient prises afin que les convois funèbres protestants ne croisent pas ceux des catholiques. Les risques de pugilats inquiètent même les autorités. Le 10 mai 1858, le commissaire de police écrit dans un rapport : « c’est que les protestants sont obligés de passer par le cimetière catholique pour se rendre au leur, où il peut arriver que deux enterrements de cultes différents se rencontrent dans la même allée. Qu’adviendrait-il alors44 ? »
36Un sentiment profondément antiprotestant s’empare des plus hauts responsables catholiques de l’ouest de la France. C’est ainsi que le vicaire général, l’abbé Vrignaud, adresse une note à l’évêque de Nantes Monseigneur Jaquemet en novembre 1849 : « Je crois qu’il y aurait lieu d’examiner la situation du protestantisme dans nos diocèses, les efforts de prosélytisme qu’il peut faire surtout dans les écoles. Peut-être serait-il utile de condamner ouvertement l’usage qui s’introduit pour les mariages mixtes de conduire la partie catholique au temple protestant45. » Le message est bien reçu et Monseigneur Jaquemet traque impitoyablement tout ce qui touche aux protestants. En 1852, il adresse une lettre au ministre des cultes et à l’administration romaine au sujet d’un curé rétabli dans une paroisse proche de Nantes contre la volonté de l’évêque :
« Le rétablissement de Mr Domergues dans sa cure de Vertou serait un des plus grands scandales qui peut être donné à ce pays et à la France. Les protestants s’agitent beaucoup en ce moment dans ma ville épiscopale pour faire des prosélytes et s’y construire un beau temple. Je frémis à la pensée de leur triomphe et de leurs déclamations contre le nom vénéré du Souverain Pontife, s’ils voient rentrer dans sa paroisse à l’abri de cette auguste autorité, un mauvais prêtre notoirement connu comme impudique, ivrogne et voleur. Quels textes d’injures contre Rome pour ces ministres protestants ! Et quel scandale pour les faibles qu’ils cherchent à entraîner par tous les moyens et même en leur donnant de l’argent […]46. »
37Les exemples d’un tel acharnement en Loire-Atlantique sont nombreux. En 1868, Monseigneur Jaquemet récidive dans une note adressée aux curés de son diocèse : « Les curés doivent […] ne pas envoyer les enfants catholiques dans les écoles protestantes ; développer l’œuvre de Saint-François de Sales qui a pour but de combattre l’hérésie et d’affermir la foi catholique en France47. » L’hérésie : le ton est donné ! Tous les moyens sont bons : même les morts sont mis à l’épreuve. Et les querelles sont en effet nombreuses. Les enclos du repos deviennent parfois des champs de bataille48. À partir des années 1850, le sentiment profondément antiprotestant s’illustre particulièrement dans le cadre des cimetières. Ceci en raison de leur gestion confiée à l’Église catholique et le « monopole des pompes funèbres » en échange de « l’entretien des lieux », par le Conseil d’État en 1831. Néanmoins, cela contredisait une disposition de 1812 qui interdisait aux autorités municipales d’imposer l’usage de carrés confessionnels, dont l’existence était tolérée par le décret de l’an XII (1804), et l’enterrement de protestants dans les espaces réservés aux personnes suicidées ou sans baptêmes49.
38C’est dans ce contexte que les pasteurs Vaurigaud et Sohier vont engager un véritable bras de fer avec la hiérarchie catholique. Les premiers incidents débutent dès 1854 quand Benjamin Vaurigaud réalise que des protestants mourants, souvent des marins étrangers, sont visités à l’hôtel-Dieu par le clergé. Ce à quoi, l’évêque lui répond que « dans une ville toute catholique on ne pouvait remarquer quelques protestants à l’hospice ». L’exacerbation de Vaurigaud est à son comble quand un Polynésien protestant décède dans une institution religieuse de sœurs et est enseveli selon le rituel catholique en 186350. Il est arrivé que l’inverse se produise à Nantes quand Benjamin Vaurigaud ne vérifia pas l’origine de la confession d’un défunt en 185751. Un an plus tard, en 1858, il procède à l’inhumation d’un ouvrier dénommé Chassey. Il est exhumé sur la demande de sa famille qui réclame son inscription sur les registres catholiques et le pasteur dut faire des excuses. En fait ses compagnons étaient venus trouver le pasteur car Chassey leur avait dit qu’il était protestant. Ce qui provoque une vive polémique dans la presse. Le rédacteur en chef du journal catholique L’Espérance du peuple ne manque pas d’écrire avec une ironie méprisante le 15 mai 1858 : « nous ne supposons pas que vous vouliez considérer comme protestants tous les mauvais catholiques, les renégats des autres religions52 ». Même affaire en 1862 : le pasteur Sohier procède à l’inhumation d’un dénommé Jacques Bourdin décédé au 14 rue des Olivettes à l’âge de 57 ans. Mais Benjamin Vaurigaud se défend en indiquant que « le clergé romain avait refusé d’inhumer le corps du décédé susdit ; à la demande de la famille, le pasteur a procédé à la sépulture53 ».
Un cimetière protestant à Saint-Nazaire, des sources inattendues
39Les hypothétiques registres du xvie siècle ont été égarés dans les années 1920. Les registres des baptêmes, mariages et sépultures (les BMS) de Nantes font état d’un registre ouvert à Saint-Nazaire en 1858. La tradition voulait que ce ou ces registres aient disparu durant les 56 bombardements qui détruisirent la ville et le temple de Saint-Nazaire au cours de la Seconde Guerre mondiale. Notre recherche obstinée déboucha sur leur découverte en 1993 : la plupart des vieux registres étaient conservés à la Mission populaire évangélique de Saint-Nazaire dissimulés au sein d’archives oubliées. Les BMS furent bien sûr une source inattendue de renseignements qui nous ont permis de reconstituer le profil des premiers protestants nazairiens et d’établir avec certitude leurs premières démonstrations.
40La découverte la plus surprenante et la plus inattendue est l’évocation d’un cimetière protestant à Saint-Nazaire à l’occasion du premier enterrement protestant dans la ville : « Borel Eugénie, le 12 novembre 1858, âgée de 30 ans. Première inhumation au cimetière protestant de Saint-Nazaire. Signé Vaurigaud54. » Notre première réaction fut de penser à une erreur inspirée par le zèle du bouillant pasteur nantais. Mais la piste semblait sérieuse à la lecture d’un courrier daté du 19 mai 1882 dans lequel le pasteur Fargues faisait appel à la générosité des Américains en vue de la construction d’un temple à Saint-Nazaire et un cimetière protestant est mentionné55. Quelques documents préfectoraux attestent bien la construction d’un cimetière protestant situé dans l’actuel cimetière de la Briandais, rue de la Paix56. Le petit cimetière de la Poterie (situé sur l’emplacement de l’actuel secteur du « Parc à l’eau ») devenant trop petit, la municipalité s’enquit de l’aménagement d’un nouveau cimetière dès 1853. Le premier projet fut envisagé au lieu-dit Les Joncs de Penhoët57. Ce programme fut abandonné car le terrain était jugé trop marécageux. Heureusement pour l’histoire de la ville : les Joncs de Penhoët sont devenus depuis l’emplacement du second bassin en eau profonde du port de Saint-Nazaire…
41Finalement, en 1855, un terrain d’un hectare et de dix-neuf ares est acheté à M. et Mme Masson, « Chemin de la Grande Communication, no 41 à 400 mètres environ du périmètre de la ville ». Entre-temps, le sous-préfet interpelle la municipalité le 6 juin 1854 et demande un « emplacement réservé aux cultes non catholiques ». Cette demande fait suite aux recommandations du garde des Sceaux à ce sujet, le 30 août 1845. La circulaire déplorait que des individus isolés soient décédés dans des communes catholiques et inhumés dans les parties du cimetière affectées à la sépulture des enfants morts sans baptême, des suicidés, des suppliciés, et alors des familles protestantes avaient, « avec raison, fait entendre leurs plaintes. Enfin, il paraîtrait que, dans certaines localités, l’inhumation des protestants aurait lieu soit dans les champs, soit dans des lieux dépourvus de clôtures. Il est nécessaire de mettre un terme à ces abus divers58 ».
42La réponse du maire de Saint-Nazaire, à ces recommandations, est favorable mais aussi surprenante : le 11 juin 1859, le maire se déclare favorable à une séparation et informe le sous-préfet « qu’une partie est réservée aux “dissidents” et qu’une délibération municipale a voté une dotation pour élever un mur pour séparer les dissidents des catholiques avec une entrée spéciale59 ». Les pressions cléricales qui inspirent au maire bonapartiste et très catholique René Guillouzo le terme de « dissident », sont fortement probables tant l’anti-protestantisme est une valeur à la hausse dans l’ouest catholique.
L’affaire Deligny
43Le 28 avril 1855, une protestante est inhumée dans le cimetière de la commune de Guérande. Charlotte Deligny, âgée de 59 ans, est l’épouse de Barras Joseph Deligny, commissaire de police dans cette ville. Mme Deligny, née O’Donnel, était d’origine britannique, fille d’un médecin de Londres60. Le pasteur Sohier de Nantes se heurte rapidement au maire de Guérande et informe son collègue Vaurigaud, dans une lettre datée du 26 avril, de « la déplorable conduite du maire qui avait fait creuser la tombe dans l’endroit réservé aux suicidés ». D’où le retard d’un jour pour procéder à la sépulture dans un lieu plus décent. Sur intervention du préfet, le maire dut s’exécuter, mais une lettre de Barras Deligny datée du 28 avril, jour de l’inhumation, et adressée au pasteur Vaurigaud, ne laisse guère de doute sur les intentions du maire :
« De nouvelles instructions ont été données à monsieur le maire par monsieur le préfet pour que Mme Deligny serait [sic] inhumée dans le cimetière de Guérande. Toutefois dans un lieu non bénit par le clergé. Or je crains qu’elle soit déposée dans le lieu primitif c’est-à-dire souillé par le crime. Je vous prie, Monsieur le pasteur, de bien vouloir faire les diligences que vous trouverez convenables pour empêcher qu’une nouvelle infamie semblable soit commise61. »
44Les obsèques se déroulent dans la plus grande dignité selon le pasteur Sohier : « Une foule immense a écouté les paroles prononcées sur la tombe dans le plus religieux silence […]. Pas un mot, pas un mouvement d’improbation, bien moins encore de malveillance ou d’irrévérence ne s’est trahi au milieu du public […]. Plus d’une personne honorable était présente62. » L’incident aurait pu en rester à ce point. Mais indigné, le commissaire Deligny fait exhumer le corps de son épouse. Avec l’autorisation du préfet, le cercueil est transporté en juin 1855 au cimetière Miséricorde à Nantes, dans le quartier réservé aux protestants. Stupéfait et furieux de la victoire indirecte des catholiques, le pasteur Vaurigaud se déclare surpris de la demande du mari. Il informe le préfet de son refus d’assister à l’exhumation comme à l’inhumation de l’infortunée huguenote63. Un point final semblait avoir conclu cette pénible affaire. C’était sans compter sur le zèle de Mgr Jaquemet qui n’entendait pas en rester là. L’évêque organisa une cérémonie expiatoire dans le cimetière un dimanche après les vêpres. Ce qui valut à un lecteur anonyme du journal catholique L’Espérance du Peuple du 15 juin 1855, d’exulter de bonheur :
« L’exhumation est venue donner pleine satisfaction à la piété des fidèles […]. On se demandait chaque jour si la justice ne serait pas rendue. Mais il fallait une réparation : dimanche, au prône de la messe paroissiale, lecture nous a été faite émanant de notre évêque bien aimé ; cette lettre qui respire charité et modération comme tout ce qui vient du vieux prélat, prescrivait une nouvelle bénédiction du cimetière. À l’issue des vêpres, un concours extraordinaire sortait de l’église et prenait le chemin du champ des morts ; ce n’était plus cette joie du matin mais une religieuse tristesse qui saisit toujours le chrétien quand il marche sur cette voie. Chacun s’estimait heureux cependant : les droits de l’église étaient reconnus, les tombeaux des ancêtres respectés ; et, comme le cœur vraiment catholique ne fait que pardonner et prier, au milieu de cette cérémonie touchante, des vœux ardents montaient vers le ciel, pour le retour des frères égarés. Tous avaient compris la pensée du Saint évêque qui gouverne ce diocèse avec tant de sagesse et de dévouement64. »
45Le pasteur Vaurigaud, « frère égaré », choisit un grand journal régional, républicain et anticlérical pour répondre à cette provocation :
« Permettez-moi de recourir à votre journal pour rectifier les faits dont parle cette lettre […]. L’inhumation avait été faite dans un endroit honorable et non dans une partie réservée aux suicidés et aux enfants morts sans baptême, comme l’autorité municipale, à l’instigation du clergé l’avait voulu d’abord ; car la fosse réservée à la dépouille mortelle de la protestante avait été creusée à côté de celle d’un homme qui s’était pendu. Ni le pasteur de Nantes, présent à Guérande, ni la famille n’avaient voulu accepter cette sorte de flétrissure. Monsieur le préfet, consulté, avait très nettement reconnu que la loi était en notre faveur […] et l’inhumation avait eu lieu au milieu d’un grand concours de population très recueillie et bienveillante. C’est là sans doute ce que le correspondant appelle le grand scandale des fidèles. Quelques semaines après (l’inhumation eut lieu le 28 avril et l’exhumation le 3 juin suivant) le mari de la défunte, monsieur Deligny, commissaire de police, vint à Nantes et adressa au préfet une lettre dans laquelle il demanda que les restes mortels de sa femme fussent transportés dans le cimetière communal réservé aux protestants. Sa demande lui fut accordée, et, c’est en vertu de cette demande que l’exhumation a été faite […]. Qu’il y ait eu en sous-main des manœuvres, des influences, c’est possible ; mais il en est pas moins vrai que l’exhumation n’a eu lieu que sur la demande du mari de la défunte, et il est plus que vraisemblable que sans cela elle n’aurait point eu lieu, pour la double raison que l’inhumation n’avait été faite qu’en conformité avec la loi et sur l’ordre même de l’autorité administrative65. »
46Voilà qui confirme bien l’exhumation demandée par le mari et non par la hiérarchie catholique. Toutefois, la violence des propos catholiques n’enlève rien à la tentative d’humiliation envers les protestants. Le mot de la fin de cette affaire revient au pasteur Vaurigaud : « Nous nous sentons obligés, quoi qu’il en soit, de ne pas rendre le mal pour le mal et de prier notre Dieu Sauveur de pardonner à nos adversaires et de les amener à des sentiments plus chrétiens ». Le message fut-il entendu ? L’évêque Jaquemet semble faire un peu plus preuve de mansuétude vis-à-vis des protestants dans une lettre adressée au curé du Croisic en 1867 : « Ne serait-ce pas le cas de faire une démarche auprès de monsieur le maire pour obtenir l’établissement d’un lieu décent et séparé pour l’inhumation des dissidents66 ? » La volonté d’écarter les protestants des cimetières sous contrôle catholique ne fait aucun doute. Mais l’élève dépasse parfois son maître. Tel est le cas à la lecture de la réponse du curé du Croisic à son évêque : « Je craindrais en vous faisant cette confession, de blesser au vif le sentiment religieux des catholiques de Guérande et du Croisic. Dans l’une comme dans l’autre de ces deux petites villes, on pourrait y voir comme la consécration du principe de l’indifférence des religions : une espèce de proclamation de l’égale bonté des cultes […]67. »
47Ces incidents de cimetière ne sont pas propres à la seule Loire-Inférieure. À Cholet, Philippe Swartz, un ouvrier-brasseur allemand protestant de 36 ans décède subitement et est inhumé dans le cimetière de la paroisse Notre-Dame de Cholet. Le pasteur Sohier procède à l’inhumation le 6 septembre 1858. Le curé, averti de cet enterrement dans une terre qu’il considérait sienne, fait exhumer le corps afin de l’inhumer dans une autre partie du cimetière68. Le consistoire scandalisé par cette initiative saisit le ministère de l’intérieur et la ville de Cholet assigne un cimetière particulier aux protestants69. Le corps du défunt y est définitivement placé après deux exhumations et trois enterrements…
48En Vendée, des affaires presque identiques provoquent de violentes polémiques dans la presse70. Même mort, le protestant demeure un « dissident » ! Ainsi à Cugand, en juin 1852 un membre de la famille des filateurs Péquin décède. Dans son numéro 149 du 13 juillet 1852, le même journal catholique L’Espérance du Peuple se déchaîne :
« La population toute catholique de cette paroisse comptait trois habitants de la secte protestante, propriétaires d’une filature de laine sur les bords de la Sèvre, en un village dit Huche-Loup […]. Un ministre calviniste fut mandé de Nantes, tout le village catholique de Huche-Loup fut invité à se rendre à l’enterrement, et tout se disposait pour cette parodie sacrilège de la sépulture chrétienne. Le digne curé de la paroisse déclara néanmoins qu’il ne lui était pas possible de consentir à laisser déposer dans le terrain bénit du cimetière le corps de cet homme, notoirement mort dans l’hérésie […]. »
49« Secte », « sacrilège », « hérésie », tout est dit en quelques mots au sujet des protestants. L’auteur assure dans le même article, que 50 hommes du village ont voulu déterrer le corps, information qui s’avère totalement mensongère. Il faut toute l’adresse du maire et la pression du préfet pour qu’une sépulture décente soit accordée. L’évêque parle de profanation et organise une cérémonie de bénédiction du cimetière. Le préfet attaque le journal pour atteinte à la paix publique et reproduction de fausses nouvelles. Le tribunal de Rennes condamnera le directeur du journal à 200 francs d’amende71.
50Dans le Bocage vendéen, non loin du Bois-Tiffrais, un cimetière sur le flanc d’un coteau contemple le cours nonchalant du Grand Lay. Depuis que la loi de 1862 oblige les communes à prévoir des lieux de sépulture pour les personnes des différentes religions présentes sur leur territoire, la commune du Boupère souhaite trouver une solution quant à la question des inhumations protestantes. Dans le bocage, nombre d’entre elles se déroulent en privé, dans les enclos des propriétés appartenant aux protestants ou bien dans une partie du cimetière communal au grand dam des catholiques. Le Second Empire oblige de zoner le cimetière ou d’en créer de nouveau pour les autres confessions. Le 3 septembre 1878, le conseil municipal décide alors d’acquérir un terrain pour y installer les sépultures protestantes. Le conseil, à forte majorité catholique de tendance ultra, fait le choix d’un emplacement sur la hauteur dite de « Piffecaud ». Une pente improbable pour un cimetière, un terrain difforme, une terre de pierres et de rochers où il est très difficile d’excaver les tombes. Par ailleurs, le terrain se situe à 1,6 km du village de l’Haumondière et à 3,5 km du bourg principal. Ainsi est ce cimetière, témoin d’un temps de la discrimination à l’égard des protestants. Malgré tout, de nombreuses familles huguenotes, dont celle de la famille Péquin, y reposent toujours le long du chemin des Huguenots qui mène au château du Bois-Tiffrais.
51Ces affaires sont récurrentes et ne sont pas propres uniquement au caractère catholique de l’ouest de la France. Ainsi « l’affaire Tamelier » à Ville d’Avray (Hauts-de-Seine) où le corps de cette jeune personne de ce nom resta dix-huit jours dans un cabanon de fossoyeurs car ses proches refusaient de l’enterrer dans la partie réservée aux enfants sans baptême et aux suicidés72. Tous ces problèmes aboutissent à la laïcisation des cimetières en 1881, l’article 15 de la loi du 23 Prairial an XII étant abrogé.
Deux cimetières familiaux en Loire-Atlantique
52Sur la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire, dans ce qui fut la belle propriété du Clos sur l’Eau, demeure toujours à l’abri des regards un cimetière protestant implanté par la famille Petitpierre au début du xixe siècle. Sur cette propriété s’élevait une « folie », Le Singe Doré. Un long manoir du xviiie siècle, avec treize portes-fenêtres à deux vantaux sur la façade sud, une terrasse qui surplombait l’entrée du parc et un grand portail ouvert sur la Loire, avant de disparaître en 1971. Les actuelles résidences du Clos sur l’Eau et du Clos Royal ont pris sa place. Ferdinand Petitpierre est le premier à être inhumé dans la propriété. Ce qui ne devait être qu’une exception se transforme en carré protestant puis en cimetière familial dont la dernière inhumation eut lieu en 1973.
53Alain Gaillard a retracé en détail l’histoire de ce cimetière peu connu73. Mais retenons que la veuve et les enfants de Ferdinand y sont enterrés, à l’exception de Gemmapes porté disparu en Russie. Seize tombes, dissimulées par des murs et les feuillages, sont disposées en demi-cercle autour du cénotaphe à la mémoire du lieutenant aviateur Édouard Rousseau, descendant de Ferdinand Petitpierre, mort en combat aérien au Bois des Buttes (Aisne) le 4 février 1918. D’autres inhumations n’y sont pas identifiées : ainsi celle de Marguerite-Henriette Petitpierre, tante de Ferdinand, décédée en 1827 à l’âge de 90 ans74. De nombreux Favre et Petitpierre y ont été inhumés. Soit une vingtaine de sépultures antérieures aux seize identifiées par Alain Gaillard. Des épitaphes ornent certaines tombes75. Le dernier Petitpierre inhumé sur dérogation préfectorale dans ce cimetière en 1973 est le colonel Ferdinand Petitpierre. Il repose aux côtés de sa première épouse, Marie Kourloukoff (1904-1951). Deux ans plus tard, Georges Petitpierre écrit au maire de Saint-Sébastien et lui fait part de sa décision d’abandonner ses droits de propriété du cimetière du Clos sur l’Eau. Le dernier héritier de ce pré funéraire, alors âgé de 85 ans, habitant à Perros-Guirec dans les Côtes d’Armor, souhaite être inhumé dans cette ville. Depuis, la conservation et l’entretien de ce cimetière sont à la charge de la mairie de Saint-Sébastien.
54Enfin nous terminons par le second cimetière protestant privatif nantais qui jouxte le carré protestant du cimetière Miséricorde à Nantes. En 1850, la ville de Nantes agrandit le cimetière par voie d’expropriation des terrains appartenant à la famille Berthault à la suite d’un jugement du tribunal civil du 3 avril 1850 où il est précisé : « dans ces terrains ne sont pas compris un petit terrain entouré de murs servant de sépulture aux membres de la famille Berthault lequel continuera d’être la propriété exclusive de la famille Berthault comme terrain destiné à la sépulture des membres de cette famille76 ».
55C’est ainsi que la même année, la belle-mère protestante d’Hippolyte-Louis Durand-Gasselin, Marie Anne Julliot, épouse Berthault, créa sur cette parcelle de 600 m² environ, un cimetière clos privé à vocation protestante. Elle demanda à son gendre Hippolyte-Louis, de construire une chapelle de quinze caveaux pour y accueillir les quatre membres de sa famille déjà inhumés, dont son mari catholique, Louis-Yves Berthault décédé en 184177. C’est ainsi que ce cimetière devient aussi le cimetière de la famille Durand-Gasselin alliée aux Berthault à la suite de l’union entre Pauline Berthault (1817-1886) et Hippolyte-Louis Durand-Gasselin (1806-1888). Dès 1919, les quinze caveaux de cette première chapelle sont occupés. À partir de 1940, quinze autres tombeaux sont ajoutés à l’extérieur de la chapelle. On y trouve la tombe du maire Paul Bellamy ainsi que celles de sa famille et des descendants Durand-Gasselin, Bouscasse, ou bien encore Baillergeau. Le cimetière demeure toujours privé à ce jour.
Notes de bas de page
1À noter, pour l’anecdote, ces communes de tradition protestante comme Saint-Nazaire-le-Désert dans la Drôme, Saint-Nazaire-les-Gardies dans le Gard, Saint-Nazaire-sur-Charente dans le département la Charente-Maritime…
2Pour plus de détails sur l’histoire de Saint-Nazaire, Nicol C., Saint-Nazaire, ville maritime et portuaire, Nantes, Siloë, 2005, 125 p.
3Nous avons reçu ce témoignage d’Emmanuel Fortineau et confirmé par Marcel Bouscasse peu avant son décès en 2006. Marcel Bouscasse fut un important architecte de la reconstruction de la ville, dont les locaux de la Mission populaire évangélique.
4Bovar A., op. cit., p. 32.
5« Petite Californie Bretonne », terme utilisé par Barbance M., Saint-Nazaire, le port, la ville, le travail, op. cit.
6D’après les registres de recensements, Barbance M., ibid., p. 252. La ville compte aujourd’hui plus 70 000 habitants.
7Belser C., Histoire des chantiers navals à Saint-Nazaire, Morlaix, Coop Breizh, 2003, p. 11.
8Voruz J.-S., Proposition sur la gare du chemin de fer de Nantes, Nantes, Imprimerie William Busseuil, 1846.
9Bovar A., op. cit., p. 57.
10Picard A., Les chemins de fer français. Étude historique sur la constitution et le régime du réseau, t. 1 et t. 2, Paris, J. Rothschild éditeur, 1885, p. 44-49.
11La famille d’Eichthal, juive allemande, se convertit en 1817 au catholicisme avant d’opter pour la religion réformée à la veille du mariage d’Adolphe en 1834. Le Bret H., Les frères d’Eichthal. Gustave, penseur Saint-Simonien et Adolphe, hommes d’action. Leur influence sur l’ouverture à partir de 1830 de la société française aux réseaux financiers et industriels, aux échanges internationaux et aux sciences sociales, thèse d’Histoire Moderne et Contemporaine, université de Paris-Sorbonne (Paris IV), 2007.
12Les frères Péreire ont pour projet un appontement mariant trains et bateaux. Le projet fut refusé. Il sera finalement construit en 1893, malgré la forte opposition initiale de la mairie et de la CCI de Bordeaux. On peut parler d’un « syndrome de Saint-Nazaire ». Marnot B., Les grands ports de commerce français…, op. cit., p. 138.
13Gille B., Histoire de la Maison Rothschild, t. II, Genève, Droz, 1967, p. 189. Achille Fould est d’origine juive et converti au protestantisme. Gendre d’Eugène Pereire, fils d’Isaac Pereire. Il est par ailleurs ministre des finances entre 1849 et 1867, Robert A., Cougny A., « Achille Fould », Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Edgard Bouloton, t. II, 1889-1891.
14Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon, né et mort à Paris (17 octobre 1760-19 mai 1825).
15Autin J., Les frères Pereire, le bonheur d’entreprendre, Paris, Perrin, 1984.
16Gourdon V. et Grange C., « L’union d’Émile II Pereire et Suzanne Chevalier. À propos des mariages mixtes sous le Second Empire », Archives Juives, Paris, Éditions les Belles Lettres, 2009, p. 33-50.
17Ses obsèques eurent lieu au temple de l’Étoile à Paris le 31 octobre 2017.
18Stratège, Napoléon III veut profiter de la guerre de Sécession (1861-1865) pour barrer l’expansion des États-Unis anglo-saxons et protestants en implantant un monarque européen de préférence catholique sur le trône du Mexique. C’est Maximilien de Habsbourg, frère de l’empereur d’Autriche, qui devient empereur du Mexique. Une fois la guerre de Sécession terminée, les États-Unis décident de soutenir les rebelles. La France abandonne, et son dernier navire quitte le Mexique en 1867. Gouttman A., La Guerre du Mexique (1862-1867) : le mirage américain de Napoléon III, Paris, Perrin, 2008.
19Barbance M., op. cit., p. 70. La compagnie avait aussi racheté les paquebots La Floride, Le Vera-Cruz et Le Tampico.
20Ibid., p. 371.
21Registres de St-Andrew’s church, Greenock : John Scott né le 5 septembre 1830 – décédé le 19 mai 1903.
22Est-ce un hasard si, dans son roman, Vingt mille lieues sous les mers, Jules Verne équipe le « Nautilus » d’une hélice de chez Scott ?
23Cadier G., « Les conséquences du traité de 1860 sur le commerce franco-britannique », Histoire, économie et société, Paris, Armand Colin, 1988, 7e année, no 3, p. 355-380.
24Albert C., « L’industrie de la construction navale à Bordeaux sous le Second Empire », Toulouse, Privat, Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, t. 66, no 25, 1954, p. 47-60.
25Le cas Cézard est proche du financier de Jules Isaac Mirès à Marseille qui fait des affaires avec Isaac Pereire, mais est condamné pour escroquerie. Le scandale de la faillite de sa Caisse générale des chemins de fer inspira à Zola son roman L’Argent. Aiglon L., « Jules Isaac Mirès, entre Jacques Cœur et l’affaire Dreyfus, portrait d’un génial franc-tireur de la finance », Cévennes Magazine, janvier-février-mars 2004.
26Les Lebaudy sont catholiques et liés en affaire à la branche nantaise israélite et protestante Gouïn.
27Fiérain J., « Les spéculations foncières des Cézard à Saint-Nazaire (1863-1866) », La situation conflictuelle de l’occupation du littoral, 4e rapport SERS, dact., 1984, p. 77.
28Henri Chevreau 1823-1903, est préfet de la Loire-Inférieure de 1853 à 1864. Chevreau H., Saint-Nazaire et son avenir, Paris, Imprimerie Centrale des Chemins de Fer, 1865, 72 p.
29Lebaudy A., La question des warrants, Paris, 1858, 12 p.
30Caperon P., Saint-Nazaire et son avenir, Paris, Imprimerie centrale des Chemins de Fer, 1865, p. 65-67.
31Paul Eudel fut l’unique employé d’Alphonse Cézard. Tour à tour secrétaire et comptable, il a laissé une biographie plutôt favorable du personnage : « Je dois à Alphonse Cézard mon initiation aux affaires. Il m’a mis comme on dit le pied à l’étrier », Eudel P., Figures Nantaises, t. II, Nantes, Imprimerie du Commerce, 1911.
32Ibid., p. 87.
33Schnakenbourg C., L’immigration Indienne en Guadeloupe (1848-1923). Coolies, planteurs et administration coloniale, thèse soutenue devant l’université de Provence, le 2 avril 2005.
34Cézard A., Lettre à M. J. Voruz, député de Nantes, Nantes, Imprimerie du Commerce, 1862, p. 3-4.
35Barbance M., op. cit., p. 269.
36Fiérain J., op. cit., p. 89, lettre d’Alphonse Cézard, 8 janvier 1864.
37Ibid., p. 93. Ce rachat s’élevait à 2 323 260 francs pour 150 200 m².
38Sa carrière militaire et politique fut pour le moins aventureuse. Son vrai nom était tout simplement Armand-Jacques Leroy. Maspero F., L’honneur de Saint-Arnaud, Paris, éd. Seuil, coll. « Points », 1997, 448 p.
39Barbance M., op. cit., p. 271-272.
40Cézard A., op. cit., p. 35-36.
41Les principales sources de cette affaire sont constituées par le dossier de faillite de la Société du commerce de France (no 6462, AD Seine, D 10 U 3.).
42Lassere M., « Les cimetières de Nantes au xixe siècle : un impossible transfert », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, Année 1994, no 101-4, p. 59-71 ; Kahn C. et Landais J., Des Lieux de mémoire : les quinze cimetières de Nantes, Nantes, Ouest-Éditions, 1990, 224 p.
43Ibid., p. 15. En 1655 apparaît la mention d’un « cimetière des Huguenots », ou « cimetière des suppliciés » (rive droite de l’Erdre, autour de l’actuelle rue d’Orléans).
44ADLA, 85 V 1, rapport du commissaire de police de Nantes et Lhommeau É. et Roberts K., Guide du cimetière Miséricorde de Nantes, Nantes, Le Veilleur de nuit, 2009, p. 58-61.
45Lettre citée dans Launay M., Le diocèse de Nantes sous le second empire, Nantes, Cid Éditions, 1982, p. 244.
46Ibid., p. 699.
47Ibid., p. 892.
48Balcou J., Provost G. et Tranvouez Y. (dir.), Les Bretons et la Séparation, 1795-2005, Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2006, 451 p.
49Couret T., « Les cimetières familiaux protestants », Lyon, Chrétiens et Sociétés, xvie-xxie siècles, no 23, 2016, p. 123-183.
50ADLA, 85 V 1, On estime qu’entre 1855 et 1860, plus de 10 protestants reçurent par force ou par ruse les derniers sacrements catholiques à l’hôtel-Dieu de Nantes, notamment en 1857 et 1860, les années les plus chaudes du conflit religieux. Ces affaires sont relatées dans Carluer J.-Y., Les Protestants Bretons, xvie-xxe siècles, thèse de Doctorat d’histoire sous la direction de François Lebrun, université Rennes 2, 1992. Et dans Balcou J., Provost G. et Tranvouez Y. (dir.), op. cit.
51Balcou J., Provost G. et Tranvouez Y. (dir.), op. cit., p. 75.
52ADLA, 124 J 42.
53ADLA, 124 J 31.
54BMS conservés à la MPE de Saint-Nazaire jusqu’en 2012 et depuis à l’EPUdF de Saint-Nazaire.
55« I have been called more than once to visit English people lying sick at Saint-Nazaire […] Two american captains died in the city, and have been baried in our Protestant cemetery […] », ADLA, 124 J 81.
56ADLA, 2.O 184/28.
57Ibid.
58ADLA, 124 J 42.
59ADLA, 2 O 184/28.
60ADLA, 124 J 31.
61ADLA, 124 J 42.
62Ibid., rapport du pasteur Sohier.
63Lettre du pasteur Vaurigaud au préfet. ADLA, 124 J 42.
64L’auteur anonyme est-il le Maire ? Le Curé ? Pour l’époque, un fin lettré. (Avis de l’auteur).
65Le Phare de la Loire, 16 juin 1855.
66Launay M., op. cit., p. 834. Archives diocésaines, boîte du Croisic.
67Ibid.
68ADLA, 124 J 31.
69Ibid., Rapport de Jean Sohier : « Dès que le consistoire a été avisé des manœuvres du clergé catholique romain, il s’est empressé d’agir en sens contraire auprès de l’administration. Mais il était trop tard ».
70ADLA, 124 J 42 ainsi que Réault J., op. cit., et Carluer J.-Y., « Querelle autour d’une tombe protestante : les enjeux, la symbolique et les conflits relatifs aux inhumations en Bretagne », in Benoist A. et Poton D. (dir.), Actes du colloque Catholiques et protestants dans l’Ouest, du xvie siècle à nos jours, Poitiers, GERHICO, Société des Antiquaires de l’Ouest, 2006, p. 341-359.
71Martin J.-C., La Vendée de la Mémoire, Paris, Perrin, 2019, 350 p.
72Chantin J.-P. et Moulinet D., La séparation de 1905 : les hommes et les lieux, Paris, Éditions de l’Atelier, « Patrimoine », 2005, p. 39.
73Gaillard A., Le cimetière du « Clos sur l’Eau », Saint-Sébastien, Les amis de Saint-Sébastien, janvier 2019, 18 p.
74Le pasteur Dejoux écrit dans le registre des sépultures : « Ensevelie dans l’endroit particulier destiné à l’inhumation de la famille Petitpierre situé dans leur maison, côté St-Sébastien, veuve d’Antoine Favre ». Et de commettre une erreur sans doute par manque d’information avec une famille en délicatesse avec les pasteurs : « Première inhumation au cimetière de St-Sébastien », ADLA, 124 J 30.
75Tombe 1 : Ferdinand Petitpierre : À la mémoire de Ferdinand Petitpierre né le 17 mars 1747, décédé le 16 octobre 1804 sa veuve et ses enfants. Le sage sait mourir, de loin il s’y prépare à l’aspect d’un tombeau son cœur n’est point troublé. Petitpierre fournit un exemple trop rare. Il traça de ses mains un asile sacré. Repose en paix ombre chérie n’entends point les sanglots de tes enfants en pleurs tu les as confiés aux soins de ton amie ! C’est en leur racontant tous les traits de ta vie qu’elle veut à la vertu former leurs jeunes cœurs Itératifs. Salut ; je compte vous revoir sous peu de jours : Amen. La tombe 9 : Céline Malin, née Barrat (1826-1852). Fille de Rose Petitpierre et d’Auguste Barrat, petite fille de Ferdinand Petitpierre. Décédée à l’âge de 26 ans. : « Dans sa trop courte carrière, elle fut un touchant modèle de toutes les vertus comme fille, comme épouse et comme mère. Sa vie toute entière fut marquée par une abnégation constante et absolue pour tous ceux qui l’entouraient. La mort la surprit au milieu des fatigues que son dévouement maternel venait de lui imposer ». Tombe 10, Ferdinand-Louis Petitpierre, fils aîné de Ferdinand Petitpierre (1787-1876). Sur sa tombe est gravé : Chevalier de la légion d’Honneur, Médaille de Sainte-Hélène. Tombe 16 : Édouard Rousseau : « À la mémoire d’un héros tombé glorieusement en combat aérien Croix de guerre. Citation : une blessure. Belgique 1914 La Marne Champagne 1914-1915 La Somme 1915 Chemin des Dames 1917 Les Flandres l’Aisne 1918 Décédé le 4 février 1918 ».
76Gaillard A., Un grand bienfaiteur nantais : Hippolyte-Marie Durand-Gasselin 1839-1929, inédit conservé aux ADLA, janvier 2015, p. 5.
77Dumas G. et al., « Retrouvailles », Premier numéro du petit journal des descendants de Julien-Joseph Durand-Gasselin, janvier 2017, document familial, p. 12. Ibid., « Progressivement le cimetière toujours “vivant” et accueillant, prit le nom usurpé de “cimetière Durand-Gasselin”. Y adjoindre le nom de Berthault serait une juste reconnaissance de son origine », p. 14.

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Les protestants et Nantes
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