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Chapitre I. La renaissance du protestantisme à Nantes et à Saint-Nazaire
p. 23-48
Texte intégral
1La présence de protestants est attestée à Nantes dès le xvie siècle. Et si le célèbre édit porte le nom de la ville, ce n’est pas en vertu du nombre de protestants qui y demeurent. C’est la résistance d’une ville catholique particulièrement méfiante à l’égard d’Henri IV qui vient en personne y imposer son autorité. Ce qui explique la signature de l’édit de Nantes, soigneusement cachée à la population, probablement le 30 avril 1598, jour de l’Ascension1. Car si « Paris vaut bien une messe », Nantes vaut bien le déplacement. La présence huguenote se développe surtout au siècle suivant avec les Hollandais qui occupent une place importante dans le négoce et les manufactures, notamment les raffineries de sucre. Le port est alors une plaque tournante économique de premier plan2. En 1685, à la suite de la révocation de l’édit de Nantes, la plupart d’entre eux choisissent l’exil et le retour au pays3.
2La surprise provient de l’océan qui est, indirectement, à l’origine du renouveau très discret du protestantisme. Les relations commerciales avec le nord de l’Europe s’intensifient à nouveau au xviiie siècle et les protestants nantais de la fin des xviiie et xixe siècles sont dans leur immense majorité d’origine étrangère. Allemands, Britanniques et principalement des Suisses composent la communauté. À partir des années 1760, nous les retrouvons à nouveau en affaires sur les quais de la Loire, bases de leur négoce en lien avec de vastes réseaux européens. Ils sont armateurs, négociants, industriels ou investis dans la confection des étoffes d’indiennes dont nous reparlerons plus longuement dans notre récit. Ce renouveau protestant c’est aussi l’histoire de Nantes et de son évolution portuaire au xixe siècle.
Combien sont-ils vraiment ?
3Sur le plan national, la carte de la population protestante française est très diversifiée. Les estimations les plus crédibles nous sont fournies par le recensement national de 1851 bien que celles-ci soient approximatives : 830 000 à 850 000 protestants soit 2,3 % de la population française4. À l’Est, la représentation protestante est importante en Alsace Moselle, en Sud-Est dans le département du Gard dont la ville de Nîmes compte 14 537 réformés en 1851, soit 26,8 % de la population. Dans d’autres départements français, leur importance varie : 13 protestants seulement dans les Landes alors que les départements des Deux-Sèvres et la Charente-Inférieure comptent plus de 10 % de protestants.
4En Loire-Inférieure, on est loin du compte. La population protestante ne dépasse pas quelques centaines de membres et n’atteint pas 1 % de la population de Nantes, ville du département où elle est principalement établie. Le recensement de 1851 comptabilise 494 protestants, 235 calvinistes, 148 luthériens et 111 anglicans, soit environ 0,10 % de la population départementale5. Ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes avec les articles organiques de la loi concordataire du 18 Germinal de l’an X (8 avril 1802) qui règlent l’exercice des cultes catholique et protestant6. Ces Articles organisent et donnent un statut public aux deux Églises protestantes, l’Église de la Confession d’Augsbourg (luthérienne) et l’Église réformée (calviniste). Un consistoire général et un directoire installés à Strasbourg sont chargés d’administrer l’Église de la Confession d’Augsbourg. L’Église réformée, composée d’églises consistoriales, est organisée selon le système presbytérien-synodal qui dispose de différents niveaux d’assemblées : la première, l’église locale : celle-ci ne reconnaît aucune autorité supérieure ecclésiastique. Elle élit ses délégués au synode provincial qui, à son tour, désigne ses représentants au synode national (ou général). Mais la loi du concordat ne tient pas compte de cette organisation. L’article 16 précise qu’il faut 6 000 âmes de la même confession pour constituer un consistoire.
5Des dérogations sont possibles pour obtenir des oratoires localement. L’enjeu n’est pas mince. Les articles définissent la prise en charge du traitement des pasteurs par les finances publiques, les procédures de nomination des ministres du culte, de gestion des édifices et des biens. Cependant, les réformés sont très disséminés et peu de communes ou de départements peuvent revendiquer le chiffre de 6 000 réformés. De plus les synodes ne peuvent s’assembler sans la permission du gouvernement et toutes les décisions qui émanent des synodes doivent être confirmées par l’État. Qui plus est, l’ordre du jour doit être soumis à l’approbation des autorités préfectorales qui assistent aux séances… L’Église réformée n’est plus, de facto, presbytéro-synodale mais s’apparente plus à une congrégation religieuse étroitement contrôlée pour ne pas dire surveillée.
Le consistoire de Nantes ou l’histoire d’un « pieux mensonge »
6Dans ces conditions, comment les protestants nantais ont-ils pu obtenir un consistoire ? Car de fait, il n’y a pas 6 000 protestants dans le département de Loire-Inférieure et encore moins à Nantes. Sur les registres conservés aux archives départementales, 201 âmes sont recensées en 1788. En 1811, le pasteur Dejoux remet une liste de 280 noms7. Entre-temps, le consistoire est pourtant créé. Comment ? Tout d’abord, les notables protestants indiquent au préfet que des centaines d’ouvriers protestants, travaillant dans les fabriques d’indiennes notamment, résident encore à Nantes en 1804. Un « pieux mensonge » pour obtenir la formation d’un consistoire8. Cependant, l’administration va faire preuve de souplesse quant à la délimitation des circonscriptions consistoriales. En effet, peu de consistoires atteignent localement le chiffre de 6 000 âmes exigé par la loi de Germinal.
7À Nantes, l’arrêté du Premier consul nomme Frederich Molles ministre du culte, le 10 thermidor an XI de la République (25 août 1803). Il prête serment le 7 vendémiaire an XII (29 septembre 1803) devant le préfet qui fait procéder à la formation du consistoire, et les chefs de familles protestantes de la ville et du département dans les locaux de la fabrique d’indiennes d’Auguste Pelloutier. Cette fabrique, mise à disposition pour le culte, était située sur l’île de Grande Biesse, à l’emplacement actuel de la rue Alexandre Fourny9. Ulrich Auguste, trésorier du consistoire, consul général du roi de Prusse pour toute la Bretagne, est l’homme incontournable dans la gestion du culte réformée. Il veille à la bonne marche financière de l’Église. Ainsi, veut-il supprimer le poste d’organiste tenu par un dénommé Legendre, « car il faut réduire les frais10 ». Il se reconvertit avec un succès fulgurant dans le négoce du sel et dans l’armement. Son influence de négociant et armateur auprès des plus hautes autorités est considérable : après la chute de Bonaparte, une garnison prussienne occupe la ville de Nantes du 12 au 24 septembre 1815. Les soldats sont logés en partie chez les particuliers. La qualité de consul de Prusse d’Ulrich Auguste lui donne facilement accès aux autorités militaires et il se sert de son influence pour diminuer les charges qui incombent aux habitants de la Ville. Cette occupation se gère en bonne intelligence entre les Nantais et les occupants qui font preuve de discrétion. Ce qui lui vaut d’être nommé chevalier de l’Aigle rouge par Frédéric-Guillaume III, roi de Prusse11.
8L’influent Pelloutier a probablement suggéré le choix de la ville de Nantes comme chef-lieu du consistoire alors que la Vendée compte bien plus de protestants et la Loire-inférieure moins de 1 000 officiellement, officieusement moins comme nous l’avons vu plus haut. L’astuce du préfet a consisté à une organisation officielle du consistoire de Nantes, commun aux protestants de Vendée et de Loire-Inférieure, avec trois pasteurs dont Pierre Dejoux est le président suite à la démission du pasteur Molles.
9C’est l’apport de la Vendée qui permet de créer le consistoire : elle dénombre officiellement 3 287 protestants selon les chiffres communiqués par le pasteur Wilson de Pouzauges. En 1817, sous Louis XVIII, le consistoire doit renouveler l’évaluation du nombre de protestants nantais à la demande du préfet. À nouveau, la calculette s’emballe : « sans exagération, cette population pourrait être portée de 4 000 à 4 200 protestants […] En 1790, le nombre s’élevait à 7 000 individus », rapporte le procès-verbal du consistoire12.
10En 1910, le conseil presbytéral comptabilisera 1 100 protestants dont 35 à Saint-Nazaire et 48 disséminés à Paimbœuf, Pornic, Préfailles et le reste du département13. Lors de nos recherches, nous avons étudié les parcours familiaux des protestants en Loire-Inférieure (Loire-Atlantique aujourd’hui) ainsi que leurs origines et communes d’implantations. Nous avons alors constaté que de nombreux lieux sont marqués par leurs trajectoires et investissements personnels. En croisant l’ensemble des registres de l’église réformée de Nantes, nous chiffrons la communauté protestante nantaise annuelle moyenne de 650 à 950 âmes entre 1804 et 1904. Lors du recensement de 1861, le chiffre est en baisse par rapport à celui de 1851 : 403 protestants, dont 315 pour l’arrondissement de Nantes soit 0,28 % de la population nantaise14. Au recensement de 1866, le récapitulatif départemental indique 686 protestants dont 611 à Nantes, soit 0,52 %15. Chiffre proportionnellement inchangé à ce jour pour les luthéro-réformés16. Dans le même temps, la population nantaise est passée de 77 000 habitants en 1800 à près de 132 000 habitants en 1900.
11La communauté protestante représente donc moins de 1 % de la population nantaise, d’autant plus que le périmètre d’action du temple nantais dépasse très largement le cadre de la ville, allant même au-delà de la Loire Atlantique, avec des incursions en Bretagne et dans d’autres départements de l’actuelle région administrative des Pays de Loire. À Saint-Nazaire à la fin du xixe siècle, en croisant les registres et en ôtant les sépultures de marins étrangers, le nombre de protestants ne dépasse guère les 0,20 % de la population nazairienne (30 000 habitants environ en 1899).
12Son influence dans la vie économique et politique n’en est que plus remarquable. Qu’une telle minorité, que nous pourrions qualifier de groupusculaire, ait pu tenir des postes clés de la ville et du négoce portuaire traduit un sens peu commun de l’anticipation des affaires, d’une stratégie patente en politique et d’une réelle aptitude à exercer de hautes responsabilités. Par comparaison, nous sommes loin de la population protestante de Bordeaux dont le consistoire comptabilise 8 400 personnes en 1881, mais comme l’indique Séverine Pacteau de Luze, « sans aucune justification, plus vraisemblablement 5 000 à 6 000 personnes, moins de 2 % de la population17 ». Cependant, cela demeure un pourcentage plus élevé que pour l’ensemble de Nantes et de Saint-Nazaire.
13Sur les registres de la fin du xviiie siècle, la communauté évaluée à 200 âmes est très majoritairement constituée de négociants, d’armateurs et d’ouvriers étrangers employés dans les fabriques d’indiennes. Soit 75 % d’origine étrangère dont 34 % de Suisses et 19 % d’Allemands. Après le rétablissement du culte cette proportion baisse très sensiblement : sur 400 âmes recensées, les étrangers sont devenus minoritaires (certes de peu, à 47 %). Ils ne se renouvellent pas dans le temps. Et 57 % des décès dans les registres des années 1840 sont d’origine étrangère. Enfin, le registre des mariages montre un mélange de nationalités. Nous retrouvons majoritairement des Suisses, des Allemands et des Britanniques.
14En premier lieu, les Suisses forment de loin le premier contingent étranger, soit 58 % avec une certaine particularité : ils affichent la profession de « pâtissiers-cuisiniers » et proviennent essentiellement du pays des Grisons. Finck, Giacommety, Jacoby ont régalé les tables nantaises jusqu’au milieu du xxe siècle. Cette présence de Grisons est aussi attestée à Brest dès la fin de l’Ancien Régime mais aussi à Quimper, Redon, Rennes et en Normandie. Bordeaux compte aussi un contingent suisse protestant, pâtissiers également de profession ou imprimeur d’indiennes. Les Suisses sont aussi signalés dans la métallurgie en pleine expansion sur les rives de la Loire. Un contingent forme les ouvriers de la navale nazairienne et dans le secteur de la chaudronnerie, la famille Violon – des Grisons – principalement et les You que nous retrouvons dans les registres tardifs de Saint-Nazaire ou à l’arsenal d’Indret. Les îles Britanniques fournissent le second contingent étranger, soit 38 %. Puis les Allemands, 29 %.
15Pour la partie française, nous avons aussi pu déterminer l’origine géographique des époux sur la période de la centaine d’années étudiées (1804-1904) : il s’avère que près de 80 % des époux sont d’origine française et 18 % d’origine étrangère. 2 % seulement sont d’origine inconnue. Soit 72 départements actuels. Le nombre de protestants baptisés d’origine étrangère est faible à la fin du siècle. Mais ils sont très nettement majoritaires jusque dans les années 1830. Ainsi, le registre des baptêmes 1805-1818 : sur les 91 baptisés dans la période, nous en comptons 28 d’origine française (30,8 %) et 63 d’origine étrangère (69,2 %). Les Suisses représentent 15 %18. Autrement dit, le protestantisme endogène ne devient majoritaire qu’à partir du milieu du xixe siècle.
16Enfin, 87 % des entrées issues des registres BMS de Nantes sont situées dans des communes de l’estuaire de la Loire (Nantes, Chantenay, Paimbœuf, Indre, Rezé, Saint-Sébastien-sur-Loire, Saint-Jean-de-Boiseau, Couëron, Saint-Nazaire). Nantes, comme Bordeaux, confirme l’attraction qu’exerce son port mais ce sont les étrangers qui forment le socle protestant du négoce. Lorsque nous retenons la cinquantaine de familles significatives issues de la bourgeoisie protestante nantaise et régulièrement inventoriées dans les registres tout au long du xixe siècle, nous constatons qu’elles sont étroitement liées au négoce portuaire nantais soit directement ou par alliance. De nombreux pasteurs sont aussi issus de ces familles et les alliances entre protestants s’amplifient tout au long du xixe siècle à la fois dans la même catégorie sociale et au sein des mêmes familles.
La question de la Vendée
17L’histoire protestante de la Vendée est assez peu connue. Contrairement aux préjugés, la Vendée est une terre protestante où s’élevaient 22 églises au xvie siècle19. Au début du xixe siècle, il n’en reste presque plus rien. Les dragonnades, la Révolution et la guerre civile eurent raison de la majorité de celles et ceux professant la religion réformée. Une partie du Bocage délimitée par les communes de Pouzauges, Mouchamps, Chantonnay et Bazoges résista grâce à la ténacité de quelques familles. Des assemblées du Désert (les cultes clandestins) se tinrent ici ou là non sans risque. On estime qu’au début du xixe siècle, la population réformée a diminué encore d’un tiers lors de la guerre civile qui ravagea la Vendée à la fin du xviiie siècle. Les protestants sont en majorité du côté des bleus et sont victimes des meurtres et des pillages. Les exodes massifs et les souffrances endurées font de la période révolutionnaire l’une des plus tragiques des protestants vendéens, en particulier du bocage. Lors du rétablissement du culte, tout portait à croire à la naissance d’une Église consistoriale mais le gouvernement préférait voir le consistoire sous contrôle des familles négociantes nantaises plutôt que sous celles vivant en milieu rural et plutôt républicain, notamment dans le sud de la Vendée20.
18C’est à ce moment qu’apparaît le pasteur Jean Wilson à Pouzauges, nommé par arrêté du 28 août 1806. Il occupe plus tard une place prépondérante à Nantes. Son parcours mérite ici d’être rappelé. Il est notamment recommandé par le pasteur Jean-Scipion Sabonadière, à la fois pasteur de l’Église anglicane à Caen et président du consistoire du Calvados. Cette proximité anglophone explique-t-elle les liens étroits entre les Sabonadière et le pasteur Wilson ? Cette accointance avec la langue anglaise explique-t-elle la venue plus tard de Wilson auprès de Thomas I Dobrée, anglophone de naissance et membre influent du consistoire à Nantes ? Son fils Alfred, pasteur également, se marie avec Sophie Durand originaire de Guernesey tout comme la famille Dobrée. Il est très probable que les familles se connaissent. Jean Feuilleteau-Wilson naît le 2 décembre 1758 à Saint-Christophe dans les Antilles anglaises. Son père est juge et sa mère Marie Feuilleteau est française d’origine bordelaise. Juriste de langue britannique formé à Londres et passé par l’université de Lausanne, il est ordonné à Paris le 2 décembre 1805. Il épouse une Nîmoise, Louise-Julie Sabonadière, sœur de Jean-Scipion21. Il a probablement rencontré Sabonadière à Londres quand celui-ci était pasteur et lecteur de la chapelle de Sa Majesté britannique où il était réfugié à partir de 1772 avant d’être nommé à Caen de 1803 à 1815.
19L’histoire de Jean-Scipion Sabonadière est pour le moins troublante. En, 1793 il quitte l’Angleterre précipitamment et joue à Paris un rôle actif au point d’être envoyé en mission en l’an II. Il est un révolutionnaire et un Montagnard convaincu. Cependant il est arrêté à Paris et libéré par arrêté du Comité de Sûreté générale en 1794 comme mêlé à quelque obscure conspiration religieuse22. Il se retrouve sous le Directoire chef des bureaux du commerce et approvisionnements au Comité de Salut Public. Sabonadière a-t-il fait venir son beau-frère à Paris et lui a-t-il trouvé une fonction dans l’importante responsabilité du ravitaillement de Paris qui était la sienne ? Il croise Jean Loyau, docteur en médecine de Bazoges-en-Pareds, le restaurateur de l’Église réformée en Vendée et membre du Conseil des Cinq-Cents en 1795. Loyau fait sans doute le lien entre Sabonadière et la venue de Wilson à Pouzauges. Quel a été le rôle de Wilson durant la Révolution ou sous le directoire ? À ce jour, nous n’avons pas de réponse… Quant à Sabonadière, son ministère pastoral occupé par la suite lui a peut-être permis d’esquiver son passé et de se racheter une image un peu plus tempérante. Sans Loyau, Wilson ne serait sans doute jamais venu en Vendée où il occupe son ministère jusqu’en 1816 avant d’être nommé à Nantes. Enfin, la réorganisation de l’Église conduit à la création d’un consistoire indépendant de la Vendée par ordonnance royale du 28 juin 1833. Son nombre est estimé à 4 650 membres. Le pasteur Jean-René Germain reçoit la présidence du consistoire et dessert Pouzauges. Tandis que le Pasteur Jean-Benjamin Gautier dessert le sud-Vendée23. Le premier appartient à la tendance évangélique de son époque, le second est libéral et Franc-Maçon. Un exemple de la diversité et de la vitalité des réformés en Vendée. Deux courants qui s’opposeront comme nous le verrons plus loin.
Nantes : un temple urbain
20Nantes va accueillir différents pasteurs nommés à partir des articles organiques : Frédéric Molles 1802-1805 et qui se convertit au catholicisme. Nous pouvons aussi citer Pierre Dejoux 1805-1815, Jean Wilson 1816-1832, Louis-César Rosselet 1832-1847, Benjamin Vaurigaud 1844-1880 et chef de file du courant orthodoxe, Jean Sohier 1847-1874, Abel Rouffineau 1880-1885, Henri Fargues 1874-1897, Jean Dartigue-Peyron (ou Peyrou) 1885-1909, Samuel Diény 1897-190124.
21Même s’il n’entre pas dans le cadre des Articles organiques, il convient d’ajouter la présence tolérée à Nantes du pasteur Jacques Barré à partir de 1776 qui occupa un ministère en lien avec les marins du nord. Nous rajoutons celles de Gustave Dombre qui joua un rôle important durant les premières années de la Première Guerre mondiale aux côtés d’Héliodore Jospin premier pasteur titulaire de Saint-Nazaire de 1906 à 1920. Ces pasteurs majoritairement de tendance évangélique (ou orthodoxe) ont en commun de n’être aucunement issus du milieu maritime ou portuaire. Autre similitude : beaucoup d’entre eux entrent en conflit avec la paroisse nantaise et sont contraints de démissionner.
22Le premier temple nantais fut la chapelle des Carmélites (l’actuelle salle de cinéma « Le cinématographe ») désaffectée sous la Révolution et accordée aux protestants le 1er décembre 1804 en vertu des articles organiques. Mais le poids croissant de la communauté protestante au xixe siècle conduit cependant à la construction d’un nouveau temple. La ville et la préfecture donnèrent leur accord pour une construction place Gigant. Conçu par Henri-Théodore Driollet architecte en chef de la ville de Nantes, l’édifice, de style néo roman entouré de deux tours carrées, disposait de deux salles consistoriales, d’un vestibule à l’entrée et d’une vaste salle octogonale pour le culte sous une verrière en pavillon25.
23Le temple est inauguré le 28 mars 1855 en présence de Charles Read, haut-fonctionnaire, lui-même protestant et ami du pasteur Vaurigaud, du maire protestant, Ferdinand Favre, de l’État et naturellement sans représentant de l’Église catholique. Ce bâtiment à l’allure de cathédrale est malheureusement entièrement détruit lors des terribles bombardements du 23 septembre 1943. Les mesures d’alignement prévues rue de Gigant empêchent sa reconstruction au même endroit, son souvenir étant préservé par la dénomination de la place de l’édit de Nantes. Des baraquements remplacent temporairement le temple, place Édouard Normand, sur le site de l’ancien Théâtre de la Renaissance, détruit par un incendie en 1912. À partir de 1951, le pasteur Louis Matiffa porte le projet de reconstruction, épaulé par l’architecte protestante Victoire Durand-Gasselin. Celle-ci réussit, malgré un budget limité, à construire entre 1956 et 1958 un édifice monumental doté d’un balcon dominant un volume spacieux pouvant accueillir 400 fidèles. Seule la grille intérieure et les tables mémorielles de la guerre 14-18 de l’ancien temple furent récupérées et placées dans le nouvel édifice.
Saint-Nazaire : un temple maritime et portuaire
24Lorsqu’en 1861, la maison écossaise John Scott et Cie de Greenock s’installe à Saint-Nazaire pour fonder le premier chantier de construction navale de paquebots, les protestants résidents dans la ville ne sont pas encore identifiés ni organisés. En revanche, la communauté britannique protestante se fait connaître un peu plus en amont sur l’estuaire de la Loire, notamment à Basse-Indre et à Paimbœuf sur la rive sud.
25Des établissements métallurgiques prennent leur essor sur les rives de la Loire dès le début du xixe siècle sous l’impulsion de l’industriel protestant Thomas I Dobrée. Lorsqu’il relance les forges à Basse-Indre, des familles britanniques s’y installent. Elles sont spécialisées dans la fabrique de clous, de doublages en cuivre et de canons. Alors qu’en 1819, le maire de Basse-Indre déclarait au préfet que nul protestant ne résidait dans sa commune, un culte protestant est officiellement déclaré le 14 juin 1825 dans l’enceinte de l’entreprise de John Thomas. Son associé britannique, Andrew Pope, assure lui-même le prêche en anglais26. Philippe Gengembre, dont nous reparlerons plus longuement, directeur de l’usine d’Indret, est lui-même protestant. Indépendamment des Anglais, une famille suisse de chaudronniers originaire du canton de Vaud s’installe dans les années 1840 à Basse-Indre et dans les environs : la famille Violon, un des futurs piliers réformés nazairiens. Le 31 octobre 1847, le pasteur Vaurigaud instaure un culte bimensuel en alternance avec Paimbœuf. Le culte est en français et au rite réformé, malgré une forte présenceî britannique composée de 36 personnes dont 19 enfants27.
26À Paimbœuf, la communauté protestante est clairement identifiée dont la famille suisse Voruz, installée depuis 1790 qui dirige une fabrique de clous de doublage en cuivre et de canons pour la marine28. Des protestants résident également à Saint-Jean-de-Boiseau, Couëron, ou bien encore à Frossay. Mais avec le dépérissement du port de Paimbœuf au bénéfice de Saint-Nazaire, les activités industrielles se déplacent sur la rive nord de l’estuaire et la domiciliation des protestants dans ces communes disparaissent de tous les registres dès 1830. La principale raison ? Les navires étrangers n’accostent plus sur les quais désertés de Paimbœuf et les Voruz ont choisi Nantes pour port d’attache.
27La première mention de Saint-Nazaire dans les registres protestants de Loire-Atlantique concerne un très jeune marin âgé de quinze ans et demi qui décède brutalement en 1857 dans le bassin de Saint-Nazaire en chutant d’un trois-mâts. Danois, fils d’un pasteur protestant au lieu-dit de Kallunborg, l’infortuné marin Jacobsen est inhumé à Nantes. C’est le début d’une longue liste de capitaines, de matelots parfois très jeunes qui viennent mourir dans le bassin de Saint-Nazaire : par noyade, par accident ou de maladie.
28Le premier baptême à Saint-Nazaire a lieu le 14 juillet 186129. L’enfant Charles Henri Gobellecker, fils de Henri et Frédérica, née Smith, est baptisé par le pasteur Sohier. Ses parents, d’origine britannique, sont probablement des ouvriers venus à Saint-Nazaire dans le cadre des chantiers Scott. La renaissance du protestantisme à Saint-Nazaire peut-elle être ainsi être datée au 14 juillet 1861 ? Par ailleurs, les parrains de l’enfant sont Amélie Kauffmann et le chaudronnier suisse Henri Violon. Notons ce curieux clin d’œil de l’histoire : le premier lieu de culte a lieu en 1862 dans les locaux de la Compagnie Générale Transatlantique qui fit les grandes heures de Saint-Nazaire jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
29De 1863 à la construction du temple de Saint-Nazaire en 1898, les protestants de cette ville connaissent bien des difficultés pour organiser le culte. Pendant les premières années, Johannes Zelling en est l’animateur. Son père est le vice-consul d’Allemagne à Saint-Nazaire. Les pasteurs Sohier, Vaurigaud et Fargues sont très soucieux de cette petite communauté. Par tous les temps, ils prennent le train ou descendent la Loire en bateau à vapeur pour célébrer les cultes ou présider les obsèques dans des lieux où les loyers ne sont pas toujours payés à temps. Les lettres adressées aux pasteurs afin de solliciter une aide financière sont régulières et nombreuses. Elles posent parfois même aux responsables quelques soucis familiaux comme l’avoue un paroissien anonyme : « Vous allez dire que je viens toujours vous tourmenter mais je ne puis m’adresser qu’à vous pour cette chose-là. […] Je viens donc vous prier de bien vouloir m’envoyer les 100 Francs […]. » Le même « tapeur », dans un second courrier, explique qu’il a fait l’avance du loyer, « en cachette de ma femme […]. Je ne veux pas qu’elle le sache afin de m’éviter d’être grondé (!)30 ».
30Si cette anecdote prête à sourire, elle est pourtant le reflet des petites misères et de la malchance des protestants nazairiens. Les loyers sont tour à tour trop chers, ou bien les propriétaires des locaux sont particulièrement indélicats. Deux plaintes sont déposées en 1877 et en 1881 pour violation du lieu de culte. Les propriétaires peu scrupuleux sous-louaient en semaine les lieux à des organisateurs de bals ou à des péripatéticiennes31. Manque d’argent, dépendance auprès d’autrui, ennuis de toutes sortes incitent les protestants de Saint-Nazaire à demander un temple au consistoire dès les années 1870. La solidarité nantaise est exemplaire. De nombreuses quêtes et des dons sont récoltés afin d’aider les protestants de l’estuaire. Le pasteur Fargues rédige un mémoire qui est adressé au ministre des cultes. Il fait référence à cette pétition et aux « désagréments de toute nature » suscités par les lieux de culte sans compter le refus très net de la municipalité de contribuer à la construction du temple comme la loi d’avant 1905 l’y oblige, sous prétexte que la loi n’était pas intervenue dans la construction des églises catholiques de la commune. Pourtant, le secrétaire général de la ville Louis Varenne, lui-même prosélyte protestant, est favorable à la construction du temple et entre en conflit avec le maire Auguste Désanges. Varenne comptabilise 188 personnes, 41 familles soit 123 personnes, 65 personnes de passage (étrangers, passants ou « baigneurs »). Il chiffre le nombre de marins protestants faisant escale à Saint-Nazaire au nombre de 1 19532. Varenne est donc particulièrement optimiste. Son calcul est le suivant : avec la construction des forges de Trignac, avec la livraison des bassins de Penhoët et l’arrivée de la population, il faut un temple capable d’accueillir 300 personnes, d’où un plan pressenti dans ce sens. L’optimisme de Varenne est fondé puisque le consulat britannique à Saint-Nazaire faisait état de l’arrivée de 7 042 marins britanniques en 1880 et de 4 350 en 1881. Face à ces perspectives alléchantes d’un accroissement vraisemblable du nombre de protestants à Saint-Nazaire à court terme, la décision de construire un temple est prise par le consistoire dès 1882.
31Le président du conseil presbytéral, Hippolyte Durand-Gasselin demande à son frère Georges, architecte, d’établir les plans. Après bien des péripéties, le temple est inauguré rue de Cran (actuelle rue Jean Jaurès), le 1er octobre 1898. Les protestants de Saint-Nazaire bénéficient d’un temple de 200 places grâce aux souscriptions locales et étrangères ainsi qu’à la subvention de l’État et du prêt contracté sans intérêt. La souscription nantaise représente plus de 44 % des dons. C’est la fin d’un siècle qui inaugure ce lieu de culte au moment où le tricentenaire de l’édit de Nantes est célébré dans la ville qui lui a donné son nom. À l’instar du temple de Nantes, il est totalement détruit lors des bombardements du 16 février 1943.
Les protestants nantais et la traite atlantique
32Du xviie au xviiie siècles, Nantes se situe parmi les premiers ports français et la part de la traite nantaise sur le trafic négrier français dépasse les 40 %. De notre enfance nantaise à l’âge adulte, il était dit que tout le monde avait participé à la traite négrière à Nantes, à l’exception… des protestants. En vérité, comme le souligne Olivier Grenouilleau, « c’est une vieille lune33 ». Car le tabou nantais relatif à la traite négrière n’a pas épargné les protestants nantais. Et force est de constater qu’un nombre significatif de négociants et d’armateurs protestants européens du xviiie et du début du xixe siècle, avant de devenir « Amis des Noirs » et abolitionnistes, ont pris part aux activités des négriers34. À Nantes en particulier.
La traite négrière : un phénomène mondial
33L’image nantaise a occulté la réalité du trafic négrier mondial, phénomène généralisé et millénaire. En effet, la conquête romaine s’accommode parfaitement de l’esclavage que l’Afrique connaît depuis toujours : l’Afrique de l’Est, dont l’Égypte ancienne et la Nubie, pratique l’esclavagisme. À partir de 1500, un immense territoire que l’on nommera « Brasil » est conquis par le Portugal. En 1580, la couronne portugaise se retrouve sans successeur et s’unit pour un temps avec l’Espagne qui, à son tour, s’empare d’une partie substantielle de l’Amérique du sud en demande de main-d’œuvre. Au sein de l’Europe que nous pourrions qualifier de « négrière », les Portugais se distinguent. Ils déracinent près de 750 000 esclaves, soit les trois quarts des déportés sur cette période. Trois déportés sur quatre embarqués en Afrique centrale sont envoyés au Brésil. De 1501 à 1800, plus de 3 millions d’esclaves sont déportés par les Portugais.
34Par ailleurs, la Réforme protestante libère certains états européens de l’autorité morale du pape comme la Grande-Bretagne et la Hollande, nations maritimes qui participent largement à la traite négrière. La Hollande gagne son indépendance, détruit la flotte espagnole en 1588 en Manche et mer du Nord35… et prend ses quartiers en Afrique de l’Ouest dès 1612. La Grande-Bretagne n’est pas en reste : c’est ainsi que Liverpool détient le triste privilège d’être le plus grand port négrier du monde (4 894 expéditions) suivi de Londres (2 704) et de Bristol (2 064)36. La « qualité protestante » ne confère donc pas de vertu d’altruisme dans le négoce international. La traite des Noirs organisée par les puissances européennes devient une réalité. Comme le révèle Olivier Grenouilleau, si on effectue un comptage morbide de la traite négrière, les nations catholiques représentent 57 % des millions de déportés. « Mais débutant quasiment un siècle après les Ibériques, Angleterre et Provinces Unies arrivent à plus de 42 % […]. Les origines sont catholiques (ibériques). La dynamique est protestante (anglaise et néerlandaise)37. »
3517 ports français participent à 4 220 expéditions négrières entre le xviie et le milieu du xixe siècle. Nantes, au départ du quai de la Fosse, fut le principal port négrier français. Plus de 1 700 expéditions y furent armées, soit 43 % de la traite française et environ 550 000 déportés. Mais d’autres ports contribuèrent largement au trafic : Le Havre (451 expéditions), La Rochelle (448) et Bordeaux (419). Il y eut aussi Saint-Malo (218), Lorient (137), Honfleur (134), Marseille (88), Dunkerque (41), Rochefort (20), Vannes (10), Bayonne (9), et même Brest (7)38.
36Les liens entre le protestantisme et la traite ont été abordés mais souvent de manière linéaire. Beaucoup d’ouvrages abordent cette question sans mettre en avant le réel fil conducteur d’ordre économique39. En effet, la traite négrière s’opéra sans distinction de confession jusqu’au milieu du xviiie siècle. L’Angleterre anglicane revendique plus de deux millions de déportés entre 1550 et 1750. Nantes, Bordeaux et surtout La Rochelle dénombrent des négociants et armateurs protestants directement liés à ce trafic et dont l’activité est largement soutenue par des plans de financement suisses40. Contrairement aux idées reçues, les marchandises produites pour la traite ne sont pas que des « objets de pacotille » : les textiles qui représentent 60 % des produits sont créateurs d’emplois sur l’archipel des îles nantaises. Il en va de même pour l’armement, l’alcool, des pièces de production (bassines, chaudrons, barres de cuivre). À cela, il faut rajouter environ 15 000 navires construits pour la traite dont 3 000 sous pavillon français qui employèrent près d’un demi-million de marins sur une période de trois siècles. Sur les quais, en « arrière-plan », le commerce du bois, les chantiers navals, les assureurs, les négociants… D’un point de vue économique, ce sont des centaines de milliers de personnes qui vivent directement ou indirectement de la traite. Et notamment à Nantes et dans sa région.
Les indiennes
37La richesse des grandes familles protestantes de Nantes au xviiie siècle repose sur deux activités : le négoce et la fabrication des indiennes. Ces étoffes imprimées, en référence à leur importation initiale des comptoirs des Indes, exigent une parfaite maîtrise de confection. Sous le règne de Louis XVI, la mode est aux « indiennes » ou « Toiles de Jouy ». Elles recouvrent lits, fauteuils ou se déclinent en rideaux. Pour répondre à une forte demande, les centres d’impression d’indiennes vont se développer près des villes portuaires mais aussi dans l’Est de la France.
38L’examen des débouchés de marchandises du port de Nantes au milieu du xviiie siècle montre la prédominance sans conteste des toiles indiennes à destination première pour la traite41. À la tête des fabriques nantaises, des protestants suisses essentiellement : les Pelloutier alliés aux Bourcard (Burckhardt), Gorgerat, Favre-Petitpierre qui s’installent sur l’île de Vertais (actuel quartier Mangin), Favre, Rother, ou bien encore Simon, un Suisse de langue alémanique originaire de Saint-Gall. On peut aussi ajouter Louis Henry Roques, fils d’un pasteur de Hanovre et Volker un Néerlandais, mais aussi les Langevin, seule famille catholique nantaise ayant réussi dans cette activité grâce à l’apport d’ouvriers allemands et suisses.
39Les indienneurs s’installent principalement sur les îles traversées par la ligne de ponts (îles de Biesse, Grande Biesse, Vertais…) et qui forment aujourd’hui avec d’autres, l’île de Nantes. La proximité d’eau en abondance permet de laver les toiles en coton brut avant de les étendre sur les prés des îles pour les faire sécher plus facilement avant et après leur impression. Ainsi, Nantes est le troisième centre français d’indiennes derrière Rouen et la fameuse fabrique d’Oberkampf à Jouy en Josas dans la région parisienne. On estime que les neuf fabriques nantaises emploient environ 4 000 ouvriers à la veille de la Révolution Française soit 45 % des ouvriers nantais et représentent 40 % du négoce portuaire nantais42. Quant aux capitaux, la finance suisse et genevoise accorde son soutien en priorité aux armateurs protestants et des alliances commerciales se nouent naturellement entre familles protestantes43. Comme le souligne parfaitement l’historienne Céline Cousquer, « les protestants à Nantes ont su dominer la fabrication des indiennes et réaliser une véritable concentration horizontale44 ».
40La Révolution française ruine, un temps, les fabriques et beaucoup ne s’en relèveront pas. Cependant, le 20 mai 1802, Napoléon Ier rétablit juridiquement l’esclavage. Ce prospectus daté du 18 mars 1803 ne laisse aucun doute quant à la nature de l’offre de service de la compagnie Favre-Petitpierre & Cie, « soit pour le commerce de la traite des Noirs, ou pour celui des colonies45 ». L’exclusivité du commerce colonial fonde toujours la stratégie des armateurs nantais et la première abolition de la traite négrière n’a en rien modifié les mentalités. Le rétablissement de l’esclavage et de la traite en 1802 ravive l’époque « faste » d’avant la Révolution française dans les ports français, une activité retrouvée tant dans la navale, l’industrie naissante que dans l’agriculture. La réclame de Favre-Petitpierre & Cie à destination de la traite négrière n’est pas une première. Dans un courrier du 14 août 1766, l’indienneur Langevin avait précisé que ses toiles y étaient destinées et qu’il en a fait fabriquer 1 500 pièces à cette fin. On finit même par désigner un captif, « Nègre pièce d’Inde », c’est-à-dire une référence comptable à un homme d’environ vingt-cinq/trente ans, grand, robuste et en « parfait état », en échange des indiennes46…
La traite illégale
41L’écoulement des indiennes de traite perdure jusqu’à ce que Napoléon publie le 29 mars 1815, lors des Cent-jours, un décret fixant en article Ier que « la traite des noirs est abolie » et prévoyant une peine de confiscation du bâtiment et de sa cargaison. Par ailleurs, le congrès de Vienne, conférence des représentants diplomatiques des grandes puissances européennes qui se tient à Vienne du 18 septembre 1814 au 9 juin 1815, décide d’abolir la traite mais pas l’esclavagisme. Le 30 juillet suivant, Louis XVIII, de retour au pouvoir, s’engage à l’abolition immédiate de la traite auprès de l’ambassadeur de Grande-Bretagne. C’est la consternation chez les armateurs qui supplient le roi au nom d’« une branche de commerce dont le besoin est si bien ressenti dans nos colonies et dont la cause est si bonne et si juste ». Le 23 août 1815, le ministère de la Marine ordonne « qu’il ne sorte des ports […] aucun navire destiné à la traite des nègres47 ». Pourtant, les navires sortent toujours… car la traite n’est pas même un délit dans le cadre d’une loi promulguée à ce sujet le 15 avril 1818. Simple contravention, la loi se borne à retirer à l’auteur connu de ces crimes l’autorisation d’en commettre de nouveaux. Et comme le rappelle Serge Daget, « en tout cas, la loi française est infiniment moins sévère pour le trafic d’hommes que pour l’incendie d’une meule de paille ou le vol d’un pain. Au total, c’est un simulacre ». Entre 1815 et 1833, on ne suspecte pas moins de 353 bateaux de traite illégale au départ du port de Nantes. La traite n’était pas toujours avantageuse, mais elle soutenait l’activité de multiples manufactures et négoces locaux en difficulté. Ce qui était bien le cas des indienneurs protestants. C’est pourquoi la traite illégale nantaise a persisté en attendant des jours meilleurs où d’autres activités plus rentables viendraient se substituer à ce commerce immoral.
42L’expédition de la Bonne-Mère, avec à son bord des indiennes à destination du marché africain, en est un parfait exemple. Des protestants ont bien pris part à cette aventure en 1815. L’appareillage du navire date de février 1815 et est donc antérieur de très peu à l’abolition de la traite promulguée le 30 mars de la même année par Napoléon durant les Cent jours. Le premier protestant qui y prend part se nomme Michel-François Van Neunen qui acquiert, avec un autre armateur non protestant, François Sallentin, La Bonne-Mère le 10 juin 181448. La famille Van Neunen, marchands d’Ostende, s’installe à Nantes vers 1720. Elle signe d’ailleurs une pétition pour la sauvegarde des colonies le 18 janvier 1792. Les Van Neunen sont impliqués tant dans la vie municipale qu’au tribunal de commerce. Leurs activités s’élargissent aux affaires d’armement et d’assurance. Leur fortune est évaluée à deux cent mille livres ce qui les place, en 1812, parmi les cent premiers contribuables de Nantes. Dans le même temps, son ami Henry Rossel, autre armateur et assureur protestant, adjoint au maire de Nantes, arme le navire négrier le Cultivateur avec le soutien de Christophe Bourcard (ou Burckhardt)49. Il est probable que les trois fabriques d’indiennes rescapées de la ruine, en l’occurrence Favre-Petitpierre, Gorgerat et Forestier, aient été en partie fournisseurs des cargaisons. Le 3 janvier 1815, dans la Feuille commerciale et judiciaire de Nantes, Favre-Petitpierre & Cie, comme en 1803, « préviennent messieurs les armateurs pour la traite et les colonies, que leurs ateliers étant en activité, ils fabriquent et fournissent toutes les marchandises pour la traite des Noirs comme les indiennes, liménéas, mouchoirs […]50 ».
Le cas Bourcard et le « protestant » Lauriol
43L’exemple de Christophe Bourcard est édifiant : il est très heureux d’apprendre l’abolition britannique de la traite en 1807. Non pour des motifs moraux mais parce que la concurrence anglaise est ainsi entravée. De son vrai nom Christoph Burckhardt, installé en 1789 à Nantes, il fonde Christophe Bourcard Fils & Cie (BFC). En Suisse, il possédait sa propre compagnie commerciale, étroitement liée à celle de son père investi dans le commerce des marchandises coloniales. Comme le signale Édouard Delobette, « à Nantes, l’immigration allemande et suisse (l’armateur Bourcard, l’indienneur Petitpierre par exemple) draine les capitaux des cantons helvètes vers les armements négriers soit par le biais de l’intéressement en participation des manufacturiers aux cargaisons et expéditions, soit par le crédit consenti sur les achats de marchandises de traite aux ports de mer51 ».
44Un de ses premiers investissements majeurs en 1792 fut l’expédition du navire L’Intrépide, auquel il prit part en investissant la somme colossale de 194 000 livres, la valeur d’une maison seigneuriale au centre de Paris. En raison de facteurs politiques, économiques et météorologiques, l’entreprise subit un désastre humanitaire mais aussi financier. Non seulement des dizaines d’esclaves meurent pendant la traversée entre la côte ouest-africaine et les Caraïbes, mais la Révolution française, qui interdit temporairement l’esclavage, ruine également la compagnie. Ce n’est que grâce au soutien financier de son père que Bourcard évite la faillite de BFC. L’avènement de Bonaparte et le rétablissement de la traite, le remet pourtant en selle. Mais en 1815, après l’arraisonnement de ces navires Le Cultivateur et La Petite Louise par la marine britannique, Christophe Bourcard, dont l’entreprise commerciale souffrait depuis longtemps de problèmes de trésorerie, cherche désespérément à éponger ses dettes. Dans une lettre d’adieu adressée à ses proches de Bâle, le 26 septembre 1815, il admet sa maladresse commerciale (mais non ses regrets dans le trafic négrier) avant de se suicider à Nantes près de quatre semaines plus tard52. Le Pasteur Dejoux déclare le décès en mairie le 20 octobre 181553.
45Bourcard n’est malheureusement pas le seul de confession réformée à s’être « fourvoyé ». Nous pouvons citer le suisse balois Jean Riedy connu sous la raison sociale Riedy & Thurninger qui arme 10 navires négriers entre 1783 et 178954. Les navires nantais au long cours soupçonnables de trafic illégal jusqu’en 1833, ont toujours à leur bord des indiennes probablement issues des fabriques Favre-Petitpierre55. Ainsi Ulrich Pelloutier père et fils qui, en 1818, affrètent la Circée, à l’inscription maritime de Nantes vers une destination fantaisiste, celle des « Indes Orientales ». Ce navire à la culpabilité avérée est signalé en Guadeloupe où il est désarmé en 1818. Nous pouvons aussi citer Henry Rossel, récidiviste qui, après la Bonne Mère, arme un autre navire en 1822. Serge Daget identifie également un navire de l’armement de Gérard Haëntjens condamné pour trafic illégal en 1824.
46Quant à Gabriel Lauriol (1807-1889), c’est l’une des grandes figures de l’armement et du négoce sur les quais nantais au xixe siècle. Dès l’âge de 26 ans, c’est par le biais d’activités traditionnelles fondées sur le négoce, la traite et le sucre qu’il assoit sa fortune. Le navire de son père, La Confiance, – alors qu’il est associé à ses affaires –, est suspecté de trafic illégal en 1821. Un courtier de navire à Nantes, ne fait pas mystère des relations de Gabriel avec le milieu négrier56. Par ailleurs, un de ses frères, Amédée (1813-1891) est négociant propriétaire d’une exploitation en Guadeloupe sur laquelle sont comptabilisés… vingt-trois esclaves57. Certes, les activités de Gabriel et de son frère sont liées aussi à la pêche à la baleine et au négoce classique. Ils font même construire des navires à vapeurs. Mais du propre avis de l’intéressé, « il n’est, pour bien dire, pas de genre maritime que nous n’ayons essayé58 ». Il s’engage en politique, tour à tour adjoint au maire à plusieurs reprises de 1870 à 1881 et conseiller général de 1871 à 1881. Après avoir été d’obédience orléaniste, il devient membre du Comité républicain et surtout vice-président et président de la Chambre de commerce de Nantes de 1865 à 1870.
47Gabriel Lauriol est considéré comme « protestant ». Il ne l’est pas de naissance mais incontestablement par alliance. Il épouse Sarah-Lucie-Anne Hardouin, fille d’un armateur protestant originaire du Havre, le 28 janvier 1850 au temple protestant de Nantes. Il tient à ce que ses filles, Lucy et Anne, soient baptisées par le pasteur Vaurigaud à l’occasion de l’inauguration du nouveau temple en 1855, place Gigant, actuelle place de l’édit de Nantes, et soient par conséquent protestantes. Ses filles se marient avec des protestants notamment Alice avec Achille Say le 4 juillet 188859. Pour une raison que nous ignorons, ses obsèques ont pourtant lieu en l’église catholique Saint-Nicolas à Nantes, le 12 juillet 1889.
La prise de conscience protestante
48L’attitude des protestants nantais face à la traite mérite analyse et réflexion. Nantes a cessé son trafic d’êtres humains par la force de la loi. La traite négrière est restée longtemps un tabou nantais jusqu’à la fin du xxe siècle et a pesé sur la « mémoire nantaise ». Le commerce triangulaire a dominé la vie économique locale mais aussi la vie politique nantaise tout le long du xixe siècle. Nombre de familles nantaises ont fait fortune grâce au trafic et ont façonné l’élite nantaise. L’architecture de la ville, telle l’île Feydeau, où demeuraient la plupart des armateurs enrichis par le commerce triangulaire, en est le plus illustre reflet.
49Les protestants nantais contemporains ont plutôt revendiqué la posture abolitionniste de l’armateur protestant, Thomas I Dobrée, ignorant l’implication des manufactures d’indiennes dont la croissance et la survie reposaient en très grande partie sur la traite négrière. L’histoire n’excuse pas, ni ne justifie : elle explique. Car les indienneurs et armateurs sont des hommes de leur temps bien éloignés des considérations philanthropiques et la différenciation confessionnelle joue peu au sujet de la traite. Et, plus simplement, n’est-ce pas l’esprit de lucre qui l’emporte sur la morale ? La traite, qui rapportait de 4 à 6 % de bénéfices moyens par an aux armateurs, et le commerce colonial permirent l’essor du port de Nantes, la croissance de l’économie locale et le développement de la ville60. Plus qu’ailleurs, Nantes fit sienne l’argumentation négrière majeure : les colonies sont indispensables à la richesse nationale, les Noirs sont indispensables à leur mise en valeur, la traite est indispensable à son renouvellement61.
50Les protestants sont actifs mais minoritaires sur les quais de Nantes. Citons les maisons protestantes telle la famille Philippe, associée à celles des familles Bourcard et Luther dans une compagnie d’armement de dix navires et qui pratiquent la traite négrière jusqu’à son interdiction62. Ils se reconvertissent ingénieusement. C’est ainsi que Louis Charles Philippe et Henri Canaud lui-même de confession protestante mais surtout capitaine au long cours de l’armement Philippe, originaire de La Rochelle, fondent en 1841 une société de conserves alimentaires63. Nous pouvons aussi citer l’incontournable Thomas I Dobrée qui fait partie de ces négociants et armateurs avisés qui imaginent de nouvelles relations commerciales hors de l’exclusivité coloniale mais orientées vers d’autres destinations et marchés notamment avec l’Extrême-Orient comme nous le voyons plus loin. Dans une lettre datée de 1814, Thomas I Dobrée avait exprimé ses doutes quant à une proposition d’affaire autour de la traite :
« Je suis combattu en ce moment par l’idée d’un voyage à Liverpool […]. J’y voyais, en cas de réussite, un avantage bien grand. […] Ma fortune serait le résultat de mille maux que j’aurais entassés sur des misérables […] tandis que le désespoir de mille individus que j’aurais transportés retentirait sur les mille familles qui gémiraient en Afrique sur la perte de leurs frères, de leurs mères et de leurs enfants64. »
51Pourtant, son propre père, Pierre-Frédéric avait participé à deux expéditions de navires négriers qui se révélèrent désastreuses : La Véronique qui enregistra 55 décès à bord sur 275 déportés et La Véronique incendiée par la mutinerie des esclaves65. Thomas I Dobrée prend la tête d’une campagne contre la traite des Noirs aux côtés du pasteur Wilson. Il participe dès 1821 à la Société de la morale chrétienne. Le banquier Adolphe Eichthal, protestant et saint-simonien, est administrateur de ladite Société en 1828. Le destin de Saint-Nazaire est en partie lié à cet homme. C’est lui qui financera les frères Pereire à l’origine de la Compagnie générale maritime (CGM) puis de la Compagnie générale transatlantique (CGT) et de la naissance en 1862 du chantier naval nazairien66.
52Les quakers, mouvement protestant fondé en Angleterre au milieu du xviie siècle, sont les premiers à remettre en cause l’esclavage dans les colonies anglaises d’Amérique. Un protestant, William Wilberforce, membre du parlement britannique, présente ainsi chaque année dès 1789 une résolution en faveur de l’abolition de la traite des Noirs. Ses raisons sont motivées à la fois par sa conversion aux principes évangéliques de la Réforme à laquelle il reste fidèle jusqu’à la fin de sa vie et par un entourage d’économistes qui considèrent la traite comme une aberration économique67. Leur thèse est la suivante : l’Africain peut produire et consommer sur place, sa déportation coûte trop chère en vies humaines et en transports. Il s’agit de bâtir des relations économiques « permettant aux Africains de travailler et produire dans leur pays et de commercer avec d’autres continents, l’Europe particulièrement, à la recherche de matières premières et de débouchés pour ses produits et ses hommes68 ». Dès 1792, le Danemark avait été la première nation à abolir l’esclavage. Le 25 mars 1807, elle est définitivement votée par la Grande-Bretagne. À l’évidence, la colonisation est bien plus rentable et va se substituer à la traite.
53Les pays les plus acteurs de l’abolition sont donc protestants : le Danemark en premier lieu, la Grande-Bretagne et la Hollande. À la clé de cette pression internationale : les débouchés britanniques manufacturiers du plus gros entrepôt du monde. Aussi l’Amérique du Nord « protestante » et grande importatrice de produits déclare la traite « acte de piraterie » dès 1820. Elle sera la première nation à le faire. L’esclavage n’y est pas aboli pour autant avant 1865. Mais surtout, après la perte de l’Amérique du Nord, les bases britanniques en Afrique sont l’antichambre de son impérialisme. Le prétexte humanitaire permet de répondre à une volonté d’hégémonie et d’asseoir une offre commerciale de substitution. La colonisation du xixe siècle est en marche.
54Pour beaucoup de protestants, une conscience naît : on ne peut pas annoncer l’amour de son prochain à des gens qui ont des chaînes. Certes, les débats parlementaires relatifs à l’abolition, notamment engagés par le protestant Benjamin Constant, ont donné une large place aux considérations religieuses. Néanmoins, elles se font aussi en lien avec l’héritage de l’esprit des Lumières. Le revirement français a pour origine un catholique, l’abbé Prévost, qui reconnaît une qualité humaine au « nègre », terme utilisé à l’époque au xviiie siècle. Le courant humaniste au siècle des Lumières s’interroge sur l’esclavage mais ne s’indigne pas vraiment de la traite. Cependant, Montesquieu utilise le procédé de l’ironie par des arguments stupides et volontairement abjects tels que, « ceux dont il s’agit sont des Noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé, qu’il est impossible de les plaindre. On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir… ». Quant à Voltaire, il estime qu’un peuple « qui trafique ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité, celui qui se donne un maître était né pour en avoir69 ».
55L’Angleterre avait accordé à la France, au rétablissement de Louis XVIII sur son trône en 1815, un sursis de trois ans pour la pratique de la traite mais, en réalité, le ministre Talleyrand en avait obtenu cinq. Ce qui fit rugir l’abbé Grégoire : « La traite est un crime, mais vous trouvez bon que nous le commettions encore pendant cinq années70. » C’est alors qu’interviennent deux hommes très liés au protestantisme : Benjamin Constant (1767-1830) et le duc Victor de Broglie (1785-1870). Le premier est né à Lausanne, a grandi et vécu dans un milieu protestant (sa famille avait quitté la France lors de la révocation de l’édit de Nantes). Élu député en 1818, il le sera toujours à sa mort en 1830. Chef de file de l’opposition libérale, il entre dans l’abolitionnisme militant le 27 juin 182171. Il met en cause le ministère de la Marine quant au supposé contrôle du trafic négrier. Il cite à l’appui des atrocités commises à bord de deux navires72. Mais la Chambre le conspue. Sur la même période, 103 navires sont pourtant poursuivis (dont 53 de Nantes, 27 de Bordeaux, 15 du Havre…) mais sans recevoir de sanctions véritables sinon celle d’un rappel à la loi. En fait, le discours de Constant reste suspect aux yeux des autorités : il ne faut pas « sembler obéir au gouvernement anglais et céder à toute influence étrangère73 ».
56Mais Benjamin Constant va trouver un allié de poids, en la personne du duc Victor de Broglie. Celui-ci est certes catholique mais très proche à la fois des protestants et de Benjamin Constant, ce, pour deux raisons principales. La première : il est le gendre de Germaine de Staël. En février 1816, il épouse sa fille, Albertine. Or, il est probable que la paternité d’Albertine soit attribuée à… Benjamin Constant. L’entrée dans cette famille suisse, protestante et libérale, le rapproche du protestant François Guizot au sein de la Société de la morale chrétienne où se croisent le protestant Benjamin Delessert, fondateur de la Caisse d’Épargne, ou Ferdinand de Lesseps74… Le 28 mars 1822, Broglie, devant la Chambre des Pairs, reprend, preuves à l’appui, tous les arguments de Constant, notamment les atrocités commises. À son tour, il est vilipendé et jugé « antinational ». Les réseaux protestants jouent un rôle essentiel : Thomas I Dobrée à Nantes, 42 négociants à Paris signent une lettre incendiaire du fils de Madame de Staël, Auguste de Staël, qui accuse Nantes de crimes, noms à l’appui. Ce dernier sait de quoi il parle : en 1825, il se rend à Nantes et y achète sans difficultés… des fers à esclaves75. Quant à ladite Société, les protestants y sont surreprésentés ; elle en compte 33 % parmi ses membres (alors qu’ils ne représentent que 2 % de la population environ) mais elle est surtout composée de 67 % de catholiques libéraux. L’effectif en 1823 est de 255 membres dont huit pairs de France, huit députés et 14 pasteurs76. Il en va de même pour la Société française pour l’abolition de l’esclavage (SFAE) dont 9 % de ses membres sont protestants.
57Enfin, la règle du jeu change en 1831. Les sanctions sont draconiennes : c’est dès le port de départ que la condamnation tombe, deux à cinq ans de prison pour le négrier sur simple présomption au sujet de l’armement du navire. Car si la loi punissait le capitaine, elle ne sanctionnait pas l’investisseur. Dix à vingt ans de travaux forcés pour les commanditaires ; les fonctionnaires peu attentifs tombent sous le coup du Code pénal ; acheteur, vendeur sont passibles de la cour d’assises en France et aux colonies, ce qui sous-entend passibles de la peine de mort. Cela fait réfléchir. Et pourtant, les derniers navires négriers nantais sont identifiés en 1833. Enfin, le 30 mars 1840, le célèbre Marabout armé par un négrier récidiviste quitte le port de Nantes à destination de Bahia et est fortement suspecté de trafic illicite77.
58Néanmoins, la paroisse réformée nantaise est en première ligne dans le combat pour l’abolition de l’esclavage enfin promulguée en 1848 grâce à l’opiniâtreté de Victor Schœlcher. Les mentalités ont évolué : en 1847, le pasteur Benjamin Vaurigaud soutient la pétition nationale diffusée par la SFAE à la Chambre des députés78. Les signataires dont le pasteur Jean Sohier, les membres du consistoire Eugène Burgelin (à l’origine des Brasseries de la Meuse), Albert Steiner, Rodolphe Giacometti, Frédéric Dolmestch, John Eaton, côtoient la signature de l’armateur catholique Jean-Baptiste Demange79. Le texte est sans ambages quant aux responsabilités de chacun : « l’esclavage, c’est le crime de tout le monde et il est temps enfin de nous en laver ». Les lois dites Mackau du nom du ministre de la Marine et des Colonies, adoptées en 1845, signées par Louis-Philippe, prévoyaient l’affranchissement progressif des esclaves dans les colonies françaises pour les années 1853 ou 1858. Ce qui paraît alors très nettement insuffisant. Au-delà de l’aspect moral, le raisonnement économique est également affirmé : « La France est assez riche pour payer ses fautes. Elle n’y perdra rien ; au contraire, elle y gagnera ; car au lieu de dépenser des millions pour soutenir le fardeau ruineux de l’esclavage, elle aura dégagé sa responsabilité morale, relevé les colonies et accompli une œuvre qui honorera le nom Français dans le monde entier ».
Vers un tournant de l’économie portuaire
59Le tabou nantais entourant la « traite négrière » n’a donc pas épargné les protestants. Même si certains d’entre eux, à commencer par l’armateur Thomas I Dobrée, se lèvent vent debout contre la traite, s’investissent dans l’abolitionnisme, nous retrouvons, en croisant nos sources, des négociants protestants impliqués dans l’armement des navires et surtout dans le troc de marchandises pour déporter des esclaves. Certes ils sont minoritaires. Le marché des indiennes représente, hors armement, à lui seul près de 50 % du commerce portuaire. Les enjeux économiques sont donc considérables. Ce pan de l’histoire de Nantes est très peu connu des Nantais eux-mêmes. Il est tombé dans l’oubli alors que cette industrie a dominé le port de la ville jusqu’au début du xixe siècle. Au cœur de cette prospérité, essentiellement des protestants originaires de Suisse, de Neuchâtel, de Bâle ou de ses environs. Ils forment un groupe solide et recrutent presque exclusivement une main-d’œuvre suisse très spécialisée tels les imprimeurs en indiennerie.
60Il y a de fait une relation entre la traite des noirs et le développement industriel à Nantes. Phénomène également constaté au Havre. Au milieu du xixe siècle, il ne reste plus rien de cet âge d’or à Nantes. La dernière fabrique Petitpierre, famille que nous évoquerons plus loin, ferme ses portes en 1830. La Révolution française et la perte de Saint-Domingue en 1804 sonnent le glas d’un essor commercial basé sur un réseau exclusif Afrique, Antilles, France. La rupture commerciale a moins touché les autres centres de toiles peintes (Jouy, Mulhouse, etc.) dont les débouchés visaient le marché intérieur. Et puis la fin de l’engouement pour les toiles « exotiques » signe l’arrêt de l’activité. Ces dynasties d’indienneurs forment une solidarité d’affaires dans la reconversion mais aussi une solidarité confessionnelle dans le rétablissement du culte protestant à Nantes.
61Néanmoins, force est de constater que la foi chrétienne de plusieurs armateurs et négociants protestants ne les a pas empêchés de se livrer à ce commerce immoral. Enfin, ce sont surtout des hommes et des femmes de leur temps. Les mentalités de l’époque, le poids du fret des indiennes, l’armement des navires expliquent le déni et la résistance nantaise face au combat abolitionniste. Quelle famille nantaise ne vit pas de la traite directement ou indirectement ? Et que dire du comportement de la très grande majorité des armateurs catholiques nantais ? Aucun d’entre eux n’exprime de regret ou ne s’engage officiellement pour mettre fin à ce trafic. Les protestants, malgré leur implication dans la traite, finissent par jouer un rôle important à Nantes et sont surreprésentés dans les mouvements européens en faveur de l’abolition. Plus globalement, la détermination des protestants abolitionnistes mais aussi la condamnation définitive du pape Grégoire XVI en 1839 ont permis que les choses évoluent. Loin de tout manichéisme, le professeur Olivier Grenouilleau rappelle comment la Bible a pu être interprétée pour expliquer ou condamner l’esclavage. Catholiques et protestants l’ont justifié théologiquement, tout en œuvrant, à leur manière, pour y mettre un terme80.
62Quant aux protestants nantais, autour des Dobrée, Say, Voruz, Thomas, Burgelin et bien d’autres encore, ils contribuent à la mutation du port de commerce en port de production industrielle. Armateurs ou indienneurs reconvertis, fondeurs, candisiers, conserviers, brasseurs ou banquiers : aucun secteur ne leur échappe, de la transition du commerce portuaire négrier nantais de la fin du xviiie siècle à l’édification de l’appareil industriel de l’estuaire de la Loire, de Nantes à Saint-Nazaire, au xixe siècle. Un point commun entre ces activités interdépendantes : la Loire et l’élaboration constante d’une stratégie autour du port. Et leurs acteurs accèdent aux postes clés.
Notes de bas de page
1Bourgeon J.-L., « La date de l’édit de Nantes : 30 avril 1598 », Coexister dans l’intolérance. L’édit de Nantes, Paris, BSHPF, t. 144, janvier-juin 1998, p. 17-50.
2Gabory É., La marine et le commerce de Nantes au xviie siècle et au commencement du xviiie siècle (1661-1715), Rennes, Imprimerie Oberthur, 1901.
3Cette forte présence étrangère protestante a conduit la Vox populi à donner le nom de « Hollande » au quartier du Port-au-Vin et de la Bourse, la « Petite-Hollande » désignant par la suite la pointe de l’île Feydeau.
4Encrevé A., Protestants français au milieu du xixe siècle, les réformés de 1848 à 1870, Genève, Labor et Fidès, 1986, p. 62.
5Des chiffres qui doivent être pris avec toute la prudence requise. ADLA, 6 M 17.
6Les articles organiques ne seront jamais reconnus par le Saint-Siège. Actuellement le droit issu de la loi de germinal an X s’applique encore aux Églises des départements d’Alsace – Moselle qui, non français en 1905, ne connurent pas la loi de séparation des Églises et de l’État.
7ADLA, AD85. V1.
8« Pieux mensonge », expression empruntée à Réault J., La communauté et l’église protestante de Nantes du rétablissement du culte public à la fin du second empire, université de Nantes, DES, 1964, p. 16.
9Le père d’Auguste, Jean-Ulric Pelloutier, avait au xviiie siècle subtilement contourné l’interdiction de célébrer le culte réformé soit à bord de vaisseaux ancrés dans le port puis dans sa fabrique d’indiennes au prix de pratiques catholiques de façade ; Pelloutier lui-même faisant baptiser à Sainte-Croix ses enfants qui n’en seront pas moins de bons calvinistes, Nicol C., « Temples », Le Dictionnaire de Nantes, Rennes, PUR, 2013, p. 957.
10ADLA, 124 J 91.
11Le Boyer J.-F., « Notice nécrologique d’Auguste-Ulrich Pelloutier », ASANLI, 1819, p. 112, et Libaudiere F., « Précis des événements qui se sont passés à Nantes, du 11 juillet 1815 au 4 août 1830 (seconde restauration) », Nantes, ASANLI, 1905, p. 13-83.
12ADLA, 124 J 55.
13ADLA, 124 J 154.
14ADLA, 6 M 20. 225 calvinistes, 67 luthériens, et 3 « autres sectes protestantes ». Les anglicans ne sont plus comptabilisés.
15ADLA, 6 M 24. Dans le département, 527 calvinistes, 80 luthériens et 79 « autres sectes protestantes ».
16En 2018, on évalue les protestants à 650 familles connues ou inscrites sur le registre électoral pour la région nantaise. Ce chiffre ne tient pas compte des sympathisants et du nombre réel de protestants par famille (conjoint, enfants…).
17Pacteau de Luze S., Les protestants et Bordeaux, Bordeaux, Éditions Mollat, 1999, p. 155. À titre de comparaison, au Havre, les protestants « étaient 500 en 1833 et 2 200 en 1853, soit une augmentation de 340 % en 20 ans. Le recensement effectué en 1854 donne, lui, 2 870 protestants réformés, auxquels il conviendrait d’ajouter les quelques Havrais luthériens, d’origine allemande, ou anglicans, d’origine anglaise », Ardaillou P., Les Républicains du Havre au xixe siècle (1815-1889), Rouen, Presses universitaires de Rouen et du Havre, p. 309.
18Registre conservé au temple de Nantes.
19Les églises sont : Aizenay, Belleville et le Poiré, Benet et Maillezais, Bournezeau, la Chaize et La Lande-Blanche, Breuil-Barret et Cezais, La Chataigneraie et la Brossardière, Champagné-les-Marais, Chantonnay et le Puybelliard, La Chaume et Les Sables-d’Olonnes, Coulonges, Fontenay, Foussais et St-Hilaire, La Garnache et Beauvoir (place forte), La Jaudonnière, Luçon, Pouzauges et Le Boupère, Saint-Benoît et le Givre, Saint-Christophe-du Ligneron, Sainte-Hermine et La Chapelle, Saint-Fulgent et Les Herbiers, Saint-Gilles-sur-Vie, Talmont, Les Touches de Chavagnes. Marcadé J., Les protestants de Vendée, La Roche-sur-Yon, éd. du CVRH (La Vendée, les indispensables), 2009, ainsi que les articles très fouillés de Pilastre G., « Les Églises de Vendée » (à propos du Centenaire du consistoire), BSHPF, vol. 82, no 1 (janvier-mars 1933), p. 60-85 et Romane-Musculus P., « L’église réformée de Pouzauges, chef-lieu du consistoire de Vendée », BSHPF, vol. 130 et 131, 1984 et 1985.
20Réault J., op. cit., p. 31.
21Romane-Musculus P., op. cit., p. 240. Louise-Julie décède à 78 ans, le 15 janvier 1833 à Nantes, ADLA., 124 J 30.
22(Arch. Nat. F7/4775/9). Aulard F.-A., Recueil des actes du comité de salut public avec la correspondance officielle des représentants en mission, t. 22, Paris, Imprimerie Nationale, 1912, p. 469.
23Romane-Musculus P., op. cit., p. 247.
24Pour aller plus loin sur les biographies des pasteurs, nous renvoyons à Nicol C., Les protestants à Nantes et Saint-Nazaire au xixe siècle : leur action au service du développement urbain et portuaire, thèse de doctorat (dir. Vidal Gilles), Faculté de théologie protestante, Montpellier, 2021 (2 vol., 570 p. et annexes, 238 p.).
25Bienvenu G., De l’architecte voyer à l’ingénieur en chef des services techniques, les services d’architecture et d’urbanisme de la ville de Nantes du xviiie siècle au xxe siècle, thèse de doctorat d’histoire de l’art [Histoire de l’architecture], (dir. Monnier Gérard), Paris, 2013.
26ADLA, V1-84, police des Cultes.
27ADLA, 124 J 44.
28ADLA, Série V1-84.
29ADLA, 124 J 14.
30ADLA, 124 J 81, courriers en date du 9 et 16 février 1879 au pasteur Vaurigaud.
31Pour plus de détails nous renvoyons à notre thèse, op. cit.
32ADLA, 124 J 81, lettre du 2 octobre 1881.
33Grenouilleau O., « Christianisme et esclavage », Histoire magazine, no 10, déc.-janv.-fév. 2022, p. 11. Grenouilleau O., Christianisme et esclavage, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque des Histoires », 2021, 530 p.
34La Société des amis des Noirs est fondée le 19 février 1788 par Jacques Pierre Brissot et Étienne Clavière ; Elle comptait de nombreux membres de confession protestante dont le pasteur Sigismond Frossard, Blanc Robert, Un pasteur du temps des Lumières, Benjamin-Sigismond Frossard, 1754-1830, Paris, Honoré Champion, 2000, 428 p.
35Kennedy P., Naissance et déclin des grandes puissances, Paris, Payot, coll. « Petite bibliothèque Payot », 1989, 730 p.
36Mettas J. et Daget S., Répertoire des expéditions négrières françaises au xviiie siècle, Paris, L’Harmattan, 1984, 972 p.
37Pétré-Grenouilleau O., Christianisme et esclavage, op. cit., p. 309.
38Pétré-Grenouilleau O., Les Traites négrières, essai d’histoire globale, Paris, Gallimard, 2004, p. 171-172.
39Un article révèle la part d’ombre de ce sujet : Pétré-Grenouilleau O., « Protestantisme et traite : les Français et les autres », in Augeron M., Poton D. et Van Ruymbeke B. (dir.), Les Huguenots et l’Atlantique, Pour Dieu, la cause ou les affaires, op. cit., p. 517-525.
40David T., Etemad B. et Schaufelbuehl J.-M., La Suisse et l’esclavage des Noirs, Lausanne, Antipodes et Société d’Histoire de la Suisse Romande, 2005.
41Le Bouedec G., Activités maritimes et sociétés littorales de l’Europe atlantique, 1600-1790, Malakoff, Armand Colin, 1997, p. 134. Voir aussi à ce sujet Michon B., Le port de Nantes au xviiie siècle. Construction d’une aire portuaire, Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2011, 397 p.
42Roy B., Une capitale de l’indiennage, Nantes, Musée des Salorges, 1948, p. 28.
43Lüthy H., La Banque Protestante en France, de la Révocation de l’édit de Nantes à la Révolution, 2 t., Paris, SEVPEN, 1959-1961.
44Cousquer C., Nantes une capitale française des indiennes au xviiie siècle, Nantes, Coiffard Librairie Éditeur, p. 166, et Pétré-Grenouilleau O., L’argent de la Traite, milieu négrier, capitalisme et développement : un modèle, Paris, Aubier Histoire, 1996, p. 93-95.
45Saugera É., La Bonne-Mère, navire négrier nantais, 1802-1815, Paris, Karthala, coll. « Les Anneaux de la Mémoire », 2012, p. 70.
46Kouamé A., Les cargaisons de traite au xviiie siècle. Une contribution à l’étude de la traite négrière française, thèse d’histoire, Hermann Christian (dir.), université de Nantes, 2005.
47Daget S., « L’abolition de la traite des Noirs en France de 1814 à 1831 », Paris, Cahiers d’études africaines, vol. 11, no 41, 1971, p. 22.
48Sallentin armera ensuite sept navires négriers jusqu’en 1825 quand Van Neunen en restera à cette unique expédition, Saugera É., op. cit., p. 120-122.
49Daget S., Répertoire des expéditions négrières françaises à la traite illégale, 1814-1850, Centre de recherche sur l’histoire du monde atlantique, Nantes, 1988, p. 6-7. Forster G., « Du commerce international à l’armement négrier, les affaires de la famille Burckhardt de Bâle », in Augeron M., Poton D. et Van Ruymbeke B. (dir.), Les Huguenots et l’Atlantique, Pour Dieu, la cause ou les affaires, op. cit, p. 529.
50Saugera É., op. cit., p. 132. Les étoffes portent plusieurs noms en fonction de leurs qualités et motifs ; Baffetas, Bajutapaux, Chasselas, Guinées, Liménéas, Tapsels… ou bien encore Steinkerque, grand mouchoir de coton décoré que les femmes nouent autour du cou, Cousquer C., op. cit., p. 192.
51Delobette É., Ces « Messieurs du Havre », négociants, commissionnaires et armateurs de 1680 à 1830, thèse de doctorat de IIIe cycle, Caen, Zysberg A. (dir.), 2015, p. 1123.
52Brahm F., Rosenhaft È., Slavery Hinterland: Transatlantic Slavery and Continental Europe, 1680-1850, Rochester, New York, the Boydell Press, 2016, p. 82.
53AMN et ADLA, 124 J 30.
54Mettas J., « Répertoire des expéditions négrières françaises au xviiie siècle », édité par Serge Daget, Paris, Société française d’histoire d’outre-mer, t. 1, 1978, p. 625. Delobette É., op. cit., p. 228.
55Daget S., « Long cours et négriers nantais du trafic illégal, 1814-1833 », Paris, Revue française d’histoire d’outre-mer, t. 62, no 226-227, 1er et 2e trimestres 1975, p. 90-134. Des indiennes issues pour l’essentiel de la fabrique d’Abraham Louis Favre.
56Pétré-Grenouilleau O., « Pour une étude du milieu maritime nantais entre les fins xviiie et xixe siècles – Le cas Lauriol », Rennes, PUR, Enquêtes et documents, 3e trimestre 1990, no 17, p. 47-78. Un boulevard de Nantes porte son nom.
57Datin J.-C., arbre généalogique LAURIOL, Archives privées.
58Citation de Gabriel Lauriol dans Maugat E., « Les relations commerciales et maritimes de Nantes avec l’océan indien au milieu du xixe siècle », Nantes, BSAHNLI, 1944-1945, t. 84, p. 6.
59ADLA, 124 J 14 et 25. Gabriel Lauriol paraphe l’acte de mariage à côté de la signature du pasteur Vaurigaud.
60« Pour un grand nombre d’armateurs candidats à la traite, la notion de risque faisait partie du voyage. […]Une multitude d’acteurs secondaires, de corporations, en bénéficiaient indirectement. […] Gens de peu, leurs revenus ou leurs salaires étaient le plus souvent misérables et n’avaient rien à voir avec les sommes brassées par les gros armateurs », Saugera É., La traite des Noirs en 30 questions, La Crèche, Geste éditions, 1998, p. 34.
61Mémorial de l’abolition de l’esclavage, quai de la Fosse à Nantes, inauguré en 2012.
62La famille Luther est d’origine Britannique et n’a aucun lien avec le célèbre Réformateur.
63Louis Charles Philippe est né à Berlin. Il est à ce titre consul de Prusse à Nantes. Marié à Jeanne Amidieu du Clos, il est père de 6 enfants tous baptisés au temple de Nantes. ADLA, 124 J 11-12.
64Lettre de Thomas I Dobrée à « Müller » (ou Möller un de ses beaux-frères ?) avant l’abolition, 6 juin 1814, AMN, Fonds Dobrée, copies de lettres françaises, fol. 167. L’intégralité du courrier est consultable dans : Pétré-Grenouilleau O., « Protestantisme et traite : les Français et les autres », op. cit., p. 520.
65Collectif, Thomas Dobrée, un homme, un musée, catalogue d’exposition, Nantes, coll. « Thomas Dobrée », p. 43.
66Le Bret H., Les frères d’Eichthal. Gustave, penseur Saint-Simonien et Adolphe, hommes d’action. Leur influence sur l’ouverture à partir de 1830 de la société française aux réseaux financiers et industriels, aux échanges internationaux et aux sciences sociales, thèse d’Histoire Moderne et Contemporaine, université de Paris-Sorbonne (Paris IV), 2007, 1554 p. Baul P., 150 ans de paquebots à Saint-Nazaire, Spézet, Coop Breizh, 2012, p. 10.
67Pollock J., Wilberforce, New York, St-Martin’s Press, 1977, p. 79. Dorigny M., Esclavage, résistances et abolitions, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1999, 575 p.
68Zorn J.-F., « Le combat anti-esclavagiste chrétien au xixe siècle », Paris, BSHPF, t. 139, octobre-novembre-décembre 1993, p. 637.
69Montesquieu, L’esprit des Lois, chapitre v, livre 11, de l’esclavage des nègres, Paris, 1748, Voltaire, Essai sur les Mœurs et l’esprit des Nations, Genève, Cramer, t. 8, 1756, p. 187.
70Grégoire H. (abbé), De la Traite et de l’esclavage des Noirs et des Blancs, par un ami des hommes de toutes les couleurs, Paris, Egron, 1815, p. 33.
71Barbier M., « Religion et politique chez Benjamin Constant », Paris, Presses de Science Po, Revue française de science politique, 33e année, no 1, 1983, p. 14-40.
72Daget S., op. cit., p. 36. Le navire Havrais, le Rôdeur : une épidémie d’ophtalmie s’était déclarée à bord, atteignant Noirs et Blancs. Employant l’argument de salubrité, le capitaine procède à l’élimination radicale des éléments contaminés, Noirs, bien entendu dont il en fit jeter 39 à la mer. Autre navire aux méthodes expéditives, la Jeune Estelle : mieux encore et pour échapper à toute poursuite, Benjamin Constant évoque des Africains jetés à la mer dans des barriques afin d’éviter de retrouver des corps remontés à la surface.
73Daget S., op. cit., p. 41.
74Kirschleger P.-Y., La religion de Guizot, Genève, Labor et Fides, coll. « Histoire et Société », 1999, 269 p.
75Société de la Morale Chrétienne, Faits relatifs à la traite des noirs, Imprimerie de Crapelet, 1826, p. 11.
76Daget S., « L’abolition de la traite des Noirs en France de 1814 à 1831 », Cahiers d’études africaines, vol. 11, no 41, 1971, p. 44.
77Ibid., p. 56 et p. 132. Ainsi que Daget S., La répression de la traite des noirs au xixe siècle, Paris, Éditions Karthala, 1997, p. 483.
78ADLA, 124 J 48. Archives nationales C 2225.
79Dont la famille sera ultérieurement propriétaire du trois-mâts Le Bélem, dernier des grands voiliers de commerce français du xixe siècle toujours en état de navigation.
80Grenouilleau O., Christianisme et esclavage, op. cit.

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Les protestants et Nantes
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