Introduction
p. 11-13
Entrées d’index
Index géographique : France
Texte intégral
1Le but du colloque qui s’est tenu au Mans les 24 et 25 janvier 2003 était à la fois d’ébaucher un bilan des travaux réalisés sur les militants catholiques de l’Ouest français et de poser des jalons pour de futures recherches. La notion de militant appelait elle-même une définition. Elle renvoie à l’idée d’une action, organisée ou non, menée avec conviction, pour changer une situation ou promouvoir une évolution. Quand il s’agit du militantisme catholique, elle évoque notamment, mais non exclusivement, l’« action catholique », elle-même menée par des laïcs qui veulent être une élite catholique, agissant en groupe sous diverses formes, en liaison avec le clergé.
2Au premier abord, l’« action catholique » semble avant tout un phénomène du xxe siècle, qui acquiert une connotation institutionnelle dans l’entre-deux-guerres, sous le pontificat de Pie XI (1922-1939). On trouve pourtant l’expression sous la plume de Lamennais dès 1833 pour désigner une « action qui suppose le concours du clergé ou sa neutralité1 ». C’est la raison pour laquelle il a paru bon, dans les travaux du colloque2, de remonter jusqu’aux années 1830, avec la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Cette société est effectivement une initiative de laïcs ayant sa personnalité propre. En tant que telle, elle constitue d’ailleurs un précédent qui a servi de référence sur le plan ecclésiastique pour définir l’apostolat des laïcs3. En ce sens, elle représente un jalon préparatoire pour l’Association catholique de la Jeunesse française, premier mouvement de jeunesse proprement dit, né en 1886, et visant à constituer en France « une élite de catholiques militants […], autour de laquelle se reforme une société chrétienne », selon les termes mêmes de l’un des responsables, lors du congrès national de l’organisation en 1907.
3L’ACJF s’oriente, dans l’entre-deux guerres, vers la spécialisation, c’est-à-dire l’« apostolat du milieu par le milieu », selon une expression devenue consacrée qui n’est d’ailleurs pas une idée neuve à l’époque puisqu’elle a déjà été exprimée par Léon Harmel à la fin du xixe siècle. Quoi qu’il en soit la formule s’impose dans les années 1920 et la JOC, née en dehors de l’ACJF, apporte son expérience spécifique ; elle s’intègre au mouvement qui devient alors une fédération de mouvements spécialisés. Deux d’entre eux la JOC et la JAC ont occupé une place de choix dans les travaux du colloque. En revanche le monde scolaire et étudiant est absent en tant que tel, non qu’il s’agisse d’une spécificité régionale mais plutôt des retombées des aléas de la recherche. Il y a sûrement dans ce domaine des lacunes à combler sur le plan régional.
4Dans le temps imparti, il n’était d’ailleurs pas possible d’envisager, sur la longue durée, tous les aspects du militantisme catholique. L’évolution de ses priorités est suggérée, par exemple à travers la question de l’impact de la Séparation sur les choix militants, ou l’importance prise par la défense de l’enseignement catholique, envisagée ici après la deuxième guerre mondiale mais sans doute véritable constante depuis la fin du xixe siècle, au moins dans certaines familles du militantisme. Sa place dans la cité est de fait privilégiée. Sur plus d’un point, le constat que faisait naguère Jean Touchard au lendemain des élections de 1958 à propos du rôle de la JAC dans le renouvellement des notables ruraux4 se trouve confirmé au niveau régional.
5Parmi les silences des travaux, celui de la Seconde Guerre mondiale est évident. Il n’est pas délibéré. Mais ce thème pourrait à lui seul faire l’objet d’un colloque. Il imposerait un recours systématique aux témoignages oraux car les écrits sur cette période, tels ceux du jociste sarthois Albert Simon5 envoyé à Buchenwald pour sa résistance, restent a priori l’exception.
6Sur le plan méthodologique, deux aspects peuvent retenir l’attention. D’une part, ce colloque a une dimension pluridisciplinaire puisqu’il associe historiens, géographes, sociologues et politologue. D’autre part, il a voulu également intégrer les témoignages de militants catholiques. Pour des raisons pratiques, ces derniers sont tous originaires du département de la Sarthe. Ils ont été associés à la préparation des travaux au cours de plusieurs rencontres à la fois sympathiques et enrichissantes. Les témoignages ont donné lieu à deux tables rondes consacrées l’une au monde rural, l’autre au monde ouvrier. Les textes en ont été retranscrits. Ils sont ici reproduits pour l’essentiel, après relecture par les différents intervenants.
7La présence de René Rémond tout au long des travaux revêtait une signification particulière. En effet, centré sur l’Ouest français, le colloque ne voulait pas s’enfermer dans le cadre régional, mais confronter la situation de l’Ouest avec d’autres expériences. Par ailleurs, il se voulait à l’écoute des acteurs. Dans cette perspective, René Rémond apportait sa double compétence d’historien et de témoin. Sa présence invitait également à souligner l’intérêt de l’étude des itinéraires de militants pour repérer les filiations qui peuvent exister entre les formations acquises dans tel mouvement et les responsabilités assumées ultérieurement. Les conclusions qu’il tire des travaux du colloque ouvrent également des perspectives pour de nouvelles recherches.
Notes de bas de page
1 Lamennais à Montalembert, le 12 février 1833, cité dans R. P. Lecanuet, Montalembert, I, de Gigord, 1927, p. 336.
2 La communication d’Olivier Gaudin sur la Société de Saint-Vincent-de-Paul en Sarthe n’a pas pu être reproduite dans ce volume. On peut en retrouver la substance dans les Cahiers des travaux du séminaire d’histoire contemporaine de l’Université du Maine : Religion, Culture et Société, I, p. 71-87 ; II, 145-165.
3 Ce point a été souligné par la congrégation du Concile dans une décision du 13 novembre 1920 faisant suite à une demande d’un évêque argentin sur la dépendance des conférences de Saint-Vincent-de-Paul à l’égard de l’autorité des évêques locaux. Cette décision fait référence à deux reprises dans le décret du concile Vatican II sur l’apostolat des laïcs. À ce sujet, voir Charles Molette, L’Association catholique de la jeunesse française, Colin, 1968, p. 539 et 703-704.
4 « Le remplacement des notables radicaux par un nouveau réseau de notables ruraux provenant pour la plupart de la Jeunesse Agricole Catholique est peut-être un des faits majeurs de la politique française contemporaine. », L’établissement de la cinquième République : le référendum de septembre et les élections de novembre 1958, Paris, Colin, 1960 (Cahier de la fondation nationale des sciences politiques, n° 109, p. XXII).
5 Dieu à Buchenwald, L’Atelier, 2000.
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