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Chapitre XV. Dernières années difficiles (1967-1970)

p. 327-341


Texte intégral

1Réélu maire en 1965 et conseiller général en 1967, Tanguy Prigent prend ses distances avec les contraintes de la vie politique. De plus en plus usé physiquement, assez désabusé mais toujours fidèle au PSU, le député de Morlaix décide de passer la main lors des élections législatives de mars 1967. Sa santé se dégrade de plus en plus et le lutteur qui aspire à écrire ses Mémoires disparaît le 20 janvier 1970. Commence le temps de l’oubli mais aussi celui d’un certain légendaire dans son pays du Trégor.

Vers le retrait de la carrière politique

2À partir de 1966, Tanguy Prigent se désengage de certaines responsabilités. En 1958 le PCF l’avait sollicité pour occuper la coprésidence de l’Union des sociétés bretonnes de l’Île-de-France qui relance la publication du Pays Breton en 1959. C’est une affaire de famille puisqu’il partage cette fonction avec son beau-frère Marcel Hamon jusqu’au printemps de 19661. De nouveau malade, le député de Morlaix séjourne à Montpellier à la fin du printemps et au début de l’été 1966. Les cures de sommeil sont de plus en plus fréquentes et l’abus de médicaments et de boissons alcoolisées n’empêchent pas les périodes de dépression nerveuse du propre aveu de Tanguy Prigent2. Ses médecins lui prescrivent une convalescence de six mois qu’il ne respectera pas.

3Cette période voit le PSU en pleine activité à un moment où la gauche non communiste se recompose avec la fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) réunie autour de François Mitterrand. En mai 1966, le colloque de Grenoble organisé à l’initiative du PSU, du club Jean-Moulin, de syndicalistes et d’intellectuels débat d’un programme neuf pour l’opposition tenant compte des transformations rapides de l’économie et de la société françaises. Cette rencontre replace Pierre Mendès France sur le devant la scène et pose la question des conditions d’une union de la gauche. Tanguy Prigent fait part de ses analyses et de ses réserves dans une lettre à Mendès France le 20 mai 19663 Le Breton trouve la FGDS, l’association de François Mitterrand, de Guy Mollet et de radicaux, « très décevante ». Il voit dans Mendès France le seul leader capable de tirer la gauche de l’ornière, comparant d’ailleurs son rôle à « un cheval de flèche », métaphore paysanne que le Président n’a sans doute pas beaucoup goûtée ? Dans sa réponse du 26 mai, Pierre Mendès France note leur commune volonté de rigueur dans l’action politique et s’efforce de lever ses réserves. Tanguy Prigent en veut manifestement à Guy Mollet : il voit dans son évolution vers l’union de la gauche « une habileté cynique habituelle4 ». Mais il se dit aussi fatigué du PSU et de ses incessantes luttes de courants.

4Militer au PSU au milieu des années 1960 n’est en effet pas de tout repos au moment où émerge un nouveau leader, Michel Rocard. Durant l’été 1966, Tanguy Prigent prend la décision « ferme et définitive […] même si les militants le souhaitent » de ne pas se représenter aux élections législatives de mars 1967. Dans un long texte du 22 août 1966, il explique les raisons de son choix rendu public par Le Monde du 275. Il avance deux raisons majeures : d’abord « ne pas se cramponner » afin de permettre des promotions souhaitables et éviter « la démagogie jeunes contre vieux », ensuite son état de santé (plus que son âge 57 ans) ne lui permet plus de faire face aux cadences et aux obligations de la vie d’un homme politique6. Il souhaite achever sa vie militante la tête haute – « je ne suis pas un cabotin de la politique » – et se dit prêt à un travail d’équipe en faisant quelques causeries. Le socialiste réaffirme ses convictions : « Je resterai jusqu’à la dernière minute un militant actif et désintéressé. Je le dis sans fausse modestie. » Les renseignements généraux insistent sur « la santé très déficiente » du sortant et signalent que « son retrait va créer un vide profond dans les milieux d’extrême gauche » car c’est « la seule personnalité d’envergure7 ».

5Ses camarades sont surpris de cette décision, mais dès septembre 1966, c’est Roger Prat qui est investi par le PSU. Cet instituteur de formation, professeur à Morlaix, retraité de 57 ans, a repris pour la gauche le siège de conseiller général du canton en 1964. L’argument du rajeunissement n’est pas très probant mais le suppléant de Tanguy Prigent, André Jaouen, secrétaire fédéral adjoint du PSU au début des années 1960 a jeté l’éponge après l’échec de la gauche à Morlaix aux élections municipales8. Et Tanguy Prigent n’a pas désigné de successeur9.

Une difficile succession

6Pour ces élections législatives, la gauche se met en ordre de bataille : le 20 décembre 1966 le PCF et la FGDS concluent un accord de désistement au second tour, accord auquel se rallie le PSU en janvier 1967. De toute façon, cela ne change rien puisque cette pratique fonctionne entre le PCF et les partis socialistes (SFIO-PSA-PSU) depuis 1958 dans le Finistère. Mais la partie n’est pas gagnée d’avance à Morlaix. Roger Prat affronte Pierre Lelong, un haut fonctionnaire, attaché au cabinet du premier ministre Georges Pompidou, un parachuté qui défend les couleurs de la Cinquième République et a pour suppléant le maire et ancien député Jean Le Duc. Alphonse Penven est toujours candidat pour le PCF tandis que le sénateur André Colin (Centre démocrate), président du Conseil général du Finistère depuis 1964, tente désespérément de retrouver un siège à l’Assemblée nationale. Conseiller général MRP d’Ouessant depuis 1951, l’ancien ministre de la Quatrième République sait qu’il n’a aucune chance de se faire réélire dans le nord-ouest du Léon, le fief de l’UNR Gabriel de Poulpiquet10. À l’issue d’une campagne tendue, le candidat de la majorité (37,3 % des suffrages exprimés) arrive nettement en tête le 5 mars, tandis que le candidat communiste (19,5 %) a nettement progressé, ce qui augure d’un résultat très serré11. Avec 26,7 %, l’enseignant et citadin Roger Prat, a sans doute perdu des voix dans la gauche rurale qui se portaient sur « le paysan » et la forte personnalité de Tanguy Prigent et qui ont glissé vers l’agriculteur Auguste Penven. Au second tour, un duel gauche-droite classique oppose les deux nouveaux candidats à la députation. Le centriste André Colin qui a raté son atterrissage à Morlaix (15,7 % des votants), s’est retiré sans donner de consignes de vote et son électorat sera à nouveau déterminant tandis que le communiste Auguste Penven s’est à nouveau désisté en faveur du candidat du PSU. Pierre Lelong a bénéficié lors d’un meeting à Morlaix de l’appui du secrétaire d’État à l’Information Yvon Bourges, élu à Dinard.

7Le 12 mars 1967, Roger Prat ne l’emporte qu’avec 49 voix d’avance (50,05 %) tandis que le PSU gagne un second siège en Bretagne avec l’élection d’Yves Le Foll à Saint-Brieuc et que la SFIO-FGDS en a trois, à Lorient, à Saint-Nazaire et à Nantes 212. Les gaullistes conservent cinq sièges dans le Finistère dont celui de Quimper occupé par Edmond Michelet. Ils ne perdent que Brest 1 au profit de l’indépendant Georges Lombard qui redevient député. Le MRP garde aussi Quimperlé. Encore une fois, ce sont les voix centristes qui ont permis au PSU Roger Prat de conserver le siège de Morlaix à la gauche. Même si l’épreuve n’a été réussie que d’extrême justesse, Tanguy Prigent peut être satisfait d’avoir assuré sa succession dans un contexte national de progression de la gauche, même si le paysage politique en Bretagne n’a guère été bouleversé13.

Les derniers feux du militantisme

8Ayant abandonné son siège de député, Tanguy Prigent a désormais beaucoup plus de temps disponible. Il voudrait travailler à ses mémoires mais a de plus en plus de mal à se concentrer sur le travail intellectuel et il se prend de passion pour le bricolage dans son petit deux-pièces parisien. C’est une sorte de fuite selon sa fille mais il consacre aussi ses loisirs à la vie culturelle et artistique parisienne14.

9Le militant participe toujours aux travaux nationaux du PSU. Mais il a dû mal à suivre les luttes de tendances qui s’exacerbent en 1967-1968. Dans une lettre du 30 juin 1967 au secrétaire fédéral Paul Trémintin, il écrit : « Je ne connais pas le découragement. Mais je suis rentré du congrès national du PSU déçu et très inquiet15. » La fédération tente alors de relancer un bulletin ronéoté en juin 1967 à l’occasion du congrès fédéral qui réélit Tanguy Prigent au comité politique fédéral16. Elle prône une stratégie unitaire de la gauche dans le Finistère avec la présentation d’un candidat unique dès le premier tour pour les élections cantonales du septembre 1967. Dans son fief de Lanmeur, le conseiller général sortant est réélu dès le premier tour en progressant même en voix par rapport à 1961, sans doute à cause d’une participation plus forte (68 %)17. Dans le Finistère, ces élections sont marquées, comme en mars 1967, par la progression des candidats de gauche (PSU, PCF et FGDS) et par un bon report des voix au second tour. Candidat à la présidence du Conseil général, Tanguy Prigent n’a recueilli que 11 voix sur 43 dans une assemblée qui reste présidée par le centriste André Colin (Centre démocrate). Ce résultat montre la faiblesse de la gauche dans ce département. Dans cette période, le PSU soutient les luttes sociales (syndicales et paysannes) notamment contre les ordonnances sur la sécurité sociale, participe au rassemblement laïque de Brest (22 octobre) et organise des manifestations pour la paix au Vietnam contre l’impérialisme américain. Au plan régional, il participe toujours aux journées de l’action régionale progressiste organisées par Ar Falz comme celle du 9 septembre 1967 à Lorient qui rassemble toutes les forces de gauche et des syndicats18.

10Mais Tanguy Prigent s’investit de moins de moins dans la vie politique et administrative locale même si ses électeurs lui font toujours confiance. Revenu à Morlaix, il note lucidement le 2 août 1969 : « Je ne m’occupe plus de ma mairie, et ceci depuis plusieurs années déjà. Il n’est plus facile, à partir d’une certaine intensité, de se défaire des mauvaises habitudes : drogues, alcool, travail ou plutôt bricolage nocturne, mais surtout déceptions, blessures, cicatrices.

11« Une fois de plus, j’ai envie de partir pour quelques semaines de repos total avec cure de sommeil, bien que je sache que ça n’arrange rien. J’ai proposé plusieurs fois ma démission de mon poste de maire, car je ne suis plus celui dont le conseil municipal et la population de Saint-Jean-du-Doigt ont besoin. Mais ils n’ont jamais voulu me laisser quitter mon poste, moi qui ne suis presque plus jamais dans la commune et qui suis à bout de course19. » Alors qu’il n’a pas encore 60 ans, des années d’hyperactivité et de militantisme vécu comme un sacerdoce, supportées grâce au recours aux« dopants » (depuis l’après-guerre) et à l’alcool, ont détruit la santé d’un homme pourtant robuste20.

12En 1967 et 1968, Tanguy Prigent milite essentiellement dans sa région.

13Le PSU traverse une nouvelle crise avec l’exclusion à la fin de l’année 1967 de Jean Poperen qui avait accepté de participer à une réunion dans le Trégor. Tanguy Prigent semble toujours proche des analyses et de la démarche de Poperen en faveur de l’union de la gauche. Le 28 janvier 1968, il organise la réunion prévue à Plougasnou avec Jean Poperen qui est devenu le leader du groupe « d’unification socialiste ». Une lettre à ses camarades du canton de Lanmeur du 30 janvier évoque cette réunion « pénible pour tous les militants socialistes sincères et désintéressés », « la tristesse, le doute » « tant nous espérions redresser le PSU dans la voie unitaire qui n’aurait jamais dû cesser d’être sa mission ». L’ancien député n’accepte pas cette exclusion « illégale », « sans motif défendable » et il sollicite l’avis de ses camarades21. Tanguy Prigent paraît à ce moment-là favorable à un rapprochement avec la FGDS et le PCF22. Au début de 1968, il a failli participer à une assemblé de la FGDS à Châteaulin avec Charles Hernu mais il s’est ravisé craignant d’être le seul membre du PSU.

14Tanguy Prigent est-il sur le point de quitter le PSU ? Il y reste, sans doute rasséréné par les événements de 1968 dans lesquels les militants du PSU, notamment les étudiants, jouent un rôle important. Durant ces journées de mai 1968, l’ancien ministre fait « un exposé » dans la Sorbonne occupée et goûte le contact direct avec les étudiants contestataires23. Comme des millions de Français, Tanguy Prigent a cru le changement possible mais il a été déçu. Un an plus tard, le 9 mai 1969, dans une lettre à Michel Rocard, il explicite sa perception des événements de Mai et Juin 196824. « En mai 1968, j’étais aux côtés des étudiants et mon jugement concernant le PCF et Séguy de la CGT était extrêmement sévère. Je reste persuadé que – malgré le crime de Baden-Baden – nous aurions eu la peau non seulement du Gaullisme, mais celle du régime capitaliste, si des erreurs ne s’étaient pas multipliées au cours des derniers jours de mai ». Erreurs de la gauche officielle et de François Mitterrand ? En tout cas l’illusion révolutionnaire semble avoir quelque temps saisi l’ancien petit paysan breton. À l’automne 1968, il approuve totalement l’action du PSU pendant les événements de Mai. Il reste partisan de la minorité du PSU qui souhaite un parti unitaire de la gauche dont il condamne néanmoins l’attitude frileuse25. Malgré l’interruption forcée du Printemps de Prague par l’intervention des chars soviétiques, il pense qu’il faut garder des contactsavec le PCF.

15À la fin juin 1968, le raz-de-marée électoral, gaulliste et de droite, a déferlé sur la Bretagne comme sur le reste de la France. Roger Prat a perdu le siège de Morlaix au profit de Pierre Lelong (UDR), élu au second touravec 53,2 % des voix. Le PSU (3,9 % au plan national), avec plus de 300 candidats, a pourtant été le seul parti à gagner des voix à gauche après la secousse de mai 1968. En Bretagne, la gauche n’a plus qu’un seul député FGDS à Saint-Nazaire. Le siège de Morlaix ne sera regagné qu’en 1978 par Marie Jacq, ancienne assistante parlementaire de Tanguy Prigent, candidate sur les listes de la SFIO dans les années 1950, passée au PSU puis au PS.

Ultimes combats politiques

16À l’automne 1968, la fièvre retombée, Tanguy Prigent s’inquiète de l’isoleme du PSU dans ses échanges de courrier avec Michel Rocard et lors d’une réunion avec les délégués des huit sections du canton de Lanmeur.

17Le militant socialiste qui rêve d’une réunification de toutes les forces de gauche ne goûte guère les évolutions vers l’extrême gauche, voire le gauchisme de son parti26. Il semble s’éloigner du PSU, mais le 10 mars 1969 encore, c’est en simple militant socialiste qu’il adresse à la fédération son point de vue sur la vie du parti.

18Deux lettres, l’une à Marie Jacq l’autre à Michel Rocard au printemps 1969, permettent de connaître le positionnement politique exact de Tanguy Prigent à l’égard de l’action politique alors qu’il séjourne dans une clinique près de Montpellier. La première, datée du 19 avril, est adressée en pleine campagne référendaire à Marie Jacq, maire de Henvic depuis 1965, et membre du comité politique fédéral du Finistère. Elle évoque une crise au sein de la section du PSU de Morlaix et une brouille avec l’ancien député Roger Prat27. Envisageant sans le dire une éventuelle évolution politique après le référendum sur la régionalisation et le Sénat (une dissolution de l’Assemblée), il pousse Marie Jacq à être candidate à la candidature dans le parti aux futures élections législatives. Elle le sera effectivement à Morlaix, battue en 1973 par Pierre Lelong, puis élue d’extrême justesse en 1978 (50,4 %). Marie Jacq (PS) représentera la circonscription de Morlaix jusque 199328.

19L’ancien ministre ne croit plus dans ce PSU coupable « d’avoir tout gâché par son orgueil, sa morgue, ses maladresses, ses méthodes ». Les espoirs d’un socialisme rénové s’envolent avec ce parti en train de se marginaliser. Manifestement, comme Mendès France, Tanguy Prigent ne partage pas les espérances révolutionnaires post-soixante huitardes portées par les jeunes militants du PSU et de l’extrême gauche de la génération de 1968.

20Après les brèves illusions du joli mois de Mai, sa culture politique socialiste ne le pousse pas vraiment vers la révolution. Pourtant, son épouse et lui-même ont encore cotisé en 1969. Car Tanguy Prigent se refuse moralement à quitter le parti, donc à faire scission : « Mais, dans le Finistère, je n’avais pas le droit, cette année encore, de permettre mensongèrement de me faire accuser de scissionniste… » Fidélité donc à ses idées plus qu’au PSU surtout lorsqu’on regarde la situation de la gauche en miettes (« Et à côté ? Quelle pauvre gauche ! »). Le militant affaibli n’a pas perdu tout espoir quand il ajoute : « Ceci n’exclut pas qu’il est possible qu’en quelques mois, les Conventionnels aidant, le nouveau PS ne soit le catalyseur, que le PSU n’a pas su être. Mais ne démolissons rien chez nous en attendant de vérifier cette espérance. » De toute façon, il n’adhère pas au nouveau PS dirigé par Alain Savary, refondé durant l’été 1969. Aurait-il adhéré au PS élargi sorti du congrès d’Épinay en 1971 ? C’est difficile à dire tant son jugement est dur dans les jours qui précèdent sa mort : « Et du “nouveau” parti socialiste me souciais infiniment moins que de mon premier sarreau29. » Évoquant quelques lignes plus haut la création de ce nouveau PS après le fiasco du tandem Defferre-Mendès France (5,1 % aux élections présidentielles de juin 1969), il note : « Il s’agit de remplacer un parti socialiste décidément bien compromis par un nouveau parti assez habilement replâtré pour que s’y ruent les adhérents du PSU, et quelques brebis égarées » et il parle avec ironie « du futur nouvel ancien parti socialiste de Mollet, Mauroy Defferre etc., qui va prendre tôt ou tard la relève de l’ex-néo parti de Mollet, Mauroy, Defferre etc. ». Ce n’est pas le discours d’un homme qui voit d’un bon oeil cette opération. Il est vrai que Tanguy Prigent écrit cela dans les derniers jours de sa vie, alors qu’il se regarde mourir, en précisant qu’il a cherché à en finir avec la politique : « En mai dernier [1969], je jetais enfin par-dessus bord, littéralement balançais tous les politiciens, et par conséquent moi-même en tant que tel. » Entré dans une phase d’introspection et de bilan, l’ancien ministre s’accuse d’avoir été trop influencé par de Gaulle (à la Libération), Guy Mollet (jusqu’en 1958), puis Mendès France. Il est alors très critique sur l’association de Pierre Mendès France avec Gaston Defferre lors des élections présidentielles de 1969.

21Elles ont été l’occasion de son dernier combat contre le régime gaulliste. Tanguy Prigent a appelé à voter non au référendum du 27 avril 1969, dans un communiqué du 15 avril au Midi Libre30. Sans doute se réjouit-il de la victoire du non (53 % en France, mais 44,1 % en Bretagne) ? Les élections présidentielles qui suivent le départ du pouvoir du général de Gaulle sont une nouvelle occasion de préciser la position de l’ancien député à l’égard du PSU lorsque Michel Rocard sollicite le 7 mai 1969 son parrainage pour se présenter le 1er juin. De la clinique de Montpellier, le Breton répond le 9 dans une lettre manuscrite de sept pages31. Tanguy Prigent accorde sa signature au leader de son parti en lui expliquant bien les conditions32. Si le PSU avait voulu faire cavalier seul contre un candidat unique de la gauche valable, capable de battre Pompidou et « d’éviter le marais centriste », il aurait refusé sa signature et condamné le parti comme il vient de le faire dans un communiqué à l’AFP et au Midi Libre, très sévère à l’égard de Gaston Defferre, candidat de la SFIO, et de Guy Mollet33.

22L’ancien député de Morlaix était donc partisan en 1969 d’un bon candidat unique de la gauche – mais lequel, car François Mitterrand ne trouve pas grâce à ces yeux depuis mai 1968 – et ne se rallie à Michel Rocard que par défaut. De même, il précise que si au congrès national de Dijon, auquel il n’a pas participé, la thèse de l’abstention ou du boycottage lors du référendum l’avait emporté, il aurait « avec tristesse et colère » quitté le PSU34. Selon lui, il faut éviter les provocations du pouvoir et, en « démocrates vrais », se battre pour « rétablir Libertés, Dignité, respect du citoyen et pour que la République réinstallée ne soit pas la même que les autres, mais une République permettant d’aller (en France et bien vite en Europe), par étapes, vers un Socialisme authentique résolu à concilier le Socialisme et la liberté ». Cette sorte de testament politique est celui d’un républicain, jamais tenté par le communisme, qui n’a pas accepté la Cinquième République et le second modèle républicain. Il appelle le candidat du PSU à se garder de l’air du temps, « de la violence verbale et de la démagogie », sans ambiguïtés ni compromissions. Tanguy Prigent propose son programme au candidat du PSU : il lui faut expliquer avec « sincérité et sérieux » « la démocratie économique et sociale » contre le capitalisme, « la supranationalité », « une véritable régionalisation », « l’association des travailleurs à la gestion des entreprises ». « Tout cela est réalisable et s’impose35. » Visant sans doute la SFIO, il s’en prend ensuite « aux traîtres » et aux « appareils » qui ont « prostitué la pensée socialiste et vidé de toute énergie les militants à la base ». Mais si l’alternative de la démocratie socialiste échouait, il ne resterait que les situations révolutionnaires pour permettre le changement. Or, ce n’est pas possible actuellement et il faut donc se saisir des élections présidentielles qui « peuvent créer les possibilités de faire un pas décisif vers le Socialisme » et « liquider » tous ceux (traîtres et appareils) qui font que la gauche est dans une « situation de faiblesse humiliante et intolérable ». C’est une analyse politique quelque peu confuse voire contradictoire, quand l’auteur de la lettre demande à Michel Rocard de se garder des violences verbales mais alterne propositions issues du programme du PSU et violentes mises en cause des responsables politiques de gauche, bien dans l’air du temps et des organisations d’extrême gauche.

23À l’issue d’une bonne campagne électorale, Michel Rocard recueille 3,6 % des suffrages exprimés le 1er juin au niveau national mais il atteint 7,9 % dans la circonscription de Morlaix, son meilleur score en Bretagne.

24Ces résultats s’ajoutent aux 21,4 % de Jacques Duclos36. Michel Rocard ne donne aucune consigne de vote pour le second tour et nous ne connaissons pas avec certitude quelle fut la position de Tanguy Prigent37.

25Le dernier acte politique de Tanguy Prigent semble être la signature d’une pétition adressée au dictateur bolivien Ovando, en faveur du prisonnier Régis Debray, à la demande de Claude Bourdet en décembre 1969.

L’approche de la mort

26Rentré à Morlaix le 1er août 1969, Tanguy Prigent entame lucidement son ultime combat contre la maladie et la mort. « Sans être très impressionné, je sens depuis ce matin, qu’en général on me croit près de la fin » écrit cet homme usé à son retour en Bretagne38. On a du mal à le reconnaître tant il a changé physiquement39. Le beau et séduisant jeune homme qui séduisait son public lors de ses meetings et les femmes dans ses années ministérielles et « parisiennes » a bien changé40. « Ma santé est mauvaise, physiquement, nerveusement mais surtout moralement. Les médecins me disent tous que je n’ai rien “d’organique” et j’en viens quelquefois à déplorer cet état de fait. » Il se demande quelle thérapeutique pourrait le libérer du dopage sans le condamner à une inactivité totale. Mais il ne croit plus aux cures spéciales telles que la semi-hibernation qui lui ont permis de se retaper à plusieurs reprises et il va se regarder mourir pendant quelques mois encore, se retournant sur sa vie en tentant de rédiger ses mémoires. Il veut se réinstaller à Kervari, la ferme de son enfance dont il possède encore les bâtiments et un peu plus de deux hectares de terre et y faire des travaux41. Mais il n’en aura guère le temps et devra séjourner à l’hôpital de Morlaix.

27Dans sa chambre d’hôpital, les visites sont interdites sauf à sa famille et au recteur de Saint-Jean-du-Doigt avec lequel il lui arrive de boire du champagne42. Son épouse ou sa famille lui font la lecture. Mais si Tanguy Prigent n’a pas de cancer comme on le pense hors les murs, il souffre d’une jaunisse qui l’affaiblit encore et tient grâce aux amphétamines qu’on lui procure contre l’avis du médecin chef. Dans les derniers temps, il est nourri par du sérum. Sa dernière fiche médicale précise : « Mais sur le plan métabolique, un déficit global est à retenir : état de maigreur secondaire due à une dénutrition prolongée et plus ou moins volontaire43. » Le lutteur ne veut plus ou ne peut plus lutter ; il cesse de s’alimenter plus ou moins volontairement. Le 20 janvier 1970, Tanguy Prigent s’éteint quelques semaines après son soixantième anniversaire.

28Le 2 janvier, le mourant affronte sereinement la mort. « Ce dont je suis absolument certain, c’est que la mort ne provoque en moi ni épouvante, ni peur panique, ni peur tout court, ni répugnance, ni même la moindre appréhension. Pas de peur physique, pas de peur superstitieuse, pas de recul ou d’effroi devant le Mystère. Pas non plus d’inquiétude d’ordre spirituel. À part un profond et déchirant regret, je sens en moi un calme et une sérénité semblables à ceux que j’avais tant admirés chez grand-père ». Le socialiste laïque se met au clair avec la foi et la religion : « Suis-je déiste comme lui ? Je suis moins convaincu de l’existence d’un Dieu tout-puissant. Je suis probablement un agnostique mais en tout cas, comme grand-père, je ne crois à aucune des explications fournies par les religions. Jésus a été un homme assez exceptionnel sans qu’il soit nécessaire de croire, en plus, à sa divinité. » Mais il n’est pas scientiste pour autant car si la science pourra « expliquer tant bien que mal les comment, elle n’expliquera jamais les pourquoi ». Tanguy Prigent croit en l’Homme et aux valeurs humanistes dans ce monde moderne qui sécrète accidents, maladies, injustices sociales et tortures physiques et morales « dans les pays totalitaires et aussi, hélas ! dans tous les régimes, même les démocraties ». Ce texte s’achève par l’évocation du « martyr infligé aux animaux et à la terre par des gens qui se disent agriculteurs et qui effectivement n’ont plus droit au beau nom de paysans ». C’est en toute connaissance de cause, insiste-t-il – « c’est tout le contraire d’un attendrissement d’homme épuisé » – qu’il condamne les mutations de l’agriculture bretonne productiviste et capitaliste qui conduit des agriculteurs à « empaler vivants des petits cochons aux grilles des préfectures pour appuyer de “justes revendications” ». Le paysan de Saint-Jean-du-Doigt n’est plus en phase avec son époque de bouleversements de l’agriculture qu’il a pourtant contribué à moderniser après la guerre. À moins qu’il ne soit le précurseur, avec un quart de siècle d’avance, d’une agriculture réconciliée avec les besoins de l’homme et conscient des ravages écologiques de la seconde révolution agricole ? Coup de griffe aussi aux modes d’action violents de la FNSEA et autres groupements de producteurs du Léon qu’il a condamnés dans les années 1960. Au total, quelques jours avant sa mort, Tanguy Prigent rejette « l’ignominie matérialiste » et appelle la jeunesse à « se consacrer au sauvetage de la civilisation ».

29Dans ces mémoires inachevés, l’homme politique se retourne aussi sur sa vie et sur son enfance et porte des jugements très durs sur la classe politique et sur lui-même, s’interrogeant comme nous l’avons déjà évoqué sur les raisons de sa fascination et de son suivisme vis-à-vis en particulier de Guy Mollet. Il se reproche amèrement de l’avoir soutenu dans sa politique algérienne.

30Ce qui sera publié comme le chapitre VIII des Maîtres de la vanité est terrible car avec les jugements la plupart du temps négatifs qu’il porte sur les hommes de gauche, il imagine les lettres à Denise, sa veuve, de Pierre Mendès France ou de Michel Rocard, et les excuses des absents à ses obsèques. Le jour de sa mort, lucide, critique, désabusé, prémonitoire ? Il écrit : « Aujourd’hui, 20 janvier 1970, je n’ai pas fait l’inspection de la carrosserie. Les éternels retardataires ne devraient plus attendre pour m’adresser leurs vœux.

31« Ma mort n’empêchera pas une seconde le cirque de tourner, heureusement en un sens. Bientôt au nom de la nécessité de la lutte des classes, contre la trahison que serait une réconciliation nationale, François Mitterrand sera élu secrétaire général d’un nouveau parti socialiste. S’il est un jour président de la République, au nom de la nécessaire réconciliation nationale, contre l’intolérable division que représente la lutte des classes, il prêchera un socialisme national inspiré, il s’en flattera ! du gaullisme ; qui s’inspire lui-même, sans toutefois s’en flatter, du socialisme national de Marcel Déat. La boucle sera bouclée et ouverte […]44. » À la dernière remarque près concernant les rapports du gaullisme et de Déat, c’est la trajectoire d’un quart de siècle de socialisme français que Tanguy Prigent trace par anticipation… Le paysan de Saint-Jean-du-Doigt connaît bien son monde socialiste et ne se fait aucune illusion sur les évolutions probables, précisant que le jour de sa propre victoire électorale, en 1936, son grand-père Yann Coz avait pressenti qu’il risquait lui-même de devenir l’un des maîtres de la vanité45.

Tanguy Prigent entre histoire et mémoire

32Quand Tanguy Prigent meurt dans la nuit du 20 au 21 janvier 1970, c’est un homme déjà oublié de la classe politique parisienne qui disparaît. Le Monde publie une notice nécrologique, non signée, qui retrace sa carrière et conclut sur « un homme d’une parfaite honnêteté et d’un grand courage face aux épreuves que lui réservèrent la guerre, la vie politique et la maladie ». Tous les hommages et commentaires insistent sur ces deux qualificatifs en particulier dans les discours prononcés lors de ses obsèques civiles à Saint-Jean-du-Doigt le vendredi 23 janvier46. Dans une émission en breton sur Radio-Brest, reprise sur Rennes Bretagne en février, Armand Kéravel met l’accent de manière plus originale sur le Tanguy Prigent, défenseur de la langue et de la culture bretonnes. Il rappelle l’appui incessant, notamment à Ar Falz, du bretonnant pour obtenir l’enseignement du breton « et des langues ethniques » à l’école, des années 1930 à sa mort47.

33Peu avant sa mort, Tanguy Prigent avait bien raison de penser queMichel Rocard ne trouverait pas le temps de faire le déplacement dans le Trégor. M. Gontcharoff, au nom du bureau national du PSU, est chargé d’excuser son absence ainsi que celle d’Édouard Depreux. Aucune personnalité politique de gauche n’a daigné faire le déplacement à Saint-Jean-du-Doigt48. Les personnalités de la République, pompidolienne il est vrai, non plus. Le préfet du Finistère est chargé de représenter le gouvernement : « Nous venons de perdre un homme d’un grand courage et d’une grande sincérité et certainement l’une des personnalités les plus attachantes que le Finistère ait jamais connues49. » Si ses pairs sont absents, les Bretons eux sont bien là. Les amis, les électeurs et les anonymes sont venus de toute la région saluer la dépouille du paysan devenu ministre par le choix du général de Gaulle. À Saint-Jean-du-Doigt, « la foule » estimée à 2 000 personnes, se presse à l’extérieur de la petite mairie où repose le corps, au son de concertos de Chopin et de Rachmaninov, puis défile devant le catafalque déposé à l’entrée du cimetière, après avoir fait le tour de l’enclos paroissial. Ce sont ses amis qui retracent sa vie militante : René Prigent, son premier adjoint, Marie Jacq, le docteur Ary Fichez, son suppléant de 1958 resté à la SFIO et à la FGDS mais toujours son ami. Puis, il est inhumé dans l’enclos au pied de la belle église paroissiale construite au XVe siècle. Sa modeste tombe sera recouverte de fleurs et de roses au lendemain du 10 mai 1981.

34Oublié au niveau national, Tanguy Prigent va jouir d’une aura extraordinaire parmi les gens de sa génération. Le souvenir de son action reste très fort, et pas seulement dans son canton et pour ses amis politiques, comme en témoignent des manifestations des années 199050. Ses adversaires politiques du moment reconnaissent tous son dévouement, son extrême honnêteté– s’il a connu les honneurs, il n’a pas fait fortune en politique loin s’en faut –, son idéalisme. Le monde agricole n’oublie jamais de souligner la réforme essentielle du fermage et du métayage. Les marques de respect pour l’homme qui avait fait voter cette réforme étaient sensibles chez les paysans bretons qui ne votaient pas obligatoirement à gauche51. Une sorte de légendaire s’est même forgée sur son action dans la Résistance, sur ses apparitions et disparitions en 1943-1944. Cinquante ans après ce souvenir reste très ancré dans les communes du centre Bretagne, du Trégor et de la Montagne qui ont connu des actions contre les ventes-saisies ou qui l’ont hébergé pendant la période de la clandestinité comme Francis Favereau a pu le constater en recueillant des témoignages en breton dans les années 1970-198052. Mais comme dans la mémoire nationale, on oublie ou on occulte sa participation au gouvernement Guy Mollet en 1956-1957 et on sous-estime aussi son engagement ensuite contre la guerre d’Algérie.

35Le 1er avril 1995, pour célébrer les 25 ans de sa disparition, le parti socialiste du Finistère lui a consacré un colloque à Morlaix faisant se rencontrer historiens et témoins. Revendiquant sa filiation, le PS redécouvre son héritage politique53. Après l’échec socialiste des élections législatives de 1993, en partie provoqué par les « affaires » et le mitterrandisme finissant, le parcours et les engagements de Tanguy Prigent sont de nature à remobiliser militants et électeurs, même si l’ambition de cette journée est commémorative et historienne avant d’être politique.

36Déjà, au milieu des années 1980, la création théâtrale a replacé l’ancien paysan sur les scènes de la région à partir de la pièce de Naig Rozmor, Ar Mestr (Le Maître)54. La pièce (1986) est d’abord adaptée en français, sous le titre Sacré tangi bihan (1989), cosignée par Joël Cudennec, et jouée par une troupe d’amateurs de l’ULAMIR de Lanmeur, l’héritière des foyers ruraux fondés par le ministre de l’Agriculture. Pendant trois ans le spectacle tourne dans la région et réactive le souvenir de Tanguy Prigent ou le fait connaître aux plus jeunes. En 1996, la pièce de Naig Rozmor, une Léonarde, est reprise en breton et jouée une vingtaine de fois devant près de 4 000 spectateurs. Elle relate l’histoire du départ forcé de la famille de l’auteur, très catholique, quand le propriétaire, un prêtre, vend sa ferme. C’est par ce biais qu’elle renvoie aux luttes paysannes des années 1930 et à l’affrontement Tanguy Prigent-Dorgères55. En janvier 1997, Michel Tréguer en donne à la télévision régionale FR3 une adaptation Maîtres et fermiers, mi-fiction midocumentaire. Ces divers spectacles, en français et en breton, ne sont pas centrés sur la carrière politique de Tanguy Prigent, mais sur son action militante. Ils contribuent néanmoins, au niveau régional, à un travail de mémoire qui tend à héroïser l’homme et à conforter son souvenir. Du champ politique, le militant glisse vers le champ culturel et artistique en confortant un légendaire qui n’en demandait pas tant pour se consolider.

37Une enquête toponymique des lieux (rues) et des édifices publics (collèges, salles ou foyers), sans doute incomplète, permet de mesurer son souvenir. Au début 2002, au moins onze communes de Bretagne ont donné son nom à une rue ou à un boulevard, essentiellement dans la région de Morlaix et dans des villes avec des municipalités de gauche à direction socialiste : Saint-Brieuc (1962-2001), Brest (1977-1983 et depuis 1989) et Rennes (depuis 1977)56. Le collège public de Saint-Martin-des-Champs, près de Morlaix, porte aussi son nom ainsi qu’un groupe scolaire à Santec et bien sûr le foyer de Saint-Jean-du-Doigt qu’il avait créé. Cette enquête non exhaustive témoigne du rayonnement de l’homme politique finistérien dans la mémoire contemporaine.

38Quant à eux, les historiens de l’histoire politique principalement (sur la guerre et l’après-guerre, la Résistance, l’histoire du socialisme et de la décolonisation), ont pu éclairer des facettes de l’action du personnage et nous avons largement puisé dans leurs travaux. Mais il manque encore une étude de fond sur les politiques qu’il a menées au ministère de l’Agriculture et au ministère des Anciens combattants. Tanguy Prigent appartient désormais au patrimoine national et est indéniablement l’une des personnalités politiques bretonnes marquantes du xxe siècle57.

Notes de bas de page

1 Maud Croc, Marcel Hamon (1908-1994). Une grande figure communiste des Côtes-du-Nord, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1998, p. 129. Le Pays Breton, n° 148, février 1970, « Hommage à notre ami Tanguy Prigent ».

2 Texte du 2 août 1969, Mireille Prigent, Ti Kaled. I, op. cit., p. 271-274.

3 CDT de Nantes. PRI 24. Lettre de Mendès France du 26 mai 1966 et lettre à ses camarades finistériens dans laquelle il annonce son retour en Bretagne vers le 20 juillet. Des extraits de ces lettres ont été publiés dans Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 177-179.

4 Ibidem, lettre à Mendès France du 14 juin 1966.

5 CDT de Nantes. PR 21. Lettre de six pages aux militants PSU de sa circonscription, à la fédération et au secrétaire général. Le Monde annonce que « l’unique élu du PSU ne se représentera pas ».

6 « J’ai toujours pour le socialisme et pour aider les collectivités et les familles, très exagérément tiré sur la corde. »

7 AN. F 7/15504. Note du 25 août 1966.

8 CDT de Nantes. PRI 26. Courrier 1965. Dans une lettre du 17 avril 1965, il annonce qu’il se met en retrait car il conteste la façon dont la campagne électorale a été menée et aussi parce qu’il souhaite postuler à un poste de directeur départemental dans son administration.

9 Roger Prat a été investi contre Larher, conseiller général PSU de Plouigneau.

10 En 1958, la présence de deux candidats se réclamant du gaullisme au 1er tour a provoqué un ballottage gagné par de G. Poulpiquet (62,8 %) sur A. Colin au second. Ce dernier a été élu au Sénat en 1959 et ne s’est pas présenté en 1962. G. de Poulpiquet a été réélu dès le 1er tour avec 73,8 %.

11 Ouest-France, 6 et 7 mars et 11-12 mars 1967. Pierre Lelong (Ve République) a obtenu 17 301 voix devant Roger Prat (PSU) 12 377 et Alphonse Penven (PCF), 9 045. André Colin n’a obtenu que 7 658 suffrages

12 Roger Prat a obtenu 23 349 voix, Pierre Lelong, 23 300.

13 Michel Nicolas, Jean Pihan, Les Bretons et la politique. 1958-1988, op. cit., p. 66-91.

14 Mireille Prigent, op. cit., p. 274-275.

15 CDT de Nantes. PRI 24.

16 Ibidem, PRI 20 Bulletin du PSU, n° 1, juin 1967.

17 Ibid., Bulletin du PSU, n° 2, novembre 1967.

18 La FGDS, le CIR, le PCF, l’UDB y participent. Yves Lannes, un membre du CPN du PSU y prend la parole pour défendre le combat régionaliste contre le capitalisme.

19 Mireille Prigent, op. cit., p. 271-274.

20 Le 2 août 1969, Tanguy Prigent écrit : « J’ai beaucoup “tiré sur la corde”. Pour faire face j’ai dû subir presque constamment, une tension hors du commun. À cela s’ajoutait la fatigue d’un militant qui se croyait chargé d’une véritable mission et se donnait tout entier. »

21 CDT de Nantes. PRI 26. Courrier 1966-1970.

22 AN. F 7/15504. Note des RG du 10 octobre 1968.

23 Mireille Prigent, op. cit., p. 275. Il écrit à son gendre François Châtelet : « L’amphithéâtre était plein. Curiosité superbe. Grande chaleur humaine. »

24 Ibidem.

25 AN. F 7/15504. Note des RG du 10 octobre 1968.

26 CDT de Nantes. PRI 26. Courrier 1966-1970.

27 CDT de Nantes. PRI 26. Courrier 1966-1970. Nous ignorons les raisons de cette crise avec Roger Prat à qui, écrit Tanguy Prigent, « je ne serrerai plus la main – je le dis sans plaisir – [et qui] ne sera plus notre député ». Tanguy Prigent a été délogé du bureau qu’il occupait depuis des années à Morlaix et qu’il partageait avec l’ancien député. Est-ce la raison ou y a-t-il des divergences politiques ?

28 Marylise Lebranchu (PS), maire de Morlaix (1995, réélue en 2001), reprend le siège en 1997 et devient ministre de Lionel Jospin (1997-2002).

29 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 187-188 et p. 184-185.

30 CDT de Nantes. PRI 19 bis. « Voter oui, c’est manquer à la probité civique et à l’honnêteté tout court. »

31 Ibidem. PRI 26. Courrier 1966-1970. Cent signatures d’élus sont alors nécessaires. Il évoque d’abord « l’abcès limité et regrettable », la crise interne qui a perturbé la vie du parti à Morlaix.

32 Il précise qu’il a été aussi sollicité par Revault d’Allonnes pour donner sa signature à Alain Krivine, candidat de la Ligue communiste trotskiste, mais qu’il a choisi de soutenir Michel Rocard.

33 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 185 : « Si Gaston Defferre que nous connaissons personnellement depuis 1943, est profondément “defferriste”, il n’a jamais été et ne sera jamais socialiste. » Il épargne encore Mendès France.

34 Il précise qu’il a pesé pour empêcher les fédérations du PSU du Finistère et des Côtes-du-Nord d’aller dans ce sens.

35 Tous ces termes sont soulignés dans la lettre.

36 Michel Nicolas, Jean Pihan, op. cit., p. 96-107.

37 CDT de Nantes. PRI 26. Un texte manuscrit non signé trouvé dans ses papiers affirme que Tanguy Prigent votera pour Alain Poher au second tour. Un second texte à Tanguy Prigent indique que les électeurs des cantons de Lanmeur et de Plouigneau « ont suivi vos indications en votant Poher au 2e tour ». Rien ne permet de corroborer ces affirmations car il mettait en garde contre « le marais centriste » et on l’imagine mal appeler avec la SFIO à voter Poher. Mais il est vrai qu’une partie des voix communistes et PSU du premier tour se reportent sur Alain Poher au second dans le Trégor et en Haute Cornouaille.

38 Mireille Prigent, Ti Kaled. I, op. cit., p. 271-274.

39 Il écrit le 2 août 1969 : « j’ai vieilli beaucoup, me suis voûté, ai perdu force et “allant” pour unebonne partie. »

40 Dans le chapitre des maîtres de la vanité écrit à l’hôpital, Tanguy Prigent fait lui-même allusion à ses maîtresses, p. 141.

41 Ibidem, p. 9-11.

42 Ibid., chap. VI.

43 Mireille Prigent, op. cit., p. 223-226.

44 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 188.

45 Ibidem, p. 191. N’ayant pas vu dans ses archives, le manuscrit de ce texte publié par sa fille, la question qui se pose à l’historien est de savoir s’il a été publié intégralement ou s’il a été arrangé.

46 CDT de Nantes. PRI 19 (bis). Le Monde du 22 janvier 1970 (deux colonnes, 113 lignes). L’Aurore du 22 janvier et Témoignage Chrétien du 29 consacrent quelques lignes à l’information tirée d’une dépêche de l’AFP.

47 Mireille Prigent, op. cit., p. 310-315. Texte en breton et en français.

48 Ouest France, 24-25 janvier 1970. Louis Orvoën, vice-président du Conseil général s’exprime au nom de cette assemblée.

49 Le Pays Breton, « Hommage à notre ami Tanguy Prigent », n° 148, février 1970.

50 Nous avons pu le constater lors de la table ronde que nous avons présidée dans le cadre du colloque Saint-Jean-du-Doigt des origines à Tanguy Prigent, organisé en septembre 1999 par Jean-Christophe Cassard et le CRBC. Quatre témoins ont évoqué le souvenir de l’homme de manière émouvante : Gérard Morvan, Alain Le Borgne, Pierre Abéguilé, François Jégaden.

51 Témoignages lors de la table ronde citée et lettre de Jean-Michel Le Boulanger de mai 2001 à propos de son grand-père, agriculteur dans la région de Guingamp.

52 Saint-Jean-du-Doigt des origines à Tanguy Prigent, Brest, CRBC-UBO, Kreiz, n° 14. Francis Favereau, « Tanguy Prigent en représentation bretonnante, vu du Léon », p. 431-447.

53 Cap Finistère. Tanguy Prigent, paysan socialiste et ministre, n° 12, 2e semestre 1996. Dans « un message toujours actuel », Marylise Lebranchu écrit : « L’image de Tanguy Prigent est la démonstration que toute action politique n’est ni sale ni vaine. Elle est de nature à réconcilier nombre de nos concitoyens avec l’action politique. C’est sans doute là le principal message qu’il nous a légué et que nous redécouvrons aujourd’hui », p. 16. Ironie : un encart publicitaire du président du Crédit Agricole du Finistère signé Alexis Gourvennec, son adversaire des années 1960, rend un « hommage appuyé » à l’action du ministre de l’Agriculture.

54 Francis Favereau, op. cit.

55 Elle a été publiée en breton en 1997.

56 Nous remercions Mme Lebel-Goascoz d’avoir fait une recherche sur internet. Il existe une rue Tanguy-Prigent à Morlaix, Plourin-les-Morlaix, Lanmeur, Plougasnou, Plouigneau, Plougonven, Taulé, Saint-Pol-de-Léon, des communes de sa circonscription. À Brest, en Saint-Pierre-Quilbignon, un boulevard extérieur relativement récent porte son nom ainsi qu’une rue du nouveau quartier Beauregard à Rennes (1998). Cette géographie, souvent liée à la présence de municipalités de gauche, mériterait d’être datée.

57 Notons qu’Alain Croix et Jean-Yves Veillard qui ont dirigé le Dictionnaire du patrimoine breton, Rennes, Apogée, 2 000, l’ont retenu parmi les cinq hommes politiques bretons du xxe siècle bénéficiant d’une notice, avec René Pleven, Marcel Cachin, Charles Tillon et la dynastie des Le Bail.

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