Chapitre XIV. Le temps du PSU (1960-1967)
p. 301-326
Texte intégral
1À la fin de 1959 et au début de 1960, une nouvelle aventure politique et humaine commence pour le maire de Saint-Jean-du-Doigt. Au sein du parti socialiste unifié (PSU), il va retrouver rapidement un rôle de leader même si le rayonnement du nouveau parti est plus modeste que celui de la SFIO où sont restés de nombreux camarades. Mais aussi bien lors des élections cantonales de mars 1961 que lors des élections législatives de novembre 1962, Tanguy Prigent peut vérifier que ses électeurs du Trégor lui sont restés fidèles. Il prend même sa revanche en reprenant au Dr Le Duc le siège de député de Morlaix, redonnant quelque espoir à une gauche électoralement éliminée en 1958 du Parlement en Bretagne. Pendant la législature, c’est le seul député du PSU à l’Assemblée nationale. Mais aux espoirs mis dans le PSU vont bientôt succéder les désillusions face au gaullisme apparemment triomphant et hégémonique au moins jusqu’aux élections présidentielles de décembre 1965.
Un des dirigeants nationaux du PSU
2Au niveau national, l’arrivée de Pierre Mendès France au PSA a bloqué pour un temps les pour parlers d’unification avec l’UGS. Pourtant, le conseil national de cette formation a majoritairement décidé de relancer le processus lors de son conseil national des 31 octobre et 1er novembre 1959. De longues discussions sur les statuts et les enjeux organisationnels vont conduire au congrès d’unification du printemps 1960. Trop récemment adhérent du PSA, Tanguy Prigent ne semble pas avoir joué de rôle dans les négociations entamées depuis plusieurs mois au niveau national1. Et dans le Finistère, depuis un an les relations entre le PSA et l’UGS sont bonnes du fait du combat commun contre la guerre d’Algérie2. À Brest, en mars 1959, les deux organisations ont présenté une liste commune aux élections municipales et elles ont fusionné au second tour sur la liste d’Union des gauches. L’UGS locale a approuvé en mai la décision du premier congrès national du PSA d’engager l’unification. Dès cette date, on est prêt à la fusion dans le Finistère3. En octobre, lorsque Tanguy Prigent rejoint le PSA, son secrétaire fédéral André Roulleau lui précise que les deux organisations tiennent des réunions communes à Brest et que la fusion est quasiment réalisée dans le Finistère. En outre les militants de l’UGS approuvent l’adhésion de Tanguy Prigent, même si, comme au niveau national, ils sont plus méfiants à l’égard de celle de Pierre Mendès France4. En janvier 1960 les deux organisations étudient à Brest les statuts du futur PSU et lors du congrès interdépartemental du PSA de Châteaulin, le 24 janvier, un délégué de l’UGS donne l’accord de son organisation pour la fusion départementale. À l’unanimité, les fédérations du PSA et de l’UGS décident de lancer un appel à leurs instances nationales pour réaliser rapidement la fusion et de l’anticiper sur le plan départemental5. Tanguy Prigent et Antoine Mazier sont évidemment présents, le premier servant de locomotive au développement du PSU dans son département.
3Ce travail commence à porter ses fruits notamment dans l’arrondissement de Morlaix où Tanguy Prigent organise de nombreuses réunions. Depuis le début de l’année une section du PSA a vu le jour à Morlaix, animée par l’inspecteur des PTT André Jaouen6. Mais à la mi-mars le mouvement de ralliement des socialistes de la SFIO au PSA-PSU reste très modeste : même si quelques sections ont été créées dans le pays de Morlaix, la SFIO n’a pas lieu d’être trop inquiète7. Pourtant le processus de passage de militants de la SFIO au PSA s’accélère au second trimestre de 1960. Ainsi, la fédération PSA du Finistère serait passée de 21 adhérents (fin 1958début 1959) à 178 à son apogée, c’est-à-dire en 1960 au moment de la fusion dans le PSU8. Au bout de quelques mois, Tanguy Prigent est rejoint par ses anciens camarades socialistes. Des sections sont mises sur pied dans les communes du Trégor9
4Formellement, dans le Finistère le congrès départemental d’union se tient le 30 mars 1960. Naturellement, Tanguy Prigent insiste sur la nécessité d’élargir l’influence encore limitée du PSU. Un représentant national de Tribune du communisme, le mouvement de Jean Poperen inexistant dans le département, est présent au congrès. Le PSA constitue l’ossature la plus importante du nouveau parti qui avec quatre membres est majoritaire au sein du bureau fédéral provisoire contre trois UGS. Les dirigeants viennent surtout du Finistère Nord (Brest et Morlaix), cinq pour deux seulement du Finistère Sud. Cette composition reflète la géographie de l’implantation du PSU à sa naissance. Sociologiquement, la fusion élargit le recrutement : aux employés et fonctionnaires (enseignants) du PSA, l’UGS apporte une base ouvrière réelle. L’arrivée de jeunes militants est largement soulignée par les responsables. Tanguy Prigent ne fait pas partie du bureau mais il va assurer les fonctions de directeur politique et gérant du Socialiste, le nouvel hebdomadaire « des travailleurs finistériens démocrates et socialistes » – le sigle PSU n’apparaît pas dans le bandeau du titre. Le numéro 9, en version imprimée, paraît le samedi 14 mai 1960 avec un éditorial de Tanguy Prigent qui se réjouit de la publication aussi rapide d’un nouveau journal militant10.
5Combien d’adhérents compte alors le PSU ? Selon les renseignements généraux, le nouveau parti regrouperait de 150 à 200 adhérents auxquels il faut certainement ajouter des sympathisants11. La plus importante section est celle de Brest avec environ 60 adhérents venus du PSA et de l’UGS. Du fait de l’influence de Tanguy Prigent, les sections sont plus nombreuses dans le Trégor, plus rares dans le Sud Finistère. Même si le recrutement se poursuit en 1960-1962, le nombre d’adhérents du PSU n’atteindra jamais des sommets. Édouard Depreux annonce 20 000 adhérents lors de la naissance du parti en avril 1960 dont environ un millier pour les fédérations du Finistère et des Côtes-du-Nord. Ces chiffres sont très surestimés car à l’automne 1960, selon des données internes, ces deux fédérations compteront respectivement 380 et 580 adhérents12. Si ces données sont exactes cela signifie que la création du PSU a déclenché une dynamique d’adhésions faisant doubler le nombre de militants dans le Finistère en six mois. Or, en 1966, une liste nominative donne exactement 262 adhérents, il est vrai après bien des crises internes qui ont sans doute provoqué des départs13
6Lors du congrès national d’unification des trois composantes le 3 avril 1960 à Issy-les-Moulineaux, Tanguy Prigent qui n’est pas membre de la direction départementale aspire à un poste à la direction nationale du PSU14. Au cours des laborieuses négociations d’unification, l’UGS a exigé la parité dans les instances dirigeantes avec le PSA qui a sans doute plus d’adhérents. Finalement on se met d’accord sur un comité politique national (CPN) de 55 membres (25 PSA, 25 UGS, 5 Tribune du communisme). Tanguy Prigent entre dans ce CPN sur le contingent du PSA et il va naturellement être chargé d’animer la commission agricole nationale. Le PSA a auparavant (1er-2 avril) tenu son dernier congrès à Alfortville et approuvé à main levée la fusion à la quasi unanimité. Mais la désignation des 25 représentants au CPN a donné lieu, selon Le Monde, à quelques luttes d’influence15. Des délégués de base ont souhaité d’abord limiter le nombre des anciens parlementaires ; ils seront néanmoins douze sur vingt-cinq. Il faut aussi inclure les anciens mendésistes sur le contingent du PSA, ce qui place les anciens socialistes SFIO en minorité dans ce nouvel organisme de direction ; trois seront désignés dont Charles Hernu qui siégera au bureau national. Un vote désigne les 25 représentants du PSA, vote qui place Tanguy Prigent en 8e position avec 162 suffrages16. Bien qu’adhérent de la deuxième vague, l’ancien paysan du Trégor conserve un prestige intact dans le PSA. Mais il va être écarté du bureau national de 11 membres (cinq PSA, cinq PSU, un Tribune du communisme). Selon Jean Poperen qui y siège au titre de Tribune du communisme, le choix des représentants du PSA a été laborieux, notamment pour désigner le cadiste Hernu : « Les intrigues “maçonniques” s’enchevêtrent avec les préoccupations proprement politiques. Hernu est finalement préféré à Fallas… parce que résidant à Paris. La candidature de Tanguy Prigent au bureau est écartée17. » Mais il n’en donne pas l’explication. Est-il une nouvelle fois comme en 1956 sacrifié sur l’autel du mendésisme ou sanctionné pour son retard d’un an dans le ralliement au PSA qui place ses fondateurs au bureau national ? Pour l’heure c’est plutôt l’ampleur de la tâche et la joie de la naissance d’un nouveau parti socialiste « purifié » qui l’emporte.
Les combats du PSU
7Lutter contre la politique gaullienne et pour la fin de la guerre d’Algérie, enraciner le parti dans l’Ouest breton telles sont les tâches que l’ancien député de Morlaix se fixe avec le PSU. Bien que de culture politique différente, les laïques du PSA et les chrétiens de l’UGS venus du mouvement de libération des peuples (MLP), sans compter quelques anciens trotskistes et anciens communistes de la Nouvelle Gauche vont assez rapidement réussir l’amalgame car l’objectif commun de la lutte pour la paix et l’indépendance de l’Algérie les réunit18. Le congrès fédéral du 6 novembre 1960 traduit bien, en dépit de désaccords tactiques, la priorité du combat contre la guerre19. En revanche, le petit PSU va avoir quelques difficultés à s’imposer dans la gauche traditionnelle vis-à-vis du PCF et de la SFIO.
8Les combats communs de 1958 pour le non et lors des élections législatives ont néanmoins permis de nouer des liens entre le PCF et certains socialistes, liens qui se renforcent lors de la « semaine des barricades » à Alger. À la fin janvier 1960, la gauche finistérienne (PCF, SFIO, PSA, UGS) oppose un front commun aux émeutiers « pour barrer la route au fascisme, pour la paix en Algérie » comme le proclament un tract distribué à Brest et un meeting commun20. Dans les villes du Finistère, sous l’impulsion surtout des communistes, les comités d’action républicaine de 1958, devenus comités antifascistes, sont réactivés ; des meetings sont organisés y compris avec la SFIO et le 1er février tous les syndicats du mouvement ouvrier déclenchent une journée de grève générale massivement suivie21. Cette mobilisation pour la défense de la République culmine avec un meeting unitaire à Brest le 12 février 1960.
9Mais derrière cette façade unitaire, les tensions sont vives entre la SFIO représentée par Robert Gravot et Tanguy Prigent. Le PSA n’accepte pas la position de la SFIO nationale de participer avec l’UNR à un comité de liaison créé le 1er février pour soutenir de Gaulle contre les ultras d’Alger. Dans le Finistère, phénomène marginal retrouvant les pratiques de la Résistance, une seule réunion s’est tenue à Scaër le 28 janvier en présence de communistes, de socialistes SFIO et de gaullistes de l’UNR. Une polémique éclate entre PSA et SFIO. Dans des lettres à Robert Gravot et à Jean Destable, de Morlaix, Tanguy Prigent reproche à la SFIO de se compromettre avec l’UNR qui compte encore Jacques Soustelle dans ses rangs et en profite pour appeler les militants de la SFIO à le rejoindre au PSA puis au PSU22. Le départ de l’automne a laissé des traces et la volonté du maire de Saint-Jean-du-Doigt d’attirer au PSU des militants de la SFIO est évidemment mal perçue. À la fraternité de la fin 1959 a succédé un ton acerbe et accusateur des uns et des autres. La méfiance, voire l’hostilité, creuse le fossé entre les socialistes finistériens. La concurrence militante va s’amplifier tout au long de l’année 1960.
10La présentation du PSU et la lutte contre la guerre d’Algérie sont au centre de la campagne d’une trentaine de réunions publiques organisées en mai et juin 1960 dans toute la France. À Paris, le 14 juin, les orateurs dénoncent la torture et réaffirment le droit à l’indépendance des Algériens. Tanguy Prigent a organisé des meetings à Brest et à Morlaix les 12 et 13 mai 1960 avec les responsables du parti : Gilles Martinet, Pierre Mendès France et Jean Poperen23. Martinet exprime les espoirs déçus de l’autodétermination et critique de Gaulle qui selon lui « nie le droit des peuples coloniaux à l’indépendance ». Près de 500 personnes y assistent selon les Renseignements généraux. Les nombreuses réunions d’information de Tanguy Prigent commencent à porter leurs fruits, en particulier dans le Trégor24. Le PSU s’investit totalement pour la formation d’un cartel départemental pour la paix et dans la journée nationale prévue le 12 juin (réunions publiques dans le département, envoi d’une délégation de la gauche finistérienne à Paris au congrès du comité Pleyel pour la paix, réunion interdite par le ministère de l’Intérieur)25. Les syndicats enseignants (FEN et SNI) et la ligue des droits de l’Homme soutiennent cette initiative départementale mais le PCF qui n’est pas à l’initiative est réticent et la SFIO s’y oppose. L’unité d’action de la gauche n’est pas simple à mettre sur pied car les partis traditionnels tolèrent mal l’activisme de ce nouveau venu qui les concurrence sur leur terrain. Elle ne va guère au-delà d’appels de principe26. À partir de l’été 1960, avec les blocages politiques de la question algérienne, la situation évolue et des campagnes unitaires (partis de gauche, syndicats) se développent comme lors de visite de Charles de Gaulle dans le Finistère le 8 septembre 1960. Il est vrai que lors de son congrès départemental du 12 juin, la SFIO s’est prononcée pour un regroupement des forces de gauche, une unité d’action ponctuelle avec le PC et la condamnation de la politique algérienne de De Gaulle. Une course de vitesse semble engagée sur ce terrain avec le PSU qui affiche son scepticisme et craint une manœuvre politique. Dans son « tournant d’automne » du 13 septembre (Marc Heurgon), le comité directeur de la SFIO prend également ses distances avec de Gaulle et accentue son opposition.
11Dans le Finistère, la concurrence PSU-SFIO a certainement pesé dans cette évolution. Le PSU se développe dans le Finistère Nord mais le comité exécutif tenu à Châteaulin le 18 septembre doit reconnaître les difficultés d’implantation du parti dans le Sud, là où le PCF est puissant et où les élus et notables de la SFIO sont très hostiles à Tanguy Prigent27. Néanmoins, en novembre 1961, lors du conseil national d’Alfortville, la fédération PSU du Finistère est la sixième de France en terme de mandats, la seconde en Bretagne après celle des Côtes-du-Nord quatrième28.
L’intensification de la lutte contre la guerre d’Algérie
12C’est la guerre d’Algérie qui conditionne l’activité militante du PSU dont la ligne anticolonialiste s’affirme dans les colonnes du Socialiste. Les luttes paysannes qui secouent la Bretagne durant le mois de juin 1960 passent au second plan. Contrairement aux années 1930, Tanguy Prigent ne joue aucun rôle dans la mobilisation des producteurs d’artichauts de Saint-Pol-de-Léon. Le PSU est plus que critique sur les leaders du mouvement comme Alexis Gourvennec et se contente de rappeler que son responsable a déposé un projet de loi sur l’organisation des marchés agricoles en 195029… En fait, l’ancien leader paysan s’oppose de front aux revendications de la FNSEA en publiant dans Le Monde du 26 avril 1960 une tribune intitulée : « Pas de corporatisme imbécile et fasciste30. » En outre, il rejette l’appel de la FDSEA du Finistère demandant aux maires ruraux de démissionner en précisant qu’il « s’est battu pendant un quart de siècle pour sauver la paysannerie française ». Dans son éditorial du 18 juin 1960, Tanguy Prigent écrit : « Malgré la crise sociale, la crise agricole aiguë, le problème algérien apparaît presque à tous comme le plus urgent à résoudre, celui qui conditionne tout le reste et risque de tout démolir et de tout pourrir. »
13Dans ses réunions (à Quimper le 17 septembre, à Châteaulin le 5 novembre), il plaide désormais pour la négociation directe avec le FLN, seul moyen de mettre fin au conflit et condamne les « élections truquées comme d’ordinaire » proposées par le pouvoir gaulliste pour les cantonales31. L’ancien dirigeant de la SFIO sait de quoi il parle. Ces pratiques n’ont-elles pas été inaugurées dès 1948 par son ancien camarade Naegelen, gouverneur de l’Algérie, lors des élections à la première assemblée algérienne ? En même temps, Tanguy Prigent ne se prive pas d’attaquer la SFIO : embourgeoisement de certains élus, anticommunisme organisé qui conduit à des alliances avec le MRP et l’UNR. C’est aussi toute la politique de troisième force qu’il a lui même longtemps soutenue qu’il condamne.
14À l’automne 1960 et au début de 1961, l’ancien ministre participe à un organisation créée en Europe de l’Ouest à la demande d’intellectuels et d’artistes espagnols32. Cette « Conférence d’Europe occidentale pour l’amnistieaux emprisonnés et exilés politiques espagnols » a son siège à Paris. Cet appel en faveur des 393 prisonniers politiques de Burgos qui totalisent 9 825 années de prison dans les geôles franquistes est signé par de nombreux écrivains, artistes et hommes politiques français et étrangers33. Membre du secrétariat provisoire français de neuf membres à la mi-novembre 1960, il ne peut participer au secrétariat international élargi pour cause de maladie. Néanmoins le 25 novembre, il obtient l’adhésion par téléphone de Vincent Auriol avec lequel il semble avoir rétabli de bonnes relations après le départ de l’ancien président de la République de la SFIO34. Cette initiative donne lieu à une conférence à Paris les 25 et 26 mars 1961. L’ancien responsable agricole de la SFIO a bien élargi son champ de compétences et d’intervention.
15Dans le même temps, la lutte contre la guerre d’Algérie connaît un tournant en septembre 1960 qui va bousculer et diviser le PSU. En effet, le 6 septembre s’ouvre devant un tribunal militaire le procès du réseau Jeanson (19 Français, 6 Algériens), réseau français d’aide au FLN des fameux « porteurs de valises ». Dans Le Monde de la veille, 121 intellectuels et artistes ont publié un manifeste sur « le droit d’insoumission dans la guerre d’Algérie » justifiant la désertion des appelés. L’équipe des Temps Modernes à laquelle appartient Francis Jeanson, appuyée par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, est à l’initiative du Manifeste que les dirigeants du PSU Claude Bourdet et Gilles Martinet n’ont pas signé. Alors que les ultras, partisans de l’Algérie française se déchaînent, la politique répressive du gouvernement Debré contre ces opposants à la guerre d’Algérie (poursuites contre les signataires, saisie et censure de la presse) va contraindre les partis et les syndicats de gauche à prendre position. Ils comprennent fort mal et refusent ce droit à l’insoumission proclamé dans le Manifeste des 121. Quelques militants du PSU, souvent des étudiants, ont été arrêtés comme « porteurs de valises » mais les dirigeants de leur parti les ont désavoués au printemps et à l’été 1960, estimant que l’ont ne peut appartenir à la fois aux réseaux et au PSU (Édouard Depreux, meeting de la Mutualité du 14 juin)35. Avec le procès du réseau Jeanson, le débat est porté sur la place publique. En outre, plusieurs intellectuels membres ou sympathisants du PSU ont signé le Manifeste des 121. Dès le 11 septembre, le CPN infléchit sa position dans un sens plus favorable à l’insoumission. Au cours du mois de septembre, plusieurs positions s’affrontent au sein du PSU et de sa direction, entre ceux qui sont hostiles à l’insoumission, essentiellement les anciens cadres du PSA notamment Alain Savary (et Mendès France qui refuse de signer), ceux qui observent une position centriste et ceux qui veulent aller plus vite et plus loin dans l’appui aux réseaux. Tanguy Prigent est d’autant plus sensibilisé à ce problème que l’ancien ministre des Anciens combattants de 1956-1957 a été appelé à déposer au procès du réseau Jeanson et qu’il a apporté son soutien aux prévenus. « Je me refuse à condamner ceux qui en conscience et en courant des risques, refusent de tuer. Si j’étais juge, même si je n’approuvais pas tout le comportement et tous les actes des inculpés, je me refuserais à prononcer des condamnations parce que le courage des prévenus et leur sincérité sont indiscutables, et aussi parce que je n’aurais pas la possibilité de juger les vrais coupables, dont certains sont au gouvernement36. » Il va donc prendre des positions en pointe dans le débat au sein du PSU.
16Au CPN des 1er et 2 octobre 1960, la prise en considération de la motion centriste (Depreux, Martinet, Poperen) soutenue par « la droite » (Alain Savary qui dénonce l’irresponsabilité de l’encouragement à l’insoumission) l’emporte d’abord par 24 voix contre 19 à la motion « de gauche » (Verlhac) qui reconnaît le droit à l’insoumission individuelle37. Mais le texte Martinet qui ne prône pas l’insoumission est ensuite sérieusement modifié par le jeu des amendements au point qu’il est voté par Verlhac mais pas par Savary. Il obtient 27 voix contre 13 et 6 abstentions. C’est la première grave crise interne que traverse le PSU.
17Comment Tanguy Prigent s’est-il positionné dans ce débat sur l’insoumission ? Avec Depreux il a lâché ses anciens camarades du PSA pour voter la prise en considération du text de Verlhac (ancien de l’UGS) avec deux anciens de Tribune du communisme (Revault d’Alonnes et Marcel Pénin).
18Et il s’en explique dans le long article qui rend compte du CPN le 8 octobre38. Tanguy Prigent se réjouit d’abord du fonctionnement démocratique du parti, de la liberté des débats et des votes et explique qu’il a soutenu le texte « pour une action encore plus rapide et plus vive » des militants catholiques, venus du MLP et de la Nouvelle Gauche, par l’UGS, avec d’anciens communistes et un autre ancien SFIO. Que de chemin accompli en deux ans ! En d’autres termes, l’ancien ministre des Anciens combattants de Guy Mollet explique à ses camarades qu’il défend le droit à l’insoumission des appelés en Algérie. Le 18 octobre, il signe avec Claude Bourdet, absent lors du CPN, et Olivier Revault d’Allonnes un texte (pas une motion) adressé pour discussion aux militants du PSU qui appelle à clarifier la position du parti39. Il faut aller beaucoup plus loin que les décisions récentes : priorité absolue de la lutte contre la guerre, reconnaissance du caractère révolutionnaire du combat du peuple algérien, appui de toutes les formes de lutte directe complémentaires (insoumission, désertion, refus d’obéissance, action dans l’armée, manifestations publiques, grèves). Après le succès de la manifestation parisienne du 27 octobre, le conseil national d’Alfortville (11 et 12 novembre) aboutit à une position de compromis unanime et à une position plus ouverte.
19Le congrès fédéral du Finistère du 6 novembre a discuté longuement de l’insoumission et il entérine à l’unanimité son soutien à la position prise par son leader40. Sans aller jusqu’à signer individuellement le Manifeste des 121, les enseignants du PSU, influents au sein de la FEN du Finistère s’engagent pour faire signer l’appel de la FEN du 5 octobre contre la guerre d’Algérie, qui ne va pas aussi loin, et dans les manifestations et meetings qui se tiennent dans les principales villes du Finistère le 27 octobre.
20Tanguy Prigent s’est radicalisé en quelques mois et il répond présent à la grande manifestation parisienne appelée par l’UNEF, le syndicat étudiant, le 27 octobre 1960 à laquelle le PCF, la CGT et la SFIO s’opposent. La FEN, la CFTC, FO de la région parisienne ainsi que le PSU soutiennent le meeting et la manifestation (15 000 personnes) dans un quartier Latin en état de siège. Dans la soirée, en tête du cortège, Tanguy Prigent a le poignet fracturé et est violemment frappé à terre par une charge de police ; Roland Dumas qui veut le secourir est blessé ainsi que Charles Hernu. Madeleine Rébérioux et Gisèle Halimi sont rouées de coups. Édouard Depreux, Robert Verdier et François Mitterrand sont malmenés.
21Le préfet de police de Paris, Maurice Papon, a lâché les fractions fascisantes de sa police contre les manifestants ; ils se donnent à cœur joie de « casser » de l’ancien ministre de gauche de la Quatrième République, provoquant l’émotion de l’opinion publique. Son parti, plusieurs amis finistériens et Pierre Mendès France apportent leur réconfort à l’ancien résistant blessé41. Des jeunes et des étudiants très combatifs (100 manifestants et 38 policiers blessés) inaugurent ce jour-là les grandes mobilisations à venir. Pendant ce temps, le mouvement de la paix et les communistes défilent tranquillement en banlieue parisienne. Dans toutes les villes du Finistère des meetings et des manifestations unitaires de tous les syndicats, initiés par le PSU et le PCF avec l’appui de la SFIO, se sont déroulées dans le calme. Dans cette mobilisation contre la guerre et pour l’unité d’action de la gauche le PSU a joué un rôle majeur.
Le non au référendum du 8 janvier 1961
22Confronté à la mobilisation de la jeunesse et de la gauche, mis en difficulté à l’ONU par les pays socialistes et ceux du Tiers Monde, le général de Gaulle reprend l’initiative dans un allocution le 4 novembre 1960. Pour la première fois, il évoque « la République algérienne qui existera un jour », puis il annonce un référendum sur l’autodétermination de l’Algérie fixé au 8 janvier 1961. Rapidement les positions de la gauche se précisent : le PCF se prononce pour le non et la SFIO pour le oui sous l’impulsion de Guy Mollet. Le PSU partage une analyse proche de celle du PCF mais propos une campagne commune pour le vote nul ou un boycottage des élections. Finalement, le 14 décembre, le bureau national se prononce pour le non, position majoritairement approuvée à 54 % au conseil national du 18 décembre42. La fédération PSU des Côtes-du-Nord s’était prononcée majoritairement pour le non, celle du Finistère pour le nul (10 mandats contre 7). Refusant « un statut octroyé », elle appelle à voter non, position défendue le 31 décembre par Tanguy Prigent qui dénonce le « piège », le « plébiscite », la « manœuvre intolérable » du président de la République et réclame une négociation d’urgence avec le FLN43. Mais contrairement à la position nationale du PSU qui appelait à une campagne autonome pour le non, en dehors du PCF, les militants du Finistère participent le 9 décembre, à Brest, à un meeting du comité pour la paix et mènent des actions communes à la fin décembre et au début janvier pour le non.
23Sans surprise, le 8 janvier 1961 le général de Gaulle obtient l’approbation massive des Français avec 75,2 % des suffrages exprimés, 83 % en Bretagne et dans le Finistère. Le plébiscite est net dans une Bretagne en cours d’évolution vers le gaullisme44. Certes l’abstention progresse par rapport à septembre 1958 (23,5 % en métropole) mais le non n’a gagné qu’un pour cent des inscrits (près de 5 millions dont environ un cinquième des voix de l’extrême droite). Le PCF apporte le gros de cet électorat et le PSU a fort peu pesé. Seule consolation, le Trégor finistérien a accordé moins de n80 % au oui comme l’ouest des Côtes-du-Nord. L’éditorial de Tanguy Prigent est bien décalé45. À l’issue de cette période d’intense activité politique, le maire de Saint-Jean-du-Doigt prend trois semaines de repos à Arles-sur-Tech dans le Vallespir pyrénéen46.
24En mars 1961, Tanguy Prigent participe activement au 2e congrès fédéral du PSU. Le rapport moral est adopté à l’unanimité et le rapport d’orientation du secrétaire national sur « la transition vers le socialisme » amendé et complété47. L’unanimité et la cohésion se dégagent pour le congrès national de Clichy des 24-26 mars 1961. Mais au niveau national, une minorité s’est constituée derrière Pierre Bérégovoy avec l’appui de mendésistes. Elle propose un contre projet qui obtient 16 % des mandats et neuf élus dans le nouveau CPN. Pour sa part, Tanguy Prigent est réélu en 11e position sur la liste majoritaire48.
25Dans le Finistère, le PCF et le PSU ont lancé en février et mars 1961 une campagne commune appuyée par les syndicats pour obtenir l’ouverture de négociations avec le gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Quand Charles de Gaulle relance la négociation avec le GPRA, en voulant conserver le Sahara à la France, la gauche finistérienne (sans la SFIO) s’y oppose. Elle tient un meeting à Brest le 18 avril après l’échec des pourparlers d’Évian et dénonce le danger fasciste représenté par les attentats de l’OAS. Contre le putsch des généraux en Algérie (22-25 avril), le meeting unitaire prévu depuis un mois se tient à Quimper le 23 avril. La SFIO ne s’y engage que partiellement49. Le 24, le front syndical et les comités locaux de vigilance et d’action républicaine, animés souvent par des militants du PSU, organisent des manifestations dans plusieurs villes. Durant ces journées de crise grave, le PSU défend la démocratie mais sans mettre en sourdine ses critiques contre le général de Gaulle. Tanguy Prigent n’apparaît pas lors de cette période. Peut-être n’est-il pas dans le Finistère50 ?
Toujours la confiance de ses électeurs
26C’est dans ce climat de crise exacerbée, puis de retour à la normale, que se déroulent les élections cantonales de juin 1961. Elles vont permettre de mesurer l’impact de l’adhésion de Tanguy Prigent au PSU sur ses électeurs du canton de Lanmeur, même si cette élection d’intérêt local (38,1 % d’abstentions) n’est guère significative. Sur les 21 sièges en jeu dans le Finistère, la stabilité l’emporte car 13 sortants son réélus dès le premier tour, seul le communiste sortant Roger Thomas est battu à Carhaix51. Le PSU a présenté cinq candidats et la SFIO sept52. Les deux partis rivaux ont recueilli à quelques unités près le même nombre de suffrages, 7 % chacun, pour 15 % au PCF (20 candidats). Tanguy Prigent qui, selon Ouest-France du 27 mai, « conserve une grosse cote personnelle » dans son canton n’est nullement menacé. La seule question est de savoir s’il devra attendre le second tour. Le maire de Saint-Jean-du-Doigt est réélu dès le 1er tour le 4 juin 1961 avec 60 % des suffrages exprimés53. Son nouvel adversaire communiste Joseph Caoudal n’obtient que 7,3 % tandis que le candidat de l’UNR Jean Lavalou recueille 32,7 %54. Le conseiller général sortant conserve donc son score de 1955 (60,1 %). Il arrive en tête dans toutes les communes du canton, sauf à Locquirec, et progresse même à Saint-Jean-du-Doigt (74,9 %, plus 2,1 % sur 1955). Les électeurs du canton de Lanmeur restent fidèles à leur conseiller général ; ils sont plus attachés à sa personnalité qu’à son étiquette politique55. Le bilan des cantonales de 1961 dans le Finistère est marqué par la stabilité avec une progression à droite du CNI (plus cinq sièges) au détriment des élus d’action locale (modérés de droite). La gauche désunie ne bouge guère : le PCF perd un siège, un communiste dissident est réélu à Concarneau contre le secrétaire fédéral du parti, le PSU en conserve un, la SFIO en gagne un, passant de 3 à 456. Conforté dans son assise électorale trégorroise, Tanguy Prigent peut envisager sereinement la reconquête de son siège de député.
27Profitant des relations nouées dans les années 1950, le Breton conduit une délégation de cinq membres du PSU, invitée en Yougoslavie pendant un mois en octobre 196157. Après un bref passage en Bretagne, début novembre, il doit repartir pour la Pologne, non sans avoir souligné qu’en « Yougoslavie, la Révolution ne se confisque pas58 ! » L’attraction de Tito qui s’affirme comme l’un des leaders du mouvement des non-alignés et du « modèle socialiste yougoslave » fonctionne au PSU et Tanguy Prigent y apporte sa contribution.
28Pendant ce temps, ses camarades finistériens se mobilisent de plus en plus massivement contre l’OAS et pour la paix en Algérie (fin 1961-début 1962). Tanguy Prigent reprend la plume pour plusieurs éditoriaux en février alors que le dénouement approche. Pour protester contre les violentes charges de police qui ont fait huit victimes au métro Charonne à Paris lors d’une manifestation anti-OAS, de nombreux meetings et débrayages se produisent dans tout le Finistère. Tanguy Prigent fait adopter un texte de protestation par son conseil municipal de Saint-Jean-du-Doigt. Naturellement, le PSU et son leader se réjouissent des accords d’Évian signés le 18 mars 1962, annonçant le cessez-le-feu puis la paix en Algérie59. Mais lors du référendum du 8 avril 1962 qui doit ratifier les accords d’Évian, le PSU tient à se distinguer du pouvoir gaulliste en appelant les électeurs à voter oui pour la paix, mais non à de Gaulle, ce qui rend les bulletins nuls60. Le oui obtient 94,5 % des voix en Bretagne (95,1 % dans le Finistère) contre 90,7 % en France. C’est dans la circonscription de Morlaix que le non atteint son plus fort score (7 %). Des électeurs de gauche ont préféré le vote contestataire vis-à-vis du pouvoir au vote nul61. Dressant un bilan de la guerre le 5 mai 1962, Tanguy Prigent s’insurge contre le fait que les principaux responsables du 13 mai 1958 soient ou au pouvoir, les gaullistes, ou en fuite, les principaux responsables de l’OAS. Il se garde d’oublier le rôle des chefs socialistes (G. Mollet et R. Lacoste)62. Invité avec son épouse, le 5 juillet 1962, par la fédération de France du FLN, à la réception parisienne pour célébrer l’indépendance de l’Algérie, Tanguy Prigent voit dans ce nouvel État « un nouveau maillon de la future République Socialiste du Monde63 ». Désormais, il va falloir réorienter la lutte politique vers la réalité française moins exaltante. L’ancien ami de Guy Mollet est allé jusqu’au bout de l’engagement anticolonialiste. Sa rupture de 1958-1959 n’était donc pas seulement de façade.
29Durant l’été 1962, Tanguy Prigent séjourne en Pologne à l’invitation de l’Association polonaise pour le développement des territoires occidentaux en tant que membre de l’Association française pour le respect des frontières sur l’Oder et sur la Neisse64. Ces voyages dans l’Europe des démocraties populaires, surtout en Yougoslavie, et les discussions théoriques au sein du PSU semblent retremper les convictions marxistes de l’ancien fermier du Trégor.
À la reconquête du siège de Morlaix en novembre 1962
30Écrasée électoralement en 1958, la gauche peut espérer regagner du terrain après la fin de la guerre d’Algérie qui a soudé la majorité des Français derrière le général de Gaulle. La crise politique provoquée par la réforme constitutionnelle de l’élection du président de la République au suffrage universel, déclenchée par le général de Gaulle le 12 septembre 1962, est l’occasion de faire rejouer le traditionnel clivage gauche-droite. L’annonce de la réforme soumise à référendum par le général de Gaulle par-dessus la tête du Parlement le 12 septembre, le vote de la censure le 5 octobre qui provoque le renversement du gouvernement Pompidou et la dissolution de l’Assemblée nationale le 10 octobre ouvrent le jeu politique. Vingt-quatre députés de Bretagne sur 33 ont voté la censure du gouvernement Pompidou dont Jean Le Duc le député de Morlaix65. Dans une interview au Télégramme le 25 septembre, Tanguy Prigent a condamné vigoureusement cette réforme qui risque de conduire au fascisme même si le chef de l’État est honnête. La manière témoigne en tout cas du mépris du peuple66.
31Le référendum du 28 octobre 1962 oppose le général de Gaulle qui fait une lecture présidentielle de la Constitution aux forces politiques traditionnelles de droite (modérés, indépendants, MRP) comme de gauche (PCF, SFIO), tenants d’une lecture parlementaire qui les rattache au premier modèle républicain de la Troisième et de la Quatrième République. Tanguy Prigent appelle pour le PSU à voter non67. Alors que le général de Gaulle a mis son départ du pouvoir dans la balance, le oui recueille 61,75 % des suffrages exprimés mais seulement 46,4 % des inscrits car l’abstention a atteint 22,7 %. Avec 74,4 %, qui est aussi la moyenne finistérienne, la moyenne bretonne du oui est bien supérieure à la moyenne nationale, pour seulement 25,6 % de non68. Dans sa circonscription, Tanguy Prigent peut être satisfait car le non y atteint entre 25 et 30 % des inscrits. Un tel score n’est pas suffisant pour retrouver son siège de député69. Il se lance néanmoins dans une nouvelle campagne législative en novembre 1962. Alors que Jean Le Duc a fait campagne pour le oui, l’UNR lui oppose un candidat car il a censuré le gouvernement.
32Quarante-trois candidats se présentent le 18 novembre dans le Finistère dont sept dans la circonscription de Morlaix. Aux quatre candidats de 1958 : Jean Le Duc, député sortant indépendant, Tanguy Prigent (PSU), François Prigent (MRP) et Alphonse Penven (PCF) sont venus s’ajouter trois hommes peu connus70. Il s’agit de Bernard Guillou (UNR), professeur à Lorient, Yves Le Louz (Action économique), président du comité de la foire-exposition de Morlaix et Robert Arnault (SFIO), retraité des Ponts et-Chaussées à Brest71. Comme à Saint-Brieuc contre Antoine Mazier (PSU), la SFIO présente donc un candidat contre Tanguy Prigent72. Ce dernier fait campagne sur les thèmes mis en avant par le PSU : la lutte contre la dictature du pouvoir personnel, les faiblesses de la Quatrième République et toutes les tentations du parti unique car il s’agit de travailler déjà à la transition vers la démocratie socialiste73.
La revanche du 25 novembre 1962
33Au soir du premier tour, la participation (71,3 %) a nettement baissé depuis 1958 (plus de 8 %). Avec 10 296 voix (25,48 %), Tanguy Prigent arrive en tête des sept candidats en lice, devançant le député sortant (21 %) de 1 813 voix74. Le Dr Le Duc, qui avait pourtant appelé à voter oui au référendum, a perdu la frange gaulliste de son électorat au profit de l’UNR Guillou (13,8 %) et sans doute de Le Louz (Action économique, 2,7 %). Le candidat du MRP François Prigent obtient 18,8 % devançant le communiste Alphonse Penven (15,8 %). Le maire du Huelgoat progresse très légèrement (plus 0,82 % sur ses résultats de 1958)75. Le candidat officiel de la SFIO recueille 924 voix seulement (2,3 %) dans le fief de Tanguy Prigent. Le maire de Saint-Jean-du-Doigt a obtenu 66,2 % des suffrages de ses administrés76. Dans la ville de Morlaix, il a recueilli 20,8 % contre 33,5 % à Jean Le Duc concurrencé à droite par l’UNR (10,5 %) et le MRP (10,1 %). Mais avec les voix de Le Louz (6,9 %), la sous-préfecture reste majoritairement à droite. Au soir du 1er tour la gauche n’a un potentiel électoral que de 43,58 %, en imaginant un report complet, ce qui signifie que le combat est loin d’être gagné. Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, l’extrême gauche dans laquelle est classé le PSU est créditée au niveau national de 449 773 voix soit 2,45 %. Pierre Mendès France a été battu dès le 1er tour dans l’Eure si bien que Tanguy Prigent est l’un des rares espoirs de sièges du jeune parti socialiste unifié alors qu’ici le candidat PSU se désiste pour un communiste, là pour un socialiste SFIO.
34À Morlaix, la situation se clarifie rapidement pour le second tour avec le retrait de tous les candidats laissant un duel gauche-droite entre les deux hommes arrivés en tête. Le communiste Alphonse Penven qui a eu 58 % des voix dans son canton du Huelgoat se désiste comme en 1958 en faveur de Tanguy Prigent et l’Association pour la Ve République ainsi que le candidat de l’UNR soutiennent le Dr Le Duc. Mais le candidat du MRP dont le parti est entré dans l’opposition au général de Gaulle depuis quelques mois sur la question de l’Europe se retire, sans donner de consigne de vote. C’est son électorat qui fera la différence entre les deux adversaires. Le MRP ne maintient que deux candidats dans le Finistère, Louis Orvoën arrivé en tête à Quimperlé qui sera réélu et Édouard Le Jeune à Châteaulin. À gauche, un accord global intervient entre les fédérations du PCF, du PSU et de la SFIO appelant à voter pour le candidat maintenu77.
35Le 25 novembre, au soir du second tour, Tanguy Prigent l’emporte avec 23 458 voix (52,31 %), soit 2 077 voix d’avance sur le Dr Le Duc (47,68 %) prenant sa revanche sur 1958. La mobilisation des abstentionnistes du premier tour a sans doute contribué à faire l différence : avec 79,3 % de votants, le taux de participation augmente de huit points, signe de l’importance de l’enjeu78. Tanguy Prigent l’emporte dans les quatre cantons les moins peuplés sur six dont celui de Morlaix et fait presque jeu égal (49,5 %) avec Jean Le Duc dans la ville, résultat décisif79. Mobilisation des abstentionnistes, excellent report des voix de gauche, apport de voix centristes expliquent certainement ce succès d’autant plus remarquable que la vague gaulliste-UNR déferle sur le Finistère (six députés sur huit) ne laissant qu’un seul siège au MRP80. Avec le retrait de Joseph Pinvidic et de Jean Crouan qui ne se représentaient pas, les indépendants de droite sont laminés dans le Finistère comme en Bretagne. Georges Lombard a été battu par Charles Le Goasguen à Brest81. Une longue période de domination gaulliste commence dans le Finistère. En retrouvant son siège de député de Morlaix, Tanguy Prigent est l’un des deux élus de gauche en Bretagne, avec la réélection de son ancien camarade de la SFIO, François Blancho, maire de Saint-Nazaire. Il va siéger avec les 13 non-inscrits de l’Assemblée nationale. Trois députés sont alors classés à l’extrême gauche dont deux PSU dans cette assemblée dominée par l’UNR-UDT gaulliste et ses alliés républicains indépendants (RI) giscardiens82. Néanmoins le jeune PSU fait son entrée au Palais-Bourbon tandis que les partis de gauche ont progressé après leur déroute de 1958 : le PCF compte 41 députés (+ 31), la SFIO 66 (+ 22), le rassemblement démocratique (radicaux et UDSR), 39 (+ 16). La gauche reste encore très minoritaire. Mais le retour de Tanguy Prigent à l’Assemblée nationale peut fournir une tribune au PSU, car Pierre Mendès France a été battu à Évreux, ainsi qu’Antoine Mazier à Saint-Brieuc, même si ce parti explore de nouveaux chemins politiques qui ne passent pas principalement par le Parlement. Le député de Morlaix va retrouver dans les couloirs de l’Assemblée plusieurs collègues des gouvernements de la Quatrième République dont Guy Mollet, réélu à Arras, mais aussi Gaston Defferre et François Mitterrand, redevenus députés. En décembre, épuisé par sa campagne électorale, il doit prendre un repos total83. Il sera absent lors du congrès fédéral du 20 janvier 1963 et à la fin février il est en convalescence à Grasse (Alpes Maritimes) où il se remet d’une pneumonie84. La santé du député de Morlaix est manifestement de plus en plus fragile.
Malaise et crise au PSU
36L’année 1963 est particulièrement difficile pour le PSU malgré l’appui à la grande grève des mineurs. Dans le Finistère, la publication du Socialiste est financièrement difficile et l’hebdomadaire menacé. Sa parution est suspendue comme chaque année pour l’été mais cette fois le journal ne reparaîtra pas à l’automne. En outre, au début de l’été 1963, le PSU connaît une crise grave au niveau national, crise qui menace l’existence même du parti. Un des enjeux concerne les relations avec les partis de gauche et les syndicats et le regroupement éventuel des forces socialistes, c’est-à-dire du PSU et de la SFIO. Des démarches engagées en ce sens par certains responsables ont mis le feu aux poudres. C’est aussi la conception et le contenu du « front socialiste » défini au congrès de Clichy qui sont en question. Depuis la fin de 1961 et tout au long de l’année 1962, deux courants principaux s’affrontent au sein de la direction : le courant B qui est plus que réservé vis-à-vis d’un rapprochement avec la SFIO et le PCF, incarné par Depreux, Martinet et Verlhac, ligne dite du « renouveau » et un courant C avec Bourdet, Poperen et Florian, dit « unitaire » qui veut engager un regroupement large des forces de gauche, seule stratégie possible pour la conquête du pouvoir. Les anciens cadres du PSA (courant A, Savary, Verdier) sont de plus en plus marginalisés85. Les enjeux de cette opposition entre « modernistes » et « marxistes » concernent la stratégie politique du PSU (et ses alliances à gauche) et le contrôle de la direction du parti en prévision du congrès national de 1963. Le congrès d’Alfortville de la fin janvier 1963 se solde par un échec et ouvre sur une crise prolongée. Un replâtrage provisoire de la direction conduit à la paralysie et à une crise ouverte lors du CPN du 25 mai 196386. Deux directions opposées coexistent dans les locaux parisiens. La scission menace. Des fédérations « de province » se réunissent le 16 juin à Clermont-Ferrand et imposent aux « directions parisiennes » du PSU un conseil national et un report du congrès de juin en novembre. Tanguy Prigent, membre du CPN, ne semble pas avoir joué un rôle actif dans ces péripéties87.
37Le congrès fédéral de Morlaix du 20 janvier a discuté des différentes motions en l’absence de Tanguy Prigent et est parvenu à l’unanimité sur le principe « d’un parti unique du socialisme88 ». En pleine crise, le conseil fédéral de Morlaix du 16 juin décide de participer au conseil national extraordinaire des 22 et 23 juin 1963. Deux textes s’affrontent : celui de Le Dilosquer, minoritaire (25 % des voix), apparemment favorable au courant B, et celui de la majorité de Tremintin et Tanguy Prigent qui semble soutenir le courant C (75 %)89. Par exemple, la fédération refuse tous contacts prioritaires (avec la SFIO) avant une décision du congrès national de novembre 1963 qui, à la demande de Jean Poperen, devra se prononcer en priorité sur la question de la stratégie d’unité90. De toute façon, le 20 juin, Tanguy Prigent a fait savoir qu’il refuserait de se rallier à la SFIO tant que Guy Mollet en serait le secrétaire général91. Dans la recomposition politique interne qui suit la fin de la guerre d’Algérie, il semble bien que Tanguy Prigent rejoigne le courant Poperen qui sera minoritaire a congrès de novembre 196392. C’est plausible car il est favorable à des actions unitaires avec toutes les forces de gauche politiques et syndicalessans s’enfermer dans un tête-à-tête avec la seule SFIO. Le 14 novembre 1963, il publie un article dans Libération : « Le PSU doit multiplier les efforts pour l’Union de la gauche. » Ce qui est sûr, c’est qu’à l’issue de ce congrès Bleuzé quitte le PSU faisant du Breton le seul député du parti. Mais il ne goûte guère les manœuvres d’appareil qui paralysent le PSU et préfère contribuer au développement de la gauche en Bretagne.
38Membre du CELIB depuis ses débuts, Tanguy Prigent trouve dans la politique gaullienne de refus d’une loi-programme pour le développement de la Bretagne pourtant promise avant les élections de 1962, un terrain de lutte. Répondant de Grasse à une lettre du Mouvement pour l’organisation de la Bretagne (MOB) aux parlementaires qui s’indignent d’une déclaration du ministre Pisani, le député de Morlaix approuve la protestation du MOB. C’est pour lui l’occasion de faire le procès du pouvoir personnel gaulliste depuis 1958 et il se dit prêt à l’interpeller au Parlement93. Mais il se montre fort réservé vis-à-vis de ses collègues de Bretagne, même les centristes d’opposition qui votent finalement les budgets. Il vise ainsi, sans le nommer, René Pleven, le président du CELIB. Partisan de se battre pour la Bretagne, il précise aux dirigeants du MOB, dont l’animateur est Yann Fouéré, qu’il faut aussi combattre contre le « chauvinisme (et donc pour la Bretagne l’autonomisme) ».
39Pour ne pas laisser ce terrain à la droite ou aux autonomistes, la gauche bretonne tente de s’organiser. Le 12 et le 13 octobre 1963, à l’initiative d’Ar Falz (La faucille), le PSU participe à l’assemblée constitutive d’un comité d’action pour la Bretagne à Pontivy, dont le siège est situé à la mairie de Saint-Brieuc, gagnée par Antoine Mazier en 1962. Tanguy Prigent participe au premier jour des débats94. De même, lorsque le géographe Michel Phlipponneau, animateur de la commission d’expansion économique du CELIB, évolue vers la gauche en dénonçant la « trahison des notables » entre 1964 et 1967 et se voit privé de son bureau par Joseph Martray, Tanguy Prigent proteste vivement auprès des responsables de cet organisme auquel il appartient comme vice-président. C’est aussi au parlement qu’il s’oppose à la politique gaullienne.
L’opposant systématique à la politique du général de Gaulle
40Appartenant aux non inscrits, le député du PSU de Morlaix n’a guère l’occasion de se faire entendre à la tribune de l’Assemblée, sinon par ses votes à l’encontre des gouvernements de Georges Pompidou et par ses questions écrites95. Le 13 décembre 1962, malade, il ne prend pas part au vote sur « l’approbation de la politique générale du gouvernement » qui tient lieu d’investiture96. Mais le plus souvent, l’opposition de Tanguy Prigent est systématique : le 19 février 1963, il vote contre la loi créant la Cour de Sûreté de l’État et le 13 juin contre celle qui ratifie le traité du 21 janvier 1963 établissant la coopération franco-allemande entre la France et la République fédérale d’Allemagne. C’est un vote de refus de la politique du pouvoir gaulliste qui peut paraître paradoxal pour ce partisan de la construction européenne qui a été pendant deux ans député européen à l’assemblée de Strasbourg97. Le 26 juillet, le député de Morlaix ne prend pas part au vote sur un projet de loi qui restreint le droit de grève dans les services publics (préavis allongé à cinq jours, pas de grèves tournantes).
41Normalement, il aurait dû s’opposer à un tel projet : on peut se demander s’il était présent lors de cette séance ? Il est probable que cette période corresponde à un nouvel ennui de santé très grave car il subit l’ablation totale de l’estomac en novembre 196398. Ce nouvel ennui de santé lui vaut le 4 janvier 1964 une retenue de 2 500 nouveaux francs sur son indemnité car il ne s’est pas fait excuser à l’Assemblée nationale et il a oublié de donner sa clé de vote à un député ami99. Logiquement, le 7 novembre 1963, Tanguy Prigent rejette l’article du projet de la loi de Finances qui consacre l’augmentation des dépenses militaires notamment en matière nucléaire. En revanche, le 3 décembre, il s’abstient sur le statut des objecteurs de conscience proposé par le gouvernement. Quelques jours plus tard, le 20 décembre 1963, Tanguy Prigent se singularise en étant le seul député à voter contre la première révision constitutionnelle de la Cinquième République, portant sur la date des sessions parlementaires, et qualifiée de « réformette ». On ne réforme pas une Constitution « totalitaire » ! 557 députés votent pour, la gauche s’abstient, Tanguy Prigent qui est le seul élu du PSU vote contre100.
42De 1964 à 1966, le député du PSU rejette tous les grands projets de la politique gaullienne : statut de l’Office de radiodiffusion de la télévision française (ORTF) le 28 mai 1964, vote de la motion de censure de la politique agricole du gouvernement déposée par les socialistes et certains centristes le 28 octobre, projet de loi-programme relative à certains équipements militaires, c’est-à-dire à la force de frappe nucléaire le 16 décembre. Avec d’autres députés centristes bretons, Tanguy Prigent s’oppose à la politique étrangère et militaire du général de Gaulle comme lors du vote de la censure du gouvernement à l’occasion du retrait de la France de l’OTAN le 20 avril 1966 que René Pleven combat fortement101. Il vote aussi le 26 octobre 1966 pour la « la suppression des crédits de la force atomique stratégique » sans espérer renverser un gouvernement qui s’appuie sur une majorité solide102. De 1962 à 1967, quoiqu’isolé sur le plan parlementaire, Tanguy Prigent joue bien son rôle d’opposant déterminé de gauche à la politique du général de Gaulle. Mais la question de l’efficacité politique se pose évidemment en particulier à l’approche des élections présidentielles de 1965.
Les enjeux des élections présidentielles de 1965
43Seul député du PSU, appelant de ses vœux l’émergence d’une nouvelle gauche démocratique, Tanguy Prigent est attentif au lent processus de décomposition-recomposition de la gauche française dans les années 1962-1967. Par-delà les clubs, il suit les opérations de restructuration de la gauche, notamment l’opération Monsieur X, orchestrée par L’Express en septembre 1963, qui cherche à dégager le candidat d’une gauche moderne pour les élections présidentielles de 1965. Cette opération masque en fait le lancement d’une candidature du maire socialiste de Marseille Gaston Defferre, appuyé par le « Comité national horizon 1980 ». À la fin 1963, alors que la SFIO accepte cette candidature Defferre, le PSU s’y oppose fermement. Le PCF y est hostile et les autres partis de centre gauche refusent de s’engager. En avril 1965, Gaston Defferre tente de rebondir en proposant la création d’une fédération démocrate et sociale qui rassemblerait tous les « réformateurs » antigaullistes dans une même formation (socialistes, radicaux, MRP, modérés, membres des clubs). Cette tentative de « grande fédération » échoue le 18 juin 1965 du fait du refus de la SFIO et du MRP de se fondre dans une même organisation.
44Dans une lettre du 25 juin 1965 à Gaston Defferre qu’il tutoie, Tanguy Prigent se di impressionné par la déclaration « de courage et de dignité » que le maire de Marseille vient de faire sur Europe 1 en annonçant son retrait de la course à l’Élysée103. Il lui donne « une explication franche » de sa position dans cette affaire : « Profond désaccord sur les paroles de lancement de ta candidature », en particulier à cause de l’acceptation de la Constitution de 1958, à part quelques modifications de détail. Dès le début, au CPN du PSU, il a été un de ceux qui proposaient une position hostile à la candidature de Defferre pour des raisons politiques, notamment l’exclusion du PCF du regroupement de la gauche, et il maintient cette position en dépit de relations amicales104. Sur cette question des présidentielles, Tanguy Prigent est en plein accord avec son parti et il va réagir de la même manière à l’annonce surprise de la candidature de François Mitterrand le 9 septembre 1965.
45La tentative de « grande fédération » de Gaston Defferre ayant échoué, du fait notamment de Guy Mollet qui craint l’émergence d’un rival à la direction de la SFIO et préférerait une candidature d’Antoine Pinay ou du radical Maurice Faure, un espace politique se dégage à gauche d’autant plus que le PCF ne souhaite pas présenter son propre candidat. François Mitterrand, qui a publié Le Coup d’État permanent en 1964 et est devenu le leader de la Convention des Institutions Républicaines (CIR), saisit cette opportunité pour tenter de rebondir. Il a soutenu loyalement la tentative de Defferre et se sent disponible après son retrait105. Durant l’été, il prépare sa propre candidature, obtenant l’appui de Mendès France et la quasi certitude que le PCF et la SFIO ne lui opposeront pas de candidat. Alors que le général de Gaulle tient une conférence de presse de « compte rendu » de mandat à l’Élysée, sans se déclarer encore candidat – il le dira « avant deux mois » –, François Mitterrand publie une déclaration qui annonce la sienne dans la soirée. Depuis deux jours, rencontres discrètes et tractations se sont succédé dans Paris. À la fin de l’été, les dirigeants du PSU sont tombés d’accord pour présenter leur candidat et songent à Daniel Mayer, le président de la Ligue des droits de l’homme (LDH) qui hésite106. Le 7 septembre, le PSU adresse ses propositions de programme aux organisations de gauche et prépare dans la presse la « seule candidature unique de la gauche actuellement possible », celle de Daniel Mayer (Le Monde du 9 septembre). Mais la SFIO oppose un veto formel à son ancien secrétaire général. Le 8 dans l’après-midi, François Mitterrand convainc Daniel Mayer de ne pas se présenter. Il a précédé la délégation du PSU et se serait ensuite rendu chez Tanguy Prigent pour obtenir son soutien. Cette thèse avancée par Jean Poperen n’est pas plausible car Tanguy Prigent se trouve alors dans une maison de repos, ainsi qu’il l’écrit le 11 septembre dans une missive au député de la Nièvre qu’il tutoie107.
46Le député de Morlaix s’interroge d’abord sur la signification politique de la candidature de Mitterrand qu’il perçoit comme une opération personnelle108. Puis il donne un long extrait de sa lettre du 25 juin à Gaston Defferre dans lequel il expliquait son opposition en concluant : « Ce que j’ai dit à Defferre. Je te le dis à toi aussi. Je le fais spontanément, tout de suite. » I pense traduire la pensée du PSU mais précise qu’il s’agit de sa position personnelle. Dans sa conclusion, Tanguy Prigent ajoute que « la candidature de Daniel Mayer [lui] paraît souhaitable – parce que président de la LDH », preuve néanmoins qu’il est au courant de la position de son parti, sans en connaître les dernières péripéties (retrait de Daniel Mayer).
47Auparavant, dans de longs développements, il a fait part au futur candidat unique de la gauche de ses déceptions face à une gauche atomisée et divisée, rêvant d’une « véritable gauche française (avec un “G” majuscule)109 » et d’un candidat unique de la vraie gauche, sans hiérarchie, en associant tout le monde, du PCF (« une des familles socialistes ») aux pratiquants « catholiques ou protestants, non cléricaux, mais chrétiens ». Après avoir critiqué les hommes politiques dont « peu servent le Bien public sans penser à leur propre personne », Tanguy Prigent – incorrigible éducateur – donne une leçon de socialisme à l’ancien dirigeant de l’UDSR, qu’il ne semble pas vraiment considérer alors comme l’homme capable de réunir cette vraie gauche. Le 13 septembre, dans Combat, le Breton appelle de ses vœux la formation « d’une véritable gauche » en publiant des extraits de sa missive à François Mitterrand110.
L’engagement en faveur de François Mitterrand
48L’annonce de la candidature de François Mitterrand contre le général de Gaulle enclenche une dynamique unitaire à gauche avec la constitution le 10 septembre de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), formée de la SFIO, de la CIR et du parti radical. Le PCF se rallie bientôt à la candidature du député de la Nièvre tandis que le PSU tergiverse et que Daniel Mayer le soutient (24 septembre). Au sein du PSU, partisans et adversaires du soutien affûtent leurs arguments en prévision du conseil national des 16 et 17 octobre 1965 qui doit déterminer une position. Un compromis est finalement trouvé sur une position de soutien très critique en trois points : appel à voter contre le gaullisme et pour Mitterrand ; non participation à sa campagne ; campagne propre du PSU sur les thèmes de l’alternative socialiste111. Cette position est finalement approuvée par 300 mandats contre 67 aux partisans de la présentation d’un candidat du parti et 11 abstentions. Mais on a enregistré 160 refus de vote venant des « unitaires », partisans de participer à la campagne. Nous ignorons la position de Tanguy Prigent dans ce débat mais, selon Jean Poperen, la fédération du Finistère comme celle du Morbihan est « unitaire » et le leader du PSU à Rennes, Charles Foulon, préside le meeting de François Mitterrand112.
49Tanguy Prigent semble bien avoir pris nettement position en faveur du candidat unique de la gauche dans une nouvelle lettre personnelle et dans une déclaration au Télégramme, ce dont le candidat le remercie dans une lettre du 9 novembre 1965113. Cette position paraît logique pour quelqu’un qui aspire à l’union de toutes les forces de gauche. Autre moyen de lutter contre la politique militaire et nucléaire du candidat de Gaulle, le député de Morlaix apporte son soutien à la mobilisation contre l’installation de la base militaire de l’île Longue dans la presqu’île de Crozon qui doit accueillir les sous-marins nucléaires (SNLE) : télégrammes de soutien au colloque du mouvement de la paix à Brest le 6 octobre et à la manifestation de Crozon contre l’expropriation le 21 novembre. Il a pris aussi l’initiative d’organiser une réunion de tous les élus PSU de l’Ouest, accueillis le 14 novembre 1965 par Yves Le Foll, le successeur d’Antoine Mazier à Saint-Brieuc, et il participe aux réunions unitaires de la gauche114.
50Le 5 décembre 1965, au premier tour de l’élection présidentielle François Mitterrand obtient 26,5 % des voix en Bretagne, un point de plus dans le Finistère, contre 32,2 % en France. Mais le général de Gaulle et Jean Lecanuet ont recueilli 48,5 % et 19,7 % dans la région (49,5 % et 18,4 % dans le Finistère) contre respectivement 43,7 % et 15,8 % au niveau national115. La Bretagne reste largement acquise au gaullisme et au centrisme démocrate chrétien. Mais, satisfaction pour Tanguy Prigent, avec 36,9 %, sa circonscription est parmi les sept qui donnent le meilleur résultat au candidat de la gauche (plus de 50 % dans sa commune). Il est vrai que le 1er décembre, son conseil municipal dans une déclaration en dix attendus a appelé a voter pour François Mitterrand. Au second tour, Charles de Gaulle est largement réélu en Bretagne avec 62,5 % des voix (54,5 % en France). François Mitterrand qui a bénéficié d’une partie des voix centristes obtient 37,4 % dans la région (36,8 % dans le Finistère). Mais il est majoritaire dans le pays de Morlaix où la plupart des communes lui ont donné entre 55 et 75 % des voix.
51Au début des années 1960, Tanguy Prigent s’est investi avec toujours autant de fougue au sein du PSU, principalement dans la lutte contre la guerre d’Algérie de 1960 à 1962. Il est parvenu à implanter ce nouveau parti dans le Finistère mais sans atteindre le rayonnement d’antan de la SFIO. Certes, il a regagné son siège de député en 1962 et reprit une vie parlementaire mais il doit parfois se sentir bien seul sur les bancs de l’Assemblée nationale comme unique élu de son parti de 1963 à 1967. S’il participe à la direction nationale, s’il en applique la ligne et en défend les orientations, il ne s’y retrouve pas toujours dans les luttes de courants qui divisent la direction du PSU. Durant cette période, il paraît plus proche de Jean Poperen, l’ancien communiste, que d’Édouard Depreux, l’ancien SFIO et PSA devenu le secrétaire national du PSU116. Les années 1960 sont difficiles pour le maire de Saint-Jean-du-Doigt. Outre un certain pessimisme sur l’avenir de la gauche, Tanguy Prigent voit sa santé se détériorer l’obligeant à de longs séjours de repos et de convalescence. C’est ce qui va le conduire à ne pas se représenter lors des élections législatives de mars 1967.
Notes de bas de page
1 Marc Heurgon, Histoire du PSU. 1. La fondation et la guerre d’Algérie (1958-1962), op. cit., chap. 4.
2 Marie Ferec, L’impact de la guerre d’Algérie sur la vie politique à gauche dans le Finistère (1954-1962), op. cit., p. 226-228.
3 ADF. 31 W 423. Note des RG du 23 mai 1959.
4 Idem. Note des RG du 8 octobre 1959.
5 Id. 31 W 424. Notes des RG des 18 et 25 janvier 1960.
6 Id.. Notes des RG de mars 1960. André Jaouen sera le suppléant de Tanguy Prigent en 1962.
7 Id. SFIO. C’est ce qui ressort des archives de police étudiées par Marie Férec.
8 Gilles Morin, De l’opposition socialiste à la guerre d’Algérie au PSA (1954-1960), thèse citée, p. 567. Le PSA a doublé ses effectifs passant de 4 014 adhérents en 1 959 à 9 621 en 1960.
9 Le secrétaire fédéral provisoire du PSU, André Roulleau, affirme dans Le Socialiste du 14 mai 1960. que les socialistes SFIO de l’arrondissement de Morlaix ont suivi Tanguy Prigent à 90 %. La section de Brest devrait avoir bientôt cent membres, celle de Morlaix près de 50, les sections rurales en auraient une trentaine (Saint-Jean-du-Doigt, Plougasnou, Lanmeur, Plougonven).
10 Le Socialiste, « un succes de ceux qui ne renoncent pas », 14 mai 1960. Le journal imprimé à Morlaix prend le relais d’une publication ronéotée qui a eu huit numéros. La mobilisation financière (parts sociales, souscriptions, abonnements) et éditoriale a permis cette parution envisagée pour le 1er novembre 1960. Le Socialiste publie 144 numéros jusqu’au 29 juin 1963 puis semble disparaître, victime de ses difficultés financières
11 ADF. 31 W 424. Note des RG du 21 mars 1960. Par exemple les RG estiment la section de Brest à 60 personnes, les sources du PSU à près de 100. On peut se demander si les chiffres du PSA cités d’après des sources internes n’ont pas été surévalués ou si les RG sont mal informés ?
12 Marc Heurgon, Histoire du PSU, op. cit., p. 105-106.
13 Document transmis par Claude Pennetier et Gilles Morin. Centre d’histoire sociale du XXe siècle. Université de Paris 1.
14 Au bureau du PSU du Finistère, le PSA est représenté par A. Roulleau qui reste secrétaire fédéral, P. Trémintin (Brest), secrétaire fédéral-adjoint, A. Jaouen (Morlaix) et R. Batard (Concarneau) ; l’UGS par J. Le Gouill (ex-SFIO) et H. Berlivet (ex-MLP) de Brest et L. Le Dilosquer (Pont-L’Abbé).
15 Georges Mamy, Le Monde du 5 avril 1960 cité par Marc Heurgon.
16 Selon Le Monde, le mieux élu est le secrétaire général du parti, Edouard Depreux (197 voix), suivi d’Alain Savary et Robert Verdier (194). Daniel Mayer est 6e (172 voix). Parmi les battus, le dernier est Pierre Bérégovoy (49 suffrages).
17 Jean Poperen, La Gauche française. Le nouvel âge 1958-1965, op. cit., p. 146. Les quatre PSA du bureau sont E. Depreux, A. Savary, R. Verdier et M. Klein.
18 Marc Heurgon, Histoire du PSU, op. cit., p. 109.
19 Le Socialiste, 12 novembre 1960.
20 Marie Férec, op. cit., p. 231-234.
21 ADF. 117 W 12. Dossier « les troubles de janvier 1960 – répercussions en métropol ».
22 CDT de Nantes. Fonds Tanguy Prigent. PRI 26 (5). Courrier de 1960. Dans sa lettre du 17 février Robert Gravot demande à Tanguy Prigent : « Que comptez-vous faire ? Bouffer de la SFIO jusqu’à ce qu’indigestion s’en suive ? Et après ? » La réponse de Tanguy Prigent du 20 février affirme que « l’accord UNR/SFIO existe à l’insu des militants ». Le ton est polémique.
23 Le Socialiste, « Une rude bataille que nous allons gagner », et « Les leçons des meetings PSU du Finistère » de Jean Mounier.
24 ADF. 31 W 424. Notes des RG des 31 mai et 12 septembre 1960.
25 Le Socialiste, « Forces prêtes, immense espoir », 18 juin 1960. Tanguy Prigent qui doit assister à ce congrès dénonce son interdiction dans un article rédigé le matin de la réunion.
26 Par exemple appel pour la paix du 3 juin 1960 et front syndical du 14 juin. Le 28 juin, ce front appuie un meeting commun du PSU et de la SFIO à Brest.
27 Les prises de contact de Tanguy Prigent avec les élus SFIO ont échoué.
28 CDT de Nantes. PRI 21. Documents du PSU. Selon le compte rendu de ce conseil national, la Seine banlieue arrive en tête avec 81 mandats, suivie de la Seine Paris 76, de la Seine-et-Oise 37, des Côtes-du-Nord 26, du Rhône et du Finistère 20.
29 Le Socialiste, « Forces prêtes, immense espoir » et Jean Mounier « La crise agricole de notre région », 18 juin 1960.
30 AN. F 7/15504.
31 ADF. 31 W 424. Notes des RG des 19 septembre et 8 novembre 1960.
32 CDT de Nantes. PRI 24 (25). Tanguy Prigent a été contacté par Claude Estier, rédacteur en chef de Libération, le 30 septembre 1960.
33 Les premiers signataires sont Sartre, de Beauvoir, Picasso. Sur une liste de 61 noms figurent Aragon, Triolet, Mauriac, Kessel, Cocteau, Cot et quelques députés SFIO, MRP et UNR.
34 Dans un carnet, Tanguy Prigent a noté : « Conversation téléphonique affectueuse et assez positive. »
35 Marc Heurgon, Histoire du PSU, op. cit., chap. 7.
36 Marie Férec, op. cit., p. 238-243. ADF. 31 W 424. Note des RG du 29 septembre 1960.
37 On opère une distinction entre le soutien « au refus public et collectif » et à « l’insoumission individuelle » et « le départ à l’étranger » des jeunes appelés qui est rejeté.
38 Le Socialiste, 8 octobre 1960. L’article qui occupe toute la première page s’ouvre sur une citation de Marx : « Un peuple qui en opprime un autre ne peut être libre. » Le titre de la une : « Aujourd’hui, 8 octobre 1960 ; 2 169e jour de la guerre d’Algérie ! » Ce titre actualisé va être publié jusqu’au 4 mars 1961.
39 CDT de Nantes. PRI 21. Documents du PSU.
40 Le Socialiste, 12 novembre 1960. La fédération approuve « toutes les manifestations actuelles d’opposition à la guerre » (l’existence d’un mouvement d’insoumission, le manifeste des 121, l’existence des réseaux de soutien au FLN). Paul Trémintin est le nouveau secrétaire fédéral.
41 CDT de Nantes. PRI 26 (5). Courrier de 1960. Lettre de Mendès France du 30 novembre 1960 en réponse à Tanguy Prigent : « Il est évident que l’attitude de la police pose un problème politique. Là encore, le gouvernement est grandement coupable. » L’ancien président du Conseil s’inquiète aussi de problèmes internes au PSU.
42 Marc Heurgon, op. cit., p. 196-203.
43 Le Socialiste des 24 et 31 décembre 1960.
44 Michel Nicolas, Jean Pihan, Les Bretons et la politique 1958-1988. 30 ans de scrutins en Bretagne, op. cit., p. 30-33.
45 Le Socialiste, « Après le 2e plébiscite. Soyons près pour la Relève », 13 janvier 1961.
46 Le Midi Libre du 23 janvier 1961 lui consacre un long article biographique
47 Le Socialiste du 11 mars 1961.
48 Marc Heurgon, op. cit., ch. 11. E. Depreux est le mieux élu (626 voix), suivi de A. Mazier (600) et de Jean Poperen. Michel Rocard (6e) entre au CPN. T. Prigent obtient 534 voix.
49 Marie Ferec, op. cit., p. 245-253. Le Socialiste annonce 1 200 participants, les RG à 600.
50 Dans un éditorial du Socialiste du début octobre 1961, il dénonce le terrorisme de l’OAS, « La France et l’anti-France ».
51 ADF. 145 W 129 et 130. Élections cantonales de 1961.
52 Le PSU présente aussi des candidats à Brest 2 (Paul Trémintin) et Brest 3 (Le Gouill), à Saint-PoldeLéon (Guivarch) et à Pont L’Abbé (Le Dilosquer).
53 Les abstentions atteignent 31,8 %, en baisse de 2,2 % sur 1955.
54 Jean Lavalou, pharmacien au Guilvinec, ancien des réseaux FFL, a été conseiller général RPF de Pont-L’Abbé de 1949 à 1955 puis candidat sur la liste des républicains sociaux en 1956. C’est aussi le gendre du sénateur Guillemot battu dans le canton par Tanguy Prigent en 1934 et 1935. Venger son beau-père, c’est sans doute ce qui explique la venue de ce gaulliste loin de chez lui.
55 Le Socialiste consacre un article lyrique : « Belle réélection du conseiller général PSU. » « Le canton pilote du socialisme breton », 10 juin 1961. Le PSU a une dizaine de conseillers sortants réélus en France.
56 À Concarneau, le sortant Michel Naviner est réélu contre Paul le Gall. Boëdec gagne un siège à la SFIO à Bannalec à la faveur d’une triangulaire.
57 AN F7/15504. C’est une invitation de la Conférence permanente des villes de Yougoslavie.
58 Le Socialiste, 4 novembre 1961. Il rend aussi hommage à Paul Ramadier qui vient de disparaître : « un ami de qualité est parti ».
59 Le Socialiste, 17 et 24 mars 1962. Dans le premier éditorial, Tanguy Prigent exalte l’éclatante victoire des Communards il y a 91 ans, dénonce l’OAS : « le comble de l’ignorance et de la lâcheté » et évoque les ultimes marchandages des colonialistes. Dans le second, il appelle « à sauver et consolider cette paix ».
60 Le Socialiste, « OUI pour la paix en Algérie. NON au pouvoir personnel », 7 avril 1962. C’est la position arrêtée par la majorité du conseil national sur la proposition de Depreux, Verdier, Poperen contre les partisans du oui (Martinet, Longeot, Verlhac, Savary).
61 Michel Nicolas, Jean Pihan, Les Bretons et la politique 1958-1988, op. cit., p. 24-37. Au niveau national, le vote blanc ou nul est passé de 1,1 % des inscrits en 1958 à 4 % en avril 1962.
62 Le Socialiste, « 4 ans après ! Où sont les principaux responsables et complices de la scandaleuse insurrection du 19 mai [sic] 1958 ? Bilan humiliant et tragique… », 5 mai 1962.
63 Le Socialiste, « Un grand pas en avant dans “la gigantesque lutte des classes sur le plan mondial”. L’Algérie et le peuple algérien sont indépendants », 7 juillet 1962.
64 AN F7/15504.
65 Jean Pascal, Les députés bretons de 1789 à 1983, op. cit., p. 617.
66 AN. F7/15504.
67 Le Socialiste, « Dire non, ce n’est pas défendre un parlement croupion, c’est lutter contre la dictature d’un homme », 6 octobre 1962.
68 Michel Nicolas, Jean Pihan, op. cit., p. 39-41. Les écarts vont de 69,1 % de oui dans les Côtes du Nord où René Pleven a appelé à voter non à 79,2 % dans le Morbihan. Les électeurs bretons n’ont pas suivi leurs 24 députés (73 %) qui avaient appelé à voter non.
69 A Morlaix, le oui n’a obtenu que 50,8 %. À Saint-Jean-du-Doigt, il y a eu 291 non pour 230 oui. Le Socialiste du 3 novembre 1962.
70 Tanguy Prigent a un nouveau suppléant, André Jaouen, inspecteur des télécommunications à Morlaix.
71 Robert Arnault s’est présenté aux élections cantonales à Brest 2 en juin 1961.
72 Ouest-France, 3-4 et 10-11 novembre 1962. Un PSU et un SFIO s’affrontent aussi à Quimper et à Brest où Robert Gravot, resté à la SFIO, a contre lui Paul Trémintin (PSU). Soulignons que 5 des 7 candidats à Morlaix ont accepté le programme du CELIB dont Tanguy Prigent.
73 Déclaration d’Édouard Depreux à la RTF citée par Ouest-France le 15 novembre 1962.
74 Ouest-France, 19 et 20 novembre 1962.
75 Il perd 652 voix mais le nombre d’inscrits a diminué de près de 1 500.
76 Le Dr Le Duc obtient 12,6 %, Fr. Prigent 11 %, les autres candidats entre 2 et 4 %.
77 Ouest-France, 24-25 novembre 1962. Parmi ces candidats uniques de la gauche, il y a quatre communistes, un SFIO (Mao à Châteaulin) et un PSU.
78 Ouest-France, 26 novembre 1962.
79 En 1962, les cantons de Saint-Pol-de-Léon et de Morlaix ont autour de 15 000 inscrits chacun, les quatre autres cantons de 6 000 à 8 000. Au niveau cantonal, Tanguy Prigent obtient 69,3 % des voix au Huelgoat, 65,3 % à Lanmeur, 53,8 % à Plouigneau, 52 % à Morlaix mais seulement 40,8 % à Taulé et 36,5 à Saint-Pol-de-Léon. La géographie politique anciennement modelée est confirmée dans les urnes.
80 Ouest-France, 26 et 27 novembre 1962. Les UNR sont G. de Poulpiquet, réélu dès le 1er tour, C. Le Goasguen (Brest 1), A. Caill (Landivisiau), G. Miossec (Douarnenez), R. Évrard (Quimper) et Suzanne Ploux (Châteaulin).
81 Battu, Georges Lombard donne sa démission de maire mais il est réélu. Son prédécesseur, le sénateur MRP Yves Jaouen avait fait de même après sa défaite aux législatives de 1958 .
82 L’année politique 1962. L’autre député du PSU est Bleuzé, élu dans la Seine.
83 Le Socialiste, 15 décembre 1962.
84 Idem, 26 janvier et 3 mars 1963. Tanguy Prigent a été réélu au comité politique fédéral élargi à 21 membres.
85 Jean Poperen, La gauche française, op. cit., chap. 21. Faute d’une histoire précise de cette crise, nous nous appuyons sur la version de Jean Poperen qui en fut l’un des principaux protagonistes et l’un des perdants de cet affrontement. Dans ces débats compliqués, cinq motions sont en présence (de A à E).
86 Les 20 membres « renouveau » du CPN quittent le bureau national tandis que les 25 restants veulent convoquer un congrès pour le 22 juin, ce que les premiers refusent.
87 On trouve peu d’éléments dans ses papiers personnels permettant d’expliciter sa position sauf le texte non daté de Poperen diffusé dans le parti contre l’avis du bureau national.
88 Le Socialiste, 26 janvier 1963. Nous ignorons comment se sont répartis les votes sur les motions.
89 Les comptes rendus des débats publiés dans Le Socialiste ne permettent pas d’en avoir la certitude.
90 Le Socialiste, 22 juin et 29 juin. La situation est très complexe car cinq courants sont en présence. Sur les principaux votes, les délégués du Finistère partagent leurs mandats en 16 et 6 notamment sur une motion Geismar du courant C. Et on trouve dans les papiers Prigent le document orientation C « Pour le contrat d’unité. Faire le parti d’unification socialiste » de Jean Poperen.
91 AN. F7/15504.
92 Le 3 octobre 1963, Tanguy Prigent témoigne au Palais de Justice de Paris au procès de Claude Bourdet poursuivi par Papon, sans doute pour un article de presse.
93 Le Socialiste, 2 mars 1963.
94 CDT de Nantes. PRI 24. Le lendemain, le député part pour quatre jours en RFA à une rencontre économique.
95 Ibidem. PRI 19 bis. On trouve la trace de 12 questions écrites et des réponses ministérielles publiées au Journal Officiel, du 21 février 1963 au 24 juin 1966. Elles portent sur la politique nucléaire et étrangère (E-U, RFA, vente d’armes aux Portugal), sur l’Éducation nationale, sur les problèmes agricoles et sur les conditions exactes de « la disparition » en plein Paris de Ben Barka (22 janvier 1966)
96 Jean Pascal, op. cit., p. 631-633. Il est probable qu’il est absent pour cause de maladie.
97 Blancho vote aussi contre. Une demande d’ajournement de la ratification avait recueilli dix suffrages de députés bretons sur 183. Le traité est ratifié par 325 députés (30 Bretons) contre 107.
98 CDT de Nantes. PRI 19 bis. Paris-Presse des 22-23 décembre 1963. Le journal qui publie un encadré avec photo du seul parlementaire à avoir voté contre la réforme de la Constitution signale cette opération chirurgicale en précisant : « C’est un homme d’une force de caractère peu commune ».
99 AN. F 7/15504. Nous ignorons si la sanction a réellement été appliquée.
100 L’année politique 1963, p. 105. Huit centristes bretons dont René Pleven s’abstiennent. Tanguy Prigent explique au Télégramme qu’il a voté contre car, n’appartenant à aucun groupe parlementaire, il n’a pas eu droit à la parole lors des débats. Jean Poperen lui adresse une lettre de félicitations.
101 Christian Bougeard, René Pleven. Un Français libre en politique, Rennes, PUR, 1995, p. 372-375.
102 Sur 476 votants, 149 députés votent ce texte qui est rejeté par 284 élus.
103 Tanguy Prigent un peu désabusé fait part des « nombreuses déceptions qui m’ont meurtri – sans me décourager jamais – au cours de ma vie militante, font qu’il m’est difficile désormais, de faire confiance à quiconque dans l’immédiat d’une façon totale ».
104 CDT de Nantes. PRI 26 (7). Courrier 1965. Tanguy Prigent précise bien que la position du PSU n’est pas « d’hostilité à ta personne (ni pour moi une hostilité personnelle à un compagnon de la Résistance clandestine). Il s’agissait d’un désaccord sur le caractere politique de ta candidature et de cela seulement ». À la formule dactylographiée « sentiments », Tanguy Prigent a rajouté à la main « d’estime, restés fraternels ».
105 Franz-Olivier Giesbert, François Mitterrand ou la tentation de l’histoire, Paris, Seuil, Points Actuels, éd. 1990, ch. 7, Le défi.
106 Jean Poperen, La gauche française, op. cit., p. 456-461.
107 Selon son récit, Jean Poperen envoie en hâte Alain Geismar pour informer le député de Morlaix de la position du bureau en faveur de Daniel Mayer : « Geismar arrive chez Tanguy en même temps que Mitterrand, dont la démarche tourne court. » Or, selon sa lettre datée du 11 septembre à Mitterrand, Tanguy Prigent prend position à titre personnel, car il est isolé en maison de repos, sans contacts politiques avec son parti. Si sa lettre avait fait suite à une rencontre, il l’aurait certainement évoquée. PRI 26. Courrier 1965 (6). Tanguy Prigent parle de cette rencontre dans Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 177. Elle a dû se produire un peu plus tard.
108 « Au nom de qui et de quoi, hormis le fait, peut-être, d’être candidat en ton nom personnel uniquement. Je ne saisis pas exactement, le caractère politique de ta candidature ».
109 Cette véritable gauche serait « débarrassée des fausses barrières, des malentendus, des intrigues aussi, intraitable sur l’essentiel : Justice économique et sociale, Paix, respect de la liberté et de la dignité de l’homme (sans oublier le Tiers Monde) ; très tolérante pour le reste ».
110 AN. F 7/15504.
111 CDT de Nantes. PRI 21. Documents internes du PSU. Notes d’information 1 et 2 et Directives n° 98, 21 octobre 1965.
112 Jean Poperen, La gauche française, op. cit., p. 467.
113 CDT de Nantes. PRI 26. Courrier de 1965. François Mitterrand conclut sa lettre par : « Je suis réconforté quand je trouve dans ce combat difficile, l’appui de républicains tels que toi. »
114 CDT de Nantes. PRI 21. Note du 21 octobre 1965.
115 Michel Nicolas, Jean Pihan, Les Bretons et la politique 1958-1988, op. cit., p. 54-65
116 Dans les papiers Prigent sont conservées 14 lettres de Jean Poperen qui témoignent de relations amicales, ce qui n’est pas le cas avec les autres dirigeants du PSU.
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