Précédent Suivant

Chapitre X. Un bail prolongé au ministère de l’Agriculture (16 décembre 1946-22 octobre 1947)

p. 201-222


Texte intégral

1Au moment où les institutions de la Quatrième République s’installent définitivement, tirant les leçons du recul électoral de la SFIO, Tanguy Prigent s’interroge non seulement sur le maintien de son parti au gouvernement mais aussi sur les alliances qu’il convient de nouer lors des débats qui traversent le comité directeur et le groupe socialiste. Pendant un mois, dans le gouvernement de transition dirigé par Léon Blum, puis dans le gouvernement Ramadier jusqu’à son renvoi en octobre 1947, il assume ses responsabilités ministérielles. Poursuivant l’œuvre entreprise depuis septembre 1944, le paysan-ministre jette les bases d’une modernisation dans le cadre de la reconstruction de l’économie française. Sa politique engage l’avenir. Mais dans une conjoncture politique, économique et sociale de plus en plus difficile, après le renvoi des ministres communistes du gouvernement le 4 mai 1947, « le dirigisme » du ministre de l’Agriculture est de plus en plus mal perçu par le président de la République Vincent Auriol et par le gouvernement Ramadier dans lequel les socialistes sont pourtant quasiment majoritaires. Socialistes du parti et socialistes au gouvernement se divisent sur les politiques à adopter avant que la stratégie de troisième force ne s’impose pour sauver le régime lors de la très grave crise sociale et politique de novembre et décembre 1947. Mais auparavant, Tanguy Prigent et André Philip, qui incarnaient la ligne dirigiste et la période précédente du tripartisme triomphant, ont été écartés à la fin octobre à l’occasion d’un remaniement ministériel.

Rester ou quitter le gouvernement ?

2Premier parti de France à l’issue des élections législatives du 10 novembre 1946, le parti communiste propose à la SFIO de former « un 201 gouvernement d’union démocratique, laïque et sociale, à présidence communiste », c’est-à-dire un gouvernement de type Front populaire sans le MRP. Au slogan de campagne du MRP « Bidault sans Thorez » répond la proposition du PCF de « Thorez sans Bidault ». Mais la majorité de la SFIO ne veut surtout pas s’enfermer dans un tête-à-tête gouvernemental avec le parti communiste. Encore convalescent, Tanguy Prigent qui ignore à la mi-novembre la position de son parti ne se prononce pas sur l’offre des communistes mais il semble plutôt réservé, rappelant qu’en 1936 le PCF a refusé de participer au gouvernement de Léon Blum. Veut-il par là suggérer un soutien sans participation à un gouvernement à direction communiste ? Il préconise de prendre son temps et de se consacrer en priorité aux élections au Conseil de la République1.

3De retour au comité directeur du 27 novembre pour l’important débat sur la stratégie gouvernementale du parti, Tanguy Prigent prend fermement position2. Regrettant le manque de netteté de la motion adoptée par le conseil national du 17 novembre, il rejette l’hypothèse vite abandonnée de Daniel Mayer de reconduire le gouvernement Bidault. L’ancien secrétaire général refuse un gouvernement Thorez homogène qui conduirait à une prise du pouvoir du PCF et pense aussi à un éventuel gouvernement socialiste homogène. Le Breton propose de respecter le suffrage universel et donc de voter pour un président du Conseil communiste. La SFIO doit soutenir ce gouvernement sur des bases claires mais sans y participer. Les socialistes doivent « se prononcer pour un vrai dirigisme et le respect de la démocratie intérieure et extérieure ». Cette position en faveur d’un gouvernement Thorez, avec le soutien mais sans la participation socialiste, est réitérée lors du comité directeur du 3 décembre puis dans une longue intervention au conseil national du même jour. Tanguy Prigent y expose la position unanime des fédérations du Finistère et des Côtes-du-Nord3. Trouvant les résultats du suffrage universel injustes, il pense que son parti doit en tenir compte « par honnêteté » et non « par tactique » en « démocrates conséquents » souligne- t-il pour reprendre le vocabulaire communiste. Maurice Thorez, plusieurs fois vice-président du Conseil, a déjà été « dédouané » par de Gaulle et par la SFIO et « il ne faut pas oublier que derrière les chefs bolchéviques, il y a la classe ouvrière » (27 novembre). Répondant à un interlocuteur anticommuniste non identifié qui compare Thorez à Hitler, arrivé au pouvoir légalement en Allemagne, Tanguy Prigent rappelle l’action dans la Résistance au nazisme du PCF soutenu par la classe ouvrière. Il craint par-dessus tout « la cassure entre les partis ouvriers et paysans que sont le PC et le PS » qui permettrait à la droite de devenir l’arbitre de toute majorité politique. Il ne faut pas se couper de « la masse la plus importante des travailleurs les plus-authentiques de ce pays » qui ont voté pour le PCF. Il ne faut pas entrer dans « un bloc anticommuniste qui irait jusqu’à la droite contre le PCF ».

4Mais ce n’est pas par philo-communisme que le maire de Saint-Jean-du- Doigt défend un soutien sans participation. Il y va du redressement du parti qui doit refaire ses forces hors du gouvernement s’il ne veut pas être condamné à disparaître entre les deux blocs constitués du PCF, qui attire l’électorat populaire de la SFIO, et de la droite recomposée. Le leitmotiv du prix à payer du fait des responsabilités gouvernementales revient une nouvelle fois. Et il pense que c’est le souhait de la base du parti. Donc soutien constructif sans participation gouvernementale, telle est la position du ministre de l’Agriculture. Comme Augustin Laurent et comme Guy Mollet qui dès le 27 novembre pensait que « si l’expérience [communiste] doit être faite, mieux vaut maintenant que plus tard » pour ne pas perdre le contact avec la classe ouvrière, Tanguy Prigent plaide pour l’investiture d’un gouvernement présidé par Maurice Thorez et met en garde par avance les indisciplinés4. Le conseil national de la SFIO décide donc d’appeler à voter pour Thorez mais le 4 décembre cette investiture échoue car plusieurs députés socialistes n’acceptent pas cette consigne de vote.

5Au conseil national du soir du 4 décembre, Tanguy Prigent, rappelé à l’ordre car ce n’est pas l’ordre du jour, exige des sanctions sévères contre ces cas d’indiscipline craignant que la SFIO ne se transforme en parti radical. Il explique que la SFIO ne doit pas présenter de candidat à la présidence du Conseil ni soutenir un autre parti5. Il ne s’agit pas de passer dans l’opposition mais de soutenir un gouvernement à participation communiste sans y participer, une position assez contradictoire puisque dans ce cas il faudra bien voter pour un chef de gouvernement non communiste. La crise se poursuit et on s’achemine vers un gouvernement homogène socialiste de transition, le temps d’achever la mise en place de la Quatrième République avec l’élection du président de la République par les deux chambres. Au comité directeur du 10 décembre 1946, Tanguy Prigent s’oppose à la formule d’un gouvernement socialiste car le pays n’y est pas prêt. Finalement, le 11, cette solution est acceptée par le PCF. Le soir, au comité directeur, la position de Tanguy Prigent évolue : il demande de ne pas participer à un gouvernement sans les communistes et de refuser toute solution d’union nationale, une formule un temps envisagée. Il faut laisser le MRP et les radicaux tenter de former un gouvernement pour voir s’il y a une majorité à droite. En cas d’échec, les socialistes renforcés par la crise pourraient former le gouvernement. L’accord se fait au comité directeur sur une démarche auprès de Léon Blum pour qu’il accepte de diriger ce gouvernement de transition. Tanguy Prigent exprime ses réserves car faire une telle démarche signifie poser une candidature socialiste. C’est d’ailleurs la solution qui l’emporte et Léon Blum est investi le 13 décembre 1946 à la tête d’un gouvernement socialiste homogène à un moment où la guerre d’Indochine se déclenche. Le bombardement de Haïphong a eu lieu le 23 novembre et le soulèvement du Viet-Minh à Hanoï le 19 décembre, deux événements dramatiques qui amorcent le cycle de la guerre coloniale.

6Tanguy Prigent conserve le ministère de l’Agriculture dans le gouvernement Blum. Après l’élection du socialiste Vincent Auriol à la présidence de la République, le 16 janvier 1947, dès le premier tour grâce aux voix communistes, la Quatrième République sort enfin du provisoire après sa longue gestation. Léon Blum démissionne. Le socialiste modéré Paul Ramadier, l’ancien ministre du Ravitaillement, est investi par l’Assemblée nationale le 21 janvier par 649 voix contre 0 et 64 abstentions. Il forme un gouvernement dit « d’accord général » dans lequel les socialistes sont les plus nombreux6. Le moins que l’on puisse dire est que la position défendue par Tanguy Prigent n’a pas été retenue. D’ailleurs, le choix de Ramadier a été celui du président de la République Vincent Auriol, qui a tenu à l’écart le secrétariat du parti7. Tout au long de l’année 1947, les relations vont être tendues entre le président du Conseil et la direction du parti8. Sans cesse soutenu par Vincent Auriol, Paul Ramadier n’entend pas se soumettre au contrôle et aux directives de son parti. Et on peut penser que cette situation va rapprocher le discipliné Tanguy Prigent de la direction et de Guy Mollet.

7Se sachant de transition, le gouvernement Blum a décidé de frapper un grand coup pour casser la spirale inflationniste. Le 2 janvier 1947, une baisse autoritaire des prix de 5% est décidée par le gouvernement. Tanguy Prigent qui jusque-là prônait la hausse des prix agricoles change son fusil d’épaule en soutenant activement cette politique de baisse des prix qui correspond à son souhait d’un véritable dirigisme de l’État. En deux allocutions radiodiffusées le 4 janvier puis le 30, le ministre lance un appel aux paysans pour qu’ils acceptent cette baisse des prix de leurs produits et il réclame l’appui de la CGA à ce virage de politique économique qui doit consolider le franc9.

8Mais l’opinion publique est sceptique quant à l‘efficacité d’une telle mesure.

9Le 30 janvier, il constate les premiers effets positifs sur les marchés, les produits industriels (engrais, produits chimiques) ont suivi. Mais la question du blé taxé et mal rémunéré se pose alors que le prix des céréales secondaires flambe. Craignant que les agriculteurs abandonnent la culture du blé, le ministre annonce un plan de soutien à long terme avec des mesures immédiates (importations massives de céréales secondaires, prime de réensemencement pour couvrir les dégâts du gel)10.

En position difficile dans le gouvernement Ramadier

10Tanguy Prigent est resté à son poste dans le gouvernement formé le 28 janvier 1947. Sans doute est-il le seul socialiste capable d’assumer ce portefeuille dans une période difficile ? En février 1947, le ministre de l’Agriculture effectue un voyage aux États-Unis pour y conclure un nouveau contrat d’achat de céréales car la soudure s’annonce de plus en plus difficile. En effet, les blés semés en automne ont été atteints par les gelées tardives et il faut réensemencer de nombreuses parcelles. Le 14 février, le ministre a obtenu la livraison immédiate de 200 000 tonnes de blé. Les États-Unis ont accepté de livrer cinq millions de quintaux de céréales ainsi que des nitrates11.

11Les difficultés quotidiennes s’accumulent. Les visites de Tanguy Prigent sont moins nombreuses (quatre) que les années précédentes. Il doit de plus en plus souvent faire face aux critiques et aux interruptions soit des communistes soit des dirigeants qui réclament le rétablissement de la liberté du commerce comme à Bordeaux le 4 août 1947 au congrès national des coopératives vinicoles de France et à La Rochelle le 7 septembre lors du 29e congrès national de la Mutualité, de la Coopération et du Crédit agricole12.

12Les questions du blé et de la viande sont de plus en plus préoccupantes.

13Au conseil des ministres du 11 mars 1947, Tanguy Prigent se plaint des difficultés du rationnement et propose des mesures pour y remédier (exonération de la baisse de 5 % sur les céréales livrées avant la fin mars et contrôles plus sévères). Le 25 mars, le gouvernement se divise sur la question de la taxation de la viande entre les partisans de la fermeté (dont Tanguy Prigent et André Philip) et ceux qui veulent une réplique adaptée (Paul Ramadier)13. Le débat rebondit au conseil des ministres du 9 mai, après le renvoi des ministres communistes. Le ministre de l’Agriculture réclame des sanctions contre « les semeurs de panique » qui ont provoqué des incidents à Nevers14. La presse bruit de rumeurs sur les exportations de blé vers l’Italie, l’Espagne, l’URSS alors que les Français manquent de pain. La CGT et le PCF vont bientôt mener campagne sur ce thème très populaire. Une nouvelle fois, comme au début 1946, Tanguy Prigent préconise la fermeté et les sanctions. Le président de la République Vincent Auriol propose au ministre une riposte graduée : publier des démentis en usant du droit de réponse, engager ensuite des poursuites pour fausses nouvelles et faire connaître les sanctions ; propositions approuvées par le conseil des ministres.

« La question du blé » : un ministre incompétent ?

14Au cours du même conseil des ministres, Tanguy Prigent indique l’état des stocks de blé qui sont encore importants chez les producteurs dont du blé non battu à la suite d’une directive ministérielle. Ces stocks représenteraient 48 millions de quintaux. Le ministre de l’Agriculture propose d’instituer « une prime de complète livraison » (coût estimé à 10 milliards de francs). En fait, de nombreux agriculteurs attendent la hausse des prix pour vendre. Cette question apparemment technique est en fait éminemment politique et elle provoque un conflit dur au sein du conseil. Vincent Auriol ne comprend pas cet ordre de suspendre les battages et de stocker une denrée vitale qui manque. La réponse de Tanguy Prigent n’est guère convaincante15. Le président de la République met en cause les dysfonctionnements du ministère de l’Agriculture et réclame une enquête. Des ministres, dont le socialiste Daniel Mayer qui vient de remplacer le communiste Ambroise Croizat au ministère du Travail, soulignent l’incohérence d’une prime versée aux producteurs alors que le gouvernement refuse des hausses de salaires pour la classe ouvrière et que l’on va réduire les dépenses de l’enseignement de 3 %. En effet, la grève aux usines Renault à Billancourt, déclenchée le 25 avril à la base par des militants trotskistes contre la direction de la CGT, portait sur le rejet du blocage des salaires. En désaccord sur la politique militaire en Indochine (vote des crédits militaires) et sur la répression de l’insurrection malgache, le PCF a choisi de rompre le tripartisme sur la question sociale et salariale pour ne pas être débordé sur sa gauche. Après un long débat, la prime de livraison est rejetée. Le 13 mai, Vincent Auriol note dans son journal : « Il n’est pas douteux que les difficultés de ravitaillement créent un climat psychologique désastreux et propre à toutes les revendications. »

15Pendant quelques jours, cette question de l’approvisionnement en blé devient centrale pour le gouvernement. Le 10 mai, Paul Ramadier hésite à prendre des mesures coercitives comme Auriol l’y incite. Léon Blum est appelé à la rescousse pour prêcher la fermeté à Ramadier. Finalement, le 13 mai le président du Conseil prend directement en main le Ravitaillement16. Il veut réquisitionner les grands moulins dont les ouvriers sont en grève et faire collecter rapidement les blés stockés dans les grandes propriétés. Paul Ramadier demande aussi à Vincent Auriol, « de voir Tanguy-Prigent pour le secouer et lui demander de contrôler de très près ses services ». Cette démarche montre qu’il n’existe pas de relations de proximité entre le président du Conseil et son ministre de l’Agriculture. En fait, deux générations socialistes cohabitent au pouvoir. Le président de la République sermonne son camarade ministre, ajoutant : « Il me semble qu’il y a un sabotage certain dans la politique gouvernementale. » Dans le climat de mécontentement et de montée des conflits sociaux, Vincent Auriol craint une révolte si la ration de pain est abaissée à 200 grammes par jour. Tanguy Prigent promet d’agir avec vigueur.

16Le 2 juin, Vincent Auriol réunit son cabinet pour évaluer la situation économique et la question du blé. La récolte s’annonce très mauvaise – elle sera inférieure de 50 % aux prévisions du plan – et la situation financière du pays risque de ne pas permettre d’acheter les 24 millions de quintaux manquants. En outre, le système de fixation des prix retenu favorise les gros producteurs au détriment des petits qui ne sont pas encouragés à livrer leur blé. L’élevage et les céréales secondaires sont plus rémunérateurs et il arrive que l’on utilise de la farine de blé pour nourrir le bétail. Le ministère de l’Agriculture est rendu responsable de cette situation et en premier lieu son ministre dont l’action est jugée sévèrement par le président de la République17. Dans une note, il écrit « Tanguy-Prigent, aussi souriant que faible, ne me paraît pas contrôler les agissements [de ses services] ». En défendant les intérêts des agriculteurs, l’ancien paysan breton est une nouvelle fois en porte-à-faux avec la politique gouvernementale et les urgences du moment. Au conseil des ministres du 20 juin, Tanguy Prigent peut annoncer que les appels aux agriculteurs ont été entendus. La collecte a donné du simple au double mais il faudrait encourager le mouvement en fournissant des moyens de culture. Aucune décision n’est prise18.

17Les conseils des ministres des 2, 7 et 11 juillet discutent longuement de la fixation du prix du blé pour la campagne à venir, prix de référence pour de nombreux autres produits agricoles et pour les fermages. Tanguy Prigent y défend un prix élevé : 2 000 francs (incluant une prime de 350 francs) pour un rendement moyen de quatorze quintaux à l’hectare, un prix censé stabiliser les cours19. Les discussions sont le plus souvent tendues. Tanguy Prigent, disposé à accepter le prix de 1 950 francs, se heurte à ses collègues socialistes, notamment Félix Gouin, ministre d’État, président du Conseil du plan et surtout à Marcel Naegelen (le 7 juillet). Ce dernier considère à juste titre que les gros céréaliers aux forts rendements sont surpayés. Le ministre de l’Agriculture envisage d’ailleurs un impôt cultural correctif. Finalement un compromis est trouvé avec la CGA et à l’Assemblée nationale qui vote le principe de la prime à l’hectare de blé.

18Mais cette politique entretient un cercle vicieux difficile à briser : les prix élevés du blé pour inciter à produire plus et nourrir les Français alimentent l’inflation qui réduit le pouvoir d’achat des salariés des villes et grossit le mécontentement et les cycles de grèves. En outre, cette politique n’est pas comprise des militants socialistes. Tanguy Prigent prend des coups qu’il aura du mal à oublier. Quelques mois après son départ du gouvernement, en juillet 1948, au 40e congrès de la SFIO, il éprouve le besoin de justifier sa politique. Il répond à ses « camarades des villes » qui l’ont accusé « de faire de la démagogie paysanne » justifiant son combat pour la hausse du prix du blé « non seulement par esprit de justice, mais pour défendre le pain des travailleurs des villes20 ». Il rappelle aussi que la hausse à la consommation du prix du lait, en 1946 et 1947, a été rendue indispensable par la perte de « la bataille de la viande » et « parce que (Ramadier m’en est témoin) la courbe des arrivages de lait avait baissé exactement dans la même proportion que s’était manifestée la hausse du prix de la viande ». L’élevage pour la boucherie étant plus rentable avec moins de main-d’œuvre que l’élevage laitier, les producteurs ont abandonné le lait pour la viande « au risque de condamner des enfants à mort ». C’est aussi à cause de telles pratiques, autant que du fait de ses conceptions du socialisme, que Tanguy Prigent est partisan de l’interventionnisme de l’État, alors appelé dirigisme, contre les tenants du libéralisme économique. Or, la pression croissante du RGR (radicaux et UDSR) et des indépendants après la rupture du tripartisme, et d’une partie de l’opinion, va pousser Paul Ramadier, peu favorable à des mesures autoritaires, à évoluer dans cette direction.

19Vincent Auriol soutient le président du Conseil qui veut démissionner à la fin août 1947. Il reproche même à Édouard Depreux qui critique Paul Ramadier pour son inefficacité et son imprévision de ne pas l’avoir soutenu lors de la crise du blé. Considérant que le véritable responsable de cette crise est le ministre de l’Agriculture, il va jusqu’à affirmer que « c’est lui qu’il fallait changer » et non le président du Conseil21. Dans cette affaire, le président de la République socialiste semble considérer que le ministre de l’Agriculture a fait preuve au mieux de manque d’autorité, au pire d’incompétence. Quant à lui et malgré ses désaccords, Tanguy Prigent toujours hostile à la participation gouvernementale de son parti soutient son président du Conseil car la solidarité l’emporte sur les divergences du fait de la situation dramatique du pays.

20Durant ces semaines difficiles de mai à juillet 1947, Tanguy Prigent a bénéficié de l’appui des socialistes Édouard Depreux, ministre de l’Intérieur, et même d’André Philip, ministre de l’Économie nationale, partisan comme lui d’une politique dirigiste. Il a surtout bénéficié du soutien sans faille de Guy Mollet et de la majorité du comité directeur car il tente d’appliquer la politique dirigiste préconisée par le parti socialiste. La direction socialiste est en effet en désaccord avec plusieurs décisions de Paul Ramadier qui ne suit pas ses avis, notamment au début mai lors de la crise avec les ministres communistes. Deux stratégies s’affrontent au sein de la SFIO22. Considérant que le PCF a rompu le contrat gouvernemental en votant contre la confiance au gouvernement le 4 mai 1947, Paul Ramadier révoque les ministres communistes qui refusent de démissionner. Derrière Guy Mollet, la majorité du comité directeur estime que le gouvernement entier doit démissionner alors que Ramadier propose un simple remaniement ministériel avec l’appui de la majorité du groupe parlementaire. Un nouveau comité directeur va dans le même sens. Après douze heures de débats le 6 mai, le conseil national se prononce à une faible majorité pour le maintien du gouvernement Ramadier tout en réaffirmant son attachement au dirigisme économique, représenté au gouvernement par André Philip et Tanguy Prigent23. Une nouvelle fois, le ministre antiparticipationniste conserve son ministère dans un gouvernement remanié dans lequel la SFIO est presque majoritaire24.

21Pendant l’été le fossé se creuse entre le gouvernement qui n’est pas unanime et la direction du parti socialiste sur la politique financière et économique : Guy Mollet et Albert Gazier réclament un dirigisme renforcé en contrepartie de l’augmentation des charges25. Tanguy Prigent partage les convictions de ses camarades du comité directeur qui se regroupent derrière Guy Mollet. Dans le parti, la position du secrétaire général se renforce au 39e congrès de la SFIO réuni à Lyon les 14 et 15 août26. Tanguy Prigent se reconnaît dans le texte qui affirme que la participation au gouvernement n’est pas un objectif prioritaire27. Paul Ramadier, battu et critiqué par son parti qui rejette toute alliance à droite, y compris avec le MRP, veut se retirer mais Vincent Auriol s’y oppose tout comme le groupe parlementaire. Ramadier est ulcéré du fait que le congrès socialiste ait qualifié sa politique d’anti-ouvrière28. Le divorce entre le chef du gouvernement et la direction de son parti atteint son point culminant. Au début septembre, le conflit rebondit mais les parlementaires socialistes votent à une courte majorité pour le gouvernement contre l’avis de leur congrès. La question de confiance posée par Paul Ramadier sur le vote d’une subvention aux Charbonnages de France traduit d’ailleurs un sérieux effritement de sa majorité29. Battus en brèche sur leurs projets gouvernementaux, André Philip et Tanguy Prigent aspirent eux aussi à quitter un gouvernement en sursis.

22En effet, en dehors des débats politiques et des difficultés quotidiennes du pouvoir, la longévité ministérielle de Tanguy Prigent permet la continuité d’une ambitieuse politique agricole française qu’il convient d’évaluer avant son départ de la rue de Varenne.

Reconstruction et modernisation de l’agriculture française

23En septembre 1944, Tanguy Prigent a pris en charge un secteur économique affaibli par les années de guerre et les importants prélèvements allemands. Parallèlement aux réformes de structure, il lui faut reconstruire en la modernisant cette branche essentielle de l’économie nationale. L’équipe ministérielle de Tanguy Prigent va s’efforcer pendant trois ans de traduire en textes et en actes une politique moderniste dans une conjoncture économique difficile, une politique poursuivie par le MRP Pierre Pflimlin de la fin 1947 à 1951.

24Lors de ses visites sur le terrain et dans ses allocutions à la radio, Tanguy Prigent annonce ses projets en 1944 et 1945. Le 16 novembre 1944, à la radio, il évoque la nécessité de moderniser les méthodes de culture et de s’appuyer sur les progrès techniques pour refaire de la France une grande puissance agricole30. Pour cela, il faut un enseignement agricole à la portée de tous, la stabilité et la sécurité pour les paysans, de meilleures conditions de vie dans les villages. Le militant socialiste devenu ministre veut faire passer dans la réalité ses aspirations des années 1930. Il est profondément convaincu que l’amélioration matérielle de la vie des hommes sera insuffisante si l’enrichissement culturel ne suit pas. Dans ses nombreuses interventions publiques, il déclare urgent de développer les loisirs au village, d’y organiser des bibliothèques, des salles de théâtre, des cycles de conférences afin d’assurer aux paysans « la place morale à laquelle ils ont droit dans une société bien faite ». C’est d’ailleurs le seul moyen de retenir la jeunesse à la terre alors qu’une nouvelle vague d’exode rural s’enclenche avec la reconstruction des villes, vague particulièrement forte en Bretagne.

25Pour ce faire, le ministre s’adresse directement à la jeunesse rurale dans un entretien à la radio à la mi-juin 1945 où il relance le mouvement des foyers ruraux dont les premiers ont été créés par la CNP en 1935 et conservés par Vichy31. Il appelle les jeunes à combattre l’esprit de routine et à transformer la profession d’agriculteur en profitant des progrès techniques n’oubliant pas que le parti socialiste devra recruter parmi la jeunesse paysanne32. Ce discours développe des thèmes qui seront popularisés par la Jeunesse agricole chrétienne (JAC) dans les années suivantes. Il faut créer un foyer rural, « centre de la vie spirituelle du village, où chacun aimera venir se documenter, discuter, se cultiver, se distraire, foyer d’où rayonnera le progrès ». Des associations laïques, appuyées sur les syndicats agricoles et souvent animés par des instituteurs, doivent se charger de cette vie culturelle, incluant des séances de cinéma. Il s’agit de limiter l’attraction de la ville mais aussi, – le ministre ne le dit pas –, de concurrencer les patronages religieux dans les régions catholiques. Le mouvement des foyers ruraux s’enclenche passant de 157 en 1946 à 334 en 1947 pour atteindre le chiffre de 769 à la fin 195133. Trois départements comptent alors entre 40 et 50 foyers ruraux (la Seine-Inférieure, le Calvados et la Dordogne) mais l’essor reste limité en Bretagne (de quatre à huit selon les départements)34.

26Trois domaines sont prioritaires pour le ministère : l’enseignement, la recherche et la vulgarisation. La formation professionnelle agricole est réorganisée ainsi que les outils de la recherche scientifique appliquée avec la création de l’Institut national de la recherche agronomique (l’INRA) le 18 mai 1946. Pour lutter contre des méthodes routinières, la professionnalisation du métier d’agriculteur est une nécessité. De même, la vulgarisation des acquis de la recherche auprès des agriculteurs n’est pas oubliée. On envisage au niveau cantonal la création de centres d’études des techniques agricoles, les CETA, appuyés par des techniciens. Le paysan Tanguy Prigent qui connaît la pénibilité du travail à la ferme et veut dégager du temps libre pour les foyers ruraux, préconise la formation de CUMA, des coopératives d’utilisation du matériel agricole, permettant d’acheter des machines et de les mettre en commun. C’est aussi un moyen de préserver l’exploitation familiale qui souvent manque de capitaux sans favoriser les grosses exploitations et la concentration des terres. En période de pénurie de matériel, un droit de priorité est attribué aux CUMA. Le militant coopératif encourage la création de coopératives agricoles dont beaucoup vont disparaître dans les années 1950, y compris la sienne, lorsque le libéralisme économique et la concurrence vont remplacer l’appui de l’État35. Et l’Office foncier créé en 1946, tant critiqué par la droite, doit aider à mettre en place des exploitations agricoles viables. Cette ambitieuse politique agricole dispose d’un budget important en 1947 : 53 milliards de francs dont 26 milliards étaient effectivement dépensés au premier octobre lorsque Tanguy Prigent quitte le gouvernement. L’impulsion est donnée et elle va s’intensifier dans les années suivantes36. Mais malgré son combat incessant au gouvernement, Tanguy Prigent n’est pas parvenu à obtenir que l’agriculture devienne la priorité des priorités. Elle ne devient « une priorité de base de la Nation » qu’en juin 1948, en bénéficiant du financement du Fonds national d’Équipement et de Reconstruction institué par la loi du 7 janvier 1948. Sans doute son équipe a-t-elle préparé cette mesure importante qui s’inscrit dans la planification française qui se met alors en place.

27Le « dirigiste » Tanguy Prigent est particulièrement favorable au principe de la planification économique mis en place par Jean Monnet en 1946-1947. Dès 1946, le Commissariat général du Plan, créé le 22 décembre 1945, élabore le premier Plan de modernisation et d’équipement de la France. Soutenu par le ministère, par les dirigeants de la CGA (son secrétaire général Philippe Lamour et La Libération paysanne) ainsi que par La Moisson socialiste, les objectifs de ce premier Plan sont bien accueillis par les milieux agricoles. Afin de moderniser l’agriculture et d’intensifier la production pour devenir autosuffisant puis exportateur, il prévoit le remembrement des exploitations agricoles, un objectif sans cesse expliqué par Tanguy Prigent dans ses discours. Malgré les difficultés financières et techniques et les retards, les premières réalisations ont lieu en 1947 : environ 150 000 hectares sont remembrés sur les 500 000 prévus ; 22 à 30 % de l’équipement rural prévu (voiries, irrigation) sont réalisés ainsi que les deux tiers du machinisme agricole considéré comme prioritaire dans le plan Monnet grâce à l’agronome René Dumont. Tanguy Prigent qui tient à la poursuite de l’électrification des campagnes vient inaugurer le réseau de Plouégat-Guerrand, une commune de sa circonscription, en avril 194737. À la Libération, le moteur à explosion à la ferme ainsi que le tracteur symbolisent la révolution des techniques en agriculture. René Dumont, membre de la SFIO avant guerre, prophétise : « C’est l’ensemble de notre civilisation rurale et même le type de paysans qui va être bouleversé par le tracteur38. » Selon le Plan, de 30 000 en 1946, le parc de tracteurs doit passer à 200 000 en 1950 mais il ne sera que de 137 000 unités car il faut d’abord reconstruire l’industrie française. En effet, de 1945 à 1947, la situation est telle que les tracteurs sont presque tous importés des États-Unis (88 % en 1945 et 1946, 74 % en 1947) et les livraisons sont faibles mais en progression (6 850 en 1945, 8 500 en 1946, 16 450 en 1947)39. La situation s’améliore ensuite, les crédits du plan Marshall permettant de maintenir des importations élevées de tracteurs. Les premières moissonneuses-batteuses font leur apparition en France40. Tanguy Prigent jette les bases d’une agriculture productiviste qui est une nécessité à la Libération pour nourrir les Français. Dans les années 1960, quand ce modèle productiviste français sera intensifié par la Cinquième République, sous la pression de la génération du CNJA formée dans les années 1940-1950, au sein du PSU Tanguy Prigent fera une critique acerbe de cette agriculture moderniste en cours d’intégration aux circuits capitalistes car elle élimine les plus petits producteurs.

28Le discours officiel et le Plan encouragent la hausse de la productivité agricole, sur le modèle danois et hollandais, par le machinisme et la hausse des rendements. Un coût de 352 milliards de francs est avancé en 1947, financé essentiellement par les agriculteurs eux-mêmes (240 milliards). Réformé dans le cadre de la nationalisation des banques à la fin 1945, le crédit agricole mutuel va être chargé d’accompagner cette mutation de l’agriculture française en drainant et en orientant les capitaux nécessaires à cette modernisation qui s’amorce. Dans une situation favorable sur la question des prix dans les années de pénuries, les petits producteurs mal intégrés aux marchés et ayant peu de surplus, ceux des régions en retard comme la Bretagne, verront leur situation se dégrader à partir de 1948-1950 lorsque la situation s’inversera et que les prix industriels augmenteront plus vite que les prix agricoles. En francs courants, les prix agricoles semblent s’envoler dans les années 1945-1948 mais en francs constants, s’ils montent bien jusqu’en 1947, ils baissent ensuite sauf pour le lait.

Un bilan de la politique agricole de Tanguy Prigent au moment de quitter le pouvoir

29Ce bilan est en demi-teinte. En 1947 et surtout à la fin de sa vie, il est perçu comme un échec par l’ancien ministre de l’Agriculture. Pendant trois ans, faisant face à l’urgence et aux pénuries Tanguy Prigent doit gérer un monde agricole aux situations très hétérogènes. D’après le recensement de 1946, la France compte environ 2,2 millions d’exploitants (sans les conjoints) et 1,2 million de salariés agricoles (environ un sixième de la totalité de la population active agricole). Mais avec plus de 1,8 million de personnes (souvent de la famille) travaillant avec le chef d’exploitation, le monde agricole constitue un enjeu économique, social et politique majeur dans la France d’après-guerre.

30L’effort productif est important même si les résultats engrangés peuvent paraître médiocres. Mais le premier Plan de Jean Monnet n’a attribué que 8 % de ses investissements à l’agriculture et la situation agricole de 1945 était catastrophique. La production végétale est tombée à l’indice 47 (moyenne des années 1930-1938 = l’indice 100). Elle remonte à l’indice 83 en 1946 puis retombe à l’indice 75 en 1947 (sécheresse et manque d’engrais), le niveau d’avant-guerre n’étant rattrapé et dépassé qu’en 1949-1950. En chiffres bruts, la production de 1938 en vin, en sucre raffiné ou en pommes de terre n’est toujours pas rattrapée en 1949 ; elle l’est à peine pour la viande et pour le lait41. En revanche, l’effort industriel permet de retrouver dès 1947-1948 la production d’engrais de 1938-1939, gage pour l’avenir. Les résultats de la politique agricole sont tributaires d’une situation de départ très dégradée que le travail des paysans français, stimulés par un ministre proche d’eux, a contribué à redresser. Ces acquis n’ont été obtenus qu’au prix de l’incompréhension des citadins qui acceptaient mal le maintien du rationnement et la dégradation de la situation en 1946 et 1947 alors que la guerre était terminée depuis des mois.

31L’action internationale mériterait d’être analysée lors des conférences à Québec à la fin 1944 et à Copenhague en septembre 1946 où Tanguy Prigent est élu vice-président de la FAO, l’organisation spécialisée de l’ONU consacrée au développement agricole.

Scénario de crise gouvernementale à la fin de l’été

32Au début septembre 1947, alors que le parti socialiste prend ses distances avec le gouvernement Ramadier, le cœur n’y est plus pour les ministres qualifiés de dirigistes. Pendant l’été, les prix ont à nouveau dérapé marquant l’échec de la politique déflationniste conduite depuis six mois. En août, les prix de détail ont augmenté de 10 % par rapport à juillet et dépassé pour la première fois l’indice 1 00042. Grèves et agitation sociale des salariés reprennent de plus belle. Les pénuries et restrictions sont aggravées par la sécheresse qui sévit dans le pays après les gelées de l’hiver. EDF doit recourir en septembre aux restrictions d’électricité par des « délestages » ; on tente de restreindre la consommation d’essence en d’interdisant la circulation des voitures de plus de 15 CV. Cette mesure est rapportée à la fin septembre du fait des protestations des médecins et des chauffeurs de taxis. En dépit d’une excellente récolte, le prix des pommes de terre flambe sur les marchés où les prix taxés ne sont pas respectés43. Les achats prioritaires du gouvernement par la coopérative française d’importation et d’exportation ne parviennent pas à faire respecter les décisions gouvernementales44.

33La presse de droite en rend responsable la politique économique dirigiste suivie depuis la Libération. Dans un éditorial du 25 août 1947 titré : « Et délivrez-nous de M. Tanguy-Prigent », L’Époque prend pour cible le ministre de l’Agriculture qui jouit depuis la Libération « d’une exceptionnelle inamovibilité » mais a manqué de clairvoyance en annonçant au printemps 1947 que la soudure serait assurée. Tanguy Prigent, « un marxiste de la bonne école, celle d’André Philip » est mis en cause au moment où le gouvernement doit une nouvelle fois réduire la ration de pain. Ironiquement, l’article plagie le Notre Père : « Et bientôt tous les petits enfants de France, avant de s’endormir le soir, l’estomac vide, adresseront au ciel cette fervente prière : Donnez-nous aujourd’hui notre pain blanc quotidien, et délivrez-nous de M. Tanguy-Prigent. Ainsi soit-il ! » En fait, pour le pain comme pour la viande ou le lait, la situation est d’autant plus insupportable que le problème est moins celui de la sous-production que celui de la distribution. Les circuits parallèles assèchent le marché officiel et comme sous l’Occupation l’abattage clandestin alimente le marché noir45. Pour la viande, les quantités globales disponibles ont presque rejoint les niveaux d’avant-guerre. Dans les campagnes, notamment dans les régions de polyculture, il y a surconsommation alors que les salariés et les citadins souffrent des restrictions, les rations atteignant environ 75 % des niveaux de 1939. Sauf pour le blé et les produits laitiers, avec la politique de libéralisation des marchés entreprise depuis 1945 et 1946, l’État ne dispose plus de moyens de contrôle efficaces des produits agricoles au moment où la situation globale se dégrade46. De nombreuses sources montrent que sur la question de la baisse des prix de la viande, le président du Conseil cède fréquemment aux pressions des préfets et accorde des dérogations. La politique économique gouvernementale hésite et oscille sans cesse entre la liberté et le dirigisme renforcé, une incohérence clairement dénoncée par André Philip. Et pendant l’été 1947, les goulots financiers et la pénurie de dollars ne permettent même plus de faire appel aux importations américaines pour répondre aux urgences. On prévoit de réduire de 50 % les importations initialement programmées sauf pour les achats prioritaires (blé, charbon et bois). Les crédits américains promis par le plan Marshall n’arrivent pas encore. Découragé par les critiques du parti socialiste et de plus en plus usé par l’exercice du pouvoir, Paul Ramadier veut se retirer. Le divorce entre une opinion publique qui veut plus de fermeté et d’efficacité et le gouvernement est total. Les critiques du comité directeur de la SFIO se font plus vives alors qu’à la base les lettres de protestation et même de démission des militants affluent.

34En première ligne lors de cette difficile rentrée 1947, les ministres de l’Économie et de l’Agriculture en phase avec leur parti, veulent jouer leur partition ou s’en aller. Ils vont déclencher une mini-crise politique. Avant le conseil des ministres du 30 août, le président de la République a convoqué André Philip et Tanguy Prigent pour les secouer « assez vivement mais amicalement » et pour leur expliquer que le projet de loi sur le marché de la viande imposant une baisse des prix « était inapplicable constitutionnellement, politiquement et financièrement47 ». Il ajoute : « J’ai l’impression qu’ils veulent se retirer sur un geste qui serait d’après eux populaire, et ils se trompent. » En conseil des ministres, Tanguy Prigent propose son plan complémentaire de réquisition du bétail sous le contrôle d’un service national de la viande. Trois ans après la fin de l’Occupation, la réquisition de denrées par l’administration a mauvaise presse, surtout au moment où le gouvernement annonce le retour à la liberté du commerce du vin. Les ministres libéraux (radicaux et indépendants) conviennent de l’intérêt du plan mais pensent qu’il est inapplicable et que le Parlement ne le votera pas à deux mois d’élections municipales difficiles pour la majorité. Vincent Auriol propose une série de mesures moins brutales mais devant être appliquées fermement par les préfets. C’est ce qui est finalement décidé : les préfets sont chargés de la collecte des céréales et de la répression des infractions (4 septembre) dont une loi précise les peines (16 septembre)48.

35Le président de la République pense qu’André Philip, désavoué en conseil des ministres, va démissionner et voudrait rétablir un ministre du Ravitaillement pour coordonner des compétences dispersées entre plusieurs ministères. Ce serait d’ailleurs, écrit-il, l’occasion de remplacer le titulaire car, « Tanguy Prigent est avec Philip une vraie catastrophe ». Le président de la République suggère ouvertement à Ramadier de se débarrasser de ces deux ministres socialistes bien encombrants. Mais ce n’est pas une question de personne car, un brin paternaliste, Vincent Auriol parle souvent dans son Journal du septennat de Tanguy.

36En effet, la question n’est pas réglée car les deux ministres désavoués, forts des décisions du congrès socialiste et de l’appui du comité directeur, ne veulent pas se rendre sans combattre. Ils sont allés voir Léon Blum à Jouy-en-Josas pour réclamer l’arbitrage du vieux sage. Selon le ministre de l’Agriculture, si les mesures d’organisation du marché et de réquisition du bétail ne sont pas prises maintenant, on ne pourra nourrir la population pendant l’hiver. En cas de refus de Ramadier, les deux ministres démissionneront. Léon Blum leur conseille de rencontrer Ramadier et téléphone à Vincent Auriol qui trouve cette démarche extravagante. Il y voit une manœuvre du comité directeur de la SFIO pour provoquer la chute du gouvernement, ce qui servirait les intérêts du PCF49. Le président de la République prend lui aussi le dimanche 31 août le chemin de Jouy-en-Josas pour tenter de dénouer avec Léon Blum une crise d’abord socialo-socialiste : « Je suis placé entre Philip et Tanguy qui proposent des choses impossibles, et Ramadier qui est lent50. » Dans cette grave crise interne, le Breton n’hésite pas à se battre avec tous les moyens pour les solutions qu’il croit bonnes. Le 3 septembre, Vincent Auriol tente d’empêcher le renversement du gouvernement Ramadier par les socialistes en intervenant personnellement auprès des ministres et de dirigeants socialistes51. À Daniel Mayer, Édouard Depreux et André Philip, comme à Christian Pineau et à Guy Mollet, il explique le ridicule de la crise (des socialistes renversant un socialiste) et aux premiers qu’il a refusé la tête des deux ministres dirigistes. Une crise gouvernementale provoquée par les socialistes ferait le jeu des adversaires de la République, le RPF gaulliste en plein essor, et le PCF. Vincent Auriol préconise de concentrer, c’est-à-dire de réduire le gouvernement pour lui redonner autorité et efficacité et s’efforce de remonter le moral du président du Conseil découragé. Guy Mollet est réticent face à ce projet de concentration car il voit bien que « cela suppose l’élimination de Tanguy- Prigent et de Philip, c’est-à-dire des deux seuls qui soutiennent nos idées ».

37À cet argument, Vincent Auriol répond : « Je ne me préoccupe pas de [question de personnes] mais simplement du pays. » André Philip offre sa démission qu’Auriol est prêt à accepter. Finalement, le 4 septembre, le groupe parlementaire accorde la confiance au gouvernement Ramadier qui survit avec une majorité réduite.

38Les deux ministres qui défendent les thèses économiques du comité directeur de la SFIO restent au gouvernement alors que de l’aveu même de Vincent Auriol, ils « n’ont qu’une idée, s’en aller52 ». Ils seront dans la charrette du prochain remaniement ministériel mais en attendant ils poursuivent leur action. Des mesures sévères sont prises pour obtenir la livraison de céréales. Le 16 septembre, « afin de rétablir la parité normale avec le prix du blé », les prix du lait et du beurre sont augmentés53. Ceux de la viande montent. Le gouvernement laisse faire se contentant de recommander la fermeture des boucheries un jour de plus, soit cinq jours par semaine, et de faire des achats prioritaires pour le « plan de congélation »… Pour tenir compte de situations locales très différentes, les préfets sont chargés de prendre les mesures les plus adéquates.

39Tanguy Prigent est toujours confronté au problème du blé. Le 4 septembre, il espérait pouvoir assurer la soudure grâce aux importations d’Amérique du Nord. Mais le 23 septembre, l’ambassadeur à Washington laisse entendre qu’il faudra obtenir 850 000 tonnes de céréales avant la fin de l’année, en plus des blés canadiens, pour maintenir la ration de pain à 200 grammes. La France doit donc prendre les mesures radicales proposées par son ministre de l’Agriculture.

40Une de ses dernières actions d’envergure de politique agricole consiste à lancer le 26 septembre 1947 un plan d’ensemencement autoritaire pour retrouver les cinq millions d’hectares emblavés en blé avant la guerre. Ce plan remet en cause le Plan de Jean Monnet qui prévoyait une diminution des emblavures au profit des prairies mais l’urgence commande. Beaucoup d’agriculteurs se sont tournés vers des cultures plus rémunératrices. Il s’agit, alors que la ration de pain a encore diminué, de 250 grammes le 1er mai 1947 à 200 grammes le 27 août, d’obliger les cultivateurs à ensemencer en blé les mêmes superficies que celles déclarées en 1937-1938 et en seigle 125 % de celles de 1944/194554. Ceux qui joueront le jeu auront des avantages matériels (machines, outils, engrais) et une prime à l’hectare (loi du 18 juillet 1947) alors que ceux qui s’y refusent seront sanctionnés (une taxe de 10 000 francs par hectare manquant, une taxe sur les herbages pour éviter la transformation de terres à blé). Le décret du 21 mars prévoyant des prix rémunérateurs pour le blé est maintenu alors que le gouvernement Ramadier a annoncé le 24 février une nouvelle baisse autoritaire des prix de 5 %. Les communistes n’étant plus au pouvoir, cet ultime sursaut du dirigisme n’est pas du goût des tenants du libéralisme qui reviennent en force dans les sphères de l’État. En mai, aux « émeutes de la faim » provoquées par la réduction de la ration de pain ont succédé des manifestations contre le dirigisme économique55. Ce plan d’ensemencement obligatoire, adopté en conseil des ministres le 26 septembre doit entrer en vigueur au début octobre 1947. Le lendemain, Paul Ramadier reçoit une délégation de la CGA pour obtenir son appui et préciser les modalités d’application de cette mesure. Cette décision gouvernementale ne contribue pas directement au départ du gouvernement du ministre de l’Agriculture car il était déjà acquis. On gouverne de plus en plus dans l’urgence.

Dernier combat avant le départ du gouvernement

41En dépit de son hostilité à la participation gouvernementale, Tanguy Prigent poursuit sa tâche jusqu’au bout livrant un ultime combat sur une question de justice sociale qui lui tient à cœur. Nommé ministre de l’Agriculture, il n’a pas remis en question une décision du régime de Vichy (loi du 5 avril 1941) qui avait transféré la gestion des problèmes sociaux agricoles du ministère du Travail à celui de l’Agriculture au nom d’un désir d’autonomie revendiqué de longue date par les milieux agricoles. Faisant suite aux ordonnances sur la Sécurité sociale (4 et 19 octobre 1945), des lois de 1946 sur les prestations familiales (6 août) et sur l’assurance vieillesse (12 septembre) posent la question du statut des exploitants agricoles. Or, un texte voté le 26 mai 1946 confiant la gestion de l’assurance vieillesse à des caisses régionales uniques a déclenché les protestations d’un monde agricole qui hurle à l’étatisme et qui s’était opposé aux assurances sociales en 1928-1930, un mécontentement exploité à l’époque par le dorgérisme. Des garanties assurant le maintien de caisses autonomes conduit à l’apaisement. Seuls, les ouvriers agricoles de la CGT réclament en 1947 leur inclusion dans le régime général de la Sécurité sociale.

42Tanguy Prigent s’efforce de défendre au sein du gouvernement l’égalité de tous les salariés en prenant des circulaires favorables aux ouvriers agricoles.

43C’est le cas des allocations familiales, ce qui provoque « un gros incident » lors de l’un de ses derniers conseils des ministres du gouvernement Ramadier le 10 octobre 1947. Le ministre déjà isolé perd ce combat. Il note dans ses Carnets : « Gros incident provoqué par envoi d’une circulaire par T. P., aux caisses d’all. familiales agr., les invitant à payer aux salariés de l’agriculture, les mêmes prestations qu’aux salariés de l’Industrie. Retrait circulaire56 ? ! ! » La ponctuation en dit long sur le sentiment du Tanguy Prigent à l’égard de la politique sociale agricole d’un gouvernement dans lequel les socialistes sont les plus nombreux. La parité des allocations familiales « réalisée en 1945 a été rompue en 1947, la majorité du gouvernement ayant suivi le ministre des Finances dans cette voie », écrit-il en juin 194857. C’est donc sans regret qu’il va quitter ce gouvernement. Quelques semaines plus tard, le 13 janvier 1948, le conseil national de la FNSEA réclame cette égalité : « Il ne peut être question d’accorder aux salariés de l’Agriculture des avantages inférieurs à ceux des salariés des autres professions sous peine d’aggraver la pénurie de main-d’œuvre de l’agriculture. » Les motivations sont plus pragmatiques mais les salaires industriels supérieurs relancent effectivement l’exode rural. Finalement, la loi du 17 août 1948 reconnaît un régime de protection sociale autonome pour les professions libérales et agricoles.

44En outre, la protection sociale de la famille travaillant sur l’exploitation agricole est quasiment inexistante malgré une ordonnance d’octobre 1945 qui n’a pas été appliquée car les charges sociales étaient trop lourdes (caisses d’accidents du travail). De même, les projets de limitation du temps de travail des salariés agricoles n’ont pas abouti58. Et c’est son successeur Pierre Pflimlin qui fera voter plusieurs lois sociales : limitation de la durée du travail des ouvriers agricoles à 2 400 heures et 300 jours par an (10 mars 1948), congés payés identiques aux autres salariés (9 juin 1949). L’œuvre du ministre socialiste est inachevée mais la continuité l’emporte. Tanguy Prigent le reconnaît lui-même en juin 194859. Montrant un système précaire, complexe, au financement mal assuré, l’ancien ministre soutient un règlement global proposé par la commission de l’Agriculture de l’Assemblée nationale et détaille un plan en huit points qui ne sera que très partiellement appliqué. Se heurtant aux contraintes économiques et financières de l’immédiat après-guerre, aux résistances du milieu agricole et des milieux politiques, Tanguy Prigent a accumulé les déceptions depuis l’été 1946. À partir du printemps 1947, le petit patronat et les classes moyennes se mobilisent contre le dirigisme économique, relayés au sein de la majorité et du gouvernement par les radicaux et les indépendants. Depuis septembre, la CGT et le PCF soutiennent les mouvements de grève qui se développent au rythme du mécontentement social qui monte dans tout le pays car les conditions de vie et de ravitaillement sont dramatiques dans les villes. C’est donc un homme désabusé, fatigué et en partie épuisé qui quitte le pouvoir le 22 octobre 1947. À nouveau malade au printemps 1947, il avait passé le mois d’avril en convalescence en Provence.

45Paul Ramadier a en effet décidé de remanier son gouvernement avant le deuxième tour des élections municipales d’octobre 1947. Avec 38 % des voix dans les grandes villes, le premier tour a vu une forte poussée du nouveau rassemblement gaulliste, le RPF fondé par le général de Gaulle le 7 avril précédent. Les résultats sont mauvais pour la majorité gouvernementale. Ramadier veut envoyer un signal fort aux électeurs. Le soir du 22 octobre 1947, sans en avertir le comité directeur de la SFIO, il décide de resserrer son équipe en « sacrifiant », pour satisfaire la droite et les radicaux, les deux ministres socialistes connus pour leur orientation « dirigiste » : André Philip et Tanguy Prigent. C’est la fin des tentatives dirigistes de contrôle des prix et des quantités60. Paul Ramadier s’engage dans une stratégie dite de « troisième force » pour défendre le régime républicain menacé par les gaullistes et par les communistes. Le 16 octobre, Léon Blum a théorisé ce concept au cours d’un meeting au Vélodrome d’Hiver. Le comité directeur de la SFIO en a discuté le 22 octobre mais Guy Mollet s’oppose encore à ce rassemblement au centre considéré comme bourgeois.

46Le remaniement ministériel tente désespérément de changer la donne politique. Jules Moch hérite d’un grand ministère économique et technique et l’indépendant Marcel Roclore, ministre d’État, obtient le ministère de l’Agriculture qu’il occupera un mois. Le gouvernement est réduit de 23 à 11 membres61. Ce gouvernement Ramadier tiendra moins d’un mois avant d’être remplacé par un gouvernement Schuman (MRP) qui doit affronter une très grande vague de grèves déclenchée par la CGT et partiellement soutenue par le PCF62. C’est donc dans une période de crise politique et sociale grave que Tanguy Prigent achève ses trois années passées rue de Varenne.

47Ministre de l’Agriculture dans une période exaltante et difficile, le paysan ministre breton a marqué son passage au pouvoir par des réformes importantes. Il y a acquis une dimension politique nationale incontestable au prix d’une activité débordante et sans doute d’erreurs comme sur la question du stockage du blé au début 1947. Espoirs et déceptions se sont succédé. Le monde rural et l’histoire n’ont retenu que le statut du fermage et du métayage mais le jeune ministre a jeté les bases de la modernisation de l’agriculture française en incarnant une politique dirigiste, imposée d’abord par la situation désastreuse de l’économie française et par la crise du ravitaillement, une politique abandonnée par ses successeurs qui vont recueillir les fruits de trois années d’effort pour reconstruire le pays. C’était sans doute pour lui la façon la plus efficace de répondre aux urgences du moment et de nourrir les Français sans léser les agriculteurs. L’année 1947 a été la plus difficile pour « l’idéaliste » Tanguy Prigent, sensible à la souffrance des plus modestes, qui se heurte à la dure réalité des groupes de pressions et des égoïsmes et intérêts particuliers. La faiblesse des socialistes dans le monde rural ne lui a pas permis de disposer de relais efficaces alors que les forces conservatrices et les tenants du libéralisme économique ont repris le contrôle d’un monde paysan hétérogène et que les communistes se sont affirmés comme les meilleurs défenseurs des petits paysans. À peine réélu maire de Saint-Jean-du-Doigt le 19 octobre 1947, Tanguy Prigent est renvoyé dans ses foyers finistériens. Celui qui a effectué un bail d’un peu plus de trois ans à la direction du ministère de l’Agriculture est sans doute soulagé d’être déchargé de lourdes fonctions ministérielles et de bagarres incessantes contre ses camarades socialistes du gouvernement. Assumer de telles tâches ne doit pas être facile lorsque l’on n’est plus favorable à la participation gouvernementale. Tanguy Prigent, enfant chéri du parti socialiste, incarnant le renouvellement du personnel politique de la Libération, a sans doute été un temps grisé par le pouvoir, par les honneurs et la vie mondaine parisienne, par une vie sentimentale agitée au détriment de sa vie familiale. L’homme s’est quelque peu brûlé les ailes et y a laissé une part de sa santé.

48Comme il semble loin le temps des hommages à « l’enfant chéri » et à « l’un des plus jeunes et des plus populaires ministres socialistes » comme l’écrivait Gavroche, le 4 avril 1946, lors du vote du statut du fermage et du métayage63. Dans un portait dithyrambique, cette publication de gauche décrivait « un homme qui a la sympathie des militants parce qu’il a l’air d’un poupon rose et qu’il est resté le camarade cordial et enjoué d’autrefois » ; « ses fonctions, quoique difficiles, ne l’ont rendu ni nerveux, ni acariâtre, ni inaccessible ». Il « n’est jamais ni méprisant, ni brutal avec ses collaborateurs », il « parle, fort bien d’ailleurs, avec un accent de sa Bretagne natale qui plaît aux provinciaux » et surtout « il a réalisé à l’Agriculture des réformes remarquables ». Avec tous ces atouts, cet article qui frôle le culte de la personnalité prédit à Tanguy Prigent une longue carrière ministérielle. Dix-huit mois plus tard, le climat et la perception du ministre breton ont bien changé dans certaines sphères socialistes et gouvernementales lorsque son « expérience ministérielle » s’achève. Sa longévité n’en est que plus remarquable.

Notes de bas de page

1 Le Breton Socialiste, « Au travail camarades ! Pour une tâche noble et urgente », 23 novembre 1946. L’ancien député et secrétaire fédéral Hippolyte Masson sera élu dans le Finistère.

2 OURS. Comité directeur de la SFIO, op. cit., 27 novembre 1946.

3 Ibidem, Comité national de la SFIO, p. 58-75.

4 Il s’adresse directement à son ami Lamarque-Cando.

5 Il refuse de soutenir le parti radical : « encore quelquefois plus laïque que le MRP, sur le plan économique par contre, il se place à l’extrême droite ».

6 Le gouvernement Ramadier compte 9 socialistes, 5 communistes, 5 MRP, 3 radicaux, 2 UDSR et 2 indépendants. Maurice Thorez est ministre d’État, vice président du Conseil. Outre Thorez, ce gouvernement de 26 membres a trois ministres d’État : F. Gouin (SFIO), Y. Delbos (rad.) et M. Roclore (indép.).

7 Denis Lefebvre, Guy Mollet. Le mal aimé, op. cit., p. 112.

8 Aline Fontvieille-Vojtovic, Paul Ramadier (1888-1961). Élu local et homme d’État, Paris, Publications de la Sorbonne, 1993, p. 366-369.

9 AN. 7 F/15504. Rapport des RG.

10 « Les agriculteurs et la baisse des prix », La documentation française, Hors série n° 103, 3 février 1947.

11 L’AP 1947 et Vincent Auriol, Journal du septennat. T. 1 1947. Conseil des ministres du 11 mars 1947, p. 137.

12 AN 7 F/15504. Rapports des RG. Le 15 mars 1947, il a exposé au conseil général, à Chartres, le programme agricole du gouvernement devant près de 2 500 personnes.

13 Vincent Auriol, Journal I, op. cit., p. 137-138 et 169.

14 Ibidem, p. 224-227 et L’AP 1947, p. 90-91. Des manifestations ont aussi eu lieu à Limoges et à Millau (Aveyron) dans le département de Paul Ramadier.

15 Selon Tanguy Prigent, ce blé a été bloqué après les gelées d’hiver pour le conserver dans de meilleures conditions avant les prochaines semailles, mais cette mesure vient d’être rapportée. Vincent Auriol ne comprend pas que plus de deux mois après la fin des gelées le blé n’ait pas été battu et vendu.

16 Il était confié auparavant à Rastel, un haut fonctionnaire, haut-commissaire à la distribution. En janvier 1947, Paul Ramadier n’a pas pu trouver de ministre du Ravitaillement.

17 Vincent Auriol, Journal I, op. cit., p. 252-253.

18 Ibidem, p. 288. Vincent Auriol note : « Le débat s’égare dans des questions de détail ».

19 Ibid., p. 318, 330, 338. L’ONIC et le Comité central des prix réclament 1940 francs. Pour limiter la consommation de pain, on en arrive à discuter de l’interdiction du travail de nuit des boulangers pour que le pain soit vendu rassis.

20 OURS. 40e congrès de la SFIO, p. 612-613.

21 Vincent Auriol, Journal I, op. cit., p. 412.

22 Denis Lefebvre, Guy Mollet. Le mal aimé, op. cit., p. 113-115.

23 L’AP 1947, p. 94. Guy Mollet est battu. 2 529 mandats contre 2 125 sont pour le maintien du gouvernement Ramadier. Le comité directeur du 21 mai appuie le plan de réglementation de la viande d’André Philip.

24 Trois socialistes et deux MRP ont remplacé les ministres communistes. Le gouvernement Ramadier compte désormais 12 SFIO, 6 MRP, 5 RGR, 2 indépendants.

25 L’AP 1947, p. 116-117.

26 La motion d’orientation de Guy Mollet a obtenu 2 423 mandats contre 2 002 à un texte du Nord appuyé par Daniel Mayer et 274 à Yves Dechezelles qui a quitté la direction sur des positions de gauche.

27 Il appartient aux 21 « molletistes » du comité directeur contre les 10 « blumistes ».

28 Le 26 août, Vincent Auriol organise un déjeuner à Rambouillet avec P. Ramadier, L. Blum, G. Mollet, D. Mayer, A. Philip et A. Gazier pour tenter de recoller les morceaux.

29 Aline Fontvieille-Vojtovic, Paul Ramadier, op. cit., p. 367. La confiance est approuvée par 292 voix contre 243.

30 Le Breton Socialiste, « Tanguy Prigent s’adresse aux paysans », 9 décembre 1944.

31 Ibidem, 16 juin 1945.

32 Isabel Boussard, « L’agriculture française. Options et résultats », colloque La France en voie de modernisation 1944-1952, FNSP.

33 « La situation des foyers ruraux à la fin de 1951 », Revue du ministère de l’Agriculture, n° 72, juillet 1952, p. 137.

34 Il existe sept foyers ruraux dans le Finistère dont un à Saint-Jean-du-Doigt.

35 Histoire de la France rurale, t. 4, op. cit., p. 577. En Bretagne, 47 % des coopératives existant en 1964 ont été créées après la Libération mais 61 % de celles qui avaient été fondées ont disparu.

36 Isabel Boussard, « L’agriculture française », op. cit. Ces fonds atteignent 73 milliards de francs pour la campagne 1947-1948 et 508 milliards en 1948-1949. Nous nous appuyons largement sur cette étude.

37 Le Breton Socialiste, « Tanguy Prigent à Plouégat-Guerrand », 26 avril 1947.

38 René Dumont, Le problème agricole français, les Éditions nouvelles, 1946, p. 251. Cité dans Histoire de la France rurale, t. 4, op. cit., p. 574-579.

39 « Rapport annuel sur l’état de l’alimentation et de l’agriculture en 1950-1951 », Revue du ministère de l’Agriculture, n° 63, octobre 1951, p. 252. De 1945 à 1950, sur 107 375 tracteurs livrés, 62 % ont été importés des États-Unis.

40 On passe de 200 moissonneuses-batteuses en 1938 à 7 300 en 1952.

41 Statistique agricole annuelle. Par exemple, en 1938, la production de vin était de 60,3 millions d’hectolitres ; elle est tombée à 36,2 millions en 1946 et est de 42,9 millions en 1949. En 1945, la production de lait est à l’indice 48, celle de viande à l’indice 55 ; elles atteignent 65 et 80 en 1947.

42 L’AP 1947, p. 174-175.

43 Un arrêté du 4 septembre a fixé le prix du kilo à 9 francs mais certains détaillants vont jusqu’à 20 francs.

44 Les pommes de terre sont vendues à 10,50 francs puis à 16 francs aux halles de Paris.

45 Dominique Veillon, Jean-Marie Flonneau (dir.), Le temps des restrictions en France (1939-1949), Cahiers de l’IHTP, 32-33, mai 1996.

46 L’année 1947, s.d. de Serge Berstein et Pierre Milza, Presses de Sciences Po, 2 000, chap. 1, « La reconstruction matérielle : crise, infléchissement ou ajustement ? » de Michel Margairaz, p. 22-23.

47 Vincent Auriol, Journal I, op. cit., p. 414-418.

48 L’AP 1947, p. 175.

49 À Blum, il redit que le ministre breton est responsable de la situation car il ne prend pas de mesures contre les fraudeurs.

50 Vincent Auriol, op. cit., p. 419 ajoute en note que Blum « est sévère pour Tanguy, qui joue un rôle peu légal et qui est un ministre médiocre ». Mais n’est-ce pas son propre jugement ?

51 Ibidem, p. 430-436.

52 Ibid., p. 437.

53 L’AP 1947, p. 174.

54 Ibidem, p. 175 et Le Breton Socialiste, « Pour permettre à tous de manger du pain. Le plan Tanguy- Prigent entre en vigueur », 4 octobre 1947.

55 L’AP 1947, p. 90-91. Les premières ont eu lieu à Limoges, Nevers, Millau ; les secondes à La Roche-sur- Yon, à Dijon, à Lyon. La CGPME organise un grand meeting à Paris. Ramadier doit lancer le 22 mai un appel au calme.

56 CHT de Nantes. Cité par Édouard Lynch, op. cit., p. 151.

57 Le Breton Socialiste, 19 juin 1948. Le MRP Robert Schuman était ministre des Finances et le socialiste André Philip, ministre de l’Économie nationale.

58 Une proposition de loi du 4 mars 1947 a été retirée à la demande de Tanguy Prigent pour examen par le Conseil national économique.

59 Le Breton Socialiste, « La Sécurité sociale en agriculture », 19 juin 1948.

60 Michel Margairaz, op. cit., 31-32.

61 L’AP, 1947, p. 196-197. Cinq socialistes, trois MRP, deux UDSR, un RS et un indépendant quittent le gouvernement. Ce gouvernement Ramadier est difficilement investi par 300 voix contre 280 le 30 octobre.

62 Robert Mencherini, Guerre froide. Grèves rouges, Paris, Syllepse, 1998.

63 AN F 7/15504. Coupures de presse.

Précédent Suivant

Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.