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Tanguy Prigent

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Christian Bougeard

Première partie. Formation et ascension d'un paysan du Trégor (1909-1936)

Chapitre III. L’affirmation d’un socialiste paysan (1932-1936)

Texte intégral

1À son retour du service militaire à l’automne 1931, Tanguy Prigent plonge totalement dans l’action militante liant intervention politique, syndicalisme agricole et action sur le terrain. En quelques mois, le paysan de Saint-Jean-du-Doigt s’impose comme le spécialiste des questions agricoles de la fédération socialiste du Finistère notamment par ses articles publiés dans Le Breton Socialiste. Mais il n’en reste pas là, il cherche à mettre en pratique ses idées en créant une coopérative agricole qui s’attaque au quasi-monopole du très conservateur Office central de Landerneau et en développant un syndicat agricole proche de la SFIO, la Fédération paysanne du Finistère. Son influence dépasse rapidement le pays de Morlaix. Tanguy Prigent se fait connaître en participant à des meetings et en s’opposant aux ventes-saisies dont le nombre ne cesse d’augmenter avec l’aggravation des effets sociaux de la Grande dépression des années 1930. Militant infatigable, le Trégorrois s’oppose aux notables conservateurs et aux chemises vertes de Dorgères, tout en critiquant les notables radicaux. Le militantisme politique, au sein du parti socialiste et au sein du syndicalisme agricole, sert de tremplin à une carrière politique qui ne va pas en rester là.

Le chroniqueur et éducateur socialiste

  • 1 Édouard Lynch, Le Parti socialiste (SFIO) et la société paysanne durant l’entre-deux-guerr (...)
  • 2 Mireille Prigent, Ti Kaled, op. cit., p. 106-108.
  • 3 Georges Lefranc, Le mouvement socialiste sous la troisième république, tome 2, 1920-1940, (...)

2Avant son départ pour le service militaire, Tanguy Prigent, a participé aux discussions préparatoires au 27e congrès socialiste de Bordeaux (8 au 11 juin 1930). Le Populaire du 3 juin, dans ses comptes rendus des congrès fédéraux, signale que dans le Finistère, un projet de loi du député Masson « a été approuvé à l’unanimité après l’adjonction de quelques précisions présentées par le camarade Tanguy Prigent, secrétaire de la section de Saint- 39 Jean-du-Doig1 ». Depuis plusieurs années, Tanguy Prigent s’est imprégné du programme et de la doctrine socialistes qu’il va contribuer à enrichir par sa pratique politique. Dès 1925, il a obtenu de son père l’achat de l’ouvrage Le Socialisme agraire de Compère-Morel, le théoricien des questions agricoles de la SFIO. Pendant ses années de formation politique, il « lit, relit, annote et cite de mémoire à ses amis les revendications immédiates » des socialistes2. C’est sur ce socle théorique et idéologique qu’il va développer pendant des années ses positions sur la question agraire en s’appuyant dans un premier sur les positions de la SFIO élaborées par Georges Monnet et Camille Peters et synthétisées par Compère-Morel au congrès de Bordeaux en juin 19303.

3De retour dans le Finistère, à la fin de l’année 1931, Tanguy Prigent reprend la plume en donnant des articles au Breton Socialiste. En 1932, il exerce sa soif de convaincre et d’éduquer à la doctrine socialiste ses pairs agriculteurs tout en participant activement à la campagne législative de son ami Guy Le Normand. Pour gagner de nouveaux électeurs ruraux à la cause du socialisme, chaque semaine il faut à la fois combattre les idées fausses répandues par les adversaires politiques et avancer des propositions attractives.

  • 4 Yves Le Thoër, Tanguy Prigent (1929-1940). Un socialiste paysan, op. cit. L’auteur a étudi (...)
  • 5 Le Breton socialiste, « Les petits possédants et le capitalisme », « Égoïsme de classe », (...)
  • 6 Idem, « Socialisme ou propriété » et « la petite propriété en régime capitaliste », 12 nov (...)
  • 7 Georges Lefranc, op. cit., p. 285.

4Plusieurs thèmes sont développés tout au long de l’année 1932 qui voit la crise économique frapper durement les campagnes bretonnes. D’abord, c’est le capitalisme qui exploite les travailleurs, aussi bien les cultivateurs que nos « frères de la ville ». Pour changer les choses et « réaliser le bien être et la paix », il faut unir les classes sociales exploitées4. Mais naturellement, dans les campagnes se pose la question centrale de la terre et de la propriété. Tanguy Prigent doit rassurer les agriculteurs en leur expliquant que le programme socialiste n’est pas celui des « partageux » : il ne consiste pas à « partager mathématiquement les richesses entre tous les hommes5 ». Ce qui est condamnable, ce n’est pas la petite propriété qu’il faut défendre mais c’est l’exploitation et la concentration capitalistes qui la font disparaître : « La propriété, si elle est respectable dans la mesure où elle est le fruit du labeur honnête du propriétaire et de ses parents, cesse d’être légale quand elle provient de l’exploitation éhontée, par un hobereau oisif, de plusieurs générations de paysans et d’ouvriers. » Tanguy Prigent mélange à la fois la défense des petits, thème cher aux radicaux, et une analyse de classes inspirée du marxisme. À la fin de l’année 1932, il précise ses positions sur la forme de la propriété à la campagne en régime capitaliste6. Il y a trois formes possibles : « 1° Propriété d’État ; 2° Propriété syndicale ; 3° Propriété individuelle ou familiale […] ma sympathie va à la deuxième. » S’il se prononce pour la suppression de la propriété privée capitaliste, le fils de propriétaire exploitant du Trégor rejette totalement toute forme de collectivisation et d’étatisation des terres à un moment où l’URSS stalinienne est engagée dans cette voie à marche forcée. Mais, tout en affichant son choix pour « la propriété syndicale », d’ailleurs à définir, Tanguy Prigent rassure les propriétaires exploitants et leur famille en affirmant que dans ce cas : « Le socialisme n’a pas à intervenir. » Tanguy Prigent reprend en fait la motion de Compère-Morel au congrès de Bordeaux : « Le socialisme victorieux considérera comme un devoir impérieux de maintenir en possession de leurs biens, les petits et moyens propriétaires cultivant eux-mêmes ou qui, s’ils emploient des salariés, fournissent personnellement avec leur famille, la plus grande somme de travail nécessaire à la mise en rapport de leurs terres7. » Citant le théoricien socialiste Compère-Morel, il affirme que pour survivre, les petits propriétaires doivent exploiter leur famille et s’exploiter eux-mêmes en travaillant beaucoup et en menant une vie misérable, « tellement en dessous des conditions normales de l’existence que les prolétaires de la ville semblent des seigneurs auprès d’eux ». Mais contrairement aux agitateurs d’extrême droite comme Dorgères ou aux conservateurs réactionnaires, les socialistes refusent d’opposer les paysans et les citadins eux aussi exploités par le régime capitaliste.

5D’ailleurs, la Grande dépression, « crise universelle, profonde et durable » selon les experts, est un produit du capitalisme. Tanguy Prigent explique longuement les mécanismes de la crise qui s’entretient d’elle-même et se propage à toutes les sphères de la production et de la consommation : la surproduction conduit à la misère ouvrière et paysanne et elle ne fait qu’aggraver la situation des classes populaires. Selon la doctrine de la SFIO, « le régime capitaliste n’osera pas appliquer les solutions nécessaires pour sortir de ce cercle vicieux » et les mesures adoptées, comme la loi de mars 1932 qui permet aux fermiers de réclamer la révision à la baisse du montant de leur fermage, est bien insuffisante. Seule la réforme proposée par le parti socialiste de protection du fermier peut en faire « un homme libre et conscient, un citoyen comme les autres, tandis qu’aujourd’hui il est tenu de manifester les mêmes opinions politiques et religieuses que son propriétaire ».

  • 8 Le Breton Socialiste, « Les dialogues de Job et Saïk » du 5 mars au 6 août 1932.

6Pour convaincre ses lecteurs du bien fondé du programme socialiste à la veille et après les élections législatives du printemps 1932, Tanguy Prigent imagine un moyen didactique plus attractif que des articles classiques. Il met en scène deux personnages qui discutent chaque semaine : Job et Saïk8. Job est un militant paysan socialiste qui explique ses idées à Saïk, un agriculteur influencé depuis toujours par les idées de la droite et de l’Église catholique. Job réfute les idées reçues sur l’apolitisme des agriculteurs qui votent néanmoins à droite, sur les chômeurs « paresseux » ou les fonctionnaires « budgétivores ». Il montre les moyens financiers inégaux des candidats soutenus par les classes dirigeantes et ceux des organes socialistes. Il dénonce les candidats soi-disant « indépendants » faisant allusion à François Bourgot, le maire de Morlaix, et répond sur l’objection religieuse. Saïk craint-il pour ses convictions religieuses et la défense de l’école privée confessionnelle que Job lui explique ce qu’est la laïcité, c’est-à-dire la neutralité « en matière religieuse » aussi bien dans le respect des convictions de chacun que dans l’enseignement « où il ne leur serait parlé d’aucune religion et d’aucun parti politique, où les maîtres consciencieux et contrôlés leur enseigneraient une morale admise par tous les honnêtes gens ». Finalement Saïk finit par voter socialiste mais il reste maintenant à faire sa formation, notamment par la lecture du Breton Socialiste.

La campagne pour les élections législatives de 1932

  • 9 Il achète une voiture d’occasion en 1933.
  • 10 Jean Pascal, Les députés bretons de 1789 à 1983, Paris, PUF, 1983, p. 476 et 495.

7Cette activité de propagandiste et d’éducateur socialiste est complétée par des interventions directes lors des meetings électoraux de 1932. Aussi souvent que possible, Tanguy Prigent se rend avec son vélo aux réunions du candidat de la SFIO, Guy Le Normand, pour y exposer les propositions agraires de son parti9. Contre la majorité de centre et de droite sortante incarnée par André Tardieu qui se veut le leader d’une droite qui veut renforcer le pouvoir exécutif, l’union des gauches se présente souvent en ordre dispersé. Dans la 1re circonscription de Morlaix, la campagne du 1er tour se joue entre trois hommes qui se réclament de la gauche. Le député sortant, élu en 1928, est François Bourgot, directeur de l’Agence morlaisienne de transit, une société anglaise d’importation de charbon, conseiller général (1919) et maire de Morlaix. Or, François Bourgot est un ancien radical socialiste devenu socialiste qui a rompu avec le parti. Aux élections législatives, le 29 avril 1928, il parvient à se faire élire au second tour comme « socialiste indépendant » à la faveur d’une triangulaire contre le maire socialiste de Morlaix, Châtel, soutenu par la SFIO et le parti radical-socialiste et l’ancien député centriste Cloarec10. Dans la foulée, comme Châtel a démissionné de la mairie de Morlaix, François Bourgot devient maire après la victoire de sa liste. Ce « socialiste indépendant » est donc considéré par la SFIO comme un opportuniste et un renégat à combattre. Il a rejoint le parti des républicains socialistes animé par le Nantais Aristide Briand avec lequel il siège au groupe républicain socialiste. Pierre Mazé, médecin à. Sizun, conseiller général du canton depuis 1925, défend les couleurs du parti radical. Au second tour, le 8 mai 1932, Pierre Mazé est élu député radical-socialiste de Morlaix 1 avec 8 704 voix contre 6 069 à Bourgot, grâce au désistement en sa faveur de Guy Le Normand (3 508 voix au 1er tour). Très actif pendant cette campagne électorale, Tanguy Prigent a pu rôder les thèmes du programme agricole de la SFIO et se faire connaître comme un militant paysan au-delà de son canton de Lanmeur. Le jeune homme, surmontant sa timidité, apprend à prendre la parole en public. Bientôt, il fera campagne pour lui-même.

  • 11 Il s’agit de Pierre Mazé, Albert Le Bail, Jean Perrot et Pierre Pouchus. François Cadoret (...)
  • 12 Comme en 1928, un écart de 450 voix environ sépare les deux hommes.

8Dans le Finistère comme dans le reste de la France, la poussée à gauche en 1932 a été sensible. C’est la conséquence de la grande crise économique et de l’incapacité des gouvernements sortants à apporter des solutions. Dans ce département où elle était forte, la droite est réduite à ses trois députés léonards (les deux PDP et l’URD Inizan) sur 11 sièges. Les radicaux-socialistes sont les vainqueurs de ce scrutin avec cinq députés élus dans le Finistère (dix en Bretagne) plus le radical Charles Daniélou, réélu à Châteaulin. À Quimper 2, Albert Le Bail reprend le siège arraché à son père en 1928. Avec quatre nouveaux élus, le renouvellement du personnel politique radical est sensible dans ce département11. Mais si la SFIO obtient quatre sièges et un apparenté en Bretagne, elle ne progresse pas dans le Finistère puisqu’elle conserve ses deux députés. Quoiqu’entré en dissidence, Émile Goude est réélu à Brest (apparenté au groupe socialiste) et Hippolyte Masson à Châteaulin 2 contre Pierre Lohéac12.

  • 13 Pierre Brigant, La SFIO à Brest de 1919 à 1939, op. cit.
  • 14 Jean Pascal, op. cit., p. 498-503.

9À Brest, après les turbulences de 1929 et de 1930, la situation s’est quelque peu calmée. Émile Goude n’est pas parvenu à créer une fédération dissidente à Brest et les participationnistes sont restés minoritaires au congrès fédéral de Châteaulin de janvier 193013. Malgré les tentatives de conciliation, Goude a obtenu les voix d’un sixième des grands électeurs socialistes aux élections sénatoriales de 1930 qui ont vu la victoire du maire de Brest Victor Le Gorgeu. Mais ensuite, à quatre reprises, les amis brestois de Goude tentent d’obtenir sa réintégration dans le parti. Les congrès fédéraux, avec le secrétaire fédéral Le Normand et le député Masson, s’y refusent en janvier et juin 1932 et en janvier et juillet 1933 alors que le congrès national de mai 1932 avait souhaité que l’affaire fût résolue par un congrès extraordinaire. Mais ces tensions et dissensions provoquées par « l’affaire Goude » n’ont pas conduit la SFIO à présenter un candidat contre le député sortant à Brest 1 en mai 1932. Soutenu de fait par tous les socialistes, Émile Goude est réélu député dès le 1er tour contre le candidat de droite Le Goc, avec 56,7 % des suffrages exprimés. Au niveau national, « l’union des gauches » a nettement gagné les élections en emportant 335 sièges pour 260 à la droite. Globalement, la Bretagne a suivi la même évolution électorale et ce sont 25 députés (socialistes, radicaux-socialistes et centre gauche laïque) qui ont voté le 7 juin l’investiture du gouvernement d’Édouard Herriot. La droite conservatrice et nobiliaire (huit députés) a voté contre tandis que l’abstention est le fait de onze députés du centre droit (cinq PDP) et de droite14. Cette majorité de centre gauche se maintient en Bretagne jusqu’aux émeutes parisiennes du 6 février 1934. Les députés socialistes soutiennent tous les gouvernements de gauche de 1932 à 1934 puis entrent dans l’opposition avec la constitution du gouvernement d’Union nationale de Gaston Doumergue. Mais ils ne sont liés aux radicaux par aucun accord électoral si bien que les critiques de l’impuissance gouvernementale à résorber la crise s’accentuent. Et Tanguy Prigent, qui devient le porte-parole des préoccupations des agriculteurs, ne s’en prive pas dans la presse du parti. D’octobre 1932 à avril 1933, il inaugure une nouvelle série d’articles publiés en « une ».

  • 15 Le Breton Socialiste, « Nos “bourgeois” de gauche », 8 octobre 1932.

10Inlassablement, le paysan de Saint-Jean-du-Doigt dénonce les discours et l’agitation extrémiste orchestrée par des élites et des hommes politiques qui instrumentalisent la crise agricole15. Mais il critique aussi les solutions protectionnistes réclamées par les députés radicaux et « les partis bourgeois de gauche » qui ont oublié leurs promesses électorales de coopération internationale. Selon lui, seule la création d’un Office du blé permettra de briser la spéculation et de stabiliser les cours des céréales. Celui qui est devenu officiellement le porte-drapeau de la SFIO dans les campagnes au congrès fédéral de Châteaulin en janvier 1933, rapporteur du débat sur les questions agricoles, prend la parole au nom du parti avec le député Masson lors d’un meeting paysan à Morlaix le 29 janvier 1933. Dans ses interventions publiques de plus en plus fréquentes, Tanguy Prigent prend pour cible le parti agraire créé par Fleurant Agricola. Il peut s’appuyer sur une brochure de propagande rédigée par Guy Le Normand en 1931 pour démontrer que le véritable parti agraire est le parti socialiste. Mais pour convaincre les agriculteurs finistériens du bien fondé des idées socialistes, Tanguy Prigent veut dépasser la simple propagande en organisant un syndicalisme agricole indépendant des forces conservatrices.

La lutte contre Landerneau et pour un syndicalisme agricole indépendant

11Dépasser l’individualisme des agriculteurs et combattre le corporatisme véhiculé depuis le xixe siècle par les syndicats agricoles conservateurs n’étaient pas tâche facile d’autant que Tanguy Prigent s’attaque à partir de 1933 à l’une des plus puissantes organisations agricoles de Bretagne connue sous le nom de l’Office central de Landerneau.

  • 16 ADF. 1 M 230. Mouvements paysans (1924-1939). Rapport sur les coopératives du Fini (...)
  • 17 Tanguy Prigent, Ti Kaled, op. cit. Après la Libération, le ministre de l’Agriculture crée (...)
  • 18 Mireille Prigent, Ti Kaled, op. cit., p. 277.
  • 19 Le Breton Socialiste, « Groupons-nous ! », 20 mai 1933.

12En 1928 déjà, Tanguy Prigent avait créé une coopérative de battage regroupant 17 agriculteurs de sa commune. Il étend le 4 juin 1933 les activités, notamment au stockage, à l’approvisionnement et à la vente des céréales, de cette coopérative de Défense paysanne de Saint-Jean-du-Doigt dont on ignore le nombre de coopérateurs en 193416. Mais la coopération est une idée majeure du paysan du Trégor. L’exemple de voisins fermiers qui se privent pour acheter pour eux seuls du matériel agricole très coûteux, utilisé quelques jours par an, le conforte dans l’idée de la nécessité de coopératives d’entraide. En 1969, il précise : « C’est à cause de ses gens-là et de leurs pareils que j’ai pensé tout jeune que pour sauver la ferme familiale à laquelle je tenais tant et pour éviter la collectivisation dont je détestais l’idée, eh bien ! Il fallait utiliser collectivement le matériel17. » Et un article de France-Soir du 4 octobre 1944 précise le rôle d’homme-orchestre du récent ministre dans le fonctionnement de sa coopérative de Défense paysanne à ses débuts : il est « à la fois le directeur, le comptable, l’homme de peine, qu’il décharge les sacs de blé à la gare, les transporte, les enregistre, les entrepose, les vend, reçoit les coopérateurs, les guide, fait leurs achats. Tout cela dans le minuscule bureau qu’il a installé à Saint-Jean-du-Doigt18 ». À côté du développement d’une coopérative, il s’agit de franchir une étape supplémentaire en organisant les agriculteurs du Finistère dans des syndicats à leur service. Cette démarche s’inscrit dans la politique de la SFIO qui cherche à mettre sur pied un syndicalisme agricole socialiste avec la Confédération Nationale Paysanne (CNP), à partir du Centre de la France. Tanguy Prigent évoque la CNP dans un premier article le 20 mai 193319.

  • 20 Suzanne Berger, Les Paysans contre la politique, Paris, Seuil, 1975.
  • 21 Idem, p. 113.
  • 22 Dans une lettre au président du Conseil d’État du 22 mai 1947, il se dit sensible : « à la (...)

13Mais il lui faut d’abord combattre l’influence quasi-hégémonique de Landerneau, « syndicat boutique » qui contrôle très largement le milieu rural du Finistère et de l’ouest des Côtes-du-Nord. Fondé en 1911 par des grands propriétaires fonciers conservateurs et antirépublicains, dont plusieurs nobles, l’Office central des œuvres mutuelles agricoles du Finistère (28 syndicats) fixe son siège à Landerneau20. À partir du Léon clérical, il développe une idéologie du conservatisme social qui s’oppose à toute « guerre de classes » en prônant l’union du propriétaire et du fermier. L’État républicain était alors considéré comme l’ennemi le plus dangereux de la paix sociale et le destructeur de la religion catholique. Pour préserver ses valeurs multiséculaires la société rurale doit s’organiser, développer ses propres réseaux économiques et commerciaux pour combattre l’influence néfaste de la ville et ses influences révolutionnaires. Après la Première Guerre mondiale, l’Office de Landerneau prend son essor sous la houlette d’Hervé Budes de Guébriant, un ingénieur agronome et grand propriétaire foncier de Saint-Pol-de-Léon. L’Office passe de 66 syndicats locaux et 6 800 membres en 1920 à 531 syndicats et 41 574 adhérents en 1933, en débordant vers l’est les limites du Finistère21. C’est à cette puissance économique et politique que les noyaux de paysans socialistes du Trégor s’attaquent à un moment où la crise s’approfondit. Les Bleus et les Rouges du Trégor et de la Montagne vont à nouveau affronter les Blancs et les Chouans du Léon sur leur propre terrain, celui du syndicalisme agraire qu’ils dominent depuis la fin du xixe siècle en rendant des services aux agriculteurs (dépôts d’engrais, caisses mutuelles, assurances). Qui plus est, un petit agriculteur de 23 ans ose s’en prendre à un grand notable d’une ancienne famille bretonne qu’il considère comme le prototype du hobereau. Un combat singulier entre les deux adversaires s’engage pour de longues années. Ce duel d’homme à homme n’empêche pas Tanguy Prigent de reconnaître les qualités humaines de son adversaire22.

  • 23 Histoire de la Bretagne et des Bretons, s.d. de Yannick Pelletier, Paris, Nouvelle Librair (...)

14La tâche n’est pas mince car en 1929, un exploitant finistérien sur trois était « landerniste » et la Grande dépression, en provoquant l’échec des tentatives d’émancipation paysanne de la Fédération des Syndicats paysans de l’Ouest (la FSPO) du mouvement des « cultivateurs cultivants » va encore renforcer l’influence de Landerneau23. S’inscrivant dans les initiatives des abbés démocrates du début du siècle, et de l’après-guerre, l’abbé Mancel avait développé des syndicats de cultivateurs cultivants dans l’Est de la Bretagne afin de secouer l’hégémonie des syndicats traditionnels dont l’Office de Landerneau est le prototype le plus abouti. Mais la crise économique, avec son lot de faillites, a démantelé les organismes économiques de ce syndicalisme des exploitants qui cherchaient aussi à échapper à la tutelle des grands propriétaires et des notables. Dans les années 1930, de nombreux responsables de la FSPO vont rejoindre qui les syndicats traditionnels qui les dorgéristes, en particulier en Ille-et-Vilaine. Cette crise a nourri le mécontentement dans les campagnes et un certain processus de politisation que les socialistes, avec la CNP, d’autres socialistes et des communistes avec la CGPT, la Confédération Générale des Paysans Travailleurs, vont s’efforcer de canaliser à leur profit dans les régions de tradition bleue.

  • 24 Le Breton Socialiste, « Comment on dupe les paysans », 7 octobre 1933. À propos de scandal (...)
  • 25 Le Breton Socialiste, « Camarades paysans ! », 27 mai 1933.
  • 26 Idem, « Paysans du Finistère », 17 juin 1933.

15Dans le Finistère, Tanguy Prigent va pouvoir s’appuyer sur les paysans bleus et rouges, souvent anticléricaux, pour développer son organisation syndicale et combler un vide à gauche. Dans ses articles, il commence à mettre en cause l’Union des Syndicats Agricoles du Finistère et des Côtesdu- Nord (Landerneau), présidée par de Guébriant, qui est liée par des liens financiers à la très conservatrice et corporatiste Société des Agriculteurs de France dite de « la rue d’Athènes » à Paris24. Au printemps 1933, le militant de Saint-Jean-du-Doigt a appelé « à mener une lutte farouche contre les associations agricoles à la tête desquelles nous trouvons des grands hobereaux terriens qui sont souvent et en même temps des industriels et des spéculateurs25 ». Reprenant le projet des cultivateurs cultivants sur des bases de gauche, il propose une organisation ouverte à tous les cultivateurs exploitants fonctionnant démocratiquement et dans laquelle chacun pourra donner son « avis librement, en breton comme en français26 ». Ce syndicat à créer devra s’intégrer dans la CNP.

Le fondateur de la Fédération paysanne du Finistère (1933-1934)

  • 27 Histoire de la France rurale, s.d. de Georges Duby et Armand Wallon, t. 4, De 1914 à nos j (...)
  • 28 Contrairement à ce qu’écrit Suzanne Berger, op. cit., p. 148, il ne semble pas que (...)
  • 29 Édouard Lynch, op. cit. C’est le titre d’une sous-partie du chap. 6.

16La Confédération nationale paysanne (CNP) a été fondée le 12 février 1933 à Limoges par la Fédération des syndicats agricoles de la région garonnaise, par des associations agricoles du Centre de la France (Haute-Vienne, Creuse, Allier, Indre) et par des adhérents individuels27. Ses adhérents viennent de régions rurales d’influence électorale de gauche (socialiste, radicale socialiste, voire communiste). Plusieurs leaders que Tanguy Prigent va bientôt fréquenter sont à l’origine de ce nouveau syndicat agricole qui réclame l’unité paysanne28. D’abord, Henri Calvayrac, un jeune employé de bureau revenu à la terre par idéalisme après la guerre, animateur de la fédération garonnaise. Son appel à une unification de 1931 n’avait pas été entendu mais il est repris en 1932 et 1933 par deux responsables du Centre de la France, Marcailloux, petit métayer de la Haute-Vienne, directeur d’une coopérative agricole, et Blanchet, responsable d’une coopérative dans la Creuse. Au congrès de Limoges, Calvayrac devient secrétaire général, Marcailloux, administrateur, et Georges Blanchet de Guéret, responsable du journal appelé d’abord La Défense Paysanne puis la Volonté Paysanne. Tous trois sont socialistes, membres des comités fédéraux de la SFIO de leur département. Il y a bien là avec la CNP « la tentative d’un syndicalisme paysan socialiste » (Édouard Lynch) qui rejoint totalement les aspirations de Tanguy Prigent29.

  • 30 Yves Le Thoër, op. cit., ch. 2.
  • 31 Le Breton Socialiste, « Les revendications des cultivateurs », 2 décembre 1933.
  • 32 Sur l’action de Romain Boquen et la CNP des Côtes-du-Nord, voir Christian BOUGEARD (...)

17À l’automne 1933, Tanguy Prigent et les dirigeants socialistes Le Normand et Masson décident de créer des syndicats dans le Finistère à partir du canton de Lanmeur (sept réunions les 21 et 22 novembre)30. Et le 2 décembre 1933, Le Breton Socialiste annonce en une la naissance de la Fédération paysanne du Finistère (FPF), rattachée à la CNP, avec comme secrétaire général Tanguy Prigent. Selon le journal, ce syndicat aurait été créé à Morlaix le 23 juillet précédent dans la foulée de la CNP31. Comme le montre Yves Le Thoër, si l’idée de créer un syndicat a peut-être été lancée au cours de l’été 1933, on ne trouve aucune trace de l’existence de la FPF dans la presse, pas même socialiste, ni dans les archives publiques. Il émet l’hypothèse d’une création « officieuse » et anticipée afin de permettre à Tanguy Prigent de participer comme délégué au 2e congrès de la CNP à Guéret le 17 décembre 1933 où, selon Marcailloux, 80 congressistes auraient représenté 7 000 adhérents. Deux Bretons sont à Guéret : le délégué finistérien et son camarade socialiste paysan Romain Boquen des Côtes-du-Nord. C’est à la suite de ce congrès que Romain Boquen appelle dans L’Éveil Breton, l’hebdomadaire de la SFIO, à créer des syndicats de la CNP dans les Côtes-du-Nord32. Il y a bien une décision concertée des militants paysans socialistes de Bretagne pour créer la CNP en 1934.

  • 33 « Après le congrès. Hardi les gars ! », cité par Édouard Lynch, op. cit., p. 642-6 (...)
  • 34 Édouard Lynch, op. cit. Le Populaire, « Pour ceux de la terre. Le Congrès de la CNP », 23 (...)

18À ce congrès de la CNP de Guéret, Tanguy Prigent qui dispose pour la première fois d’une tribune d’audience nationale, va impressionner son auditoire. Henri Calvayrac en fait un compte rendu dithyrambique dans La Défense paysanne du 5 janvier 1934. Ce texte mérite d’être cité car il est quelque peu prémonitoire : « Et avec eux [les délégués], qu’il m’excuse, le jeune Prigent 22 ans [24 en fait], haut comme une botte et avec ça un bagout à faire pleurer de rage un vieil habitué des réunions publiques. Tous les espoirs te sont permis mon jeune ami et précisément à cause de cela tu me permettras bien de te dire, à moi qui commence à cheminer dans les sentiers de la vieillesse, que d’ores et déjà tu endosses une lourde responsabilité. Autant que ton jeune âge te le permet, sois réfléchi33. » Au cours de l’année 1933, les dirigeants de la CNP Calvayrac et Blanchet avaient mis l’accent sur la totale indépendance du syndicat par rapport aux partis politiques afin d’attirer des adhérents. À Guéret, Tanguy Prigent reprend ce thème mais en refusant l’apolitisme : « La CNP ne fait pas de politique électorale. Mais chaque adhérent demeure libre d’appartenir au parti de son choix » (Le Populaire) et il insiste sur l’essor de la CNP dans son département34. Or, à cette date, on peut parler de syndicat fictif dans le Finistère. La CNP ne se développe réellement qu’au premier semestre de 1934, alors que la crise agricole s’approfondit.

  • 35 Le président est Joseph Bihan de Saint-Jean-du-Doigt, assisté d’Yves Prigent de Plougonven (...)
  • 36 Centre de Documentation sur le Mouvement Ouvrier et le Travail (CDMOT) de Nantes. Actuelle (...)
  • 37 ADF. 1 M 230. Mouvements paysans (1924-1939). Rapport du sous-préfet de Morlaix du 12 mars (...)
  • 38 Le Breton Socialiste, « Les revendications des cultivateurs », 3 décembre 1933.

19La Fédération paysanne du Finistère se structure durant le premier semestre de 1934 : d’une première réunion constitutive le 11 février 1934 au premier congrès départemental tenu le 22 juillet 1934 qui, selon Yves Le Thoër, « scelle définitivement son acte de naissance ». Le 11 février 1934, sous la présidence de Thomas Parc, maire socialiste de Ploujean, Tanguy Prigent réunit ses camarades agriculteurs et forme le conseil d’administration de la FPF qui se compose de cinq membres, tous du petit Trégor35. Des militants ou des sympathisants socialistes constituent l’armature d’un syndicat géographiquement limité. Les statuts délimitent les adhérents : fermiers, métayers, ouvriers agricoles ; propriétaires travaillant leur propriété eux-mêmes ou avec l’aide d’autrui ; jardiniers maraîchers et artisans ruraux n’employant pas plus de deux ouvriers ; femmes capables de contracter36. La Fédération se donne des objectifs économiques et sociaux comme « l’amélioration des conditions de vie et de travail des populations rurales » et politiques : l’intervention pour des réformes législatives. La liberté de conscience et d’opinion est affirmée dans les statuts : « Toute discussion religieuse est interdite » et les discussions politiques ne sont autorisées que dans certaines conditions en rapport avec le fonctionnement des divers organismes agricoles. Créé par des socialistes, ce nouveau syndicat affirme sa volonté d’indépendance mais le sous-préfet de Morlaix signale immédiatement l’orientation hostile à l’Office de Landerneau et le potentiel de développement dans les campagnes du fait de la crise37. Désormais, Tanguy Prigent s’investit à plein dans le militantisme syndical sans oublier le militantisme politique. S’il plaide pour l’amélioration des conditions de vie, l’enfant de la laïque, nourri de culture républicaine revendique l’augmentation du niveau culturel de la classe paysanne : « Ce que nous voulons ? Vivre !… oui, vivre décemment, vivre complètement par le corps et l’esprit. Manger à notre faim, voir s’éloigner le spectre de la misère et avoir la possibilité de nous perfectionner par l’instruction, la lecture ; accéder au vaste domaine de la pensée, connaître à notre tour les satisfactions idéales de l’esprit38. » Il ne s’agit pas là d’un programme révolutionnaire mais d’un réformisme social qui privilégie l’éducation des paysans comme moyen de sortir d’une condition soumise et souvent méprisée de « plouc ». Ne parlet- il pas dans le même article du paysan et de l’ouvrier non spécialisé comme des « grands parias qu’on bouscule, qu’on méprise et que l’on rend responsable de toutes les fautes, alors que nous subissons toutes les misères » ? Cette dimension éducative et intellectuelle lui tient d’autant plus à cœur qu’il souffre d’en avoir été privé. On a là aussi, l’ébauche de la politique du futur ministre qu’il s’efforcera de mettre en œuvre à la Libération.

L’implantation de la Fédération paysanne du Finistère

  • 39 Christian Bougeard, thèse citée, p. 316-325 et François Prigent, Un socialisme (...)

20Pour implanter sa Fédération paysanne, Tanguy Prigent va pouvoir compter sur deux atouts, d’abord un espace syndical vierge à gauche dans le Finistère, ensuite les interventions contre les saisies de fermes qui font connaître le syndicat et ses idées dans les campagnes. En effet, contrairement à l’ouest des Côtes-du-Nord voisines, on ne trouve pas de trace dans le Finistère de l’existence de la Confédération générale des paysans travailleurs (CGPT), un syndicat créé en 1929 par des militants communistes du sud-ouest et du centre de la France. C’est Augustin Hamon, un intellectuel socialiste, situé à la gauche de la SFIO, qui développe à partir de 1932 et en s’appuyant sur son journal La Charrue Rouge, des comités paysans qui donnent naissance à la CGPT dans les Côtes-du-Nord39. Partisan de l’unité d’action avec les communistes dont Francis Marzin, les socialistes du Trégor dont l’agriculteur Philippe Le Maux et de Guingamp (Augel), participent aux luttes contre les ventes-saisies et aux syndicats de la CGPT. L’antériorité de la CGPT en pays bretonnant explique que la CNP créée par Romain Boquen en 1934 reste cantonnée au pays gallo, l’est du département et que son essor est limité. Tanguy Prigent ne connaît pas ce handicap et son dynamisme habituel va faire merveille.

  • 40 ADF. 1 M 230. Mouvements paysans (1924-1939).
  • 41 Non sans exagération Tanguy Prigent écrit dans Le Breton Socialiste du 28 juillet  (...)
  • 42 Philippe Gratton, op. cit., p. 110. La CNP compte plus de 100 adhérents dans 22 départemen (...)

21De janvier à juin 1934, avec Guy Le Normand, Tanguy Prigent multiplie les réunions (au moins onze en janvier et en mars) pour faire connaître la FPF dans l’ensemble du Finistère (trois dans le Léon). Le 14 janvier, il défie Hervé Budes de Guébriant dans son fief de Saint-Pol-de-Léon. L’audience n’est pas négligeable à Carhaix le 3 février (200 personnes) et à Pleyben le 26 (100)40. Le 1er avril, les deux leaders de la CNP, Calvayrac et Marcailloux tiennent un meeting de défense paysanne à Morlaix ; en juin, Tanguy Prigent parle devant plus de 700 auditeurs à Quimperlé. La plupart du temps, un syndicat de défense paysanne est lancé dans la foulée, surtout en terre socialiste. Ce cycle se clôt avec la réunion d’un congrès de la FPF-CNP à Poullaouën, au cœur des terres rouges de la Montagne, le 22 juillet 1934 en présence du dirigeant vendéen de la CNP Henri Pitaud et de Romain Boquen. Deux cents personnes sont présentes, ce qui montre les progrès accomplis en six mois mais traduit aussi les faiblesses de la CNP face à l’Office de Landerneau41. Les autorités suivent la formation de syndicats : dix dans les communes du petit Trégor à la fin mars 1934. Mais l’implantation reste encore limitée aux zones de force de la SFIO : il n’existe aucun syndicat dans l’arrondissement de Brest et ils sont sans doute rares dans celui de Quimper. Les autorités préfectorales ignorent le nombre exact d’adhérents à la CNP dans le Finistère en 1934 mais Yves Le Thoër les estime à 400 ou 500. À son apogée en 1937-1938, selon des données partielles, elle serait la première fédération de France avec 826 adhérents pour 206 syndiqués dans les Côtes-du-Nord et 125 dans le Morbihan42. À cette aune, le succès de Tanguy Prigent de ses camarades socialistes est incontestable. Mais le combat est très inégal entre le David-FPF et le Goliath- Landerneau au réseau commercial et financier très puissant.

Le dirigeant national de la CNP

  • 43 Le Breton Socialiste, « Le scandale du blé », 16 juin 1934. Il dénonce le cas d’un « nobla (...)
  • 44 Le Breton Socialiste, « CNP », 11 août 1934.

22À partir de l’été 1934, la CNP structurée développe son action sur la question de la mévente et du prix du blé fort insuffisant. Tanguy Prigent dénonce l’inefficacité de la loi Flandin de juin 1933 qui a théoriquement fixé le prix du quintal de blé à 116 francs mais qui n’empêche pas la fraude car le blé se négocie parfois à un prix très inférieur43. Les coopératives comme celle de Saint-Jean-du-Doigt qui respectent la loi n’arrivent pas à écouler leurs stocks. La seule solution réside dans la mise en place d’un Office du blé. Depuis plusieurs années, les socialistes dans leur programme agraire (Blanchet en 1924, Compère-Morel en 1934) proposent cette solution améliorée par le député de Soissons Georges Monnet, après le congrès de Bordeaux (juin 1930). Avec l’aggravation de la crise agricole en 1934, le débat sur l’urgence de l’Office du blé rebondit mais en attendant la fédération paysanne du Finistère réclame dès l’été des mesures immédiates pour soulager la misère paysanne : intervention de l’État pour l’achat chaque mois d’une partie des stocks des coopératives de blé, résorption des surplus des années précédentes (de 1933 et parfois de 1932), déblocage de crédits et avances du Crédit Agricole44. Ces propositions immédiates ainsi que les réformes à faire servent de base à la campagne électorale de Tanguy Prigent aux élections cantonales d’octobre 1934.

  • 45 Ibidem.
  • 46 Suzanne Berger, op. cit., p. 148-150 et Le Breton Socialiste, « La crise agricole », 12 oc (...)

23Mais Tanguy Prigent apporte sa contribution à la mise en place d’une politique agraire. En août 1934, il réclame le dépôt d’un projet de loi avec un article unique permettant que les baux payables en argent puissent l’être en nature afin que la mévente ne frappe pas uniquement les fermiers producteurs mais que les propriétaires y aient aussi leur part45. Un autre point du programme de la FPF consiste à créer des boucheries coopératives pour écouler les excédents de viande. Mais surtout, le paysan de Saint-Jean-du- Doigt réfléchit à un système de « bail mobile » qui répond au bail-type proposé par l’Office de Landerneau. Pour les socialistes, ce bail mobile, obligatoire et non facultatif, fait obligation au propriétaire de rembourser à son fermier les améliorations apportées sur l’exploitation et surtout il interdit toute expulsion de fermier sauf pour cultiver lui-même la terre46. Avec ce bail mobile, il s’agit de défendre le fermier contre l’arbitraire de son propriétaire en ces temps de ventes-saisies et c’est une ébauche de statut du fermage. S’affirmer sur ce terrain social et économique, en développant la coopérative de Saint-Jean-du-Doigt, c’est contester le monopole et l’hégémonie de Landerneau dans les campagnes bretonnes, c’est aussi s’affirmer comme un dirigeant syndicaliste agricole national.

  • 47 Édouard Lynch, op. cit., p. 643.

24Au 3e congrès de la CNP à Limoges (3 et 4 novembre 1934), Tanguy Prigent qui vient d’être élu conseiller général de Lanmeur, préside la première séance de débats et fait des propositions. Avec Journet, délégué de l’Allier, il est rapporteur sur la question sensible du fermage et il propose son projet de bail mobile qui est adopté à l’unanimité par le congrès. À l’issue de ce 3e congrès de la CNP, Tanguy Prigent est élu au bureau national du syndicat élargi numériquement (13 membres) et géographiquement (25 départements) : avec Romain Boquen des Côtes-du-Nord, il rejoint les fondateurs et voit son rôle s’accroître47. L’année suivante, lors du congrès de la CNP à Moulins (7-8 décembre 1935), Tanguy Prigent qui s’est investi depuis plus d’un an sur le terrain politique, en devenant conseiller général et maire, appuie la stratégie d’unité d’action avec les communistes et le Front populaire. À la tribune, il plaide pour l’unité du syndicalisme agricole de gauche et pour la formation d’une confédération unique entre la CNP et la CGPT. Cette unification qui paraît possible dans le Trégor (Finistère et Côtes-du-Nord), où le socialiste Philippe Le Maux est membre de la direction nationale de la CGPT animée par des communistes, va échouer au niveau national. Mais plus que la CNP ou le développement du mouvement coopératif, c’est son action contre les ventes-saisies et surtout le dorgérisme qui fait connaître Tanguy Prigent dans le Finistère en 1934 et 1935.

Contre les expulsions et les ventes-saisies

25S’il est difficile pour les socialistes de combattre les réseaux landernistes en dehors de leurs zones d’influence, il est beaucoup plus facile de défendre les fermiers menacés d’expulsion et de contrer dans les meetings l’extrême droite paysanne incarnée par Henri d’Halluin dit Dorgères. Les socialistes et aussi les communistes ne veulent pas laisser le terrain au leader des chemises vertes qui développe son agitation dans les campagnes de l’Ouest de la France de 1932 à 1936. Tanguy Prigent va s’illustrer dans ces deux types d’actions complémentaires. Les fermiers sont très nombreux en Bretagne et ceux qui ne peuvent plus payer leurs baux sont menacés de liquidation par les actions en justice de leur propriétaire ou de leurs créanciers.

  • 48 F. Guégan, Le PCF et la SFIO et le mouvement paysan et ouvrier de 1930 à 1939 dans les Côt (...)
  • 49 Christian Bougeard, thèse citée, p. 316-321.
  • 50 Le Breton Socialiste, « Les moyens propriétaires et nous », 24 mars 1934.

26L’intervention contre les ventes-saisies a d’abord vu le jour dans l’ouest des Côtes-du-Nord à partir des comités paysans et de la Charrue Rouge du socialiste Augustin Hamon. La mobilisation contre 31 ventes-saisies de fermes s’est développée du 2e semestre de 1932 (quatre) à la fin 1935, avec un maximum de 21 actions en 193448. Ces oppositions aux expulsions rassemblent selon les cas entre 100 et 350 personnes en 1934 mais la CGPT n’est pas toujours présente49. Tanguy Prigent va prendre la tête de ce type d’action dans le Finistère et en faire un moyen de propagande et d’éducation des paysans. Ainsi le 5 mars 1934, à Poullaouen, juché sur un tonneau et devant 500 personnes (chiffre sans doute exagéré), il convainc une propriétaire, veuve peu fortunée, de renoncer à la saisie et d’accepter un paiement du fermage en nature50. C’est la même démarche non violente qui est appliquée lors d’une nouvelle intervention à Lémézec le 18 mars 1934. La foule silencieuse accueille l’huissier avec un silence de mort et se refuse à enchérir mettant en difficulté le propriétaire qui veut racheter le matériel à vil prix. Ces exemples d’action sont répercutés dans la presse syndicale et socialiste du Midi de la France où la mobilisation paraît plus difficile. Mais les interventions contre les ventes-saisies paraissent avoir été moins nombreuses et plus tardives dans le Finistère que dans les Côtes-du-Nord. Les socialistes préfèrent utiliser une stratégie légaliste refusant la violence, prônant l’arrangement avec les propriétaires (paiement des baux en nature) et la transformation de la législation au parlement. À la fin 1935, Tanguy Prigent dénonce les mesures et lois gouvernementales insuffisantes (loi du 2 juillet 1935 sur la réduction à la baisse des baux ruraux). En outre, les forces de gauche n’ont pas le monopole de la lutte contre les ventes-saisies. Les dorgéristes se mobilisent aussi et ils deviennent des adversaires dangereux dont il faut combattre l’influence et la présence dans les campagnes.

Contre Dorgères et ses chemises vertes et contre Landerneau

  • 51 Ce sont les chiffres des archives publiques alors que celle de Landerneau donne 15 (...)
  • 52 Le Breton Socialiste, « Pour un mouvement de classe », 11 février 1933.

27S’opposer aux ventes-saisies s’est aussi s’opposer à Landerneau qui laisse faire et ne pas abandonner le terrain protestataire au parti agraire et à Dorgères qui tentent de canaliser le mécontentement des campagnes contre la République parlementaire et contre la gauche au pouvoir de 1932 à 1934. Installé à Rennes depuis 1922, Henri Dorgères dirige d’abord Le Nouvelliste de Bretagne, un journal proche de l’évêché, puis Le Progrès agricole de L’Ouest. À partir de 1929, il crée des comités de Défense Paysanne qui essaiment dans l’Ouest dans les années 1930. Une première grande manifestation de 8 000 à 12 000 personnes se déroule à Quimper le 29 janvier 1933. Elle est orchestrée par Dorgères, Hervé Budes de Guébriant et l’Office de Landerneau, appuyés par l’Église catholique avec la présence des élus de toutes les droites y compris les députés du PDP51. Tanguy Prigent dénonce le caractère politique de cette « manifestation » placée « sous la présidence d’un agriculteur de salon » et met en garde contre l’agitation des forces réactionnaires dont il ne faut pas exagérer l’importance52. Précisons que quelques excités marchent sur la demeure du député radical-socialiste Cadoret, viole son domicile et s’en prennent à son épouse. Pourtant jusqu’en 1935, les dorgéristes ne disposent d’aucune organisation locale dans le Finistère. Dans la foulée, les forces de la gauche bretonne convergent vers Saint-Goazec le 3 septembre 1933 pour s’opposer à un rassemblement de l’Action Française animé par Léon Daudet, l’un des chefs du mouvement, protégé par des jeunes Camelots du Roy en armes. C’est une véritable provocation au cœur de la Montagne finistérienne. Accompagné de Denise, sa fiancée, Tanguy Prigent prend la parole et note dans Ti Kaled : « J’infligeais au fils du grand poète une déroute mémorable » ; remarque étonnante quand on connaît les qualités d’orateur du leader de l’Action française mais qui montre que le petit paysan de Saint-Jean-du-Doigt s’affirme comme l’une des personnalités montantes de la scène politique finistérienne.

  • 53 Édouard Lynch, op. cit., ch. VI.
  • 54 Yves Le Thoër, op. cit., p. 68-71. Le Breton Socialiste, « Les brutes fasc (...)
  • 55 Idem, 13 avril 1935.
  • 56 La Résistance de Morlaix, « Bébé a du bobo », 20 avril 1935.
  • 57 ADF. 1 M 230. Mouvements paysans (1924-1940) et Le Breton Socialiste, « A l’action de classe (...)

28Au cours des années 1934 et 1935, Tanguy Prigent et ses camarades de la CNP et de la CGPT osent affronter directement Dorgères dans ses meetings. Or au début des années 1930, le meeting paysan et l’action directe sont de nouvelles pratiques d’intervention politique dans le monde rural et Tanguy Prigent va imprimer sa marque dans le mouvement socialiste agricole53. À la violence verbale et physique de Dorgères, le Breton oppose le calme, la non-violence et l’explication patiente de ses positions. Son courage physique et son calme impressionnent ses adversaires notamment à la suite d’une intervention à Quimperlé le 8 avril 1935. Les ligues quimperloises (Croix de Feu et Ligue des contribuables) organisent une réunion agricole privée dans la cour d’une usine54. Par affiche, Tanguy Prigent annonce qu’il va porter la contradiction à Dorgères devant ses troupes en compagnie du leader communiste de la CGPT des Côtes-du-Nord, Francis Marzin. Cette démarche s’inscrit dans la construction de la lutte commune du Front populaire et dans l’affrontement du fascisme, incarné par Dorgères, et de l’antifascisme des socialistes et des communistes. Le récit du Breton Socialiste insiste sur l’absence de paysans à la tribune où siègent Dorgères et le DrMichaud, chef des Croix de Feu de Quimperlé (200 auditeurs, 10 militants socialistes). Quand Tanguy Prigent dénonce « les phrases creuses et violentes des salariés du capitalisme », Dorgères l’agresse physiquement à coups de poing, le blesse, tente de le faire expulser de la salle mais ne parvient pas à le faire taire, ce qui selon le récit épique du Breton Socialiste aurait retourné la salle en sa faveur55. Cette action d’éclat du conseiller général de Lanmeur à un certain retentissement dans le département : à droite si Ar Vro Goz fait le silence, le journal La Résistance de Morlaix ironise et tente d’expliquer les réactions de Dorgères56. Dans les jours suivants, il est encore présent avec des cravates rouges socialistes à Pont-Croix, le 13 avril, et à Querrien pour s’opposer à l’argumentaire du chef des chemises vertes et du Front paysan. Mais l’intervention à Pont- Croix, le jour de la foire, avec des militants communistes du sud-Finistère dont Pierre Guéguin, ne se passe pas bien : Tanguy Prigent est hué par la foule et doit se retirer les vêtements en lambeaux57. Il s’agit d’une lutte ouverte pour l’occupation du terrain et contre la démagogie populiste de Dorgères qui ne tourne pas toujours à l’avantage de la gauche marxiste sur ces terres de mission. Mais ces affrontements directs médiatisés et donnés en exemple par les socialistes de Muret (Haute-Garonne) comme moyen de lutte contre les agrariens sont finalement assez peu nombreux même s’ils sont spectaculaires.

  • 58 Suzanne Berger, op. cit., p. 146.
  • 59 Mireille Prigent, Ti Kaled, op. cit., p. 250-251.
  • 60 Ar Vro Goz, « un piteux échec dédié aux paysans dupés du parti socialiste », 3 juillet 193 (...)
  • 61 Le Breton Socialiste, « Chronique paysanne » et « La crise agricole », 5 et 12 octobre (...)

29Faisant de Dorgères « l’un des dévoués collaborateurs de De Guébriant » qui a effectivement intrumentalisé le chef des chemises vertes pour ne pas être débordé – « c’est mon ministre de la guerre » aurait-il déclaré – Tanguy Prigent en dresse un portrait peu flatteur58. « Mais autant je ne détestais pas le premier [de Guébriant], autant j’éprouvais une violente antipathie pour le second qui était laid, vulgaire et carrément fasciste59. » Depuis plusieurs mois, Ar Vro Goz, le journal de Landerneau, avait ouvert ses colonnes aux dorgéristes pour combattre l’influence naissante de la CNP60. Et le principal chef des chemises vertes du Finistère, Joseph Divanac’h, appartient au conseil d’administration de l’Office central. Landerneau collabore d’ailleurs avec les dorgéristes pour mieux les contrôler le temps que les remous s’apaisent dans les campagnes. En même temps, à l’automne 1935, Dorgères, relayé par de Guébriant, appelle à la désobéissance civique et à la grève de l’impôt, en demandant aux agriculteurs bretons de remettre leurs feuilles d’impôts à l’Office central et au syndicat. Immédiatement, Tanguy Prigent dénonce la « campagne antirépublicaine, fasciste et royaliste » d’une organisation « qui devrait être neutre 61 ». Le socialiste prône le maintien dans la légalité et propose de faire payer certaines contributions par les propriétaires et non par les fermiers. Les socialistes reviennent à une action de propagande plus classique, peut-être pour ne pas effrayer l’électorat paysan à l’approche des élections décisives de 1936. Par exemple, Tanguy Prigent ne mobilise pas ses troupes contre le congrès des jeunesses agraires dorgéristes à Bannalec en décembre 1935.

  • 62 Le Breton Socialiste, « Dorgères en déroute à Plouigneau », 18 janvier 1936. La constructi (...)
  • 63 Le Breton Socialiste, « Les paysans de Bégard chassent à leur tour Dorgères », 1er février (...)

30Après plusieurs mois de relative détente, l’ultime affrontement Dorgères- Tanguy Prigent culmine à Plouigneau le 13 janvier 1936 lorsque le chef des chemises vertes tente de tenir une réunion dans ce Trégor rouge qui se mobilise contre lui depuis plus de trois ans. Dorgères qui vient narguer le maire de Saint-Jean-du-Doigt sur ses terres, refuse le dialogue et la réunion tourne au pugilat généralisé. Les paysans de gauche qui restent maîtres du terrain portent Tanguy Prigent en triomphe62. Le scénario s’est répété à plusieurs reprises dans les Côtes-du-Nord et le Finistère, en présence des forces de l’ordre, au point que les autorités interdisent certains rassemblements de Dorgères après les incidents de Bégard à la fin janvier où Francis Marzin est blessé. Cette fois les Finistériens conduits par leur leader sont venus soutenir leurs camarades de la CGPT63. Dorgères doit battre en retraite sous la protection de la police. La presse régionale radicale (La Dépêche de Brest) et démocrate chrétienne (L’Ouest-Éclair) condamne les méthodes dorgéristes. Dans le Trégor, socialistes et communistes gagnent la bataille sur le terrain. L’expansion du dorgérisme et de ce que la gauche nomme « le fascisme agraire » dans cette partie de la Bretagne est brisée et à chaque contre-manifestation suivie d’une réunion, le Front populaire se renforce.

31De 1932 à 1936, une dynamique mobilisatrice s’est enclenchée dans les campagnes bretonnes et des hommes comme Tanguy Prigent dans le Finistère, Philippe Le Maux (SFIO) et Francis Marzin (PCF) dans les Côtesdu- Nord ont joué un grand rôle de catalyseur, s’appuyant mutuellement dans les mobilisations contre les ventes-saisies et contre Dorgères. Cette mobilisation va avoir des retombées électorales importantes pour la SFIO et pour Tanguy Prigent qui mène simultanément et gagne plusieurs élections de 1934 à 1936. Du combat syndical et corporatif, il va passer à l’action politique.

Notes

1 Édouard Lynch, Le Parti socialiste (SFIO) et la société paysanne durant l’entre-deux-guerres. Idéologie, politique agricole et sociabilité politique (1914-1940), thèse, IEP de Paris, 1998, t. 2, p. 453.

2 Mireille Prigent, Ti Kaled, op. cit., p. 106-108.

3 Georges Lefranc, Le mouvement socialiste sous la troisième république, tome 2, 1920-1940, Paris, petite bibliothèque payot, rééd. 1977, p. 285.

4 Yves Le Thoër, Tanguy Prigent (1929-1940). Un socialiste paysan, op. cit. L’auteur a étudié les positions doctrinales et les thèmes développés par Tanguy Prigent de la fin 1931 à 1935. Nous nous appuyons sur les larges extraits des articles de Tanguy Prigent qu’il cite. Le Breton Socialiste, « Le Socialisme ou la guerre », 12 décembre 1931.

5 Le Breton socialiste, « Les petits possédants et le capitalisme », « Égoïsme de classe », 9 avril et 5 mars 1932.

6 Idem, « Socialisme ou propriété » et « la petite propriété en régime capitaliste », 12 novembre et 3 décembre 1932.

7 Georges Lefranc, op. cit., p. 285.

8 Le Breton Socialiste, « Les dialogues de Job et Saïk » du 5 mars au 6 août 1932.

9 Il achète une voiture d’occasion en 1933.

10 Jean Pascal, Les députés bretons de 1789 à 1983, Paris, PUF, 1983, p. 476 et 495.

11 Il s’agit de Pierre Mazé, Albert Le Bail, Jean Perrot et Pierre Pouchus. François Cadoret a été réélu.

12 Comme en 1928, un écart de 450 voix environ sépare les deux hommes.

13 Pierre Brigant, La SFIO à Brest de 1919 à 1939, op. cit.

14 Jean Pascal, op. cit., p. 498-503.

15 Le Breton Socialiste, « Nos “bourgeois” de gauche », 8 octobre 1932.

16 ADF. 1 M 230. Mouvements paysans (1924-1939). Rapport sur les coopératives du Finistère à l’automne 1934.

17 Tanguy Prigent, Ti Kaled, op. cit. Après la Libération, le ministre de l’Agriculture crée les CUMA, les coopératives d’utilisation du matériel agricole.

18 Mireille Prigent, Ti Kaled, op. cit., p. 277.

19 Le Breton Socialiste, « Groupons-nous ! », 20 mai 1933.

20 Suzanne Berger, Les Paysans contre la politique, Paris, Seuil, 1975.

21 Idem, p. 113.

22 Dans une lettre au président du Conseil d’État du 22 mai 1947, il se dit sensible : « à la personnalité incontestable de M. Guébriant et à ses qualités de grand seigneur affable et courtois », cité par Mireille Prigent, op. cit., p. 248.

23 Histoire de la Bretagne et des Bretons, s.d. de Yannick Pelletier, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1990. Christian Bougeard, « Le monde rural breton », p. 440-451.

24 Le Breton Socialiste, « Comment on dupe les paysans », 7 octobre 1933. À propos de scandales financiers touchant des organismes nationaux auxquels Landerneau est affilié.

25 Le Breton Socialiste, « Camarades paysans ! », 27 mai 1933.

26 Idem, « Paysans du Finistère », 17 juin 1933.

27 Histoire de la France rurale, s.d. de Georges Duby et Armand Wallon, t. 4, De 1914 à nos jours, Michel Gervais, Marcel Jollivet, Yves Tavernier, Paris, Seuil, 1976, p. 410-412. Philippe Gratton, Les paysans français contre l’agrarisme, Paris, F. Maspéro, 1972, p. 109-110.

28 Contrairement à ce qu’écrit Suzanne Berger, op. cit., p. 148, il ne semble pas que Tanguy Prigent ait été présent lors de ce congrès fondateur.

29 Édouard Lynch, op. cit. C’est le titre d’une sous-partie du chap. 6.

30 Yves Le Thoër, op. cit., ch. 2.

31 Le Breton Socialiste, « Les revendications des cultivateurs », 2 décembre 1933.

32 Sur l’action de Romain Boquen et la CNP des Côtes-du-Nord, voir Christian BOUGEARD, thèse citée, t. 1 et 2. Romain Boquen a été élu conseiller municipal de Ruca en 1929 et est candidat SFIO aux élections législatives de 1932 et de 1936.

33 « Après le congrès. Hardi les gars ! », cité par Édouard Lynch, op. cit., p. 642-643.

34 Édouard Lynch, op. cit. Le Populaire, « Pour ceux de la terre. Le Congrès de la CNP », 23 décembre 1933.

35 Le président est Joseph Bihan de Saint-Jean-du-Doigt, assisté d’Yves Prigent de Plougonven, un ami de Tanguy rencontré au service militaire. Tanguy Prigent occupe la fonction de secrétaire général du syndicat dont le siège social est dans sa commune. Outre ces communes, les premiers militants sont de Plouigneau, Guimaëc, Plounévezel, Plouégat-Guerrand, Locmaria Berrien.

36 Centre de Documentation sur le Mouvement Ouvrier et le Travail (CDMOT) de Nantes. Actuellement Centre d’histoire du Travail (CHT). Fonds Tanguy Prigent. PRI 24.

37 ADF. 1 M 230. Mouvements paysans (1924-1939). Rapport du sous-préfet de Morlaix du 12 mars 1934.

38 Le Breton Socialiste, « Les revendications des cultivateurs », 3 décembre 1933.

39 Christian Bougeard, thèse citée, p. 316-325 et François Prigent, Un socialisme d’extrême gauche dans le Trégor, la Charrue Rouge d’Augustin Hamon et Philippe Le Maux (1930-1937), maîtrise d’histoire, Rennes 2, juin 2000.

40 ADF. 1 M 230. Mouvements paysans (1924-1939).

41 Non sans exagération Tanguy Prigent écrit dans Le Breton Socialiste du 28 juillet : « nos jeunes paysans que la misère atteint montent à l’assaut de la société capitaliste pourrie et corrompue qui croule peu à peu ».

42 Philippe Gratton, op. cit., p. 110. La CNP compte plus de 100 adhérents dans 22 départements, neuf en ont de 100 à 250.

43 Le Breton Socialiste, « Le scandale du blé », 16 juin 1934. Il dénonce le cas d’un « noblaillon » qui a vendu le blé de ses fermiers à 98 francs le quintal.

44 Le Breton Socialiste, « CNP », 11 août 1934.

45 Ibidem.

46 Suzanne Berger, op. cit., p. 148-150 et Le Breton Socialiste, « La crise agricole », 12 octobre 1935.

47 Édouard Lynch, op. cit., p. 643.

48 F. Guégan, Le PCF et la SFIO et le mouvement paysan et ouvrier de 1930 à 1939 dans les Côtes-du- Nord, maîtrise d’histoire, université de Paris 1, 1974.

49 Christian Bougeard, thèse citée, p. 316-321.

50 Le Breton Socialiste, « Les moyens propriétaires et nous », 24 mars 1934.

51 Ce sont les chiffres des archives publiques alors que celle de Landerneau donne 15 000 à 20 000 manifestants. Suzanne Berger, op. cit., p. 143.

52 Le Breton Socialiste, « Pour un mouvement de classe », 11 février 1933.

53 Édouard Lynch, op. cit., ch. VI.

54 Yves Le Thoër, op. cit., p. 68-71. Le Breton Socialiste, « Les brutes fascistes telles qu’elles sont », 13 avril 1935.

55 Idem, 13 avril 1935.

56 La Résistance de Morlaix, « Bébé a du bobo », 20 avril 1935.

57 ADF. 1 M 230. Mouvements paysans (1924-1940) et Le Breton Socialiste, « A l’action de classe camarade », 13 avril 1935.

58 Suzanne Berger, op. cit., p. 146.

59 Mireille Prigent, Ti Kaled, op. cit., p. 250-251.

60 Ar Vro Goz, « un piteux échec dédié aux paysans dupés du parti socialiste », 3 juillet 1934.

61 Le Breton Socialiste, « Chronique paysanne » et « La crise agricole », 5 et 12 octobre 1935.

62 Le Breton Socialiste, « Dorgères en déroute à Plouigneau », 18 janvier 1936. La construction binaire de rhétorique socialiste donne une image fort dévalorisante de Dorgères : « Inutile de dire combien son regard faux et méchant, sa face bilieuse, son sourire fat révèlent de bassesse, de férocité, de couardise […] » à laquelle elle oppose « l’enthousiasme pur et irrésistible des paysans conscients qui, sans fanatisme, affirmaient surtout leur confiance en eux-mêmes quand ils acclamaient un des leurs, Tanguy Prigent, porté en triomphe par ses camarades ».

63 Le Breton Socialiste, « Les paysans de Bégard chassent à leur tour Dorgères », 1er février 1936.

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