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Brest en reconstruction

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Pierre Le Goïc

Quatrième partie. Temps de modernité, temps de nostalgie 1954-…

Chapitre 13. Modernisation d’une ville reconstruite

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Géographique :

France

Texte intégral

À la recherche du notable perdu

1Georges Lombard junior, dirait-on aux États-Unis, fils de l’ancien Président de la Chambre de commerce, Georges Lombard senior, devient Maire de Brest le 23 mars 1959 à la suite de l’une des crises récurrentes qui affectent la droite brestoise. Il est avocat, et sait, quand il témoigne aux Éditions de la Cité de son mandat, manifester une éloquence riche en points d’exclamation :

  • 1 Georges Lombard, Au service de Brest, de la Mairie à la Communauté, Brest, éditions de la Cité, 19 (...)

« Et mon cœur a éclaté de joie et de fierté ! celle de partager l’histoire d’un vieux peuple, mieux ! sa longue quête de destins à vaincre, de dignité, de justice à assurer. Le 23 mars 1959, par 26 mois et 11 bulletins blancs sur 37 votants, le destin décida que c’était avant tout en tant que maire que j’aurais à le faire. Je venais d’avoir 34 ans… Pendant 14 ans et 7 mois – jusqu’en octobre 1973 où pour assumer pleinement la présidence de la Communauté urbaine j’ai démissionné de mes fonctions de maire – je suis resté à la barre du navire BREST »1 (Photographie 29).

  • 2 Ibidem, p. 10.

2Ce navire, selon Georges Lombard Jr, prenait l’eau : « La Marine nationale, affaiblie, déchirée, n’avait plus l’usage d’un Arsenal aussi important que par le passé. Le bâtiment ne savait plus que faire des milliers d’ouvriers que l’achèvement de la reconstruction rendait inutiles et d’un poids intolérable pour les entreprises »2 Même si Georges Lombard prépare dans ces phrases son épiphanie, le diagnostic est exact. Par ailleurs, le succès à la fois inattendu et créateur de conflits futurs d’un élu de 34 ans s’explique par un passé récent et dramatique. De 1944 à 1959, les élus sont avant tout des survivants, et sont issus de candidatures nécessairement rares.

3En effet la guerre n’a pas seulement ravagé les immeubles. Même mis sur la touche du point de vue de la reconstruction par la loi du 26 octobre 1948, les politiques auraient sans doute pu non pas être plus actifs – leur charge était incroyablement lourde – mais plus nombreux et plus influents, bien que Jules Lullien sut parfois l’être. C’est la guerre qui avait ravagé les rangs des élites politiques brestoises, soit par des divisions politiques, soit par la mort. Les plus maréchalistes des responsables municipaux avaient évincé de la Délégation spéciale, à l’occasion du vote d’une motion de soutien fervent au chef de l’État Français, le radical Victor Le Gorgeu, l’un des « quatre-vingt », ces rares parlementaires qui refusèrent la fin de la IIIe République. Les maréchalistes municipaux ne semblent pas cependant avoir péché par nazinophilie. Mais leur inclination vichyste, avérée par ce vote, avait provoqué une première rupture irréparable de la classe politique brestoise.

4Or parmi les maréchalistes, les vichystes ordinaires, certains furent assez courageux pour rester garder la ville pendant le siège, et ce courage leur fut fatal. Loin d’être un acte de solidarité avec l’armée allemande, il s’agissait plutôt d’un réflexe de patriotisme local. Le maire de la Délégation spéciale, Victor Eusen, ancien maire de Saint-Pierre, chrétien conservateur, germanophone mais manifestement opposé à la présence allemande à Brest, ne pensait qu’à sauver ce qui pouvait l’être. Il tenta de le faire en franchissant plusieurs fois les lignes de front pour négocier avec les forces alliées une trêve permettant une dernière évacuation de la ville.

  • 3 Entretien avec Paul Carquin, dont le père a écrit ce récit reproduit en hors-texte dans le catalog (...)

5Le soir du 8 septembre 1944, il travaille dans l’une des chambres attenantes au long couloir souterrain de l’abri Sadi-Carnot, creusé et aménagé à partir de 1941. Tous les élus, les fonctionnaires municipaux, les volontaires de la Défense passive, les habitants rétifs à l’ordre d’évacuation sont là, à l’exception de ceux qui se terrent encore dans leurs caves ou des habitants de la rive droite où d’autres abris ont été aménagés. Un autre abri, situé place Wilson, avait été réquisitionné par les forces allemandes. L’abri Sadi Carnot qui conduisait de la place ainsi nommée à l’extrémité de la rue Louis-Pasteur, et débouchait en face de l’arsenal, était partagé. Une cloison de bois séparait des Brestois les soldats allemands – dans les premiers temps des vétérans de l’organisation Todt, qui semblent avoir cherché à cohabiter sans conflit majeur avec les occupés. Deux groupes électrogènes servaient à l’éclairage. C’est probablement autour de l’un de ces groupes que s’est produit un accident aux conséquences terribles. Une altercation entre des parachutistes commandés par le général Ramcke, jusqu’au-boutistes et surtout ivres à la suite d’un pillage de la ville, et un vétéran plutôt enclin à la reddition, aurait dégénéré. Du carburant aurait été renversé, un mégot l’aurait enflammé, à proximité d’un dépôt de munitions. L’abri, dans lequel plus de mille personnes, brestoises ou allemandes, résidaient, est alors devenu un gigantesque lance-flammes. Paul Carquin, fils du lieutenant des marins-pompiers Charles Carquin, se souvient encore d’avoir accompagné son père dans le charnier et a conservé le rapport écrit par son père3 :

  • 4 Soldats allemands bien sûr, qui n’étaient certainement pas membres des colonnes fanatiques de Ramc (...)
  • 5 Il s’agit de l’abri des marins-pompiers, situé à peu près en face de l’entrée du côté allemand de (...)
  • 6 Les pompiers arrivent donc par le côté allemand.

« À 2 heures 55, je pars avec le sapeur Pondaven, accompagné de deux soldats4, nous quittons l’abri5 par le N° 65 de la rue Louis-Pasteur, sous une violente canonnade. Nos escorteurs semblent pris de peur et nous avons beaucoup de peine à leur faire quitter l’abri. Nous descendons la rue qui n’est plus qu’un tas de ruines, et après plusieurs “plat ventre”, nous arrivons à proximité de l’abri. Une longue flamme sort par intermittence à chaque explosion et va presque lécher le mur de l’Arsenal6 à une vingtaine de mètres […] Il nous est impossible d’approcher tant la chaleur est intense […] Notre avance est assez lente, car il y a sur le sol de nombreux objets métalliques et surtout des restes de cadavres déchiquetés et aux trois quarts carbonisés […] Au fur et à mesure que nous avançons, nous trouvons de plus en plus de cadavres complètement carbonisés. Partout des faces grimaçantes et des corps rétrécis. Je ferme les yeux devant cette vision d’enfer. Un pompier allemand lâche sa lance et s’enfuit […] Nous arrivons au bas des 154 marches où les corps sont agglutinés jusqu’en haut. L’eau que nous projetons devant nous nous revient bouillante […] nous sommes obligés de marcher sur les cadavres pour pouvoir continuer […] Un corps a même brûlé sur l’avant-dernière marche ».

6Les plus proches de la sortie s’en tirèrent, certains, comme Antoine Coste, fonctionnaire municipal, expulsés du tunnel par le souffle. Victor Eusen fut retrouvé dans l’alvéole qui lui servait de bureau et de chambre, momifié par la carbonisation. Dans une ville d’où l’extrême-droite n’était pas absente – la Milice y a malheureusement sévi – Victor Eusen avait tenu compte des limites imposées, au maréchaliste qu’il était devenu, par la pression sociale importante exercée notamment par un Arsenal résolument anti-nazi. Probablement avait-il d’ailleurs cru au double-jeu. Maire de Saint-Pierre puis président de la Délégation spéciale de Brest, la composition du Groupement d’urbanisme en 1943 lui a donné un rôle plus ample qui l’a amené à prendre en charge l’ensemble de l’agglomération. Les organisations de résistance ne l’ont jamais stigmatisé après la guerre, et un certain courage personnel mis au service de la population a été unanimement reconnu.

7Après la guerre, il eût été logique que Victor Le Gorgeu redevînt maire. Mais il avait été nommé Commissaire de la République pour la région Bretagne, et dut gagner Rennes. Il serait excessif d’avancer que l’on se trouvait dans une situation de vide politique. La résistance avait fait surgir des hommes neufs. Mais, au PCF, les épurations successives ne laissèrent guère, on l’a vu, une place durable qu’à Gabriel Paul, élu à la proportionnelle député du Finistère, ou à Louis Leroux, rédacteur à Ouest-Matin. Au RPF, l’avocat Charles Le Goasguen, ancien de la deuxième DB, semble avoir consacré autant de temps aux associations de propriétaires qu’à la vie politique proprement dite, mais il fut quand même élu député en 1962 contre Georges Lombard. Les hommes politiques d’avant-guerre jouèrent un rôle essentiel et se dévouèrent sans compter, mais leur carrière était derrière eux. Un Guillaume Messager, SFIO, adjoint aux finances de la première municipalité de l’après-guerre, était assez âgé pour n’avoir plus d’ambition mais une pleine efficacité – et inspirait un respect unanime. Les anciens maires des communes intégrées au Grand Brest eurent plus de difficulté à accepter les temps nouveaux. Victor Eusen (Saint-Pierre) étant mort, Auguste Kervern (Lambézellec) et Yves Jaouen (Saint Marc) restaient en lice. Ce dernier, adhérent du MRP comme son collègue, parvint à la mairie, au Conseil général et même au Sénat, mais fut évincé rapidement par Georges Lombard.

  • 7 Hervé Quéméner, « Aperçus de l’histoire électorale de la ville de Brest de 1954 à 1989 », in Histo (...)
  • 8 Ibidem, p. 106.

8Alors que la reconstruction rassemblait toutes les énergies, la classe politique brestoise manifestait une instabilité rare7. En 1953, année où Georges Lombard, tête de liste de L’Action municipale des indépendants, entre au Conseil municipal, dont le maire est Yves Jaouen, la majorité de droite à laquelle il appartient se défait et il faut nommer ce que les Brestois n’avaient pas connu depuis la fin de la guerre : une Délégation spéciale. Le 16 mai 1954, de nouvelles élections redonnent son siège à Yves Jaouen mais le contraignent à donner à Georges Lombard, qui s’est présenté contre lui et a gagné des voix, un poste d’adjoint. Aux législatives de 1958, Georges Lombard est élu contre Yves Jaouen, et l’emporte de 21 voix sur le nouveau représentant de la SFIO, le professeur de philosophie Robert Gravot qui remplace d’une certaine manière le professeur de mathématiques Guillaume Messager. Yves Jaouen démissionne de son poste de maire, remplacé par Auguste Kervern, à titre intérimaire. Aux élections suivantes, le 8 mars 1959, Georges Lombard, l’indépendant, obtient le soutien des gaullistes et s’oppose à la fois à Auguste Kervern représentant le MRP et à Robert Gravot, finalement soutenu par le PCF. Il devient Maire de Brest, mais se fâche avec les gaullistes en 1961, démissionne en 1962 parce qu’il a été battu par Charles Le Goasguen aux législatives consécutives à la dissolution, puis est réélu par le Conseil municipal à une voix près en 1963. Mais à partir de ce moment délicat, il organise son pouvoir : en effet, il ne démissionnera de nouveau qu’en 1973 à la suite d’un succès du PS aux élections cantonales, lançant la droite brestoise dans de nouvelles mésaventures. En définitive, « le mandat municipal 1965-1971 est le seul de la période à ne pas avoir connu de crise »8.

  • 9 Georges Lombard, op. cit., p. 25.

9Il y a de quoi donner le tournis. Mais, si l’après-guerre n’a pas produit une stabilité politique propice à la naissance d’un groupe notabiliaire, une continuité remarquable de l’action se manifestait en arrière-plan. La reconstruction immobilière suivant son cours, il était aussi question de redéfinir ce que l’on nommait souvent à l’époque la vocation de la ville. Depuis la fin du xixe siècle, la société civile brestoise – essentiellement les intérêts liés au port marchand – cherchait à entamer le quasi-monopole de la Marine nationale. Elle profita de la brèche ouverte par le transfert à Toulon d’une grande partie de la flotte pour envisager une reconversion partielle de la ville : création de zones industrielles, de nouvelles activités portuaires et développement de l’enseignement supérieur. Avec une certaine condescendance, Georges Lombard reconnaissait à Yves Jaouen l’initiative de cette entreprise : « La municipalité de Monsieur Yves Jaouen, alors sénateur-maire de Brest, s’était battue avec mérite et succès pour que soit créé à Brest un CSU, autrement dit un collège scientifique universitaire habilité à dispenser l’enseignement propédeutique […] Restait pour le nouveau conseil à assurer le financement, la construction et l’ouverture ! »9

  • 10 La plupart des données qui suivront sont issues d’un ensemble de papiers personnels confiés par Yv (...)

10La recherche d’une nouvelle vocation se fit par l’intermédiaire des clubs, des syndicats, de la commission sociale du diocèse, de commissions extra-municipales dont la plume la plus prolixe fut tenue par Yves Le Gallo10. Ce dernier fut sollicité par tous les milieux civils pour défendre la cause de la cité. Historien, il se fit géographe et consacra de nombreuses pages à la question du développement du port marchand ; il harcela par ailleurs le Ministère de l’Éducation et tous les responsables susceptibles de pouvoir jouer un rôle utile à la création d’un pôle universitaire brestois.

Utopies portuaires

  • 11 Penn ar Bed : en breton, le bout, mais aussi la tête, du monde. Donc le Finistère, d’où un certain (...)

11En avril 1959, Yves Le Gallo fit paraître dans une revue en principe destinée aux naturalistes, Penn ar Bed11, un article consacré au développement des activités portuaires civiles brestoises, dans un esprit proche de ce qu’au même moment Michel Phliponneau, professeur de géographie à Rennes et membre actif du Comité d’étude et de liaison des intérêts bretons (CELIB) nommait la géographie volontaire. Il reprenait ainsi une tradition séculaire que l’apparente bonne situation de la rade péninsulaire et la volonté des transitaires, dont le plus actif en ce sens était Maurice Caradec, avait entretenue : Brest est le port européen le plus proche des États-Unis.

  • 12 Maurice Caradec, Tribune libre, Brest clef de l’Atlantique et du problème breton, Brest, Presse li (...)
  • 13 Maurice Caradec était consul des États scandinaves. Entretien avec l’un de ses fils, lui-même cour (...)
  • 14 Maurice Caradec était adepte des idées de Maurras, qu’il avait rencontré, puis admira de Gaulle. M (...)
  • 15 Robert Gravot, préface à Tribune libre…, hors-texte de 1963.

12Diplômé de HEC, courtier maritime depuis 1918, Maurice Caradec était en 1907 membre du comité Brest - Transatlantique, « sous la haute direction du Sénateur Louis Pichon, ancien ingénieur des Ponts et Chaussées et en la compagnie de Claude Casimir-Périer »12. Sa haute silhouette, sa culture classique, sa connaissance des langues13 impressionnaient. Son rôle dans la défense des sinistrés a déjà été souligné dans cette étude. À la fin de sa vie, il luttait encore pour le développement du port marchand et de la réparation navale, imaginant une forme de radoub suffisamment grande pour accueillir le porte-avions américain Enterprise. Il fit paraître une compilation des textes qu’il avait écrits en ce sens, à laquelle le socialiste Robert Gravot donna une préface posthume : « Monarchiste d’idéal et de tempérament, apparemment désaccordé d’avec le train et les façons du siècle, incapable de la moindre démagogie, il avait pourtant l’instinct profond de la liberté et de la démocratie14, le goût, comme une irrésistible vocation, du bien public »15. L’hommage d’un socialiste à un monarchiste n’est pas seulement la marque d’un respect que Maurice Caradec inspirait manifestement. Le port marchand constituait un enjeu essentiel pour la société civile brestoise.

13L’arrivée des troupes américaines pendant la Grande guerre avait enflammé les imaginations. Les plus grands paquebots du temps, transportant les volontaires américains, atterrirent à Brest. Pourquoi pas des lignes régulières dans cette rade protégée des vents violents et offrant en permanence les conditions d’un port en eau profonde ? Des calculs horaires furent même effectués, qui plaçaient Brest dans la position la plus favorable. Après la deuxième guerre mondiale, si la baisse du plan de charge de l’arsenal l’amena à fabriquer deux paquebots, il n’était plus question de rêver de faire de Brest un second Havre, d’autant que le développement du transport aérien ne lui aurait laissé aucune chance. Mais le rêve persistait : on a vu dans quelles conditions Ernest Germain défendit auprès des ministères son projet de base d’hydraviation, qui impliquait selon lui une recomposition complète de la rade et de la basse ville.

  • 16 Brest, port pétrolier, avait déjà été un rêve de la Chambre de commerce et d’industrie pendant l’e (...)

14À partir de 1957, il s’agit de tout autre chose : port charbonnier, station de soutage, de dégazage, réparation navale, et pourquoi pas une raffinerie, ou la création d’une zone franche, ardemment défendue par Yves Le Gallo – autant de thèmes de discussion permanents à ce moment dans les milieux économiques16. Tous n’ont pas connu l’échec. Des équipements importants furent obtenus, notamment la cale sèche de 260 mètres de long qui, sans permettre à Brest de devenir vraiment la station-service de l’Atlantique que ses promoteurs espéraient construire, établissait les prodromes d’un nouveau port qui depuis seulement quelques années, et après une grave crise sociale provoquée par de nombreux licenciements, est effectivement devenu l’un des principaux chantiers de réparation navale.

  • 17 Lettre de René Pleven à Yves Le Gallo, 29 juillet 1957.
  • 18 Yves Le Gallo accepta, en échange d’un don de l’entreprise à la revue Penn ar Bed.

15En 1957, le débat se déroula essentiellement dans le cadre du CELIB, à l’assemblée générale duquel René Pleven convia Yves Le Gallo pour qu’il intervînt sur la politique de développement universitaire. Mais dans la lettre d’invitation, René Pleven revenait sur la question portuaire, regrettant la faiblesse structurelle du patronat brestois : « Comment Brest n’a-t-il pas défendu ses droits à l’implantation d’une raffinerie de pétrole qui aurait distribué la production dans toute une partie de la Bretagne ? »17. Yves Le Gallo, persuadé que cette atonie tenait à l’excessive dépendance dans laquelle la Marine tenait sa « colonie », n’eut de cesse de harceler les responsables locaux. Sa croisade en faveur d’un développement universitaire brestois l’avait fait connaître des milieux patronaux qui, à la suite de la parution de son article dans Penn ar Bed, ne cessa de le solliciter : il reçut ainsi des invitations du Centre des jeunes patrons, des informations de la part de nombreuses sociétés. L’entreprise nantaise de construction et de réparation navale Dubigeon, qui possédait un chantier à Brest, lui proposa de rééditer son article dans son bulletin-maison, à condition d’en ôter une photographie qui représentait un navire construit par un concurrent18.

  • 19 La réunion constitutive eut lieu dès le mois de décembre 1959. Yves Le Gallo fut élu au bureau.

16Ce travail d’influence se déroulait pendant le mandat municipal d’Yves Jaouen. Mais le 2 octobre 1960, Georges Lombard écrivit à Yves Le Gallo pour l’inviter à participer à une commission extra-municipale qu’il venait de décider de créer afin d’accélérer la modernisation de Brest. La représentativité de cette commission était incontestable : à la première réunion de travail, le 6 janvier 196019, étaient présents, outre le maire et le premier adjoint, M. Trébaol, quatre conseillers municipaux, le Commissaire général de la Marine Letrosne, trois courtiers maritimes : MM Kühn, Raillard et Gibory, M. Bardin, directeur de la Banque de France, M. Jourdan, représentant le Syndicat d’initiative, M. Troadec, représentant du Ministère de la reconstruction et du logement. Les absents excusés n’étaient autres que Robert Gravot et Yves Jaouen, retenus au Conseil général. Un cycle de réunions mensuelles fut organisé jusqu’en mai 1960. Les procès-verbaux de la commission mentionnent des discussions portant sur l’opportunité d’un doublement de la zone industrielle civile implantée à Kergonan, destinée à accueillir des usines décentralisées, par une zone industrialo-portuaire qui fut effectivement réalisée sur un polder, de la construction d’une deuxième grande forme de radoub, elle aussi finalement concrétisée, et de la zone franche qui ne le fut pas. Par ailleurs de multiples projets de brochures, plaquettes, dépliants, flammes postales furent envisagés.

  • 20 Il s’agit bien de l’auteur du célèbre Paris et le désert français.
  • 21 Jean-François Gravier, lettre à Yves Le Gallo, 19 janvier 1960.

17Yves Le Gallo, chargé de la plupart des travaux de contact et de rédaction, reçut de la part de Maurice Piquemal et de Jean-François Gravier, ancien fonctionnaire de la DGEN et à ce moment employé par le Commissariat au Plan20, des courriers décourageants. Jean-François Gravier insistait sur le caractère utopique des ambitions brestoises, expliquant que, le coût relatif des transports maritimes étant moindre que celui des transports terrestres, il n’y avait aucun intérêt à raccourcir les distances parcourues par les navires si le trajet par la route ou le rail s’en trouvaient rallongés. Il revenait de plus sur l’inertie du capitalisme local : « Mais tout ceci est fonction d’abord de l’initiative locale : or celle-ci est jusqu’à présent inexistante. Tant qu’il en sera ainsi, le sort de Brest sera essentiellement lié à celui de la marine de guerre. De toute manière, je ne crois pas à un développement urbain »21. L’auteur du Désert français semblait être indifférent au risque d’une désertification brestoise. Au demeurant, l’appui attendu de la Chambre de commerce à l’action de la commission extra-municipale fut plus que mesuré. Chaque proposition d’une action publicitaire faite par la commission fut l’occasion d’un rappel, par les membres de la Chambre, d’un travail similaire déjà effectué ou en cours. La commission fut progressivement mise en sommeil de mai 1960 à janvier 1961, puis disparut sans laisser de bilan. Mais les idées étaient lancées et, par d’autres voies, celles d’une collaboration plus directe entre la Municipalité en tant que telle et la Chambre de commerce, contribuèrent à transformer la réalité et les représentations de la ville. Mis à part la construction des grandes formes de radoub, la création des zones industrielles et le retour d’importantes unités de la Marine nationale, qui appliqua finalement à son profit les projets d’extension du port brestois à l’ensemble de la rade en installant l’École navale et la base sous-marine sur le littoral de la presqu’île de Crozon, la plus grande transformation consista en la création d’un pôle universitaire à l’extrémité occidentale du pays. Yves Le Gallo, cette fois, en fut presque le seul artisan et obtint ce qu’il voulait.

Brest, nouvelle ville universitaire ?

18Yves Le Gallo raconte volontiers son intervention remarquée à l’assemblée générale du CELIB qui s’était tenue à Carhaix le 12 décembre 1957. Il y développa une argumentation efficace en faveur de la création dans le Finistère d’un embryon universitaire qui crut et se développa pour devenir un CSU (Collège scientifique universitaire) et un CLU (Collège littéraire universitaire), puis, au bout du compte, l’Université de Bretagne occidentale. Yves Le Gallo, professeur au lycée de Brest, avait collecté, avec l’aide du directeur du Bureau universitaire de statistiques, Jacques Guéguen, des chiffres qui lui permettaient de justifier par la démographie scolaire la création d’un centre universitaire dans un département qui expédiait alors ses étudiants à Rennes, Nantes, Bordeaux, Le Mans, Paris. J’ai déjà mentionné son invitation au congrès du CELIB par René Pléven. L’objectif en était une intervention bien préparée, puisque ronéotypée à une centaine d’exemplaires par les soins de la Chambre de commerce de Brest, en faveur de la création de ce centre universitaire. Cette proposition risquait de contrarier l’Université de Rennes. Aussi René Pleven proposa-t-il à Yves Le Gallo de faire passer sa prise de parole pour spontanée, tout en fixant son moment et sa durée. Ainsi fut fait, avec un succès qui révélait un véritable besoin.

  • 22 Apellation qui correspondait, toutes proportions gardées, au Préfet de région.

19Mais il fallut à Yves Le Gallo une énergie extraordinaire, et un prestige qui entourait à cette époque, dans une ville qui en manquait, un « agrégé de l’Université », pour arriver à ses fins. Ses premières lettres, datées de 1957, s’adressent au Recteur d’académie, aux quatre Préfets de la région, au Préfet IGAME22, à René Pleven, aux parlementaires et présidents de Conseils généraux de la région, aux présidents de Chambres de commerce et d’industrie, au maire de Brest et aux membres de la municipalité, à la Fédération des parents d’élèves, au cabinet du Ministre de l’Éducation nationale, à son collègue géographe André Guilcher. Il reçut le plus souvent des réponses développées, manifestant un incontestable respect. Dans son activité infatigable, Yves Le Gallo s’est toujours tenu à l’écart d’une activité politique publique. Il laissa son collègue Robert Gravot le soin de porter ses idées devant le Conseil municipal, tout en regrettant que ce dernier n’ait pas daigné citer sa source. Mais il est arrivé à ses fins par un travail de réseau – le délicat amateur de la langue française qu’il est détesterait que l’on écrive lobbying.

20Le moment était on ne peut mieux choisi. Les changements des procès de travail, la croissance démographique avaient atteint la conscience des décideurs, et la création de Collèges universitaires décentralisés associés à des Universités-mères était une idée nouvelle mais acquise. Encore fallait-il pour Brest faire partie des villes choisies. Le 1er novembre 1958, Victor Le Gorgeu écrivait à Yves Le Gallo à la suite de réunions de la Commission du Plan :

« Lors du rapport définitif, j’eus la surprise de voir que l’on proposait sept collèges au lieu de six : l’on avait ajouté Brest et toute la commission opina. En dernière heure et à la demande du ministre, l’on adjoignit même Le Mans. La liste est donc la suivante : Pau, Rouen, Perpignan, Limoges, Tours, Mulhouse, Brest et Le Mans. Or l’Officiel vient de faire savoir que l’on va créer : Amiens, Limoges, Mulhouse, Perpignan, Rouen et Tours. On a donc supprimé de notre liste Pau, Brest et Le Mans et ajouté Amiens et Angers […] J’ai hier protesté à l’enseignement supérieur où, pour m’apaiser, l’on m’a dit que les crédits pour Brest étaient réservés ».

  • 23 Propositions exprimées dans une lettre à Yves Le Gallo signée d’Armand Keravel, animateur du mouve (...)

21Brest, ville universitaire ? On était loin du compte, d’autant que Rennes craignait la transformation dans le futur de ses annexes en Universités indépendantes. Le 15 mai 1961, le Recteur Le Moal le fit savoir en termes peu amènes à Yves Le Gallo, qui lui avait soumis un article écrit pour la revue Économies régionales. Le titre en était provocateur : « Brest, vers une seconde université bretonne ». Le Recteur d’académie demandait à Yves Le Gallo d’adopter un titre plus anodin : « Brest et son futur équipement universitaire ». D’autre part, un risque existait de voir créer, à l’initiative de bretonnistes, une « Université populaire » qui se serait spécialisée dans les domaines de l’architecture, des arts appliqués et de la langue23. Yves Le Gallo voulait à la fois créer une Université généraliste et la doter d’un centre d’étude spécifique, qui devint le Centre de recherche bretonne et celtique.

22En effet, Yves Le Gallo gagna son pari presque solitaire dans une ville qui vaguait de crise en crise. Georges Lombard rappelle les noms de ceux qui l’aidèrent, dont celui de Pierre Trépos. Avec l’appui du Recteur Henry, il obtint la création du CSU. Le 2 octobre 1959, un groupe de baraques situé à l’emplacement de l’actuelle Faculté Victor Ségalen, sur un terrain qui avait été réservé pour accueillir une future Salle des fêtes, le CSU fut enfin inauguré par le Recteur Henry. Ces baraques étaient suffisamment bien élaborées pour offrir amphithéâtre et salles d’expériences. Devaient suivre les Lettres, le Droit, la Médecine qui n’était jusqu’alors enseignée que dans le cadre de la Marine nationale. Une topique surgit du récit de Georges Lombard, celle du Brestois têtu qui obtient ce qu’il veut. Ce ne fut pas faux. Le 15 novembre 1960, Gaston Berger, Directeur des enseignements supérieurs, préside la rentrée solennelle des premiers étudiants brestois. Le soir, il dîne chez Georges Lombard. Étonné par une sorte de ferveur qui a animé la journée, il promet la création du CLU. C’était beaucoup s’avancer mais ce fut fait. Non sans autosatisfaction, Georges Lombard raconte une scène vraisemblable qui aurait eu lieu au Palais Bourbon :

  • 24 Georges Lombard, op. cit., p. 50 et 51.

« Le député-maire de Limoges, Longe queue, m’apercevant, m’interpelle : Lombard, je voudrais te poser une question. Tu sais que je me bats pour ouvrir un collège littéraire à Limoges. J’ai encore été voir le Ministre hier. Il m’a répondu par la négative au motif, et je cite “que la France doit porter son effort sur les sciences”. Or, à l’Officiel de ce matin est paru le décret créant ton collège littéraire. Comment avez-vous fait à Brest ? L’arrêté pris, dès le 17 juin les travaux commencèrent et en 90 jours furent menés à bien »24.

23Droit, Médecine, École nationale d’ingénieurs suivirent : au début des années soixante, on était passé du point de vue de la formation approfondie, de la ville du Borda à celle des facultés qui s’implantèrent sur le plateau du Bouguen, suivant et accélérant l’éradication des baraques, ou à proximité de l’avenue Foch pour la faculté de Médecine qui prit également la place de quelques baraques, et de l’autre côté de la mer pour l’École navale. Yves Le Gallo devint Maître de conférences au nouveau CLU, Robert Gravot termina sa carrière à la direction de l’École supérieure de commerce… Une révolution silencieuse, qui transformait une ville de garnison dotée d’une petite aristocratie locale et d’un groupe intellectuel à la fois restreint et mobile par fonction, en un lieu ouvert et de plus en plus productif en matière scientifique, littéraire, théâtrale, musicale, était accomplie.

24Encore fallait-il reloger tous les Brestois et les éventuels immigrants, surtout régionaux, attirés par le développement de nouvelles entreprises, parfois éphémères chasseuses de prime à l’aménagement du territoire, surnommées couramment alors usines-pirates et surexploitant notamment la main-d’œuvre féminine, mais dont l’implantation avait permis de surmonter la crise due à l’achèvement de la reconstruction. Georges Lombard raconte le rôle que joua Pierre Randet dans l’attribution aux grandes étendues de baraques du Bouguen et aux campagnes de Bellevue du statut de Zone à urbaniser en priorité :

  • 25 Ibidem, p. 53 à 55.

« Ville reconstruite, Brest offrait un double visage : celui d’une ville où de nombreux appartements neufs ne trouvaient pas preneur, tandis que dans le même temps 18 000 personnes vivaient en baraques ! […] Mes premiers contacts avec le ministère avaient été décevants. On s’y posait la question de savoir si j’étais sérieux lorsque je réclamais, au bénéfice de Brest, le lancement d’une ZUP […] Je me souviens d’un long entretien accordé, immédiatement après les élections législatives, au préfet et aux parlementaires du Finistère, par Monsieur Randet, alors directeur de l’Équipement au ministère que présidait Monsieur Sudreau. […] Dès mon élection à la mairie, j’allai voir Monsieur Sudreau. Il me renvoya au directeur de la construction, Monsieur Macé. Je lui réclamai une ZUP, non pour “survivre”, mais pour permettre à Brest de faire face à son expansion. […] Monsieur Macé décida finalement de venir à Brest afin de se rendre compte de la situation. Il tint parole. Le 16 juillet 1959 il était sur place, utilisant l’hélicoptère pour “mieux voir” la ville, l’emplacement projeté pour la ZUP, celui réservé à l’université […] l’essentiel avait été atteint ! En rentrant à Paris, Monsieur Macé décida, en effet, d’inscrire Brest parmi les villes bénéficiaires de cette procédure alors nouvelle »25.

25Le bilan de ce temps très court – de 1957 à 1960 – est impressionnant. En trois ans, non seulement Brest avait préparé la création d’une Université, fait en sorte d’attirer de nouvelles industries dont toutes ne furent pas éphémères ni de mauvaise réputation technique ou esthétique – rien moins que Cabasse, Thomson, Alcatel, Empreinte… mais, à peine relevée de ses ruines, pensait déjà à se placer parmi les villes qui, par la législation concernant les ZUP – quelque mal que l’on puisse penser aujourd’hui des résultats de cette procédure – se plaçait en position d’expansion. Elle fut de plus parmi les pionnières d’une expérience peu partagée, celle des Communautés urbaines : la CUB (Communauté urbaine de Brest) avait certes été, on l’a vu, préparée de longue date par la création sous Vichy des Groupements d’urbanisme, mais les esprits, qui y étaient peu préparés, s’en sont remarquablement vite accommodés.

26L’ancienne littérature consacrée à la matière de Brest décrivait les habitants de cette ville comme des individus bizarres, à la fois têtus et, non pas versatiles, mais dotés d’une grande mobilité d’esprit. Ce n’était peut-être pas si mal vu car, pendant que s’opérait la révolution silencieuse qui transformait l’ancienne ville de garnison, se développait également le nouveau discours de la nostalgie.

Notes

1 Georges Lombard, Au service de Brest, de la Mairie à la Communauté, Brest, éditions de la Cité, 1976, introduction non paginée.

2 Ibidem, p. 10.

3 Entretien avec Paul Carquin, dont le père a écrit ce récit reproduit en hors-texte dans le catalogue de l’exposition d’Olivier Jullien organisée dans l’abri Sadi-Carnot à l’occasion du cinquantenaire de la libération de Brest, Restes et figures de la destruction de Brest, 1994, Ville de Brest.

4 Soldats allemands bien sûr, qui n’étaient certainement pas membres des colonnes fanatiques de Ramcke : leur conduite démontre à quel point ils se sentent, comme Erich Kuby, désengagés de cette guerre.

5 Il s’agit de l’abri des marins-pompiers, situé à peu près en face de l’entrée du côté allemand de l’abri Sadi-Carnot.

6 Les pompiers arrivent donc par le côté allemand.

7 Hervé Quéméner, « Aperçus de l’histoire électorale de la ville de Brest de 1954 à 1989 », in Histoire et politique, Mélanges offerts à Edmond Monange, Brest, 1994, p. 103 à 112.

8 Ibidem, p. 106.

9 Georges Lombard, op. cit., p. 25.

10 La plupart des données qui suivront sont issues d’un ensemble de papiers personnels confiés par Yves Le Gallo, et donc non référencées. Cf. Pierre Le Goïc, « À la recherche du notable perdu », in Élites et notables en Bretagne, Actes du colloque du CRBC, Brest, 1999, Christian Bougeard et Philippe Jarnoux dir.

11 Penn ar Bed : en breton, le bout, mais aussi la tête, du monde. Donc le Finistère, d’où un certain orgueil n’a jamais été, même sous cape, absent.

12 Maurice Caradec, Tribune libre, Brest clef de l’Atlantique et du problème breton, Brest, Presse libérale, 1962, hors-texte de 1963, p. 24.

13 Maurice Caradec était consul des États scandinaves. Entretien avec l’un de ses fils, lui-même courtier maritime, mai 1998.

14 Maurice Caradec était adepte des idées de Maurras, qu’il avait rencontré, puis admira de Gaulle. Même entretien.

15 Robert Gravot, préface à Tribune libre…, hors-texte de 1963.

16 Brest, port pétrolier, avait déjà été un rêve de la Chambre de commerce et d’industrie pendant l’entre-deux-guerres, selon Marie-Anne Richard, La Chambre de commerce et d’industrie de Brest, acteur du développement économique brestois, mémoire de maîtrise, Université de Bretagne occidentale, 1999.

17 Lettre de René Pleven à Yves Le Gallo, 29 juillet 1957.

18 Yves Le Gallo accepta, en échange d’un don de l’entreprise à la revue Penn ar Bed.

19 La réunion constitutive eut lieu dès le mois de décembre 1959. Yves Le Gallo fut élu au bureau.

20 Il s’agit bien de l’auteur du célèbre Paris et le désert français.

21 Jean-François Gravier, lettre à Yves Le Gallo, 19 janvier 1960.

22 Apellation qui correspondait, toutes proportions gardées, au Préfet de région.

23 Propositions exprimées dans une lettre à Yves Le Gallo signée d’Armand Keravel, animateur du mouvement bretonnant laïque et de gauche Ar Falz, « La Faucille », fondé par l’instituteur Yann Sohier, père de Mona Ozouf, et dans un article signé par Jean Le Duigou dans le moins laïque Courrier du Léon du 1er février 1958.

24 Georges Lombard, op. cit., p. 50 et 51.

25 Ibidem, p. 53 à 55.

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