Chapitre 8. Façades
p. 203-222
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Index géographique : France
Texte intégral
1Une fois rentrés en possession de leurs parcelles, les propriétaires gagnaient considérablement en liberté. L’adhésion à un groupement de reconstruction n’était pas obligatoire, et ceux-ci devaient d’ailleurs convaincre leurs éventuels adhérents des avantages que pouvaient leur procurer les Associations syndicales ou Coopératives de reconstruction. Ce plaidoyer pro domo était un passage obligé des discours d’introduction aux Assemblées générales. Des propriétaires qui venaient de subir des années d’adhésion obligatoire à une Association syndicale de remembrement pouvaient en effet aspirer à devenir leur propre maître d’œuvre. Mais dans tous les cas de fortes contraintes continuaient à s’imposer aux propriétaires sinistrés.
Une reconstruction encadrée
2Ouvrant l’Assemblée de l’ASRec de Brest – Recouvrance – Saint-Martin sud, en avril 1952, Mathieu Bougaran leur répondait à distance, témoignant par-là de l’existence de rumeurs et de conversations au sujet du type de reconstruction qu’il valait mieux choisir :
« Il est inexact de penser que la construction individuelle puisse se faire à de meilleures conditions que lorsqu’il s’agit d’opérations de Reconstruction1. Je profite de cette réunion pour le faire remarquer car il m’a été donné à plusieurs reprises d’entendre émettre des opinions tout à fait erronnées à ce sujet. Nous nous sommes efforcés d’obtenir des architectes une plus grande précision dans les prévisions financières ainsi qu’une plus grande rapidité dans les ajustements… »2
3L’adhésion à un groupement permettait en effet de bénéficier d’un suivi technique régulier et sévère – le groupement était habilité à accorder ou retirer leur agrément aux entreprises – et du poids de ce groupement sur le marché : « la confiance que nous avons pu inspirer aux diverses entreprises en raison de la sécurité financière que nous leur avons offerte jusqu’à présent, s’est traduite pour nos mandants par un bénéfice du fait des rabais obtenus »3. L’Association s’occupait également des achats de dommages de guerre abandonnés par autrui, en correspondant au niveau national avec le Centre régulateur ; elle-même constructrice d’IP, elle était bien placée pour conseiller les propriétaires qui n’avaient pas consacré la totalité de leurs indemnités à la reconstruction de leur bien principal et voulaient utiliser leurs reliquats sur le marché locatif. Enfin, ajoutait Mathieu Bougaran dans une note non datée, présentant succinctement le rôle des ASRec, « nous sommes l’intermédiaire (désintéressé) qui décharge l’adhérent de la paperasserie qui s’attache à la réédification de ce qui correspond en valeur actuelle de son bien détruit : contrats d’architectes, adjudications, passation des marchés […] Si nous avons dû être exigeants sur la qualité des travaux, nous avons dû parfois limiter les exigences de ceux qui n’admettent aucune imperfection ».
4En effet, l’adhésion à un groupement comportait des avantages. Il laissait libre le choix de l’architecte, qui devait être agréé par le ministère – mais cela était vrai aussi dans le cas d’une reconstruction individuelle. Mathieu Bougaran prenait soin de distinguer nettement, devant ses mandants, « vos architectes et nos services »4. L’Association n’était qu’un « organisme de gestion »5. Mais l’adhésion entraînait aussi des devoirs, au moins moraux – au fur et à mesure que les livraisons d’immeubles ou d’appartements s’accélèrent, les discours aux assemblées générales accordent de plus en plus de place à la question de l’entretien – mais qui pouvaient aussi avoir des implications financières :
« Notre expérience nous a aussi souvent prouvé que les occupations prématurées d’immeubles, je parle de celles qui ont lieu avant la réception provisoire, provoquent souvent une grosse gêne dans les travaux de finition et entrave presque toujours ceux dont la nécessité peut être constatée par la commission de réception. Par exemple, il est pratiquement impossible dans un immeuble habité de procéder à une réfection des plâtres jugés défectueux. Comme l’entrepreneur peut toujours refuser un abattement en indiquant son désir de remédier aux mauvaises exécutions, il est évident que le propriétaire sera désarmé »6.
5En cas de conflit grave, l’Association pouvait intervenir auprès de l’administration de façon à faire bloquer le versement des indemnités jusqu’à la mise en conformité des logements.
6Quelle que fût la solution qu’ils aient retenue – reconstruction individuelle, adhésion à une ASRec ou à une Coopérative7 – les propriétaires sinistrés étaient de toute façon par ailleurs astreints au respect d’une législation qui, elle, réduisait drastiquement leur liberté de choix. Un système d’indemnisation à plusieurs vitesses fut mis en place. Des plafonds furent institués au-delà desquels le sinistré ne touchait qu’une indemnisation en titres non négociables dans l’immédiat, ou voyait le reste de ses indemnités transformées en part différée qui serait versée quand le budget de l’État le permettrait. Dans un cas comme dans l’autre, le propriétaire ne pouvait reconstituer son bien, déduction faite de l’abattement de vétusté, que partiellement ou en apportant de l’argent frais. Alors que Jean-Baptiste Mathon avait rêvé d’une ville régulière, alignant des façades de 4 à 5 étages au plus, il ne put empêcher la floraison dans les quartiers les moins huppés d’immeubles à deux ou trois étages qui étalaient aux yeux du public la maigreur des créances sur l’État et surtout des fonds propres de leurs propriétaires.
7Cet étalement dans le temps de la reconstitution du capital foncier et immobilier se doubla d’une stricte réglementation de la nature de cette dernière. Comme souvent en temps de restrictions, une véritable loi somptuaire8 vint restreindre les prétentions au luxe des plus favorisés, invités à consacrer leurs reliquats à l’achat d’appartements à destination locative plutôt qu’à l’accumulation de cheminées en marbre rare, de planchers précieux ou d’arrogants atlantes. Dès son premier numéro, le bulletin trimestriel de l’Union nationale des Associations syndicales de reconstruction consacra trois pages à la jurisprudence en cours d’élaboration sur le « somptuaire ». Il s’agissait de déterminer avec précision quels éléments de construction pouvaient être considérés comme somptuaires et à ce titre être exclus du calcul de l’indemnisation :
« Considérant qu’en excluant d’une manière générale par l’article 16 de la loi du 28 octobre 1946 des éléments servant de base au calcul de l’indemnité, les aménagements ou éléments purement somptuaires que pourrait comporter le bien détruit, sans en donner une définition précise, le législateur a entendu laisser au juge le soin de discerner si tel aménagement ou tel élément du bien sinistré rentrait dans la catégorie ainsi dénommée eu égard notamment à sa destination, son utilité économique et sociale, son caractère normal, son prix et compte tenu des conditions de son emploi, ainsi que de sa mention dans la nomenclature des barèmes et bordereaux prévus par les articles 20 et suivants de la loi… »9
8Ainsi la Commission supérieure de cassation des dommages de guerre annula, le 7 décembre 1950, la décision de la Commission départementale de Charente-Maritime qui avait exclu l’utilisation de poudre et de coquilles de liège comme isolant thermique du calcul d’indemnisation d’un immeuble sinistré dont le chauffage central fonctionnait de manière satisfaisante. En revanche, elle confirma la décision négative de la Commission départementale de la Meuse à propos de l’utilisation de pierres de taille dans la reconstruction du siège d’une Caisse d’épargne. Mais elle estima que la Commission départementale de la Manche avait péché par excès d’indulgence :
« Considérant que tout en reconnaissant que les sculptures qui décoraient la façade de l’aile de l’Hôtel de Ville de Coutances appartenant à la Caisse d’épargne présentaient un caractère somptuaire, la Commission départementale a cependant décidé qu’un intérêt d’harmonie et d’esthétique était en jeu, devant lequel devait fléchir la considération de caractère somptuaire au sens où l’entend l’article 16. Considérant que la Caisse d’épargne de Coutances n’a pas été classée comme monument historique, que, d’autre part, aucune servitude n’imposait à ladite Caisse la reconstitution des sculptures détruites […] décide : Article 1er – La décision susvisée de la Commission départementale des dommages de guerre de la Manche en date du 17 novembre 1949 est annulée »10.
9Le 16 mars 1951, c’est la Commission départementale du Morbihan qui est épinglée pour avoir pris en compte dans un calcul d’indemnisation la pose de lambris : « Si des lambris sont couramment employés pour protéger les murs des pièces spécialement exposées à l’humidité, il en est autrement pour les pièces n’entrant pas dans cette catégorie de locaux et pour lesquelles cet élément coûteux et techniquement inutile est d’un emploi tout à fait exceptionnel et par suite présente un caractère purement somptuaire »11.
10La reconstruction ne s’annonçait pas guillerette, d’autant moins que chaque architecte agréé devait soumettre ses projets à un collègue chef de groupe chargé d’harmoniser l’ensemble d’un îlot. Sévérité au-dedans comme au-dehors, contrôle tatillon de l’espace privé et de sa façade publique, autrement dit du cœur même des stratégies de distinction immobilière : les dénonciateurs de la parastalinienne chape de glace qui se serait abattue sur Brest après le déluge « de feu, de fer, d’acier, de sang » n’auraient-ils pas finalement raison ?
Contrainte créatrice et stratégies de distinction
11On ne reviendra pas sur les différentes connotations du mot stratégie. Il est pris ici dans le même sens qu’à propos du remembrement, c’est-à-dire comme une composition complexe d’intentionnalité, d’intériorisation des règles du jeu dans lesquels les termes des choix sont prédéfinis, et d’autojustification sincèrement crue de ces choix, avant, pendant et après le temps de la décision et celui, désespérément long et propice aux désamours, de son effectuation. Les dossiers personnels constitués par l’ASRec, qui contiennent les dates et lieux de sinistre, dans la plupart des cas les plans et élévations des immeubles perdus et reconstruits, les contrats d’architecte et les mémoires d’entreprises sont les traces de ces problématiques entreprises de séduction et d’autoaffirmation, échappant aux rets d’une législation rigide.
Savoir-faire sans somptuaire
12Mettre en avant les qualités de l’immeuble disparu, de façon à obtenir un niveau satisfaisant d’indemnisation, tout en sachant que les éléments somptuaires ne seraient pas pris en compte exigeait une habileté certaine, et une dose de résignation que tous ne partageaient pas. Il fallut une capacité d’adaptation importante pour intérioriser les changements du discours officiel : en 1946, on était encore fondé à croire que la reconstitution serait effectivement faite à l’identique. L’accumulation des détails concernant les biens sinistrés – photographies, témoignages de voisins, anciens plans – fut d’abord vraiment conçue comme un moyen d’obtenir le financement de leur restauration. Puis il fallut comprendre que ces traces du passé, comme les devis dits de reconstitution à l’identique, étaient devenus autant de bases d’un artifice comptable permettant d’asseoir une estimation la plus exacte possible des indemnités dues. La matérialité des biens sinistrés ne serait jamais retrouvée. Rédigées entre espoir et résignation, les déclarations de sinistre permettent d’avoir une idée assez précise de ce que pouvaient être les immeubles brestois jusqu’au siège, et de ce qu’avaient en mémoire leurs propriétaires quand ils eurent à choisir, avec l’aide de leurs architectes, de nouveaux plans et de nouvelles façades.
13La pauvreté des immeubles de rapport a déjà été évoquée dans la première parie. L’uniformité était de mise, et les intérieurs trop dépouillés pour avoir été décrits en détail. Les façades hautes et étroites, l’absence de profondeur et de lumière, la forme irrégulière et incommode des parcelles étaient la règle. Les droits à indemnité générés par ce parc obsolète furent transférés soit sur les IP collectifs, soit regroupés pour donner à l’immeuble principal d’un propriétaire l’allure cossue que ne présentaient pas ses anciens murs.
14Dans l’ancienne ville, des immeubles patriciens coexistaient, en mitoyenneté parfois, avec les tristes maisons de rapport. La fantaisie était rare : quelques manifestations inspirées de l’Art nouveau ou, entre les deux guerres, des Arts déco, quelques bow-windows, quelques baies ornementales. Mais pour l’essentiel la réputation d’uniformité de l’ancien Brest, même dans ses rues les plus huppées, n’était pas moindre que celle du nouveau. Les signes extérieurs de richesse restaient simples : une porte cochère, un ou plusieurs garages en fond de cour, et surtout l’emploi de pierres de taille, la présence d’éléments de modénature nettement saillants qui offrent aux yeux du public une utilisation volontairement excessive, dispendieuse, du matériau suffisent à signaler la richesse. À l’intérieur, la présence d’un seul appartement par étage courant constitue une « présomption en faveur de la qualité de l’immeuble »12, et maint détail prête à discussion sur son caractère somptuaire. L’un des immeubles les mieux documentés – son propriétaire multiplia photographies, y compris aériennes, témoignages de voisins et d’architectes, exploits d’huissiers, dossiers de réévaluation – fut l’objet de discussions extrêmement pointilleuses. Un « habillage soigné » des murs, en l’espèce du lambris, ne fut considéré comme d’usage normal que dans les salons et salles à manger, et seulement aux 1er, 2e et 3e étage. Un habillage soigné dans les autres pièces, ou au rez-de-chaussée, de même que dans les chambres de bonne était considéré comme somptuaire et n’était donc indemnisé qu’au prix du papier peint. Le parquet à la Versailles ne fut susceptible d’être indemnisé que dans les salles de réception des trois étages. Les cheminées furent classées en plusieurs catégories, les plus luxueuses étant en marbre à pieds de griffon. Quand Maurice Piquemal estimait que la limite du somptuaire était, comme ici, atteinte, il notait simplement en marge du rapport : « pas de discussion ». Ces contraintes fortes ne produisirent cependant pas une succession de façades planes et uniformes, ne présentant aucun excès de matériau.
15Tous les moyens furent bons pour distinguer une façade de sa voisine, ou l’intérieur d’un appartement de celui d’un autre. Sans compter que, si les matériaux étaient rares et leur disponibilité réglementée, le somptuaire n’était pas à proprement parler interdit. Il n’était simplement pas indemnisé. En fonction des fortunes, des désirs, voire de conceptions éthiques, il était possible de mimer ou de reconstituer des éléments somptuaires et même de se distinguer en s’abstenant systématiquement d’en afficher.
16À l’extérieur, le ciment et les enduits permettaient de créer à peu de frais des volumes qui rappelaient les anciennes modénatures. Les solutions les moins imaginatives consistaient à imiter la pierre par toutes formes de scarifications opérées sur le ciment frais. Cette imitation ne devait pas prétendre au réalisme : on a vu que Jean-Baptiste Mathon avait interdit la fausse pierre et le faux marbre.
17Les encadrements de fenêtres étaient à la mode dans les milieux de la reconstruction. Ils peuvent souligner les fenêtres séparément, ou mettre en valeur, à la verticale, les travées et à l’horizontale les appartements. Les volumes de ces encadrements peuvent être pauvres et comme surajoutés, ou au contraire former la structure même de la façade. Les modénatures n’utilisant pas de matériau noble étaient un moyen efficace – et indemnisé – d’afficher une différence. Mais on pouvait aussi avoir les moyens d’orner au moins le soubassement, voire l’encadrement de la porte principale en pierres de taille ou, plus audacieusement, d’utiliser à grande échelle la moins coûteuse pierre reconstituée. Enfin la décoration métallique des rebords de fenêtres, des balcons et de portes imposantes ne semble pas avoir posé de problème de financement, tant elle fut abondamment utilisée, et souvent avec fantaisie. Les IP collectifs eux-mêmes présentent une importante longueur de décor métallique, moins contourné certes que celui des immeubles patriciens. (Photographies 10, 11).
18À l’inverse, mais rarement, l’absence volontaire de signes distinctifs ne constitue-t-elle pas une forme subtile de distinction ? Le flanc d’un îlot entier, proche du centre de la rue de Siam, est occupé par des immeubles qui ressemblent à des barres de quartiers populaires : fenêtres petites et peu soulignées, séchoirs à claire-voie. Aux deux extrémités de cet îlot s’élèvent des immeubles d’aspect plus classiquement cossu. Dans cet îlot d’aspect austère, l’architecte Gaston Chabal possédait avec des consorts 23 mètres de façade ; les autres propriétaires étaient des commerçants connus. Ces immeubles d’aspect banal – mais en fait moderniste à ce moment où les Brestois n’avaient pas encore connu les quartiers de barres – furent signés par Ouchacoff, Péron, de Jaegher, Lopez et Gravereau, Le Rouzic, Tassel : pas moins de 6 individus ou cabinets, et non des moins connus, pour 7 immeubles dont, paradoxalement, les différences sont les moins apparentes possibles. Il est vrai que cette barre, inclue dans un îlot classique, fonctionne dans une large mesure en trompe-l’œil : elle constitue aussi l’arrière d’un square, désigné dans les devis de l’ASRec comme « le mail », et s’y prolonge par des pavillons individuels dont la présence est exceptionnelle dans cette partie de la ville. (Photographies 12, 13).
19Dans les intérieurs, les plans et les éléments décoratifs témoignent des mêmes soucis de distinction. Les gains en confort sont, par rapport à l’avant-guerre, conséquents. Même les chambres louées – il en reste – sont désormais dotées de points d’eau et au moins d’un WC par étage et pour 5 personnes13. La dédensification a automatiquement agrandi les pièces – cette tendance touchera même les immeubles modestes construits sur les terrains de compensation. Les chambres ne mesurent plus guère moins de 15 m2. Salles de bains ou cabinets de toilettes, halls de distribution, vastes placards sont présents à tous les étages courants. Pour le reste, beaucoup dépend de la surface disponible, mais aussi du mode de vie choisi. Ainsi, sur des surfaces sensiblement égales – les plus vastes – se développent divers modes de vie, tous valorisants à leur manière. À l’ancienne, quand le plan de reconstruction révèle la présence de chambres de bonne14, d’un couple cuisine-office, de salles à manger nettement séparées du salon, de pièces de réceptions15, voire d’un fumoir16, de chambres assez vastes pour y recevoir. Plus moderne avec la fréquente apparition de « living-rooms », situés de façon privilégiée, quand c’était possible, dans les mêmes arrondis de coin de rue que les salons, et avec l’absence d’une domesticité logée. Le reste était affaire de décoration intérieure, et n’a guère laissé de trace à l’exception d’un appartement qui constitue un véritable défi lancé à l’austérité ambiante : décor mouluré Louis XVI, corniches de stuc, cheminée monumentale en marbre style Louis XVI dans la chambre principale ; boiseries sculptées Louis XV en chêne dans le grand salon ; lambris de chêne, décor Louis XIII dans la salle à manger ; cheminées de marbre assorties au style des pièces ; vitres arrondies pour les pièces d’angles, fabriquées sur mesure à Paris17. Il faut bien qu’une exception vienne confirmer la règle.
Fantaisies architecturales
20S’il est un cliché indéracinablement ancré dans les descriptions de la ville reconstruite, c’est celui d’une architecture uniforme, normalisée d’avance par le plan Mathon. Nous avons déjà évoqué quelques exemples de différenciations entre façades et îlots voisins. Or cette différenciation est bien plutôt la règle, y compris le long des artères les plus en vue. La marge de manœuvre des architectes d’opération par rapport aux architectes-chefs de groupe qui étaient chargés de veiller à l’harmonie des constructions d’un îlot semble avoir été confortable. Tout d’abord, on l’a vu, certains propriétaires n’eurent pas les moyens de reconstruire le nombre d’étages souhaité, sans pour autant être assez démunis pour être condamnés à se contenter d’une copropriété ou d’appartements en IP. Il fallut se résigner à accepter de voir la ligne de crête des toits affectée de créneaux parfois très marqués. (Photographie 14).
21Mais ce n’est pas la seule explication de la variété de formes qui a affecté les façades. Pour une bonne part, elle fut un effet de la volonté des propriétaires et de leurs architectes d’opération.
22Jean-Baptiste Mathon avait souhaité structurer l’axe principal de la ville, celui qui l’ouvrait sur la mer, autour de quelques marques fortes judicieusement réparties. Il s’était réservé à cet effet la conception de façades ordonnancées enchâssant le futur Hôtel de ville – entièrement parées de granit, jugé approprié, donc non somptuaire, à la mise en scène du pouvoir municipal – et, plus loin, soulignant l’entrée élargie de la rue de Siam puis son intersection avec la perspective joignant la cité administrative à la Banque de France. Une fois les façades esquissées par le maître, leur réalisation pouvait échoir à d’autres architectes. Le dernier immeuble ordonnancé de l’îlot Bj, au coin de la rue de Siam et de la rue de Lyon, fut par exemple construit sous la responsabilité d’Ernest Germain18. Mais l’unité de style devait suffire à rendre lisibles les grandes lignes du dessein de Jean-Baptiste Mathon, et à créer un effet d’entraînement qui empêcherait la reconstruction de basculer dans l’hétéronomie. L’urbaniste eut en partie gain de cause : au croisement de la rue de Siam et de la rue de Lyon, les deux premiers immeubles des îlots libres qui répondent aux façades ordonnancées en reprennent à peu près la hauteur et les volumes, dont la monumentalité correspondent bien à l’esprit dans lequel l’urbaniste avait imaginé cette partie de la ville19. Encore l’allure de ce couple d’immeubles est-elle assez différente. Celui qui ponctue l’îlot Ay paraîtrait fort classique si le regard ne l’associait pas involontairement à son vis-à-vis, beaucoup plus audacieux dans l’usage ostentatoire qui y est fait des piliers de béton, partout ailleurs dissimulés, et des vitres de très grand format. Cet immeuble original, construit par une société parisienne, les Grands magasins Sigrand, frappa d’autant plus les esprits qu’il fut la première surface commerciale importante inaugurée rue de Siam en un moment où les commerçants de la Cité provisoire persistaient dans leur résistance passive.
23Immédiatement après ces deux faux jumeaux qui forment comme des portes massives ouvertes sur la rue de Siam, la plus grande des fantaisies se déploie. Aucun de ces immeubles – dont certains ont été il est vrai quelque peu malmenés par les ans et les hommes – n’était, selon leurs plans originels, identique, ni même comparable à son voisin. Le plus original, dessiné par Hervé Péron20, affiche avec audace une matière – la pierre reconstituée – inusitée partout ailleurs dans la rue de Siam, et une organisation originale des ouvertures et des modénatures (Photographie 19). La corniche supérieure cache même un balcon qu’il était au contraire plutôt d’usage de montrer. Quant à l’immeuble qui suit immédiatement, il compense une longueur de façade assez importante, en tout cas en comparaison de ses voisins plutôt efflanqués, par une réduction tout aussi importante et d’autant plus visible de sa hauteur. À quelques pas des façades ordonnancées qui enserrent l’îlot Ay par le haut et par le bas, cette variété confine au désordre et ne confère certes pas à cette portion de rue de Siam l’excès de sérieux qu’on lui reproche souvent.
24Cette variété se retrouve à tous les coins de rue. Les îlots tôt remembrés grâce à des procédures amiables font coexister les toits à forte pente et couverture d’ardoises d’un style néo-breton, abandonnés dans les opérations ultérieures de reconstruction, et des immeubles plus classiques ou d’esprit indéfinissable (Photographie 20). D’autres choix vont plutôt dans le sens d’un modernisme affiché : la façade d’un ancien restaurant-pâtisserie, dessinée par l’architecte Demidoff, présente de larges baies horizontales et arrondies en coin de rues (l’une des baies originelles subsiste au dernier étage), dotées de stores déroulants21, autant de détails rares dans la reconstruction brestoise.
25Chacun de ces choix est suffisamment fort pour exprimer une volonté d’identification par l’habitat, que l’on peut attribuer aux propriétaires eux-mêmes sans risque d’erreur quand un même architecte répond à des commandes d’origine différente par la conception d’immeubles très dissemblables. D’autres architectes s’en tiennent à un style, plutôt classique comme Maurice Philippe22, Édouard Mocaër23, Jean-Roger Monge24, ou plutôt moderne comme Hervé Péron25. Dans ce cas, c’est en les choisissant que les propriétaires affirment leur préférence, quand ils ne se portent pas vers des architectes différents en fonction du quartier dans lequel ils reconstruisent et de la destination qu’il donnent à leur immeuble. Ainsi le même propriétaire choisit-il pour sa résidence de la rue Voltaire un style sobre, propre à se fondre dans l’ambiance de cette rue cossue et sérieuse : il fait alors appel à Édouard Mocaër. Pour paraître, rue de Siam, il demande à Ouchacoff de lui préparer une tenue de sortie, plus décorative, plus propre à attirer le chaland dans les quatre pas-de-porte qu’il met à sa disposition (Photographies 21, 22).
26Il ne faudrait cependant pas forcer le trait. Au moins deux styles standard se sont imposés, tous architectes confondus, au fil des rues. Ils ont formé le fond sur lequel s’enlève la diversité. Les propriétaires les moins fortunés dont les indemnités leur permettaient toutefois de réaliser une reconstruction dans l’hypercentre, mais aussi des acteurs influents de la reconstruction, à l’assise foncière indiscutable, adoptèrent souvent un modèle simple d’immeuble : pas-de-porte, entrée commune, trois à quatre travées soulignées par des encadrements verticaux qui donnent incontestablement leur rythme aux rues secondaires de l’ancien intra-muros.
27L’ASRec choisit pour les IP compris entre la rue de Lyon et le boulevard Thiers un style plus monumental, dont l’ampleur était rendue possible par le cumul des indemnités de ses mandataires, mais relativement uniforme. Il reste qu’il s’agit davantage d’un effet de mode, et d’un choix de facilité fait par les architectes, que du résultat d’une pression exercée par les architectes chefs de groupe. Il semble qu’un effort ait été fait pour que les extrémités d’îlots, qui étaient les plus coûteuses relativement au nombre de m2 cédés gratuitement à la voirie municipale sur le pan coupé, mais dont l’image était d’autant plus valorisantes, tendent vers la symétrie. Il était alors possible de choisir un même architecte pour deux immeubles en coin, à moins que deux architectes de cabinets différents ne s’entendent au point de donner un résultat tout à fait ressemblant.
28On retrouve de nombreuses traces des styles de base de la reconstruction dans des quartiers de maisons individuelles développés en dehors des périmètres de reconstruction, donc en dehors de toute réglementation autre que celle des permis de construire. Un architecte n’est pas obligé d’être inventif, mais une clientèle libre n’est pas obligée de le choisir. Ces constructions individuelles révèlent plus le développement d’un goût qu’une rareté de l’offre esthétique. Le « style » carré, aéré, souligné de sobres éléments de modénature paraît avoir été considéré comme un signe de modernité. C’est en fait un bricolage souvent riche d’inventions qui semble avoir dominé sans trop de doctrine l’architecture civile, alors que l’architecture religieuse fut le terrain d’une véritable bataille des Anciens et des Modernes, la seule à être conceptualisée, explicitée, et à aboutir à des réalisations rationnellement élaborées.
Façades religieuses : la querelle des anciens et des modernes
29Les églises brestoises se trouvaient toutes, après la guerre, dans une situation exceptionnelle. On pouvait remonter des murs, réinstaller des toitures et des clochers, poser des vitraux de verre blanc. On pouvait aussi profiter de l’occasion pour en finir avec ces édifices néo-gothiques considérés alors par les professionnels comme étant dépourvus de tout intérêt artistique, mais qui restaient chers au cœur des fidèles un peu âgés et des prêtres qui avaient accompagné leur vie, et construire résolument les lieux de prière du xxe siècle. À Brest, tout fut tenté, et argumenté. Dans le champ de ruines laissé par la guerre, l’Église fut la seule institution à être traversée par un débat explicite à propos de ce que devait devenir l’architecture de la cité nouvelle, et à produire des bâtiments qui, eu égard aux critères du temps, étaient non pas modernes mais modernistes. De vieilles pierres furent préservées, mais illuminées de vitraux abstraits aux chatoyances inédites. Des églises nouvelles furent édifiées. L’usage polyvalent du béton armé devenu plus disponible que dans le moment d’urgence de la reconstruction des habitations contribua aussi bien à créer des nefs aériennes qu’à manifester, dans une paroisse ouvrière, une volonté ostentatoire de pauvreté, voire de laideur assumée.
« Prier sur de la beauté ? »
30La question fut posée, à la première page de L’Espoir, mensuel d’information religieuse, successeur des Échos des paroisses de Brest, dans son numéro de janvier 1951, précédant de sept ans l’ouverture au culte de la nouvelle église Saint-Louis. Il s’agissait pour le rédacteur de convaincre ses fidèles lecteurs du bien-fondé de choix architecturaux encore inaboutis, qui risquaient de déranger leurs habitudes esthétiques dont certaines ne prenaient leurs racines qu’à la fin du siècle précédent lequel avait vu quelques quartiers se couvrir d’un gris manteau d’églises néo-romanes ou néo-gothiques. L’auteur de l’article26 était manifestement convaincu de la nécessité de faire appel, pour construire les nouvelles églises, « aux témoins les plus vigoureux de l’art contemporain ». Mais il était persuadé que des réticences se manifesteraient, et qu’une éducation du goût serait nécessaire : « C’est du moderne, dit-on, devant les œuvres de ces artistes […] Faire œuvre d’art, ce n’est pas nécessairement faire ressemblant […] Vous êtes choqué par le désordre apparent des vitraux modernes. Mais un vitrail, ce n’est pas un gentil petit saint peint sur un carreau blanc. C’est le jeu des couleurs qui importe, et la lumière qu’elles répandent dans le sanctuaire […] Il y a donc une éducation à acquérir ». Effectivement, passé ce premier article, une longue série de textes didactiques fut consacrée à justifier l’aspect novateur de l’église Saint-Louis après la pose de sa première pierre symboliquement récupérée dans les ruines de son aînée et scellée le samedi 29 janvier 1955 par Monseigneur Fauvel, évêque du diocèse de Quimper et de Léon. Les plans du futur édifice avaient été dévoilés à l’occasion de la Noël 1954 dans les locaux de l’église provisoire située dans le quartier de l’Harteloire, et n’avaient guère suscité l’enthousiasme. C’est en tout cas avec la plus extrême prudence que le pédagogue prit la plume pour justifier un choix architectural dont on verra à quel point il était inattendu : « Cela aidera à comprendre le “parti” qui a été adopté, et peut-être, ensuite, à l’aimer »27. Mois par mois, de février à juillet 1955, puis de juin 1957 à mai 1958, une suite d’articles doctrinaux de haute tenue tenta d’emporter une adhésion qui était loin d’être acquise. On était évidemment persuadé en haut lieu que modernisme architectural et modernisation liturgique étaient indissociables.
31Le rédacteur des articles de L’Espoir avait certainement été un lecteur de la revue L’Art Sacré, fondée en juillet 1935 par un groupe d’artistes laïcs et d’ecclésiastiques, et relancée par les éditions du Cerf en 1937. La direction en est confiée aux pères dominicains Regamey et Couturier, qui assignent à la revue « une tâche pédagogique envers les hommes d’Église. Tout au long de son existence, la revue sera le porte-parole de l’art sacré moderne, expliquant ce qui est beau, et sur quoi il convient de lutter »28. Le curé d’Assy, paroisse montagnarde proche d’Annecy dotée d’un aérium, fit appel à leurs conseils au moment d’élaborer les plans d’une église « moderne », en forme de chalet élargi. L’architecte, Maurice Novarina, sut transcender le style local et surtout faire appel pour la décoration intérieure à une diversité d’artistes dont l’inspiration non sulpicienne fut parfois critiquée. L’expérience d’Assy, comme celle, antérieure, du Raincy (l’église en béton armé imaginée par Auguste Perret, reconstructeur du Havre, fut bénie le 17 juin 1923) furent suivies de près dans le diocèse du Finistère à partir du moment où Monseigneur Fauvel remplaça Monseigneur Duparc.
32L’église Saint-Louis était reconstructible. Ses fondations étaient restées solides, ses murs ruinés s’élevaient à une hauteur suffisante, son style jésuite était relativement simple à reconstituer. La volonté de l’urbaniste, et du délégué départemental adjoint, catholique convaincu, fut d’interdire cette reconstitution en maintenant le tracé d’une rue remblayée qui devait couper et enfouir une partie de l’ancien édifice. Cette décision ne suscita aucun conflit. Sur le modèle des autres groupements de reconstruction, la Coopérative s’attacha à produire du neuf : « l’abbé Le Gall fut directeur de la coopérative de 1946 à 1950. Ce vicaire de Saint-Louis entreprit lui-même de réunir les dossiers administratifs […] Il choisit lui-même de se retirer en 1950 […] Monseigneur Fauvel nomma alors à ce poste l’abbé Joseph Le Beux »29. Ce dernier fut le personnage-clef d’une conception consciemment moderniste de la construction d’églises dans le nouveau Brest. Joseph Le Beux partageait avec Monseigneur Fauvel, le chanoine Hélou, secrétaire général de l’évêché, le chanoine Balbous, curé de Saint-Louis, les conceptions issues de la revue L’Art Sacré. Une Commission diocésaine d’art sacré fut créée le 20 mai 1949. Elle avait pour objet de contrôler, dans l’esprit planiste de l’époque, les contacts entre les artistes et l’institution par l’intermédiaire du curé. L’abbé Louis Calvez confirmait30 le rôle que le chanoine Hélou, secrétaire général de l’Évêché, tint dans ces choix architecturaux. Selon Yann Celton, « son influence était considérable sur les autres membres […] La vision de l’art sacré qu’avait le chanoine Hélou était audacieuse. Grâce à la Commission, l’art sacré contemporain fait son apparition. Les vitraux kitch du xixe siècle sont remplacés par d’autres plus modernes »31.
33La décision de construction d’un édifice de culte capable d’accueillir les anciens paroissiens des Carmes et de Saint-Louis fut approuvée le 25 octobre 1948 par le Conseil municipal de Brest32. L’édifice s’annonçait important ; il s’agissait davantage d’une cité paroissiale intégrant des salles de réunions, voire de spectacle, que d’une église : « Sur cette place doit s’ériger l’église Saint-Louis qui est à la fois l’église paroissiale de Brest-Centre […] et l’église principale d’une ville de plus de 100 000 habitants »33.
34Les architectes ou cabinets d’architecture furent 25 à repondre au premier appel d’offres. La majorité d’entre eux était déjà engagée dans la reconstruction de la ville : Gervais, Francès, Cortellari, Heuzé, de Jaegher, Michel, Lacaille, Lechat, Perrin, Péron, Weisbein, Philippe, Vacher, Grangé, font partie, séparément ou en groupe, des reconstructeurs civils les plus fréquemment cités dans les dossiers individuels de reconstruction. Ils connaissaient donc parfaitement les procédures, les conditions de financement, les acteurs et leur imaginaire. Deux groupes seulement furent retenus pour participer au tour suivant. Personne ne pouvait ignorer que de Jaegher était le collaborateur de Jean-Baptiste Mathon ; il fut mis en concurrence avec le cabinet à géométrie variable Michel, Lacaille, Lechat, Perrin, Péron, Weisbein. Yves Michel, qui travailla par ailleurs à l’abbaye de Landévennec, à l’église de Guipavas, au Carmel du Relecq-Kerhuon, semble avoir été la conscience spirituelle de son groupe. Jean-Baptiste Mathon, s’il faut en croire Jean Lacaille, « n’était pas du côté de l’Église »34. Deux sensibilités se seraient-elles affrontées à l’occasion de ces concours ? Si c’est le cas, cela pourrait expliquer les tribulations du projet finalement retenu, celui du cabinet Michel. De Jaegher protesta auprès du Conseil de l’Ordre et obtint une nouvelle réunion du jury, le 10 novembre 1950, mais fut finalement débouté le 24 juillet 1950, lors d’une réunion qui permit à l’extrême confusion d’esprit de ses membres sur ce que devraient être le nouveau centre paroissial et la principale église d’une grande ville de s’exprimer.
35Des deux offres, celle de De Jaegher était la plus conforme à la manière de voir des lecteurs de l’Art sacré. Il n’y avait pas mis à vrai dire beaucoup d’invention. Son projet, dénommé Rosa mystica, démarquait sans ambage l’église du Raincy. Tout y était : utilisation du matériau brut, organisation des volumes, forme du clocher. On pourrait penser que l’excès du pastiche avait excédé le jury, et qu’il était normal, Jean-Baptiste Mathon n’étant pas Auguste Perret et n’ayant pas décidé de faire de Brest un autre Havre, que ce modernisme déjà vieilli fût rejeté. Mais le projet finalement retenu manifestait, à l’inverse des convictions des ecclésiastiques lecteurs de l’Art sacré, une incapacité totale à se détacher des formes anciennes de l’architecture religieuse. Le cabinet gagnant avait utilisé l’anonymat des dossiers pour en présenter plusieurs, tous marqués par un esprit nostalgique : cathédrale néo-gothique en béton ou chapelle bretonne surdimensionnée. Si cette forme ancienne à peine repensée avait été réalisée, Brest serait devenu un lieu inédit du mariage du béton armé et d’un ruralisme affirmé. Même la forme de la croix latine n’y manquait pas, contrairement à la lumière qui ne pouvait qu’à peine sourdre de meurtrières étiques. Il est vrai que le projet de De Jaegher était le plus coûteux (4 881 888 120 francs contre 316 365 000 francs, 475 410 000, 356 690 000 pour les trois dossiers déposés par le cabinet Michel). Mais les préoccupations de forme ne furent certainement pas absentes ; on choisit les plus familières.
36Or les auteurs de l’esquisse retenue connurent la grâce. Une fois le sort de leur concurrent principal réglé, ils allèrent chercher en Suisse une nouvelle inspiration. Ils construisirent, au mépris de toutes les règles juridiques puisqu’ils ne respectèrent en rien le projet présenté et choisi, mais au bénéfice d’une ville qui en acquit un renforcement de son image citadine, un monument explicitement conçu pour incarner une modernité ecclésiale.
37Plus la moindre trace de néo-gothique en effet dans les églises admirées en Suisse par le groupe. Saint-Antoine de Bâle, dessinée par Karl Moser, combine les lignes rectilignes et l’alternance verticale de la pierre et du verre qui caractériseront l’édifice brestois. L’opposition du mur massif et aveugle aux hautes travées lumineuses animent, à Bâle, l’église de la Toussaint conçue par Hermann Baur. Ces traits se retrouvèrent dans l’église reconstruite de Brest. Par rapport aux plans initiaux, seule la forme du clocher, transformé cependant en campanile détaché, et amputé de quelques mètres pour des raisons financières, fut à peu près conservée.
38Le rythme de publication des articles destinés à justifier par avance le style de la nouvelle église n’est sans doute pas sans rapport avec ces péripéties. Ils deviennent en effet réguliers à partir de la pose de la première pierre. Le rédacteur veut prévenir les réactions des fidèles, qu’il présume surpris par les plans définitifs exposés dans l’église provisoire : « Les réactions ont certainement été très diverses devant ces épures. Il en est peut-être qui ont approuvé, avec ou sans réserve ; il en est aussi probablement qui ont observé un silence prudent… d’autres enfin qui ont dit que cela n’a rien d’une église. […] Peut-être est-il bon, avant de porter un jugement, de se demander ce que doit être une église »35.
39L’auteur des articles de L’Espoir promouvait l’usage contrasté et intellectualisé du béton et de la pierre locale. La réflexion sur le matériau était approfondie. La connotation ruraliste, voire passéiste du matériau sensé aider à fondre le bâti dans un cadre naturel était ce contre quoi l’auteur de l’article argumentait. Après tout, le même dessin du clocher, la même pierre jaune de Logonna servirent à des lieux de culte aussi éloignés de la carrière que ceux de Guipavas, Landévennec ou Saint-Louis. Aucune incrustation locale de l’homme dans un cadre géologique quelconque n’était à l’œuvre dans ce transfert de la pierre jaune à des pays plutôt verts ou gris. Il était cependant, depuis l’apparition du sentiment romantique d’appartenance et d’enracinement, devenu de sens commun de croire en une adéquation de l’individu à la pierre. Sur le moment, l’arrivée des blocs de schiste jaune rassura les pratiquants. Mais le rédacteur des articles les rabrouait :
« Certains, paraît-il, ont éprouvé un sentiment de soulagement quand ils ont su que l’église Saint-Louis ne serait pas bâtie uniquement en béton. L’emploi de la pierre leur paraît garantir qu’elle ferait plus sûrement église. Ce n’est pas le motif qui a fait opter pour l’association des deux matériaux. Le béton armé a été choisi parce qu’il est le matériau de notre époque, parce qu’il offre des possibilités techniques et économiques que ne donne pas la pierre »36.
40Il était évident que le béton était, à volume et surtout élévation égaux, bien moins coûteux que la pierre de taille. Mais le rédacteur de l’article utilisait l’argument économique pour défendre l’idée architecturale que ses lecteurs risquaient de ne pas apprécier : le rôle fondamental du béton dans l’église, mis en valeur par son opposition à la pierre. Dans l’église Saint-Louis, les deux matières se magnifient l’une l’autre, et les raisons économiques y sont pour peu.
41Le mur de lumière à droite, permis par les capacités porteuses du béton, donne par contraste toute sa valeur au mur de pierres, presque aveugle, illuminé par de rares et étroites ouvertures. Une symbiose des contraintes et des libertés des époques dites romane et gothique structure l’intérieur. À l’extérieur, des colonnes de béton, des portes de bronze travaillé évoquant le feu qui avait emporté la ville attendaient les fidèles. Mais ceux-ci devaient encore s’habituer à l’iconographie interne.
42L’abstraction lyrique et géométrique associées, les jeux de lumières et de couleurs avaient dominé la conception des vitraux. L’abstraction régnait dans les ouvertures du mur de pierres (Jacques Bony) et la chapelle annexe dite du Saint-Sacrement (Léon Zack). Les grandes verrières dues à Maurice Rocher mêlaient une structure orthogonale des plombs, rappelant celle des rues et des échafaudages édifiés autour de l’église au moment d’une visite de l’artiste37 et des rectangles de couleurs vives rappelant la technique de Mondrian, à des représentations stylisées de saints géants. La géométrisation de l’ensemble devait être atténuée, du fait de l’utilisation de verre clair (et non blanc), par la pénétration dans la nef de l’ambiance atmosphérique locale réputée changeante. Restait aux fidèles à vivre la célébration devant un autel tabulaire de pierre noire et un calvaire, conçu par Philippe Kaeppelin, qui semble avoir exprimé par son volume et ses contorsions une souffrance dont certains avaient peut-être oublié à quel point elle est décrite dans les évangiles. Cela faisait beaucoup à accepter, plus en tout cas que la recomposition de la cité civile (Photographies 23, 24, 25).
43D’autres intrusions de la modernité transformèrent plus discrètement mais irrémédiablement le style de vie des passants ou des messalisants. Saint-Martin, Saint-Michel, Saint-Pierre furent reconstruites ou réparées, sinon à l’identique, du moins dans la continuité du style précédent. Saint-Marc retrouva une flèche en béton, mais de forme classique. L’église de Lambézellec avait été assez gravement endommagée pour donner lieu à une expérience architecturale. C’eût été sans connaître le curé – doyen de la paroisse, qui ne pouvait considérer comme légitime qu’une reconstitution à l’identique. Le chanoine Chapalain n’envisageait pas que l’on ajoutât une modernisation architecturale à de trop nombreux changements doctrinaux qu’il avait décidé de ne pas vouloir comprendre. Les murs de son église ruinée furent donc remontés, mais pourtant surmontés d’une flèche de béton due à l’architecte de la ville, Jean-Marie Chevallier, et illuminée par les vitraux abstraits conçus par le père André Bouler.
44Le quartier dit du Landais était, avant l’établissement du pont fixe dont il constitue une extrémité, un confins rural de l’ancien intra-muros. Son intégration dans la ville nouvelle en fit le lieu d’expériences involontairement concordantes. On y trouva à la fois les premiers gratte-ciel de la ville, imaginés en tant que tête de pont par les architectes du « Nouvel hôpital » d’avant-guerre, Lopez et Gravereau, une cité d’urgence inspirée par la campagne de l’hiver 1954 menée par l’abbé Pierre, et des barres de LOPOFA38 en forme d’immeubles ou de petites maisons accolées. L’église de ce nouveau quartier fut conçue selon une architecture novatrice qui aurait dû en faire un signal fort ; pourtant, bien que placée au bord d’une voie de grande circulation, elle reste largement ignorée.
45L’église Sainte-Thérèse du Landais était un édifice à petit budget. La paroisse n’ayant été créée qu’en 1956, elle ne put bénéficier que d’un transfert de dommages de guerre qu’elle dut partager avec une autre paroisse populaire, celle de Saint-Jean. Mais la collaboration d’un jeune architecte, Louis Freyssinet, et de l’auteur de la verrière, le père André Bouler, aboutit à un résultat d’une qualité remarquable. Le plan circulaire en est la moindre des audaces. L’essentiel réside dans l’utilisation judicieuse du béton, qui permet de faire croire qu’une lourde couverture repose sur une verrière sans support visible, elle-même supportée en apparence par un mur de schiste gris – en fait un habillage – qui dans le sens commun du temps semblait former le support de l’ensemble. Mais la modernité incontestable de ce qui fut bientôt surnommé la « soucoupe volante » fut moins contestée, donc moins remarquée, que celle de l’église Saint-Luc, achevée en 1965 par Pierre Pinsart, à l’aspect inédit d’usine aux toits à pans coupés, affichant l’austérité du béton, de l’ardoise et du verre blanc, ou celle de l’église du Bouguen, dessinée par Hervé Péron, aux triangulations complexes (Photo-graphies 15, 16).
46L’Église avait gâté les Brestois en matière de modernité mais ne fut guère suivie, ce qui pourrait permettre de penser qu’a contrario l’architecture civile, si controversée plus tard, ne choqua pas au moment où elle se transforma en édifices réellement visibles.
47Le discours prononcé le jour de la consécration de l’église Saint-Louis par le chanoine Tanguy, alors curé-doyen de Landerneau, est un modèle de pédagogie consolatrice. L’orateur s’inclut dans le chagrin de ses auditeurs pour les inciter ensuite à accepter l’inattendu. Le doute est mis en exergue :
« Conservons-nous assez le sens de l’admiration pour nous réjouir de la performance qui a rendu possible la cérémonie d’aujourd’hui ? On proclame, avec raison, les dangers que font courir à l’esprit chrétien les bouleversements de la technique contemporaine. Mais quand est respectée la hiérarchie des valeurs et que la technique se met au service de l’homme et de Dieu nous voyons fleurir devant nous les merveilles de la reconstruction »39.
48N’étant pas certain que son auditoire serait conquis, l’orateur, après avoir retracé l’histoire de l’ancien édifice, insista en donnant sans probablement le vouloir l’un des plus fidèles témoignages du désamour subi par la ville au moment où la reconstruction était presque achevée : « Nous autres, Bretons, qui entrons dans l’avenir à reculons, nous ne pouvons effacer de notre âme la nostalgie d’un passé dont nous cherchons, dans la nouveauté de l’heure présente, quelque ressemblance familière. Nova sint omnia »40. D’autres voix étaient empreintes de la même prudence. Le maire de la ville, Yves Jaouen, qui n’est pas susceptible d’être hostile à la consécration d’une grande église dans sa cité, garde ses distances : « Le moins qu’on puisse dire », déclare-t-il sur le parvis, « est qu’elle ne laisse pas indifférent. Mais qu’on l’approuve ou qu’on ne l’approuve pas, sa construction architecturale moderne correspond à une époque »41. Le poids du labeur imposé à l’homme politique se fait sentir dans chacune des phrases qu’il doit accumuler comme autant d’obstacles à la critique : l’église « répond à une nécessité, pour peu qu’on veuille bien la situer dans son cadre, dans le quartier neuf qui l’entoure. Et même, abstraction faite de l’ensemble où elle s’intègre, son aménagement intérieur, sa décoration, sa lumière, l’impression majestueuse qui s’en dégage, ne sont-ils pas tout de même dans la tradition de l’art et des règles du goût, applicables aux édifices religieux ? »42.
49La seule véritable envolée fut celle d’une exilée, Yvonne Chauffin, qui écrivit un article chaleureux publié dans La Croix :
« Je suis retournée à Brest la semaine dernière. La ville avait triomphé de ses ruines. Ma rue de Siam, mon Cours Dajot, où étiez vous ? Subitement, je me trouvais [sic] en face de la nouvelle église. En y entrant, j’acceptais de m’y perdre. Elle criait déjà tout entière la gloire de Dieu ! Dans l’harmonie des portes dorées et monumentales, je voyais les sanglantes traînées de minium. […] Les murs sont les pages différentes d’un même livre. Ici, à gauche, l’ardente pierre jaune de la rade devient le sable pétrifié par les flammes du Buisson ardent […] Le mur de droite – l’autre page du livre – est beaucoup plus élaboré. C’est une paroi lisse de ciment, gris perle… un gris métaphysique, précédée d’une galerie de piliers d’une grâce monumentale. Le ciel de Brest pénètre dans la nef par des verrières d’une hauteur prodigieuse […] La nouvelle église Saint-Louis me parle tout autant que Chartres […] Brest a retrouvé son âme parce qu’elle n’a pas voulu reconstruire son ancienne église avec des copies de tombeaux historiques et tout un arsenal de souvenirs dérisoires »43.
50La radicalité du discours d’Yvonne Chauffin n’aurait pas surpris dans l’immédiat après-siège, quand l’acceptation du neuf l’eût emporté sur le traumatisme causé par la perte de l’ancien. En 1959, elle commence à surprendre par un enthousiasme en passe de s’essouffler chez les reconstructeurs. Une radicalité inverse lui répond sous la plume d’Auguste Dupouy, qui n’était pourtant pas avare, avant la guerre, de critiques à l’égard de l’ancienne cité dont il déplorait l’absence de caractère :
« Je mentirais si je disais que cette église me donne toute satisfaction. […] Tant mieux si je me trompe, mais qu’est-ce que je reproche à cette construction ? D’abord, et en donnant à ce mot son sens originel, son étrangeté : elle est étrangère au pays. Toute la ville aussi, dira-t-on. Non pas. C’est un Brest modernisé, mais qui ne jure pas avec le Brest ancien, comme le prouve dans les quartiers épargnés partiellement par les obus et les bombes, la confrontation des maisons subsistantes et des maisons neuves […] Elle est en tout cas contraire à la tradition des plus belles églises bretonnes. […] Autre grief : ces colonnes qui vous accueillent devant la façade de l’église, pourquoi sont-elles en ciment dans un pays où la belle pierre abonde ? »44.
51Une telle diatribe est, autant que l’enthousiasme manifesté par Yvonne Chauffin, encore exceptionnelle par son esprit de système. Nous sommes plutôt en ce moment de passage entre les années 1958 et 1959 au moment du doute, dont la chroniqueuse de L’Espoir, Agnès, rend compte une fois encore dans la forme du dialogue féminin :
« – Elle fait choc ! […]
– Pourquoi ? Vas-tu refuser aux paroissiens de Saint-Louis l’intelligence des signes ?
Le défi, lancé à haute et intelligible voix fait sourire plus d’un, empressé à reprendre le concert des Lamentations et des Louanges […] depuis ce matin, 24 décembre, c’est un va-et-vient continu, un défilé intéressant… c’est le Tout-Brest, de St-Pierre au Pilier-Rouge et du Bouguen au Port qui regarde, admire, s’indigne, s’enchante, s’irrite, s’étonne, se cabre… »45
52Susciter l’indignation n’était certes pas la volonté des concepteurs de la nouvelle église. Susciter l’inquiétude personnelle, métaphysique, l’était peut-être. Faire surgir d’un sol qui avait été ravagé un lieu conforme aux réflexions esthétiques d’un groupe d’ecclésiastiques l’était certainement, mais s’accomplissait au moment où, passant de l’horizontalité des plans réservés aux bureaux, aux cabinets d’architectes et aux tiroirs familiaux, la verticalité des projets accomplis affichait son irréversibilité. Il fallait vraiment faire avec la nouvelle ville, dans des milieux qui avaient été éventuellement dépossédés de son invention. Une nouvelle image de la ville allait surgir.
Notes de bas de page
1 Mathieu Bougaran s’adresse à un auditoire averti. Quand il parle de reconstruction par opposition à la construction individuelle, il veut en fait opposer la reconstruction individuelle à la reconstruction groupée.
2 Archives de Mathieu Bougaran, brouillon manuscrit et discours dactylographié.
3 Ibidem.
4 Archives de Mathieu Bougaran, discours d’ouverture de l’Assemblée générale d’avril 1960, brouillon manuscrit et discours dactylographié.
5 Mathieu Bougaran, note citée, sans date.
6 Mathieu Bougaran, discours d’ouverture de l’Assemblée générale d’avril 1954. Archives de Mathieu Bougaran.
7 L’Association syndicale de Brest – Recouvrance – Saint-Martin sud était largement majoritaire : son aire d’intervention couvrait pratiquement tout l’ancien intra-muros ; elle participa dans la proportion de 95 % à la reconstruction du centre : 71 îlots reconstruits, 776 immeubles, 4 275 appartements. (Mathieu Bougaran, note déjà citée). De plus, contrairement à ceux de la Coopérative, les dossiers de l’ASRec ont été correctement conservés et déposés aux AD du Finistère. La présentation de la reconstruction immobilière à Brest, présentée ci-dessous, ne s’appuie donc que sur le cas des adhérents de l’ASRec.
8 Loi restreignant le droit d’acquérir et d’arborer des objets trop somptueux.
9 Arrêt de la Commission supérieure de cassation des dommages de guerre, 4 décembre 1950, cité dans le bulletin trimestriel de l’UNASR, n° 1, 4e trimestre 1954, Paris, p. 89.
10 Ibidem, arrêt du 25 janvier 1951.
11 Ibidem.
12 AD du Finistère, dépôt de Brest, 214 W 195 : la série 214 W regroupe les dossiers d’indemnisation déposés auprès de la Délégation départementale.
13 10 chambres dans l’attique, 2 WC, 1 point d’eau commun : AD du Finistère, dépôt de Brest, 211 W 469, rue du Château ; 6 chambres dans l’attique, cabinet de toilette commun, cuisine et salle commune, AD du Finistère, dépôt de Brest, 211 W 397, rue de Lyon.
14 Par exemple AD du Finistère, dépôt de Brest, 211 W 481, rue Traverse.
15 9 mètres sur 5, AD du Finistère, dépôt de Brest, 211 W 386, rue de Siam.
16 . AD du Finistère, dépôt de Brest, 211W 476, rue du Château. Les autres types de pièces sont trop fréquents pour être rapportés à des exemples précis.
17 AD du Finistère, dépôt de Brest, 211 W 424.
18 AD du Finistère, dépôt de Brest, 211 W 441.
19 Ibidem, 211 W 485 pour l’immeuble de l’îlot AY, 211 W 495 pour celui de l’îlot Ap.
20 Ibidem, 211 W 355.
21 AD du Finistère, dépôt de Brest, 211 W 384.
22 Ibidem. 211 W 280/281 (Amiral Linois), 211 W 316 et 480 (rue de Siam), 229 (rue de Lyon), 462 (rue de Lyon), 281 (rue de Lyon).
23 Ibidem. 211 W 387 (rue Voltaire), 211 W 356 (rue de Lyon).
24 Ibidem. 211 W 244 et 311 (rue Voltaire).
25 Ibidem. 211 W 355 (Siam), 211 W 397 (rue de Lyon).
26 L’Espoir, janvier 1951. Cette série semble bien démarquer un texte paru dans L’Art sacré.
27 L’Espoir, février 1955.
28 Yann Celton, Le renouveau de l’art sacré, le cas de la reconstruction de Brest, de la Libération au concile Vatican II, mémoire de maîtrise, Université de Bretagne occidentale, 1990, p. 12.
29 Yann Celton, op. cit., p. 37.
30 Entretien avec Louis Calvez, 1er septembre 1999.
31 Yann Celton, op. cit., p. 42.
32 AM de Brest, registre des délibérations du Conseil municipal.
33 Ibidem.
34 Yann Celton, op. cit., p. 91, entretien avec Jean Lacaille, 9 avril 1990.
35 L’Espoir, février 1955.
36 Ibidem.
37 Selon Yann Celton, op. cit., p. 141.
38 Logements populaires familiaux.
39 L’Espoir, 25 avril 1958.
40 Ibidem.
41 Le Courrier du Léon, 3 mai 1958.
42 Ibidem.
43 Yvonne Chauffin, « Rencontre avec une église », in La Croix, 19-20 juillet 1959.
44 Auguste Dupouy, « L’église Saint-Louis à Brest », in Le Télégramme, 28 mars 1959.
45 « Le billet d’Agnès », in L’Espoir, janvier 1958.
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