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Ségrégation sociale et habitat

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François Madoré

Deuxième partie. Les politiques publiques dans le domaine de la ville et de l’habitat en France : effets ségrégatifs vs mixité sociale

Chapitre VI. Esquisse d’évaluation des politiques de régulation des déséquilibres socio-territoriaux

Texte intégral

Présentation des études de cas

1C’est en accordant la primauté à l’approche monographique que la mise en œuvre et l’impact des politiques de régulation des déséquilibres socio-territoriaux ont été étudiés, en questionnant en particulier leur dimension socio-spatiale.

La politique de la ville à La Roche-sur-Yon

2L’étude de la politique de la ville a été conduite à La Roche-sur-Yon, dans une ville relativement épargnée par les problèmes sociaux et économiques, sur un quartier de 10 000 habitants environ, dénommé initialement la Zone d’habitation nord-est (ZHNE) avant de prendre en 1993 le nom de quartier des Pyramides (Madoré, 1998/188). Ce quartier, du point de vue morphologique et social, est identique à beaucoup d’autres situés dans les banlieues des villes françaises. Il est ainsi constitué par la juxtaposition, du sud vers le nord, de trois secteurs très différents : une petite zone pavillonnaire datant de l’entre-deux-guerres comprenant 650 logements ; puis une autre beaucoup plus importante composée de collectifs érigés entre 1965 et 1974 dans le cadre d’une Zone à urbaniser en priorité (ZUP) et rassemblant 2 100 logements HLM répartis en sept cités et 600 en copropriétés privées ; enfin, une zone pavillonnaire de 800 maisons construites entre 1963 et 1975 au sein de la même ZUP. Désormais, depuis quasiment dix ans, ce quartier de La Roche-sur-Yon fait partie de la géographie prioritaire de la politique de la ville. Il a d’abord bénéficié d’une procédure de Développement social des quartiers (DSQ) dans le cadre du Xe plan (1989-1993). La Roche-sur-Yon n’ayant pas obtenu de contrat de ville lors de la mise en place du XIe plan (1994-1999), une convention de sortie de DSQ a permis néanmoins de prolonger l’action menée sur le quartier de 1994 à 1996, tandis que les cités HLM ont été intégrées en 1996 dans une Zone urbaine sensible (ZUS), en association avec un autre secteur d’habitat social de la ville très proche géographiquement (Les Forges). Puis, la ville de La Roche-sur-Yon a obtenu un contrat de ville de seconde génération, signé pour le XIIe plan (2000-2006).

3Toutefois, par rapport à beaucoup d’autres sites d’intervention de la politique de la ville, ce quartier des Pyramides présente des symptômes de dévalorisation physique et sociale moins accentués, situant l’action des pouvoirs publics dans une logique plus préventive que curative. Ainsi, en 1990, le taux de chômage pour ce site DSQ s’élevait à 15 % (22 % en moyenne pour les sites DSQ et en convention de quartier de la région et 20 % pour les sites de France métropolitaine) et la proportion d’étrangers, l’un des marqueurs sociaux les plus symboliques des quartiers sensibles, était très faible avec 4 % seulement (10 % en Pays de la Loire et 18 % en France) (Castellan et al., 1992/176 ; Champion et Marpsat, 1996/177). Cette moindre intensité des stigmates du malaise des banlieues rappelle que La Roche-sur-Yon n’a pas été touchée de plein fouet par la dévalorisation des anciens systèmes productifs, sa base industrielle étant à la fois faible et récente (Couturier et Madoré, 1996/320). Cela explique d’ailleurs pourquoi cette ville n’a pu bénéficier d’un contrat de ville pour la durée du XIe plan (1994-1998), mais seulement d’une convention de sortie de DSQ.

4L’approche développée a été de se situer au point de rencontre entre l’analyse discursive et les réalités socio-géographiques du quartier, en privilégiant le prisme des pratiques sociales par l’observation de la vie sociale. Certes, cet objet peut sembler doublement ambitieux : est-il possible d’apprécier l’efficience de la politique de la ville mise en œuvre sur ce quartier, alors que son évaluation est absente ? Et comment appréhender la vie sociale d’un quartier, étant donné les difficultés conceptuelles et méthodologiques pour cerner les contours d’une réalité multiforme et qui ne se prête pas aisément à l’objectivation ? Pour atteindre l’objectif fixé, trois matériaux ont été mobilisés.

    • 1 Ce travail a été réalisé au sein de l’Institut de Géographie de l’Université de Nantes en 1988-1989 (...)

    Le premier est constitué d’une enquête menée auprès de 400 ménages et des associations du quartier des Pyramides en 1989, c’est-à-dire préalablement à la mise en place du DSQ. Ce travail est le fruit d’une collaboration entre la ville de La Roche-sur-Yon et l’Institut de Géographie de l’Université de Nantes1. Il n’a jamais été renouvelé depuis, étant donné l’importance des moyens à mettre en œuvre, mais donne une excellente photographie, à une date charnière de l’histoire du quartier, de sa situation sociale.

  • Le second matériau est fourni par l’analyse de la convention DSQ et des actions prévues ou engagées, conformément aux objectifs assignés à cette procédure conduite sur le quartier de 1989 à 1993.

  • Enfin, le troisième matériau est constitué d’une série d’entretiens réalisés en 1997 auprès des principaux acteurs institutionnels ou associatifs ayant œuvré sur le quartier. L’élu municipal en charge du dossier, le chef de projet DSQ, les responsables des deux maisons de quartier, les présidents de différentes associations sportives se sont ainsi prêtés bien volontiers au jeu de l’entretien.

Les politiques locales de l’habitat à Nantes et dans le pays Yonnais

5La politique de l’habitat étant désormais une compétence partagée, qui accompagne le déplacement vers le niveau local de la gestion réelle des systèmes d’habitat, son examen est très révélateur du jeu des acteurs œuvrant dans ce domaine. L’entrée par ce champ thématique offre un effet miroir, dans la mesure où cette politique met en scène à la fois les acteurs locaux et les représentants du pouvoir central. C’est donc par une analyse de la place occupée par chaque acteur dans le système local de l’habitat que les politiques locales de l’habitat sont observées dans toute leur complexité, selon une logique apparentée à l’analyse stratégique des organisations, du type de celle réalisée par Catherine Bourgeois (1996/225) sur la place des organismes HLM dans le jeu des acteurs locaux et la définition des politiques publiques. Cette entrée dans la recherche a été mise en œuvre dans deux sites urbains.

  • La première recherche a eu pour cadre l’agglomération nantaise (Madoré, 1997/135 ; 1999/102). Elle a eu pour finalité d’apprécier les avatars de la LOV à l’échelle locale, en montrant toute la difficulté d’articuler la politique définie au niveau national, soucieuse d’un rééquilibrage du contenu social des différents territoires de la ville, et celle élaborée localement par les municipalités, dont les stratégies en matière d’habitat sont fortement différenciées. Ce cas d’étude révèle l’incapacité des communes de l’agglomération nantaise à se mettre d’accord pour élaborer un PLH et donc une politique globale d’habitat.

    • 2 Ce travail est issu d’un programme de recherche financé par le Centre d’études sur les réseaux, les (...)

    La seconde recherche a été mise en scène dans le pays Yonnais constitué autour de la petite ville moyenne de La Roche-sur-Yon2. Contrairement au cas nantais, l’intérêt de cette étude tient à la place centrale occupée par l’habitat dans le fonctionnement de la communauté de communes, puisque l’une des premières compétences mise en œuvre par cette structure intercommunale a été précisément l’habitat. Ce second cas d’étude possède une incontestable valeur heuristique, en étant susceptible de nous éclairer sur les convergences d’intérêts, les effets d’alliance des acteurs, en particulier des municipalités, mais aussi leurs contradictions, et comment celles-ci ont été surmontées et ont pu trouver à s’exprimer dans un compromis.

6La méthodologie développée pour explorer cette voie de recherche repose sur la mobilisation d’un double matériau. Le premier est constitué d’une série d’entretiens réalisés auprès d’élus ou de cadres ayant participé à la définition des objectifs et à la mise en œuvre des politiques de l’habitat. Ceux-ci appartiennent à quatre sphères : les élus ayant en charge la responsabilité des questions d’habitat, les techniciens municipaux ou des structures intercommunales assurant le suivi de ces questions, les services départementaux de l’équipement, représentants de la parole de l’État, et enfin les organismes intervenant dans la sphère du social, en particulier ceux de la mouvance HLM et des DDASS. Le second matériau consiste à confronter les dires de ces entretiens avec des réalités mesurables. C’est ainsi qu’une évaluation du PLH du pays Yonnais (celle-ci n’a pu être réalisée sur l’agglomération nantaise, dans la mesure où ce PLH communautaire n’existe pas !) a été menée, en scrutant notamment la dynamique de localisation et de construction du parc HLM.

La politique de la ville entre discours et réalités : l’exemple de La Roche-sur-Yon

L’échec de l’insertion par l’économique

7La convention DSQ du quartier des Pyramides de La Roche-sur-Yon est tout à fait classique en termes d’objectifs. Elle symbolise la trilogie de l’urbain, du social et de l’économique énoncée par Jean-Marie Delarue (1991/343). L’objectif premier est l’insertion sociale et professionnelle, à travers le soutien et le développement du tissu économique existant et la mise en place de formations adaptées aux individus en difficultés. Les trois objectifs suivants portent sur une volonté de rapprocher les institutions des habitants, sur la requalification urbaine et l’action morphologique et enfin sur l’amélioration des conditions d’habitat et du cadre de vie, qui concerne l’habitat HLM. Enfin, la dynamisation de la vie sociale et associative du quartier n’occupe qu’une place secondaire, étant reléguée en cinquième et dernière position parmi les objectifs retenus dans le cadre du DSQ. Le but à atteindre est alors de faire participer davantage à cette vie la population du collectif HLM, de façon à réduire l’écart de fréquentation avec la population du pavillonnaire.

8Or, le discours en 1997 des acteurs de la politique de la ville telle qu’elle a été menée à travers la procédure DSQ sur le quartier des Pyramides de La Roche-sur-Yon retransmet de façon très partielle les cinq objectifs inscrits dans la convention et en bouleverse complètement la hiérarchie. Ainsi, la revalorisation de l’image du quartier et la dynamisation de la vie sociale et associative, pourtant énoncées en troisième et cinquième objectif dans la convention, sont spontanément citées en tête par les principaux acteurs du DSQ. En revanche, aucun interlocuteur n’évoque l’insertion sociale et professionnelle. L’amnésie est donc totale de ce point de vue. L’élu municipal en charge du dossier et le chef de projet de DSQ répondent, l’un et l’autre : « c’est vrai, j’ai oublié » et « je ne me souviens plus si c’est dans la conventio», lorsqu’on leur rappelle combien cet objectif sous-tendait tous les autres. Les acteurs interrogés reconnaissent volontiers que l’insertion économique a été un échec, « qu’il n’y a pas eu d’actions significatives sur le quartie». Tout se passe comme s’ils avaient intériorisé un sentiment d’impuissance, une certaine vanité à agir, qui contraste fortement avec le volontarisme initial. Nos interlocuteurs ont exprimé leur doute à disposer d’une réelle marge de manœuvre dans ce domaine. L’amnésie traduit finalement une prise de conscience, celle d’une dépossession de la capacité d’action à l’échelle d’un quartier périphérique, à partir du moment où la crise sociale résulte de dynamiques globales extérieures à ces quartiers (Oberti, 1996/363). Cette situation n’est pas spécifique à La Roche-sur-Yon, les rapports Delarue (1991/343) et Geindre (1993/197) ayant souligné la marginalisation de la question économique dans la politique de la ville. Cet échec de l’insertion par l’économique conduit à s’interroger sur la pertinence d’une démarche fondée sur une géographie prioritaire, privilégiant un niveau de réponse territorialisé à l’échelle du quartier.

Le clivage socio-spatial dans les pratiques associatives selon le type d’habitat en 1989

9Le constat d’échec de l’insertion par l’économique, dressé par les acteurs impliqués dans le DSQ du quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon, et en parallèle la volonté de présenter la dynamisation de la vie sociale et associative comme le principal succès de cette politique, conduit à privilégier deux niveaux d’analyse. D’une part, l’inanité d’une intervention économique à l’échelle d’un quartier pour apporter une réponse à la hauteur des problèmes sociaux peut-elle trouver un substitut dans une action destinée à recréer du lien social hors de la sphère du travail ? D’autre part, quel a réellement été l’impact du DSQ sur la dynamisation de la vie sociale et associative, par rapport à un développement autonome ? Répondre à ces questions suppose au préalable la possibilité de réaliser un bilan de l’intensité de la vie sociale du quartier avant la mise en place du DSQ. Celui-ci a été réalisé par l’entremise de l’enquête conduite auprès des 400 ménages. Un indicateur va retenir l’attention, celui des pratiques associatives.

10En 1989, le taux d’adhésion à une association, au sein du quartier des Pyramides, varie très sensiblement selon le type d’habitat. Quel que soit l’indicateur considéré, il est au minimum pour les habitants du parc HLM et au maximum pour ceux de la zone pavillonnaire ancienne ou récente.

Tableau 17 : Le taux d’adhésion à une association selon le type d’habitat dans le quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon en 1989

Tableau 17 : Le taux d’adhésion à une association selon le type d’habitat dans le quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon en 1989

Note (1) : PDR ou personne de référence du ménage Source : enquête 400 ménages 1989

  • D’une part, parmi les ménages enquêtés en pavillonnaire, 38 % des personnes de référence et de leurs éventuels conjoints adhèrent à une association, alors que ce taux n’est que de 24 % pour les ménages en collectif HLM et de 28 % pour ceux qui résident dans un immeuble en copropriété (tableau 17). Une différence quasiment de même ampleur est observée pour les enfants, avec un taux d’adhésion respectif de 44 % et 31 % (49 % en copropriété). Un examen plus attentif des pratiques associatives accentue encore ces différenciations selon le type d’habitat.

  • Ainsi, non seulement les habitants des HLM du quartier des Pyramides adhèrent moins fréquemment que ceux du pavillonnaire à une association, mais lorsqu’ils le font, leur choix est plus restreint, se limitant généralement à une seule association : le nombre moyen d’adhésions à une association par adhérent n’est que de 1,13 pour les premiers, contre 1,42 pour les seconds (tableau 17). Le taux de multi-adhérents traduit bien cette différence : il culmine à 34 % parmi les pavillonnaires, alors qu’il atteint seulement 13 % chez les locataires du parc HLM, soit une différence du simple au triple quasiment.

  • Enfin, la pratique associative n’est pas limitée à la seule adhésion. Elle se pose également en termes de responsabilité, ce qui permet d’isoler les animateurs de la vie associative du quartier. Un travail mené auprès de deux associations sportives fortement implantées sur le quartier, à savoir les clubs de basket-ball et de football des Robretières (sous-ensemble pavillonnaire des années soixante et soixante-dix du quartier des Pyramides) a été privilégié. Or, la logique de concentration des membres ayant des responsabilités dans ces deux clubs redouble, en termes d’intensité, l’inégale vigueur de la pratique associative : à une pratique moins intense des ménages locataires du parc collectif HLM correspond une très faible implication dans la gestion de la vie associative du quartier, celle-ci étant très clairement et majoritairement aux mains des pavillonnaires. Ainsi, en 1989, sur les 42 membres du bureau ou du conseil d’administration de ces deux associations, si 33 résident dans le quartier, confirmant l’ancrage très localisé de ces deux clubs qualifiés à juste titre « de quartier », 27 membres habitent le secteur pavillonnaire, alors que seulement le tiers des ménages du quartier des Pyramides résident dans la zone pavillonnaire

Le maintien du clivage socio-spatial et les modes de sociabilité et d’appropriation de l’espace

11L’objectif retenu dans la convention du DSQ de dynamiser la vie sociale et associative a précisément pour finalité, entre autres, de réduire l’écart de pratique selon le type d’habitat, en favorisant la participation des habitants du secteur HLM. Cependant, cet objectif, mis en exergue par les acteurs interrogés, est-il vérifié dans les faits ? Rappelons d’emblée que le non renouvellement de l’enquête sur les pratiques associatives de 1989, étant donné l’impossibilité de rééditer ce travail du fait de son ampleur (400 ménages interrogés), ainsi que le nombre limité d’associations enquêtées (trois), même s’il s’agit des plus importantes du quartier, limitent quelque peu la portée de nos conclusions.

12En première instance, l’évolution des effectifs des trois associations sportives prises comme témoin de la dynamisation de la vie associative du quartier, à savoir les clubs de football et de basket-ball des Robretières, qui ont été créés à la fin des années soixante, et le club de football de Jean Yole, créé en 1991, semble accréditer la thèse de la dynamisation. Les effectifs licenciés dans les deux premiers clubs ont progressé de moitié (273 à 426) entre la saison 1988-1989 et celle de 1996-1997. Quant au troisième, il regroupe 78 membres en 1996-1997 et est, de l’aveu même de son président, un « enfant du DSQ ». Néanmoins, une analyse plus fine des pratiques associatives dans le quartier, selon les types d’habitat, nuance fortement le satisfecit général. En effet, les clivages socio-spatiaux relevés en 1989, avant le DSQ, semblent perdurer, car ils sont intrinsèquement liés à des différences de modes de sociabilité et d’appropriation de l’espace.

13Ainsi, la vigueur des pratiques associatives et des relations de voisinage dans le pavillonnaire des années soixante et soixante-dix s’explique incontestablement par l’homogénéité, la stabilité et la situation sociale de la population. L’enquête réalisée en 1989 auprès des 400 ménages du quartier des Pyramides, futur site DSQ, montre comment l’habitant du pavillonnaire récent peut être considéré comme l’archétype de l’adhérant à une association. La similitude entre les deux portraits types est tout à fait frappante : dans les deux cas, il s’agit de ménages à la mobilité résidentielle réduite, dont les membres adultes ont plus de 40 ans, appartenant aux PCS moyennes ou supérieures et étant bien insérés sur le marché de l’emploi. Or, toutes les études montrent que l’investissement associatif d’un individu est directement proportionnel à son positionnement social (Héran, 1988/415 ; Augustin, 1995/389). De surcroît, la similitude et la synchronie des cursus résidentiels, tous fondés sur un schéma promotionnel dont l’accession à la propriété d’une maison constitue l’aboutissement, mais aussi la multiplication des réseaux de camaraderie créés par les enfants, ont été des facteurs favorables au développement d’une vie sociale active. Toutes les conditions ont donc été réunies pour que « ces nouvelles couches sociales se trouvent ainsi porteuses d’une idéologie du “quartieret valorisent la vie associativ» (Ion, 1987/376). Fort logiquement, le secteur des Robretières est devenu le bastion de cette vie locale à travers ses deux clubs sportifs, l’un structuré autour de la pratique du football et le second autour du basket-ball. Cependant, le vieillissement sur place de la population, combiné au départ de certains ménages, ont progressivement épuisé le vivier local d’adhérents. En conséquence de quoi, la décennie quatre-vingt-dix est marquée par un profond renouvellement des adhérents de ces deux associations sportives et l’élargissement de leur aire de recrutement à l’ensemble de la ville de La Roche-sur-Yon. En 1996-1997, seulement le tiers environ des adhérents réside dans le quartier et un cinquième dans le pavillonnaire, alors qu’en 1988-1989, deux licenciés sur trois du club de football habitaient le quartier et près d’un sur deux le pavillonnaire (tableau 18). Cette ouverture de la base spatiale de recrutement a aussi concerné les cadres dirigeants des deux clubs, en particulier le club de football : si les neuf-dixièmes des membres du bureau et du conseil d’administration habitent le quartier à la fin des années quatre-vingt, aux trois quarts dans le pavillonnaire, le taux n’atteint plus que le tiers en 1996-1997 et la part du pavillonnaire est désormais réduite à la portion congrue, avec un quart seulement (tableau 19).

Tableau 18 : La zone de recrutement des adhérents de trois associations sportives du quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon en 1996-1997 (comparaison avec 1988-1989)

Tableau 18 : La zone de recrutement des adhérents de trois associations sportives du quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon en 1996-1997 (comparaison avec 1988-1989)

Note (1) : FCRY : Football-Club des Robretières Yonnais (total adhérents 1996-1997 : 255 ; 1988-1989 : 115)
Note (2) : BBCRY : Basket-Club des Robretières Yonnais (total adhérents 1996-1997 : 171)
Note (3) : ASJY : Association Sportive Jean Yole (total adhérents 1996-1997 : 78)

Source : enquête associations 1989 et 1997

Tableau 19 : La zone de recrutement des dirigeants de trois associations sportives du quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon en 1996-1997 (comparaison avec 1988-1989)

Tableau 19 : La zone de recrutement des dirigeants de trois associations sportives du quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon en 1996-1997 (comparaison avec 1988-1989)

Note (1) : FCRY : Football-Club des Robretières Yonnais (total membres bureau et conseil d’administration 1996-1997 : 25 ; 1988-1989 : 28)
Note (2) : BBCRY : Basket-Club des Robretières Yonnais (total membres bureau et conseil d’administration 1996-1997 : 13 ; 1988-1989 : 14)
Note (3): ASJY : Association Sportive Jean Yole (total membres bureau et conseil d’administration 1996-1997 : 14) Source : enquête associations 1989 et 1997

14Au total, l’analyse à grande échelle de la provenance géographique des adhérents et des dirigeants des clubs de football et de basket-ball des Robretières, dans le quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon, montre que ces associations sportives ont perdu leur identité de club de quartier. Il est donc clair que si l’augmentation du nombre d’adhérents et l’élargissement de l’aire de recrutement à l’ensemble de la ville sont bien des preuves du dynamisme intrinsèque de ces associations, cette dynamique est dorénavant portée de plus en plus par des forces exogènes au quartier, également issues des couches moyennes salariées, qui prennent le relais de l’essoufflement du militantisme associatif des Robretières (effet de l’âge, départ du quartier), ce qui relativise pour le moins l’effet propre au DSQ et remet en cause l’autosatisfaction générale constatée localement.

15Les modes de peuplement et d’appropriation de l’espace sont très différents dans le collectif HLM. En effet, avec le tri sélectif qui s’opère dans ce type d’habitat, la population se révèle beaucoup plus hétérogène. Elle est marquée par une cohabitation traditionnelle entre des « passants », à l’aube d’une vie familiale et d’un cursus résidentiel ascendant que l’on projette hors du quartier et du collectif HLM, et des « sédentaires », dont un certain nombre sont en échec d’insertion professionnelle et sociale (taux de chômage de 23 % en 1990). Ce peuplement limite la construction de stratégies identitaires localisées et est peu propice à l’épanouissement d’une sociabilité riche et animée, d’autant plus que « la participation à la vie civile décroît avec la marginalité et l’exclusion […] [car] avec l’expérience de l’exclusion, se développent des conduites de retrait apathique, des replis, des dénégations, des silences, le refus de sortir, de voir les autre» (Dubet et Lapeyronnie, 1992/345). Cette caractéristique explique sans doute, du moins pour partie, l’absence d’investissement accru des habitants du collectif HLM dans les associations locales depuis la mise en place du DSQ. La proportion d’adhérents aux deux associations sportives des Robretières (football et basket-ball) oscille entre 11 et 19 % en 1996-1997, soit à un niveau légèrement inférieur à celui de 1988-1989 pour le club de football (23 %) (tableau 18). Quant aux dirigeants de ces deux associations, ils viennent toujours en aussi faible proportion du collectif HLM, qui n’en fournit qu’un dixième environ, soit une proportion sensiblement identique à celle observée en 1988-1989 (tableau 19). Au total, que ce soit avant le DSQ ou en 1997, il semble toujours aussi difficile de mobiliser les habitants du collectif HLM, pour qu’ils adhèrent et a fortiori qu’ils prennent des responsabilités au sein des associations du quartier, ce qui infirme le bilan très positif mettant en évidence la dynamisation de la vie sociale et associative. D’ailleurs, l’histoire du club de football de Jean Yole, cet « enfant du DSQ », a valeur heuristique pour illustrer parfaitement les limites et les difficultés de la dynamisation de la vie sociale et associative auprès des populations en difficultés. Jean Yole, avec ses 425 logements, est l’une des sept cités HLM du quartier des Pyramides. En 1989, le taux d’adhésion des personnes de référence du ménage et du conjoint à une association était l’un des plus faibles du quartier des Pyramides, avec seulement 15 %, chiffre corrélé négativement avec le plus fort taux de chômage (38 %). Un club de football est donc créé en 1991 grâce à l’action de quelques habitants de la cité et est porté sur les fonds baptismaux du DSQ (aide financière). Ce club s’identifie, du moins en apparence, à l’habitat HLM, puisque les deux tiers de ses adhérents ou des membres du bureau et du conseil d’administration habitent le parc locatif social des Pyramides en 1996-1997 (tableaux 18 et 19) : il porte d’ailleurs le nom de la cité HLM dont il est issu. Mais la réalité, en fait, est plus nuancée, car le leader de ce club est extérieur au quartier et également aux catégories sociales à l’origine du projet. Voilà une alchimie a priori étrange mais en réalité peu singulière. Celle-ci unit donc dans une même structure un président issu de cette classe moyenne disposant d’un capital culturel (enseignant qui a résidé dans un logement de fonction de la cité) et désireuse de s’investir dans la gestion des associations, symbole de participation à la vie de la cité et de reconnaissance sociale, et des individus ayant une conscience aiguë et paralysante de la faiblesse de leur capital culturel et économique, et qui s’estiment donc incapables de prendre des responsabilités. Cette incapacité ne renvoie-t-elle pas à cette conscience de soi qui constitue fondamentalement « l’obstacle à la communication » (Park, 1926/42), sans doute parce que dans une société où « l’intégration s’est réalisée longtemps dans le travail, [sa] dépossession implique aussi celle de l’expression, des moyens d’expression et de la croyance en l’utilité de l’expression » (Delarue, 1991/343) ? Le président de l’association se trouve dès lors investi d’une double mission : structurer et organiser la vie du club et également jouer le rôle de médiateur avec le monde global environnant, c’est-à-dire pouvoir discuter d’égal à égal avec les représentants locaux du monde politique ou du football, en étant à la fois porteur de projet et porte-parole du club. Comme l’a exprimé un des « dirigeants » du club, chômeur résidant dans la cité, « il nous fallait une personne ayant une bonne imag». Cet exemple montre combien il est difficile de pérenniser un mouvement associatif et d’impulser, par la même occasion, une réelle dynamique sociale dans les cités HLM, faute d’y trouver des meneurs ou des dirigeants. D’ailleurs, la maison de quartier Jean Yole est également gérée par des habitants des quartiers pavillonnaires voisins, alors que sa vocation première est de créer du lien social en direction des ménages de la cité HLM de même nom, ce qui révèle la conduite hétéronome des individus cumulant souvent les difficultés et les handicaps.

La dynamisation de la vie sociale à l’épreuve des faits

16En conclusion, tout se passe comme si l’on survalorisait l’acquis de la dynamisation de la vie sociale et associative, comme pour mieux masquer l’incapacité à agir sur le volet économique, alors qu’une lecture plus attentive des données fournies par les trois principales associations sportives du quartier, complétée par des entretiens auprès de leurs présidents et des responsables des maisons de quartier (celle des Pyramides et de Jean Yole), tempère cet optimisme véhiculé par le discours des acteurs de DSQ. Le clivage spatial dans les pratiques associatives entre le collectif HLM et le pavillonnaire semble ainsi perdurer, car plus que le bâti stricto sensu, ce sont les modes de peuplement et d’appropriation de l’espace qui sont en cause. Or, ces modes, sans constituer des invariants absolus, sont dotés d’une très forte inertie. Une rapide analyse de l’histoire du peuplement du pavillonnaire récent (années soixante et soixante-dix) et du collectif HLM permet alors de mieux comprendre dans quelle mesure les caractéristiques de la population et ses aspirations favorisent l’intensité de la vie sociale dans le premier ensemble, alors que celles-ci semblent être un frein au développement d’une vie sociale de proximité intense dans le second, et ce quelles que soient les actions menées.

17Ces différences de socialisation par les pratiques associatives, selon les types d’habitat, ne semblent guère singulières au quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon, car « de façon générale, les habitants des quartiers en difficulté participent moins à la vie associative que l’ensemble de la population française. Sur le territoire national, quatre personnes sur dix déclarent être adhérentes d’au moins une association ; dans les quartiers, cette proportion n’est plus que d’une sur trois. Un critère discriminant est le type d’habitat et on observe, sur l’ensemble du territoire, que les habitants des grands ensembles participent nettement moins à la vie associative que les autres habitants » (Choffel et Le Toqueux, 1997/164). Le travail réalisé par Louisa Plouchart (1999/350) sur neuf grands ensembles d’Angers et du Mans, à partir de la mobilisation d’un matériau très lourd d’enquêtes auprès de la population (666 dans la première ville et 1 019 dans la seconde), confirme ce constat.

Une politique locale de l’habitat en butte avec les difficultés de l’intercommunalité : l’exemple de Nantes

La géographie du logement HLM et les difficulté d’application de la LOV

18Le rôle essentiel joué par la répartition du logement HLM dans la compréhension de la géographie socio-résidentielle de l’agglomération nantaise a été souligné. Il renvoie à la localisation très discriminante de l’offre, puisque ce segment du parc immobilier est le plus concentré au niveau des quartiers Insee. Si l’on mesure cette concentration à l’échelle communale, les disparités sont certes moins marquées, mais elles restent encore très fortes. Ainsi, la ville centre de Nantes et cinq communes parmi les plus importantes de la banlieue, c’est-à-dire Saint-Herblain, Rezé, Orvault, Couëron et Bouguenais, ont une proportion de logements locatifs sociaux très nettement supérieure aux autres communes : celle-ci s’élève dans ces six communes au quart en moyenne en 1990, contre seulement 6 % pour les quatorze autres communes de l’agglomération (tableau 20 et carte 5).

Tableau 20 : La répartition du logement HLM dans l’agglomération de Nantes en 1990

Tableau 20 : La répartition du logement HLM dans l’agglomération de Nantes en 1990

Source et base de calcul : Insee, recensement 1990

19Au total, ces six entités communales concentrent 94 % du parc HLM de l’unité urbaine, pour 80 % des résidences principales. La commune de Nantes, avec 72 % des logements locatifs sociaux, présente de fait un visage social extrêmement contrasté. Elle renferme à la fois les beaux quartiers de l’agglomération et l’essentiel des quartiers dont le profil populaire est lié étroitement à la présence des grands ensembles de logements sociaux. Certes, un timide rééquilibrage s’est bien amorcé depuis les années soixante-dix, sans pour autant remettre en cause la géographie très inégalitaire du logement HLM : la part des six communes les mieux dotées s’élevait à 97 % en 1975, soit trois points de plus qu’en 1990. Autant dire qu’en quinze ans, l’inertie a régné !

20D’autres travaux donnent également à voir des situations où la distribution du logement locatif social est fortement inégalitaire à l’échelle des grandes agglomérations urbaines françaises.

  • Ainsi, ce segment du parc immobilier est très inégalement réparti dans l’agglomération de Lyon, à la fois entre communes, mais aussi à l’échelle des quartiers de la ville centre (Bonneville, 1997/312). D’un taux proche de zéro dans la majorité des communes des Monts d’Or, de l’ouest et du val de Saône, on passe à des taux dépassant les 50 % dans quelques grandes communes de la banlieue lyonnaise situées dans la plaine alluviale du Rhône, comme Rillieux, Saint-Fons, Vaulx-en-Velin ou encore Vénissieux. Marc Bonneville n’hésite pas à conclure que si « l’habitat [est] révélateur des disparités sociales », c’est en particulier parce que « la répartition de l’habitat social constitue une clé de lecture des disparités de l’espace social lyonnais ».

  • Une configuration quasiment identique à celle qui prévaut dans l’agglomération nantaise, en termes de concentration du parc HLM, peut être relevée à Strasbourg (Kleinschmager, 1997/317). La ville centre regroupe près des trois quarts des logements sociaux de la communauté urbaine (72 % à Nantes) et plus des neuf dixièmes de ces logements sont concentrés dans les quatre communes les plus peuplées, alors qu’elles représentent les trois quarts des résidences principales.

21Avec sa répartition fortement inégalitaire de l’offre en logement HLM, l’agglomération nantaise est loin de se conformer à l’objectif de diversité de l’offre d’habitat prôné par la LOV et réaffirmé par la loi SRU. En dépit de cette situation, la LOV n’a jamais été appliquée dans cette agglomération, étant donné l’incapacité des communes regroupées au sein du District à se mettre d’accord pour élaborer un PLH communautaire et à développer une politique globale d’habitat. En 1990, c’est à dire avant la promulgation de la LOV, le SIMAN (Syndicat intercommunal à vocation multiple de l’agglomération nantaise, créé en 1982 et qui prendra la forme d’un district en 1992) engage pourtant une procédure devant aboutir à la mise en place d’un PLH. En réalité, seule la phase du diagnostic est élaborée, illustration de l’efficience très limitée des PLH de la première génération. Puis, une fois la LOV votée, une résistance larvée à la mise en œuvre d’une nouvelle réflexion portant sur l’habitat dans l’agglomération nantaise devient perceptible auprès d’un certain nombre de municipalités. Cette attitude n’est cependant guère singulière, car le constat est unanime. Catherine Grémion (1998/169) ne relève-t-elle pas que « l’intercommunalité est restée longtemps au point mort dans les secteurs de l’habitat et du peuplement, par repli identitaire sur des frontières communale» ? Il est clair, en effet, que l’injonction à l’élaboration des PLH à l’échelle intercommunale, contenue dans la circulaire ministérielle n° 92-86 du 22 décembre 1992 relative aux PLH, a été peu appliquée dans les grandes villes françaises. Un bilan dressé au milieu de l’année 1996, à partir des informations obtenues auprès du ministère de l’Équipement, montrait que cinq agglomérations seulement de plus de 200 000 habitants s’étaient dotées d’un PLH inter-communal couvrant au minimum l’intégralité de l’agglomération définie par l’Insee, à savoir Brest, Clermont-Ferrand, Reims, Rennes et Strasbourg. En revanche, vingt d’entre elles n’avaient toujours pas adopté de PLH communautaire en 1996.

22À l’aune de ce constat d’échec, l’examen du discours et des politiques de l’habitat développées par les communes de l’agglomération nantaise permet de prendre conscience des difficultés d’instaurer une politique intercommunale en matière d’habitat et d’apprécier combien les stratégies des acteurs institutionnels induisent des logiques ségrégatives marquées par une très forte inertie. Cette analyse confirme que la nouvelle question sociale, qui s’exprime à travers le processus de dualisation socio-spatiale, n’est pas perçue le plus souvent comme capitale à l’échelle locale, malgré la force de l’injonction de l’État (Ballain, 1998/205 ; Jaillet et Lotton, 1998/237 ; Jaillet et Ballain, 1998/236). Elle semble également donner du poids à la thèse développée par les tenants d’un renforcement du contrôle normatif du pouvoir central, qui a débouché sur la loi SRU. Elle Trois types de situation, qui n’épuisent certainement pas la variété des configurations, se dégagent d’une observation du discours et des actions menées en matière d’habitat par les principales municipalités de l’agglomération nantaise.

Les communes les mieux dotées en HLM et le soutien ambigu à la LOV

23Parmi les six communes les mieux dotées en logements locatifs sociaux, c’est-à-dire celles qui concentrent 94 % des HLM de l’unité urbaine en 1990 et où un quart des résidences principales est un logement appartenant à ce parc, cinq affichent très explicitement leur politique en faveur du logement social. Il s’agit de Nantes et, en banlieue, de Bouguenais, Couëron, Rezé et Saint-Herblain (seule la commune d’Orvault fait exception). Parmi ces cinq communes, trois ont un contexte socio-morphologique populaire : Bouguenais et Couëron font ainsi parties de la « périphérie pavillonnaire ancienne à dominante ouvrière », alors que les quatre quartiers de Rezé se partagent à égalité entre la « périphérie des grands ensembles des années cinquante et soixante au profil très populaire » et la « périphérie pavillonnaire des années soixante-dix à quatre-vingt au profil moyennement populaire ». En revanche, toute la palette des contextes socio-morphologiques (neuf au total) est présente à Nantes, tandis que Saint-Herblain présente un visage assez diversifié, avec trois contextes et une dominante, puisque trois quartiers sur cinq appartiennent à la « périphérie pavillonnaire des années soixante-dix à quatre-vingt au profil socioprofessionnel moyen ».

24Le discours en faveur du logement social tenu par ces différentes municipalités se traduit dans les actes. Entre 1975 et 1989, la proportion de logements HLM dans le total de la construction neuve de ces cinq communes a atteint 30 %, l’intervention des bailleurs sociaux étant facilitée par le biais de cessions foncières avantageuses, contre 8 % seulement dans les quinze autres communes (tableau 21 et carte 6). Au cours de cette période, 87 % de l’effort de construction de locatifs sociaux a donc été concentré dans cinq communes qui, en 1975, regroupaient déjà 93 % du parc. Quand la répartition des flux de logements neufs semble aussi aimantée par la localisation des stocks, l’inertie est très grande. Or, celle-ci est en complète contradiction avec les objectifs de diversité de l’habitat et de mixité sociale prônés par la LOV et réitérés avec encore plus de force par la loi SRU. Autrement dit, les politiques d’habitat mises en œuvre par ces municipalités traduisent toute l’ambiguïté de leur discours, de leur action et de leur position par rapport à l’injonction centrale de mixité. Certes, elles ont beau jeu de faire valoir que cette gourmandise de prêts à la construction de locatifs sociaux s’explique également par le refus de certaines communes de l’agglomération d’accueillir du logement social. Néanmoins, cette politique, qui répond à une sensibilité de gauche et à un souci électoraliste tout à fait évident, est en contradiction avec un discours prônant la mixité sociale et fustigeant les égoïsmes de certaines municipalités.

Tableau 21 : La répartition de la construction de logements HLM dans l’agglomération de Nantes entre 1975 et 1990

Tableau 21 : La répartition de la construction de logements HLM dans l’agglomération de Nantes entre 1975 et 1990

Source et base de calcul : Insee, recensement 1990

Le refus de l’objectif de mixité sociale dans certaines communes pavillonnaires

  • 3 Duriez I., 2000, « La fronde des communes riches », L’Humanité, mercredi 8 mars 2000.
  • 4 Propos recueilli par Isabelle Duriez, L’Humanité, mercredi 8 mars 2000.

25À l’opposé, certaines communes, supports de la politique de développement de l’accession à la propriété et de la construction pavillonnaire des années soixante-dix à quatre-vingt, limitent volontairement la construction HLM sur leur territoire à un niveau très modeste. Cette politique est sous-tendue par un objectif qui conditionne tous les autres. C’est la volonté de garder un marquage social favorable incarné par l’image « d’une banlieue verte à l’abri des problèmes urbains ». Les élus de ces municipalités ont une représentation très anxiogène du logement social, perçu comme un fardeau ou une nuisance susceptible à la fois de nuire à cette image de marque et de bouleverser l’équilibre sociologique, donc électoral de leur commune. Cette représentation joue volontiers sur les amalgames, en développant un argumentaire fantasmatique liant logement social, pauvreté, insécurité et immigration. Cette rhétorique semble assez récurrente dans le débat français et émerge à chaque joute parlementaire, la dernière en date ayant eu pour cadre le vote de la loi SRU en 2000. À titre d’exemple, le maire RPR de Pavillons-sous-Bois en Seine-Saint-Denis (Philippe Daillier) n’a-t-il pas proclamé que pour appliquer la loi, « il faut que je rase un quartier entier de pavillons pour implanter une cité et tout ce qui va avec, délinquance, drogue, etc.3 » ? Et l’amalgame avec la figure de l’étranger n’est pas loin, comme le laisse entendre aussi les propos d’Eric Raoult, député-maire du Raincy en Seine-Saint-Denis et l’un des principaux opposants au projet de loi : « Les gens pensent : on va faire venir des gens de l’extérieur, on va nous mettre des Maliens4. » Cette représentation du logement social conditionne largement une politique d’habitat qui continue à privilégier la construction pavillonnaire en accession, au détriment du logement locatif social.

26L’exemple de Vertou, au sud-est de l’agglomération nantaise, dont le contexte socio-morphologique correspond à la « périphérie pavillonnaire des années soixante-dix à quatre-vingt au profil socioprofessionnel moyen », est tout à fait caricatural : pas un seul logement HLM n’y a vu le jour entre 1975 et 1989, alors que 2 485 logements ont néanmoins été construits au cours de cette période (tableau 21 et carte 6). Or, cette attitude ne peut s’expliquer par une volonté de faire une pause dans l’édification du parc HLM, car en 1975 celui-ci ne représentait que 6 % des résidences principales, soit douze points de moins que dans l’agglomération nantaise. Fort logiquement, la sous-représentation de ce segment du parc est passée à dix-huit points en 1990, la proportion de logements locatifs sociaux ayant été ramenée à 4 % seulement. Cette municipalité a donc ouvertement orienté sa politique d’habitat vers une action destinée à accueillir des ménages de condition moyenne ou supérieure dans des lotissements pavillonnaires, montrant ainsi la constance de ses choix depuis deux à trois décennies. Cette stratégie s’exprime alors par une très forte réticence à l’idée d’être intégrée dans un PLH à l’échelle de l’agglomération, qui serait synonyme de perte d’autonomie dans la définition d’une politique municipale en matière d’habitat et d’obligation de développer du logement social sur le territoire communal. Ce refus de se fondre dans un PLH communautaire est également justifiée par une négation implicite de la réalité de l’agglomération nantaise. Le discours tenu en 1996 par l’adjoint au maire de Vertou chargé de l’urbanisme est très clair : il refuse l’épithète de commune de banlieue et revendique ouvertement une identité de « petite ville du vignoble nantais située à proximité de Nantes ». Par ce subterfuge, on cherche ainsi à échapper au devoir de solidarité qu’impose la réalité de l’appartenance à l’agglomération.

  • 5 Les commerçants et les cadres représentent la moitié des personne de référence du ménage en 1990, s (...)

27Outre Vertou, le cas de Sautron, au nord-ouest de l’agglomération nantaise, est également intéressant. Le contexte socio-morphologique qui définit cette commune la classe parmi la « périphérie d’habitat mixte des années soixante-dix à quatre-vingt au profil socioprofessionnel aisé ». En réalité, Sautron est l’entité géographique qui s’éloigne le plus, en termes de structure d’habitat, du profil moyen de son groupe d’appartenance, puisque la maison individuelle et les propriétaires y règnent en maître. Du fait de son profil socioprofessionnel très aisé5, elle faisait donc partie des 209 communes identifiées dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants en France et rentrant dans le champ d’application de l’obligation communale de construction de logements sociaux selon les critères retenus par la LOV (moins de 20 % de logements sociaux et moins de 18 % de bénéficiaires d’une aide personnelle au logement). Or, elle n’a pas souhaité, comme dix-sept autres communes en France, élaborer un PLH communal et prendre ainsi d’engagement triennal en faveur du logement social, comme la loi l’y autorisait pour se soustraire au paiement de la contribution. L’exemple de Sautron, comme celui de Vertou, est tout à fait symptomatique de l’attitude de ces communes qui « se lancent dans une véritable compétition pour l’accueil des plus fortunés et des couches moyennes » et qui, de fait, considèrent que « la concentration des pauvres nuit à l’image de la commune et fait obstacle aux efforts pour attirer des activités susceptibles d’alimenter la fiscalité locale » (Lévy et Brun, 2000/39).

La conversion à l’objectif de mixité sociale dans quelques rares communes pavillonnaires

28Un troisième cas de figure, assez peu fréquent, se dégage de l’analyse du discours et des actions menées en matière d’habitat par les principales municipalités de l’agglomération nantaise. Il est symbolisé par des communes qui sont devenues favorables au cours des années quatre-vingt au logement social, ce changement d’attitude traduisant généralement l’arrivée d’une nouvelle municipalité de gauche. Une commune est tout à fait emblématique de ce cas de figure : celle de La Chapelle-sur-Erdre au nord de l’agglomération. Cet exemple met bien en lumière certains facteurs d’évolution des politiques municipales en matière d’habitat. Cette commune est identifiée par le cinquième contexte socio-morphologique distingué en périphérie, à savoir la « périphérie pavillonnaire des années soixante-dix à quatre-vingt au profil socioprofessionnel moyen ». Elle peut être considérée comme le parangon de la banlieue pavillonnaire (92 % des résidences principales en 1990) des années soixante-dix à quatre-vingt (la population est passée de 3 000 habitants en 1968 à 15 000 en 1990), dont le développement repose sur l’accession à la propriété (84 %), ce qui limite à la portion congrue le parc HLM. Celui-ci, avec 126 logements, ne représente que 3 % des résidences principales (tableau 20 et carte 5). Du fait des caractéristiques de ce parc immobilier, La Chapelle-sur-Erdre rentrait dans le champ d’application de l’obligation communale de construction de logements sociaux défini par la LOV, puisqu’elle possède moins de 20 % de logements sociaux et moins de 18 % de bénéficiaires d’une aide personnelle au logement.

29La nouvelle municipalité de gauche élue en 1989 adhère aux objectifs de la LOV, car elle y voit une opportunité pour amorcer un rééquilibrage du développement communal, tant en matière de fonctionnement du marché du logement que de gestion du territoire. D’une part, elle prend conscience des problèmes générés par une offre trop exclusive en logement. Cette offre est en effet axée essentiellement sur un parc occupé par des accédants ou des propriétaires, ce qui ne permet pas de répondre à la demande en logement locatif des jeunes. Or, celle-ci augmente à proportion des cas de décohabitation juvénile, qui se multiplient étant donné la tendance à l’enracinement résidentiel sur la commune. D’autre part, les édiles municipaux souhaitent renforcer le centre-bourg, de façon à favoriser l’émergence d’une centralité urbaine et, par la même occasion, d’une identité communale évanescente depuis le déferlement pavillonnaire.

30Afin d’atteindre ce double objectif, et compte tenu de l’incapacité des communes du district de l’agglomération nantaise à se mettre d’accord pour élaborer un PLH communautaire, la municipalité adopte en 1995 son propre PLH et un engagement triennal de production de logements sociaux, comme l’y oblige la LOV. Elle se fixe des objectifs ambitieux, avec en ligne de mire une proportion de 10 à 15 % de logements HLM en 2005, contre 3 % seulement au début des années quatre-vingt-dix. Elle va ainsi bien au-delà des contraintes réglementaires résultant de l’engagement triennal portant sur les années 1995, 1996 et 1997. Alors que celles-ci obligent la commune à réaliser 90 logements HLM, le PLH en prévoie 246, soit le double du stock existant sur l’ensemble de la commune (126). Et sur ces 246, 201 sont localisés dans la Zone d’aménagement concertée (ZAC) de la Source, opération d’urbanisme située juste au nord du noyau urbain ancien et destinée à renforcer le centre-bourg.

Une politique locale de l’habitat a minima levier de l’intercommunalité : l’exemple du pays Yonnais

La mise en œuvre de la politique locale de l’habitat et le système d’acteurs mobilisés

  • 6 Le premier PLH est signé entre la communauté de communes du pays Yonnais et l’État le 8 novembre 19 (...)
  • 7 Couturier T., 1989, Pays yonnais et bassin de vie. Approche multicritères et propositions de délimi (...)

31Si la question de l’habitat fait partie, dès la création de la communauté de communes du pays Yonnais en 1994, du champ investi par cette structure intercommunale, avec le lancement d’un premier PLH6 suivi d’un second en 1999, c’est le fruit d’une double antériorité. D’une part, les jalons de l’intercommunalité dans le domaine de l’habitat, au sein du pays Yonnais, ont été progressivement posés à partir de 1986, par la mise en place d’un partenariat informel créé entre plusieurs organismes, partenariat débouchant à l’orée des années quatre-vingt-dix sur le début d’une réflexion au niveau du bassin d’habitat et la réalisation d’une étude portant sur le bassin de vie Yonnais en 1989. C’est l’observatoire logement de la ville de La Roche-sur-Yon, mission confiée à cette époque à une Société d’économie mixte de la ville (la SEM Roche développement), qui semble être à l’initiative de ce partenariat informel. D’autre part, parallèlement à la mise en place de ce partenariat, une autre étape confortant cette réflexion est franchie en 1989, avec la réalisation d’un diagnostic du pays Yonnais7. Celui-ci est élaboré également par l’observatoire logement de la ville de La Roche-sur-Yon. De l’aveu de la Direction départementale de l’équipement (DDE) de Vendée, ce diagnostic occupe une place centrale dans la genèse de la politique locale de l’habitat à l’échelle du pays Yonnais, car il « peut être considéré comme une réflexion fondatrice » pour la mise en œuvre du PLH.

32Le système d’acteurs mobilisés par l’élaboration et la mise en œuvre de cette politique locale de l’habitat repose fondamentalement sur une triade, à savoir les deux opérateurs, la DDE de Vendée et, de façon sans doute plus secondaire, la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de Vendée. Toutefois, il faut rappeler que les élus semblent avoir toujours eu la maîtrise de la réflexion et des orientations données au PLH, comme l’affirment les représentants de la DDE. Néanmoins, selon le vice-président chargé de l’habitat au sein de la communauté de communes et adjoint au maire de La Roche-sur-Yon, chargé de l’urbanisme et du logement entre 1995 et 2001, « très vite, les acteurs principaux ont été les techniciens », reconnaissance de l’importance du travail pédagogique et d’expertise réalisé à la fois par les deux opérateurs et les services de l’État. Observons le positionnement de ce système d’acteurs.

  • 8 Cet organisme s’appelle désormais Habitat et Développement.

33La maîtrise d’œuvre retenue pour l’élaboration et le suivi du premier PLH est une solution de compromis politique. En effet, pour concrétiser au niveau opérationnel l’alliance entre la ville centre et sa couronne périurbaine, on a fait collaborer l’outil de la première, à savoir l’observatoire logement de la SEM Roche développement, et l’outil de la couronne, c’est-à-dire le Centre départemental d’habitat rural (CDHR) de Vendée8. Le premier organisme a posé, rappelons-le, les jalons de l’intercommunalité dans le domaine de l’habitat dans le pays Yonnais, alors que le second peut faire valoir sa bonne connaissance des communes rurales acquise lors de la réalisation du PLH de la couronne yonnaise en 1992. Il représente également une sorte de garantie pour les élus de la couronne, qui craignent une mainmise de la ville de La Roche-sur-Yon, à la compétence technique et d’expertise nettement supérieure à celle des communes périurbaines, en particulier grâce à son observatoire logement. Les deux organismes ont donc été co-titulaires de la conduite du premier PLH et, de l’avis des acteurs interrogés, cette alliance a bien fonctionné. Si l’option d’une co-maîtrise d’œuvre à été retenue, fruit d’un compromis politique, c’est que rien ne prédisposait, au regard du contexte historique, géographique et politique yonnais, la ville de La Roche-sur-Yon et ses communes environnantes à s’unir dans une structure intercommunale.

  • D’une part, cette ville, d’essence successivement impériale, monarchique ou républicaine, s’est inscrite en étrangère dans son territoire, puisqu’elle a été perçue, jusque dans la seconde moitié du xxe siècle, comme la représentante du pouvoir central. La Roche-sur-Yon a en effet été créée en 1804 par Napoléon Ier, dans un souci de pacification et de réaffirmation de l’autorité étatique au sein du département de la Vendée. Or, du fait de cette histoire singulière, « tout au long d’un siècle et demi il y a eu, sinon hostilité, à tout le moins méfiance ou incompatibilité d’humeur et des comportements entre ruraux et urbains au cœur de la Vendée », (Renard, 1995/322).

  • D’autre part, le contexte politique local était a priori peu favorable au développement de politiques publiques intercommunales, pour au moins deux raisons. D’une part, la ville de La Roche-sur-Yon apparaît comme un isolat de gauche au milieu de communes ancrées historiquement à droite. D’autre part, le jeu politique local est relativement complexe, car il repose sur un système tripartite, où trois forces de poids inégal, selon les communes, s’affrontent : la gauche socialiste, la droite parlementaire et le Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers, président du conseil général de Vendée. Or, les vicissitudes de l’intercommunalité tiennent pour une large part à l’importance de cette troisième composante, sans doute moins encline à accepter le compromis que les deux autres. À titre d’exemple, si les communes de Mouilleron-le-Captif et de Venansault n’ont pas participé à la communauté de communes du pays Yonnais lors de sa création en 1994, alors que leur présence au sein de cette structure s’imposait au regard des réalités géographiques locales, c’est sans doute parce que le fait politique a primé. Il y a très certainement plus de distance politique entre le maire de Mouilleron-le-Captif (Bernard Darniche), unique sénateur français du MPF, et le maire socialiste de La Roche-sur-Yon (Jacques Auxiette), qu’entre ce dernier et les autres maires de la couronne. D’ailleurs, le premier nommé a pris la tête de la communauté de communes après les municipales de 2001, contre la candidature d’un autre maire de la couronne, qui symbolisait le compromis avec la ville centre. Il a ainsi rompu l’accord tacite qui avait permis de surmonter les divergences politiques et de construire l’intercommunalité, lorsque les élus locaux du pays Yonnais s’étaient regroupés autour de l’alliance objective nouée entre le maire de La Roche-sur-Yon et le député-maire d’une commune de la couronne yonnaise (Dominique Caillaud), pour créer le syndicat mixte du pays Yonnais en 1993, soit un an avant la naissance de la communauté de communes.

34Tous les interlocuteurs interrogés reconnaissent à la DDE de Vendée un rôle central dans la mise en place du PLH du pays Yonnais. Non seulement « la DDE a joué un rôle moteur, a été un aiguillon, un pilote, un conseiller » dans le processus d’élaboration du PLH, selon le responsable de l’observatoire logement de la ville de La Roche-sur-Yon, mais elle a également assuré un rôle de garde-fou et de transmission du discours de l’État, en rappelant sans cesse les objectifs de la loi Besson de 1990 et de la LOV de 1991. Le représentant de la DDE de Vendée confirme qu’il a volontiers joué ce rôle d’interprète ou d’exégète du discours de l’État au niveau local, en déclarant que ses efforts ont porté sur « la partie générique [du PLH], c’est-à-dire bien expliciter les objectifs de la LOV ». Au total, la DDE semble avoir milité très activement pour intégrer les orientations habitat du PLH du pays Yonnais dans une démarche de développement local visant à respecter une logique intercommunale, donc en organisant la complémentarité entre la ville centre et la couronne périurbaine, de façon à conformer les orientations du PLH à l’injonction centrale de mixité sociale et urbaine.

35Enfin, parmi les partenaires sociaux, plusieurs acteurs ont insisté sur l’influence importante de la DDASS de Vendée dans la définition des enjeux du PLH du pays Yonnais, alors que le rôle des bailleurs sociaux semble avoir été modeste, le principal d’entre eux, à savoir l’Office public départemental d’HLM de Vendée (il n’existe pas d’office municipal), reconnaissant que sa mission s’est bornée, pour l’essentiel, a communiquer ses chiffres. Ce rôle a été d’autant plus efficace que la DDASS était représentée, au sein de la commission habitat de la communauté de communes, par une personne qui s’est fortement impliquée dans la question du logement d’insertion. Même si cette personne de la DDASS semble, peut-être par modestie, considérer son action comme secondaire, les autres acteurs interrogés soulignent au contraire le rôle déterminant qu’elle a joué dans la prise en compte de la dimension sociale dans la politique locale de l’habitat du pays Yonnais. Ainsi, par un système d’alliance objective bien qu’informelle, la DDASS a conforté la position de la DDE et de la ville de La Roche-sur-Yon, les trois partenaires insistant tout particulièrement sur la nécessité à la fois de prendre en compte la dimension sociale de toute politique de l’habitat et de veiller au respect des équilibres socio-territoriaux.

Le rééquilibrage spatial du logement HLM et l’objectif de mixité sociale : enjeu essentiel du PLH ?

  • 9 Ces PLA sont remplacés par les Prêts locatifs à utilisation sociale (PLUS) en 2000.

36De l’aveu de tous les acteurs interrogés, il semble bien que l’objectif majeur du PLH du pays Yonnais était d’aboutir à une meilleure répartition du logement HLM au profit de la couronne périurbaine, comme le rappellent quelques extraits issus de la retranscription des entretiens réalisés : « l’enjeu du pays Yonnais était celui de la répartition du logement HLM, c’est-à-dire de pouvoir développer un parc sur l’ensemble du territoire, et non sur la seule ville centre » (directeur du CDHR) ; « la redistribution des crédits PLA était la priorité, car c’était faire admettre que la couronne devait prendre sa part dans la construction de logements sociaux » (représentante de la DDASS de Vendée). Cet enjeu socio-territorial est la traduction locale de l’injonction centrale visant à promouvoir la mixité sociale dans la définition des politiques locales de l’habitat. On retrouve ici la griffe de la ville de La Roche-sur-Yon, de la DDE et de la DDASS de Vendée. Or, quel est le bilan de cette politique ? Le discours a été confronté à la réalité des chiffres, en comparant le nombre de PLA accordés au cours des quatre années qui ont servi de cadre de référence au diagnostic préalable au PLH, c’est-à-dire 1990 à 1993, au nombre de PLA accordés au cours des années 1995 à 2000, couvrant donc l’intégralité du premier PLH et les deux premières années du second. Les statistiques prennent en compte les deux principaux types de financement du logement social, à savoir les PLA-CDC (PLA délivrés par la Caisse des dépôts et consignations), qui financent la production de logements HLM neufs « ordinaires9 », et les PLA-I et TS (PLA d’intégration, d’insertion ou très sociaux), qui financent la construction de logements « très sociaux ».

37La répartition des crédits PLA, telle qu’elle découle de la mise en œuvre du PLH du pays Yonnais, est sensiblement différente de celle que donne à voir une photographie du stock de logements sociaux au début des années quatre-vingt-dix (tableaux 22 et 23).

  • Pour la ville de La Roche-sur-Yon, le passage d’une période à l’autre est peu significatif. D’une moyenne annuelle de 105 PLA accordés entre 1990 et 1993, on passe à 114 entre 1995 et 2000. En revanche, la donne change pour les communes de la couronne yonnaise. Le nombre de PLA accordé à ces quatorze communes a en effet plus que doublé en rythme annuel, passant de 10 entre 1990 et 1993 à 25 entre 1995 et 2000.

  • Ainsi, l’objectif visant à faire de « l’attribution des PLA un moyen de rééquilibrage du logement social entre La Roche-sur-Yon et la couronne yonnaise, sur la base d’une répartition de 80 % – 20 % » (Bilan du PLH 1997) est presque atteint. Les quatorze communes périurbaines ont bénéficié en effet de 18 % des PLA entre 1995 et 2000, cette part ayant doublé par rapport à la période antérieure au PLH (1990 et 1993), où elle s’élevait à 9 %. Au total, le parc HLM des quatorze communes de la couronne yonnaise a doublé en cinq ans, passant de 179 logements à 350, alors qu’il n’a progressé que d’un cinquième pour la ville de La Roche-sur-Yon, passant de 4 790 unités à 5 706.

Tableau 22 : La répartition annuelle des financements destinés à la construction de logements locatifs sociaux dans le pays Yonnais

Tableau 22 : La répartition annuelle des financements destinés à la construction de logements locatifs sociaux dans le pays Yonnais

Note (1) : Les PLA-CDC, délivrés par la Caisse des dépôts et consignations, financent la construction de logements HLM « ordinaires » (ils ont été remplacés par les Prêts locatifs à utilisation sociale, soit les PLUS, en 2000). Les PLA-I et TS, pour PLA d’intégration, d’insertion ou très sociaux, financent, quant à eux, la construction de logements « très sociaux ».
1990-1993 : période antérieure au PLH
1995-2000 : période couverte en totalité et partiellement par le PLH

Source : Syndicat du pays Yonnais, 1993, Programme local de l’habitat. Perspectives et actions (consommation de PLA entre 1990 et 1993) ; Communauté de communes du pays Yonnais, Programme local de l’habitat du pays Yonnais. Observatoire. Bilan 1999-2000 (consommation de PLA entre 1995 et 2000)

38Toutefois, si on ne peut nier la réalité du rééquilibrage dans la répartition des crédits affectés à la construction de logements locatifs sociaux au sein du pays Yonnais depuis la mise en œuvre du PLH, force est de constater la discrétion extrême du phénomène.

  • La ville de La Roche-sur-Yon concentre encore 94 % du parc HLM de la communauté de communes en 1999, soit seulement deux points de moins qu’en 1993 (tableau 23), alors que la répartition globale du parc de résidences principales, telle qu’elle apparaît au recensement de 1999, n’a pas été modifiée depuis 1990, avec toujours les deux tiers concentrés dans la ville centre.

  • Fort logiquement, la proportion de logements HLM au sein du parc de résidences principales n’a pratiquement pas évolué entre les deux derniers recensements : elle a seulement diminué d’un point à La Roche-sur-Yon, passant de 27 % en 1990 à 26 % en 1999, alors qu’elle a progressé d’un point dans la couronne, augmentant de 2 % à 3 %. Bref, une évolution très faible qui ne change quasiment rien, ou peu s’en faut, à la géographie très inégalitaire du locatif social dans le pays Yonnais.

Tableau 23 : L’évolution de la répartition des logements locatifs sociaux dans le pays Yonnais entre 1993 et 1999

Tableau 23 : L’évolution de la répartition des logements locatifs sociaux dans le pays Yonnais entre 1993 et 1999

Source : Syndicat du pays Yonnais, 1993, Programme local de l’habitat. Perspectives et actions (parc HLM au premier juillet 1993) ; Communauté de communes du pays Yonnais, Programme local de l’habitat du pays Yonnais. Observatoire. Bilan 1999-2000 (parc HLM au premier juillet 1999)

Les enjeux politiques déterminants d’un PLH vecteur de construction de l’intercommunalité

39Le bilan du PLH du pays Yonnais peut sembler très modeste, au regard des intentions affichées en matière d’atténuation des déséquilibres socio-territoriaux liés à une concentration extrême du logement locatif social à La Roche-sur-Yon. Le rééquilibrage du parc HLM, principal enjeu du PLH, est tout à fait symbolique. Contrastant avec cette modestie des résultats du PLH, tous les acteurs interrogés soulignent le grand intérêt du PLH pour la construction politique du pays Yonnais. Et si, au-delà des intentions déclarées, qui situent l’enjeu essentiel de ce PLH dans la programmation des crédits PLA, le véritable enjeu, non proclamé, était politique ? L’unanimité se dégage, parmi les acteurs interrogés, pour reconnaître la part déterminante que semble avoir prise la mise en œuvre d’une politique locale de l’habitat dans le renforcement d’une identité communautaire. Ces acteurs perçoivent donc cette politique avant tout comme un moyen de construire l’intercommunalité.

  • Ainsi, le président de la commission habitat au sein de la communauté de communes « pense que la politique de l’habitat est bien un vecteur de l’inter-communalité […] ça a été une occasion de fédérer les quinze communes […] On voit bien que progressivement l’identité communautaire a pris corps notamment avec cette action commune ».

  • Le responsable de l’observatoire logement de la ville de La Roche-sur-Yon surenchérit, estimant que « le premier enjeu [du PLH] est purement politique, c’est-à-dire profiter ou s’adosser sur la question du logement et de l’habitat qui pouvait marcher immédiatement (les élus sentaient bien que c’était un sujet qui ne fâchait pas, qui pouvait fédérer), donc utiliser ce thème comme élément de construction de la communauté de communes ». Le directeur du CDHR de Vendée, l’autre cheville ouvrière du PLH avec l’observatoire logement de la ville de La Roche-sur-Yon, reconnaît également que « le PLHa étéun des moteurs du pays Yonnais, car la politique habitat était assez consensuelle dans sa mise en œuvre ».

  • Enfin, cette opinion est également partagée à la fois par la représentante de la DDASS de Vendée, pour qui « le PLH a été un vecteur d’identité du pays Yonnais », et par le directeur de l’Office public départemental d’HLM de Vendée, qui considère que « l’apport du PLH dans la construction de l’inter-communalité est très important ».

40La question qui mérite d’être posée, à l’aune de cette unanimité de point de vue, est alors la suivante : pourquoi la communauté de communes du pays Yonnais a-t-elle choisi l’habitat comme vecteur essentiel mais non exclusif de construction de l’intercommunalité, alors que souvent ce sujet est l’objet d’enjeux tellement antagonistes qu’il éloigne plus qu’il ne rapproche les communes, comme le montrent bien l’exemple nantais ou d’autres observations (Coloos, 1995/210) ? La réponse semble contenue, du moins de façon implicite, dans les déclarations des acteurs interrogés. On décrit en effet « un sujet qui ne fâchait pas, qui pouvait fédérer », ce qui évoque l’absence de conflits lors de l’élaboration du PLH. Or, si la démarche a été consensuelle, n’est-ce pas parce les élus l’ont souhaité ainsi, privilégiant alors la recherche d’une sorte de consensus mou, autrement dit d’un accord minimum, à défaut d’être véritablement audacieux ? En effet, sur le rééquilibrage du parc HLM, présenté par les acteurs comme l’enjeu essentiel du PLH, l’entente pouvait d’autant plus facilement être trouvée entre les différentes collectivités locales de la communauté de communes que l’accord satisfaisait toutes les parties en présence, étant donné la définition d’objectifs résolument a minima. Il semble, en effet, que la position des élus, aussi bien ceux de la ville centre que ceux des communes de la couronne yonnaise, ait été pour le moins équivoque. Ce sont principalement les acteurs qui ne représentent pas directement les collectivités locales du pays Yonnais qui ont bien exprimé, chacun à leur manière, cette ambiguïté, sans doute parce qu’ils ont à la fois plus de distance et de liberté pour s’expliquer sur ce thème. Ainsi, le représentant de la DDE de Vendée souligne avec force cette « équivocité » : « La question de la répartition spatiale du parc n’a pas vraiment été conflictuelle entre les élus. En revanche, elle a été conflictuelle entre l’État et les élus, parce que l’État prônait un rééquilibrage vigoureux, estimant qu’avec 95 % du parc HLM dans la ville centre contre 5 % dans les quatorze autres communes, contre deux tiers – un tiers au niveau de la population, la répartition n’était pas satisfaisante. Donc, on aurait poussé pour que la majorité de la production soit dans la couronne. Mais on était face à des élus parmi lesquels le maire de La Roche-sur-Yon voulait continuer à produire beaucoup, alors que dans le même temps, les communes de la couronne avaient encore très peur du logement social, avec toutes les images des tours, des problèmes, des budgets sociaux, des conflits avec les autres habitants. Donc, à la limite, les élus étaient d’accord entre eux, sur le dos de la loi d’orientation pour la ville, qui était portée par l’État. »

41La ville de La Roche-sur-Yona ainsi maintenu son rythme de consommation de PLA autour d’une centaine par an, ce qui correspondait à sa volonté clairement affichée de poursuivre le développement de son parc HLM. Les objectifs démographiques, à savoir enregistrer une croissance de la population suffisante pour atteindre au recensement de 1999 le seuil des 50 000 habitants, et électoraux, c’est-à-dire conforter la base électorale de la municipalité de gauche, ont largement présidé à ce choix de développement. Les sacrifices alors consentis en apparence par la ville sont donc d’autant plus symboliques que le maintien du rythme de construction de logements sociaux étant acquis, La Roche-sur-Yon pouvait facilement accepter une diminution, au demeurant extrêmement modeste (de 91 % à 82 %), de sa quote-part de PLA au sein du pays Yonnais. Le PLH du pays Yonnais n’a donc fait qu’avaliser, en la modifiant à la marge, une situation de fait qui préexistait antérieurement au PLH, à savoir que la ville de La Roche-sur-Yon continue, car telle est la volonté des élus de cette commune et de la couronne yonnaise, de consommer l’essentiel des crédits destinés à la construction de logements locatifs sociaux. Ainsi, méfions-nous des apparences et des jeux d’alliance trop simplistes, qui pourraient nous laisser croire qu’il y aurait, dans le jeu d’acteurs qui s’est mis en place autour du PLH du pays Yonnais, d’un côté une sorte d’alliance objective entre la ville de La Roche-sur-Yon et la DDE de Vendée, les deux partenaires se retrouvant autour de la promotion d’un discours porté par la notion de mixité sociale, et de l’autre une coalition des communes de la couronne yonnaise pour refuser en bloc le logement HLM. Certes, les choix de développement résidentiel semblent accréditer cette opposition, mais la réalité est infiniment plus nuancée, et nous retrouvons, dans l’attitude de la ville de La Roche-sur-Yon, la même ambiguïté que celle évoquée pour les communes de l’agglomération nantaise les mieux dotées en logements locatifs sociaux. Celle-ci tient dans une sorte de discordance relative entre le discours affiché, qui se fait l’apôtre de l’injonction centrale prônant telle une antienne le recours à la mixité sociale à l’échelle de la commune mais aussi du pays Yonnais, et la gourmandise avec laquelle cette ville continue à consommer les crédits PLA.

42L’inertie très forte qui a présidé à la répartition des crédits PLA du PLH du pays Yonnais a ainsi permis aux communes de la couronne yonnaise de préserver leur statut et leur image de commune résidentielle, support de l’accession à la propriété en maison individuelle. Certes, leur consommation de PLA a plus que doublé, mais en partant d’un niveau tellement bas que cette augmentation très modeste en valeur absolue a permis à la fois de satisfaire les communes qui désiraient construire du logement HLM, tout en autorisant celles qui n’en voulaient pas du moindre effort, ce qui montre que ces communes périurbaines sont loin de présenter un front uni face à la construction de logement social sur leur territoire.

Tableau 24 : L’effort de construction de logements locatifs sociaux par les quatorze communes de la couronne périurbaine du pays Yonnais entre 1995 et 2000

Tableau 24 : L’effort de construction de logements locatifs sociaux par les quatorze communes de la couronne périurbaine du pays Yonnais entre 1995 et 2000

Note (1) : Les PLA-CDC, délivrés par la Caisse des dépôts et consignations, financent la construction de logements HLM « ordinaires » (ils ont été remplacés par les Prêts locatifs à utilisation sociale, soit les PLUS, en 2000).

Source : Communauté de communes du pays Yonnais, Programme local de l’habitat du pays Yonnais. Observatoire. Bilan 1999-2000 (consommation de PLA entre 1995 et 2000 et parc HLM au premier janvier 1999) ; Insee, recensement (résidences principales en 1999).

  • L’opportunité a donc été donnée aux premières de répondre à la demande en logement locatif sur leur commune, dans un contexte national marqué au milieu des années quatre-vingt-dix par un fort recul de l’accession sociale à la propriété. Cette voie leur a ainsi permis de poursuivre leur développement démographique, avec l’espoir de fixer sur leur commune ces locataires, perçus avant tout comme des candidats potentiels à l’accession. Trois communes correspondent à cette tendance, car elles se distinguent par un niveau de construction de logements sociaux nettement supérieur à la moyenne de la couronne yonnaise, ce niveau étant apprécié en rapportant le nombre de PLA-CDC consommés entre 1995 et 2000 à l’importance du parc de résidences principales en 1999. Si la moyenne s’établit à 1,3 % pour la couronne yonnaise, ce ratio s’élève à 1,9 % pour Nesmy, à 3 % pour Aubigny et à 3,3 % pour Thorigny (tableau 24 et carte 7). Au total, ces trois communes, qui ne représentent que 18 % du parc de résidences principales de la couronne yonnaise en 1999, ont consommé 38 % des PLA. Du fait de cet effort notable de construction de logements sociaux depuis la mise en place du PLH, le parc HLM y représente, en 1999, 4,8 % des résidences principales.

  • Quant aux secondes, elles ont pu arguer de l’effort consenti par les premières pour se dispenser du moindre effort ou presque, et ont pu d’autant plus facilement adhérer aux objectifs du PLH que celui-ci ne leur imposait strictement rien. Quatre communes ont ainsi très peu participé à l’effort de construction de logements sociaux depuis la mise en place du PLH du pays Yonnais, avec un rapport entre le nombre de PLA consommés entre 1995 et 2000 et l’importance du parc de résidences principales en 1999 extrêmement faible, variant entre 0 et 0,6 % : il s’agit de Fougéré, de Landeronde, de Mouilleron-le-Captif et du Tablier (tableau 24 et carte 7). Ces communes n’ont consommé que 4 % des crédits PLA de la couronne yonnaise, alors qu’elles représentent 21 % des résidences principales. Cette situation ne peut guère se justifier par la volonté de faire une pause dans la construction HLM, puisque ces communes se distinguent par les plus faibles taux de logements sociaux du pays Yonnais, avec seulement 1 % des résidences principales en 1999, soit une présence à peine symbolique.

43Au total, il semble que les élus du pays Yonnais aient perçu le PLH davantage comme un vecteur de dynamisation et de développement de la politique de solidarité intercommunale, que comme un instrument de planification de l’habitat. Incontestablement, cela a été un moyen parmi d’autres de favoriser la construction de l’intercommunalité. À l’image de nombreux autres PLH, celui du pays Yonnais serait-il autre chose qu’un « instrument de mobilisation, de formulation de projets communs, [une] occasion de négociation et de compromis » (Ascher, 1996/161) ? Autrement dit, au-delà des effets propres du PLH, n’est-ce pas la dynamique de coopération intercommunale et institutionnelle générée par la procédure d’élaboration du PLH qui est la plus importante et peut-être la plus porteuse d’avenir ? En clair, la politique locale de l’habitat serait-elle autre chose qu’un moyen de faire progresser l’intercommunalité ?

LES POLITIQUES DE LA VILLE ET DE L’HABITAT FACE AU DÉFI DE LA MIXITÉ SOCIALE

44Dans chacune des études de cas présentés, le thème de la ségrégation socio-spatiale et de son antidote, celui de la mixité sociale, est récurrent, soit de façon implicite, soit de manière très explicite. Il nous revient donc de réfléchir à cette dimension essentielle des politiques de régulation des déséquilibres socio-territoriaux, en examinant les politiques de la ville et de l’habitat à l’a une du défi de la mixité sociale.

La politique de la ville : une réitération d’une vision organiciste de la ville

La grande diversité des quartiers de la politique de la ville et des processus ségrégatifs ou agrégatifs

45Silesterritoiressupportsdelapolitiquedelavillesontsituésglobalementen bas de la hiérarchie socio-spatiale des villes françaises, les disparités sont souvent fortes d’un quartier à l’autre (Tabard, 1993/151 ; Champion et Marpsat, 1996/177). Cette hétérogénéité de situations laisse deviner la diversité des processus ségrégatifs à l’œuvre dans l’évolution du peuplement et de la composition sociale de ces territoires.

46Une contribution à la mise en évidence de cette diversité de processus a été apportée par Pascal Busiaux et Anne-Marie Fixot (1986/369), grâce à l’étude attentive de l’évolution du peuplement de deux grands ensembles situés dans deux villes de Basse-Normandie, l’un à Caen (la Guérinière) et l’autre à Flers (Le Pont-Féron).

  • Dans le premier cas, l’image dévalorisée s’est imposée progressivement par filtrage, celui-ci s’opérant par le départ des classes moyennes, dans un contexte législatif et idéologique marqué à la fois par l’instauration d’une politique d’accession sociale à la propriété d’un pavillon, la réaffirmation du mythe de la maison individuelle et, en parallèle, la dévalorisation de l’image du grand ensemble, sur fond de progression du chômage. Ainsi, le processus de dévalorisation à l’œuvre s’est déroulé selon un mode relativement classique, correspondant à l’évolution observée dans la plupart des grands ensembles des villes françaises. Cependant, les auteurs nous invitent à aller au-delà de cette première approche de causalité, en observant l’existence d’une ségrégation emboîtée ou d’une grande diversité du marquage social à l’intérieur des différentes cités, avec la constitution en particulier d’un espace du « pire ». Pascal Busiaux et Anne-Marie Fixot concluent alors que la logique de gestion locative de la Guérinière par l’opérateur HLM a généré ce processus ségrégatif : « La constitution de cet espace du “pire” résulte de la politique de l’OPHLM visant, au nom d’une nécessité de saine gestion financière, à laisser et à regrouper dans cet ensemble les familles insolvables de son parc, aboutissant de fait à la constitution d’une aire de ségrégation. »

  • En revanche, à Flers, la « ségrégation » a été voulue à l’origine par l’accueil de populations immigrées et s’est perpétuée ensuite, renforçant alors le rejet de cet ensemble. Le processus ségrégatif diffère donc de celui à l’œuvre à Caen, car « la ségrégation des populations de Pont-Féron, après s’être opérée à partir de critères raciaux, s’effectue-t-elle aujourd’hui par l’appartenance à un même statut socio-économique bas ». Certes, le résultat final est sans doute le même, avec la tendance au regroupement de populations défavorisées, et le processus ayant conduit à ce résultat peut sembler identique, avec dans les deux cas une sédimentation de populations en difficultés. Cependant, la similitude s’arrête là, car si cette sédimentation s’est développée d’emblée à Flers, par l’imposition d’un marquage social originel fortement négatif, elle s’est diffusée progressivement à Caen, lorsque l’image du grand ensemble est devenue très décriée dans la société française.

47La politique de la ville en France occulte largement cette variété de dynamiques de peuplement et ce qui en découle, à savoir les mécanismes d’agrégation. Or, même les ménages les moins bien dotés en capital économique et culturel ont une capacité, certes limitée, à développer des stratégies résidentielles (Bonvalet et Fribourg, 1990/246). Quelques auteurs nous invitent alors à regarder avec attention et intérêt ces phénomènes d’agrégation dans les quartiers relevant de la politique de la ville. Pour les évoquer, Jacques Chevalier (2000/357), dans sa réflexion sur les territoires de la violence urbaine, recourt à la figure de sanctuaire, cette sanctuarisation posant explicitement la question du communautarisme, c’est-à-dire « de normes d’interaction et de régulation sociales qui empruntent à la fois au fond commun national et aux autres cultures d’origine ». Par ailleurs, une identité territoriale peut se forger autour du regroupement communautaire ou ethnique (Bertoncello et De Lataulade, 1995/367). À titre d’exemple, lorsque Daniel Pinson (1995/140) observe les modes d’habiter de familles d’origine marocaine habitant la ZUP de Bellevue à Nantes, il insiste sur les limites d’une pensée où « agrégation et ségrégation sont trop souvent unilatéralement considérées comme des situations qui résulteraient principalement, soit de l’action de facteurs extérieurs […] soit, et particulièrement dans le cas de l’agrégation, de l’action de l’environnement social et culturel sur ces groupes socio-ethniques ». Autrement dit, les modes d’habiter oscillent entre des formes de préservation et de repli communautaire dont certaines ne sont pas subies mais au contraire souhaitées, et un processus d’acculturation reposant sur « des relations transethniques fondées sur les valeurs universelles des “droits de l’homme” ».

48Or, tout semble indiquer que cette double occultation, à la fois des processus agrégatifs et du communautarisme, dans les dynamiques de peuplement des quartiers relevant de la politique de la ville en France, masque une volonté, consciente ou non, de pérenniser le modèle français d’intégration qui fonde le contrat social. Cette représentation de la République, à la fois une et indivisible et liant directement le sujet à la Nation sans corps intermédiaire, semble difficilement compatible avec la reconnaissance de formes de socialisation perçues comme une menace pour l’universalité des valeurs républicaines. Danielle Schnapper (1998/401) explique comment cette conception républicaine de la société, nationale et citoyenne, s’accompagne d’un refus de l’ethnicité et du communautarisme, dont témoigne l’absence, dans le recensement français, de toute référence à la race ou à l’ethnie, alors que ces variables sont prises en compte ailleurs.

Les limites d’une politique fondée sur la territorialisation et la géographie prioritaire

49La territorialisation de la politique de la ville porte en elle-même le principe de l’autonomisation des problèmes et des solutions et la réduction de la question sociale à la question urbaine. Elle repose fondamentalement sur une conception organiciste de la ville. Celle-ci, tel un organisme vivant, peut souffrir de pathologies. La récurrence de cette représentation de l’urbain semble d’ailleurs une constante. Ne décrivait-on pas, au cours de la décennie soixante et soixante-dix, la crise des centres par référence à la métaphore médicale, en comparant le centre au cœur ou au cerveau ? De nouveau, la ville serait malade, et selon une conception imprégnée à la fois de positivisme et de scientisme, il faut soigner la pathologie en la circonscrivant. Toutefois, ne faut-il pas s’interroger sur la pertinence de cette représentation, qui fonde une politique de la ville articulée autour du principe d’une géographie prioritaire ?

50En poursuivant sur la voie de la métaphore médicale, comme nous y invite cette vision organiciste de la ville véhiculée par la politique dite de la ville, n’est-on pas en droit de penser qu’il y a une erreur de diagnostic pour identifier la pathologie dont est censée souffrir le malade ? En effet, il nous semble que « la ville, la banlieue, n’est que le contexte d’expression des problèmes et non la structure, car ceux-ci découlent de la crise de la civilisation du travail qui affecte aujourd’hui nos sociétés. La ville cristallise ces problèmes qui ne sont pas les siens. Elle en est le réceptacle à ses dépens », comme l’exprime Yves Chalas (1996/162). Ne nous trompons pas de diagnostic. Selon l’enquête « Étude des conditions de vie », réalisée par l’Insee en 1993-1994 auprès de 13 000 ménages vivant en France, dont 834 dans les quartiers relevant de la politique de la ville, les difficultés les plus prégnantes rencontrées par les populations de ces quartiers sont liées à l’emploi (Choffel, 1996/163). Hervé Vieillard-Baron (2000/191) confirme ce diagnostic : « La question de l’emploi est au cœur des débats : elle est soulignée partout et elle reste un vrai défi […] Si l’on suit les entretiens, il n’y a pas d’autres moyens de reconnaissance que le travail : les jeunes le survalorisent. » C’est donc bien la permanence de la crise sociale qui apparaît en première instance, dans les causalités. Or, comme le travail est devenu l’unique producteur de lien social dans la société moderne qui a émergé au cours du xixe siècle, sa privation rend illusoire toute volonté d’intégration. Aussi, faute d’une intervention efficace sur la fonction productrice et reproductrice de lien social, c’est-à-dire le marché du travail, la politique de la ville tient plus des soins d’accompagnement que de la véritable thérapeutique.

51On réduit cette politique à un mécanisme de correction ou d’amortisseur sans prise directe sur les processus générateurs d’exclusion. Ne sent-on pas poindre chez de nombreux élus ou acteurs de la politique de la ville un certain désarroi face à l’évolution des quartiers sensibles de leur cité, comme celui que nous avons senti chez les acteurs du DSQ interrogés à La Roche-sur-Yon ? Hervé Vieillard-Baron (1996/354) a raison de souligner que « les gouvernements agissent comme si le “malaise des banlieues” était strictement territorial, alors qu’il exprime, en fait, un problème social très général. L’objectif ultime n’est plus d’intégrer les quartiers dans la ville, mais d’intégrer les hommes dans la société ».

52Déjà, en 1991 (343), dans son rapport consacré aux banlieues en difficultés, Jean-Marie Delarue pointait cette faiblesse de cette politique dite de la ville : « L’économique est soigneusement mis de côté, d’une part car l’articulation entre “l’économie” et le “quartier” se fait mal ; d’autre part, parce que le champ économique présente les difficultés les plus redoutables ; si chacun convient que l’emploi est au cœur des débats, les solutions pour remédier à sa pénurie sont loin d’être évidentes. » Ne s’agissait-il pas d’un aveu d’impuissance, lorsque l’on sait que le même auteur insistait sur ce qu’il a dénommé « la trilogie inséparable du développement des quartiers », à savoir « l’urbain, le social et l’économie » ? Dès lors, doit-on s’étonner si les acteurs de cette politique de la ville rompent cette trilogie du développement des quartiers fondés sur l’urbain, le social et l’économie, en laissant en déshérence le troisième volet au profit d’une action centrée sur les deux premiers ? Le cas du quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon n’est pas singulier, mais reflète, au-delà des particularités de chaque site, une des caractéristiques majeures de la politique de la ville en France.

53Seul le pacte de relance pour la ville de 1996 mettait pour la première fois l’accent sur l’action économique, par la mise en place de dispositifs fiscaux dérogatoires, mais on peut cependant sérieusement douter de son efficacité, pour les raisons évoquées précédemment. L’effet d’affichage d’ailleurs très modeste (créer par exemple 7 000 emplois dans les 38 zones franches) et la maigreur des résultats obtenus montrent à l’évidence qu’il ne s’agit pas là d’une panacée, mais tout au plus d’une volonté d’inverser l’ordre des priorités, en mettant explicitement en avant le développement économique dans l’action destinée aux quartiers sensibles. L’exemple des zones franches urbaines l’illustre. Selon une enquête menée par la Direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques (DARES) du ministère de l’Emploi, 26 000 emplois ont été créés entre 1997 et 1999, dont 7 000 seulement en faveur des habitants. Par ailleurs, un rapport précédent, rédigé par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), avait stigmatisé l’effet d’aubaine fiscale pour les entreprises déjà existantes, qui bénéficient d’un régime fiscal dérogatoire très avantageux si elles s’installent dans une zone franche. Or, dans ce cas, le lien entre la discrimination et le but d’intérêt général qu’elle est censée servir n’est-il pas rompu ?

Les difficultés à sortir de la logique de la territorialisation

54Doit-on alors considérer que la discrimination positive « sert à favoriser, dans un cadre territorial, des formes de vie communautaire et d’apprentissage de la solidarité locale, mais entre des gens qui n’ont rien à mettre en commun sinon leur exclusion » (Donzelot et Jaillet, 1998/166) ? Pour sortir de cette impasse, Daniel Béhar (1995/172) appelle ainsi à dépasser les deux logiques à l’œuvre dans la politique de la ville, celle à visée réparatrice afin de rétablir la norme, celle à finalité communautaire, pour « en finir avec la politique de la ville » (1999/173). Cette perspective devrait s’articuler autour d’une refondation de l’action publique, ayant pour objectif de s’attaquer aux mécanismes qui, dans différents domaines, principalement le travail mais pas uniquement, génèrent de l’exclusion. En clair, il s’agit de sortir de la logique, voire de l’impasse dans laquelle est confinée la géographie prioritaire, en redonnant de la fluidité aux trajectoires individuelles. Mais les faits semblent avoir la vie dure.

  • 10 Bernard P., 1997, « Martine Aubry veut réorienter en profondeur la politique de la ville », Le Mond (...)

55Les hésitations dans la conduite de la politique de la ville, identifiables à l’occasion du changement de gouvernement en 1997, témoignent à la fois d’une prise de conscience des limites d’une politique fondée sur la territorialisation de l’action publique et des difficultés d’innover, en prônant une voie alternative. Ainsi, lors d’une conférence de presse tenue le premier juillet 1997, Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité du nouveau gouvernement Jospin et en charge de la politique de la ville dans un souci de transversalité, critique vertement une « politique-ghetto de subventions particulières à ces quartiers10 ». Daniel Asseray, adjoint au maire de Nantes et conseiller chargé de la ville au cabinet du ministre, surenchérit, estimant le temps venu de « déverrouiller ce système de territorialisation […] car la crise sociale touche aujourd’hui tout le monde ». Ces déclarations sont une remise en cause claire et nette du principe de la géographie prioritaire : l’effet placebo en quelque sorte est dénoncé, mais de surcroît, en devenant un dispositif permanent, ce principe ne fait que renforcer la stigmatisation du quartier, contrairement au but recherché. C’est la suite de cette période de doutes et de flottements sur la voie à suivre que le ministre chargera Jean-Pierre Sueur, maire d’Orléans, d’un rapport sur la politique de la ville. Ce rapport sera remis en février 1998.

56Une idée forte ressort de ce rapport : c’est la volonté de promouvoir l’agglomération comme entité politique propre. Il s’agit donc de donner une légitimité claire et indiscutable à cet échelon géographique, de façon à ce que l’échelle territoriale des dynamiques urbaines puisse coïncider avec le cadre d’élaboration puis de mise en œuvre des politiques urbaines. À partir de cette idée maîtresse, Jean-Pierre Sueur décline ses propositions pour renouveler la politique de la ville : celle-ci devrait être articulée autour d’un contrat d’agglomération, déclinant ses priorités dans différents domaines, ce qui suppose de rompre avec la logique de territorialisation ou de zonage qui prévalait jusqu’à alors, et dont les limites apparaissent évidentes. À ce propos, Jean-Pierre Sueur (1999/160) n’écrit-il pas que « la territorialisation de la politique de la ville est hétérogène et largement incohérente » ? Il suggère, d’autre part, d’accompagner cette promotion de l’agglomération par une réforme administrative et électorale, en soumettant au suffrage universel direct l’élection des membres de l’assemblée d’agglomération, et en rendant obligatoire cet échelon pour toute mise en œuvre de politiques sectorielles, dans le domaine de l’habitat notamment. Au total, on ne peut que prendre acte du caractère relativement audacieux des propositions formulées.

57Toutefois, il semble que le débat sur l’intérêt de la territorialisation de la politique de la ville, ouvert par les déclarations de Martine Aubry, ministre en charge de ce dossier, et prolongé par la publication du rapport Sueur, se soit échoué sur les sables mouvants d’une politique dont on peut penser désormais qu’elle sera très difficile à réformer, voire à infléchir. On ne peut que constater en effet l’ampleur du décalage entre d’un côté les intentions initiales et les propositions contenues dans le rapport Sueur et, de l’autre, l’apparente inertie qui guide cette politique. Tout porte à croire alors que la politique de la ville « apparaît comme un langage fondé sur une série d’incantations, voire comme un “discours-alibireprenant des notions préconstruites : quartier sensible, mixité, exclusion par exempl», et qu’à l’usage « ces notions […] constitueraient des substituts “fourre-toutpermettant d’alimenter le discours politique sans aborder les questions qui gênent directemen» (Vieillard-Baron, 2000/191). Certes, l’idée d’élargir le périmètre d’intervention à l’agglomération, déjà contenue dans la première génération des contrats de ville, a fait son chemin, puisque l’essentiel des contrats signés pour la période 2000-2006 le sont à l’échelle de l’agglomération. Les quatre cinquièmes d’entre eux sont intercommunaux et parmi le cinquième restant, l’essentiel concerne une unité urbaine constituée d’une ville isolée. Toutefois, cette extension des contrats de ville à l’échelle de l’agglomération n’a pas eu de traduction politique. En effet, la proposition d’élire au suffrage universel les représentants des assemblées d’agglomération et, par la même occasion, de bouleverser le mode d’élection des conseillers généraux n’a été retenue ni par la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (loi Chevènement du 13 juillet 1999), ni par la loi SRU. Mais, au-delà de cette évolution partielle, les changements sont peu perceptibles. D’une part, le quartier reste toujours le cadre d’action de référence de la politique de la ville. D’autre part, la complexité du dispositif, symbolisée entre autres par l’enchevêtrement des territoires et des domaines d’intervention, n’a pas été remise en cause, pérennisant l’objet incertain de cette politique (Jaillet, 2000/185). Enfin, la logique de « guichet », dénoncée également par le rapport Sueur, est toujours à l’œuvre, sans doute parce qu’elle trouve fondamentalement sa raison d’être dans l’empilement des structures politiques. Or, celui-ci n’a-t-il pas pour conséquence la généralisation des financements croisés, qui constitue l’un des ferments de la contractualisation des politiques publiques ?

58Mais les pratiques peuvent-elles changer à ce point lorsque le cadre reste pérenne et que ces pratiques correspondent à des codes d’action fortement ancrés ? D’ailleurs, la nomination, en mars 1998, d’un ministre de la ville, Claude Bartolone, signe l’échec de la voie prônée quelques huit mois plus tôt par Martine Aubry. La politique de la ville redevient alors le domaine d’un ministère à part entière, signifiant l’abandon d’une tentative de désectoriser cette dimension de l’action publique, en le rattachant à un grand ministère chargé de l’Emploi et de la Solidarité. De nouveau, la praxis se fonde sur une lecture urbaine de la question sociale, comme si les problèmes identifiés comme urbains relevaient d’un dysfonctionnement de la ville, marquant alors le retour en force, ou plutôt la permanence, après une période de doute, d’une logique organiciste.

La dimension axiologique de la ségrégation et le débat sur la mixité sociale

La lutte contre la ségrégation sociale, antidote mystificateur à la crise sociale ?

59Le concept de ségrégation est chargé de sens et une analyse de sa dimension axiologique s’impose. En effet, dans les sociétés démocratiques, la ségrégation est considérée comme une pathologie qu’il faut soigner, à défaut de l’éradiquer, d’où cette instrumentalisation de la lutte contre la segmentation sociale de l’espace et en faveur de la mixité (Madoré, 1997/135) qui constitue la pierre angulaire de la LOV de 1991 et de la loi SRU de 2000. Cette dimension pathologique de la ségrégation semble donc s’imposer comme une évidence et, à l’image de tout truisme, on évite d’en discuter les présupposés. Or, cette posture mérite débat et nous devons interroger le sens donné à cette mise en accusation fréquente de la ségrégation. En première instance, il nous semble que la récurrence de ce discours renvoie, pour partie, à l’émergence et à l’installation durable d’un processus de dualisation socio-spatiale au sein de la société française.

60Observons pour cela comment un glissement d’usage s’est opéré depuis les années soixante-dix dans le sens donné à la ségrégation en France (Gaudin, 1994/62 ; Gaudin et al., 1995/23). Au cours de cette décennie, et sous la plume des sociologues d’inspiration marxiste principalement, la dénonciation de la ségrégation visait soit les effets ségrégatifs des politiques urbaines de rénovation et de construction des grands ensembles, soit la normalisation des comportements. À partir des années quatre-vingt en revanche, la dénonciation de la ségrégation est associée à la crise sociale et à ses stigmates, à savoir les fractures sociales et urbaines. Ainsi, la ségrégation accentuerait la visibilité de l’exclusion sociale par la concentration, dans certains quartiers, de populations marginalisés économiquement et socialement, l’exclusion spatiale étant à la fois cause et conséquence de l’exclusion sociale. Quel que soit le sens du rapport de causalité, la ségrégation est mise en accusation, car on la suspecte de renforcer les traits de la disqualification sociale. Elle trouve alors à s’exprimer à travers une manifestation socio-spatiale, à savoir la relégation spatiale d’une partie de la population dans les grands ensembles. Le contenu social est donc métonymique de son support spatial, comme le résume bien cette expression de Serge Paugam (1995/364), « l’habitat socialement disqualifié ». La forme urbaine (le grand ensemble) et son territoire d’élection (quelques quartiers périphériques) sont ainsi unis à un ensemble de caractéristiques sociales (la disqualification, la relégation, l’exclusion) par le truchement d’un concept (l’habitat socialement disqualifié) qui les réunit tous par une relation nécessaire et consubstantielle.

61À l’aune de cette représentation et de cet usage contemporain du terme de ségrégation, le discours sur la mixité apparaît comme une antidote, un remède miracle à la fracture socio-urbaine dont souffriraient les agglomérations. La ségrégation servirait donc à médiatiser une série de problèmes que l’on assimile à tort, par imprégnation d’une représentation organiciste de la ville, à un état morbide du corps urbain. En clair, si la ségrégation est la pathologie à l’origine des maux de la ville, alors luttons contre elle en instillant son contraire, c’est-à-dire en développant une politique de mixité. C’est en empruntant cette voie que les problèmes urbains trouveront une amorce de solution. Ce discours et cette représentation rencontrent un large succès auprès d’un grand nombre d’élus locaux, au-delà des oppositions politiques de façade qui sont avant tout destinées à alimenter la médiatisation du jeu politique. Cependant, « la remarquable répétition du discours tenu sur ce thème [celui de diversité] » (Sueur, 1999/160) n’a-t-elle pas fonction de catharsis, en alimentant un discours politique conscient des limites de toute action visant à lutter contre l’exclusion sociale à l’échelle des quartiers urbains ? Le succès et l’ubiquité du concept de mixité sonnent donc comme un rappel de l’échec de la territorialisation de la politique dite de la ville. Sa large diffusion s’explique sans doute à la fois par l’offre généreuse dont est porteuse cette image de mixité et aussi parce que cette offre ressort au registre des palliatifs discursifs. Elle semble ainsi donner consistance à une alternative aux problèmes de la ville, en confondant dans un même ensemble cause et conséquence, sans chercher à les démêler ou à les hiérarchiser. On substitue à la perspective de s’attaquer véritablement aux mécanismes générateurs d’exclusion la dénonciation des effets de la ségrégation et l’appel incantatoire à la mixité, comme pour se rassurer que l’action politique n’est pas vaine et que son efficience à réguler la société n’est pas moindre qu’avant. Au total, la lutte contre la ségrégation sociale serait-elle autre chose qu’un antidote mystificateur à la crise sociale ?

La lutte contre la ségrégation sociale, au nom de l’idéal républicain

62L’hypothèse selon laquelle la large diffusion d’un discours condamnant la ségrégation sociale et prônant la mixité puisse servir d’antidote mystificateur au processus de dualisation socio-spatiale n’épuise pas le débat sur la dimension axiologique de la ségrégation. Si ce débat est devenu une valeur structurante dans la production du discours politique en France, c’est fondamentalement parce que la ségrégation interroge le modèle républicain français. Si « la crise des banlieues correspond à une profonde crise symbolique et politique mettant en cause l’esprit même de la ville-cité » (Mongin, 1995/296), c’est qu’elle renvoie l’image d’un délitement du contrat social qui fonde l’existence de toute société. La prise de conscience de cette altération produit, en retour, un discours invocatoire puisant aux sources de l’idéal républicain. Cet idéal a façonné, en quelque sorte, un modèle égalitariste multidimensionnel, qui trouve à s’appliquer aux individus comme aux territoires constitutifs de la République. Or, ce modèle « héritage idéologique de la Révolution française, est dominant dans la plupart des idéologies planificatrices et constitue un des piliers de l’idéologie juridique dans notre société. Assimilant l’idéal de justice sociale à la distribution égalitaire des bienfaits dispensés par la “puissance publique”, il renvoie à la conception classique de l’universalité des besoins de l’Homme » (Pinçon-Charlot et al., 1986/87). Autrement dit, l’égalité, l’une des devises républicaines, constituant l’un des fondements de toute politique publique, tout ce qui tend vers cet égalitarisme est frappé du sceau de la démocratie, car respectueux des valeurs républicaines, alors que tout ce qui s’écarte de l’égalitarisme spatial ne peut qu’être vivement dénoncé. L’État, en parangon de l’idéal républicain, est ainsi devenu porteur d’un discours et de normes garants de l’égalité et de l’équilibre territorial, par l’invocation récurrente à la mixité. À l’aune donc de ces principes républicains fortement réaffirmés à l’occasion du vote de la LOV et de la loi SRU, la ségrégation ne peut qu’être condamnée. En revanche, la mixité est parée de toutes les vertus, dans la mesure où « une morphologie socio-spatiale égalisée, sans ségrégation constituerait un tenant-lieu de la réalisation de l’essence démocratique élaborée selon l’axiomatique républicaine » (Gaudin et al., 1995/23).

63Toutefois, ce discours incantatoire semble tourner à vide, sans prise avec la réalité. Jean-Pierre Sueur, dans son rapport, souligne avec force ce décalage : « Comment se fait-il qu’une intention aussi fortement affirmée par l’ensemble des pouvoirs publics se trouve aussi massivement contredite par les faits ? » Et l’auteur de poursuivre : « La réponse la plus évidente à ces questions est que le désir de mixité n’existe pas véritablement. » La discordance entre l’incantation et la réalité est bien contenue dans cette réponse, qui révèle l’existence de deux logiques antagonistes. D’un côté, au nom d’une logique républicaine garante de cohésion sociale et d’égalitarisme, mais aussi d’une réitération fréquente du mythe fondateur de la ville creuset de la sociabilité, la proximité spatiale et sociale doit être favorisée et constituée même le fondement de toute politique urbaine. On dénie alors implicitement à l’individu la légitimité d’une recherche d’un entre-soi, en l’assimilant aussitôt à une forme d’égoïsme, comme si cette quête se révélait incompatible avec le maintien de la cohésion sociale. Mais d’un autre côté, il faut bien reconnaître que « la mixité sociale se place en contradiction avec les modes de production de logement depuis une trentaine d’années, et certainement en porte-à-faux par rapport aux demandes de sociabilité des ménage» (Bertrand, 1998/231). En effet, Or, le débat sur la mixité sociale feint d’ignorer ces demandes de sociabilité. Il se referme de fait dans un objet restreint et unidimensionnel, où la ségrégation et sa représentation sont réductibles à une dimension exclusivement spatiale, qui plus est réduite à l’habitat.

L’incantation à la mixité sociale : un objectif galvaudé qui masque la pauvreté du débat

64La réduction du débat sur la mixité sociale à un objet limité, en même temps qu’elle traduit une sorte de césure entre un discours incantatoire à vocation mystificatrice et la réalité sociale, témoigne d’une certaine pauvreté du débat. Or, la discussion doit porter sur une double interrogation : quel est le degré de mixité sociale optimum pour une société et la cohésion sociale est-elle réductible à la mesure de ce seuil ? Cette double question contient elle-même une réponse en deux temps, sur la relativité de la notion de ségrégation et sur la nécessité de « déterritorialiser l’étude des ségrégations », pour reprendre l’expression d’Annie Fourcaut (1996/95).

65D’une part, selon Xavier Leloup (1999/27), « la ségrégation est un concept toujours relatif [qui] apparaît lorsque la séparation physique et sociale est à ce point forte et visible qu’elle heurte les idées et valeurs proclamées par l’ordre social ». Or, aucun discours condamnant la ségrégation et vantant la mixité n’a jamais défini quelle était la distance physique maximale acceptable en termes d’oppositions socio-spatiales au-delà de laquelle on est autorisé à parler de ségrégation et en-deça de laquelle on peut considérer que la mixité est réalisée. Et quelle est l’échelle pertinente pour parler de ségrégation ou de mixité sociale ? Si la ségrégation est donc une affaire de perception, elle est alors largement déterminée à la fois par l’épistémè, qui agit à l’échelle du groupe, et par l’habitus et les préconstruits de l’individu. Autrement dit, à défaut de pouvoir offrir un cadre normatif en termes de significations socio-politiques, c’est-à-dire de cohésion sociale et de pérennité du contrat social, chacun est autorisé à développer sa propre herméneutique, comme système d’interprétation des segmentations socio-spatiales et de leurs évolutions.

66À rebours d’une interprétation instrumentalisée de la ségrégation comme catégorie de raisonnement condensant l’ensemble des problèmes socio-urbains, ne peut-on pas avancer l’hypothèse que l’intensité de la vie sociale est fonction d’une certaine homogénéité de la population, tant du point de vue socio-démographique que sociale ? La mixité, lorsqu’elle est imposée à des catégories de populations trop dissemblables par les modes de vie et les habitus, ne génère pas nécessairement l’échange, mais au contraire la distance. Une dizaine d’années avant la publication de l’article de Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire (1970/370), qui a vulgarisé d’une certaine façon cet aphorisme à partir de l’observation du peuplement des grands ensembles des années soixante, les travaux du groupe d’ethnologie sociale conduits par Paul-Henry Chombart de Lauwe sur la famille et l’habitation sonnaient déjà comme une mise en garde : « Les études faites sur des cités abritant des familles d’origine et de profession différentes constatent que la présence de différents groupes sociaux ne produit pas nécessairement des activités coopératives, qu’elle est même parfois source de conflits, d’où le désir de rendre les nouvelles cités moins hétérogène» (Madaule et al., 1959/40). Certes, méfions-nous d’un déterminisme social absolu, qui considérerait que toute situation d’hétérogénéité dans le contenu social ou culturel de l’habitat ne peut que conduire à l’échec. Selon Jean-Yves Authier et Yves Grafmeyer (2001/324), qui ont observé les modes de vie dans les quartiers anciens de plusieurs villes françaises, la mixité est bien perçue lorsque chacun peut s’approprier son espace de vie sans que cela soit gênant pour les autres.

67D’autre part, la question de la ségrégation peut-elle être contenue en exclusivité dans sa dimension résidentielle ? Ne doit-on pas chercher ailleurs que dans l’habitat d’autres manifestations, peut-être plus symboliques ou plus significatives, des disparités sociales qui structurent la société et qui s’expriment avec plus de puissance mais assurément moins de visibilité, car plus difficiles à mesurer, dans la géographie sociale des villes ? Selon les travaux de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (1990/107) portant sur les élites sociales parisiennes, la « ségrégation spatiale n’est qu’une première approximation, grossière et imparfaite, de ce qui permet la vie à part des élite». Certaines dimensions cachées ou du moins peu visibles de la ségrégation urbaine sont bien mis en lumière, car ces élites n’ont de cesse de chercher à maîtriser leur environnement, de façon à s’assurer « de demeurer entre soi, à l’abri des rencontres inopportune». Ainsi, « les familles fortunées de la bourgeoisie ancienne et de la noblesse […] cultivent un entre-soi systématique et organisent, elles-mêmes, au-delà d’une ségrégation spatiale qui est avant tout le fruit de leur agrégation dans les mêmes espaces, des rallyes pour leurs enfants et des cercles pour les adultes. Ces institutions permettent de parfaire ce que le ghetto résidentiel peut avoir d’approximatif, par exemple en n’ayant guère d’autre critère de sélectivité que la solvabilité des ménages face à des prix immobiliers prohibitif» (Pinçon et Pinçon-Charlot, 1998/108). Les processus à l’œuvre ici sont bien de nature agrégative et ségrégative, au sens premier du terme, c’est-à-dire avec l’intention d’éliminer l’autre. Ils reposent même sur des modalités très poussées d’appropriation privée de certaines parties de l’espace public, comme l’obtention, au profit de cercles très fermés, de concessions dans le bois de Boulogne à Paris, ou par un contrôle étroit des établissements scolaires. Cet exemple confirme que la division sociale de l’espace n’est pas exclusivement de nature résidentielle, car elle se prolonge hors de la sphère du logement.

68Au-delà des inégalités de répartition des groupes sociaux dans l’espace, la capacité à bénéficier de toutes les aménités offertes par les agglomérations urbaines ne devrait-elle pas être au cœur de la réflexion sur la mixité sociale, car l’essence même de la ville semble bien être dans cette faculté de maximiser les relations sociales ? En ce sens, la ségrégation est sans doute plus conditionnée par l’inégale capacité à se mouvoir dans l’espace ou à avoir accès à certains lieux que par une inscription résidentielle dans un quartier donné. L’isolement géographique n’est jamais qu’une donnée très relative, car ce qui compte avant tout, ce sont les liens que l’on tisse en dehors de la sphère du logement. Il est donc urgent de sortir d’une vision statique de la ségrégation, conditionnée par le marquage socio-résidentiel, pour raisonner en termes de mobilité. À cette aune, nous pouvons considérer que la ségrégation rompt le contrat social lorsque les lieux de consommation collective deviennent inaccessibles à certaines franges de la population, en raison soit de l’absence ou de la faiblesse de leur mobilité, soit d’une réservation de ces lieux au profit exclusif d’autres catégories de population. Dans ce cas là, la logique des villes ne fonctionne plus, car sa fonction de « commutateurs sociaux », pour reprendre l’expression empruntée à Paul Claval (1968/303 ; 1981/290), s’en trouve altérée.

Notes

1 Ce travail a été réalisé au sein de l’Institut de Géographie de l’Université de Nantes en 1988-1989 par François Madoré, Anita Meneux et François Schricke, sous la direction de Jean-Pierre Peyon, professeur, et de Nicole Sztokman, maître de conférences.

2 Ce travail est issu d’un programme de recherche financé par le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (Certu) et intitulé « Diagnostic de territoire et jeu d’acteurs dans le pays Yonnais ». Il participe d’un projet transversal et qualifiant (action 13023) du Certu et a été conduit en collaboration avec la division urbaine du Centre d’études techniques de l’équipement (CETE) de l’Ouest : cf. Les rapports d’étude du Certu, série « Diagnostics de territoires et systèmes d’acteurs », Cahier n° 3, 2002.

3 Duriez I., 2000, « La fronde des communes riches », L’Humanité, mercredi 8 mars 2000.

4 Propos recueilli par Isabelle Duriez, L’Humanité, mercredi 8 mars 2000.

5 Les commerçants et les cadres représentent la moitié des personne de référence du ménage en 1990, soit le double de la moyenne nantaise.

6 Le premier PLH est signé entre la communauté de communes du pays Yonnais et l’État le 8 novembre 1994. La convention a pris effet le premier janvier 1995. Cette convention a été prorogée d’une année, afin de donner aux protagonistes le temps de la réflexion, avant la mise en œuvre du second PLH en 1999, pour trois années.

7 Couturier T., 1989, Pays yonnais et bassin de vie. Approche multicritères et propositions de délimitations, La Roche-sur-Yon, Roche Développement, non paginé ; Couturier T. et Guintard M., 1991, « Le Pays yonnais au dernier recensement », Les Cahiers de l’Observatoire, n°6, p. 12-23 ; Jamet J.-L., 1991, La genèse du bassin de vie yonnais : deux décennies d’évolution démographique, La Roche-sur-Yon, Roche Développement, 34 pages.

8 Cet organisme s’appelle désormais Habitat et Développement.

9 Ces PLA sont remplacés par les Prêts locatifs à utilisation sociale (PLUS) en 2000.

10 Bernard P., 1997, « Martine Aubry veut réorienter en profondeur la politique de la ville », Le Monde, 3 juillet 1997.

Table des illustrations

Titre Tableau 17 : Le taux d’adhésion à une association selon le type d’habitat dans le quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon en 1989
Légende Note (1) : PDR ou personne de référence du ménage Source : enquête 400 ménages 1989
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/2196/img-1.jpg
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Titre Tableau 18 : La zone de recrutement des adhérents de trois associations sportives du quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon en 1996-1997 (comparaison avec 1988-1989)
Légende Note (1) : FCRY : Football-Club des Robretières Yonnais (total adhérents 1996-1997 : 255 ; 1988-1989 : 115)Note (2) : BBCRY : Basket-Club des Robretières Yonnais (total adhérents 1996-1997 : 171)Note (3) : ASJY : Association Sportive Jean Yole (total adhérents 1996-1997 : 78)
Crédits Source : enquête associations 1989 et 1997
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Titre Tableau 19 : La zone de recrutement des dirigeants de trois associations sportives du quartier des Pyramides à La Roche-sur-Yon en 1996-1997 (comparaison avec 1988-1989)
Légende Note (1) : FCRY : Football-Club des Robretières Yonnais (total membres bureau et conseil d’administration 1996-1997 : 25 ; 1988-1989 : 28)Note (2) : BBCRY : Basket-Club des Robretières Yonnais (total membres bureau et conseil d’administration 1996-1997 : 13 ; 1988-1989 : 14)Note (3): ASJY : Association Sportive Jean Yole (total membres bureau et conseil d’administration 1996-1997 : 14) Source : enquête associations 1989 et 1997
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/2196/img-3.jpg
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Titre Tableau 20 : La répartition du logement HLM dans l’agglomération de Nantes en 1990
Crédits Source et base de calcul : Insee, recensement 1990
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Titre Tableau 21 : La répartition de la construction de logements HLM dans l’agglomération de Nantes entre 1975 et 1990
Crédits Source et base de calcul : Insee, recensement 1990
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/2196/img-6.jpg
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URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/2196/img-7.jpg
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Titre Tableau 22 : La répartition annuelle des financements destinés à la construction de logements locatifs sociaux dans le pays Yonnais
Légende Note (1) : Les PLA-CDC, délivrés par la Caisse des dépôts et consignations, financent la construction de logements HLM « ordinaires » (ils ont été remplacés par les Prêts locatifs à utilisation sociale, soit les PLUS, en 2000). Les PLA-I et TS, pour PLA d’intégration, d’insertion ou très sociaux, financent, quant à eux, la construction de logements « très sociaux ».1990-1993 : période antérieure au PLH1995-2000 : période couverte en totalité et partiellement par le PLH
Crédits Source : Syndicat du pays Yonnais, 1993, Programme local de l’habitat. Perspectives et actions (consommation de PLA entre 1990 et 1993) ; Communauté de communes du pays Yonnais, Programme local de l’habitat du pays Yonnais. Observatoire. Bilan 1999-2000 (consommation de PLA entre 1995 et 2000)
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/2196/img-8.jpg
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Titre Tableau 23 : L’évolution de la répartition des logements locatifs sociaux dans le pays Yonnais entre 1993 et 1999
Crédits Source : Syndicat du pays Yonnais, 1993, Programme local de l’habitat. Perspectives et actions (parc HLM au premier juillet 1993) ; Communauté de communes du pays Yonnais, Programme local de l’habitat du pays Yonnais. Observatoire. Bilan 1999-2000 (parc HLM au premier juillet 1999)
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/2196/img-9.jpg
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Titre Tableau 24 : L’effort de construction de logements locatifs sociaux par les quatorze communes de la couronne périurbaine du pays Yonnais entre 1995 et 2000
Légende Note (1) : Les PLA-CDC, délivrés par la Caisse des dépôts et consignations, financent la construction de logements HLM « ordinaires » (ils ont été remplacés par les Prêts locatifs à utilisation sociale, soit les PLUS, en 2000).
Crédits Source : Communauté de communes du pays Yonnais, Programme local de l’habitat du pays Yonnais. Observatoire. Bilan 1999-2000 (consommation de PLA entre 1995 et 2000 et parc HLM au premier janvier 1999) ; Insee, recensement (résidences principales en 1999).
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URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/2196/img-11.jpg
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