Chapitre XI. Des grands courants de pensée à leur influence sur la manufacture
p. 273-302
Texte intégral
1La connaissance de la manufacture des toiles « bretagnes » et des hommes qu'elle abritait ne peut faire abstraction des grands courants de pensée qui l'ont traversée. Le développement toilier du centre-Bretagne au xviie siècle, s'est opéré dans un contexte économique favorable, mais plus encore au sein d'un milieu provincial qui présentait une originalité certaine du point de vue socioculturel. De 1650 à 1802, soit pendant un siècle et demi, ce milieu a connu l'intrusion des grands courants nationaux de pensée, qu'ils aient été religieux ou idéologiques. Il en a résulté plusieurs phases d'évolution qui ont conféré à la manufacture une spécificité régionale.
Les influences d'ancien régime
2L'histoire sociale de la manufacture, aux xviie et xviiie siècles, peut être comparée à celle d'une pâte. Au sein de ce milieu, les deux éléments dynamiques que constituaient l'encadrement ecclésiastique et la bourgeoisie marchande ont prétendu y jouer le rôle du levain.
Les influences religieuses
3L'influence religieuse officielle, dans le droit fil de la réforme du concile de Trente, s'est attachée, pendant plus d'un siècle, à modifier aussi bien les habitudes de vie des habitants que leurs perceptions religieuses traditionnelles. Ceci transparaît dès la fin du règne de Louis XIII, avec le recours systématique aux missions et plus encore aux missionnaires. Dans une première
4phase qui correspond à la seule action militante1 du père Maunoir, le phénomène s'est surtout limité à la partie occidentale de la manufacture2.
5Le caractère ostentatoire que présentaient les missions de Maunoir et tout autant le rôle qu'y jouaient les processions n'avaient d'autre intérêt que de frapper les imaginations. Chaque fidèle devait en ressortir pénétré, jusqu'au plus profond de son âme, de l'amour du Sauveur et du souvenir de ses souffrances. Tout ceci devait lui inspirer la haine du péché, l'esprit de pénitence et un attachement inviolable au service de Jésus crucifié. Les fameuses processions rythmées par des stations voyaient se dérouler, sous les yeux médusés des fidèles, les scènes de la Passion.
6Il serait illusoire d'imaginer que l'action du père Maunoir n'a rencontré aucune résistance. À Saint-Mayeux où l'illustre missionnaire exerça son apostolat, il dut lutter contre une habitude, somme toute bien naturelle, la danse. La mauvaise volonté des habitants conduisit Maunoir à les stigmatiser sous l'appellation « sauvages du Canada ». L'affaire semble avoir été plus sérieuse à Merléac où l'un de ses biographes, le R.-P. Boschet, nous rapporte qu'un petit groupe d'hommes résolut de l'empoisonner. Il est vrai que les méthodes du bouillant religieux pouvaient indisposer certains fidèles. Ainsi, à Mûr et Saint-Guen en 1644, se permit-il d'en débaptiser certains et de remplacer leurs prénoms bretons ou médiévaux, par ceux de saints dûment reconnus par l'Église officielle3.
7À la même époque, et sans doute en relation avec cette ferveur mystique qui traversait la région, un cas d'« apparition mariale » eut pour cadre le hameau de Querrien en La Prénessaye4. Une jeune voyante, Jeanne Cour- tel, bergère jusqu'alors sourde et muette, fut guérie de ses infirmités le 15 août 1652. Pour l'abbé Le Texier qui rapporte ces faits, Jeanne aurait eu quinze visions miraculeuses « d'une belle Dame » entre la date de sa guérison et la première semaine de septembre. La visiteuse, après avoir révélé son nom : « je suis la Vierge Marie », demanda la construction d'un sanctuaire à Querrien.
8Averti de l'événement qui venait de se produire dans sa paroisse, le recteur, Olivier Audrain licencié en droit canon, se retrancha à l'abri des lois de l'Église et s'empressa d'en avertir son évêque. Il est vrai que les statuts synodaux de l'évêché de Saint-Brieuc publiés en 1624 déclaraient : « Ne seront publiés par les recteurs, curés et autres prestres ou prédicateurs aucuns nouveaux miracles, si premièrement nous ne sommes informés du fait et n'en avons donné permission ». Par chance, l'évêque effectuait en ce moment une visite épiscopale à Moncontour et dans ses environs.
9C'est dans cette ville qu'après avoir questionné Jeanne Courtel, Mgr de La Barde tint conseil avec ses théologiens. Deux commissaires furent dépêchés à La Prénessaye pour enquêter sur la véracité des faits observés à Qu’erriez. Les conclusions positives de leur visite conduisirent le prélat à se rendre lui aussi, le 10 septembre 1652, sur les lieux de l'apparition. Cette présence authentifiait désormais les visions de Jeanne. D'ailleurs, dans les jours suivants, le recteur de La Prénessaye commença d'enregistrer les miracles qui lui étaient signalés. La popularisation du lieu saint a été si rapide que dès le 29 septembre, mille cinq cents fidèles assistaient à la bénédiction d'un oratoire en planche. Quant à la construction de l'actuelle chapelle, c'est au cours de l'année 1656 que fut achevé le gros œuvre de N.D. de Toute-Aide.
10Après ce coup de tonnerre religieux dans le ciel de la manufacture, d'autres missionnaires, quoique d'envergure inférieure à celle de Maunoir, ont œuvré dans les paroisses galeuses de la manufacture. Il s'agit du Plérinais Jean Leu- duger (1649-1722) et du Montfortain Louis-Marie Grignion (1673-1716).
11Leuduger a d'abord exercé son ministère comme recteur, à Plouguenast puis à Moncontour, entre 1676 et 16905. Outre les vertus dont le pare Mgr Du Bois de La Ville-Rabel, on apprend que, partout où Leuduger est passé, il s'était fait une spécialité de l'éducation des petites filles, des soins aux malades et aux pauvres, de la création de congrégations. À l'exemple du père Maunoir, il semble avoir aussi culpabilisé ses fidèles sur les mariages contractés, en deçà du quatrième degré de parenté6.
12Grignion, avant d'être autonome, avait fait ses classes avec Leuduger dans le diocèse de Saint-Brieuc. À la fin du xviie siècle, on retrouve la présence des deux missionnaires à Merdrignac, Moncontour, Plumieux, La Chèze. Cette dernière paroisse a même vu l'explosion de leur désaccord et leur séparation définitive7.
13La qualité des anciennes archives paroissiales de Saint-Thélo permet de suivre le mouvement de « re-christianisation » qui toucha la Bretagne pendant un siècle8. On découvre que, dans cette paroisse en 1689 et 1713, deux missions furent dirigées par Jean Leuduger. Celles de 1723 et de 1728 eurent pour directeurs des jésuites de Rennes et des capucins de Dinan. La dernière mission consignée par les registres paroissiaux se déroula du 27 septembre au 19 octobre 1750. Pour celle-ci, contrairement à ce qui pouvait être observé dans les réunions de Maunoir ou de Leuduger, le clergé local ne fit appel à aucun prédicateur spécialisé. Les seize ecclésiastiques réunis en 1750, étaient tous des prêtres exerçant un ministère dans l'évêché de Saint-Brieuc. Du point de vue pastoral, la fondation du séminaire briochin avait porté ses fruits.
14À la suite des travaux d'Alain Croix et de Fanch Roudaut, les historiens des mentalités religieuses continuent à s'interroger sur les résultats de ces multiples missions9. Selon Georges Minois, l'assimilation culturelle nationale préconisée par la hiérarchie religieuse a plus touché les cadres que les fidèles10. Ces derniers auraient cependant été confortés dans leur vision traditionaliste par les thèmes d'évangélisation essentiellement portés sur le macabre.
15Un tel décalage entre les clercs et la majorité de leurs fidèles pourrait expliquer certaines formes de piété irrationnelle relevées ultérieurement. Comme l'a observé Michel Foucault :
« Les cDroyances religieuses préparent une sorte de paysage imaginaire, un milieu illusoire, favorable à toutes les hallucinations et à tous les délires11 ».
16D'ailleurs, deux cas d'exaspération religieuse ont été relevés dans la région d'Uzel, à la fin du xviiie siècle12. Les comptes rendus des interrogatoires menés par le sénéchal d'Uzel permettent de mieux comprendre ces affres qui assaillaient l'esprit des fidèles.
17Ainsi, en 1779, Jean Taillart fut-il accusé de vivre sans domicile fixe depuis un mois, mais surtout d'avoir dilapidé cinq cents livres, en cierges et octaves, dans les églises de Saint-Thélo et Merléac. Pour sa défense, Taillart évoqua les prodiges dont il avait été victime et qui l'avaient conduit à modifier son comportement. Au travers de ses déclarations, souvent confuses, transparaissent les discours terrifiants de l'Église sur l'Ange déchu et sur l'Enfer promis aux pécheurs. Avec Jérôme Le Goff, on se trouve plutôt du côté lumineux de la religion. Ce personnage se croyait investi d'une « mission évangélisatrice » et il se permit de prêcher en 1782, aussi bien dans l'église que dans le cimetière du Quillio. Dans les mois précédant son incarcération aux prisons d'Uzel, le dynamisme religieux de Le Goff l'avait aussi conduit à se transformer en émule des anciens moines bretons gyrovagues et à porter son apostolat de maison en maison.
18Ces deux exemples ne peuvent prétendre avoir valeur généralisatrice de la perception religieuse dans la manufacture. Ils permettent, tout au plus, d'éclairer certains épisodes de la période révolutionnaire, comme celui de Prat-Coury (Merléac) en 1793. La cause de cette émotion populaire reposait sur un prétendu miracle dont aurait bénéficié un Quintinais infirme mais, surtout, l'événement survenait à une époque où le peuple se retrouvait sans ses guides religieux et recourait à une certaine spontanéité religieuse traditionnelle.
Les courants sociaux
19Si la politique royale conduite depuis Versailles a manifesté une attention tatillonne à l'égard des producteurs bretons de toiles, elle s'est aussi, tout naturellement, intéressée au maintien de l'ordre dans la province. En effet, après les épisodes des « Bonnets Rouges » en 1675 et de Pontcallec en 1720, tout conduisait le pouvoir central, et plus encore ses intendants ou leurs subdélégués à éviter les émotions populaires. Un certain nombre de faits qui ont eu pour cadre la manufacture, permettent de mieux cerner ce qu'était « l'esprit public » au xviiie siècle.
20En 1735 une lettre expédiée par le subdélégué de Quintin à l'intendant de Bretagne, présente les limites policières que rencontrait l'autorité supérieure13. Un nommé Bara dit « La victoire », soldat déserteur recherché par les cavaliers de la maréchaussée de Quintin, avait trouvé refuge au hameau de Cargo dans la trêve de Gausson. Les gendarmes ayant localisé le fugitif s'apprêtaient à l'arrêter quand ils durent faire face à la rébellion des habitants de Cargo et des environs. L'affaire semble avoir été d'importance puisque, menacés d'être cernés, les gendarmes durent « tirer quelques coups de feu à travers cette populace pour l'empêcher d'avancer sur eux ». Finalement l'aide des « piqueurs et gens de M. Le duc de Lorges qui se trouvaient aux buissons » permit un repli que l'on pourrait qualifier de stratégique.
21L'intérêt de ce texte, outre les faits qu'il rapporte, tient dans les termes que le subdélégué a utilisés pour désigner les habitants de Gausson. On peut y relever les expressions suivantes :
« Ce canton est très dangereux [...] aucun officier de justice n'y peut exercer aucun acte que par force », les habitants de cette trève sont mutins [...] et nuit et jour portent des armes h feu ».
22Afin de donner plus de crédit à ses remarques, l'auteur de ces lignes a éprouvé le besoin d'évoquer le manque de respect que les vassaux de Gausson manifestaient à leur seigneur, le duc de Lorges :
« Lorsqu 'il va vers ces villages, sa présence ne les intimide point. Ces habitants tuent ses chiens aussitôt qu 'il y en a un qui se disperse ».
23La conclusion de la missive reprend les mêmes critiques traitant, à nouveau, les Gaussonnais de « mutins, séditieux, téméraires, dangereux et (de) prêts à tout faire dans une sédition ». Si soixante années ne séparaient cet épisode des événements liés à la chouannerie, on croirait y lire la prose des futurs administrateurs du district de Loudéac.
24Une étude récente conduite par Olivier Rolland sur la « délinquance et (la) criminalité en Bretagne centrale », après 1750, permet de mieux appréhender les manifestations de violence qui pouvaient s'exprimer dans la manufacture14. Bien que l'ensemble de cette recherche ait porté sur les châtellenies de La Chèze, Loudéac, Uzel, les meilleures informations concernent la région d'Uzel.
25Cent quatorze procédures ont été conduites, par le sénéchal d'Uzel ou par ses adjoints, entre 1751 et 1780. Les principales causes des délits ont été clairement exprimées par les juges : le plus souvent il s'agissait d'insultes proférées en public et conduisant à des violences physiques. On découvre aussi des jeux et des plaisanteries qui tournaient mal parce qu'ils touchaient à l'honneur des plaignants. Ces différents motifs d'agression permettent d'imaginer qu'il s'agissait de l'expression d'une animosité habituellement contenue que le petit peuple entretenait à l'égard des marchands de toiles.
26Le premier exemple concerne Olivier Le Deist. Ce personnage, cousin du fameux Guillaume Le Deist de Botidoux de Saint-Hervé et déjà rencontré lors de l'opposition manifestée à Fleury, se présenta le 30 janvier 1772 devant les juges de la juridiction d'Uzel. Les faits consignés par le procès-verbal semblent avoir été anodins, même si Le Deist se jugeait outragé. Alors qu'il buvait un verre au cabaret de Sohier, des malintentionnés lui avaient enlevé son chapeau et sa perruque.
27Bien que les procès-verbaux demeurent muets sur les motifs du second exemple, c'est le même genre d'acte opposant le petit peuple aux notables que l'on retrouve au Quillio en 1772. Il a mis aux prises deux femmes : celle d'un blanchisseur et celle d'un marchand de toiles. Les propos injurieux tenus par la première ont conduit tout naturellement la seconde à déposer plainte devant le sénéchal d'Uzel.
28En 1766, une lettre adressée par l'avocat Querneur, au sénéchal de Loudéac, permet de comprendre l'impression « d'assiégés » que vivaient les notables de la manufacture. On peut y lire :
« Les vols, les meurtres et les incendies sont si nombreux dans l'étendue de cette juridiction qu'il n'y a plus de sécurité ».
29Il s'agit sans doute de propos excessifs, mais quelques années plus tard Lamandé, procureur fiscal d'Uzel, éprouvait à son tour le besoin d'ajouter :
« La région attire les voleurs de toiles ».
30Ce dernier type de délit ne relevait plus des frictions sociales. Il se situait dans la catégorie des délits puisqu'il marquait une atteinte à la propriété. Dans la comptabilisation des actions en justice traitées par le tribunal d'Uzel, Olivier Rolland arrive à la conclusion que trente-huit pour cent des peines prononcées concernaient des vols de toiles. Encore convient-il de dire que les juges locaux n'ont jamais eu à traiter qu'une infime partie des actes répréhensibles commis dans la manufacture. En effet les multiples conciliations enregistrées par les différents notaires locaux prouvent que detrès nombreuses affaires délictueuses n'ont pas été menées à leur terme15. De la même façon, les doléances du blanchisseur René Garin, n'ont jamais été transcrites sur les registres du greffe d'Uzel16.
31Il ne s'agit nullement de transformer la manufacture en une quelconque annexe de la forêt de Sherwood, mais plus de signaler un climat général particulier, comme le font découvrir quelques exemples significatifs.
32En 1766, sur injonction de Mathurin Boschat, seigneur d'Uzel, eut lieu le remplacement de Me Leclerc par Me Lamandé dans les fonctions de procureur fiscal. La passation de pouvoir semble avoir été particulièrement malaisée puisque pendant trois ans, en dépit des interventions répétées de Boschat auprès du Parlement de Rennes17, Leclerc et Lamandé ont prétendu exercer la même fonction.
33À propos d'une banqueroute frauduleuse constatée chez le marchand Joseph-Marie Collin d'Uzel, on peut parler de collusion entre notables, qu'ils aient été juges ou coupables. Rappelons les faits dont l'instruction dura de 1773 à 1776. Collin qui devait de l'argent à divers fournisseurs, n'a pas répondu aux sollicitations de ses nombreux créanciers. Au contraire, il s'est empressé de vendre la totalité de son stock, afin de recouvrer une partie de son capital dilapidé. Dénoncé et incarcéré aux prisons d'Uzel, il a failli s'en échapper grâce à l'aide de complices conduits par un autre marchand, le sieur Losties. Mais le « bris de geôle » ayant mal tourné, le prisonnier et certains de ses libérateurs se sont retrouvés en prison à Saint-Brieuc. Une nouvelle instruction de l'affaire a délié les langues uzelloises et le petit personnel judiciaire local s'est retrouvé au banc des prévenus. Parmi ceux-ci, Mathurin-Pélage Le Breton, sénéchal du lieu, a même été accusé d'avoir inspiré le marchand indélicat. Il va de soi qu'hormis Collin et les hommes de main de Losties, personne n'eut à connaître les foudres de la justice.
34Une contestation financière portant sur deux mille cinq cent trente- deux livres entre deux marchands de toiles, Mathurin Boschat, seigneur d'Uzel, et Yves Fraboulet, a fait vaciller l'autorité du premier dans la région18. Comme cela se pratiquait alternativement pour tout vassal, Fraboulet fut chargé de « la cueillette du rôle rentier » de la seigneurie d'Uzel en 1766. Le collecteur indélicat, mais soucieux de récupérer son argent, se permit d'augmenter les rentes. Une telle façon de procéder ne pouvait que susciter la réaction des vassaux dont quatre-vingt-trois déposèrent plainte auprès du procureur fiscal local. Pour éteindre le feu de la contestation, Boschat se retourna contre Fraboulet, et l'affaire ne fut finalement jugée, à Rennes, qu'en 1772.
35Un tel climat de contestation parut propice à Guillaume Le Deist de Botidoux ainsi qu'à ses cousins Olivier Glais-Bizoin et François Glais-L'Abbaye. Cette famille, dont les pères et les oncles avaient été jusqu'en 1760 fermiers généraux de la seigneurie d'Uzel, s'estimait lésée par la vente que le marquis de Duras avait faite à Boschat et non à l'un de ses membres. Après avoir organisé une campagne de signatures contre Boschat, les Glais provoquèrent des actions individuelles contre ses représentants. Celles-ci avaient pour finalité de récuser les différents droits féodaux perçus par le nouveau seigneur.
36La première escarmouche publique se déroula le 24 mars 1772. Elle opposa Guillaume Le Deist de Botidoux au préposé des coutumes qui exigeait l'habituel droit de six deniers sur toute pièce de toile vendue au marché d'Uzel. Après un début d'action en justice à Saint-Brieuc, une conciliation intervint entre Boschat et Le Deist. Le 15 avril de la même année, un nouveau scandale éclata encore au marché d'Uzel. Il fut provoqué, cette fois, par Olivier Glais-Bizoin qui s'opposa à la perception des mêmes droits sur les toiles. Venu au greffe de la seigneurie pour voir si la pancarte des droits sur les foires et marchés s'y trouvait bien, Glais-Bizoin ressortit triomphalement de l'auditoire, déclarant qu'il n'y en avait point.
37Il serait fastidieux d'énumérer les différents épisodes qui ont opposé Boschat à ses vassaux conduits par la famille Glais. Rappelons simplement les plus importants motifs de contestation : demande du pavage des rues d'Uzel à cause de la perception des droits de péage ; refus des nouvelles mesures à grain réalisées par Boschat ; rejet de l'entretien du chemin de Haute-Folie par les seuls riverains du Tiers État ; opposition aux rentes perçues en avoine grosse alors qu'elles étaient dues en avoine menue ; enfin, demande de la suppression des droits seigneuriaux jugés dégradants comme ceux de quintaine ou du mât de mai.
38La plupart de ces revendications font penser à celles qu'exprimeront, quelques années plus tard, les cahiers de doléances. De 1772 à 1783 devant le Parlement de Rennes, une suite ininterrompue de procès opposa Boschat, puis ses héritiers, aux différents membres de la famille Glais. Ces derniers, forts des procurations signées par quatre-vingt-quatorze vassaux, finirent par remettre en cause l'essence même du système féodal. Bien que défendus par les plus hautes sommités du barreau rennais, dont Poulain-Duparc, les contestataires furent finalement déboutés. La période ne se prêtait guère au dialogue et encore moins à la remise en cause de l'ordre établi. La conclusion de cette affaire est clairement indiquée par les attendus du procès. On y lit en effet ;
« Il ne dépendrait que d'un vassal opulent, cabaliste et mal intentionné, de s'associer à quatre-vingt-dix-neuf autres [...] insolvables pour susciter à leur seigneur des contestations de toutes espèces et des plus absurdes ».
Vers la Révolution
39Cinq ans plus tard, en 1788, Jean-François Le Deist de Botidoux, fils de Guillaume, reprit le flambeau de la contestation, mais la situation était tout autre. Le jeune avocat, lui aussi marchand de toiles, s'est alors signalé à l'attention des autorités provinciales comme l'auteur d'un mémoire anonyme consacré à la défense du monde paysan19. Botidoux y stigmatisait les institutions bretonnes et leur reprochait une prétendue représentation du Tiers État. Il proposait de réaliser un certain nombre de modifications afin d'accueillir des députés paysans au Parlement de Rennes.
40Ces améliorations, selon Botidoux, consistaient à joindre aux traditionnels quarante-cinq députés des villes de Bretagne, cent quarante élus ruraux. Chacun de ces derniers serait le représentant de dix paroisses. Quant au clergé, sa hiérarchie se réunirait à l'ordre de la noblesse, tandis que les recteurs s'associeraient à celui du Tiers État. Au cas où ces modifications s'avéreraient impossibles, Botidoux prévoyait, à l'instar de la Suède, la création d'un quatrième ordre réservé aux paysans. Si cette dernière solution était adoptée, cela impliquerait l'admission du bas-clergé dans l'ordre de l'Église.
41Parmi les vingt-sept notables des environs d'Uzel qui ont signé ce mémoire, on relève les noms de quinze recteurs et curés, mais aussi ceux de Robin-Morhéry et de Glais-Bizoin. Ultérieurement ces deux personnages sont devenus députés : le premier aux États Généraux, le second à la Législative. Toutefois les idées de Botidoux ne semblent guère avoir été reprises quelques mois plus tard par les cahiers de doléances.
42Entre le 29 mars et le 5 avril 1789, dans le cadre des généraux de paroisse élargis aux notables locaux, se sont tenues des assemblées préparatoires à celles qui devaient s'ouvrir dans les villes de sénéchaussée ; en effet seules ces dernières étaient habilitées à désigner les futurs députés aux États Généraux. Ces premières réunions se sont traduites par une réflexion sur les problèmes de la société française et par la rédaction de cahiers de doléances. Trente-trois registres concernant des trêves et paroisses de la manufacture, ont été conservés20. Trois sources d'inspiration s'en dégagent : celle des délibérations du Tiers rennais, celle de l'opuscule « Le bon citoyen des campagnes » et enfin celle d'un « Anonyme finistérien21 ».
43Les doléances formulées par la plupart des cahiers ne présentent guère d'originalité. On y retrouve les mêmes demandes de vote par tête, d'égalité devant l'impôt, de réforme de la justice.
44Cependant, une analyse de certains articles permet de retrouver quelques particularités locales. C'est ainsi que l'animosité à l'égard du domaine congéable s'est exprimée à trente-huit reprises. En ce qui concerne l'agriculture, les paroisses ont parfois adopté des positions opposées : alors que La Motte et Plumieux prévoyaient le défrichement des landes, La Ferrière s'y opposait. Dix-huit articles se sont aussi intéressés aux problèmes liés à la toile. Ils évoquent, pêle-mêle, la protection de la manufacture par le gouvernement, la réduction des droits sur la marque des toiles ou sur l'amidon. Seul le cahier de Loudéac s'est efforcé de présenter une analyse de la situation économique que connaissait alors la manufacture.
45De toutes les revendications, la plus commune, mais aussi la plus porteuse de troubles, était bien sûr celle qui concernait la milice. Vingt-quatre cahiers la refusaient et exigeaient sa suppression. Il en était de même du logement des gens de guerre et du transport de leurs bagages, vingt-cinq articles rejetaient en effet ces obligations. Enfin l'insécurité, déjà évoquée à propos de la région d'Uzel, était attribuée à l'accroissement de la mendicité. Si les rédacteurs des cahiers ne parlaient pas d'enfermement, on sent bien qu'ils y pensaient.
46Les meilleures sources d'information sur les préoccupations populaires dans la manufacture ne sont pas les cahiers de doléances mais les tableaux communaux destinés au Comité de mendicité de la Constituante22. Ces statistiques rédigées à partir de 1790 ont été parfois accompagnées, comme dans le district de Loudéac, d'appréciations municipales exposant la situation économique et sanitaire. Trois grandes revendications se retrouvent dans la région loudéacienne : une demande de lin pour subvenir aux besoins des fileuses et des tisserands, la mise en culture des landes et l'ouverture de chemins ruraux.
47En dehors de ces observations, les renseignements fournis par les statistiques communales permettent d'imaginer un paysage économique lourd d'inquiétude pour les années à venir. Si l'on additionne les citoyens passifs, les enfants de pauvres, les vieillards, les infirmes et les mendiants, c'est près d'un quart de la manufacture qui se trouvait dans un dénuement quasi total. Une réserve toutefois, ces documents ne semblent pas avoir tous été rédigés selon des normes identiques. Cela pourrait expliquer certaines disparités cantonales ou, du moins, le désir de certains rédacteurs de dissocier les « bons pauvres » des autres nécessiteux. Le bilan qui se dégage de ces relevés, permet de saisir aussi bien les dix années de crise que venait de vivre la manufacture, que leur effet sur la situation économique et sanitaire du centre-Bretagne.
La période 1789-1802
48Les événements qui ont affecté la Bretagne entre 1789 et 1802 ne coïncident pas avec le découpage chronologique traditionnel de la Révolution23. Ici la première phase commence bien en 1789, mais elle se termine à la fin de 1791. Cet intermède correspond à l'impossible compromis idéologique au sein du Tiers. De 1792 à l'hiver 1794, les nouvelles autorités en place ont dû faire face à l'hostilité puis à la rébellion des campagnes. À partir de 1795 et jusqu'en 1802, l'insécurité générale s'est finalement traduite par une gestion militaire des problèmes locaux.
L'impossible compromis
49À la suite des assemblées primaires, se sont ouvertes les assemblées du Tiers État, au siège des sénéchaussées. Si Quintin et quelques paroisses de sa seigneurie dépendaient de celle de Saint-Brieuc, l'essentiel de la région toilière relevait de Ploërmel. Pour cette zone, les noms des soixante et un députés venus de vingt-six paroisses sont connus24. Seules Uzel et Loudéac ont eu droit à quatre représentants alors que, pour les autres paroisses, il n'y en avait que deux. Une exception : Merléac où, en plus du nom d'Olivier Glais-Bizoin, on retrouve ceux de cinq marchands de toiles. Les différents délégués à Ploërmel étaient représentatifs de la région : on relève quatorze laboureurs, dix-sept hommes de loi et vingt-trois marchands de toiles.
50Cette forte représentation toilière a influé sur l'assemblée tenue à Ploërmel à partir du 7 avril 1789, aussi bien dans la rédaction de son cahier que dans le choix des députés aux États Généraux. En effet la lecture de l'article 68 du cahier de sénéchaussée permet de comprendre que les préoccupations commerciales de la manufacture des « bretagnes » n'ont pas été oubliées25. Parmi les noms des députés alors désignés pour siéger aux États Généraux, on relève ceux de Louis-François Robin-Morhéry, marchand de toiles au Quillio et de son suppléant Jean-François Le Deist de Botidoux. Le premier n'a que peu fréquenté l'Assemblée Nationale, puisque dès 1790, on le retrouve juge au tribunal du district de Loudéac. Son suppléant l'a alors remplacé pour le reste de la législature. La région a aussi fourni un autre député : Pierre Ruello, recteur de Loudéac et élu du clergé aux États Généraux.
51Par contre ce qui frappe dans ces élections nationales, c'est l'absence de représentants quintinais, les notables briochins ayant accaparé les places disponibles. Une telle anomalie explique aussi les choix ultérieurs de Saint- Brieuc comme chef-lieu de département et de Loudéac comme chef-lieu de district. Pendant la Constituante, la collusion des juristes rennais, de leurs homologues briochins et aussi de certains membres du clergé a empêché la création d'un département de Saint-Malo qui aurait intégré la manufacture à son principal port exportateur26.
52L'année 1790 demeure celle de la mise en place des nouvelles divisions administratives : communes, départements, districts et cantons27. À quelques exceptions près, les élections municipales se sont déroulées dans le calme comme le prouve l'exemple de La Motte. Le procès-verbal des 17 et 18 février 1790 qui l'évoque, offre un aperçu de l'attitude des nouveaux citoyens bretons. Les trois cent quarante-quatre citoyens actifs, accueillis dans l'église par le recteur ont commencé par chanter le Veni creator. Ils ont ensuite suivi la messe du Saint-Esprit et ont enfin participé aux opérations électorales. Des trois scrutateurs chargés de surveiller la régularité des votes, deux étaient prêtres : le recteur et son curé. La considération générale qui semblait entourer ces ecclésiastiques les a portés aux fonctions de maire et d'officier municipal.
53L'aura conférée aux gens d'Église transparaît nettement dans les comptes rendus des premières élections municipales de 1790. Les informations recueillies ne concernent que vingt-quatre des soixante communes de la manufacture, mais les conclusions que l'on peut en tirer sont assez révélatrices des liens qui unissaient alors les fidèles à leurs pasteurs. Sept prêtres ont été élus maires, quatre sont devenus procureurs et vingt-cinq occupaient des fonctions d'officiers municipaux. On retrouve la même sur-repré- sentation ecclésiastique le 13 avril 1790, lors de la constitution du Directoire du district de Loudéac avec trois recteurs, soit le même nombre que les marchands de toiles.
54Il serait faux de croire que cette phase de concorde a été aussi celle d'une gestion idyllique pour les nouvelles autorités. En août 1790 à Plessala, suite à une cabale, il n'y avait toujours pas de municipalité. Cette situation conduisait à une paralysie de la commune, surtout dans le domaine financier. La présence d'un élu du district apportait enfin un peu de sérénité au scrutin tenu le 30 août. À Uzel, un conflit latent opposait le maire et le commandant de la garde nationale. Le premier semblait n'en faire qu'à sa tête et refusait de souscrire aux arrêtés pris à la majorité des suffrages. Ici aussi, l'envoi d'un membre du district se terminait « à la satisfaction de tout le monde ». À Plémy, la nouvelle municipalité dirigée par l'abbé Le Guen- nec suscitait la contestation. On reprochait au recteur d'avoir prêté serment tout seul devant la commune, de ne pas retranscrire les décrets, de ne pas s'être présenté aux cérémonies du quatorze juillet. Une enquête menée sur place conduisit à renvoyer dos à dos accusateurs et accusé. On demanda toutefois aux uns et aux autres de « se comporter avec plus de modération et plus de décence ».
55Le découpage du district de Loudéac en neuf cantons n'avait pas suscité l'unanimité. Devant les menaces « pour la félicité publique » et les « rivalités de personnes », des modifications de détail furent nécessaires. La grande distance entre Plémet et Plumieux et le mauvais état des chemins reliant les deux bourgs, expliquent le transfert de cette dernière commune vers le canton de la Chèze. Dans le canton de Plouguenast, Langast et Plessala contestaient le choix du chef-lieu. Arguant de sa position centrale, Langast prétendait même revendiquer la nouvelle fonction administrative. À ce propos, une pétition expédiée à l'abbé Armez, Procureur général syndic du département, par les municipaux de Langast, faisait l'inventaire de tous les avantages présentés par leur commune.
56L'élection des juges de paix a été aussi prétexte à contestations. Dans le canton de Plémet, Laurenan mettait en doute la validité de l'élection de Me Boudart aux fonctions de juge de paix. Interloqué par cette attaque, Boudart s'empressait de fournir au district la quittance de sa contribution patriotique et le procès-verbal de son installation. Nommé le 25 octobre aux mêmes fonctions dans le canton de Plémy, Me Chantar rencontrait, lui aussi, des difficultés. On lui reprochait d'avoir été condamné pour trafic de toiles et de ne pas payer les dix jours de travail requis par la loi. Parmi les autres griefs relevés contre Me Chantar, on l'accusait de s'être présenté à l'assemblée électorale accompagné de « sa famille » et de « sa cabale qu'il avait gagné(e) par des coups de cidre et d'eau de vie ». Le 28 décembre, de nouvelles élections présidées par Joseph Lavergne, commissaire du district, se terminaient dans la confusion la plus totale. C'est finalement le 24 mai 1791 qu'une assemblée plus digne put se tenir à Plémy. En présence de la garde nationale de Loudéac, Chantar fut confirmé dans ses fonctions de juge de paix par cent quatre-vingt-six voix sur deux cent trois votants.
57La nuit du 4 août 1789 avait éveillé beaucoup d'espoir auprès des habitants des campagnes et, au cours de l'année suivante, de nombreux ruraux ont alors manifesté leur impatience de ne pas voir rapidement disparaître les vestiges de l'Ancien Régime.
58En septembre 1790 certaines oppositions au recouvrement de la dîme ecclésiastique se manifestèrent à Laurenan, Plémet et Loudéac. Afin d'endiguer une contestation qui risquait de s'étendre à tout le district de Loudéac, son Directoire fit appel au régiment de Poitou stationné à Saint-Brieuc. De même, les grands massifs forestiers et les landes n'étaient pas non plus à l'abri des déprédations des habitants vivant dans leur voisinage. C'est justement suite à une plainte du conseil municipal d'Allineuc que la garde nationale d'Uzel intervint dans la forêt de Lorge. Mais le détachement n'en imposa guère aux habitants pris en flagrant délit d'abattage de bois, et c'est au contraire les gardes nationaux qui durent s'enfuir. Sur
59landes de Phanton, le vieux conflit qui opposait depuis longtemps affouagistes et riverains se réactivait. Dès septembre 1790, la municipalité de Plouguenast avait avisé les membres du directoire du district de Loudéac que ces landes étaient d'anciennes terres communales « usurpées par les ci- devant seigneurs de fiefs ». Comme seule réponse, les riverains des landes de Phanton reçurent, le 24 février 1791, la visite de trente gardes nationaux de Loudéac. Ceux-ci étaient chargés de veiller à la sécurité des biens de l'afféagiste, le sieur Lambert.
60Ces séditions dont les causes étaient économiques, n'auraient guère inquiété les autorités si l'esprit d'insubordination qu'elles révélaient n'avait trouvé une nouvelle occasion de se manifester dans l'application de la Constitution civile du clergé. Le premier acte d'opposition à la nouvelle loi vint en septembre 1790 de l'abbé Cormeaux, recteur de Plaintel et président du district de Saint-Brieuc. Il justifia son refus de siéger, reprochant à la Constitution d'être « trop destructive de la religion » et de « rompre les liens sacrés qui depuis Clovis uniss(ai)ent la monarchie française au siège de Saint-Pierre28 ».
61À la suite de cet éclat et en l'absence de l'évêque de Saint-Brieuc, les vicaires généraux, de Robien et Le Gofvry tentèrent de ramener dans « le droit chemin » les ecclésiastiques qui avaient été, un moment, tentés par l'aventure révolutionnaire. Une « Exposition de la doctrine catholique sur les matières agitées en ce temps », rédigée sous leur direction, circula de presbytère en presbytère29. En décembre 1790, à l'occasion du renouvellement partiel des municipalités, on observa une première reprise en main des ecclésiastiques libéraux par une hiérarchie catholique plus traditionnelle. Ceci eut lieu à Saint-Hervé, Gausson, Hénon ou des prêtres avaient été portés aux fonctions de procureur ou d'officier municipal30.
62C'est pourquoi, dès février 1791, les élus du district de Loudéac tentèrent d'expliquer à leurs administrés le véritable sens du serment à la Constitution civile du clergé, en leur déclarant qu'il ne s'agissait ni de « toucher au dogme de la foi, ni de porter atteinte à la juridiction spirituelle de l'Église31 ». Mais dans la course de vitesse qui s'engageait entre les anciens alliés, les bourgeois du Tiers avaient déjà une longueur de retard. Ainsi entre les 8 mars et 12 avril, c'est au moins quatorze affaires religieuses que les autorités loudéaciennes ont dû résoudre32. L'opposition à la nouvelle loi prenait parfois un aspect volontairement provocateur. Tandis qu'à Plessala le recteur refusait de lire les décrets de l'Assemblée Constituante qui ne lui convenaient pas, à Langast son confrère se permettait de lire « Le Bref du Pape ».
63Comme semblables événements survenaient dans la plupart des communes des Côtes-du-Nord, le Directoire du département décida de frapper les « prêtres turbulents » et de les éloigner de leur résidence « à dix lieues33 ». Il fallait cependant prévoir leur remplacement. Dans le district de Saint-Brieuc, c'est protégés par des détachements de soldats du régiment d'Anjou et de gardes nationaux de Quintin que les nouveaux curés de Plain- tel et de Plaine-Haute prirent possession de leurs paroisses. En signe de protestation, les fidèles organisèrent des processions diurnes qui devinrent nocturnes après leur interdiction par le Directoire briochin. Les autorités départementales soucieuses de rétablir le calme envoyèrent alors deux cents hommes armés à Saint-Julien. L'affaire se termina par la mort de deux processionnaires, plusieurs blessés, et une cinquantaine d'arrestations.
64La « désertion du clergé » qui avait été fort mal accueillie, lors des cérémonies du 14 juillet 1791, trouva sa conclusion en septembre à l'occasion du renouvellement des membres du district de Loudéac. Les trois ecclésiastiques qui y siégeaient encore, présentèrent leur démission. Dans les paroisses de la manufacture, le remplacement des prêtres insoumis suscita de nouvelles difficultés aux administrateurs. Déjà le 2 octobre à Loudéac, l'avis de l'exil du Constituant Ruello avait provoqué une émeute. Une semaine plus tard, à Plémy, l'installation du curé constitutionnel se terminait en pugilat général. L'arrivée de militaires briochins, dans le district, calma momentanément les esprits et permit un remplacement plus calme à Plouguenast. À la fin de l'année 1791, la correspondance des différentes administrations locales est révélatrice de leur désarroi. Il n'a plus été un courrier où elles n'ont évoqué leurs difficultés avec un clergé réfractaire et une population devenue complice34.
L'opposition Blancs-Bleus
65C'est dans ce contexte que se sont tenues, à Saint-Brieuc, les élections destinées au renouvellement de la représentation nationale. Elles ont conduit à la Législative Olivier Glais-Bizoin et Jean-Baptiste Digaultray. En une période où tant de bouleversements économiques pouvaient modifier le fonctionnement de la manufacture, la présence d'un important marchand de toiles au sein de la représentation nationale pouvait s'avérer déterminante. Il faut cependant signaler, à propos de Glais, l'appréciation peu flatteuse formulée par l'un de ses collègues député « Absolument nul, mais ne nuira pas aux vues des défenseurs de la patrie35 ».
66Au contraire J.-B. Digaultray, petit-fils de Baron du Taya, s'est intéressé à la situation économique de la région. En ces derniers mois de 1791, les marchands de toiles de la manufacture étaient doublement préoccupés. Ils devaient aussi bien faire face à la disparition des bureaux de marque des toiles qu'à l'apparition de l'assignat. La suppression de toute surveillance, dans la manufacture, a paru dangereuse aux municipaux de Quintin. Ils ont alors pris contact avec leurs exportateurs de Morlaix, Lorient, Nantes, Saint-Malo. Mais cette intervention était trop tardive et le vent de l'histoire avait tourné. Une longue correspondance s'est alors ouverte entre Quintin et Digaultray qui, lui non plus, n'a pu s'opposer à la nouvelle législation.
67Les premières émissions d'assignats avaient été réalisées avec des coupures de cent, deux cents, cinq cents livres et plus. En raison du prix de l'aune de toile qui oscillait entre quarante-quatre et soixante-deux sols, l'absence de petites coupures gênait les transactions entre marchands et tisserands. Grâce à Digaultray et au prêt de certains marchands de toiles, une transaction financière a été possible. Contre dix mille livres en grosses coupures avancées par les notables locaux, Quintin reçut des assignats de cinq livres ainsi que de la monnaie de billon36. La période ou plutôt la présence de son député à Paris, a aussi favorisé les Quintinais : eux qui depuis longtemps désiraient un tribunal de commerce l'ont enfin obtenu et les premiers juges ont été installés le 26 mars 1792.
68Cette année marque, de façon irrémédiable, la montée des périls qui ont assailli la région. Le 23 janvier, s'autorisant des pétitions sans cesse réitérées des districts et particulièrement de celui de Loudéac, le Directoire du département des Côtes-du-Nord décida l'arrestation des prêtres dénoncés par l'opinion publique et leur incarcération au château de Dinan. L'application de cet arrêté s'est alors traduite par une chasse aux réfractaires.
69Depuis l'émeute de Plémy, Le Guennec, ancien recteur de cette paroisse était emprisonné à Loudéac. L'y rejoignirent d'autres prêtres comme Le Bris et des vicaires de Mûr, Louesdon de Laurenan, Joyeux de Saint-Barnabé, I. estimé de La Chèze, Macé de Saint-Étienne-du-Gué-de-L'Isle. Les abbés Le Jolly et Le Bigot, recteurs de Plémet et de Saint-Hervé, avaient pu s'éclipser avant l'arrivée des gendarmes. Toutes les municipalités ne semblent pas avoir apporté le même zèle à débusquer les prêtres réfractaires. Ainsi entre septembre et décembre 1792, celle d'Allineuc a-t-elle délivré sept passeports à des ecclésiastiques qui désiraient se rendre à la « maison commune » de Saint-Brieuc ou à Jersey. Parmi les noms des prêtres désirant s'expatrier on retrouve celui de Jean-Gabriel Le Gorby, ex-vicaire général du diocèse de Saint-Brieuc.
70La région a été véritablement ébranlée, au matin du 21 août, par la rébellion de Plouguenast. Les gendarmes de Loudéac, après y avoir saisi trois réfractaires, durent les libérer sous la pression populaire. L'après-midi, afin de justifier ce rapt, des rassemblements spontanés se tinrent à Plouguenast et Langast. Pour rétablir l'ordre, le district envoya un commissaire accompagné de la troupe en stationnement à Loudéac. Cette présence extérieure ne permit pas de retrouver les trois fugitifs qui avaient trouvé refuge à Saint-Gilles-du-Méné chez le marchand de toiles Legris-Duval. Elle facilita cependant l'arrestation d'une dizaine de personnes accusées d'avoir participé à l'enlèvement. Plessala s'est trouvée indirectement mêlée à cette aventure puisque son curé constitutionnel qui traversait Langast, au moment du rassemblement séditieux, faillit être lynché.
71Le bellicisme affiché par la plupart des membres de la Législative a eu des conséquences funestes dans l'évolution ultérieure de la Révolution. Le 20 avril 1792, la déclaration de guerre à l'Autriche et à la Prusse avait paru bien lointaine aux populations bretonnes ; mais la loi du 8 juillet déclarant « La patrie en danger » provoqua une levée de deux cent six hommes dans le district de Loudéac. Les informations qui concernent cette première conscription sont rares, on y trouve cependant des slogans et des attitudes qui seront repris en mars 1793. Les citoyens d'Allineuc qui devaient fournir dix soldats refusèrent ce choix qui leur rappelait trop la milice et proposèrent :
« Tous on personne ».
72À Plémet, l'émotion que suscitait l'enrôlement nécessita l'envoi de la garde nationale de Loudéac. Malgré toutes ces difficultés, le district réussit à fournir son contingent.
73L'exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793, provoqua l'ire de l'Europe royale et conduisit à la première coalition contre les régicides français. En réponse et sur la demande de Dubois-Crancé, la Convention, où siégeait maintenant le quintinais Fleury, vota la levée des trois cent mille hommes. L'essentiel de la manufacture constitué par le district de Loudéac devait fournir neuf cent vingt soldats. « Afin d'éviter les trop grands rassemblements qui sont toujours cause de troubles », ce recrutement devait se faire, par commune le 18 mars. Mais, dès le 14 mars dans le département voisin du Morbihan, les graves événements de Pluméliau et la tentative d'invasion de Pontivy avaient créé une situation insurrectionnelle. La fièvre antirévolutionnaire risquait de contaminer les Côtes-du-Nord.
74Le 23 mars à Bréhand, Jérôme-Amateur Le Bras de Forges de Boishardy, ex-officier d'infanterie revenu sur ses terres, prit la tête de la révolte à la conscription. Regroupant tous les contestataires du Méné, il attaqua d'abord le courrier de Saint-Brieuc puis repoussa un assaut des gardes nationaux de Lamballe. Le 26 mars, une mobilisation générale à laquelle participa la garde nationale de Quintin conduisit à une bataille rangée entre Moncontour et Lamballe. Les révoltés perdirent une douzaine d'hommes, vingt- cinq autres furent faits prisonniers et le reste s'enfuit. À partir de cette date et jusqu'à l'hiver 1794, Boishardy vécut ans la clandestinité. Ne pouvant capturer le chef, le tribunal criminel du département et la commission militaire condamnèrent à mort neuf des prisonniers.
75Le 24 mars selon le district de Loudéac, seules quinze municipalités s'étaient soumises à la loi du recrutement. À cette date, Plémy, Plessala, Langast, Plémet, Plumieux, Saint-Caradec étaient révoltées. En réponse à
76cette agitation, le département exigea d'agir par la crainte en promenant la guillotine dans six chefs-lieux de district. Le 30 mars, en pleine période de désarroi et pour frapper les imaginations, une exécution capitale eut pour cadre Loudéac. La victime était un Trégorrois, François Le Barbu, accusé d'avoir participé à une rébellion lors de la première levée en masse de septembre 1792. Plus qu'aux vertus dissuasives de la guillotine dans la région loudéacienne, c'est à la présence militaire qu'il faut attribuer l'accélération des opérations de recrutement. Celles-ci étaient enfin terminées au début d'avril.
77Alors que les conscrits n'avaient pas encore franchi les limites du département pour aller se battre sur les lointaines frontières, voilà que la guerre surgissait aux portes de la Bretagne. Dans les premiers jours du mois de mai, Nantes assiégée appelait à son secours les autres départements bretons. Six cents hommes choisis parmi les gardes nationaux des Côtes-du-Nord répondirent à cet appel. Pour sa part, le district de Loudéac en fournit vingt-deux.
78Les dissensions qui se manifestaient à la Convention entre Girondins et Montagnards affectaient l'harmonie entre les autorités locales. Après l'arrestation à Paris des députés Girondins et l'échec de la bataille de Caen, les membres de ce parti furent proscrits et leurs têtes mises à prix. Décidés à rejoindre Bordeaux par mer, ils pénétrèrent alors en Bretagne. Afin d'échapper aux poursuites menées par Lamballe, Loudéac et Pontivy, ils se scindèrent en petits groupes. Accueillis à Moncontour début août par Glais-Villeblanche, ils furent ensuite conduits à Merléac par Le Deist de Botidoux chez leur cousin Glais-Bizoin. Deux des proscrits, Lesage et Giroud restèrent cachés un an et demi dans la région. Les autres, Louvet, Barbaroux Buzot, Pétion atteignirent Quimper, malgré une chaude alerte à Rostrenen. On sait qu'enfin parvenus à Bordeaux, plusieurs périrent sur l'échafaud. Déjà suspect aux yeux des administrateurs loudéaciens présidés par Pierre-Anne Moisant, Glais-Bizoin fut incarcéré, tandis que son cousin Botidoux trouvait refuge près des chouans du Morbihan.
79Les événements extérieurs continuaient d'influer sur la situation politique locale. Ayant quitté la rive gauche de la Loire, les Vendéens entamaient « La virée de Galerne » qui, entre le 18 octobre et le 14 novembre 1793, allait les conduire sous les murailles de Granville. C'est par bribes souvent contradictoires que ces nouvelles parvenaient dans la manufacture. La peur des « brigands » jointe au « tocsin de la liberté » faisait se lever mille deux cents volontaires dans le district de Loudéac. Regroupés en sept compagnies ces hommes étaient destinés à assurer la défense de Rennes, mais certains ont combattu jusqu'à Angers. La désorganisation vendéenne voyait le retour des bandes chouannes du Morbihan vers leurs bases arrières et celle des volontaires loudéaciens vers leurs foyers. Le 16 mars 1794, afin de contenir un nouveau foyer de révolte, Loudéac se portait au secours de Josselin.
80À peine revenus de Rennes, les volontaires du district apprirent que la Convention avait décidé une nouvelle levée de conscrits et que le contingent du district de Loudéac était fixé à mille trente-cinq soldats. Pour éviter des suites comparables à celles de l'année précédente, il fut décidé de prévoir un encadrement dirigé par des officiers élus. Enfin constitué et divisé en quatre groupes, le nouveau contingent devait se mettre en route pour Lille, entre les 2 et 20 avril. Mais, dès le 24 avril, Loudéac avisait le ministère de la Guerre de nombreuses désertions et des risques qu'elles représentaient.
81Les craintes des administrateurs étaient justifiées. En effet, Saint-Méen tombait aux mains des chouans le 6 mai, puis c'était au tour de Merdrignac cinq jours plus tard. Pour éviter une extension du soulèvement, Rohan, Pontivy, Saint-Brieuc mettaient à la disposition du district de Loudéac trois cent cinquante fantassins et dix cavaliers. Loin de fondre sur les chouans, la troupe établissait une série de cantonnements destinés à empêcher, sur le front est, toute attaque contre Loudéac.
82Analysant la situation, Delaizire, le maire de Plémet écrivait :
« Les rassemblements qui ont lieu à (Saint)-Méen et Merdrignac sont presque en totalité composés des habitants des communes qui avoisinent ces deux endroits [...]. Grand nombre de jeunes gens des réquisitions de cette commune (Plémet) et de celle de La Prénessaye se sont réunis aux citoyens des communes en insurrection ».
83Le cantonnement militaire stationné à Plémet permettait d'arrêter douze déserteurs de cette commune.
84Les 4 mai et 29 septembre 1793, sous la pression du peuple de Paris, la Convention avait institué les lois du maximum. Ces mesures destinées à favoriser l'approvisionnement alimentaire des villes ont eu des conséquences inverses, en particulier pour la région des toiles « bretagnes ». Pourtant, le 30 juin, le district de Loudéac s'était élevé contre la discrimination qui frappait l'assignat. Alors qu'une douzaine d'oeufs valait de cinq à huit sols, c'est dix-huit sous qu'il fallait fournir si l'on payait en papier monnaie.
85Dès septembre, le recensement des grains dans les communes de la manufacture laissait augurer d'un hiver très difficile. Les municipaux de Quintin écrivaient le 27 novembre : « La disette se fait sentir ». L'arrivée de cinq cents boisseaux de grain le 9 décembre, ne pouvait combler le déficit. Quelques jours plus tard, Baron du Taya offrait mille livres pour acheter des céréales et de Géry vidait les greniers des métairies d'émigrés. Au début 1794 la situation semble avoir été catastrophique : les différents marchés n'étaient plus approvisionnés. À Quintin qui continuait à crier famine, s'ajoutaient maintenant des appels à l'aide venus de Gausson, Saint-Caradec, Saint-Thélo, Loudéac, Corlay, Uzel.
86Et les tisserands qui ne possédaient pour vivre que leur outil de travail ? Depuis l'été 1793, en raison de la guerre avec l'Espagne, les marchés aux toiles étaient quasi déserts. Les pages des registres d'achats de toiles de
87Pierre-Anne Moizan et Jean-Marie Morice sont restées désespérément vides entre cette période et 1796. Lors des différentes levées en masse, on avait bien tenté d'utiliser les productions locales pour vêtir les conscrits, mais cela n'avait été qu'un remède passager. Une telle situation provoquait l'irritation de Jean-Baptiste Digaultray. Revenu à Quintin où ses concitoyens l'avaient porté à la présidence de la Société des Amis de la Constitution, il déclarait alors :
« C'est ainsi que la classe pauvre est toujours victime de la cupidité des riches qui s'entendent contre elle pour l'écraser37 ».
Les campagnes aux mains des hommes armés
88Après la chute de Robespierre le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), les opposants à la Révolution ne doutèrent plus de leur succès. Forts de l'aide anglaise qui leur débarquait en abondance armes et faux-assignats sur les côtes bretonnes, ils projetaient de renverser un régime que ses politiques religieuse, militaire, économique, avaient discrédité aux yeux de nombreux habitants de la manufacture. Revenu sur le théâtre de ses premiers exploits, Boishardy dirigeait maintenant la chouannerie dans quatre districts du département des Côtes-du-Nord. À travers la campagne, les courses incessantes de ses troupes divisées en pelotons d'une quinzaine d'hommes donnaient aux républicains outre l'impression de vertige, celle d'être assiégés dans leurs villes et bourgs.
89En cette fin de 1794, les comptes rendus qui évoquent les passages de chouans dans la manufacture confirment ce sentiment. Le 26 octobre, on les signalait à La Ferrière et à la Prénessaye et, le 2 novembre, à Laurenan où ils détruisaient un moulin. Plessala recevait leur visite le 19 novembre. Après y avoir coupé l'arbre de la liberté et enlevé quinze fusils à la mairie, ils s'en prenaient au curé constitutionnel qui ne devait son salut qu'à la fuite. Le lendemain, L'Hermitage-I.orge investie à son tour leur fournissait douze fusils. Un détour par Saint-Hervé permettait d'assassiner Isidore-François Corlay qui, en sa qualité de maire, avait exigé les passeports de ces étrangers. Une halte à l'auberge de Saint-Caradec était prétexte pour inviter à crier « Vive Louis XVII ». Le 30 décembre les mêmes scènes de destructions d'arbres, d'incendie de papiers et de ramassage d'armes se renouvelaient à Grace et au Quillio. Aperçus à La Prénessaye le 1er janvier 1795, on apprenait par la suite que les chouans se dirigeaient vers Saint- Maudan pour y couper l'arbre de la liberté.
90Pendant ce temps, aux environs de Moncontour, le général républicain Humbert établit une correspondance avec Boishardy. Une rencontre entre les deux hommes conduisit à une trêve. Celle-ci ne fut guère respectée par certaines bandes chouannes, puisque pendant cette période les exactions n'ont pas diminué à Plessala, Langast, Plémy, La Motte, Saint-Caradec, Corlay. Une telle situation amena les rares républicains des campagnes à trouver refuge dans les cités qui possédaient une garnison. Cette trêve devait cependant conduire, le 20 avril 1794, à la paix de La Mabilais signée aux portes de Rennes.
91Dans la manufacture, certains irréductibles refusaient cet accord et continuaient leurs coups de mains. Le 2 mai, Loudéac était véritablement assiégée. Conscient des difficultés de la pacification, Hoche organisa de véritables camps retranchés : le premier à Meslin près des bases de Boishardy, le second à la limite du Morbihan. C'est d'ailleurs une patrouille de Meslin qui appréhenda Boishardy le 17 juin et l'exécuta dans des conditions douteuses.
92Mais le général républicain avait d'autres soucis que de vérifier la légitimité de cette mort. Sur les côtes du Morbihan, une armada anglaise venait de débarquer un fort contingent d'émigrés auquel s'étaient jointes les troupes de Cadoudal. Profitant des divisions entre chefs royalistes, Hoche enferma l'armée d'invasion dans la souricière de Quiberon. Cependant le 11 juillet, une troupe de chouans, « l'armée rouge38 », dirigée par Tinténiac réussit à prendre pied à Sarzeau. Selon les historiens royalistes, il s'agissait d'une manoeuvre tournante destinée à contourner les républicains. Contre toute attente, ce groupe s'enfonça par Elven vers les Côtes-du-Nord. Le changement de programme s'expliquerait par des dissensions entre Puisaye et le Comité de Paris, ce dernier désirant organiser un second débarquement sur la côte nord39.
93Alors que les émigrés retranchés à Quiberon espéraient toujours l'aide de « l'armée rouge », celle-ci assiégeait Josselin le 17 juillet. Poursuivie par une colonne républicaine jusqu'à Mohon, elle pilla ensuite La Trinité-Porhoët puis s'installa au château de Coëtlogon. Le 18 juillet, Loudéac avertie de la proximité du danger vivait alors dans les transes d'une invasion. Mais ce même jour, des troupes républicaines parvinrent, elles aussi à Coëtlogon. Au cours de l'affaire qui s'ensuivit, Tinténiac fut tué. Bien que les chouans aient repoussé l'attaque des bleus, « l'armée rouge » désormais dirigée par le vicomte de Pont-Bellanger, reprit sa progression vers le nord. Divisée en deux colonnes elle traversa Plessala, Langast puis, à partir des landes de Phanton, obliqua vers la forêt de Lorge. Quintin, à son tour, était en grave péril40.
94Le 20 juillet, avertie de la présence morbihanaise dans les environs, la municipalité quintinaise distribua armes et cartouches à sa garde nationale. Mais que faire devant un ennemi vingt fois supérieur en nombre ? Les chouans occupèrent la ville, après un assaut victorieux au cours duquel sept Quintinais, et parmi ceux-ci François Digaultray des Landes, furent tués. Une panique semble avoir gagné tous les habitants dont les opinions républicaines étaient clairement affichées, ils accompagnèrent les gardes nationaux dans leur fuite éperdue jusqu'à Saint-Brieuc.
95Maîtres des lieux, les chouans purent rançonner la ville. Les plus fortes contributions furent levées sur les absents. Parmi ceux-ci on relève les noms des marchands de toiles, Nicolas Brignon, Toussaint Duval, Jacques Duval des Vallées, Félix Collin-Kerstainguy, Eustache Ollitraut-Dureste, Grégoire Houssaye, Joseph Bellom. La principale victime de ce pillage a été Nicolas Brignon dont le total des pertes fut estimé à trois cent cinquante-six mille livres. Il faut bien sûr tenir compte de la dévaluation subie par la monnaie à cette époque, mais dans ce total il y avait quand même six mille livres en louis d'or et en écus. Quant aux autres qui n'avaient pas fui, tous n'ont pas été pillés. La présence de chouans locaux, et parmi ceux-ci Urvoy de Car- boureux, laisse croire que l'on avait sélectionné les victimes. Ceci pourrait expliquer pourquoi sur le procès-verbal des spoliations qui fut rédigé le 1er août 1795 par le commissaire du district de Saint-Brieuc, certains noms de familles étaient étrangement absents ainsi ceux des Le Coniac, des Chas- sin, des Baron du Taya, des Garnier41.
96L'occupation de la ville a duré du 22 au 25 juillet, mais elle n'a en rien freiné l'avance de « l'armée rouge ». Celle-ci, après avoir laissé une arrière garde de cinq à six cents hommes à Quintin, s'avança jusqu'à Châtelaudren qui fut également investie et frappée d'une contribution de guerre. Toutefois deux éléments semblent avoir modifié la stratégie de l'état-major chouan : l'annonce de la défaite de Quiberon et l'arrivée de troupes républicaines. En effet, dans la ville proche de Lanvollon, se trouvait le général Chabot à la tête de quatre mille hommes. C'est bien ce qui explique le repli de « l'armée rouge » vers Quintin le 25 juillet et son départ immédiat vers ses bases traditionnelles. Elle s'est alors scindée en deux colonnes, l'une prenant la direction du Méné tandis que l'autre, par Corlay, rejoignait le Morbihan.
97Mais déjà les Bleus étaient à leur poursuite. Les troupes républicaines conduites par Chabot traversaient Quintin puis se dirigeaient, à leur tour, vers le Morbihan. Dans la région du Faouët, elles mettaient à jour une cache qui contenait deux cents couverts d'argent, des meubles, du linge et beaucoup d'autres choses volées à Quintin. Quant aux chouans, ils avaient eu le temps de déguerpir avant l'arrivée des soldats.
98À Loudéac, le général Valletaux ne voulait pas être en reste. Sur l'avis qu'il devait se tenir, dans la nuit du 3 au 4 août, un rassemblement suspect à Bosny (Saint-Gilles-du-Méné) chez le marchand de toiles Legris-Duval, il y expédiait un détachement de cent vingt soldats. Les sentinelles chouannes surprises par le cri de ralliement, « bons royalistes et catholiques », étaient rapidement désarmées et la troupe investissait la maison. Un bref combat se termina par la mort de quinze chouans. Parmi ceux-ci se trouvaient Simon de Lorgeril déjà blessé à Josselin, le fils du Couédic du Cos- quer originaire du Quillio et un opposant de la première heure, Le Ray notaire à Laurenan. Legris-Duval devenu le successeur de Boishardy, depuis le décès de ce dernier, était absent de sa propriété lors de ces événements tragiques.
99La présence militaire républicaine dans la manufacture s'est manifestée par d'autres actions punitives comme celle de Plœuc où cinq habitants furent assassinés. Le plus souvent les soldats se contentaient de piller indifféremment tous les habitants, comme à La Ferrière, ou de provoquer des destructions dans les églises, comme à La Motte. Au moment où en cet automne la Convention cédait la place au Directoire, ne restaient plus face à face dans la manufacture que les chouans et les troupes républicaines.
100Les derniers mois de 1795 et les débuts de 1796 ont vu le harcèlement des convois républicains et des petits détachements militaires, par les bandes de Legris-Duval. À l'exemple de ce qui s'était passé au cours de l'hiver précédent, les communes de La Chèze, Uzel, Langast, Loudéac, Le Quillio, Hémonstoir, Saint-Caradec ont été visitées à nouveau. Legris-Duval faisait la loi avec une troupe d'une vingtaine de cavaliers. Parmi ceux-ci on trouvait son beau-frère, François Garnier de Kérigant, Jean-François Le Neveu de Carfort un des agitateurs de Plémy en 1791, Jacques Villemain, Hervé du Lorin, Lanjégu, Saint-Régent et un certain nombre de déserteurs parmi lesquels Duviquet et Mairesse.
101Mais la victoire définitive de Hoche en Vendée libérait des troupes républicaines susceptibles d'être employées en Bretagne. Le mouvement de reddition qui avait déjà commencé dans le Morbihan atteignait les Côtes-du-Nord. Le 21 juillet 1796, accompagné d'autres chefs royalistes, Legris-Duval faisait sa soumission au général Valletaux. Cette reddition qui s'accompagnait d'une résidence obligatoire à Saint-Brieuc n'était que feinte de la part des chouans. Elle était destinée à attendre des jours meilleurs et tout ceci transparaît nettement, au travers de la déposition rédigée ultérieurement par Mairesse42.
102Dès les premiers mois de 1797, la bande de Legris-Duval se reconstitua ; mais pour ne pas nuire à la sûreté de son chef occulte, elle fut dirigée par un ex-lieutenant républicain, Pierre Duviquet. Sur injonction de Cadoudal, les chouans devaient limiter leurs actions à des prélèvements sur les fermiers d'émigrés ou sur les acheteurs de biens nationaux. Le récit de Mairesse qui rapporte ces faits évoque plus des actes de banditisme que de chouannerie. Toutefois, le 7 mai à Gausson, l'assassinat d'un de leurs anciens amis, l'horloger Duval, prouve que le mouvement se radicalisait. D'ailleurs ce meurtre a été interprété par les autorités comme une reprise des hostilités, et il a provoqué une vaste chasse à l'homme à travers tout le
103Méné. Seul Thurier, l'un des membres de la bande, a été arrêté, les autres trouvant refuge au Bodéo, chez Garnier de Kérigant. Accusé d'intelligence avec ses anciens compagnons, Legris-Duval fut incarcéré préventivement.
104Ces actions chouannes s'intégraient dans une stratégie nationale qui devait renverser le Directoire. Une insurrection provinciale était programmée pour les 15 ou 16 octobre, mais le coup d'État de fructidor (4 septembre) y mit un terme. Cela n'empêcha pas Duviquet et ses hommes de continuer leurs expéditions. Le 27 octobre ils rançonnèrent le percepteur de Plessala et le 2 novembre, à quelques lieues de Saint-Brieuc, attaquèrent la diligence de Paris. Ce coup de main suscita la réaction des autorités briochines. Le 16 novembre près d'Uzel, un détachement militaire se saisit de Mairesse alors que Duviquet avec le reste de ses hommes prenait la route du Morbihan.
105Ce repli était stratégique et, dès mars 1798, Duviquet se rappelait au bon souvenir des républicains. Le théâtre de ses nouveaux exploits semble avoir été les communes de Plumieux, La Ferrière, Plumieux, Laurenan, même si certaines dénonciations l'évoquent à nouveau dans le Méné. C'est qu'il échafaudait un nouveau projet. À la tête d'une cinquantaine d'hommes habillés en soldats de l'armée régulière, il prévoyait de sortir Legris-Duval des prisons briochines. La tentative ayant avorté, il se retrouva, le 17 juin à La Mirlitantouille face au commandant L'Honoré et à six gendarmes. La méprise du militaire fut totale sur l'identité des chouans qui eurent rapidement le dessus. Le combat se termina par la mort des gendarmes et l'arrestation de L'Honoré.
106Afin de servir de monnaie d'échange, L'Honoré fut conduit dans le Morbihan en compagnie de Duviquet et de Mercier la Vendée. Avisé du guet- apens, Voisinet, chef du cantonnement républicain de Moncontour, rassembla un contingent qu'il habilla en paysans, puis il se lança à la poursuite des chouans. La chance lui sourit au village de Kerfiac en Saint-Gouéno. Sur l'indication des habitants, il découvrit Duviquet endormi au beau milieu d'un champ de blé. Reconduit à Moncontour sous bonne escorte, le déserteur fut ensuite transféré à Saint-Brieuc. Le 19 juin, à huit heures du matin commençait son procès et, à cinq heures de l'après-midi, l'exécution capitale avait lieu. En écho, le 4 juillet, des nouvelles venues du Morbihan annonçaient la mort de L'Honoré.
107De toute évidence, la situation de la chouannerie n'était plus confortable et la mort de L'Honoré risquait de peser lourdement sur les décisions du tribunal de Saint-Brieuc qui avait été amené à juger Legris-Duval et toute sa bande. Le 6 juillet cette juridiction rendait son verdict : deux condamnations à mort, sept condamnations à la déportation, vingt-deux renvois à la surveillance des administrations et huit acquittements. Legris-Duval était condamné à la première peine, Garnier de Kérigant à la seconde.
108Naturellement les accusés firent appel et, contrairement aux prévisions des républicains, le jugement fut cassé pour vice de forme. Un nouveau procès ouvert en octobre eut une conclusion plus heureuse pour les accusés puisque l'accusateur public Besné prit la décision de prononcer un non-
109lieu. Une telle décision qui stupéfia tout le monde, s'explique tout simplement parce que l'accusateur public avait été acheté vingt-quatre mille francs or. Le commissaire du gouvernement ordonna bien la ré-arrestation de tous les inculpés, mais seules Mme Legris-Duval et ses deux servantes furent reprises. Quant au maître de Bosny, à partir de cette date il disparut complètement de la scène politique.
110Dans la région loudéacienne, Legris-Duval était maintenant remplacé par Carfort et Saint-Régent. C'est à eux qu'il faut attribuer le vol de quinze mille livres commis chez Morel fils, percepteur de Loudéac, le 13 novembre 1798, ainsi que l'attaque, le 6 juillet 1799, d'un transfert de fonds pendant sa traversée de La Motte. Désirant favoriser le recrutement de nouveaux soldats en vue d'une action d'envergure, les chouans avaient désormais décidé de rançonner les différents percepteurs locaux. Le 8 août, celui de Plessala était visité. Deux jours plus tard c'était le tour de ses collègues de Mûr et de Saint-Caradec. Au cours de cette dernière opération, le percepteur de Mûr devait perdre la vie.
111Pour répondre à toutes ces exactions, le général Gency expédia dans la région de Loudéac une colonne mobile dirigée par son frère. Considérant les différentes autorités municipales comme gangrenées de contre-révolution, les membres de la force armée se sont alors comportés comme troupe en campagne. S'étant saisis de deux Loudéaciens, les soldats les abattirent sur la route de Moncontour, sans autre forme de procès.
112La fin de l'année 1799 demeure celle de l'occupation de Saint-Brieuc par les hommes de Cadoudal associés à ceux de Saint-Régent et de Carfort. Il s'agissait de libérer d'importants prisonniers morbihanais retenus dans les geôles briochines. Le 27 octobre à trois heures du matin, sept à huit cents royalistes dirigés par Mercier La Vendée investirent Saint-Brieuc. L'opération de libération ayant réussi, les chouans se retrouvèrent au château de Lorge près de Quintin. C'est là que les atteignirent les troupes républicaines lancées à leur poursuite. Une bataille acharnée, au cours de laquelle Mercier perdit une trentaine de chouans, opposa les deux partis. Devant l'offensive des Bleus, les Blancs refluèrent puis se dispersèrent sur les landes de Phanton.
113L'épisode de Saint-Brieuc est la dernière manifestation spectaculaire des irréductibles morbihanais. La police du Premier consul commençait à s'imposer. En effet, le 20 janvier 1801 à La Motte, au retour d'une expédition en Angleterre, Mercier La Vendée tombait sous les balles des gendarmes de Loudéac. À Paris le 20 avril son ami Saint-Régent était arrêté. Membre du complot de la machine infernale destiné à tuer Bonaparte, il finit ses jours sous le couperet de la guillotine.
114Dans la manufacture, deux nouveaux venus, les sanguinaires Duros et Dujardin continuaient à chouanner vaille que vaille. Leur principale occupation semble s'être limitée à rançonner les principaux bourgeois de la région. Ils ont même perfectionné cette technique avec la prise d'otage. Le 13 septembre 1801, au retour d'un voyage à Saint-Brieuc, Jean-Baptiste Veillet-Dufrêche était intercepté par Duros. Pour prix de la vie du marchand de toiles, Duros exigea cent cinquante mille francs ; mais la somme n'ayant pu être remise sous dix jours, l'otage fut exécuté. Une longue chasse à l'homme menée par les services du préfet Boullé devait conduire à la découverte et à l'exécution de Duros le 27 octobre. Son collègue en banditisme, Dujardin, ayant vu sa bande décimée au cours du premier trimestre 1802, n'eut d'autre alternative que de trouver refuge à Jersey. Ainsi finit la chouannerie locale.
115Le bilan qui peut être tiré de ces années si controversées ne saurait être idéologique. Il importe seulement d'en dégager les principales entraves à l'activité toilière. La lecture du livre d'achat de toiles de Pierre-Anne Moisant, permet de voir que le mécanisme commercial traditionnel s'est déréglé entre les 19 février et 7 mars 1793. L'aune de toile, dans la qualité des premières superfines, est alors passée de soixante à quatre-vingt-dix sols et les derniers achats de Moizan ont été effectués le 21 mars de la même année43.
116La reprise d'une certaine activité marchande peut être observée chez Morice en 1796, mais le lieu de destination du produit avait changé : les toiles bretonnes étaient désormais destinées au marché intérieur français. Un inventaire après décès réalisé en 1797 au bourg de La Motte chez la veuve Viet, permet de voir que ceux qui n'ont pu agir ainsi se sont retrouvés avec une centaine de balles de toiles en magasin44. Ceci explique pourquoi une véritable armée de colporteurs originaires de Saint-Hervé et de La Motte, s'est alors égaillée sur toutes les routes de la province et du pays pour écouler une petite partie de la production locale.
117Il ne s'agissait nullement de voyages d'agrément, comme le confirme la triste aventure survenue à trois colporteurs de la Motte. Le 15 juillet 1795, Pierre Colas, Pierre Le Normand, François Le Cornet et Guillaume Jartel quittèrent leur commune « pour aller vendre des toiles de Quintin ». Le groupe se sépara à Messac (Ille-et-Vilaine). Colas prit seul la route de Chateaubriand, alors que ses amis se dirigeaient vers Saint-Aubin-des-Châteaux (Loire-Atlantique). Ils y furent capturés le 21 juillet par des chouans qui, après avoir visé leurs passeports, les traitèrent d'espions et les fusillèrent. L'affaire serait demeurée inconnue, si Colas n'avait fait rédiger, en 1799 sur le registre de La Motte un compte rendu de leurs décès45.
118La conscription n'a pas seulement réduit le nombre des producteurs de toiles, elle est aussi à l'origine de nombreuses disparitions parmi ces artisans. La comptabilisation des morts violentes, entre octobre 1792 et octobre 1794 par le district de Loudéac, permet d'observer que la plupart sont survenues dans le cadre d'opérations militaires aux frontières46. On relève pour ces deux années quarante enregistrements de décès et tout porte à croire que ce chiffre est incomplet.
119Les suites funestes d'accrochages entre chouans et républicains n'apparaissent pas toujours clairement sur les registres de décès des anciennes communes de la manufacture. Ainsi, à Plémet en 1795 et 1796, les exécutions des chouans Dollo et Congretel puis de l'abbé Chapel n'ont-elles pas été consignées comme résultant d'interventions militaires. À la même période, la rédaction d'actes semblables commis à La Motte est souvent plus explicite, puisque les rédacteurs n'ont pas craint de mettre directement en cause les militaires. Pour huit morts violentes relevées dans cette commune, entre le 22 mai 1795 et le 25 février 1796, la responsabilité des « soldats de la République » est clairement engagée cinq fois.
120Même si l'on ne peut comparer la situation de la manufacture avec celle que connut le Morbihan, les décès ayant eu une cause non naturelle peuvent être estimés à cinq cent entre 1793 et 1802. De plus, l'insécurité générale jointe à une quasi disparition des exportations explique que pendant cette période la manufacture a connu une réduction de ses tisserands de plus de trente pour cent47. En 1800, la situation semble avoir été si catastrophique dans la région toilière que le Conseil d'arrondissement de Loudéac obtenait un dégrèvement fiscal de neuf mille francs48. L'année suivante, dans une lettre qu'il adressait au ministre de l'Intérieur le préfet des Côtes-du-Nord confirmait la situation :
« Le commerce (de la manufacture) procurait à tous une honnête aisance ; maintenant elle est détruite de fond en comble et la situation la plus déplorable y a succédé [...]. Son interruption [...] réduit au dénuement le plus absolu soixante mille familles49 ».
121En dehors d'une exagération évidente dans le chiffre fourni, force est de constater qu'outre les tisserands et leurs familles, la Révolution avait également ruiné les différents producteurs de lin et de fil du Trégor et du Goëllo.
Tab 29. — Nature des biens de Ier et 2eorigine achetés par les marchands de toiles de Quintin
(Source : ADCA 1 QI, VI)
Notes de bas de page
1 Boschet (R.-P.) Le parfait missionnaire ou Vie du R.-P. Julien Maunoir, de la Compagnie de Jésus, missionnaire de Bretagne, I.yon, 1834
2 1650, Mûr, Saint-Gilles-Pligeaux, Saint-Guen, Saint Mayeux, Le Vieux-Bourg. 1654, Merléac, Saint-Martin-des-Prés. 1657, Boquého. 1669, Merléac
3 AC, Saint-Guen, registre des B.M.S., 1644, AC, Mûr, ibid
4 Le Texier (Abbé), Histoire du pèlerinage de N.D. de Toute-Aide, Saint-Brieuc, 1927
5 Du Bois De La Ville Rabel (Mgr André), Dom Jean Leuduger fondateur de la congrégation des filles du Saint-Esprit, Saint-Brieuc, 1924
6 AC, La Motte, registre des B.M.S., 1688
7 Ropartz (Sigismond), Portraits bretons, Saint-Brieuc, 1857, p. 59
8 AC, Saint-Thélo, registres des B.M.S. aux dates indiquées
9 Croix (Alain), Roudaut (Fanch), Les Bretons, la mort et Dieu de 1600 à nos jours, Paris, 1984
10 Minois (Georges), Nouvelle histoire de la Bretagne, Paris, 1992
11 Foucault (Michel), Histoire de la folie à l'âge classique, Paris, 1972, p. 387
12 ADCA, B 1089
13 ADIV.C 136
14 Rolland (Olivier), Délinquance et criminalité en Bretagne centrale, mémoire dactylographié de maîtrise, Rennes II, 1991, t. 2
15 Arch. Not., Mes Le Verre et Saint-Drenant, pour Me Morel, deux exemples en 1781, deux en 1782, sept en 1783
16 Arch. Not., Me Vessières pour Me Collin, 1784
17 ADCA, 2 E 105
18 ADCA, 2 E 105 et AP, M. Le Noac'h, Loudéac
19 AN, K 684 n° 179
20 ADM, B 3667, 3668, 3669
21 Martin (Jean), La région de Loudéac de 1770 à 1800, thèse dactylographiée, Rennes, 1982, p. 211-213
22 AN, F 16/969
23 Sur tous ces événements révolutionnaires : Pommeret (chanoine Hervé), L'esprit public dans le département des Côtes-du-Nord, Saint-Brieuc, 1921. Corgne (Eugène), Les revendications des paysans de la sénéchaussée de Ploërmel, Rennes, 1938. Martin (Jean), La région de Loudéac de 1770 à 1800, op. cit., Benferhat (Kader), Le Noac'h (Alain), Les premières années de la Révolution dans le pays de Loudéac, Loudéac, 1989
24 Cadélac (2), La Chèze (2), Corlay (2), La Ferrière (2), Grace (2), Laurenan (2), Loudéac (4), Merléac (6) La Motte (2), Mûr, (2), Plémet (2), Plumieux (2), La Prénessaye (2), Le Quillio (2), Saint-Bar- nabé (2), Saint-Caradec (2), Saint-Etienne-du-Gué-de-L'IsIe (2), Saint-Guen (2), Saint-Hervé (2), Saint-Martin-des-Prés (2), Saint-Maudan (2), Saint-Mayeux (2), Saint-Thélo (2), Trévé (2), Uzel (4)
25 ADM, B 3340
26 Minois (Georges), op. cit., p. 604
27 Martin (Jean), op. cit., p. 216-238
28 Pommeret (Chanoine Hervé), op. cit., p. 119
29 ADCA, 1 L 430
30 ADCA, 1 L 405,406
31 AD, 7 L 18
32 Ibid., Cadélac, Grace, Langast, Loudéac, La Motte, Mûr, Plémet, Plessala, La Prénessaye, Plouguenast, Saint-Barnabé, Saint-Guen, Saint-Thélo, Uzel
33 Pommeret (chanoine Hervé) op. cit.. p. 134,135
34 ADCA, 7 L 18 et AC Loudéac. Martin (Jean), op. cit., p. 226-228
35 Pommeret (Chanoine Hervé), op. cit., p. 144 n. 4
36 AC, Quintin, D 1,2
37 AC, Quintin, D 2
38 Le nom « d'année rouge » lui a été donné h cause des habits militaires anglais que portaient ses membres. On estimait le groupe à 5 000 hommes dont 1 500 étaient bien armés, les autres étant des paysans accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants
39 Pommeret (chanoine Hervé), op. cit.. p. 319
40 AC, Quintin, D 3, H 2
41 AC, Quintin, D 3, H 2
42 Martin (Jean), « L'Affaire Mairesse », MSECN, 1989, p. 49-78
43 AP, famille Guillon, Trévé
44 Arch. Not., Mes Le Verre et Saint-Drenant pour Me Lansard, an V.
45 AC, La Moue, registre d'état-civil, 1799
46 ADCA 7 L
47 ADCA, 9 M 7.
48 ADCA, 2 N 25
49 ADCA, M 229
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