Chapitre VII. Conditionnement et exportation des toiles
p. 129-162
Texte intégral
1Toutes les phases du travail du lin puis du tissage conduisaient à la vente des toiles. Comme ces dernières étaient commercialisées « en écru », les marchands devaient obligatoirement les blanchir. Ceci explique pourquoi de nombreux agriculteurs locaux s'étaient spécialisés dans le « blanchiment des toiles ». Au bout de quelques mois de traitement, les marchands récupéraient leurs tissus. Aidés par des ouvriers spécialisés, les pileurs et les carreurs, ils constituaient alors de gros paquets, les balles. C'est sous cette forme que la production locale prenait le chemin des ports exportateurs.
Les marchés aux toiles
2Les marchés aux toiles étaient, certes, les lieux de vérification des produits tissés, mais ils étaient avant tout le cadre où s'échangeaient ceux-ci. Chaque semaine, tisserands et marchands se rencontraient : le mardi et le vendredi à Quintin, le mercredi à Uzel, le jeudi à Moncontour, le samedi à Loudéac. L'analyse des moyennes mensuelles de présentation de toiles permet d'affirmer que, hormis Moncontour, chaque petite cité attirait par semaine de quatre cents à plus de mille tisserands. Bien que Moncontour ait abrité une vingtaine de marchands de toiles, jamais son marché n'est apparu attractif aux producteurs régionaux. D'ailleurs l'importance de celui-ci peut être considérée comme négligeable, son volume de commercialisation représentant un peu moins du dixième des toiles vendues à Loudéac1
3Alors que le bureau de visite des toiles occupait un lieu bien déterminé2, il n'en était pas de même des différents endroits où s'opéraient les transactions entre marchands et artisans. Bien que les renseignements concernant ce négoce soient plutôt inhabituels, les hasards de la surveillance exercée par Fleury et certaines informations indirectes permettent de s'en faire une idée plus précise3.
4Le marché se tenait dans les rues à Quintin et à Uzel, mais il avait lieu sur la place à Loudéac. Juché sur un banc, le marchand recevait la toile que lui tendait l'artisan. Il l'acceptait ou la refusait d'un seul geste de la tête et c'est seulement à la clôture du marché que la toile était mesurée. Cette dernière opération pouvait se dérouler dans l'une des multiples auberges locales ou chez des particuliers qui louaient une partie de leur maison à cet usage. Le « Déal » ou journal personnel de Me Sébastien Moizan apporte quelques éclaircissements sur ce sujet. Ainsi, en 1761 à Loudéac, l'avocat dut-il avancer neuf livres à son fils, pour obtenir un banc au marché et une place à mesurer les toiles chez leur parent, Alexis Moizan.
5Le registre sur lequel Jean-Marie Morice a consigné ses lieux d'achats de toiles, permet de mieux comprendre le continuel mouvement qui animait les différents acteurs de la manufacture4. Entre le 11 octobre 1774 et le 14 août 1776, soit un peu plus de vingt-deux mois, Jean-Marie Morice a fréquenté cent onze marchés. Même si pour neuf voyages il a omis de signaler son lieu de déplacement, Quintin a toutefois reçu sa visite à quarante-six reprises, Uzel trente-sept et enfin Loudéac dix-neuf. Ce marchand avait une particularité : à chaque fois qu'il commençait un achat de toiles, il prévoyait de composer deux balles, qu'elles aient été larges ou étroites. Faute d'éléments de comparaison il est impossible de savoir s'il s'agissait d'une pratique courante dans la manufacture.
6À titre d'exemple du travail réalisé par les marchands de toiles, il semble intéressant d'apprendre comment, entre le 24 mai et le 14 juin 1775, Morice a constitué deux balles étroites. Ses acquisitions représentent qua- rante-et-une toiles fournies par deux marchés. Vingt-huit toiles provenaient de Loudéac et treize d'Uzel. Leur valeur était estimée à mille huit cent cinq livres deux sous. La lecture du tableau évoquant ces achats fait apparaître que les longueurs des pièces acquises par Morice ne représentaient pas un multiple de cinq aunes. Cela ne gênait pas le marchand : à l'exemple de ses autres confrères, il n'avait aucune peine à faire des cinquante-neuf aunes acquises le 14 juin à Uzel, douze pièces de cinq aunes. Il espérait seulement que la vérification pratiquée à Saint-Malo ne s'exercerait pas sur ses toiles ou, du moins, qu'elle n'aurait pas d'incidence sur sa vente.
Le blanchiment des toiles
7Après leurs achats de toiles et la réduction de celles-ci à une longueur la plus proche possible de cinq aunes, les marchands constituaient leurs balles. Cent pièces de demi-aune en largeur et de cinq aunes en longueur formaient une « balle étroite », soixante pièces de trois-quarts d'aune en largeur et de cinq aunes en longueur une « balle large ». C'est à ce stade de la transformation du produit qu'apparaissait le blanchisseur. Le travail de cet ouvrier consistait à enlever au textile sa couleur écrue et à lui donner l'éclatante blancheur caractérisant les productions locales. Outre ses impuretés naturelles, le tissu devait perdre celles acquises lors des différentes transformations de la fibre : rouissage, filature, tissage. Dans la manufacture des « bretagnes », contrairement à ce qui se pratiquait dans celle des « crées », les fils n'étaient guère blanchis avant le tissage5. Suivant la législation de 1736, les fileuses leur donnaient deux lessivages, afin d'enlever les impuretés les plus évidentes.
Le difficile dénombrement des blanchisseries
8Le plus ancien dénombrement des blanchisseries de la manufacture a été réalisé par l'inspecteur de Choisy, en 17516. À cette date, cent dix-sept entreprises exerçaient alors ce type d'activité. Le récapitulatif dressé alors permet de savoir que douze établissements fonctionnaient à proximité de Quintin, soixante aux environs d'Uzel et quarante-cinq près de Loudéac. Dans le premier tiers du xixe siècle, l'historien Habasque traitant du même sujet ne comptabilisait plus alors que cinquante-deux blanchisseries7. L'apparente distorsion entre ces deux relevés mérite une explication. Non seulement plus de quatre-vingts années séparent ces recensements, mais il faut aussi prendre en considération les modifications structurelles qui ont affecté la manufacture après 1830.
9C'est sans doute entre ces deux chiffres qu'aurait oscillé toute étude, sans les renseignements fournis par les archives notariales et privées8. Les unes et les autres permettent d'affirmer qu'entre 1730 et 1840, plus de deux cent vingt blanchisseries ont fonctionné dans la manufacture des toiles « bretagnes ». Il ne s'agit aucunement de prétendre que toutes ces entreprises ont exercé leur activité de concert, mais leur localisation désormais parfaitement établie permet de conforter l'importance de certaines paroisses. Ainsi celle du Quillio, avec une quarantaine de blanchisseries recensées, avait elle déjà attiré l'attention d'Habasque9.
10Pour mieux saisir les modifications qui ont pu présider à la création ou à la disparition des blanchisseries, il suffit de prendre quelques exemples puisés encore aux sources notariales. En 1746, le contrat de location de la métairie de La Ville-Auray (Lanfains) signale l'autorisation donnée au fermier de bâtir une « blandierie10 » au lieu-dit Les Frots11. L'acte de vente de la métairie des Côtes (Saint-Brandan) en 1730, par M. Digaultray, sieur de Kerlouet, évoque aussi la double activité d'un lieu voué à l'agriculture et au blanchiment des toiles12. Toutefois cette dernière métairie portait, en 1771, le qualificatif « d'anciennement en blanchisserie13 ». La même évolution se vérifie pour La Belle Issue (Le Quillio). Avant la Révolution son propriétaire, Olivier du Couédic du Cosquer, la confiait régulièrement à des ménages de paysans-blanchisseurs ; mais en 1814, dans l'inventaire après décès de ce marchand de toiles est utilisée l'expression « anciennement en blanchisserie14 ».
11Faut-il conclure à la lecture de ces exemples qu'il est impossible de réaliser une véritable approche statistique du nombre des blanchisseries ? Oui, si l'on veut à tout prix fournir un instantané parfaitement daté ; non, si l'on admet les différents paramètres qui découlent des informations fournies par de Croissy et Habasque.
12Il semble utile de saisir la démarche des principaux propriétaires de blanchisseries. En période d'expansion de la région manufacturière, ils ont été tentés de participer à l'enrichissement général. Au contraire, dans une phase de récession, leur conduite s'est modifiée et ils ont privilégié l'activité agricole. Ceci se vérifie en 1777 et 1784, pour deux contrats de location concernant la métairie de Carho (Saint-Brandan). Dans le premier de ces actes, François-Barthélémy Le Coniac, sieur de La Pommerais, acceptait une réduction annuelle du fermage, son nouveau fermier se déclarant « non blanchisseur15 ». Dans le second contrat, Le Coniac faisait reprendre les termes et surtout le loyer d'une métairie associée à une « blandierie16 ».
13Outre les fluctuations liées à la conjoncture économique, les changements de résidence des marchands de toiles ne peuvent être négligés dans cette création des blanchisseries. L'exemple d'Isidore-François Corlay semble intéressant. Ce marchand, originaire de Gausson, s'était installé à Saint-Brandan peu après son mariage. Le décès précoce de son épouse l'a ensuite conduit à Saint-Hervé où il est devenu l'un des hommes de confiance de Le Deist de Botidoux. Dans cette paroisse il a acheté en 1784 onze journaux de terre, afin d'y faire construire sa blanchisserie17.
14Essayant de trouver une explication au grand nombre de « blandie- ries » installées au Quillio, Habasque concluait qu'il fallait reconnaître aux eaux de cette commune une vertu particulière18. Cette hypothèse de travail méritait d'être vérifiée par l'étude des composants géologiques formant le sous-sol entre Quintin et Uzel19 Géographiquement, l'espace considéré se trouve dans la partie orientale du bassin de Châteaulin avec, dans sa moitié sud, des reliefs orientés E-W ou ENE-WSW. Ceux-ci correspondent à des anticlinaux constitués de schistes, de quartzites, voire de roches volcaniques. Le tout domine des dépressions elles aussi schisteuses, mais d'âge plus ancien. C'est d'ailleurs l'une de ces lignes de crêtes qui sert encore actuellement de frontière communale entre Merléac et Le Quillio ; or sur ses flancs se trouvaient de très nombreuses blanchisseries.
15Toutefois, plus qu'à cette réminiscence du grand synclinorium médian armoricain, c'est au massif granitique de Quintin-Duault que la région doit ses très nombreuses eaux souterraines. Le batholite granitique de ce massif est fortement arènisé et constitue, de ce fait, un réservoir important qui alimente les schistes paléozoïques situés à son contact. Les eaux infiltrées se répandent par les fractures et par les filons de quartz pour donner naissance, plus au sud, à de très nombreuses sources qui n'ont pas toutes été captées. Dans ces conditions, depuis Lanfains jusqu'à Saint-Caradec, le même processus hydrologique se vérifie. Il a favorisé l'existence de multiples sources et par conséquent, autrefois, de blanchisseries.
16Cependant, pour vérifier l'affirmation d'Habasque, la seule étude sur carte, si elle élargissait l'aire de possibilité de création de blanchisseries, n'en dégageait pas pour autant la spécificité du Quillio. Il importait donc d'analyser l'eau des fontaines utilisées par les blanchisseurs. Vingt-deux prélèvements ont donc été effectués sur les communes de Saint-Brandan, Merléac et Le Quillio20. Pour l'ensemble de ces analyses, les chiffres extrêmes du PH se situent entre 5,2 et 5,7. Contrairement donc à l'avis d'Habasque, les eaux qui sourdent au Quillio n'offrent pas de particularités susceptibles de les différencier de celles des autres communes étudiées.
Les blanchisseries aux mains des marchands
17L'hydrologie et ses caractéristiques n'apparaissent donc pas aussi déterminantes que le croyait Habasque. Un autre facteur, tout aussi important, expliquait la présence de nombreuses blanchisseries dans certaines paroisses comme Le Quillio : le rôle des marchands de toiles. C'est d'ailleurs à Saint-Brandan, paroisse proche de Quintin qu'a été relevée, au début du xvie siècle, la plus ancienne mention d'un blanchisseur21. L'origine des blanchisseries de la manufacture est intimement liée à l'activité commerciale. Entre 1781 et 1790, le relevé des marchands de toile fréquentant Saint-Malo signale qu'Uzel abritait vingt-trois marchands, mais il y en avait trente au Quillio, quarante-deux à Trévé et enfin, cinquante-deux à Saint-Caradec22. Ces trois dernières paroisses se sont partiellement spécialisées dans le blanchiment des toiles au cours du xviiie siècle.
18Le recours systématique aux archives notariales a permis de découvrir aussi bien la localisation des blanchisseries que les noms des propriétaires et des locataires23. Une réserve toutefois, les documents étudiés s'échelonnent sur près d'un siècle et limitent ainsi tout essai d'étude statistique. Sur une aussi longue période, il ne faut pas négliger les modifications qui ont pu affecter le patrimoine de certaines familles.
19La première impression qui ressort des recensements réalisés, c'est bien celle d'une mainmise des marchands de toiles sur les blanchisseries. Au Quillio, pour vingt-huit établissements dont les noms des propriétaires sont connus, vingt-et-un étaient aux mains des Ollitrault, Ollitrault-Kérivalan, Ollitrault du Reste, Ollitrault du Bergereux, Glais-Bizoin, Du Couédic du Cosquer, Fraboulet, Collin-Questenguy, Le Deist de Botidoux. C'était des familles importantes et puissamment représentées dans le commerce des toiles24.
20Le même phénomène de monopole marchand se vérifie pour Quintin et ses environs. Dans cette zone, parmi les plus anciens propriétaires de blanchisseries, il faut signaler les Richard. Ceux-ci ont possédé jusqu'à six blanchisseries : deux à Lanfains, une au Fœil, deux à Saint-Brandan, une à Saint-Donan. Mais les partages, les alliances nombreuses, voire les changements de résidence des différents propriétaires, ont réduit l'importance de cette famille25. À l'inverse, on peut observer la « montée en puissance » des Garnier. Venu d'Allineuc où son père était déjà solidement implanté, l'avocat François Garnier a fait souche à Quintin, dans le premier tiers du xviiie siècle. À son décès en 1765, il laissait à sa veuve, outre ses biens urbains et ruraux, la blanchisserie de Bel Orient (Le Fœil). Un demi-siècle plus tard, l'inventaire immobilier de son fils mentionnait, en plus de cet établissement, ceux des Gaulois (Merléac) et du Bras d'Argent (Saint-Brandan)26.
21Toujours à la même période et aussi à Quintin, les Losties, les Chassin, les Le Coniac, semblent avoir été les bons gestionnaires de très anciennes lignées qui, de longue date, avaient associé offices seigneuriaux et commerce de la toile.
22Au contraire, les mentions de membres de la noblesse, comme propriétaires de blanchisseries, sont très rares. Le duc de Lorge, principal seigneur foncier du duché de Quintin, se trouve évoqué une seule fois au xviie siècle pour la métairie des Côtes (Saint-Brandan)27. Au début du siècle suivant, celle-ci était d'ailleurs passée aux mains des Digaultray. En 1763, le Président de Robien, autre importante figure locale, louait la « blandierie » de La Côte (Lanfains) et tout porte à croire qu'il possédait aussi celle du Petit Robien dans la même paroisse28. Les possessions des Kerlogoden semblent plus résulter d'alliances entre cette famille et celle des Richard que d'une participation directe au commerce des toiles. Quant aux Robichon, en dépit de leur titre d'écuyer, ils ne détenaient en fait de blanchisserie que celle du Pré-es-Bœufs (Lanfains). À la fin du xviiie siècle, la noblesse de Drouet de La Noë-Seiche, de Boschat, de Le Deist de Botidoux, était encore trop récente pour avoir occulté leur ancien état de marchands.
23Ce constat mérite une explication : l'essor économique de la manufacture des toiles « bretagnes » se situe dans la seconde moitié du xviie siècle, période trop tardive pour avoir été fortement influencée par les structures féodales. Toutefois, si l'influence de la noblesse n'a pas été déterminante dans la construction des blanchisseries, sa domination sur le sol par l'intermédiaire du domaine congéable lui a permis de bénéficier d'une évolution en cours.
24Quelques exemples, ayant pour cadre Le Quillio, permettent de mieux comprendre ce phénomène29. Il s'agit d'aveux rendus à Hippolyte Loz de Beaucours, seigneur de Bonamour et du Pavillon. Dans le premier de ces actes, François Fraboulet, sieur de La Plesse, reconnaissait sa vassalité pour les blanchisseries du Parc d'Abas et du Pré Huydoux. Dans le second aveu, les possessions du sieur Yves Fraboulet de Leffaut lui donnaient, par autorisation seigneuriale, « droit à la fontaine et doués dudit village30 ». En 1781, le même seigneur autorisait Louis Garin à « faire et construire à neuf un doué pour laver et blanchir la toile dans la pièce de terre nommée la Mare, faisant partie de sa terre h domaine congéable ». Garin avait obtenu l'agrément seigneurial moyennant soixante-quinze livres. Une clause stipulait cependant que le contrat deviendrait caduc au cas, bien improbable, où Garin ne trouverait pas de source.
25Avec ce dernier acte, il est fait mention d'un propriétaire dont le seul état se limitait à celui de blanchisseur, situation assez rare pour être signalée. Les archives notariales ne relèvent en effet ce fait que quatre fois : deux au Quillio, une à Saint-Caradec et une à Quintin31. Il serait imprudent de tirer une conclusion hâtive de ces quelques exemples, mais tout porte à croire qu'à l'exemple de nombreux paysans, les blanchisseurs n'ont été que les fermiers de leurs entreprises. Les modifications de propriété, observables au xixe siècle, relèvent plus d'un désintérêt des marchands pour une activité en déclin que d'une véritable prise de possession organisée par les blanchisseurs eux-mêmes32.
Description des blanchisseries
26Décrire une blanchisserie c'est d'abord faire état des différentes formes que celle-ci pouvait présenter. On trouvait la blanchisserie-métairie, la blanchisserie-borderie et enfin, la blanchisserie utilisant le ou les « doués communs » à un hameau.
27L'exemple de La Ville-Auray (Lanfains), précédemment évoqué à propos de sa construction, est le type même d'une occupation artisanale venue se greffer sur une activité agricole préexistante. Cette association procurait au propriétaire des lieux un accroissement de revenus. Ceci apparaît dans les contrats de location des métaieries-blanchisseries : quatre cent cinquante livres par an pour Le Bois-Hamon (Lanfains) et quatre cents livres pour Bel-Orient et Kérivalan (Le Quillio), en 178733.
28Le plus grand nombre des blanchisseries était à ranger dans la catégorie des « borderies », ainsi que les désignent les textes anciens. Alors qu'une métairie-blanchisserie pouvait dépasser la dizaine d'hectares, la blanchisse- rie-borderie la plus courante disposait de moins de trois hectares, comme à La Crolais (Lanfains), à Belle-Issue (Le Quillio) ou aux Sarrasins (Le Fœil)34.
29Les procès-verbaux d'ensouchement, établis lors de l'installation d'un nouvel occupant, permettent de mieux saisir ce qu'était ce type d'entreprise. Dans le cas de La Baillée (Merléac), les édifices se composaient d'une maison et d'une étable sous couverture de paille, d'une fontaine et de deux doués en pierres de « palisses35 ». Un sol inculte de près d'un hectare, « l'étend doué », était destiné au séchage des toiles. Seuls quarante-huit ares portaient des labours. Une permanence des prix de location se vérifie, si l'on considère que le franc germinal était proche, en valeur, de la livre d'Ancien Régime. C'est ainsi que le loyer annuel d'une blanchisserie de ce type était de cent trente-cinq livres au xviiie siècle et de cent trente-cinq francs au début du siècle suivant36.
30Comme il existait des paysans sans terre, il existait aussi des blanchisseurs sans outil de travail, mais ce fait n'a été observé qu'au Quillio. Dans les hameaux du Bois-de-Saint-Morice et de Leffaut vivaient de misérables artisans ne possédant pas leurs propres lavoirs. Ils travaillaient à tour de rôle dans des « doués communs » qui avaient été construits après une autorisation seigneuriale37. Afin d'accroître leurs revenus, certains propriétaires comme ceux de La Perrière ou du Parc-d'Abas (Le Quillio) avaient même imaginé d'installer sur une blanchisserie deux couples de blanchisseurs, leur donnant alternativement l'autorisation d'utiliser les lavoirs38.
31Le manque d'eau qui pouvait se faire sentir à certaines périodes de l'année pouvait nuire à l'activité des artisans. Dans un contrat de 1775 passé entre Olivier Glais-Bizoin et Mathurin Roullé, le locataire prenait bien possession du doué du Bergo, mais le propriétaire l'autorisait, en cas de sécheresse estivale, à utiliser ses autres lavoirs situés à Kérivalan39.
32De cette première description des blanchisseries, deux éléments caractéristiques ressortent : les doués alimentés par une fontaine et les « étendues » ou étendoirs. La prise d'eau réalisée à partir d'une source captée répondait à la législation provinciale d'alors40. Bien qu'Hévin ne parle pas directement des blanchisseries, il est cependant logique de leur attribuer les règles qu'il appliquait aux « rotouers41 ». La législation concernant ces derniers faisait interdiction de les installer sur une eau courante. Si toutefois une quelconque dérivation existait, les eaux souillées ayant servi au rouissage ne pouvaient, en aucun cas, reprendre leur cours naturel. Dans la manufacture des toiles « bretagnes » l'observation réalisée sur les lavoirs qui existent encore, permet de constater que ceux-ci étaient bien alimentés par une fontaine. L'évacuation des eaux de rinçage se faisait ensuite sur le champ ou sur le pré voisin.
33La nature du sous-sol, déjà évoquée pour tenter de comprendre l'importance et la qualité des eaux, a aussi déterminé la nature du matériau utilisé pour construire fontaines et doués. Aux abords de Quintin et de son massif granitique, les lavoirs, vastes cuves au fond pavé, d'environ quatre mètres sur trois, étaient constitués de gros blocs arènisés42. Entre Loudéac et Uzel, les bâtisseurs utilisaient de longues dalles de schiste ardoisier : les « palisses ». Les dimensions des différents lavoirs de la manufacture étaient à peu près identiques. Plutôt que d'établir un fastidieux catalogue des différentes blanchisseries, il semble plus intéressant d'utiliser le descriptif de celle des Rotouers (Uzel) :
« Au pignon du couchant de l'écurie est un doué séparé en deux par quatre pierres froides sur leur côté. Les deux doués (sont) garnis en dehors de pierres plates de palisses. En dehors desdits doués sont onze lavouers soutenus de pierres froides en forme de piliers. Les doués sont foncés et pavés de grandes pierres plates se touchant [...]. Autour de la fontaine vers les doués est un pavé bien rangé de différentes pierres plates auxquelles il ne manque rien [...]. La fontaine avec sa curette des deux côtés au joignant de l'entrée desdits doués [...] est pavée en dedans avec son chapeau de pierres froides43 ».
34En plus de leurs doués et fontaines, les ouvriers blanchisseurs disposaient, comme il a été précédemment signalé, d'« étendoués » ou étendoirs. Ces derniers, vastes espaces souvent incultes de 0,50 à 0,75 hectare, étaient destinés au séchage des toiles. Selon certains détails tout porterait à croire qu'ils étaient parsemés de vastes « drumlins », mais les effets pervers du remembrement ont rayé ces formes de l'actuel paysage agricole. Aujourd'hui, seuls certains toponymes permettent, tout au plus, de localiser les étendoirs à proximité des anciennes blanchisseries.
Archaïsme des techniques de blanchiment
35Il importe maintenant de décrire les techniques du blanchiment44. Après réception des toiles, l'artisan les mettaient à tremper dans de vastes cuves de bois. Pendant une durée qui pouvait varier de trois à quatre semaines, elles macéraient dans un mélange composé d'eau et de farine de seigle ou de blé noir. Cette opération portait le nom évocateur de « trempe ». En moins de huit jours il se produisait une fermentation accompagnée d'une « odeur difficile h soutenir ». Des différentes opérations constituant l'activité du blanchisseur, celle de la « trempe » était la plus délicate : tout manque d'attention de l'ouvrier conduisait à la perte irrémédiable de la toile45.
36Au terme de cette immersion prolongée, on procédait au lavage dans les « doués ». La toile lavée à plusieurs reprises était battue à l'aide de battoirs de buis, puis placée sur l'étendoir. Ces opérations se renouvelaient pendant deux ou trois jours.
37La phase suivante était le lessivage. Revenues du séchage, les toiles étaient à nouveau placées dans les cuves. Au sommet du tas, on plaçait un sac rempli de cendre de bois : « la charrie ». Pendant ce temps dans une vaste chaudière voisine on portait à ébullition de l'eau, voire de l'eau de chaux. Bien qu'interdite par le règlement de 173646, cette dernière pratique était cependant utilisée dans la manufacture. Lorsque l'eau avait atteint son point d'ébullition, elle était déversée sur le sac de « charrée », se chargeait alors de potasse et favorisait la lessive47. Comme au bas de la cuve existait une bonde, l'ouvrier pouvait récupérer son liquide et renouveler plusieurs fois l'opération. C'était, toutes proportions gardées, le même principe que celui du « champignon » dans les anciennes lessiveuses. Dès le lendemain de ce premier lessivage, les toiles étaient rapportées au lavoir où un nouveau lavage leur était donné.
38En fonction de la saison, la période de blanchiment pouvait se rétrécir ou au contraire s'allonger. Les contemporains ont en effet souligné que la toile recevait huit lessives en été et au moins douze en hiver. Les cuves utilisées par les blanchisseurs contenaient deux cent vingt pièces « larges » ou trois cents « étroites ». À chaque lessive, les artisans consommaient quatre boisseaux de cendres. Ce constant besoin de cendres avait suscité un petit commerce entre les blanchisseries et les villes voisines48.
39Lorsqu'au terme de ces multiples manipulations la toile avait définitivement acquis la blancheur tant recherchée par les acheteurs, les ouvriers lui donnaient alors « l'empois ». Il s'agissait d'un mélange composé d'amidon et de bleu appelé « azur ». Ce dernier était destiné à valoriser la qualité des toiles. Dans les années qui ont précédé la Révolution, l'administration royale avait levé une taxe sur l'empois et ceci avait naturellement suscité la réaction des marchands. Ils pensaient que cette taxe provoquait une augmentation de plusieurs sols par aune blanchie49. En dépit du surcoût évident, la revendication n'a pas été écoutée et les blanchisseurs ont continué leur même type de préparation.
40L'évocation des nombreuses manipulations qui accompagnaient le blanchiment des toiles conduit à imaginer la présence d'un personnel nombreux dans chacune des blanchisseries. Il est cependant malaisé de répondre à cette question, beaucoup de documents anciens évoquant cet aspect ayant disparu. Quant aux relevés de capitation ils ne répondent pas exactement à cette interrogation50. Faute de données précises il a fallu s'appuyer sur les recensements du xixe siècle. C'est celui de 1836 qui permet, le mieux, d'appréhender les contours du monde des blanchisseurs51. On peut, sans trop d'anachronisme, faire un rapprochement avec ce qui se passait un demi- siècle voire un siècle plus tôt. Les techniques utilisées par les ouvriers locaux n'ont, en effet, connu aucune amélioration entre le xviiie et le xixe siècle.
41Sur les trente-sept foyers de blanchisseurs recensés au Quillio en 1836, vingt abritaient plus de huit personnes. Le document attribue la profession de « ménagère » à la plupart des épouses de blanchisseurs. Il faudrait être bien ignorant des relations familiales dans le travail, pour imaginer que ces femmes ne participaient pas à celui du blanchiment. Quant aux enfants, seul leur jeune âge était un obstacle à cette activité. Tout comme pour l'apprenti tisserand, on peut considérer que le fils de blanchisseur commençait sa carrière aux alentours de douze ans. Le cas des fillettes est un peu plus complexe. Bon nombre d'entre elles portent la qualification de « ménagère » ou de « filandière ». Toutefois, à l'exemple de leurs mères, elles ont dû être astreintes à participer aux activités familiales. Comme enfin presque la moitié des blanchisseurs avaient des ouvriers, cela accroissait d'autant la rapidité de leur travail.
42Ce recensement évoque aussi des situations familiales où un seul homme était qualifié de blanchisseur. Il pouvait s'agir d'un ouvrier ne disposant pas de tout ce qui était nécessaire à la pratique de ce métier et qui l'exerçait épi- sodiquement. Cependant, les patronymes de ces individus et les numéros d'ordre donnés à chaque foyer permettent d'imaginer des associations. Ce serait le cas pour René et Charles Le Goff ainsi que pour Olivier et René Carrée. Dans ces conditions, cela prouve bien que le travail de blanchiment nécessitait la présence de nombreuses personnes.
43La conservation d'archives économiques chez les descendants des marchands de la manufacture, permet de mieux connaître le temps d'immobilisation des toiles. De 1772 à 1793, Pierre-Anne Moizan de La Ville-au-Veneur (Trévé) a tenu un compte exact des mille six cent quarante balles de toiles qu'il a préparées pour être « envoyées au blanc52 ». L'essentiel de ses envois se faisait en fin d'année et leur retour avait lieu de mai à août, avant le départ des frégates malouines. En vingt ans, Pierre-Anne Moizan a livré huit cent dix-sept balles aux blanchisseurs, entre les mois de novembre et de mars. Cela représente plus de la moitié des achats de ce marchand. Rappelons aussi que la durée du blanchiment n'était pas seulement conditionnée par la saison, elle l'était tout autant par la qualité de la toile à traiter. Deux mois étaient nécessaires, à la belle saison, pour blanchir la qualité des « superfines supérieures » mais, en raison des impuretés contenues dans les fils utilisés pour tisser les toiles de qualité inférieure, il fallait de trois à quatre mois, à la même période de l'année, pour réaliser semblable opération.
44L'immobilisation d'un capital important a conduit les marchands à mettre en concurrence les différents blanchisseurs de la manufacture. Pierre-Anne Moizan a ainsi fait appel à des artisans de Saint-Caradec, Trévé, Le Quillio, Hémonstoir. À l'intérieur d'une même paroisse, il établissait entre les blanchisseurs une véritable concurrence en fournissant à chacun d'eux des toiles de qualités différentes : sage précaution d'un marchand avisé. Cependant Jean Carrée, ouvrier du Quillio, semble avoir eu la préférence de Moizan. De 1785 à 1792, ce dernier lui a confié deux cent sept balles de toiles, soit plus de quatorze kilomètres de tissu.
45Les registres de Moizan sont intéressants pour suivre l'évolution des prix du blanchiment et de son complément, l'empois. Tous deux ont souvent suivi les mêmes fluctuations. Schématiquement, trois phases se dessinent entre 1772 et 1793 : jusqu'en 1775, suite à la croissance continue de la production des toiles, les blanchisseurs ont toujours été sûrs d'avoir du travail. Ils ont alors exigé jusqu'à quarante-huit livres, par balle blanchie, pour prix de leur ouvrage. Au contraire, entre 1776 et 1784, une conjoncture négative et une réduction de la production les ont conduits à réduire leurs exigences de vingt-cinq pour cent. Pour la période 1785-1793, on peut observer une certaine stabilité des prix, quelques modifications intervenant seulement à cause des taxes sur l'empois.
46La longue attente des toiles au blanc explique que certains marchands, comme les Pontivyens Violard et de Goué, aient été tentés de rechercher des techniques de blanchiment plus rapides. En 1789, sous le contrôle du subdélégué de Pontivy, ils parvinrent à faire blanchir une pièce de cinq aunes en douze jours53. Leur méthode s'inspirait de celle mise au point par la Chambre de commerce de Lille ainsi que des recherches conduites par Berthollet. Ces novateurs souhaitaient étendre les résultats de leur expérience à toute la manufacture ; mais l'époque se prêtait mal aux spéculations scientifiques et aucune amélioration n'a finalement été introduite dans la technique locale du blanchiment des toiles.
Un monde de pauvres gens
47Quelques informations indirectes permettent de mieux comprendre ce qu'était « le monde des blanchisseurs ». Les sources notariales maintes fois citées évoquent, indirectement, ce qu'ont été les conditions de vie de ces artisans. Certains blanchisseurs en exercice comme ceux du Bolu (Le Quillio), de La Fontaine (Merléac), de La Crolais (Lanfains), connaissaient une situation proche de la marginalité des tisserands urbains ou des ménagers ruraux. Un peu mieux lotis, d'autres blanchisseurs joignaient à leur activité artisanale celle d'agriculteur. Le sommet de cette catégorie sociale était occupé par les locataires de métairies, seuls capables de moduler leur activité en tenant compte des fluctuations économiques affectant la manufacture.
48Le registre de capitation du Quillio pour 1780 permet d'affiner les contours de ce monde54. Dans cette paroisse, trente-quatre blanchisseurs ont été identifiés. Douze artisans payaient moins de deux livres, dix entre deux et quatre livres, six de quatre à six livres. Seuls six blanchisseurs étaient imposés entre six et huit livres. Une comparaison de ces impositions avec celles des marchands de toiles du même village fait apparaître un grand écart. Le plus taxé des blanchisseurs l'était pour une somme identique à celle prélevée sur le moins imposé des marchands. Depuis plus d'un siècle que le blanchiment faisait vivre des centaines de familles, cette activité ne leur avait pas permis de quitter un état proche de celui de l'indigence.
49Tout comme de nombreux autres métiers au xviiie siècle, celui de blanchisseur était pratiqué de père en fils. La reconstitution de quatre généalogies d'artisans entre 1779 et 1819 permet de vérifier cette situationf55. Les exemples relevés prouvent aussi que tous les enfants d'un blanchisseur ont été associés à l'activité paternelle. Devenus adultes, ils l'ont prolongée.
50L'endogamie est tout aussi évidente : fils et filles de blanchisseurs choisissaient leurs conjoints dans la même profession. René Le Corre, fils du blanchisseur de Belle Fontaine (Merléac) était, du côté maternel, petit-fils de Jérôme Garin, blanchisseur de Leffaut (Le Quillio). Par son mariage avec Suzanne Roullé, il est devenu le gendre du blanchisseur de Kérivalan (Le Quillio).
51Quelques contrats de mariages rédigés par les moins pauvres de ces artisans confirment ce que laissaient supposer les inventaires après décès. L'addition des deux dots équivaut, dans la plupart des cas, à ce que donnent les inventaires mobiliers à la fin d'une vie de labeur.
52Il importe aussi de comprendre ce qui a empêché ces très nombreux blanchisseurs de bénéficier d'un enrichissement touchant certains secteurs de l'activité toilière. En 1777, l'inspecteur des manufactures écrivait :
« Les marchands [...] (disent :) mon blanchisseur est mon fermier, mon vassal, c 'est de moi qu 'il reçoit le prix, j'ai le droit de me plaindre au juge, si la toile est en mauvais état56 ».
53De ce bref avis ressort nettement tout ce qui pouvait créer, comme pour le tisserand, une dépendance financière et psychologique. Pour preuve, dès qu'un artisan ne pouvait plus payer son fermage, le propriétaire l'expulsait promptement des lieux et, parfois même, vendait son maigre mobilier57.
54Les principales contestations entre blanchisseurs et marchands apparaissaient au moment où ces derniers récupéraient leurs balles de toiles58. Tout conflit se terminait inéluctablement devant le juge local des manufactures ou devant un notaire. Les procès-verbaux rédigés à ce propos évoquent des « toiles rognées, coupées, défectueuses, perdues, pourries, percées, gâtées, mal blanchies59 ». Autant de qualificatifs qui justifiaient l'amende sanctionnant le délit.
55Ainsi en 1774, Marc Gilard, blanchisseur de Carho (Saint-Brandan), fut-il poursuivi pour avoir « perdu » trente-trois des six cent quarante-sept pièces de toiles confiées par Guillaume Le Deist de Botidoux. Après estimation des « dégâts » le blanchisseur fut condamné à verser trois cent quarante-six livres dix sous. Cette somme calculée sur la valeur du produit détérioré représentait deux ans de location de la blanchisserie. Elle correspondait aussi au prix du blanchiment de huit ou neuf balles de toiles. Dans certains cas, heureusement rares, le marchand exigeait de l'ouvrier qu'il achetât ce qui restait de la balle60.
56Si, en certaines occasions, la responsabilité des blanchisseurs était clairement définie, il en était d'autres où la malchance semblait s'abattre sur eux. C'est ce que fait découvrir un long plaidoyer adressé en 1784 au Procureur général du Parlement de Bretagne. L'auteur de ce texte, René Garin, blanchisseur à La Perrière (Le Quillio), expliquait ainsi la situation :
« Chaque année il est exposé au blanc nuit et jours sous la garde du public dans le canton où s'étend la manufacture dite de Bretagne pour plus de douze millions (de livres) de toiles [...]. Depuis quelques années il s'est formé des troupes de voleurs qui font des vols et des ravages les plus considérables dans le
canton [...]. Ils réduisent souvent les blanchisseurs à la mendicité. (Ces derniers) sont tenus de répondre des toiles volées aux marchands [...] (lesquels) profitent souvent de leurs malheurs pour leur faire payer un tiers ou le double de la valeur des toiles. On pourrait citer plus de cent familles de blanchisseurs ainsi ruinées depuis les cinq années dernières61 ».
57À l'appui de sa requête, Garin nommait, parmi les spoliés, dix-sept de ses confrères travaillant sur Le Quillio et Merléac. À y regarder de plus près, l'affaire semble avoir été sérieuse, puisque tous les vols comptabilisés par le blanchisseur furent commis entre mars et novembre 1783. Garin n'a pas limité sa missive à un constat, il a aussi tenté de rechercher les causes d'une telle situation. Après avoir reconnu que les toiles étaient trop souvent laissées la nuit sur l'étendoir, Garin s'est aussi intéressé aux voleurs disant d'eux : « (ils) tiennent à presque toutes les familles ». De cette phrase découlent deux conclusions : la première c'est l'envie que suscitait un produit de valeur, au sein d'une région particulièrement déshéritée62. La seconde prend en considération la solidarité familiale qui existait alors dans la société bretonne entre les membres d'une même fratrie63. Toutefois, en dépit de ces quelques exemples, la pression sociale était encore assez forte pour réduire les effets d'un tel phénomène même si la période évoquée concerne une phase récessive de l'activité économique locale laquelle atteindra son minimum de production avec le mouvement contre-révolutionnaire.
Constitution et expédition des balles
58Les toiles empesées et « portées au hâle » puis revêtues du cachet du blanchisseur étaient enfin rendues à leurs propriétaires. Ces derniers les ramenaient à leur domicile et les déposaient dans la « pilerie ». Il s'agissait d'un local annexe, commun à toutes les maisons de marchands, où l'on constituait les balles de toile. Mais, avant d'obtenir ce résultat, un certain nombre de manipulations étaient encore nécessaires64.
Préparation des balles
59Tout d'abord il était impérieux de « désourler » les toiles. C'est que, suite au blanchiment, les faux plis apparus aux lisières du tissu devaient obligatoirement disparaître. Ce travail était suivi par celui du pilage. Des journaliers armés de ronds et lourds maillets de buis ou de hêtre, « pilotaient » ou « maillotaient » les toiles sur une grande table qui localement s'appelait le « marbre ». Le pilage consistait à faire sortir une partie de l'empois et à aplatir les fils. Il procurait aussi au lin une espèce de moiré qui l'avantageait aux yeux des consommateurs étrangers.
60L'opération suivante portait le nom de pliage et présentait une certaine originalité. Les toiles repliées en accordéon, à l'aune de cinquante pouces, formaient quatre plis pour cinq aunes. On les soumettait ensuite à un pilage plus doux qui portait le nom de « pilotage ».
61Ici intervenait un spécialiste, « le carreur ». L'essentiel de son activité consistait à réduire les toiles déjà pliées en une dizaine de feuillets carrés. La qualité des « bretagnes étroites » formait des « carreaux » de quatorze pouces (0,379 m) et celle des « bretagnes larges » des carreaux de dix-huit, dix-neuf pouces (0,487 m.). Vingt-cinq pièces « étroites » ainsi apprêtées et placées les unes sur les autres formaient un « pilier » de quinze pouces (0,406 m) de hauteur. Chaque balle de petite largeur était constituée de quatre piliers. Pour les toiles « larges », il n'y avait que trois piliers de vingt pièces chacun. Le principal mérite du carreur résidait dans sa capacité à assortir les pièces. Il apportait donc tout son soin à choisir pour le premier pilier - celui que l'on découvrait aux acheteurs - des toiles qui avaient atteint la meilleure blancheur et dont la qualité paraissait indéniable. Il formait ensuite le second et le troisième pilier par gradation, réservant au dernier les qualités inférieures de toile.
62Ainsi constitués les piliers étaient rangés les uns auprès des autres, pour qu'on puisse les « repasser » ; c'est-à-dire qu'on les « pilotait » à nouveau, pièce par pièce, sur le pli exposé, afin de rendre celui-ci plus tranchant. Enfin avait lieu le « calendrage » : les piliers passaient sous des presses, afin de conserver le volume et la forme qui leur avaient été donnés65.
63Après ce pressage, les toiles étaient retirées et enveloppées dans du papier gris. Un second emballage constitué de paille et d'une toile de chanvre recouvrait alors l'ensemble66. Longue d'environ deux aunes un tiers, la toile de protection était attachée aux piliers avec de grosses épingles courtes. Sur la balle ainsi constituée, on plaçait enfin de minces planchettes retenues par des cordes appelées « cordillons ». Ces derniers formaient autant de ceintures protectrices aidant à la rigidité de l'ensemble.
64La balle avait acquis son aspect définitif, à la suite de toutes ces différentes manipulations. Le marchand, pour se conformer à la législation, plaçait alors sur l'emballage une étiquette portant son nom, celui du blanchisseur, le nombre et la qualité des pièces conditionnées, ainsi que l'aunage de l'ensemble. En fonction de la largeur des toiles expédiées, le poids d'un tel paquet variait de soixante-dix-huit à cent livres, soit une quarantaine de kilos67.
65La lenteur de préparation des balles avait suscité, à l'exemple d'autres activités de la manufacture, la réflexion de certains esprits éclairés. En 1756, l'abbé Cosson, prêtre de Moncontour, relevait qu'il fallait douze jours à un ouvrier pour piler une balle de toiles. Ceci représentait alors une dépense de sept livres quatre sous, le salaire journalier étant estimé à douze sous. L'ecclésiastique se proposait de réduire non seulement la dépense mais aussi le temps de préparation. À cet effet, il prévoyait de transformer une maison qu'il possédait, sur les bords de la rivière Arondel, en un moulin à piler les toiles68. Comme ultérieurement il n'a plus jamais été parlé de cette tentative, c'est que ce projet n'a point dû connaître un début de réalisation.
La domination malouine
66Produit destiné quasi essentiellement à l'Espagne, les toiles « bretagnes » devaient donc à la suite de leur apprêtage être transportées vers les principaux ports de la province. Les édits royaux avaient autorisé leur exportation par Saint-Malo, Nantes, Morlaix, Lorient et Landerneau. Un rapide calcul réalisé pour les années 1748-1788, permet de relever l'importance des différents ports69. Pendant cette période qui correspond à la phase maximale de production dans la manufacture, 78,7 % des toiles sont sorties par Saint-Malo, 9,8 % par Morlaix, 9,2 % par Nantes et enfin, 2,3 % par Landerneau et Lorient.
67Il importe de signaler qu'aux yeux des armateurs malouins, Morlaix n'était considéré que comme un port de relâche. Celui-ci leur était cependant bien utile, quand leurs frégates destinées à Cadix n'étaient pas complètement remplies70. Dans ces conditions, c'est plus de quatre-vingt-huit pour cent de la production toilière du centre-Bretagne qui passaient entre les mains des Magon, des La Mennais et autres exportateurs des bords de La Rance.
68Une telle situation de monopole avait bien naturellement suscité l'envie d'autres armateurs et plus particulièrement celle des Briochins. En effet, sur près de quatre mille balles de toiles transitant annuellement par Saint- Malo, le courtage local rapportait, à raison de sept livres par balle, vingt- huit mille livres71. Pour détourner une partie de ce trafic au profit de son port du Légué, la municipalité briochine multiplia les adresses aux États et à l'administration royale, sollicitant même l'intervention de l'évêque local72. Un tableau joint aux différentes requêtes semblait justifier tout l'attrait de Saint-Brieuc73.
69La diminution des frais de transport était un argument qui pouvait favorablement impressionner les autorités. Alors qu'il fallait parfois trois jours pour se rendre de Quintin à Saint-Malo, une seule journée suffisait pour atteindre Saint-Brieuc. C'est cet aspect de leur projet que les Briochins défendaient, recevant même l'appui de l'inspecteur des manufactures de la province, Guillotou74.
70Mais, pour mener à bien cette opération il fallait équiper et transformer le port du Légué, chétif havre d'échouage à l'embouchure du Gouët. Selon l'avis des futurs exportateurs, une subvention de soixante-dix-huit mille livres semblait nécessaire pour réaliser ces modifications. Sous l'égide du duc D'Aiguillon quelques travaux, comme la construction de quais en pierre, ont été réalisés mais ceci s'est avéré insuffisant pour faire de Saint-Brieuc un véritable rival de Saint-Malo75. Dans ces conditions, le port de la Rance est demeuré le principal centre exportateur des productions de la manufacture.
71Il importe aussi de connaître quelles voies de communications existaient entre les différentes paroisses toilières et le principal centre exportateur. Au cours du xviiie siècle, et toujours sous le contrôle du duc d'Aiguillon, de nombreux travaux de voirie furent réalisés ; mais la constitution d'un véritable réseau routier breton répondait plus à des objectifs militaires qu'économiques76. Deux grandes voies stratégiques suivaient alors les côtes nord et sud de la Bretagne et, à partir de villes centrales comme Pontivy, des raccordements transversaux avaient été réalisés77.
72La zone occupée par la manufacture bénéficiait de trois chemins tous issus de Pontivy. La première de ces voies, tronçon de l'axe Lorient- Saint-Malo, desservait Loudéac, Moncontour, Lamballe. La seconde rejoignait Saint-Brieuc après avoir traversé Uzel et Quintin. Quant à la troisième, nettement plus excentrée, elle se prolongeait jusqu'à Guingamp après avoir abordé Corlay.
73Il convient cependant de ne pas se laisser abuser par cette relative importance des possibilités de circulation. S'il y eut quelques embranchements et quelques portions de routes réalisés suivant des tracés nouveaux, la plupart de ces grands chemins reprenaient le tracé d'anciennes voies romaines ou de pistes devenues impraticables et remises momentanément en état78. C'est seulement sous la monarchie de Juillet et le second Empire que furent créées de véritables liaisons transversales dans le centre-Bretagne79. Ainsi, pendant la période d'activité de la manufacture, les marchands de Quintin et d'Uzel durent-ils utiliser des chemins de traverse pour rejoindre Lamballe ou Moncontour.
74Reprenant l'ancienne voie romaine connue sous le nom de « chemin chaussée », la route d'exportation des toiles passait par Lamballe, Matignon, Le Guildo, Ploubalay, Pleurtuit. En raison de son importance stratégique vérifiée lors de la bataille de Saint-Cast en 1758, le chemin fut refait entre Lamballe et Matignon de 1760 à 176380. Mais, au-delà de cette dernière paroisse, les traversées du Guildo et du passage du Drouet n'ont cessé d'alimenter le courrier des édiles quintinais. Déjà en 1751, ceux-ci avaient envoyé deux députés auprès de l'intendant pour demander une amélioration des conditions de circilation au Guildo et à Pleurtuit81. Faute de réponse satisfaisante ils s'adressèrent, en 1756, aux États de Bretagne. Afin d'apporter plus de crédit à leur demande, les Quintinais évoquèrent la mésaventure survenue à vingt de leurs charrettes au passage du Guildo. Ces véhicules, lourdement chargés de balles de toiles, s'y étaient enlisés à marée montante82.
75En 1769, suite à cette dernière requête, les États décidèrent d'établir une dérivation par Plancoët, le passage du Guildo étant jugé trop dangereux83. Ce nouveau projet plaçait le flux d'exportation des toiles sur la route de Lamballe à Dinan et il évitait le transbordement entre Dinard et Saint-Malo84. Mais la lenteur d'exécution du projet ne permit pas sa réalisation avant la Révolution et les convois de la manufacture continuèrent à suivre le chemin traditionnel.
Les voituriers de toiles
76Au hasard des actes notariés, apparaissent parfois les noms de ces voituriers qui fréquentaient les ports d'exportation85. Ainsi peut-on relever en 1775 celui de Jean Le Mercier, roulier à Saint-Brandan. Ayant acheté un cheval à Félix Collin, marchand de toiles de Quintin, il s'engagea en paiement de l'animal du Quintinais à transporter dix balles de toiles à Saint-Malo, Morlaix ou Nantes, pourvu qu'il fût averti du déplacement, au moins trois jours à l'avance86.
77L'inventaire après décès de Marc Gorvel d'Uzel permet de mieux cerner ce qu'était un roulier ordinaire87. Le notaire a comptabilisé les biens meubles laissés par le défunt. Ceux-ci s'élevaient à neuf cent soixante-quatre livres, y compris les chevaux et les charrettes nécessaires à l'activité de Gorvel. Les dettes de ce dernier sont évoquées et l'on apprend ainsi que trois cents livres étaient dues à différents aubergistes de Guingamp, Loudéac, Baud, Pontivy, Vannes, Lorient, Locminé et Saint-Caradec. Dix autres livres concernaient un maréchal-ferrant de Lorient et pour finir, les héritiers étaient redevables de trente livres à un charron de Lamballe.
78À Quintin en 1821, l'estimation des biens mobiliers de Jean-Baptiste Mazurié, commissionnaire de roulage, s'élevait à quarante-quatre mille soixante-quatorze francs88. C'est que Mazurié appartenait à une puissante famille de transporteurs dont les différents membres exerçaient la même activité entre la Basse-Normandie et la Bretagne89. Il possédait, à la date indiquée, douze chevaux et juments, sept charrettes et un « camion ». Il employait aussi cinq domestiques.
79Il faut enfin signaler que certains marchands, parmi les plus importants de la manufacture, comme Digaultray des Landes, Baron du Taya, Boschat, Moizan, possédaient leurs propres rouliers qui semblent avoir été leurs fermiers90. Cette activité de roulage jointe à toutes les autres déjà évoquées permet de mieux saisir l'impression de ruche que donnait la région.
Dernier contrôle avant embarquement
80Il ne suffisait pas d'atteindre un port d'exportation, encore fallait-il à nouveau subir une vérification du produit exporté. Selon l'article trente- neuf du règlement de 1736, lorsque les balles de toiles avaient enfin atteint
81Saint-Malo, elles devaient obligatoirement être déposées au bureau de visite et non point « chez les aubergistes et autres personnes ». Nantes, Morlaix, Lan- derneau et par la suite, Vannes, Lorient et Saint-Brieuc qui reçurent le droit d'exporter des toiles, possédèrent aussi leurs bureaux de visite. Aux yeux des membres de l'administration royale, cette surveillance exercée sur les lieux d'embarquement pouvait paraître comme un utile complément de celle effectuée dans les marchés de la manufacture.
82L'existence des registres du consulat de Saint-Malo, pour la période 1737-1775, permet de nuancer cette vision un peu trop optimiste91. La vérification de toutes les balles arrivant chaque mois dans ce port était impossible. Seules quelques balles, choisies au hasard, étaient régulièrement contrôlées. Les marchands de la manufacture pris en flagrant délit devaient payer une amende de cent livres pour continuer à commercer.
83Mais certains d'entre eux bénéficiaient d'appuis locaux et obtenaient une réduction de ces amendes. Ainsi, en 1742, Guillo-Brinse du Quillio avait-il été sanctionné pour avoir expédié une balle où cinq pièces étaient trop courtes. Pour la défense du marchand, Noël Savary, courtier de Saint- Malo, expliqua à Le Marchand, inspecteur local, que les toiles raccourcissaient au pliage92. Mathurin Boschat, sieur de La Porte-Dohain en Alli- neuc, déjà sanctionné en 1741 pour des toiles d'inégale largeur, fut à nouveau puni en 1751 pour le même motif. Arguant, dans l'un et l'autre cas, qu'il s'agissait de balles achetées à des collègues de la manufacture, Boschat obtint, sur pression de l'intendant, une diminution très substantielle des deux amendes. Le Deist de Botidoux fut moins chanceux ou moins favorisé. Puni en 1754 pour manque de « marque du fabricant sur la toile d'enveloppe », il dut acquitter une nouvelle amende en 1775, certaines de ses toiles n'ayant pas la largeur désirée.
84Jusqu'au règlement de 1736, les marchands de la manufacture fréquentant Saint-Malo utilisaient, après la visite au consulat, les services de Malouines qui les introduisaient auprès des exportateurs locaux. Ces femmes aidaient à déballer puis à reconstituer les balles, après leur « montre », chez les négociants susceptibles de les acheter93. Une telle situation prouve la relative importance des marchands de la manufacture. Face aux exportateurs, ils se trouvaient alors, dans le même rapport d'inégalité que celui qu'ils établissaient avec les tisserands.
85Cette dépendance s'est trouvée accentuée, au milieu du xviiie siècle, par l'apparition des courtiers en toiles. Les plus célèbres étaient « le bonhomme Savary » et « la Duplacy » comme les appelle Pierre-Anne Moizan, dans ses livres de comptes94. On ne saurait omettre de cette énumérarion Mathurin Boschat qui ne dédaigna pas de pratiquer ce genre d'activité, lorsque le besoin s'en faisait sentir. Ce marchand d'Allineuc a d'ailleurs ainsi conforté sa position à Saint-Malo après 1750, au point d'y devenir un notable local95.
86On peut s'interroger sur les bénéfices que pouvait représenter le commerce des toiles. Les seules informations utilisables proviennent du fonds Moizan et elles ne concernent que la période 1780-179096. La vente d'une balle de toiles, au sein de la manufacture, procurait généralement un bénéfice proche de cinq pour cent. La même transaction, pratiquée à Saint-Malo ou Nantes, pouvait aussi bien atteindre dix pour cent en période de forte demande que ne produire aucun bénéfice. Bien que l'expédition des toiles « bretagnes » à Cadix ait été susceptible de fournir des gains régulièrement avoisinant quinze pour cent, l'immobilisation d'un capital important, pendant plus d'une année, freinait l'ardeur des marchands locaux. C'est qu'ils étaient alors confrontés au double effet de pratiques commerciales contraignantes et à l'absence de banques locales. Ainsi, à chaque marché, devaient-ils payer, immédiatement et en monnaie métallique, les toiles qu'ils avaient acquises des tisserands. Si d'aventure quelque marchand plus téméraire s'engageait cependant à commercer à Cadix, il savait bien que, outre les délais de vente, il devrait aussi attendre quatre-vingt-dix jours pour négocier ses lettres de change. Cette dernière opération allongeait la durée d'immobilisation du capital car elle s'effectuait seulement dans l'un des ports exportateurs des « bretagnes ». Quant à se lancer dans l'aventure transatlantique susceptible de procurer des bénéfices pouvant atteindre vingt- cinq pour cent, il s'agissait une opération bien au-dessus des moyens de la plupart des marchands du centre-Bretagne.
87Les conclusions que l'on peut donc tirer de ces différentes informations rapprochent plus le fonctionnement de la manufacture des « bretagnes » de son homologue lavalloise décrite par Jocelyne Dloussky, que des mécanismes rapportés par Didier Terrier pour Le Cambrésis97.
Notes de bas de page
1 ADIV, C 1549, 1550, 1551 ; ADCA, C 28
2 à Quintin, il occupait une pièce chez Chassin Ville-Chevalier ; Chassin du Guerny (Yves), op. cit., p. 7-8
3 ADIV, C 1545 ; AP, famille Guillon, Trévé : « Déal » ou Livre de Raison de Me S. Moizan art. 591, 1761. Livres d'envoi au blanc de P.-A. Moizan et J.-M. Morice
4 AP, famille Guillon, Trévé, ibid
5 ADIV, C 3929
6 Ibid.,C 1546
7 Habasque, op. cit., p. 86-89
8 Arch. Not., Mes Jéhanno, Dibou, Le Verre et Saint-Drenant, Vessières pour l'ensemble de leurs fonds
9 Annuaire des Côtes-du-Nord, 1836, p. 51 ; Habasque, op. cit., p. 89
10 Terme local synonyme de blanchisserie
11 Arcli. Not., Me Jéhanno pour Me Chandemerle, 1746
12 Ibid. 1730
13 Ibid. pour Me Perrio, 1771
14 Arch. Not., Me Vessières pour Me Le Marchand, 1814
15 Arch. Not., Me Jéhanno pour Me Chandemerle, 1777
16 Ibid. pour Me Thomas, 1784
17 Arch. Not., Me Vessières pour Me Carro, 1784
18 Habasque, op. cit., p. 88
19 Livret d'accompagnement de la carte géologique de Quintin (VIII, 17), B.R.G.M., Orléans, 1977
20 Ces prélèvements réalisés sur les conseils de l'Ingénieur hydrologue du département des Côtes-d'Armor ont été possibles grâce au matériel aimablement prêté par les services de la D.D.A.S.S. 22
21 Langlois (Monique), op. cit., p. 275
22 ADIV, C 6242
23 Arch. Not., Me Dibou, Jéhanno, Le Verre et Saint-Drenant, Vessières, pour l'ensemble de leurs fonds.
24 Arch. Not., Me Vessières pour Me Le Marchand père, 1779-1790, Me Le Marchand fils, 1809-1820, Me Hervé, 1826-1842
25 Arch. Not., MeJéhanno pour MeChandemerle 1760-1767, Me de Pallière 1761-1781
26 Arch. Not., pour Me Chandemerle, 1765 (F. Garnier père), MePerrio, 1807 (F. Garnier fils)
27 AP, M. de Bagneux, Quintin
28 Arch. Not., Me Jéhanno pour Me Hervé (Quintin), 1763
29 Arch. Not., Me Vessières pour Me Raffray, 1776, 1781, 1789
30 Le mot « doué » est un terme local synonyme de lavoir
31 Arch. Not., Me Vessières pour Me Fraboulet, 1755, Me Raffray, 1781, Me Duault, 1787
32 Ibid. pour Me Le Marchand fils, 1809-1820
33 Arch. Not., Me Jéhanno pour Me Perrio, 1787 ; Me Vessières pour Me Le Marchand père, 1787 ; Me Raffray, 1787
34 Arch. Not., Me Jéhanno pour Me Rouxel, 1760 ; Me' Vessières pour Mes Le Marchand père et fils, 1779, 1810 ; ADCA, Fonds Huerre,79J
35 Terme local désignant les grandes dalles de schistes utilisées pour réaliser des lavoirs
36 Arch. Not., Me Vessières pour Me Le Marchand fils, 1810
37 « La preneuse aura droit aux doués de Leffaut comme à l'ordinaire », ibid. pour Me Le Marchand fils, 1814
38 Ibid pour Me Le Marchand père, 1786, Me Motel, 1773
39 Arch. Not., Me Vessières pour Me Raffray, 1775.
40 Hevin (Pierre), Coutumes générales du pais et duché de Bretagne, Rennes, 1746, t. II, p. 604, 695, 697
41 Trous d'eau où le lin était mis à macérer
42 Couramment une blanchisserie possédait deux « doués » contigus, mais Les Sarrasins (Le Foeil) et Carho (Saint-Brandan) disposaient de trois lavoirs et Toulhouet (Le Quillio) en avait quatre
43 Arch. Not., Me Le Verre et Saint-Drenant pour Me Le Clerc, 1783
44 AD1V, C 1532, 3929
45 Les archives notariales se font l'écho de ces erreurs dans le travail du blanchisseur
46 L'utilisation de calcaire coquillier provenant du fond de la baie de Saint-Brieuc était dénoncé par les inspecteurs de la manufacture, comme contraire à la réglementation de 1736. ADCA, B 3737, 3738 et AN, F 12/417
47 La charrée après son utilisation par les blanchisseurs, était vendue aux agriculteurs. AP, famille Guillon, Trévé
48 ADCA, 3 P 376, mention d'habitants de Saint-Caradec exerçant ce commerce de cendres
49 AC, Quintin, fonds Huerre, notes manuscrites de Baron du Taya rédigées en 1776 et destinées à Le Texier de Clévery, député de Quintin aux États de Bretagne ; ADIV, C 3929
50 ADCA, 20 G 705, capitation du Quillio, 1707-1780, avec de nombreuses lacunes
51 Ibid., 6 M 212, 300, 586, 611. Lanfains, 3 blanchisseurs ; Merléac, 9 blanchisseurs ; Le Quillio, 37 blanchisseurs ; Saint-Brandan, 8 blanchisseurs
52 AP, famille Guillon, Trévé, pour P.-A. Moizan
53 ADIV.C 1532
54 ADCA, 20 G 705
55 Arch. Not., Me Vessières pour Me Le Marchand père, 1779, Me Le Marchand fils, 1810, 1811, 1817
56 AN, F 12/658 B
57 Arch. Not., Me Jehanno pour Me Perrio, 1778
58 Ibid. pour Me Le Coguiec, 1778, Me Perrio, 1774, 1786, 1790, Me Thomas, 1773
59 Arch. Not., Mes Le Verre et Saint-Drenant pour Me le Normand, 1774, Me Ruellan, 1774, Me Lansard, 1775
60 Arch. Not., Mes Vessières pour Mes Morel, 1782
61 Arch. Not., pour Me Collin, 1784
62 ADCA, B 1090. Procédures criminelles de In seigneurie d'Uzel, 1783-1790. Poursuites menées contre P. Le Douallan de Mûr accusé d'avoir volé des toiles à Allineuc sur une charrette conduite par V. Morel et destinée au sieur Talmon de Pontivy
63 Martin (Jean),, « L'Affaire Mairesse », MSECN., 1989, p. 49-78
64 AC, Quintin, fonds Huerre. ADIV, C 3929
65 Tous les inventaires après décès de marchands de toiles signalent la présence de cet instrument à leur domicile, ainsi que celle de mâts à piler la toile
66 Les toiles fabriquées aux alentours de Pédernec et de Moncontour étaient utilisées h cet effet. ADCA, 7L64, 10 L 110
67 ADLA, C 661
68 ADCA, E 665.
69 ADIV.C 1547, 1548, 1549
70 AP, Mme Surcouf, Plouguenast. Lettre de 1725 adressée par Magon de la Balue à Digaultray du Vivier de Quintin
71 ADIV, C 1534
72 Ibid
73 Ibid
74 Ibid., C 1534
75 Le Mouel(Georges), Un fort, deux villes, trois fonctions, Saint-Brieuc, 1994
76 Letaconnoux (Jean), « La construction des grands chemins... », AB, 1941
77 ADCA, 5 L 125, Rapport de l'ingénieur Piou, en 1791
78 Couffon (René), « Les grands travaux de voirie... », MSECN, 1949, p. 12-36
79 Houee (Paul), Coopération et développement agricole en Bretagne-centrale, thèse dactylographiée, Poitiers, 1966, t. III, p. 6
80 Dutemple(Chanoine), Histoire de Lamballe, Saint-Brieuc, 1925, t. II p. 190
81 Ibid.. BB 26
82 AC, Quintin, BB 25
83 ADCA, C 96
84 Ibid., C 107
85 Arch. Not., Mes Le Verre et Saint-Drenant pour Me Morel, 1783, et Me Le Fèvre, 1784 (mentions de laboureurs-voituriers de Saint-Thélo, Allineuc, Uzel).
86 Arch. Not., Me Jéhanno pour Me Perrio, 1775
87 Arch. Not., Me Le Verre et Saint-Drenant, pour Me Glen 1798
88 Arch. Not., Me Jéhanno pour Me Pouligo, 1821
89 Aubert-Mazurie (Jean), Une famille témoin des anciens temps, texte dactylographié, aimablement communiqué par M.-H.-Y. Mazurié des Garennes
90 AP, Mme Surcouf, Plouguenast, pour Digaultray ; M. Le Noac'h, Loudéac, pour Boschat ; famille Guillon, Trévé, pour Moizan
91 ADIV, 10 Bb 378, 379
92 ADIV, 10 Bb 378 pour l'ensemble des contrevenants évoqués
93 Lespagnol (André), op. cit., p. 441-442
94 AP, famille Guillon, Trévé
95 AP, M. Le Noac'h, Loudéac
96 AP, famille Guillon, Trévé
97 Dloussky (Jocelyne), Vive la toile. Économie et Société à Laval au xviiie siècle, Mayenne, 1990. terrier (Didier), Les deux âges de la proto-industrie. Les tisserands du Cambrésis et du Saint-Quentinois, 1730-1880, Paris, 1996
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