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    Plan détaillé Texte intégral Une opposition mesurée Les désaccords violents Vers la résolution des conflits Conclusion Notes de bas de page Auteur

    L’ingouvernabilité en questions

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    « Par ceste espée deffendons nos franchises et nos usances »

    Comment les Moréotes s’opposent aux changements du pouvoir au tournant des xiiie et xive siècles

    Isabelle Ortega

    p. 211-222

    Texte intégral Une opposition mesurée Les désaccords violents Vers la résolution des conflits Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1C’est ainsi que la Chronique de Morée décrit l’un des épisodes marquant la défiance des Moréotes face au pouvoir qui, en l’espace de quelques décennies, s’est modifié durablement1.

    2Au début du xiiie siècle, la Morée ou Achaïe (nom de la province ecclésiastique correspondante) a été conquise par les Francs, des conquérants descendant de familles provenant du nord et de l’est du royaume de France2. Gouvernée rapidement par la dynastie des Villehardouin, elle a su s’émanciper de la tutelle impériale de Constantinople et jouer sa propre partition politique en luttant notamment contre les Grecs3. Malheureusement, les soutiens sont de plus en plus rares à partir du milieu du xiiie siècle et le prince Guillaume II de Villehardouin choisit de demander l’aide des Angevins dont la puissance s’étend en Italie4 ; cela se concrétise en 1267 par le traité de Viterbe5. Guillaume II n’ayant pas de descendance masculine, il est prévu qu’Isabelle, son aînée, se marie avec Philippe, fils de Charles d’Anjou. Guillaume tiendrait toute sa vie la principauté et, à sa mort sans descendance mâle, la principauté reviendrait à son gendre6. En cas de mort de Philippe et Isabelle sans enfant, la principauté échoirait à la maison d’Anjou.

    3De 1210 à 1278, le règne des Villehardouin s’est relativement bien déroulé. Leur pouvoir a été accepté par le baronnage, d’autant plus que les aïeux des grandes familles moréotes sont des compagnons de conquête. Ils reconnaissent le prince en tant que primus inter pares, comme cela apparaît dans les Assises de Romanie, recueil juridique de la principauté7. Toutefois, lorsque le prince n’est plus, accepter une autre soumission s’avère difficile. En effet, quand le pouvoir angevin s’établit en Morée à partir de 1278, à la mort de Guillaume II de Villehardouin, le passage d’un prince résidant au cœur de la principauté à un prince qui gouverne à distance, ne se fait pas sans difficulté. Si l’on se place en cette fin du xiiie siècle, sous le règne des premiers Angevins et celui des époux d’Isabelle de Villehardouin, descendante du dernier prince Villehardouin, les barons moréotes respectueux des coutumes instituées par les premiers conquérants au début du xiiie siècle n’entendent pas se laisser dicter leur conduite par un prince lointain ou une pièce rapportée. Le pouvoir exercé par les Angevins à distance8 (de 1278 à 1289 via des officiers d’origine italienne, avant d’être remplacés par des membres de la noblesse moréote), puis par les époux d’Isabelle de Villehardouin (à partir de 1289)9 est ressenti par certains comme une contrainte, tandis que d’autres n’hésitent pas à s’opposer plus franchement. S’il est vrai que gouverner c’est s’exposer à une réaction de la part de la population, il semble toutefois que les nouveaux princes n’ont pas forcément tous intégrés la possibilité de résistance des locaux dans leurs stratégies10.

    4Les souverains de Naples, occupés à mater les révoltes italiennes, se désintéressent le plus souvent de cette péninsule balkanique dont la prospérité s’infléchit11. Néanmoins, la principauté connaît une période de répit grâce aux époux successifs d’Isabelle : Philippe d’Anjou n’a pas le temps de régner12, mais Florent de Hainaut et Philippe de Savoie s’installent dans leur État et prennent la tête de la féodalité moréote avec plus ou moins de succès au tournant des xiiie et xive siècles.

    5À travers l’étude des actes des souverains, les sources normatives et littéraires, il est possible d’examiner les événements qui vont cristalliser les oppositions, et voir également les solutions qui sont trouvées pour sortir de ces situations. Dans ce contexte-là, ébauché rapidement, est-ce que les Moréotes constituent une population difficilement gouvernable ? Les faits sont connus, mais il s’agit ici d’analyser le ressenti, les images renvoyées par une population vis-à-vis d’un pouvoir distancié, ou jugé comme tel à travers son vécu, son expérience. Nous pourrons aborder cela en envisageant les signes d’une tension circonspecte, à laquelle succèdent des réactions plus violentes, et enfin revenir sur le règlement des désaccords, quelle que soit leur nature.

    Une opposition mesurée

    6C’est au lendemain du décès de Guillaume II de Villehardouin que les motifs de mécontentements apparaissent les plus visibles. Que ce soient les époux d’Isabelle de Villehardouin ou les princes de la maison angevine, tous se déplacent avec des compagnons qu’ils disposent à la tête de seigneuries en Morée, à l’instar de Florent de Hainaut qui, devenant prince en 1289, établit ses neveux, les frères Liedekerque13, à des postes clefs. Engilbert et Gautier sont originaires de Flandre, mais une fois installés dans la principauté ils adoptent une attitude de parvenus, et la Chronique de Morée relate le mauvais comportement de Gautier vis-à-vis de la population autochtone : « Il estoit grant despendeur et menoit moult large vie, et que le sien ne lui pooit souffire a la vie et grans beubans [orgueil] que il menoit, si lui convenoit faire a desplaisir a aucunes gens et prendre du leur sans raison, pour maintenir son estat14. »

    7Ce comportement prodigue est mal supporté par la population, car ce grand seigneur pourtant proche du pouvoir princier a du mal à maintenir un train de vie convenable et semble toujours en quête d’argent15. S’il trouve des expédients peu louables pour parvenir à ses fins, il n’est malheureusement pas le seul parmi les barons moréotes et les exemples se multiplient dans les décennies qui suivent16.

    8Quand les tensions ne sont pas suscitées par des parvenus, ce sont parfois de vieilles rancœurs qui resurgissent. En effet, la question de la suzeraineté du duché d’Athènes s’est posée dès la naissance de la principauté. Othon de La Roche son premier seigneur a été vassal du roi de Thessalonique mais lors de la chute de cet État dans les années 1220 son hommage passe au suzerain immédiat, l’empereur de Constantinople. Si des liens de vassalité existent entre la principauté et le duché, ils découlent de la seigneurie d’Argos et de Nauplie aux mains d’Othon puis de son neveu Guy. Lors du traité de Viterbe en 1267, Guillaume II de Villehardouin cède toute sa terre à Charles d’Anjou y compris le duché17 et en 1280, Guillaume Ier de La Roche prend le titre de duc d’Athènes18. Charles II, quant à lui, enjoint à Guy II de La Roche, duc d’Athènes, de prêter hommage à Florent de Hainaut en 129419 : il s’agit de rétablir dans ses droits le prince de Morée, droits qui étaient dévolus depuis plusieurs années au roi de Naples20.

    9La volonté de s’affirmer du jeune duc le pousse à refuser l’hommage dû au nouveau prince de Morée, Florent de Hainaut, geste dénoncé par les autorités angevines qui l’encouragent à se soumettre, pour autant l’affaire dure de 1294 à 1296 d’après les actes angevins21. Il faut dire que Guillaume II est soutenu dans son opposition par certains grands de la principauté comme Thomas III d’Autremencourt, seigneur de Salona22.

    10Les tensions sont encore perceptibles en 1299, lorsque Guy II de La Roche détient Mahaut de Hainaut, fille de la princesse Isabelle de Villehardouin qu’il compte épouser malgré son jeune âge. Contraint de la relâcher23, il se fiance avec elle une fois l’accord du roi angevin acquis24, et la jeune héritière et future épouse apporte en dot la châtellenie familiale de Kalamata25.

    11Il ne s’agit pas ici d’un cas de heurts avec la population locale, mais d’une résistance face à un pouvoir renouvelé, sous tutelle plus lointaine. Ce refus de prêter hommage n’est pas nouveau concernant le duché étant donné que le grand-père de Guy II, Guy Ier, s’était déjà confronté aux Villehardouin entre 1255 et 125826. Dans l’épisode qui nous intéresse, il n’y a pas d’affrontement militaire comme une quarantaine d’années plus tôt et les actes angevins, doublés par la Chronique de Morée, relatent un épisode qui se résout diplomatiquement, puisque Guy II obtempère et cet hommage, qui dans le droit ne doit plus être remis en question27, est rendu sans difficulté à Philippe de Savoie plus tard28.

    12Ces réactions de défiance, tout de même mesurées, car elles se limitent aux propos, aux jugements et aux recours juridiques, laissent place parfois à des différends plus forts, voire agressifs.

    Les désaccords violents

    13Des exemples plus virulents se retrouvent au tournant des xiiie et xive siècles dans la principauté de Morée. La résidence du couple princier au cœur du Péloponnèse ne met pas la noblesse à l’abri des crispations et, si Florent de Hainaut est représenté dans la Chronique de Morée comme un bon prince, proche de ses sujets29 et bénéficiant du soutien des Angevins30, son règne n’est pas exempt d’affrontements.

    14La Chronique de Morée livre ainsi un fait divers concernant un seigneur latin31, Gérard de Rémy, qui n’apparaît pas dans les documents du début du xiiie siècle32 et dont l’origine est difficile à déterminer avec précision. Ce chevalier se bat contre un Grec vendeur de soie lors d’un marché, le blesse, ce qui provoque le dépit de la victime qui entreprend alors de se venger avec l’appui de sa famille et de livrer un château aux Grecs, celui dans lequel son gendre est cellerier, c’est-à-dire préposé aux provisions. Objet d’un long récit de la part du chroniqueur33, le point de départ est tout de même l’emportement de Gérard de Rémy qui « se courouça [s’emporta], par yre [colère vive]34 ». Les conspirateurs passent à l’attaque et prennent le château latin qu’ils placent sous le joug grec. On retrouve un comportement comparable à celui des neveux du prince Florent : une sorte d’arrogance de ces seigneurs nouvellement arrivés vis-à-vis de la population locale. Mais dans ce cas-là, est franchie une étape supplémentaire puisque l’hostilité tourne à la conspiration et, plus directement, à l’affrontement. Il faut noter que les critiques qui s’élèvent sont encore vives plusieurs décennies après l’évènement, car bien que ce différend ne soit pas daté, il intervient lors du règne de Florent de Hainaut.

    15On se rend compte que ces récits transmis oralement durant plusieurs décennies, et mis par écrit au début du xive siècle35, dénoncent le comportement d’étrangers arrivés récemment, placés au faîte du pouvoir par le prince et qui s’en prennent à la population locale en grande partie constituée de Grecs. À la bonne entente des Villehardouin, succède une période de plus grande tension marquée par le rattachement à l’État angevin mais aussi, à l’échelon local, par une plus grande défiance de la population locale vis-à-vis des cadres.

    16Et les troubles qui restaient contenus sous le règne de Florent, s’enveniment franchement avec Philippe de Savoie, troisième époux d’Isabelle de Villehardouin, qui gouverne à la façon d’un tyran italien36, c’est du moins le jugement du chroniqueur : « Et puis que il ot approprié la seignorie de toute la princée, comme cil qui avoit veü et savoit comment li thyrant de Lombardie et cil qui tenoient office ou seignorie en Lombardie […] savoient gaaignier monnoye et autres richesses […] et leur demanda coment et en quel manière il porroit pourchacier et avoir monnoye pour maintenir son estat et sa seignorie37. »

    17Le nouveau prince, qui s’installe avec ses proches38, entend se conduire en Morée comme il se comporte en Italie, essayant de trouver des expédients plus ou moins louables et ne renonçant pas à commettre des exactions au besoin, or les Moréotes ont d’autres coutumes, d’autres pratiques instituées par les conquérants. Ce désaccord se retrouve à travers le cas de l’emprisonnement de Benjamin de Kalamata qui a été protovestiaire (officier domestique du prince) avant de devenir chancelier39. Le prince l’emprisonne afin de le pousser à payer une partie des rentes qu’il a pu toucher40, mais cet acté jugé arbitraire est très mal vécu par le baronnage, à commencer par les officiers comme Nicolas III de Saint-Omer, maréchal de Morée41, coseigneur de Thèbes42, seigneur d’un tiers d’Akova (autrement appelé Mathegriphon) et bail de la principauté (1300-1302 ; 1305-1307)43. Militaire, il participe à des expéditions visant notamment à soutenir son parent Guyot de La Roche44, il conseille d’ailleurs celui-ci et négocie son mariage avec Mahaut de Hainaut45, mais il s’oppose également à Philippe de Savoie, que ce soit lors des démêlés avec le chancelier Benjamin de Kalamata46 ou lors du procès de Marguerite d’Akova contre Jean de Céphalonie, au cours duquel il prend le parti opposé à celui du prince47. Cette crise n’est qu’une partie d’une tendance plus large que l’on retrouve durant le règne de Philippe de Savoie.

    18En effet, la défiance des barons est de plus en plus sensible à l’égard du souverain. Quand Isabelle de Villehardouin se marie avec Philippe de Savoie « si leur requeroit et commandoit de lui recevoir et obéïr pour leur seignor, et de faire lui le hommage et ligié que il lui estoient tenu48 ». Alors que Philippe a bien juré de respecter les coutumes de sa nouvelle principauté lors du mariage avec Isabelle, et de « maintenir sa gent de son pays en leurs franchises et usances49 », il revient finalement sur sa parole : « Ha ! cousins, fit li princes, ou avès [vous] trové ces coustumes ? » Il semble avoir prêté les serments, sans en avoir étudié toute leur portée ou leurs conséquences considérées comme autant de freins limitant son pouvoir. Peut-être était-ce initialement pour faire taire les premières réticences ou acheter la paix sociale, il pensait ainsi avoir les mains libres pour sa propre politique, mais il trouve face à lui des barons déterminés à défendre leurs coutumes, notamment le maréchal, Nicolas III de Saint-Omer, qui lui tient tête : « Et li mareschaux […] si tray.j. grant coutel tout nu dou fuerre, que il portoit a sa coroye, et le tint en sa main tout droit et dist au princes : « Veez ci nos coustumes ! car par ceste espée conquesterent notre anciseur cest pays, et par cest espée deffendons nos franchises et nos usances contre ceaux qui ne nous voudront rompre ne amenrier50. »

    19Le maréchal n’entend pas laisser le prince railler les usages moréotes. La période de création de la principauté de Morée correspond à la fixation des coutumes dans le royaume de France, notamment dans la moitié nord et les barons, parmi les premiers représentants de cette principauté, ont établi une norme largement inspirée de leur royaume d’origine. Ils y sont donc très attachés et entendent la défendre, et ce d’autant plus que ces coutumes locales confirmées par les souverains successifs ont acquis une autorité solide51.

    20Dans un souci d’apaisement, dans une altercation qui devient violente52, un proche du prince53, Guillaume de Monbel, répond au maréchal : « Ha ! monseignor le mareschal ! pour Dieu ne soit entre monseignor et vous nul descort ! Mais prenés aucun voie raisonnable et maintenés le droit de monseignor le prince et vostre honnour […]54. »

    21Le crédit que l’on peut apporter à cette chronique provenant de récits colportés décennie après décennie reste la conscience de résistance vis-à-vis de l’occupant. Dans ce cas, on a un rejet réciproque : aussi bien de la part du souverain que des nobles moréotes. Les deux partis n’ont pas la même culture politique, et les structures mêmes de la société ne conviennent guère à Philippe de Savoie55. Pour autant, l’apaisement revient avec l’intervention du conseiller. Finalement les deux partis semblent rasserénés et les sources ne témoignent pas de tensions ultérieures.

    22À travers les quelques exemples évoqués, voyons les schémas que l’on peut en dégager avec leurs protagonistes, car finalement toutes les tensions semblent s’apaiser à plus ou moins longs termes.

    Vers la résolution des conflits

    23S’interroger sur les raisons qui ont pu conduire à des situations de dysfonctionnement, de refus de l’autorité, de blocage, et qui paralysent à un moment l’exercice du pouvoir et du gouvernement est une réflexion intéressante. L’histoire politique de la principauté peut expliquer en partie ces dysfonctionnements, mais n’y en a-t-il pas dans toutes les sociétés ? Avec le traité de Viterbe approuvé en 1267, c’est un renoncement politique qui s’opère laissant une plus grande place aux Angevins sur le sol moréote, pour autant des signes de crispation se sont produits, et parfois des décennies après cet acte politique.

    24Par rapport aux quelques cas vus précédemment et à l’argumentation qui était la nôtre, place doit être faite aux solutions trouvées, schématisées afin d’être explicites. Nous avons vu plus spécifiquement trois exemples de mésentente, qui n’ont pas tous la même gravité ni la même portée, pourtant ces épisodes vont de la désobéissance à l’affrontement.

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    25Dans le premier cas évoqué, les tensions sont suscitées par le comportement de parvenus, notamment les neveux du prince, récemment arrivés. La population moréote remarque bien la différence par rapport à l’attitude d’autres Latins précédemment installés et les tensions apparaissent. Les dissensions s’apaisent tout de même grâce au mariage d’Engilbert avec la fille comte de Céphalonie56. C’est un moyen commun pour assurer la cohésion des lignages dans la principauté, et les stratégies sont multiples dans le domaine de l’alliance57. Quant à l’autre frère Liedekerque nulle trace d’un mariage, mais on n’entend plus parler de lui ensuite.

    26Il semble bien qu’avec le temps et l’installation de nobles en Morée, les rapports s’arrangent. Le renouvellement des effectifs est assuré durant le xiiie siècle58 et il y a tant à faire dans la principauté qu’il y a une place pour chacun. Quant à la politique de la principauté, elle peut permettre aux plus ambitieux de trouver leur place.

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    27Dans l’autre exemple développé plus haut, si les difficultés proviennent d’un problème féodal, il n’y a pas d’affrontement, contrairement au temps de Guillaume II de Villehardouin (1255-1258) où la lutte armée n’a pas été évitée59.

    28Plusieurs décennies après le conflit, la situation a évolué. La norme n’est plus jugée valable, elle est rejetée par le duc d’Athènes en partie parce qu’il y a eu un changement de pouvoir. Aux Villehardouin ont succédé les gendres, plus particulièrement Florent de Hainaut et s’il est vrai que dans le cas des « mariages en gendres » le choix des successeurs est capital60, dans ce cas-ci, il n’a pas été donné à Guillaume II de Villehardouin, décédé prématurément, de voir les époux successifs de sa fille régner. Le duc d’Athènes nouvellement adoubé affiche sa volonté d’affirmation en refusant de prêter hommage à Florent de Hainaut. Il tente ainsi de sortir de la subordination féodale du duché vis-à-vis de la principauté. L’affaire pourrait être grave et a déjà tourné à l’affrontement militaire au xiiie siècle61. Un demi-siècle plus tard, c’est la conciliation diplomatique qui va l’emporter, consolidée par une alliance matrimoniale profitable aux deux camps. En effet, il est difficile de trouver un « bon parti » dans cette Romanie latine et l’alliance du duc d’Athènes avec la descendance Villehardouin laisse présager d’un rapprochement durable. Mais c’est sans compter la mort inopportune de Guy II.

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    29Les tensions apparaissent très vite à la cour du nouveau prince de Morée, Philippe de Savoie. De gré ou de force, le changement s’opère, et le prince a l’audace de s’opposer au baronnage qui n’entend pas le laisser bafouer les coutumes de la principauté. Les critiques s’élèvent, menant vers la violence. Pour les confrontations notées sous le règne de Philippe de Savoie, le ressenti est vif dans les sources narratives, car les mots utilisés dans la Chronique de Morée sont durs. Mais cette opposition est également notée dans les actes angevins et la résolution des problèmes a laissé des marques.

    30« Et quelque temps après, le prince, voyant que le maréchal était plus seigneur et plus obéi des gens de la terre que lui, ne voulut plus y rester, mais voulut s’en retourner en sa terre […]62. » Finalement, le prince bat en retraite, ne pouvant exercer son pouvoir comme bon lui semble, il préfère retourner en Lombardie. Il semblerait que ce ne soit pas tant les Moréotes qui s’opposent au prince que les structures de la société qui ne correspondent pas aux ambitions de Philippe de Savoie.

    31On le voit dans tous les cas étudiés, quels que soient les blocages et les tensions, des solutions existent. Elles sont diverses et variées, au gré des caractères des protagonistes : que ce soit le règlement diplomatique, le mariage, la vengeance ou encore le départ, toute difficulté trouve sa solution. Le plus difficile étant de la trouver rapidement, car ces dénouements témoignent bien des limites, oppositions et dysfonctionnement qui ont pu intervenir au tournant des xiiie-xive siècles dans la principauté de Morée.

    Conclusion

    32In fine, est-ce que les Moréotes constituent une population difficilement gouvernable, passant pour être particulièrement récalcitrante à l’autorité et aux cadres ? Ce sont peut-être les bruits de couloirs de la cour napolitaine, mais il semble évident que les oppositions, qu’il ne faut pas nier, sont souvent dues à un événement déclencheur externe. Quant à l’interprétation livrée dans la Chronique de Morée, c’est celle d’une population locale jugeant négativement certaines actions des cadres de la société. Les Moréotes ne sont donc pas particulièrement irréductibles. Ils ne sont sans doute pas davantage difficiles à gouverner que les autres populations de l’espace angevin. Pour autant, il semble évident qu’à certains moments, le pouvoir est devenu une contrainte qu’il fallait repousser.

    33Évidemment, il ne s’agit pas de pointer du doigt quelques exemples pour en faire une règle générale. Il n’y a pas de soulèvement général des Moréotes lors du rattachement du pouvoir aux Angevins et on ne trouve que quelques exemples qui cristallisent des tensions sans doute inévitables.

    34En 1307, c’en est fini des princes résidant en Morée, désormais le gouvernement se fait de l’extérieur, relayé par l’administration angevine63.

    35Si les protagonistes changent, qu’en est-il des tendances et est-il plus difficile de gouverner au xive qu’au xiiie siècle ? L’intérêt de cette contribution étant de pouvoir décrire cette situation sur plus d’un siècle, il faut pour cela s’en remettre à l’article de Simon Hasdenteufel qui poursuit la réflexion à la période suivante.

    Notes de bas de page

    1 Le livre de la conqueste de la princée de l’Amorée, Chronique de Morée (1204-1305), éd. Jean Longnon, Paris, 1911, § 862, p. 341.

    2 Ortega Isabelle, Les lignages nobiliaires dans la Morée latine (xiiie-xve siècle). Permanences et mutations, Turnhout, Brepols, 2012, p. 28-48.

    3 Chrissis N. G., Crusading in Frankish Greece. A Study of Byzantine Western Relations and Attitudes, 1204-1282, Turnhout, Brepols, 2012, p. 1-56.

    4 Morel-Fatio Alfred (éd.), Libro de los fechos et conquistas del Principado de la Morea compilado por comandamiento de Don Fray Johan Ferrandez de Heredia, Genève, imprimerie Jules-Guillaume Fick, § 411-412, p. 91.

    5 Le traité de Viterbe (1267) scelle plusieurs engagements : les fiançailles de Philippe de Courtenay, fils aîné de l’empereur latin Baudouin II, avec Béatrice, fille de Charles d’Anjou ; la promesse de secours de Charles d’Anjou à Baudouin II ; la cession de la principauté de Morée et de ses dépendances par Guillaume de Villehardouin sous certaines conditions (archives départementales des Bouches-du-Rhône, B366 ; Longnon Jean, « Le rattachement de la principauté de Morée au royaume de Sicile en 1267 », Journal des savants, 1942, p. 134-143).

    6 La principauté n’est pas un bien propre aux Villehardouin, elle relève du droit de conquête (Le livre de la conqueste…, op. cit., § 314, p. 116).

    7 Topping Peter, « The formation of the Assizes of Romania », Byzantion, t. XVII, 1944-1945, p. 308 ; Recoura Georges, Les Assises de Romanie, Paris, Honoré Champion, 1930, p. 155-156, art. 1 et 2.

    8 À l’instar de Philippe de Gonesse qui est l’un des exemples de ces officiers au service des Angevins (une communication a été donné, en collaboration avec Florence Sampsonis, en 2017 dans le cadre de l’ANR Europange : « Philippe de Gonesse, l’ascension d’un officier dans l’espace angevin durant le règne de Charles Ier », Gouverner le royaume : le roi, la reine et leurs officiers. Les terres angevines au regard de l’Europe (xiiie-xve siècle) – Governare il regno: il re, la regina e i loro ufficiali. I territori angioini nel quadro europeo (secoli xiii-xv), 20-23 septembre 2017, École française de Rome et Academia d’Ungheria in Roma, à paraître.

    9 À qui les membres de la noblesse demandent de respecter les coutumes de la principauté (Bouchet René, Chronique de Morée, Paris, Les Belles Lettres, 2005, p. 273 ; Le livre de la conqueste…, op. cit., § 595, p. 239).

    10 Skornicki Arnault, La grande soif de l’État. Michel Foucault avec les sciences sociales, Paris, Éditions Les prairies ordinaires, 2015, p. 58. La possibilité d’une réaction des populations, allant d’une simple réticence à des tensions plus violentes, doit pousser ceux qui gouvernent à élaborer des stratégies, voire à anticiper les contestations.

    11 Charles Ier d’Anjou doit faire face à la révolte populaire des Vêpres siciliennes où toutes les familles françaises de l’île sont massacrées avec l’aide des Aragonais : la Sicile est perdue pour le pouvoir angevin et une croisade est proclamée contre Pierre d’Aragon dès 1283 (Galasso Giuseppe, « Charles Ier et Charles II d’Anjou, princes italiens », in Nöel-Yves Tonnerre et Élisabeth Verry [éd.], Les Princes angevins du xiiie au xve siècles. Un destin européen. Actes des journées d’étude des 15 et 16 juin 2001 organisées par l’Université d’Angers et les Archives départementales de Maine-et-Loire, Rennes, 2003, p. 97 ; Jehel Georges, Les Angevins de Naples. Une dynastie européenne [1246-1266-1442], Paris, Ellipses, 2014, p. 119-125).

    12 Il meurt en 1271.

    13 Le livre de la conqueste, op. cit., § 662, p. 264-265 : « Li prince Florant avoit.ij. nepveux liquel estoient frere germain ; et les avoit fait venir de la conté de Haynaut en Morée. »

    14 Le livre de la conqueste, op. cit., § 663, p. 265.

    15 Il semble toujours insatiable : « estoit afemmés de monnoie » (Le livre de la conqueste, op. cit., § 670, p. 267).

    16 Ortega Isabelle, Les lignages nobiliaires, op. cit., p. 312-313.

    17 Longnon Jean, « Problèmes de l’histoire de la principauté de Morée », Journal des savants, Paris, 1946, p. 91-92. La version grecque de la Chronique de Morée évoque des liens de vassalité entre les deux seigneurs dès le règne de Geoffroy Ier de Villehardouin : Bouchet René, Chronique de Morée, op. cit., p. 119. Simon Hasdenteufel fait le point sur cette question dans sa thèse : Les métamorphoses du pouvoir. Pratiques, langages et conceptions politiques des seigneurs de Romanie latine (1204-1316), dir. Élisabeth Crouzet-Pavan, Sorbonne Université, novembre 2023, p. 296-300.

    18 Sampsonis Florence, Entre le roi et le prince. La principauté de Morée aux mains des rois de Sicile Charles Ier et Charles II d’Anjou (1267-1307), thèse de doctorat, Paris 1, 2016, p. 343-346.

    19 Longnon Jean, L’Empire latin de Constantinople et la principauté de Morée, Paris, Payot, 1949, p. 273-274. Le sujet agite le milieu nobiliaire depuis plusieurs années. En effet, la trace d’un débat apparaît dès le début de l’année 1292 (Perrat Charles et Longnon Jean [éd.], Actes relatifs à la principauté de Morée [1289-1300], Paris, Bibliothèque nationale, 1967, p. 47, 69, 83-85 et 106-109). En 1294, Guy II, à peine adoubé, entend ne dépendre que de la couronne alors que depuis plusieurs années Florent de Hainaut tente d’obtenir l’hommage du seigneur d’Athènes. En 1294, ordre est donné à Florent et Isabelle de Villehardouin de porter à Philippe de Tarente l’hommage et les services qu’ils portaient jusque-là au roi de Sicile (Perrat Charles et Longnon Jean [éd.], Actes relatifs, op. cit., p. 104-105).

    20 Guy II de La Roche, dénommé également Guyot, mineur à la mort de son père, a été placé sous tutelle de son beau-père Hugues de Brienne, puis une fois majeur, il est adoubé par Bonifacio da Verona en 1294 (Morel-Fatio Alfred [éd.], Libro de los fechos, op. cit., § 425, p. 93-94 ; Muntaner Ramon, Les Almogavres. L’expédition des Catalans en Orient, trad. Jean-Marie Barbera, Toulouse, Anacharsis, p. 158 ; Perrat Charles et Longnon Jean [éd.], Actes relatifs, op. cit., p. 101 ; Le livre de la conqueste, op. cit., § 551, p. 219).

    21 Perrat Charles et Longnon Jean (éd.), Actes relatifs, op. cit., p. 108-110, 134-135 et 164-165.

    22 Ibid., p. 61-62.

    23 Perrat Charles et Longnon Jean (éd.), Actes relatifs, op. cit., p. 181.

    24 L’autorisation date de 1300 (Perrat Charles et Longnon Jean [éd.], Actes relatifs, op. cit., p. 201 ; Morel-Fatio Alfred [éd.], Libro de los fechos, op. cit., § 506, p. 111 ; Le livre de la conqueste, op. cit., § 546, p. 216-217 ; § 832-840, p. 329-333).

    25 Mais le jeune couple se serait bien vu investi de la principauté toute entière (Morel-Fatio Alfred [éd.], Libro de los fechos, op. cit., § 517-518, p. 113-114 ; Bon Antoine, La Morée franque. Recherches historiques, topographiques et archéologiques sur la principauté d’Achaïe [1205-1430], Paris, De Boccard, 1969, p. 171).

    26 Le livre de la conqueste, op. cit., § 222 sq., p. 81.

    27 Perrat Charles et Longnon Jean (éd.), Actes relatifs, op. cit., p. 163-165.

    28 Le livre de la conqueste, op. cit., § 870, p. 344.

    29 Néanmoins, un acte de 1294 témoigne de pressions subies par un Siennois de la part du prince. Devant la plainte de l’un de ses sujets, le roi angevin intervient et adresse des remontrances à Florent de Hainaut (Perrat Charles et Longnon Jean [éd.], Actes relatifs, op. cit., p. 97).

    30 Charles II lui octroie l’hommage de Bartolomeo Ghisi pour les îles qu’il tient de la principauté, de même que la garde de l’île de Corfou (ibid., p. 33-36).

    31 Le livre de la conqueste, op. cit., § 802-815, p. 319-323.

    32 Bon Antoine, La Morée franque, op. cit., p. 182. Deux pistes peuvent néanmoins être avancées : il peut s’agir d’un chevalier venu de l’Artois, suivant Florent de Hainaut voire le précédant, ou d’un homme issu d’une famille native de Picardie, dont les souches s’enracinent près de la forêt de Compiègne. Quoi qu’il en soit, il semble être du nord du royaume de France.

    33 Il s’agit tout de même de treize paragraphes de la Chronique de Morée, du 803 au 816 (Le livre de la conqueste, op. cit., p. 320-324).

    34 Ibid., § 803, p. 320.

    35 Shawcross Teresa, The Chronicle of Morea. Historiography in Crusader Greece, New York, Oxford University Press, 2009, p. 31-45.

    36 « Li Thyrant de Lombardie » (Le livre de la conqueste, op. cit., § 855, p. 338) : il contraint les nobles et d’autres sujets à lui verser des recettes extraordinaires et des exactions sont commises à l’encontre du chancelier de la principauté (Bon Antoine, La Morée franque, op. cit., p. 175 ; Le livre de la conqueste, op. cit., § 856-867, p. 338-343).

    37 Le livre de la conqueste, op. cit., § 855, p. 338.

    38 Ibid., § 848, p. 336.

    39 Il a laissé sa place à un Grec, Vasylopoulos (ibid., § 829, p. 328 ; Parmeggiani Antonella, Libro dela uxanze e statuti delo imperio de Romania, Spolète, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, p. 102-103).

    40 Cet épisode est envisagé plus en détail par Simon Hasdenteufel dans la communication suivante : « La Morée est-elle ingouvernable ? »

    41 Le livre de la conqueste, op. cit., § 233, p. 84-85.

    42 Ibid., § 501, p. 197.

    43 Ibid., § 842-843, p. 333-334 ; Parmeggiani Antonella, Libro dela uxanze, op. cit., p. 107.

    44 Le livre de la conqueste, op. cit., § 884-906, p. 349-357 ; § 912-919, p. 359-362.

    45 Ibid., § 832-838, p. 329-332.

    46 Ibid., § 858-868, p. 339-343.

    47 Ibid., § 958-972, p. 375-380.

    48 Ibid., § 851, p. 337.

    49 Ibid., § 853, p. 337-338.

    50 Ibid., § 862, p. 341.

    51 Telliez Romain, Les institutions de la France médiévale, Paris, Armand Colin, 2016 (2e éd.), p. 109.

    52 Une lame est même brandie à l’encontre du prince (Le livre de la conqueste, op. cit., § 863, p. 341).

    53 Ce fidèle conseiller, chargé de multiples missions diplomatiques, est en fait Humbert de Montbel, il y a erreur du chroniqueur sur le prénom (Les lignages nobiliaires, op. cit., p. 41).

    54 Le livre de la conqueste, op. cit., § 865, p. 342.

    55 Cet épisode est envisagé ultérieurement par Simon Hasdenteufel dans la communication suivante.

    56 Morel-Fatio Alfred (éd.), Libro de los fechos, op. cit., § 470, p. 103.

    57 Ortega Isabelle, Les lignages nobiliaires, op. cit., p. 181-224.

    58 Ibid., p. 28-52.

    59 Le livre de la conqueste, op. cit., § 222 sq., p. 81.

    60 L’accession au pouvoir du gendre en l’absence de fils est une pratique dans laquelle le pouvoir se transmet de mâle en mâle, les femmes ne servant qu’à instrumentaliser la généalogie (Ortega Isabelle, Les lignages nobiliaires, op. cit., p. 208).

    61 Hasdenteufel Simon, Les métamorphoses du pouvoir, op. cit., p. 299.

    62 « Et quelque temps après, le prince, voyant que le maréchal était plus seigneur et plus obéi des gens de la terre que lui, ne voulut plus y rester, mais voulut s’en retourner en sa terre […] » (Morel-Fatio Alfred [éd.], Libro de los fechos, op. cit., § 514, p. 113).

    63 Les règnes de Charles II (1285-1309) et de son petit-fils Robert (1309-1343) sont prospères, mais ils se désintéressent progressivement de la Morée en la faisant gouverner par des administrateurs (Bresc Henri, « La chute des Hohenstaufen et l’installation de Charles Ier d’Anjou », in Nöel-Yves Tonnerre et Élisabeth Verry [éd.], Les princes angevins, op. cit., p. 61-84 ; Galasso Giuseppe, « Charles Ier et Charles II d’Anjou, princes italiens », in ibid., p. 85-98 ; Hébert Michel, « Le règne de Robert d’Anjou », in ibid., p. 99-116 ; Contamine Philippe, « À l’ombre des fleurs de lis. Les rapports entre les rois de France Valois et les Angevins de Naples et de Provence (1320-1382) », in ibid., p. 117-130).

    Auteur

    Isabelle Ortega

    Enseignante-chercheure en histoire du Moyen Âge, université de Nîmes.

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    1 Le livre de la conqueste de la princée de l’Amorée, Chronique de Morée (1204-1305), éd. Jean Longnon, Paris, 1911, § 862, p. 341.

    2 Ortega Isabelle, Les lignages nobiliaires dans la Morée latine (xiiie-xve siècle). Permanences et mutations, Turnhout, Brepols, 2012, p. 28-48.

    3 Chrissis N. G., Crusading in Frankish Greece. A Study of Byzantine Western Relations and Attitudes, 1204-1282, Turnhout, Brepols, 2012, p. 1-56.

    4 Morel-Fatio Alfred (éd.), Libro de los fechos et conquistas del Principado de la Morea compilado por comandamiento de Don Fray Johan Ferrandez de Heredia, Genève, imprimerie Jules-Guillaume Fick, § 411-412, p. 91.

    5 Le traité de Viterbe (1267) scelle plusieurs engagements : les fiançailles de Philippe de Courtenay, fils aîné de l’empereur latin Baudouin II, avec Béatrice, fille de Charles d’Anjou ; la promesse de secours de Charles d’Anjou à Baudouin II ; la cession de la principauté de Morée et de ses dépendances par Guillaume de Villehardouin sous certaines conditions (archives départementales des Bouches-du-Rhône, B366 ; Longnon Jean, « Le rattachement de la principauté de Morée au royaume de Sicile en 1267 », Journal des savants, 1942, p. 134-143).

    6 La principauté n’est pas un bien propre aux Villehardouin, elle relève du droit de conquête (Le livre de la conqueste…, op. cit., § 314, p. 116).

    7 Topping Peter, « The formation of the Assizes of Romania », Byzantion, t. XVII, 1944-1945, p. 308 ; Recoura Georges, Les Assises de Romanie, Paris, Honoré Champion, 1930, p. 155-156, art. 1 et 2.

    8 À l’instar de Philippe de Gonesse qui est l’un des exemples de ces officiers au service des Angevins (une communication a été donné, en collaboration avec Florence Sampsonis, en 2017 dans le cadre de l’ANR Europange : « Philippe de Gonesse, l’ascension d’un officier dans l’espace angevin durant le règne de Charles Ier », Gouverner le royaume : le roi, la reine et leurs officiers. Les terres angevines au regard de l’Europe (xiiie-xve siècle) – Governare il regno: il re, la regina e i loro ufficiali. I territori angioini nel quadro europeo (secoli xiii-xv), 20-23 septembre 2017, École française de Rome et Academia d’Ungheria in Roma, à paraître.

    9 À qui les membres de la noblesse demandent de respecter les coutumes de la principauté (Bouchet René, Chronique de Morée, Paris, Les Belles Lettres, 2005, p. 273 ; Le livre de la conqueste…, op. cit., § 595, p. 239).

    10 Skornicki Arnault, La grande soif de l’État. Michel Foucault avec les sciences sociales, Paris, Éditions Les prairies ordinaires, 2015, p. 58. La possibilité d’une réaction des populations, allant d’une simple réticence à des tensions plus violentes, doit pousser ceux qui gouvernent à élaborer des stratégies, voire à anticiper les contestations.

    11 Charles Ier d’Anjou doit faire face à la révolte populaire des Vêpres siciliennes où toutes les familles françaises de l’île sont massacrées avec l’aide des Aragonais : la Sicile est perdue pour le pouvoir angevin et une croisade est proclamée contre Pierre d’Aragon dès 1283 (Galasso Giuseppe, « Charles Ier et Charles II d’Anjou, princes italiens », in Nöel-Yves Tonnerre et Élisabeth Verry [éd.], Les Princes angevins du xiiie au xve siècles. Un destin européen. Actes des journées d’étude des 15 et 16 juin 2001 organisées par l’Université d’Angers et les Archives départementales de Maine-et-Loire, Rennes, 2003, p. 97 ; Jehel Georges, Les Angevins de Naples. Une dynastie européenne [1246-1266-1442], Paris, Ellipses, 2014, p. 119-125).

    12 Il meurt en 1271.

    13 Le livre de la conqueste, op. cit., § 662, p. 264-265 : « Li prince Florant avoit.ij. nepveux liquel estoient frere germain ; et les avoit fait venir de la conté de Haynaut en Morée. »

    14 Le livre de la conqueste, op. cit., § 663, p. 265.

    15 Il semble toujours insatiable : « estoit afemmés de monnoie » (Le livre de la conqueste, op. cit., § 670, p. 267).

    16 Ortega Isabelle, Les lignages nobiliaires, op. cit., p. 312-313.

    17 Longnon Jean, « Problèmes de l’histoire de la principauté de Morée », Journal des savants, Paris, 1946, p. 91-92. La version grecque de la Chronique de Morée évoque des liens de vassalité entre les deux seigneurs dès le règne de Geoffroy Ier de Villehardouin : Bouchet René, Chronique de Morée, op. cit., p. 119. Simon Hasdenteufel fait le point sur cette question dans sa thèse : Les métamorphoses du pouvoir. Pratiques, langages et conceptions politiques des seigneurs de Romanie latine (1204-1316), dir. Élisabeth Crouzet-Pavan, Sorbonne Université, novembre 2023, p. 296-300.

    18 Sampsonis Florence, Entre le roi et le prince. La principauté de Morée aux mains des rois de Sicile Charles Ier et Charles II d’Anjou (1267-1307), thèse de doctorat, Paris 1, 2016, p. 343-346.

    19 Longnon Jean, L’Empire latin de Constantinople et la principauté de Morée, Paris, Payot, 1949, p. 273-274. Le sujet agite le milieu nobiliaire depuis plusieurs années. En effet, la trace d’un débat apparaît dès le début de l’année 1292 (Perrat Charles et Longnon Jean [éd.], Actes relatifs à la principauté de Morée [1289-1300], Paris, Bibliothèque nationale, 1967, p. 47, 69, 83-85 et 106-109). En 1294, Guy II, à peine adoubé, entend ne dépendre que de la couronne alors que depuis plusieurs années Florent de Hainaut tente d’obtenir l’hommage du seigneur d’Athènes. En 1294, ordre est donné à Florent et Isabelle de Villehardouin de porter à Philippe de Tarente l’hommage et les services qu’ils portaient jusque-là au roi de Sicile (Perrat Charles et Longnon Jean [éd.], Actes relatifs, op. cit., p. 104-105).

    20 Guy II de La Roche, dénommé également Guyot, mineur à la mort de son père, a été placé sous tutelle de son beau-père Hugues de Brienne, puis une fois majeur, il est adoubé par Bonifacio da Verona en 1294 (Morel-Fatio Alfred [éd.], Libro de los fechos, op. cit., § 425, p. 93-94 ; Muntaner Ramon, Les Almogavres. L’expédition des Catalans en Orient, trad. Jean-Marie Barbera, Toulouse, Anacharsis, p. 158 ; Perrat Charles et Longnon Jean [éd.], Actes relatifs, op. cit., p. 101 ; Le livre de la conqueste, op. cit., § 551, p. 219).

    21 Perrat Charles et Longnon Jean (éd.), Actes relatifs, op. cit., p. 108-110, 134-135 et 164-165.

    22 Ibid., p. 61-62.

    23 Perrat Charles et Longnon Jean (éd.), Actes relatifs, op. cit., p. 181.

    24 L’autorisation date de 1300 (Perrat Charles et Longnon Jean [éd.], Actes relatifs, op. cit., p. 201 ; Morel-Fatio Alfred [éd.], Libro de los fechos, op. cit., § 506, p. 111 ; Le livre de la conqueste, op. cit., § 546, p. 216-217 ; § 832-840, p. 329-333).

    25 Mais le jeune couple se serait bien vu investi de la principauté toute entière (Morel-Fatio Alfred [éd.], Libro de los fechos, op. cit., § 517-518, p. 113-114 ; Bon Antoine, La Morée franque. Recherches historiques, topographiques et archéologiques sur la principauté d’Achaïe [1205-1430], Paris, De Boccard, 1969, p. 171).

    26 Le livre de la conqueste, op. cit., § 222 sq., p. 81.

    27 Perrat Charles et Longnon Jean (éd.), Actes relatifs, op. cit., p. 163-165.

    28 Le livre de la conqueste, op. cit., § 870, p. 344.

    29 Néanmoins, un acte de 1294 témoigne de pressions subies par un Siennois de la part du prince. Devant la plainte de l’un de ses sujets, le roi angevin intervient et adresse des remontrances à Florent de Hainaut (Perrat Charles et Longnon Jean [éd.], Actes relatifs, op. cit., p. 97).

    30 Charles II lui octroie l’hommage de Bartolomeo Ghisi pour les îles qu’il tient de la principauté, de même que la garde de l’île de Corfou (ibid., p. 33-36).

    31 Le livre de la conqueste, op. cit., § 802-815, p. 319-323.

    32 Bon Antoine, La Morée franque, op. cit., p. 182. Deux pistes peuvent néanmoins être avancées : il peut s’agir d’un chevalier venu de l’Artois, suivant Florent de Hainaut voire le précédant, ou d’un homme issu d’une famille native de Picardie, dont les souches s’enracinent près de la forêt de Compiègne. Quoi qu’il en soit, il semble être du nord du royaume de France.

    33 Il s’agit tout de même de treize paragraphes de la Chronique de Morée, du 803 au 816 (Le livre de la conqueste, op. cit., p. 320-324).

    34 Ibid., § 803, p. 320.

    35 Shawcross Teresa, The Chronicle of Morea. Historiography in Crusader Greece, New York, Oxford University Press, 2009, p. 31-45.

    36 « Li Thyrant de Lombardie » (Le livre de la conqueste, op. cit., § 855, p. 338) : il contraint les nobles et d’autres sujets à lui verser des recettes extraordinaires et des exactions sont commises à l’encontre du chancelier de la principauté (Bon Antoine, La Morée franque, op. cit., p. 175 ; Le livre de la conqueste, op. cit., § 856-867, p. 338-343).

    37 Le livre de la conqueste, op. cit., § 855, p. 338.

    38 Ibid., § 848, p. 336.

    39 Il a laissé sa place à un Grec, Vasylopoulos (ibid., § 829, p. 328 ; Parmeggiani Antonella, Libro dela uxanze e statuti delo imperio de Romania, Spolète, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, p. 102-103).

    40 Cet épisode est envisagé plus en détail par Simon Hasdenteufel dans la communication suivante : « La Morée est-elle ingouvernable ? »

    41 Le livre de la conqueste, op. cit., § 233, p. 84-85.

    42 Ibid., § 501, p. 197.

    43 Ibid., § 842-843, p. 333-334 ; Parmeggiani Antonella, Libro dela uxanze, op. cit., p. 107.

    44 Le livre de la conqueste, op. cit., § 884-906, p. 349-357 ; § 912-919, p. 359-362.

    45 Ibid., § 832-838, p. 329-332.

    46 Ibid., § 858-868, p. 339-343.

    47 Ibid., § 958-972, p. 375-380.

    48 Ibid., § 851, p. 337.

    49 Ibid., § 853, p. 337-338.

    50 Ibid., § 862, p. 341.

    51 Telliez Romain, Les institutions de la France médiévale, Paris, Armand Colin, 2016 (2e éd.), p. 109.

    52 Une lame est même brandie à l’encontre du prince (Le livre de la conqueste, op. cit., § 863, p. 341).

    53 Ce fidèle conseiller, chargé de multiples missions diplomatiques, est en fait Humbert de Montbel, il y a erreur du chroniqueur sur le prénom (Les lignages nobiliaires, op. cit., p. 41).

    54 Le livre de la conqueste, op. cit., § 865, p. 342.

    55 Cet épisode est envisagé ultérieurement par Simon Hasdenteufel dans la communication suivante.

    56 Morel-Fatio Alfred (éd.), Libro de los fechos, op. cit., § 470, p. 103.

    57 Ortega Isabelle, Les lignages nobiliaires, op. cit., p. 181-224.

    58 Ibid., p. 28-52.

    59 Le livre de la conqueste, op. cit., § 222 sq., p. 81.

    60 L’accession au pouvoir du gendre en l’absence de fils est une pratique dans laquelle le pouvoir se transmet de mâle en mâle, les femmes ne servant qu’à instrumentaliser la généalogie (Ortega Isabelle, Les lignages nobiliaires, op. cit., p. 208).

    61 Hasdenteufel Simon, Les métamorphoses du pouvoir, op. cit., p. 299.

    62 « Et quelque temps après, le prince, voyant que le maréchal était plus seigneur et plus obéi des gens de la terre que lui, ne voulut plus y rester, mais voulut s’en retourner en sa terre […] » (Morel-Fatio Alfred [éd.], Libro de los fechos, op. cit., § 514, p. 113).

    63 Les règnes de Charles II (1285-1309) et de son petit-fils Robert (1309-1343) sont prospères, mais ils se désintéressent progressivement de la Morée en la faisant gouverner par des administrateurs (Bresc Henri, « La chute des Hohenstaufen et l’installation de Charles Ier d’Anjou », in Nöel-Yves Tonnerre et Élisabeth Verry [éd.], Les princes angevins, op. cit., p. 61-84 ; Galasso Giuseppe, « Charles Ier et Charles II d’Anjou, princes italiens », in ibid., p. 85-98 ; Hébert Michel, « Le règne de Robert d’Anjou », in ibid., p. 99-116 ; Contamine Philippe, « À l’ombre des fleurs de lis. Les rapports entre les rois de France Valois et les Angevins de Naples et de Provence (1320-1382) », in ibid., p. 117-130).

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    Ortega, I. (2024). « Par ceste espée deffendons nos franchises et nos usances ». In I. Mathieu & I. Ortega (éds.), L’ingouvernabilité en questions (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.195986
    Ortega, Isabelle. « “Par ceste espée deffendons nos franchises et nos usances” ». In L’ingouvernabilité en questions, édité par Isabelle Mathieu et Isabelle Ortega. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2024. https://doi.org/10.4000/books.pur.195986.
    Ortega, Isabelle. « “Par ceste espée deffendons nos franchises et nos usances” ». L’ingouvernabilité en questions, édité par Isabelle Mathieu et Isabelle Ortega, Presses universitaires de Rennes, 2024, https://doi.org/10.4000/books.pur.195986.

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    Mathieu, I., & Ortega, I. (éds.). (2024). L’ingouvernabilité en questions (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.195847
    Mathieu, Isabelle, et Isabelle Ortega, éd. L’ingouvernabilité en questions. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2024. https://doi.org/10.4000/books.pur.195847.
    Mathieu, Isabelle, et Isabelle Ortega, éditeurs. L’ingouvernabilité en questions. Presses universitaires de Rennes, 2024, https://doi.org/10.4000/books.pur.195847.
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