Quand la cour empêche de bien gouverner

François II de Bretagne, un duc sous influence (1458-1488)

Laurent Guitton

p. 155-168

Note de l’auteur

Il m’est agréable de remercier ici Yves Coativy et Alessia Trivellone pour leurs échanges fructueux.


Texte intégral

« Prince, court est un droit servage, Liberté vault trop mieulx helas.
Toy donc qui as bon patronnage, Nage aultre part pour tes esbas. »
Jean Meschinot1.

1L’intégration du duché de Bretagne dans le royaume de France à la fin du xve siècle est souvent expliquée par son isolement diplomatique, la supériorité des armées françaises ou par ses ressources financières inférieures à celles de son voisin2. L’historiographie bretonne a aussi volontiers imputé une responsabilité personnelle à François II, duc pendant trois décennies (1458-1488), considéré comme peu apte à gouverner3. Ce n’est que plus récemment que le rôle de la haute noblesse bretonne dans l’absorption du duché a été mis en avant : de nombreuses grandes familles bretonnes avaient en effet des liens privilégiés avec les souverains français, que ce soit par des engagements militaires, la détention d’offices, l’octroi de titres et pensions, et tissaient des liens matrimoniaux avec la noblesse du royaume4. La présente étude poursuit en partie la réflexion ouverte par ces travaux, en ce qu’elle s’intéresse au rôle que les élites bretonnes ont pu jouer dans les vicissitudes du duché sous le dernier des Monfort, mais infléchit ces recherches en se focalisant sur le rôle de la cour.

2Sous François II, la cour bretonne s’agrandit considérablement5, comme le démontre l’envergure des travaux entrepris dès le début du règne par le duc pour loger convenablement ses courtisans à Nantes, devenue de fait la capitale du duché6. L’exiguïté du « chastel de la tour neufve de Nantes » ne permet pas en effet d’accueillir honorablement « les princes et seigneurs qui viennent par devers nous » précise le duc7. L’édifice reste en chantier pendant la suite du règne, mais les travaux d’agrandissement demeurent insuffisants à héberger des courtisans et officiers en nombre croissant8. À la cour de Bretagne, la famille princière cohabite avec la haute noblesse dominée par les grands barons, les évêques et prélats, avec également la moyenne noblesse et même les officiers roturiers spécialisés dans la finance, la justice et l’armée.

3Dans le rapport dialectique qui s’établit entre tout souverain et sa cour, le bon gouvernement est fondé sur un équilibre toujours incertain9. Si les courtisans sont un instrument fondamental dans les mains du prince pour la domination de l’État, tout bon souverain doit veiller à ce que le poids politique de la cour ne s’accroisse outre mesure, au détriment de son autorité. Centre de gravité de ce système curial, le prince a tout intérêt à fidéliser ces élites, à les faire cohabiter dans un esprit de concorde, tout en cherchant à les contrôler au mieux afin de renforcer l’efficacité de son pouvoir10. En Bretagne, cette nécessité est d’autant plus forte que la cour subit l’influence de la royauté française, devenue très pressante avec Louis XI (1461-1483) qui convoite la principauté de Bretagne. C’est dans ce contexte que nous déterminerons les responsabilités de la cour dans les dysfonctionnements, voire parfois dans la paralysie du gouvernement ducal et son échec final, menant à la disparition de la principauté bretonne.

4Tributaires des sources disponibles, constituées essentiellement des productions bureaucratiques de l’État breton, qu’elles soient administratives ou judiciaires, et de chroniques bretonnes et françaises, nous sommes aussi confrontés à la dimension informelle de luttes de pouvoir qui ne laissent pas forcément de traces archivistiques. En retraçant quelques parcours personnels révélateurs des mécanismes sous-jacents à la cour, il apparaîtra que le règne de François II est marqué par une opposition croissante entre deux factions hétéroclites, dont l’identité semble se cristalliser autour de l’origine nationale des courtisans, bretonne ou française, mais dont les logiques ont tendance à se complexifier. Nous analyserons ensuite les conflits croissants autour de la succession au trône de Bretagne qui suscite les appétits et hypothèque l’avenir du duché. Enfin, nous nous focaliserons sur la dernière décennie, marquée par la marginalisation du duc dans le cadre de la lutte à mort entre les deux plus grands officiers bretons, dont la disparition laisse le champ libre aux conflits entre grands nobles, dans un contexte de plus en plus tendu entre Bretagne et France.

Courtisans bretons contre mignons français : guerre des clans et lutte des places

5Sous le règne de François II, deux factions s’affrontent volontiers selon une logique en grande partie nationale. Si les courtisans sont en majorité des nobles et des officiers issus du duché, présents à tous les niveaux de l’administration et du gouvernement ducal, l’entourage proche du duc comporte aussi des courtisans provenant du royaume de France, qui sont parfois qualifiés d’« étrangers » dans les sources (tableau 1). Nous verrons toutefois que la situation est loin de se résoudre dans un simple affrontement entre Français et Bretons et que des dynamiques bien plus complexes régissent le comportement des courtisans.

Tableau 1. – Les principaux conseillers français du duc François II (1458-1488) [classement par ordre chronologique].

Jean de Rouville, Normandie, vice-chancelier jusqu’en 1471 ou 1474, au service du duc pour certaines missions dont le mariage du duc en 1471 (†1474).

Simon d’Anglure, Sire d’Étoges, Champagne, grand maître de l’hôtel ducal jusqu’en 1462, devenu gouverneur de Montfort-L’Amaury, reçoit 500 livres de pension annuelle († 1485).

Odet d’Aydie, seigneur de Lescun, Béarn, puis comte de Comminges, au service du duc pendant presque tout le règne (1461-87), et de Louis XI à partir de 1473.

Jean de Lévis, comte de Villars, conseiller dans les années 1460, beau-frère de la favorite Antoinette de Maignelais, grand maître d’hôtel de Charles de France, duc de Guyenne en 1469, pension de 3 000 livres en 1466 († 1474).

Philippe des Essarts, seigneur de Thieux (Brie), maître d’hôtel du duc (1461-1468), gouverneur du comté de Montfort et ambassadeur du duc auprès de Louis XI en 1472, pension de 1 500 livres en 1466 († 1478).

André de Laval, seigneur de Lohéac : frère de Guy XIV de Laval, vassal du roi et du duc, entre Laval et Nantes jusqu’en 1465, puis retourne à la cour de Louis XI en 1466, pension de 2 000 livres en 1465, pension du roi de 8 000 livres en 1481 († 1486).

Antoine de Beauvau, seigneur de Pimpéan (Maine-et-Loire), mission à Tours en 1463 vers Louis XI, passe au service du roi de France comme conseiller et président chambre des comptes en 1472, pension en 1465 de 1 500 livres.

Jacques de Luxembourg-Saint-Pol, comte de Richebourg, parent par alliance de François II, carrière à la cour de Bourgogne, puis auprès de Louis XI, pension de 1 000 livres en 1463 et 1466, pension du roi de 10 000 livres en 1481.

Jean Tiercelin, Seigneur de Brosse, gentilhomme venu en Bretagne avec le sire de Lescun, ambassadeur du duc en 1468, puis chambellan du roi Louis XI et ambassadeur auprès de l’Empereur en 1474, pension de 600 livres en 1463, pension du roi de 2 000 livres en 1481.

Arthaud VII, seigneur d’Apchon, chambellan de Charles VII en 1451, à la cour de Bretagne en 1463 et 1466, avec une pension de 1 000 livres, pension de Louis XI de 2 000 livres en 1481.

Guillaume de Soupplainville, protégé du seigneur de Lescun, maître d’hôtel du duc en 1472, passe au service de Louis XI à partir de 1473, membre de la maison ducale en 1488, 1 200 livres de pension du roi en 1481.

Poncet de Rivière, Gascogne, d’abord au service du roi Louis XI, mais rupture en 1465 ; ambassadeur du duc de Bourgogne, puis chambellan du duc de Bretagne en 1470 et membre du conseil, conduit plusieurs ambassades vers la Bourgogne, puis passe au service d’Anne de Beaujeu en 1484, pension de 2 000 livres en 1481.

Pierre d’Urfé, seigneur de la Bastie, Forez, attaché à Charles de Berry, ambassadeur du duc en 1480 à Rome, en cour jusqu’en 1484, puis passe avec Poncet de Rivière au service d’Anne de Beaujeu en 1484, pension du duc de 1 500 livres et de 600 par Louis XI en 1481.

Jean de Chalon, prince d’Orange, neveu de François II, beau-frère de Pierre de Beaujeu : envoyé en Bretagne par l’empereur Maximilien d’Autriche en 1481, opposant d’Anne de Beaujeu, pension de 5 000 livres en 1481.

François d’Orléans, comte de Dunois, cousin germain de François II, allié du duc après 1483, puis réfugié dans le duché de Bretagne.

Louis II, duc d’Orléans, frère du roi Charles VIII, cousin germain de François II, allié du duc après 1483, puis réfugié dans le duché de Bretagne.

6La présence de nobles français à la cour de Bretagne s’explique par le fait que François II, comte d’Étampes, est lui-même issu d’une famille princière d’Île-de-France et a fréquenté la cour royale de Charles VII. Il ne doit son trône en Bretagne qu’à l’absence d’héritiers mâles et au fait d’être le neveu du duc Arthur III, décédé en 1458. Lorsqu’il s’installe à Nantes, le duc est donc accompagné de plusieurs proches et serviteurs issus du royaume de France, comme le normand Jean de Rouville nommé de suite vice-chancelier, et il maintient des relations avec des familiers, tel le gascon Poncet de Rivière11. La présence des courtisans français s’accroît avec l’accession au pouvoir de Louis XI en 1461 : les hommes au service de son père Charles VII fuient alors le royaume par crainte de rétorsions. Ces transfuges de la cour de France sont sans doute peu nombreux mais, comme le prouvent leurs pensions annuelles bien supérieures à la plupart de celles dévolues aux courtisans bretons, ils détiennent des fonctions de premier ordre et ont un rôle crucial dans le cadre des relations tendues avec le royaume de France : à ce titre, ils bénéficient d’une écoute particulière de la part du duc. L’influence de ce clan français est telle que les nobles bretons, ou tout au moins une partie d’entre eux, peuvent se sentir marginalisés à la cour de Bretagne.

7Par ses origines bretonnes et ses années passées au service du roi, le cas de Tanguy IV Du Chastel, le plus important conseiller du duc au début du règne, montre les trajectoires complexes des courtisans, les risques de déclassement et les changements de fidélités à l’œuvre. Originaire du Léon, le lignage des Du Chastel a œuvré aussi bien pour les ducs de Bretagne que pour les souverains de France12. Après avoir loyalement servi Charles VII, Tanguy Du Chastel fait partie des conseillers qui quittent la cour de France à l’avènement de Louis XI13. Ses liens avec François II remontent donc aux années françaises et sont empreints d’une forte proximité. Afin de conserver à son intime serviteur ses capacités économiques et son statut social, François II le gratifie de faveurs sous la forme de dons, de privilèges, d’offices et de fonctions14. C’est ainsi qu’il est nommé grand maître de l’Hôtel ducal en 1462, à la place du conseiller champenois Simon d’Anglure15. Son influence dans le gouvernement se mesure également à sa présence au conseil ducal : sur 18 mois, entre fin 1461 et début 1463, il est présent à une séance sur deux et préside à l’occasion en cas d’absence du chancelier Chauvin16. Bon connaisseur des affaires de France, il est plusieurs fois envoyé en mission auprès des représentants du roi Louis XI en 1463 et 1464, où il s’emploie ardemment à défendre les droits du duc17.

8Dès lors qu’un courtisan prend un ascendant sur le prince et fait figure de favori, il devient un ennemi à abattre pour les autres courtisans, auxquels il fait de l’ombre en termes de prestige et d’accès aux ressources matérielles : ce fut également le sort de Tanguy du Chastel. Le chroniqueur Alain Bouchart le confirme : « Aussi avoit jà esté le duc practicqué par aucuns de ses mignons de sa maison qui grantdement estoient envieulx de la grande et secrete familiarité que il avoit audit grant maistre, car en tout le voyaige le duc s’estoit porté tout ainsi que le grant maistre Du Chastel luy avoit conseillé18. » C’est dans le cadre de la Guerre du Bien public contre Louis XI, engagée en 1465 par une coalition de princes alliés de Charles de France, frère du roi, et à laquelle participe François II, que les courtisans « envieux » arrivent à leurs fins. Odet d’Aydie, seigneur de Lescun, un Français présent à la cour de Bretagne depuis quatre ans, profite en effet d’un désaccord entre le duc et Du Chastel sur la suite à donner au conflit pour convaincre François II de ne plus accorder sa confiance à son conseiller19. Réduit à l’isolement, l’ancien favori Tanguy Du Chastel quitte la Bretagne en mai 1468 pour se mettre alors au service du roi de France, lequel le gratifie généreusement de pensions et de titres afin de s’assurer de sa fidélité. Avec Du Chastel, François II perd un conseiller et un stratège de qualité, qui va tout faire pour nuire à son ancien prince, en essayant notamment d’attirer d’autres seigneurs à la cour du roi. En 1470, il est ainsi désigné comme responsable de la fuite auprès du roi du jeune Jean II de Rohan, un des principaux barons de Bretagne.

9Après le départ de Du Chastel pour le camp ennemi, le clan des courtisans français domine désormais à la cour de Nantes : on peut douter néanmoins qu’ils œuvrent pour autant pour le bien du duc et de son « pays ». En 1470, le capitaine du duc Payen Gaudin, soupçonné de trahison à cause de ses contacts avec des proches du roi de France, fait l’objet d’une enquête ducale : il affirme alors que plusieurs grands seigneurs bretons « se plaignaient que les étrangers gouvernaient le duc et qu’ils étaient trop puissants en son conseil », en particulier les seigneurs de Villars et de Lescun20. L’accusation des seigneurs bretons est au moins en partie fondée, puisque plusieurs courtisans sont conseillers du duc de Bretagne, tout en restant au service du roi de France, dans un double jeu dont les motivations financières le partagent aux honneurs.

10Parmi eux, le seigneur de Lescun, déjà cité, semble avoir pris une place centrale à la cour après la mise à l’écart de Du Chastel. Comme lui, il avait été conseiller de Charles VII et avait rejoint Nantes en 1461. Influent à la cour pendant presque tout le règne de François II, Lescun jouit d’une aura auprès du duc qui n’a pas encore été perçue à sa juste mesure, peut-être en raison de ses apparitions plutôt rares au conseil ducal21. Mais l’influence d’un conseiller s’exerce aussi en dehors du cadre institutionnel, par exemple lors de discussions informelles ou privées, dont l’existence même témoigne de l’importance d’un courtisan. Un micro-événement intervenu en 1467 est significatif de cette réalité : lors d’une séance du conseil, un archer de Charles de France obtient une lettre de rémission pour un meurtre, ce qui n’est pas rare à l’époque. Mais un secrétaire du conseil a ajouté en marge que cette rémission fut accordée sous la pression d’Odet d’Aydie, alors même qu’il ne siégeait pas au conseil : ce dernier a dû donc plaider directement auprès du duc22. Avec Rouville et Du Chastel, de Lescun fait partie de l’ambassade envoyée en 1465 à Poitiers auprès de Louis XI, afin de soustraire en toute discrétion des mains du roi son frère Charles de France, duc de Berry, et de l’amener en Bretagne. Il est encore responsable de missions délicates auprès du roi, pour résoudre le différend entre Louis et Charles suite au traité d’Ancenis en 1468 et négocier la paix entre la France et la Bretagne fin 147223. C’est sans doute ce qui explique l’importance de sa pension, 3 000 livres par an, ce qui le classe parmi les bénéficiaires les mieux rémunérés24. Autre signe de son influence à la cour ducale, il s’entremet dans les négociations de remariage de François II et est désigné ambassadeur auprès du comte de Foix-Béarn pour négocier le contrat de mariage du duc avec Marguerite de Foix, signé le 26 juin 1471, ce qui fait dire à Bouchart que ce « fust le seigneur de Lescun, qui lors gouvernoit le duc, cause de ce mariage25 ».

11Il apparaît donc qu’après la chute de Du Chastel, Lescun fait partie du cercle étroit de François II avec quelques autres conseillers venus du royaume, parmi lesquels le vice-chancelier Rouville, le maître d’hôtel Philippe des Essarts, Guillaume de Soupplainville, un membre de sa suite, outre le chancelier breton Chauvin partisan d’une politique de rapprochement ou d’apaisement avec la France26. Pourtant, depuis plusieurs années, le seigneur de Lescun est en contact régulier avec le roi, alors même qu’il servait Charles de France et le duc de Bretagne. Ce rapprochement apparaît par exemple dans une missive de 1469 envoyée à Louis XI, où il promet de se comporter « comme loyal serviteur et sujet doit faire à son roi, son souverain seigneur et son maître27 » ou dans une lettre du roi à Du Chastel en 1472, selon laquelle il espère « que le sieur de Lescun se délibérera d’être autant mon serviteur qu’il estoit de feu Monsieur de Guienne [Charles de France], et de ne me pourchasser jamais nul mal, mais tout le bien qu’il lui sera possible28 ». Pour ce proche du duc, l’obédience au roi se concrétise en 1473, lorsque Louis XI en fait un de ses conseillers et achète sa fidélité par de larges pensions, titres et honneurs ; les deux acolytes du sieur De Lescun, Soupplainville et des Essarts, reçoivent au même moment d’appréciables récompenses29.

12Comme le montrent les itinéraires de Tanguy Du Chastel et d’Odet de Lescun, les changements de fidélités des courtisans sont fréquents ; qui plus est, à l’instar de Lescun, des courtisans français du duc sont susceptibles de jouer un double jeu : par ces stratagèmes, le roi de France peut compter sur des fidèles présents à la cour de Bretagne qui contrebalancent le parti breton et créent le trouble dans les choix politiques de François II. La preuve en est faite dès 1474 : le chancelier du roi relate dans sa lettre à Louis XI que lors du conseil ducal, ces conseillers, « vos bons et loyaux serviteurs » précise-t-il, ont chacun à leur tour défendu avec vigueur le point de vue royal pour compromettre l’alliance avec la Bourgogne30. Par cette double fidélité au roi et au duc, ces conseillers conservent par ailleurs une marge de manœuvre et se ménagent une porte de sortie en cas de disgrâce par l’un des princes, tout en bénéficiant de compensations financières, voire territoriales par les deux souverains.

La cour et la question de la succession ducale

13L’absence d’héritier constitue une des plus grandes faiblesses du duc de Bretagne : l’espoir de succéder au trône attise ainsi les rancœurs et aiguise les appétits de pouvoir de certains courtisans. Les contemporains sont unanimes à faire porter la responsabilité de l’absence d’héritier sur une femme, la favorite Antoinette de Maignelais, accusée également d’exercer une trop grande emprise sur le prince31.

14Venue rejoindre François II à Nantes dès le début de son règne, elle est présentée comme très influente sur la personne du duc par l’officier Payen Gaudin en 1470, lors de l’enquête précédemment citée, et par le chroniqueur Alain Bouchart qui affirmera plus tard que, pour avoir du crédit auprès de François II, il fallait être bien vu par la favorite32. Plusieurs indices prouvent que Maignelais a favorisé la domination de la faction des « étrangers » à la cour de Bretagne, d’autant qu’elle y a retrouvé son beau-frère par alliance Jean de Lévis, comte de Villars, largement pensionné par le duc. Sans doute a-t-elle aussi été proche du seigneur de Lescun qui offre un cadeau en 1467 au tout jeune François, bâtard de Bretagne, premier fils du duc et de la favorite33. Antoinette et le seigneur de Lescun partagent d’ailleurs la même haine à l’encontre de Du Chastel : ce dernier refusait de s’humilier publiquement devant la parvenue comme les autres courtisans, ce qui lui valut une rancœur tenace de la part de la favorite34.

15Le principal grief reproché à la favorite est de priver le duché de Bretagne d’un successeur, d’autant plus que la duchesse Marguerite de Bretagne († 1469) n’eut qu’une seule fille en 1463, rapidement décédée. Pour les mêmes raisons, la présence de cette favorite fait également l’objet de récriminations par les duchesses douairières proches de la cour ducale, en particulier Isabeau d’Écosse, la mère de la duchesse Marguerite, et Françoise d’Amboise qui n’hésite pas à avertir son neveu François II du risque d’une punition divine sur son duché. En 1470, Payen Gaudin est suspecté de s’être « plaint par-dessus tout de Madame de Villequier [Antoinette de Maignelais] et d’avoir dit qu’elle empeschoit le duc d’avoir des enfants de la duchesse35 ». Quatre décennies plus tard, le chroniqueur Bouchart a beau jeu de confirmer cette prédiction, affirmant que « fut ceste acointence d’entre le duc et la dessusdicte Anthoinette de moult dommageable consequence pour la posterité masculine de la ligne de Bretaigne, comme plusieurs saiges hommes disoient lors et aussi que l’on a peu veoir depuis36. »

16La question de la succession de François II nourrit aussi les relations conflictuelles du duc avec son beau-frère Jean II, vicomte de Rohan37. Âgé de 18 ans, Rohan s’enfuit à la cour du roi de France en 1470 et s’en justifie de plusieurs manières : il se plaint d’avoir « endurer déshonneur et grande foulle à la cour du duc », donc de pas avoir été insuffisamment considéré eu égard à son rang de baron de Bretagne et d’avoir été délaissé au profit du seigneur de Lescun et des « étrangers ». Pour garantir sa fidélité, le roi Louis XI lui verse une généreuse pension et promet de le faire succéder au trône du duché de Bretagne à brève échéance, en allant jusqu’à évoquer l’enfermement ou l’assassinat du duc François II38. En 1472, après avoir vainement intenté un procès à François II devant le parlement de Paris, Rohan rentre en Bretagne pour retrouver son épouse, placée jusqu’alors sous surveillance au château de Nantes. Mais le vicomte caresse toujours le projet d’obtenir la couronne pour son lignage et n’a de cesse de prouver et de proclamer qu’il est le successeur légitime du duc, si celui-ci venait à mourir, d’autant que la seconde épouse de François II, Marguerite de Foix, ne lui a toujours pas donné d’héritier mâle. En 1479, le conflit larvé avec son beau-frère éclate au grand jour : le duc n’hésite pas à faire arrêter Rohan dans sa forteresse de Josselin au prétexte d’un homicide et à l’enfermer pendant quatre ans à la prison du Bouffay à Nantes, sans doute pour priver Louis XI d’un soutien important dans ses revendications au duché de Bretagne, à un moment où la cour est plus que jamais divisée.

Fin de règne : un duc neutralisé au sein d’une cour déchirée

17Les dernières années du règne de François II sont en effet marquées par la violente opposition entre les deux plus grands officiers du duc, le chancelier Guillaume Chauvin, représentant du parti francophile et le trésorier général Pierre Landais, qui domine le camp breton39. En fait, la rivalité entre les deux hommes se met en place dès le début du règne. Tous les moyens sont bons pour tenter d’éliminer le rival : en 1463, Chauvin est accusé de fraude dans la distribution de sauf-conduits ducaux, une affaire qui semble avoir été montée en épingle, voire manigancée par Landais40. Bien que l’affaire relève du crime de lèse-majesté, le duc absout son chancelier. Preuve de l’ambiance délétère qui règne à la cour, une lettre anonyme d’avant 1470, révélée par Chauvin, accuse Landais d’avoir fait appel à un nécromancien, afin d’éliminer plusieurs adversaires politiques, en particulier la favorite Maignelais et le roi Louis XI41.

18À la cour de François II, le chancelier Chauvin incarne la tendance favorable au compromis avec la France, une option politique qui satisfait la plupart des grands nobles bretons (comme les Rohan, Laval ou Rieux) qui tiennent aussi des fiefs dans le domaine royal. De son côté, Pierre Landais défend les intérêts bretons contre l’ennemi français, en recherchant des alliances avec la Bourgogne et l’Angleterre. Mais le trésorier Landais a eu l’intelligence de placer progressivement ses fidèles à des postes clés de l’administration ducale, dans les hôtels, puis à la chancellerie, grâce à un réseau complexe d’auxiliaires42. Son réseau d’influence a fini par intégrer aussi plusieurs évêques de Bretagne, dont deux de ses neveux placés à Tréguier et Rennes par le duc43. Devenu dominant à la cour, il peut accélérer la prédominance du parti breton au conseil et à la cour, puisque 29 des 34 pensions versées en 1481-1482 le sont à des Bretons44. Landais agit dès lors à sa guise : sous prétexte de complot avec Louis XI, il accuse de crime de lèse-majesté le chancelier Chauvin en 1481, le fait incarcérer sans opposition et le laisse mourir de mauvais traitements en 148445.

19Le triomphe du parvenu Landais finit par faire obstacle aux intérêts des élites nobiliaires bretonnes présentes à la cour, au point qu’elles se coalisent avec les courtisans « étrangers » afin de reprendre le contrôle sur le duc et le gouvernement de la principauté. Une scène en dit long sur la perte d’autorité et la marginalisation du duc, devenu le jouet des factions concurrentes. Le 7 avril 1484, Jean de Chalon, prince d’Orange, le maréchal de Rieux et ses hommes envahissent le château de Nantes et pénètrent jusque dans la chambre du duc pour y dénicher le trésorier Landais, qui réussit néanmoins à s’échapper. Chassés par la pression populaire, les conjurés s’enfuient de Bretagne et négocient avec la France le traité de Montargis (22 octobre 1484), par lequel ils reconnaissent Charles VIII comme l’héritier légitime du duc François II : Landais les fait condamner par contumace pour crime de lèse-majesté46. Quelques mois plus tard, en 1485, ces grands nobles et barons réussissent cette fois leur « coup d’État47 » : ils font arrêter Landais, le jugent et l’exécutent à Nantes pendant que le duc, enfermé dans sa chambre, est diverti par le seigneur de Lescun, son homme de confiance depuis vingt-cinq ans, complice dans l’affaire48. Le succès des conjurés ne s’arrête pas là, car seulement quelques jours plus tard, ils obtiennent le pardon du duc et la damnatio memoriae de Landais pour « d’énormes et détestables crimes et maléfices » ! Vers la fin de son règne, le duc a manifestement perdu toute autorité face aux luttes de clans au sein de sa cour.

20L’élimination de Landais amène à la tête du duché un triumvirat de grands nobles bretons et français : on y trouve le prince d’Orange, ennemi de la régente de France Anne de Beaujeu, le baron breton Jean de Rieux49, qui dirigeait le clan pro-français depuis quelques années, et le sieur de Lescun qui, comme nous l’avons vu, jouait un double jeu depuis plus d’une décennie50. Un dernier rebondissement se produit en avril 1487, lorsqu’une soixantaine de nobles bretons, dont les grands barons Rohan, Laval et Rieux dénoncent à leur tour l’influence des courtisans français auprès de François II, visant particulièrement le prince d’Orange et le seigneur de Lescun : comble du retournement de situation, ces nobles bretons font appel au roi Charles VIII pour obtenir une aide militaire. Ce renversement des fidélités, signifiant la rupture du contrat entre le duc et les grands courtisans bretons, n’est que le prélude à quatre années de guerre en Bretagne et à la fin de facto de l’indépendance bretonne.

Conclusion

21Déchirée par de nombreuses rivalités pendant trois décennies, la cour de Nantes sous François II a été un lieu de tensions, d’intrigues et de contestations de l’autorité princière. Il ne semble pas exagéré de parler d’une guerre de factions, qui a joué de l’opposition entre la Bretagne et la France et a constitué une entrave au bon gouvernement du duché. Au-delà des intérêts de la dynastie princière ou de l’État breton, les courtisans agissent selon des stratégies individuelles au profit de leurs lignages. L’engagement au service d’un prince est la garantie d’accéder à des ressources de toute nature, aussi bien politiques que matérielles et symboliques. Puisque la cour est un « lieu organisé de cette forme monopolisée de compétition51 » et que tous les moyens sont utiles dans cette lutte d’influence permanente, les actions des courtisans peuvent s’insérer dans une logique de clientélisme, qui autorise la pratique de l’alternance des engagements politiques entre Bretagne et France (Du Chastel Rohan), voire le double-jeu des fidélités (De Lescun).

22Fin observateur de la cour de Bretagne pour l’avoir cotoyée pendant un demi-siècle, le grand rhétoriqueur Jean Meschinot utilise dans sa ballade intitulée « La cour est une mer » la métaphore d’une principauté figurée comme un navire en perdition, par la faute des officiers et courtisans. Et il conclut par un conseil avisé à tous les souverains du temps : il faut savoir s’émanciper des courtisans pour se consacrer au bon gouvernement52. Cet avertissement, lieu commun de la poésie de cour, n’a manifestement pas été entendu par François II : incapable de manœuvrer la cour au mieux des intérêts de l’État breton, le duc a subi trois décennies durant l’influence des factions successives, au point de se retrouver instrumentalisé par les plus puissants des courtisans. En Bretagne, la société aristocratique qui peuple la cour de François II a bel et bien constitué une entrave à la cour comme institution politique et in fine au bon gouvernement ducal. En revanche, le conseil prodigué par Meschinot et d’autres moralistes semble avoir été entendu par Louis XI53. Le roi de France a préféré renoncer à une cour prestigieuse, en réduisant ses dépenses de fonctionnement, en mettant à distance de sa personne les courtisans, tout en achetant leur fidélité par de généreuses pensions. Entouré de quelques conseillers de confiance issus de la bourgeoisie et de la petite noblesse, il n’eût jamais à supporter la pression directe d’une cour soumise aux intrigues des grands nobles et toujours tentée par le contrôle du pouvoir du prince.

Notes de bas de page

1 « La cour est une mer », Les Lunettes des princes, Michel le Noir (éd.), Paris, 1501, p. 136-137, v. 25-28 (Paris, BnF, Rés Ye 284).

2 Pour un exposé détaillé du règne de François II, se reporter à l’étude de Dupuy Antoine, Histoire de la réunion de la Bretagne à la France, 2 t., Paris, Hachette, 1880, renouvelée par Le Page Dominique et Nassiet Michel, L’union de la Bretagne à la France, Morlaix, Skol Vreizh, 2003.

3 Voir le portrait encore quelque peu moralisant de François II in Leguay Jean-Pierre et Martin Hervé, Fastes et malheurs de la Bretagne ducale (1213-1532), Rennes, Ouest-France, 1982 (rééd. 1997), p. 391. Sur la construction de l’État breton, voir Kerhervé Jean, L’État breton aux xive et xve siècles. Les ducs, l’argent et les hommes, 2 t., Paris, Maloine, 1987 et sa synthèse L’État breton (1341-1532), Morlaix, Skol Vreizh, 1987.

4 Nassiet Michel, « Fidélités et perspectives dynastiques dans la noblesse bretonne lors de la crise de succession (1470-1491) » et Le Page Dominique, « Noblesse et pouvoir royale en Bretagne (1480-1540) », in Jean Kerhervé (dir.), Noblesse de Bretagne du Moyen Âge à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1997, p. 103-128 et 129-148.

5 Elle compte plus de 700 membres en 1488. Jones Michael, « Dukes, Nobles and the Court in Late Medieval Brittany », in Marco Gentile et Pierre Savy (dir.), Noblesse et États princiers en Italie et en France au xve siècle, Rome, École française de Rome, no 416, 2009, p. 269.

6 Pour une discussion nuancée sur le statut de capitale du duché de Bretagne, voir Kerhervé Jean, « Nantes, capitale des ducs de Bretagne ? », in Jean Guiffan et Didier Guyvarc’h (dir.), Nantes et la Bretagne. Quinze siècles d’histoire, Morlaix, Skol Vreizh, 1996, p. 63-78 ; et Hamon Philippe, « Quelle(s) capitale(s) pour la Bretagne (xve-xviie siècle) ? », in Jean-Marie Le Gall (dir.), Les capitales de la Renaissance, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 71-84.

7 Mandement du 12 octobre 1466, publié par La Borderie Arthur de, « Les monuments de l’architecture militaire du Moyen Âge en Bretagne », Bulletin archéologique de la société bretonne, 3e série, t. 5, 1886, p. 188-191.

8 En témoigne la construction d’hôtels urbains à proximité du château, comme celui du vice-chancelier Jean de Rouville ou la demeure de Briord, édifiée en 1473 pour le trésorier Pierre Landais. Le problème du logement n’est pas pour autant réglé, puisqu’une ordonnance ducale de 1486 incite les habitants de la ville à agrandir leur demeure « pour loger et recevoir ses gens, officiers et serviteurs, nobles et autres » (archives municipales de Nantes, EE 88, cité par Le Méné Michel, « La Construction à Nantes au xve siècle », Annales de Bretagne, t. 68, no 3, 1961, p. 369). Sur le château et le paysage monumental de la ville, se reporter à l’ouvrage collectif suivant : Faucherre Nicolas et Guillouët Jean-Marie (dir.), Nantes flamboyante, 1380-1530, Nantes, Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, 2014.

9 Brice Catherine, « La cour, les cours, quelques propositions », Hypothèses, vol. 12, no 1, 2009, p. 87-96.

10 Paravicini Werner, « Structure et fonctionnement de la cour bourguignonne au xve siècle », in Jean-Marie Cauchies (dir.), À la cour de Bourgogne. Le duc, son entourage, son train, Turnhout, Brepols, 1998, p. 1-8.

11 En 1459, il est honoré comme chevalier de l’ordre de l’Hermine et reçoit des bijoux de la duchesse Marguerite. Voir Vasselot de Régné Clément de, « Du roi aux princes, trajectoire et allégeances d’un gascon de Poitou entre les cours de France, de Bourgogne et de Bretagne : Poncet de Rivière (v. 1435-1495) », in La chasse à l’homme en histoire du Moyen Âge. Identifier et pister des individus, Journée d’études de l’ENS de Lyon, 7 et 8 juin 2016, p. 3, [https://univ-poitiers.academia.edu/ClémentdeVasselotdeRégné, consulté le 17 avril 2020].

12 Kerhervé Jean, « Les Du Chastel et les ducs de Bretagne de la maison de Montfort », in Yves Coativy (dir.), Le Trémazan des Du Chastel, du château fort à la ruine, actes du colloque de Brest, juin 2004, Brest/Landuvez, CRBC, p. 61-72.

13 Non sans avoir néanmoins essayé d’offrir ses services au nouveau roi, d’après une lettre du 17 juillet 1461 (Du Fresne de Beaucourt Gaston, Histoire de Charles VII, t. VI, Paris, Picard, 1891, p. 440).

14 L’évolution de la somme accordée comme pension à Du Chastel est révélatrice de l’importance croissante qu’il prend dans l’entourage du duc : de 900 livres en 1462-1463 pour trois quartiers, soit 1 200 livres pour l’an, outre 800 livres de récompenses, puis 2 000 livres en 1465-1466 (Morice Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire civile et ecclésiastique de Bretagne, Paris, imprimerie Charles Osmont, 1756, t. 3, col. 65-66 et 146).

15 Ce dernier obtient le poste de gouverneur de la seigneurie de Montfort l’Amaury, outre une pension annuelle de 500 livres tournois (archives départementales de Loire-Atlantique, B 2, fo 22 vo).

16 Kerhervé Jean, « Les Du Chastel… », art. cité, p. 66, n. 94.

17 Il est aussi largement responsable de l’entente entre Bretagne et Bourgogne en 1464 et participe à une ambassade en Angleterre en mai 1465 (ibid., p. 68).

18 Bouchart Alain, Grandes croniques de Bretaigne, Marie-Louise Auger et Gustave Jeanneau (éd.), 3 vol., IV, 244, 5-6, t. 2, Paris, Éditions du CNRS, 1986-1998, p. 397-398. Le chroniqueur utilise le terme « mignon » à trois reprises dans la même page, en désignant nommément le vice-chancelier François de Rouville, « qui l’un des mignons du duc estoit ». Voir Contamine Philippe, « Pouvoir et vie de cour dans la France du xve siècle : les mignons », Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 138e année, no 2, 1994, p. 541-554.

19 Le chroniqueur Olivier de la Marche précise que « le duc de Bretaigne éloingna de luy Tanneguy du Chastel : et dist-on que c’estoit à l’appétit du seigneur de Lescut, Oudet de Rie » (Jaurgain Jean de, « Deux comtes de Comminges béarnais au xve siècle », Bulletin archéologique du Gers, t. 17, 1916, p. 138). La haine entre les deux hommes sera tenace comme le prouve un différend en 1472, dont joue habilement le roi Louis XI pour obtenir les faveurs de Tanguy Du Chastel (ibid., t. 18, 1917, p. 26).

20 Morice Hyacinthe, Preuves, op. cit., t. 3, col. 208-209. Payen Gaudin ajoute « qu’il a peu souhaiter l’éloignement de tous ces étrangers, non par haine pour eux, mais pour le bien du pays qu’il envisageoit uniquement ».

21 Jones Michael, « Aristocratie, faction et État dans la Bretagne du xve siècle », in Philippe Contamine (dir.), L’État et les aristocraties (France, Angleterre, Écosse). xiie-xviie siècle, Paris, Presses de l’ENS, 1989, p. 129-160 : l’auteur a quelque peu insisté sur son rôle actif pendant quelques années (p. 146), mais n’a pas vu qu’il a accompagné le duc pendant quasiment tout le règne, peut-être parce qu’à partir de 1473, il est désigné par le titre de comte de Comminges. Le seigneur de Lescun n’apparaît pas du tout au conseil ducal entre 1461 et 1463 (Lejeune Anne, « Les conseillers du duc de Bretagne. Le milieu des hommes de pouvoir en Bretagne au début du principat de François II, 1459-1463 », Mémoire de la Société Historique et Archéologique de Bretagne, t. 68, 1991, p. 87-127), n’est présent qu’à deux sessions en 1464 (archives départementales de Loire-Atlantique, B 3, fo 115 vo et fo 145) et à une seule reprise en 1466 (archives départementales Loire-Atlantique, B 4, fo 136 vo-fo 137 vo).

22 Jones Michael, « Aristocratie… », art. cité, p. 145 ; et archives départementales de Loire-Atlantique, B 5, fo 39 vo.

23 Jaurgain Jean de, « Deux comtes… », art. cité, 1917, p. 13-14.

24 Acte du 1er octobre 1464 (archives départementales de Loire-Atlantique, B 3, fo 137 vo), confirmé par le compte du trésorier Landais de 1465-1466 (Morice Hyacinthe, Preuves…, op. cit., t. 3, col. 146).

25 Jones Michael, « Aristocratie… », art. cité, p. 146 et n. 40 p. 158 (Bouchart Alain, Grandes Croniques…, op. cit., IV, 265, 1, p. 420).

26 En 1478, après la ratification de la convention de Senlis par les états à Redon, Lescun, Soupplainville et Chauvin sont encore les ambassadeurs envoyés auprès du roi (Jaurgain Jean de, « Deux comtes… », art. cité, vol. 18, 1917, p. 201).

27 Blanchart Joël, Louis XI, Paris, Perrin, 2015, p. 89.

28 Jaurgain Jean de, « Deux comtes… », art. cité, vol. 18, 1917, p. 32 et p. 30-33 sur toutes les tentatives d’approche de Louis XI en 1472.

29 Ibid., p. 197-198. En 1481, il est le quatrième officier le plus largement pensionné par le roi avec 9 000 livres, tandis que son affidé Soupplainville touche 1 200 livres (voir Dauphant Léonard, « Les 700 pensionnaires de Louis XI. Étude et édition d’un rôle de 1481 », Annuaire-Bulletin de la société de l’histoire de France, 2011, p. 35-36).

30 Morice Hyacinthe, Preuves…, op. cit., t. 3, col. 273.

31 Sur ce personnage, je me permets de renvoyer à mon étude, « Fastes et malheurs du métier de favorite : Antoinette de Maignelais, de la cour de France à la cour de Bretagne (1450-1470) », in Juliette Dor, Marie-Élisabeth Henneau et Alain Marchandisse (dir.), Maîtresses et favorites dans les coulisses du pouvoir, du Moyen Âge à l’époque moderne, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2019, p. 155-170.

32 « Le duc estoit si tresaffublé de ceste madamoyselle de Villequier que personne n’avoit credit ne support en court si non ceulx qu’elle avoit en grâce » (Bouchart Alain, Grandes Croniques…, op. cit., IV, 255, 1, p. 409-410). Payen Gaudin accuse d’ailleurs les seigneurs bretons d’être « bien lâches de souffrir ladite dame et les étrangers auprès du Duc » et affirme qu’ils devraient les chasser hors du pays (Morice Hyacinthe, Preuves, op. cit., t. 3, col. 208). Cet officier ducal passe au service du roi et reçoit 1 200 livres de pension en 1481 (Dauphant Léonard, « Les 700 pensionnaires… », art. cité, p. 58).

33 « Dix escus […] donnez par Guillaume de Soupplainville demeurant o le Sieur de Lescun à la mere du bastard de Bretaigne » (Morice Hyacinthe, Preuves…, op. cit., t. 3, col. 167, compte de 1466-1467).

34 « La dessusdicte de Villequier qui consceut, comme l’on a voulu dire, contre ledit du Chastel telle hayne qu’elle tendoit à le affoler » (Bouchart Alain, Grandes Croniques…, op. cit., IV, 255-1, p. 409-410). Louis XI ne s’y est pas trompé, car quand Du Chastel le rejoint, il lui donne les biens et seigneuries situées en France confisqués à Antoinette de Maignelais (Kerhervé Jean, « Les Du Chastel… », art. cité, p. 70).

35 Morice Hyacinthe, Preuves…, op. cit., t. 3, col. 208.

36 Bouchart Alain, Grandes Croniques…, op. cit., IV, 246, 1, p. 399-400.

37 Pour une approche détaillée des relations tumultueuses entre ce personnage et le duc, je me permets de renvoyer à mon ouvrage, La malédiction des sept péchés. Une énigme iconographique dans la Bretagne ducale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.

38 Morice Hyacinthe, Preuves…, op. cit., t. 3, col. 209.

39 Sur ce conflit et la puissance acquise par Landais, voir Kerhervé Jean, « Au service des finances ducales : Pierre Landais », Dalc’homp soñj, t. 15, 1986, p. 22-28.

40 Archives départementales de Loire-Atlantique, E 198, nos 23-24 ; Morice Hyacinthe, Preuves…, op. cit., t. 3, col. 38-40.

41 Ibid., col. 399-400.

42 Voir le schéma du réseau Landais dans les années 1480-1485 in Kerhervé Jean, L’État breton…, op. cit., t. 1, p. 294.

43 Juste avant sa chute, Landais pouvait escompter le soutien de sept des neuf évêques (Pocquet du Haut-Jussé Barthélémy-Amédée, Les Papes et les Ducs de Bretagne : essai sur les rapports du Saint-Siège avec un État, Spézet, Coop Breizh, 2e éd., 2000 [1929], p. 655-656).

44 Maitre Léon, « Le budget du duché de Bretagne sous le règne de François II », Annales de Bretagne, 1890, p. 302-303.

45 Selon le chroniqueur Bouchart, qui le juge sévèrement, il aurait ainsi travaillé à isoler le duc de ses autres conseillers et à se substituer même à François II dans le gouvernement du duché (Bouchart Alain, Grandes Croniques…, op. cit., IV, 307, 2-15, p. 465-473).

46 Morice Hyacinthe, Preuves…, op. cit., t. 3, col. 433-437.

47 Selon l’expression de Le Page Dominique et Nassiet Michel (dir.), L’union…, op. cit., p. 67.

48 Le seigneur de Lescun est peu présent à Nantes entre 1478 et 1483 et se consacre à son comté de Comminges, mais son frère Perrot d’Aydie reçoit une pension de 600 livres (Maitre Léon, « Le budget… », art. cité, p. 302). Le seigneur de Lescun revient quant à lui à Nantes en 1483 après la mort de Louis XI et donc en 1485 en lien avec l’affaire Landais (Jaurgain Jean de, « Deux comtes… », art. cité, vol. 18, 1917, p. 201 et vol. 19, 1918, p. 47-49).

49 Il est nommé maréchal de Bretagne en 1470, puis lieutenant général du duc depuis 1472. Voir Contamine Philippe, « Jean IV, sire de Rieux, maréchal de Bretagne (1447-1519) », Bulletin de l’Association bretonne, 126e Congrès d’Ancenis, vol. 108, 1999, p. 143-164.

50 Il poursuit toujours son double-jeu, puisqu’il est en même temps pensionné par les Beaujeu (Dupuy Antoine, Histoire…, op. cit., t. 2, p. 82).

51 Pour reprendre l’expression de Elias Norbert, La société de cour, Paris, Flammarion, 1985, p. 147, appliquée à la cour de Louis XIV.

52 Hüe Denis, « Meschinot témoin de la Bretagne et de la France : la fabrication d’un poète national du xie au xxe siècle », in Hélène Bouget, Amaury Chauou et Cédric Jeanneau (dir.), Histoires des Bretagnes 4. Conservateurs de la mémoire, Brest, CRBC, 2013, p. 213-231.

53 Lassalmonie Jean-François, « Le prince a-t-il besoin d’une Cour ? Le cas de Louis XI, roi de France (1461-1483) », in Gerhard Fouquet, Jan Hirschbiegel et Werner Paravicini (éd.), Hofwirtschaft. Ein ökonomischer Blick auf Hof und Residenz in Spätmittelalter und Früher Neuzeit, Ostfildern, Jan Thorbecke Verlag, 2008, p. 123-139.


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