Chapitre V. Un gouverneur de justice
p. 163-180
Texte intégral
1Le souverain, roi justicier dans un État de justice, est contraint de déléguer localement l’exercice de sa justice, notion complexe s’il en est, associée à la vertu chrétienne et à l’équité1. En Bretagne, le prévôt des maréchaux, les sénéchaux, leurs lieutenants, les alloués, puis les officiers du présidial (1552) et enfin le Parlement (1554), veillent ainsi au bon respect des lois du souverain. Pour superviser et encadrer ce maillage d’institutions judiciaires, la monarchie fait pleinement confiance au gouverneur présent sur place, autorité supérieure capable de faire respecter les lois du souverain par tous, ses lettres de provision précisant bien qu’il doit être obéi « par les gens de la cour de parlement, chancellerie de Bretaigne, baillifs, seneschaulx, allouez et lieutenants2 ». Lors de la création du parlement de Bretagne, il est même celui qui accompagne la naissance de l’institution. Dès lors, à bien des égards, le duc d’Étampes peut apparaître comme un « gouverneur de justice », situation qui ne doit pas choquer tant certains gouverneurs détiennent déjà des pouvoirs judiciaires conséquents. Ici comme pour les finances, l’enjeu est de saisir s’il s’agit d’une tutelle du gouverneur exercée sur les institutions judiciaires bretonnes ou plutôt d’une collaboration entre eux ; s’il s’agit de cohérence d’action ou parfois même, d’incompréhension.
Le gouverneur et les gens de justice
Les sénéchaux : des enquêteurs
2Un mémoire établi par le duc d’Étampes et daté de 1563 décompte 34 ou 35 sénéchaussées en Bretagne3. L’année suivante, après une réforme de la carte des sénéchaussées bretonnes, il en reste 14 ou 15, ce qui reste encore élevé4. Les sénéchaux et leurs lieutenants sont des nobles d’épée compétents en matière de justice, des officiers prestigieux, anciens et de robe longue dont les compétences sont encore supérieures à celles des alloués, contrairement au reste du royaume5. En ville, ils représentent la personne royale et le gouverneur lui-même. Ce dernier les emploie d’ailleurs très souvent pour enquêter sur des sujets précis.
3La pratique de l’envoi du procès-verbal au gouverneur est alors fréquente et permet, pour ce dernier, une bonne connaissance des dossiers locaux. C’est même bien souvent Étampes qui demande des procès-verbaux détaillés aux officiers de justice. Ainsi, en 1557, il réclame à Charles Bernier, sr du Latay, lieutenant général de la sénéchaussée de Rennes, de procéder à une enquête sur l’état des défenses de la ville de Rennes : état des fortifications, présence et logement du capitaine, qualité de l’artillerie, des poudres, présence des portiers, organisation et efficacité de la milice bourgeoise, etc.6. Outre l’envoi d’une commission détaillée, il précise l’action à mener et donne l’ordre suivant :
« Appellez avec vous le sénéchal et aultres officiers de la justice en ladite ville et y faicte bien et ample proceix verbal en quel estat vous les aurez trouvez que vous m’envoyerez incontinant ladite monstre [des bourgeois] faicte7. »
4Il est aussi fréquent que le duc reçoive des mandements royaux qu’il délègue ensuite au sénéchal local tant l’affaire est minime. C’est par exemple le cas en 1549-1551, lorsqu’il reçoit l’ordre d’instituer un contrôleur des deniers communs à Dinan et qu’il délègue simplement l’affaire au sénéchal, François Glé8. En 1545, 1548 puis 1553, lorsqu’il départit l’assiette de l’impôt extraordinaire que le roi demande en Bretagne, il édicte à nouveau des commissions envoyées aux sénéchaux pour lever localement les fonds. Celui de Rennes, Bertrand d’Argentré, rédige ainsi une ordonnance à la suite d’une commission reçue9.
5Représentants du roi en ville, les sénéchaux sont aussi utiles dans le cadre de représentations officielles. En 1548, Étampes s’appuie sur celui de Nantes pour inciter les bourgeois à organiser des festivités en l’honneur de Marie Stuart10. Le sénéchal est un informateur de choix : « Ce qu’on advisera de faire, vous m’en advertirés pour vous en mander mon opinion », lui dit le duc. En 1560, c’est encore vers le sénéchal de Nantes qu’il se tourne pour faire « bon accueil » au grand prieur de Lorraine, venu avec ses galères, lui-même étant à Vannes pour les États11. Les officiers des sénéchaussées peuvent également le seconder dans l’encadrement des hommes en armes ou même des prisonniers. En 1543, lorsqu’il convoque pour la première fois l’arrière-ban breton, Étampes adresse ses lettres de commission « à noz chers et bien amez les senneschaulx, allouez, baillifs, lieutenans et procureurs de toutes les bourgs et juridictions » de la province12. En 1555, il s’appuie à nouveau sur la sénéchaussée d’Hennebont pour s’occuper de vingt prisonniers espagnols faits en mer13. Trois ans plus tard, il ordonne au sénéchal de Nantes de se charger des prisonniers anglais qu’il a faits au Conquet14. En 1557, il s’appuie encore sur François Glé, sénéchal de Dinan qui a succédé à son père, pour solder les francs-archers et élus de l’évêché de Saint-Malo15. À Rennes, Bertrand d’Argentré s’occupe de l’encadrement de soldats et doit y dresser l’étape de ses cavaliers en 156416. Car depuis le début des troubles, il s’avère un excellent relais de ses préoccupations religieuses. En 1560, il lui rapporte :
« Monseigneur, je ne doibs pas oublier à vous dire combien aulcuns d’eux ont esté marris que j’aye publié par commission du Roy ung Edit qui leur déffend d’assister aux sermons de la secte […] et croi que j’ai fait grand plaisir à beaucoup de petits juges de plat pays qui avoient eu semblables commissions17. »
6Ce genre d’initiatives fait qu’en 1560, Étampes, sur le point de partir en cour retrouver le roi, admet que les meilleurs relais de son autorité judiciaire sont les sénéchaux, comme le sont ceux de Nantes, Rennes et Vannes18. À Nantes, le sénéchal Le Maire est aussi utilisé dans l’encadrement des gens de guerre, assisté de son greffier, Guillaume Gaudin19. Il n’hésite pas non plus à livrer ses impressions au gouverneur :
« Monseigneur, je ne veux oublier à vous advertir que je ai par deux ou trois fois communiqué avec un gentilhomme de Poitou, homme de bien et catholique, lequel a grandes cognoissances des choses et homme lettré, qui m’a dit qui ont obtenu pardon du Roi, que ce néantmoins ils font prédications et assemblées plus que jamais voire jusques à l’un deux de lever gens à l’encontre du Roi ; car je ai peur qu’il y en ait de tant oubliez en ce pays, qui ne veullent recongnoistre la douceur dont le Roi use en leur endroit20. »
7Face aux troubles et aux menaces qui surviennent de toutes parts, le sénéchal prend même l’initiative d’assembler l’arrière-ban à Nantes, en 1562, compétence qui relève de sa charge mais sous l’autorité d’Étampes, auprès duquel il ressent le besoin de se justifier :
« Encores que je n’ais autre commission, voyant la nécessité des choses, je ai délibéré faire mander l’arrière-ban de par vous pour comparoir à mardi, attandant qu’il vous plaise leur commander21. »
8Ainsi, les sénéchaux sont des individus des plus importants dans le dispositif du maintien de l’ordre. Ils sont des relais, des informateurs et des soutiens dans bien des domaines, à l’exemple de l’encadrement des troupes en ville ou sur le littoral, et correspondent souvent avec le gouverneur et ses secrétaires22. La correspondance que le duc entretient avec les officiers de justice de Saint-Malo fait d’ailleurs ressortir une forte demande de récépissés de réception de ses lettres, pratique qui garantit la bonne application locale des ordres. En 1563, Étampes estime ainsi que l’alloué et ses adjoints de Saint-Malo ont rendu un « sy mauvaix ofice » que les troubles de huguenots (saccages de croix et d’images religieuses, pillages d’églises, vols de prêtres, etc.) ne cessent pas, en dépit de la signature de l’édit d’Amboise. Sa missive, d’un ton sec, se termine par un acerbe post-scriptum : « Je vous envoys seullemant ceste lettre, d’autant que verballement je vous avois commandé le contenu en icelle ces jours passez à St Malo, pour en avoir recepicé affin que si par votre faulte il y arrive quelque inconvéniant vous en respondrez23. » La demande d’un récépissé d’une lettre envoyée vient assurément protéger juridiquement le gouverneur, renvoyant les officiers royaux à leurs propres responsabilités.
9Plus généralement donc, c’est tout le personnel des sénéchaussées qui est mobilisé. En 1545, Étampes écrit ainsi aux officiers des sénéchaussées de Vannes et Auray pour défendre à quiconque de visiter les navires des ports sans commission de lui, certains individus s’étant arrogé ce droit en vertu de commissions qu’il avait signées sur d’autres sujets24. À Nantes, il s’appuie sur le sénéchal de la ville mais aussi sur le greffier d’office criminel du sénéchal, Guillaume Gaudin, sr de La Chauvinière, qui deviendra en 1570 greffier en chef civil du parlement de Rennes. Parfois envoyé en cour par les bourgeois de Nantes, il établit un grand nombre de procès-verbaux des autorités municipales, tout en copiant bon nombre de documents pour le gouverneur, qui le commissionne d’ailleurs pour passer en revue la garnison de la ville25. Assisté d’un commis, ce greffier est un magistrat influent et important. Il est aussi bien un auxiliaire du sénéchal qu’une aide précieuse pour le gouverneur lorsqu’il est de passage dans la ville. En effet, l’occasion est trop belle de profiter de ses services tout en offrant du repos à ses propres secrétaires. Gaudin ne s’y trompera pas en demandant plus tard à être directement rémunéré par les gouverneurs, devenus ses véritables employeurs et supérieurs.
10L’emploi des sénéchaux est d’autant plus facilité que certains proviennent de la sphère domestique. Seigneur haut justicier, il n’est pas surprenant qu’Étampes nomme ses propres sénéchaux à Guingamp, Lamballe ou Moncontour. Quant aux sénéchaussées royales plus éloignées d’une influence seigneuriale, il n’est pas rare qu’il propose son propre candidat. À Dinan, le sénéchal François Glé, sr de La Costardaye, est un vassal26. Même profil pour Charles Bernier du Latay : vassal, il accède à la lieutenance générale de la sénéchaussée de Rennes après une longue carrière dans les armes27. Sa position au croisement du monde de la robe et de l’épée apparaît davantage comme un atout qu’une contrainte, ce qui permet de l’utiliser aussi bien dans le cadre d’affaires judiciaires très précises que pour la défense armée d’une place forte. On a là affaire à une importante polyvalence de ces agents – au service du roi, des Grands, des gouverneurs –, polyvalence qui correspond à un État relativement peu bureaucratique si l’on s’en tient aux catégories wébériennes d’analyse des pouvoirs28. Puis, un autre officier apparaît souvent lorsque la mobilité est requise : le prévôt des maréchaux. C’est ce jeu d’échelles en matière d’espaces d’action qu’il convient à présent d’analyser.
Le prévôt des maréchaux : un geôlier à cheval
11En Bretagne, la charge de prévôt des maréchaux est l’apanage de la famille du Plessis d’Argentré, bien possessionnée autour de Vitré. Léonard (1543-1549) puis Mathurin (1549-1572) et enfin Gilles (1572-1601) se transmettent de père en fils une charge royale créée en 1533 – mais que la version ducale a précédé. Dominique Le Page y voit un « souci d’aligner les institutions bretonnes sur celles du royaume […] et celui de renforcer les pouvoirs du gouverneur dont dépend le prévôt des maréchaux et qui peut nommer les archers de sa compagnie29 ». Le prévôt, qualifié par la suite de grand prévôt de Bretagne, est un magistrat de robe courte qui peut se saisir des justiciables pour les juger ou bien les présenter devant une cour de justice, comme un Parlement. Assisté de 14 archers, son rôle est d’être mobile et de s’emparer des individus, à la différence d’un sénéchal qui ne traque que très rarement les malfaiteurs en personne. Le prévôt et ses archers se déplacent donc constamment : leurs cibles sont avant tout les vagabonds, les voleurs – toujours plus nombreux à la faveur des troubles religieux30 –, les déserteurs, les gens de guerre désordonnés, tout justiciable un tant soit peu éloigné d’un siège de justice.
12Il apparaît très nettement que le prévôt et ses hommes sont aux ordres du gouverneur ou des lieutenants généraux. En novembre 1543, c’est après avoir reçu la validation d’un acte du Dauphin, qu’Étampes lui-même nomme à ce poste Léonard du Plessis et reçoit son serment entre ses mains. L’impétrant avait été gendarme puis maréchal des logis de l’hôtel d’un précédent gouverneur de Bretagne, Guy de Laval, et Étampes l’avait récemment commissionné en juillet pour l’intendance de ses soldats lors de la descente anglaise avec pouvoir déjà d’user de « pugnission corporelle » sur les désobéissants31. En 1554, François de Rohan-Gyé affirme encore depuis Landerneau « que monsieur du Plessis, provost des maréchaux, et sa bande, a depuis le mois de février toujours été à ma suite et près de moi […] pour toujours fortifier l’autorité de la justice, comme chose très requise et nécessaire32 ». En effet, en mai, Gyé commissionne du Plessis pour constituer prisonniers des paroissiens de Lannion qui ont agressé un collecteur d’impôt. Son procès-verbal est contresigné par un secrétaire du gouverneur, indiquant ici une certaine tutelle33. Aussi, en 1552, le roi s’irrite que l’on chasse les « bestes rousses et noires dedans les foretz » de René de Rohan et d’Anne de Montmorency en toute impunité, empêchant de futures chasses royales, et écrit à Étampes pour ordonner au prévôt des maréchaux de s’atteler à l’affaire. Celui-ci doit obvier au « peu de debvoir » du prévôt, lui transmettre les lettres royales et planifier son travail de police des forêts, littéralement « luy tenir la main » pour faire connaître aux Bretons les ordonnances prises sur la chasse34.
13Dès lors, la noblesse bretonne, jouant sur des liens d’amitié et de fidélité, se tourne parfois directement vers le prévôt. En 1555, un vassal d’Étampes, Jacques de Beaumanoir, vicomte du Besso et échanson du roi, invoque son amitié avec le prévôt pour reconsidérer sa mission de « faire cercher en la maison du Bouays Mottay le seigneur d’icelle, maintenant homme d’églisse » et essaye de protéger toute la maisonnée : « Ilz sont mes parentz à raison de ceste bonne et anticque rasse du Pontbriend dont pouvez avoir ouy parler35 », lui dit-il. En revanche, les communautés font davantage appel au gouverneur. En 1563, lorsque les Malouins capturent « quatre pirattes de mer », ils le supplient d’« octroyer lettres adressantes au prévost des mareschaulx, qu’il vienne par deçà […] par ce que le délict est de si grande conséquance que il ne doibt demourer impugny36 ». Résolument, le prévôt agit sous le commandement d’Étampes. Et lorsqu’il est temps de réclamer un meilleur salaire pour leur travail, Mathurin du Plessis et ses hommes se tournent naturellement vers lui. En 1561, le duc les reçoit et écoute leurs humbles supplications puis relaie la demande au roi et justifie un bon salaire : « Tant pour ce que je leur ordonne [que] les occasions qui s’offrent ordinairement, mesmes à la court de parlement37. »
14Car théoriquement, le prévôt et ses hommes sont également soumis à l’autorité des parlementaires. Lorsqu’en 1554, Gyé se fait accompagner du prévôt et de ses archers, il tente de les rassurer en leur rappelant qu’à la moindre affaire qui surviendra, il les renverra vers eux, d’autant plus que le prévôt « s’y pourra soudainement trouver, pour être sa maison fort proche de Rennes où se tient ledit parlement38 ». Les registres secrets de la cour montrent bien qu’Étampes s’appuie à maintes reprises sur les compétences de Mathurin du Plessis, mais que, de plus en plus, il doit les partager avec les magistrats. Ainsi, en 1560, Bouillé fait un amer constat et déclare au roi : « Quant à en faire la justice sy prompte comme il vous plaist le me commander, votre prévost ne l’ozeroit faire39. » Du Plessis n’est résolument pas un homme d’initiatives. Lorsqu’en 1560 Bouillé désire interdire le port des armes en Bretagne, il se permet une réflexion d’ordre institutionnel sur la relation du prévôt à son gouverneur :
« Au temps passé, les gouverneurs dudit pays avoient congnoissance et en faisoient faire la justice par ledit prévost ou commissaires qu’ilz députèrent de ladite court de parlement et conseil qui estoient lors audit pays, ou bien par quelques juges royaulx d’icelluy40. »
15En 1562, une courte phrase d’Étampes dans un mémoire envoyé au roi en dit long : « Le prévost des mareschaulx est homme de bien mais si timide et craignant d’offencer la court de Parlement qu’on ne luy peult faire chastier personne41. » Sous-entendu, personne de la religion réformée, de peur des magistrats huguenots du Parlement. Ce partage des juridictions s’avère donc un frein institutionnel. En 1562, lorsque le duc envoie le prévôt à Dinan pour ramener et faire juger au Parlement quatre iconoclastes faits prisonniers, le procureur du roi de la sénéchaussée fait des difficultés pour les livrer, prétextant que les prisonniers sont nés dans sa juridiction, que les faits ont été commis « en la closture d’icelle ville » et que par conséquent, « les juges de Dynan [sont] leurs juges naturelz42 ». Il faut trois missives du gouverneur pour amener au Parlement les fautifs. L’année suivante, Étampes est encore sévère à propos du partage des compétences judiciaires de chacun auprès de la reine :
« J’ay encores trouvé, Madame, beaucoup d’autres petitz désordres ausquelz la justice a faict très mauvais debvoir de pourveoir et quant j’en ay parler à ceux des sièges présidiaulx de Nantes et Rennes, mesmement au prévost des mareschaulx, ilz m’ont dict que les lettres qui leur attribuent le pouvoir de toutes ces choses là ne sont poinct bonnes en ce pais dont je ne scay d’où peult venir la faulte43. »
16Las de ne pouvoir avoir constamment auprès de soi un homme de justice obéi de tous et à son service direct, le gouverneur de Bretagne fait donc de plus en plus appel à d’autres officiers royaux, eux aussi mobiles mais apparemment bien plus efficaces : les maîtres des requêtes.
Les maîtres des requêtes : ancrage provincial et conseil du gouverneur
17Dans le cadre de l’organe informel que constitue son conseil, le duc d’Étampes a régulièrement recours aux compétences judiciaires d’individus compétents en la matière pour le seconder. C’est ainsi le cas des maîtres des requêtes de l’hôtel du roi, qu’ils soient envoyés de manière occasionnelle par le souverain ou qu’ils soient déjà magistrats en Bretagne. Il semble qu’un tel entourage soit sinon imposé, du moins encouragé par le roi dès les premières années du gouvernement d’Étampes. Ainsi, dès 1543, François Ier lui déclare :
« Pour vous servir en cela et autres matières de conseil, je suis content que monsieur de Rennes [l’évêque], le maistre des requestes Coutel, et le sieur de la Pommeraie [premier président des comptes] demeurent par-delà pour faire ce que par vous leur sera ordonné pour mon service44. »
18Dès lors, deux maîtres des requêtes et un président des comptes sont présents dans son entourage immédiat pour le conseiller. L’Auvergnat Jean Coutel est conseiller puis président des enquêtes au parlement de Bretagne et ses successeurs, Antoine et Jean, seront solidement implantés dans la province, au Parlement comme à la chambre des comptes45. Coutel promu au Grand Conseil en 1544, et La Pommeraie mort l’année suivante, seul l’évêque de Rennes, Claude Dodieu de Vély, reste auprès d’Étampes. Ce prélat et diplomate lyonnais est d’abord coadjuteur puis évêque de Rennes et prend immédiatement possession de son évêché en 1541 en choisissant d’y résider et de s’enraciner dans le paysage local. Déjà conseiller au parlement de Paris, maître des requêtes de l’hôtel, puis conseiller au parlement de Bretagne, ses compétences en matière judiciaire sont pointues et servent au gouverneur. En 1548, lors du voyage de Marie Stuart, le roi permet à la jeune reine d’émettre des lettres de rémission dans les villes bretonnes dans lesquelles elle fera son entrée. Il écrit à Étampes :
« Pour ce que j’estime qu’elle n’a avecques elle homme de l’estat de la justice qui entende la forme et ordre qu’il fault tenir en l’expédition desdites rémissions, je veulx que l’evesque de Rennes qui est là, maître des requestes de mon hostel, aict ceste charge soubz elle46. »
19En 1557, Dodieu sert encore Étampes comme relais pour la transmission de lettres venues d’Angers et se félicite « d’avoir eu ceste occasion de vous faire service » tout en s’excusant de ne pouvoir le rejoindre à son conseil car, dit-il : « Je mectz peine de me ravoir d’une fascheuse maladye que j’ay icy eue47. » L’année suivante, sa disparition intervient au plus mauvais moment pour un gouverneur qui doit faire face à la fois aux menaces anglaises et aux troubles religieux naissants. C’est pourquoi Étampes obtient un nouveau maître des requêtes – encore plus issu du cru local – en la personne de René de Bourgneuf, sr de Cucé, juriste issu d’une famille de robe rennaise. Comme son père, il est devenu garde scel de la chancellerie de Bretagne en 1554, puis conseiller au nouveau Parlement. Il est fait maître des requêtes le 22 décembre 1558, quelques mois après la mort de Dodieu, ce qui traduit bien une volonté d’assigner un homme de ce corps au service du gouverneur48. Au début des troubles, Cucé fait son apparition dans le conseil d’Étampes et siège aussi parfois dans celui de Bouillé. Rapidement, Étampes note son importance auprès de lui dans sa tâche de pacification. En 1562, il explique au roi qu’il désire se l’attacher plus durablement pour l’assister :
« J’ay pensé, Sire, ne pouvoir myeux pourveoir, ne rompre plus promptement le chemyn que par le moyen de quelque digne personage, à qui il plairoit à vostre magesté donner la charge de m’assister et en congnoistre pour (avec tel nombre d’advocatz et autres gens de bien qu’on prendroit dessus les lieux où les deffaulx seroient exercez) en juger. Et par ce, Sire, que vous avez en ce pays le sieur de Cucé, lequel est maistre des requestes ordinaire de vostre hostel, tout porte icy où il vous pouroit faire aultant de service, qu’en son quartier par delà, où malaisement pouroit il aller seurement à ceste heure, que les passages d’icy autour sont tous bordez de gens portans les armes, s’il vous plaist, Sire, avoir agréable cest expedient et commander audict sieur de Cucé demourer par decà auprès de moy, luy en envoyant permission, il la scaura bien executer et si ne vous fera guères de despence, pour cela, qui merite (ce me semble) bien le y arrester, n’en ayant pour ceste heure aultre de telle qualité en cedict pays qui y puisse myeux satisfaire que luy, s’il ne vous y plaisoit employer le président de Belisle que je vouz y nommeroiés aussi volontiers, synon qu’il est à présent en exercice en vostre court de parlement49. »
20Toujours en 1562, sa demande est répétée et met à nouveau en avant les arguments financiers outre un argument religieux, l’absence de « passion » du juge qui doit l’assister. Il demande alors
« Avoir juges sans passion ny crainte pour promptement les juger [les huguenots] car la pluspart de ceulx du pais sont trop partiaulx, confundés et désireroit bien ledit duc d’Estampes avoir avec luy quelque homme de justice pour cest effect. À quoy il luy semble que le sieur de Cussé, maitre des requestes, seroit bien propre et sans despence pour le roy par ce que, n’ayant peu aller servir son quartier [auprès du chancelier], il le pouroit servir ainsi ayant commission pour le nombre qu’on adviseroit faire promptement pugnir ceulx qui seroient admenez audit duc d’Estampes50 ».
21En effet, la modération religieuse de Cucé lui vaudra d’être désigné commissaire de la pacification en Poitou, Aunis, Saintonge et La Rochelle en 1563. Et durant sa mission, il manque au conseil d’Étampes, qui doit donc s’appuyer sur le sr de Belle-Isle, président du Parlement. Véritablement, le conseil du gouverneur agit comme un véritable tremplin pour la carrière de Cucé, qui deviendra ensuite président au parlement de Rennes. Surtout, c’est le duc lui-même qui demande de se faire assister par un ou plusieurs maîtres des requêtes, efficace moyen d’apporter un poids à ses propres décisions. Il y a donc davantage eu collaboration entre ces individus plutôt qu’antagonisme. Dans les années 1590, le fait que le fils Cucé devienne intendant de justice dans l’armée du gouverneur prince de Dombes pousse à considérer que les intendants sont issus des maîtres des requêtes entrés dans les conseils des gouverneurs51.
22Il est donc notable que le gouverneur de Bretagne s’est véritablement appuyé sur ces compétents juristes, des plus utiles pour des questions techniques, notamment pendant les premiers troubles religieux. En 1562, lors de ses levées extraordinaires de deniers sur les argenteries des églises, il demande ainsi au roi de Navarre « d’en adresser la commission (avec celle que vous me devez envoier pour les autres) aux evesques et gens de justice, qui seront plus propres à la exécuter que moy52 ». Mais les Bourgneuf-Cucé cumulent à la fois carrière de maître des requêtes et carrière parlementaire quand Claude Dodieu conserve un droit d’entrée au Parlement, tant comme évêque de Rennes que comme maître des requêtes, et apparaît comme « conseiller né ». Les juristes qui intègrent le conseil du gouverneur de Bretagne sont donc aussi issus du milieu parlementaire.
Le parlement de Bretagne : entre collaboration, influence et concurrence
« Voz amys audict parlement »
23À son arrivée en Bretagne, le duc d’Étampes est rapidement mis en contact avec certains magistrats. Lors des expéditions d’Écosse de 1545, puis lors de l’accueil de Marie Stuart trois ans plus tard, il s’appuie d’abord sur François Calon, sr de La Porte. Ce Guérandais, installé comme docteur régent de l’université à Angers, agit comme un bon intermédiaire avec les Angevins qui le confirment d’ailleurs dans ce rôle « parce qu’il est de Bretaigne et a bonne congnoissance » des affaires de la province53. Conseiller au Parlement et futur président à mortier, il se fait très vite le porte-parole efficace du gouverneur54. Quelques années plus tard, en 1555, au moment de la restitution du Penthièvre, le duc d’Étampes prend légalement possession de ses terres grâce à François Brullon, sr de La Musse, et Michel Quelain, respectivement procureur du roi et président des enquêtes au Parlement55. Très apprécié par ses compétences, Quelain est ensuite employé à la réformation du Penthièvre, soit la mission d’inventorier avec précision les droits détenus grâce à son domaine. En 1556, Étampes écrit aux magistrats bretons de bien vouloir excuser son absence :
« Monsieur Quelain [est] venu icy, mais encore faut il que je vous supplie faire davantage pour moy et être contens qu’il demeure encore un peu et je vous assure de le vous renvoyer à la fin de la semaine qui vient et retrancherons mes affaires tellement qu’il n’y aura point de faute56. »
24Pour une telle mission, Étampes lui adjoint bientôt, Jacques Viart, conseiller au Parlement depuis 1554, gouverneur et bailli de Blois, et Jean d’Alesso, sr de Lezeau, trésorier de Montmorency, conseiller ordinaire des comptes à Paris et maître des comptes à Nantes puis Blois, « prêté » à Étampes par Montmorency57. Alesso et Quelain sont encore employés pour des affaires féodales comme celle visant à contraindre les habitants de Lamballe à faire le guet au château ou encore la destruction des maisons près des remparts58.
25Les magistrats du Parlement servent aussi le duc dans son objectif de maintien de l’ordre. Dans un mémoire au roi, Étampes reconnaît ainsi qu’il compte s’appuyer souvent sur Quelain dans les affaires de la province59. Et l’influence des magistrats dans son conseil de gouvernement va croissant à mesure que les troubles religieux s’intensifient. En 1560, il rapporte au roi à propos des troubles survenus à Nantes : « J’ay tousjours faict besoigner en ma présence et de monsieur de Bouillé avec trois des conseillers de votre court de parlement60. » S’entourer de trois parlementaires – Quelain, Viart, Calon ou Brullon ? – lui permet de contraindre et de punir dans les plus brefs délais, le tout en associant des membres de l’institution à ses décisions, ce qui ne manque pas de conforter son influence au sein même de la cour61.
26Cette influence peut d’abord être discrète : il s’agit de faveurs accordées, de protection, voire de promotion. S’observe ainsi un certain rôle dans la nomination aux offices du Parlement. Le duc n’a théoriquement pas le pouvoir de nommer des officiers au Parlement, prérogative qui revient toujours au pouvoir central, mais son pouvoir d’intercession auprès de la cour est tel qu’il peut assurément peser dans un choix et favoriser un protégé. En sens inverse, Montmorency peut placer et faire accepter ses hommes grâce à ses forts liens avec Étampes en Bretagne. En 1564, il n’hésite pas à évoquer son entremise afin qu’un serviteur, un certain Jacques Barrin, obtienne un poste de conseiller au parlement de Rennes. Le connétable lui demande dès lors d’user de « vostre aide et faveur envers voz amys audict Parlement, pour l’amour de moy, affin que à ceste prochaine séance il puisse estre receu62 ». On perçoit là les réseaux d’Étampes à l’œuvre au sein de l’institution. Dans ces conditions, on conçoit mieux que la Paulette de 1604, qui permettra aux officiers de transmettre d’eux-mêmes leurs charges moyennant finance, pourra être perçue par les Grands comme un frein à leur pouvoir de patronage au sein des parlements. Car du temps d’Étampes, nul doute que François Calon, François Brullon, Michel Quelain, ou Jacques Viart sont de solides et efficaces appuis en Parlement, une institution alors en pleine maturation et qui oscille constamment entre collaboration et concurrence avec le gouverneur. Par chance, les archives plutôt bien conservées de l’élite parlementaire permettent d’éclairer un peu plus les liens qui unissent gouverneur et magistrats.
Une parfaite entente avec l’élite parlementaire : le cas du président de Belle-Isle
27Les présidents du parlement de Bretagne – premier président et présidents à mortier – représentent l’élite parlementaire provinciale : accéder à de tels postes vient souvent récompenser de belles carrières dans la magistrature. Personnalités d’importance, ils sont de plus en plus sollicités par le gouverneur qui voit en eux de potentiels conseillers et relais de son autorité. Le meilleur exemple connu de parfaite entente – d’amitié pour reprendre les termes de Montmorency – est celui de Charles Le Frère, sr de Belle-Isle. Ce magistrat a mené une longue carrière : conseiller au Parlement et sénéchal de Vannes dès les années 1530, il est en 1544 alloué de Nantes et travaille déjà à la chancellerie de Bretagne. Puis, il devient sénéchal de Nantes, avant d’accéder à l’office de président à mortier au Parlement en 1558. Déjà proche du gouverneur Châteaubriant dans les années 1530, il apparaît comme un brillant juriste et entre très tôt en relations avec Étampes63. C’est en tant que président du Parlement qu’il s’avère le plus utile, et ce dès les premiers troubles religieux. Ainsi, en 1561, le duc livre à la reine mère un véritable témoignage des qualités du magistrat dans l’objectif du maintien de l’ordre :
« Il y a faulte d’homme qui puisse rendre la police en la justice telle qu’elle y est bien nécessaire, principallement durant ces divisions, et ne congnoissant personne plus digne et qui y puisse mieulx pourveoir sans particullarité que le président de Belleisle, il seroit bon qu’il vous pleust, madame, luy ordonner de n’en bouger, si vous ne délibérez de le mander pour vous aller trouver en votre assemblée du XXme de décembre, où je ne vous tairay pas aussi, madame, qu’il vous seroit bien propre et nécessaire pour la bonne et grande congnoissance qu’il a de l’estat des affaires de ce pais64. »
28Quelques mois plus tard, il se désole que le jeune Charles IX n’ait pas encore rencontré le magistrat breton :
« Suis bien marry que le président de Bellisle n’ayt receu le paquet que votre magesté avoit ordonné luy estre envoyé car s’il feust allé là je croy que vous l’eussiez congneu personne digne de vous faire service et aussi que ce eust tousjours esté plus de contentement à ceulx du pais qu’il y eust eu quelcun des leurs65. »
29En plus d’un tropisme breton particulièrement bien perçu en province, l’action et l’attitude de Belle-Isle sont particulièrement remarquées et louées66. Et comme le maître des requêtes Cucé, le président de Belle-Isle est présent au conseil d’Étampes avec qui il partage d’ailleurs ses convictions modérées. Il est un appui d’autant plus utile lors des entrées du gouverneur en Parlement, qui sont autant d’occasions de dialogue sur la nature des pouvoirs de chacun.
Entrer en Parlement
30En tant que représentant du roi, Étampes dispose d’un droit d’entrée au Parlement, ce qui permet, pour la monarchie, de bénéficier d’un commode relais de sa parole ainsi que d’un observateur de choix en la cour67. Par conséquent, c’est parfois le roi qui demande à son gouverneur d’effectuer une entrée en Parlement. Quant aux parlementaires, ils peuvent également solliciter son entrée pour lui demander de plaider leur cause auprès du roi ou pour toute demande d’assistance dans l’application et l’exécution des arrêts émis68.
31L’entrée du gouverneur est rapportée de manière très normée dans les registres du Parlement. À chaque fois, la cour est avertie par avance de sa venue. Après une courte attente devant la grande porte, deux conseillers – jamais les mêmes – viennent le chercher avant de le présenter officiellement à la chambre, là où le reste de l’assistance l’accueille et l’invite à prendre place. Parfois, l’entrée s’apparente à une simple visite de courtoisie, Étampes affirmant qu’« il s’est offert en sa puissance à la cour en général et en particulier », c’est-à-dire que sa personne publique comme sa personne privée sont dévouées au Parlement. Entre 1554 et 1565, Étampes est entré au Parlement à seize reprises. À l’origine, dans les années 1550, il s’agit avant tout de se montrer et d’affirmer un pouvoir politique devant une toute nouvelle institution judiciaire. Mais à mesure que les troubles religieux prennent de l’ampleur, ses entrées deviennent de plus en plus fréquentes, prenant aussi davantage la parole. Le déséquilibre est patent avec seulement quatre entrées en six ans, de 1554 à 1559, contre douze en cinq ans, de 1560 à 1564. À la chambre des comptes, où il dispose aussi d’un droit d’entrée, il ne s’y rend qu’une seule fois, et encore s’agit-il de faire enregistrer l’édit d’établissement du parlement à Rennes, preuve de la moindre importance politique de l’institution à ses yeux69. Et seulement deux entrées du lieutenant général Bouillé viennent s’ajouter à ce maigre décompte70. Toutefois, comme en Parlement, ces trois entrées surviennent entre 1560 et 1563, soit précisément au moment de l’éclosion des violences religieuses. La conjoncture pousse assurément Étampes à être davantage présent au sein des deux institutions, du moins à ne pas en être complètement absent. Ainsi, c’est lors des moments de division intense entre les confessions ou les partis aristocratiques que l’on peut lire les discours les plus détaillés de sa part. Parallèlement, les lieutenants généraux font aussi de plus en plus d’entrées et de discours au Parlement, ce qui tend à déplaire aux magistrats qui voient là les signes d’un empiètement sur leur juridiction. Parmi ces nombreux signes de concurrence des pouvoirs, l’épée du gouverneur apparaît comme un symbole qui cristallise les tensions émergentes. Car, bien plus qu’un simple objet porté à la taille, cette arme blanche est aussi et surtout une métonymie du pouvoir exécutif qui repose sur la force, tel un contrepoids de la robe, désignant plus largement le pouvoir juridique des magistrats.
L’épée du gouverneur : un symbole conflictuel
32Il est significatif de constater que, d’entrée de jeu, les tous nouveaux parlementaires refusent d’accueillir Étampes et son lieutenant, Gyé, munis de leurs épées. Il faut d’ailleurs croire à un enjeu particulièrement vif en Bretagne puisque l’ordonnance royale autorisant officiellement le port de l’épée à Étampes et Gyé laisse entendre que même le parlement de Paris, modèle institutionnel de celui de Bretagne, n’a osé agir de la sorte avec des hommes d’une telle dignité71. Étampes finit donc par obtenir gain de cause auprès du roi. Gyé lui rapporte :
« J’ai présenté les lettres que le Roi escrit à Messieurs du Parlement de ce pays qui ont accordé que quent il vous plaira, et à moi aussi, nous yrons les voirs avecques nos espées, il me ont prié d’y aller, ce que je n’ai voulu faire sans que premièrement vous y ayez esté72. »
33Le lieutenant se félicite de cette victoire symbolique de l’épée sur la robe et n’oublie pas de respecter la hiérarchie provinciale en Parlement, laissant habilement à son supérieur la primauté d’une entrée. Pourtant, en 1560, Bouillé doit à nouveau demander au roi un commandement spécial pour continuer à porter son épée en la cour : la pratique est donc loin d’être entendue73. Ces conflits liés au port de l’épée au Parlement témoignent finalement d’un enjeu institutionnel beaucoup plus large car l’épée est un symbole fort de l’exercice du pouvoir militaire du gouverneur. Elle est pour lui une représentation matérielle de sa fonction d’homme de guerre mais, aux yeux du monde de la robe, il s’agit de s’attaquer à ce symbole afin de signifier à l’entrant qu’il est désormais passé dans une institution qui ne relève pas de lui. Lui demander de déposer son épée à l’entrée du bâtiment, c’est lui faire parvenir un message de séparation des compétences. On ne saurait pourtant penser une séparation constitutionnelle des pouvoirs dans la France moderne et c’est bel et bien le cadre d’exercice de la justice qui est ici en jeu, sur la base du Cedant arma togae (« que les armes cèdent à la toge », c’est-à-dire la force, même légitime, à la loi et au droit, ici, symboliquement dans l’enceinte sacrée de la cour). Cet adage de Cicéron (De officiis, I, 22) est mobilisé par les parlementaires pétris de références anciennes dans le but de dissocier le gouvernement militaire du gouvernement civil, la toge romaine renvoyant explicitement à la robe des magistrats rennais. De même, à travers cet exemple, commence à se façonner dans les imaginaires des parlementaires l’allégorie de la force – ou du pouvoir exécutif – par l’épée, souvent désignée comme glaive romain. C’est aussi l’image d’une justice assistée, et le mot est d’importance, par un bras armé. Ajoutons surtout à ces images le fait que les pouvoirs du gouverneur ont été enregistrés par les magistrats bretons. En 1543, ses lettres de provision le sont à la fois par la chambre des comptes et par le Conseil et chancellerie de Bretagne, futur Parlement74. Si le fait de valider par le droit ces lettres est un geste quasi automatique et presque formel, il reste néanmoins le fondement d’une théorie politique chère à certains magistrats qui entendent détenir là un droit de regard sur ses actions75.
34Ainsi, les entrées du gouverneur en Parlement donnent lieu à de fréquents conflits de préséance qui font ressortir des réalités sociales et politiques des plus tendues entre les deux institutions. En 1557, Étampes écrit ainsi à son secrétaire :
« Cornullier, parce que nous tombons, messieurs de la court de parlement et moy, en quelques petites disputes, toutefois honnestement, je vous prie mectre peyne de retirer de monsieur de l’Aubespine [secrétaire des finances] ung reiglement qui me semble avoir esté d’autreffoys faict entre les gouverneurs des pais et les courtz de parlement, et speciallment ung qui fut faict pour feu monsieur l’admiral d’Annebault [lieutenant général en Normandie]76. »
35Le précédent normand devra faire jurisprudence mais l’entrée du gouverneur reste un moment où les deux institutions se font face, se rencontrent physiquement, et où se cristallisent bien des oppositions. Entre nécessaire coopération et méfiance réciproque, gouverneur et magistrats partagent pourtant un objectif commun : la bonne application de la loi du roi en province.
Faire enregistrer les édits royaux
36Dès l’institutionnalisation d’un parlement en Bretagne, le gouverneur et ses lieutenants occupent une place importante dans le bon fonctionnement des délibérations de la cour, notamment en ce qui concerne les enregistrements des lois du souverain. Chargé de relayer la politique royale en province, Étampes entre ainsi en Parlement chaque fois qu’il doit accompagner les parlementaires dans l’enregistrement des édits royaux, notamment ceux de pacification.
37Là encore, cette prérogative est souvent mal perçue par les magistrats. En 1563, ils doivent enregistrer l’édit de Rouen sur la paix et la majorité de Charles IX, mais se plaignent de « l’adresse desdites lettres où le gouverneur du roy a esté le premier nommé77 ». Ces querelles d’adresse des lettres royales sont monnaie courante et traduisent, bien plus qu’un simple et fréquent conflit de préséance, une réelle ambition concurrente du pouvoir. Au reste, les gens du Conseil du roi préfèrent bien souvent envoyer les ordonnances royales au préalable au gouverneur, évitant aussi de froisser la dignité d’un Grand du royaume78. Toujours est-il qu’en Parlement, la présentation d’un édit par le gouverneur est une étape importante du processus d’enregistrement, car son entrée – avec ou sans épée – muni d’un édit qu’il a reçu du roi, peut faire l’économie d’un lit de justice. En effet, face au gouverneur représentant le roi en Parlement, les robins sont insidieusement contraints d’enregistrer le texte royal et seul le contexte troublé des guerres de Religion fait émerger quelque résistance. Ainsi, en 1561, Étampes se présente au Parlement pour y faire publier l’ordonnance d’Orléans qui réglemente le port des armes et libère les prisonniers pour fait de religion, leur enjoignant à l’avenir de vivre en bons catholiques. Mais il rapporte à la reine les réticences des parlementaires :
« J’ay parlé à messieurs de la court de parlement, pour leur faire entendre le commandement de vosdictes magestez qui fut dernièrement publié à Orléans. Toutesfois, disans n’en avoir rien sceu, ilz ne l’ont voullu faire publier79. »
38La désobéissance est ici justifiée par une stricte observation de la loi : sans ordre royal clair, nul édit ne saurait être enregistré. Afin d’éviter cette situation de blocage institutionnel, le roi prend l’habitude d’octroyer à son gouverneur des lettres de commission, véritable supplément de légitimité. C’est dans ces conditions qu’en 1561, Étampes est commissionné afin de déplacer le Parlement de Nantes à Rennes80. En août 1562, il se présente encore à la cour pour supprimer l’office de juge présidial de Rennes. Les parlementaires se préparent à délibérer sur le sujet lorsqu’en pleine chambre, le duc coupe court à toute discussion, invoquant sa commission, légalement bien supérieure aux pouvoirs du Parlement, et interdit ni plus ni moins la délibération81. Les cas de tensions au sujet de l’enregistrement des édits royaux ne sont donc pas rares car refuser d’enregistrer un texte royal reste, pour les magistrats, un fort moment d’expression politique : c’est signifier une forme de désaccord avec la politique royale menée82. Mais s’il est des édits dont les magistrats n’osent pas opposer grande résistance, ce sont assurément ceux de pacification. Ainsi, lors de sa venue en août 1563 dans le but de faire enregistrer l’édit d’Amboise, dont il a d’ailleurs été un des principaux rédacteurs, Étampes s’aperçoit même avec un brin de surprise que les robins, peut-être sensibles à sa teneur, ont pris les devants et l’ont déjà enregistré83. Et dans le cas d’un désaccord, c’est donc souvent en complément d’une lettre de jussion qu’Étampes entre au Parlement, au nom du roi, pour y forcer l’enregistrement d’un édit. Et l’absence de refus catégorique d’enregistrement après une visite montre que la présence du gouverneur au sein de la cour est un outil plus qu’efficace pour la monarchie dans l’adoption de ses lois aussi bien que dans son bon respect dans la province.
Un « sergent aux robes longues » ?
39Lors de bien des entrées, le conflit porte sur le rapport à la loi et les compétences de chacun en matière de justice. Si Étampes dispose d’un droit d’entrée en Parlement pour y relayer la parole du souverain, il ne lui est en aucun cas permis d’intervenir dans les procès. Ainsi lors d’une séance, il reste un simple observateur des plaidoiries. Pour bien des robins, il n’est en effet qu’un agent du pouvoir exécutif en province, et notamment en ce qui concerne l’exécution des arrêts de la cour. Ainsi, lors de plusieurs entrées, tiennent-ils à définir son rôle. Il s’agit pour eux de « tenir la main à la justice », c’est-à-dire veiller au bon respect des arrêts dans la province grâce à son pouvoir de coercition.
40Pour les parlementaires comme pour lui, s’impose peu à peu la dualité des deux pouvoirs : force et justice, glaive et toge, épée et robe. En 1562, lorsqu’Étampes s’efforce de faire respecter l’édit de janvier en Bretagne, il préconise d’associer à sa mission les parlementaires « car, dit-il, si la force tire d’un costé et la justice d’un aultre, il y aura grande confuzion84 ». En 1561, il avait demandé au roi que le pouvoir qu’on lui confiait pour punir les fauteurs de troubles soit enregistré par les magistrats : « Moy ne vosdits oficiers à qui il vous plaist en bailler la charge n’ozerons y touscher si ce n’est que ce pouvoir soict par ecdict publyé en votre court de parlement de ce pais85 », disait-il. Et peu à peu, les parlementaires font appel à lui pour faire respecter la justice provinciale. Lors d’une entrée, en 1563, le président lui expose que les « arrets et ordonnances demeurent souvent non exécutées pour déffault de main forte » et « le gouverneur et lieutenant du roy, premier et principal ministre de la justice, doibt tenir la main » à la cour86. Lors d’une autre entrée, le duc déclare « qu’il se faict plusieurs forces et résistances à la justice en la Basse Bretaigne, au grant mespris de l’autorité du Roy », et préconise d’y faire respecter les arrêts du Parlement par la force87. Et pour la noblesse, il est le mieux à même de faire respecter la justice dans la province car il a « l’authorité et le glaive en la main », c’est-à-dire la capacité et la légitimité à commander aux troupes en armes88. Ce soutien de la force à la justice est-il pour autant le ferment d’une soumission de la première à la seconde ? Lors des premières années du Parlement, de graves conflits éclatent en effet entre les parlementaires et le lieutenant général Gyé au sujet des attributions judiciaires de chacun89. De telles oppositions à propos du thème de la force mise au service de la justice ne sont en effet pas rares. Étampes, bien qu’il soit perçu comme « doux » et mesuré par les parlementaires, n’en reste pas moins un Grand qui ne voit pas d’un très bon œil ces visées de robins. En 1560, il utilise une formule qui en dit long sur ses rapports avec eux : il affirme ne pas vouloir « servir de sergent aux robes longues ». Sans forces armées suffisantes, lui et sa petite troupe sont utilisés comme un vulgaire prévôt des maréchaux et ses archers, de simples exécutants des volontés des magistrats. À propos du maintien de l’ordre, il s’attriste également de la lenteur et de l’inefficacité des procédures : « Je ne puis que menasser90. » Plus tard, il met en garde : « Je doubte que à la longue, voyant que ce ne sont que menasses, qu’ilz [les séditieux] n’en tiennent pas grand compte91. » Aux côtés d’Étampes à Rennes, Bouillé affirme Guise qu’il serait nécessaire de disposer d’une « aultre forme de justice que l’on n’a accoustumé de faire, car ces formalitez de quoy l’on uze en ce royaulme sont comme d’ung grand mal92 ». Étampes dénonce quant à lui une justice gangrénée par les divisions confessionnelles, les magistrats se renvoyant les uns les autres les procès :
« Sire, ce que je puis n’est aultre chose que d’exorter vos juges de rigoureussement purger les déffaillans car de là déppend le seul remède du repos de vos sugects […] [mais] je me trouve bien empesché pour ce qu’il y en a de si diverses humeurs que je ferois avec aucuneffois grand doute de leur metre forces entre leurs mains et y a ung aultre chose, Sire, aussi qui eslogne beaucoup l’exécution de la justice car pour s’estre aucuns de vosdits juges ou officiers, entièrement declarez de la nouvelle religion, et les aultres, si afectionnez à l’observation des anciennes traditions, qu’il semble qu’ilz s’i randent parties quelque personne qui soit chargé d’une part ou d’aultre93. »
41Quelques années plus tard, Bouillé avancera l’idée d’une « justice sommaire […] par ce que les connivences et dissimulations de quoy ceulx de la robbe longue usent ne font que croistre le cœur aux séditieulx et rebelles94 ». Le contexte d’urgence judiciaire propre aux troubles religieux se mêle désormais d’une sévère critique de la confession protestante de certains parlementaires95.
Conclusion : le premier magistrat de la province ?
42S’il est loin d’être éloigné de la bonne administration de la justice provinciale, Étampes n’a pourtant, pas vocation à juger mais bien à arbitrer. S’il utilise des sénéchaux pour ses enquêtes ou des maîtres des requêtes pour répondre aux doléances, c’est bien dans un souci d’arbitrage des tensions, qu’elles soient religieuses ou autres. Plus qu’un gouverneur de justice, il en est un de « police », censé maintenir sa province en bon ordre. Ainsi s’explique le recours au prévôt des maréchaux, officier capable d’amener chaque justiciable devant la justice compétente. De plus, les gens de justice sont par définition des hommes-clés de l’exercice de la justice du Prince, dont le respect est aussi délégué au gouverneur. Ce qui ne veut pas dire que les formes comme les limites de son intervention dans ce domaine soient toujours évidentes pour tous. L’Union à la Couronne porte ses effets dans la compréhension du jeu des pouvoirs provinciaux comme on peut l’observer à travers le dialogue avec le nouvel interlocuteur provincial qu’est le Parlement. Ainsi, pour certains magistrats, si le gouverneur n’est assurément pas un juge, il doit pour autant les assister et donc se placer sous leur tutelle collective. C’est loin d’être un sentiment partagé par l’intéressé qui estime que sa position arbitrale le place justement au-dessus de tous les pouvoirs, y compris judiciaires. Reste que bien des officiers du roi compétents en la matière sont des plus polyvalents et travaillent aussi pour lui, pour des affaires féodales ou dans le cadre de son conseil informel. Et la fracture des guerres civiles ressort d’autant plus à mesure que le duc d’Étampes fait appel à ces agents polyvalents et entre plus fréquemment au Parlement. Ainsi se traduit le désir de la monarchie, mais aussi de lui-même, d’associer les gens de justice à son projet de concorde religieuse puis de concorde civile.
Notes de bas de page
1 Michel Reulos, « La notion de “justice” et l’activité administrative du roi en France (xve-xviie siècles) », in Werner Paravicini et Karl Ferdinand Werner (dir.), Histoire comparée de l’administration, ive-xviie siècles, Munich, Artemis Verlag, 1980, p. 33-46.
2 ADIV, 1 Bv, fo 79-80 : provision d’Étampes, Fontainebleau, 25 fév. 1543.
3 BnR, Aut. 88, no 49bis : réponse d’Étampes, Lallemant et Chanteclerc, Dinan, 1er oct. 1563. Même nombre chez Noël du Fail (Mémoires des plus notables et solennels arrest du parlement de Bretagne, Rennes, 1654, épître dédicatoire).
4 BnR, Aut. 88, no 51 : mémoire d’Étampes à Charles IX, Nantes, 16 août 1564 : « Le grand nombre de senéchaussées en ce pais de Bretaigne, et encores suyvant la reunyon qui ces jours cy en a esté faicte, il en demoure quatorze ou quinze. »
5 Dominique Le Page, « Les officiers moyens dans une ville portuaire de l’ouest atlantique au xvie siècle », Les Cahiers du centre de recherches historiques, no 38, 2006, p. 17-40.
6 AMR, EE 135 : commission d’Étampes pour Latay et La Haulte-Tousche, Lamballe, 15 août 1557.
7 AMR AA 12, no 18 vo : Étampes à Latay, Lamballe, 20 août 1557.
8 AMR, CC 86 : deux mandements d’Henri II à Étampes, Paris, 23 juin 1549 et Vezzes, 10 mars 1551.
9 ADIV, 1 Bv, fo 243 : commission d’Étampes à Rosmadec, Romorantin, 21 avr. 1545 ; AMR, CC 273 : mandement de Bertrand d’Argentré, Rennes, 13 avr. 1548 ; AMR, AA 6, no 62 : commission d’Henri II à Étampes, 1553 ; commission d’Étampes au sénéchal de Rennes, Nantes, 12 janv. 1554 ; no 63 : mandement de Bertrand d’Argentré, Rennes, 8 janv. 1554 ; no 65 : commission d’Henri II à Étampes, 2 janv. 1554.
10 Travers, t. 2, p. 322 : Étampes à Charles Le Frère, sr de Belle-Isle, Les Essarts, 15 août 1548.
11 ADCA, 1 E 3654 : Guillaume Le Maire à Étampes, [Nantes], 25 sept. 1560.
12 AMR, AA 12, no 5 : commission d’Étampes, Morlaix, 14 mai 1543.
13 ADCA, 1 E 3654 : acte de l’alloué et juge ordinaire d’Hennebont, 7 oct. 1555.
14 AMN, BB 3, no 43 : Étampes aux officiers et justiciers de Nantes, [Lamballe], 21 mai 1558.
15 ADM, 34 J 4, Ms. 144 : Étampes à François Glé, Lamballe, 23-24 juill. 1557.
16 AMR, EE 166, fo 1 : Étampes à Bertrand d’Argentré, 16 juin 1564.
17 Morice, col. 1237-1238 : Bertrand d’Argentré à Étampes, Rennes, 6 mai 1560.
18 BnF, Colbert 27, fo 122 : Étampes à François II, Nantes, 28 oct. 1560.
19 ADCA, 1 E 3654 : Guillaume Le Maire à Étampes, [Nantes], 10 août 1562.
20 ADCA, 1 E 3654 : Guillaume Le Maire à Étampes, [Nantes], 10 août 1562.
21 ADCA, 1 E 3654 : Guillaume Le Maire à Étampes, [Nantes], 13 août 1562.
22 ADCA, 1 E 3654 : Guillaume Le Maire à Étampes, [Nantes], 22 sept. 1562.
23 ADIV, 4 B 14/20, 4e vol. : Étampes aux officiers de Saint-Malo, Lamballe, 15 juill. 1563.
24 BnF, Colbert 292, fo 19 vo : Étampes aux officiers d’Auray et Vannes, 26 août 1545.
25 AMN, EE 244, no 24 : procès-verbal d’Étampes, 1559 ; BnF, Colbert 27, fo 88 : procès-verbal de Gaudin, Nantes, 27 oct. 1560 ; BnF, Fr. 15871, fo 46 ; procès-verbal de Gaudin, château de Nantes, 24 nov. 1560 ; AMN, EE 197, fo 9 : commission d’Étampes au sr de Thouairé et à Guillaume Gaudin, Rennes, 7 août 1562. Encore en 1563, Gaudin s’occupe de la garnison de Nantes (BnF, Fr. 22310).
26 ADCA, 1 E 333 : aveu et hommage de François Glé à Étampes, 9 nov. 1555.
27 Compagnies Châteaubriant, Montejean, Rohan, Turenne, 1534-1553 (BnF, PO 307 [Bernier] ; Clair. 13).
28 Philippe Hamon, « Messieurs des finances », art. cité, p. 102.
29 Dominique Le Page, « Les officiers moyens… », art. cité, p. 17.
30 Ainsi, en 1564, Étampes s’inquiète qu’il « commance à s’eslever beaucoup de volleurs, encores que le prévost des mareschaulx face bon devoir d’en prandre ce qu’il peult trouver du menu, mais les plus gros commancent à aller en grandes trouppes et ont des retraictes que lesdits sieurs d’Estampes et de Martigues mectoient peyne de descouvrir et d’en faire attrapper quelques ungs pour servir d’exemple aux autres » (BnR, Aut. 88, no 51 : mémoire d’Étampes à Charles IX, Nantes, 16 août 1564).
31 ADIV, 49 J 128/A, no 74 : acte du dauphin Henri à Léonard du Plessis, La Fère, 14 nov. 1543 ; commission d’Étampes à Léonard du Plessis, Paris, 20 nov. 1543 ; no 72 : idem, Carhaix, 25 juill. 1543.
32 ADIV, 1 Bb 1, fo 9 : Gyé au parlement de Bretagne, Landerneau, 27 juill. 1554.
33 ADIV, 1 Ba 1, fo 167 vo : procès-verbal de Mathurin du Plessis, 21 mai 1554.
34 BnF, Fr. 20510, fo 40 : Henri II à Étampes, Paris, 5 janv. 1553. Par deux édits de 1540 et 1549, les prévôts des maréchaux avaient reçu la mission de s’occuper des conflits liés à la chasse (BnF, Dupuy 723, fo 60 et 77).
35 ADIV, 49 J 128/A, no 74 : Jacques de Beaumanoir à Mathurin du Plessis, La Motte-du-Parc [Le Gouray], 30 août 1555 ; BnF, Fr. 22310, fo 29-30 : quitt. d’Étampes pour Beaumanoir, Lamballe, 16 août 1553, 1er juin 1558.
36 BnF, Fr. 15463, fo 395 vo : requête des bourgeois de Saint-Malo à Étampes, 12 juill. 1563. Déjà en 1549, le prévôt avait été dépêché à Brest pour faire le procès de marins arrêtés pour prises illégales (BnF, Fr. 6948, fo 35 : Henri II à Marc de Carné, Saint-Germain-en-Laye, 7 juin 1549).
37 BnF, Fr. 3186, fo 113 : Étampes à Charles IX, Nantes, 2 mai 1561.
38 ADIV, 1 Bb 1, fo 9 : Gyé au parlement de Bretagne, Landerneau, 27 juill. 1554.
39 BnF, Colbert 27, fo 165 : Bouillé à François II, Nantes, 11 nov. 1560.
40 BnF, Colbert 27, fo 245 : Bouillé à Catherine de Médicis, Nantes, 12 déc. 1560.
41 BnF, Fr. 15876, fo 365 : mémoire d’Étampes, 1562.
42 ADCA, 1 E 3654.
43 BnF, Fr. 15881, fo 189 : Étampes à Catherine de Médicis, Saint-Malo, 14 juill. 1563.
44 BnF, Fr. 20510, fo 3 : François Ier à Étampes, camp de Marolles, 18 juill. 1543.
45 CAH, t. 5, p. 95 : il résigne son office de conseiller au Parlement en faveur de son gendre en 1551.
46 AM Angers, AA 4 : Henri II à Étampes, Moncalieri, 25 août 1548.
47 ADC, 1 E 3654 : Claude Dodieu à Étampes, Rennes, 27 avr. 1557.
48 Maïté Etchechoury, Les maîtres des requêtes de l’Hôtel du Roi sous les derniers Valois (1553-1589), Paris, École des chartes, 1991, p. 210.
49 BnR, Aut. 88, no 8 : Étampes à Charles IX, Nantes, 23 mai 1562.
50 BnF, Fr. 15876, fo 363 : Étampes à Navarre, Rennes, 7 août 1562.
51 Michel Antoine, « Genèse de l’institution des intendants », at. cité, p. 283-317. BnF, PO 465 (Bourgneuf), no 19 : quitt. de Jean de Bourgneuf, sr de Cucé, 7 nov. 1591.
52 BnR, Aut. 88, no 46 : Étampes à Navarre, Nantes, 29 juill. 1562.
53 AM Angers, BB 23, fo 145. Calon effectue le voyage à Brest, 1545.
54 AM Angers, AA 4, fo3 : Étampes à François Calon, Blain, 9 sept. 1548. AM Angers, BB 24, fo 204 vo : François Calon au maire d’Angers, Nantes, sept. 1548.
55 BnF, Fr. 22350, fo 80 ; AN, MC, XLIX, 46, 26 déc. 1551 ; CAH, t. 5, p. 187.
56 ADIV, 1 Bb 742, fo 29 : Étampes au parlement de Bretagne, Lamballe, 2 sept. 1556.
57 BnF, Fr. 20510, fo 47 : Montmorency à Étampes, Villers-Cotterêts, 11 nov. 1555 ; ADCA, 1 E 30 ; ADIV, 1 Ba 2, fo185 vo : commission d’Henri II à Michel Quelain, Paris, 30 juill. 1556.
58 ADCA, 1 E 92 ; ADCA, 1 E 3654 : Jean d’Alesso à Étampes, Blois, 5 janv. 1560.
59 BnR, Aut. 88, no 34 : mémoire d’Étampes au roi, fin juill.-août 1560.
60 BnF, Colbert 27, fo 122 : Étampes à François II, Nantes, 28 oct. 1560 ; BnF, Colbert 27, fo 88-90.
61 Robert Harding parle d’un « enchevêtrement d’intérêts et de fidélités centré sur la cour royale et la capitale » à propos des relations qui unissent magistrats et gouverneurs (Anatomy of a power elite…, op. cit., p. 190).
62 BnF, Fr. 20510, fo 112 : Montmorency à Étampes, Crémieu, 16 juill. 1564. En 1560, Étampes avait écrit à Montmorency par l’intermédiaire de l’oncle de Barrin, le sr de Vincelles, chef du conseil du connétable (BnF, Fr. 3122, fo 124 : Étampes à Montmorency, Paris, 20 fév. 1560).
63 Morice, col. 1221 : Étampes à Charles Le Frère, sr de Belle-Isle, Lamballe, 27 mai 1558.
64 BnF, Fr. 15875, fo 395 : Étampes à Catherine de Médicis, Rennes, 17 nov. 1561.
65 BnF, Fr. 3186, fo 35 : Étampes à Charles IX, Lamballe, 31 janv. 1562.
66 Martigues souligne également « le bon advis de monsieur le président de Belisle » (BnF, Fr. 15875, fo 379 : Martigues à Catherine de Médicis, Nantes, 23 nov. 1561).
67 Par exemple, en 1561, Martigues écrit à Catherine de Médicis au sujet de la translation du Parlement de Nantes à Rennes (BnF, Fr. 15875, fo 507, Martigues à Catherine de Médicis, Nantes, 24 mai 1561).
68 En 1564, ils lui demandent ainsi de « faire entendre au roi » que leurs gages leur sont encore dus (ADIV, 1 Bb 20, fo 15).
69 ADLA, B 582, fo 80.
70 ADLA, B 582, fo 19 ; ADLA, B 583, fo 22 vo.
71 ADIV, 1 Bb 2, fo 28 vo, 22 avr. 1555 : « Ce que nous avons trouvé fort estrange actandu que ès aultres parlement de notre royaulme et mesme en cellui de Paris ne se faict le samblable », précise le texte royal.
72 Morice, col. 1091 : Gyé à Étampes, Nantes, [1555].
73 BnF, Colbert, vol. 27, fo 204 : Bouillé à François II, Nantes, 27 nov. 1560 : « Qu’il vous plaise que je ne soye en moindre auctorité que sont voz autres lieutenans, car à cause que Messieurs de vostre Parlement m’ont faict difficulté de me laisser entrer dans leur chambre avecques mon espée, où j’avois à communiquer avecques eux pour vostre service, cela me desfavorise, de sorte que s’il ne vous plaisoit leur envoyer ung commandement exprès, […] ceux de ce pais penseroyent que vostre majesté m’auroit en sy peu d’estime que je suis tout seur que cela leur feroit changer la volonté qu’ilz ont à moy et l’obéyssance qu’ilz portent à ce que je leur ordonne pour vostre service. »
74 CAF, t. 4, p. 404 ; ADIV, 1 Bv, fo 70-80.
75 Le détail de la procédure d’enregistrement des lettres du duc d’Étampes en 1543 nous est inconnu mais une lettre du lieutenant général La Meilleraye datée de 1632 revient en détail sur celle du cardinal de Richelieu, alors nommé gouverneur de Bretagne, ce qui permet de mieux concevoir tout l’enjeu politique qui existait autour de ce geste, cela tout en gardant à l’esprit que les pratiques ont pu évoluer en près d’un siècle. En 1632, les magistrats rennais estiment ainsi qu’un nouveau gouverneur (« tous les princes de sang en avoient tousjours usé de la sorte ») devait officiellement leur présenter une requête sollicitant l’enregistrement de ses lettres de provision. Pour celles de Richelieu, La Meilleraye parle d’un « applaudissement » et note qu’elles « ont esté enregistrées et qu’elles ont passé tout d’une vois ». Ce geste contente les magistrats qui admirent la « modestie » d’un gouverneur qui n’a « pas voulu soufrir [se vexer] que l’on parlast à la publication de [ses] lettres », car c’est là concéder un point particulièrement important à leurs yeux, soit un certain droit de regard (même si celui-ci est toujours positif) et in fine l’idée même d’une certaine forme de primauté de leur pouvoir sur celui qu’ils enregistrent. Mais La Meilleraye fait en sorte que « le procureur général prendra ses conclusions à part et qu’il ne sera point fait mention par l’arrest de la requeste, de sorte que nous la ferons supprimer, et ainsi il n’en restera rien ». La manœuvre est habile et fait que ce droit de regard n’est inscrit nulle part, et donc pas prouvable (Archives du ministère des Affaires Étrangères, coll. Mémoires et Documents, France, vol. 1505, fo 74-75 : La Meilleraye à Richelieu, Rennes, 17 avr. 1632). Seulement deux ans après cet épisode, l’attitude des parlementaires à propos des lettres de commission de l’intendant François Lasnier est radicalement différente. Car ici, enregistrer une lettre d’intendant revenait, par certaines de ses clauses propres, à introduire un pouvoir supérieur en Parlement. Le même La Meilleraye rapporte : « J’ai aussi parlé à ceus du Parlement pour savoir si l’on ne treuveroit point à redire si Monsieur Lasnier avoit la commission d’intendant de justice en cette province. Ils m’ont assuré que non, pourveu qu’il ne la fist point registrer [enregistrer] et qu’il se contentast seulement de l’honneur dans en faire beaucoup de fonctions » (Ibid., vol. 1505, fo 131-132 : La Meilleraye à Richelieu, [Dinan, aux États de Bretagne], début déc. 1634).
76 ADCA, 1 E 3655 : mémoire d’Étampes à Cornulier, 28 mars 1557.
77 ADIV, 1 Bb 809, fo 13 vo, 13 sept. 1563.
78 ADIV, 1 Ba 4 : commission de Charles IX à Étampes, Fontainebleau, 11 avr. 1561.
79 BnR, Aut. 88, no 42 : Étampes à Catherine de Médicis, Nantes, 17 fév. 1561.
80 ADIV, 1 Ba 4, fo 115, 4 mars puis 11 avr. 1561. En 1560, il avait organisé la consultation des États de Bretagne pour déterminer quelle ville accueillerait le Parlement (AMR, FF 248).
81 ADIV, 1 Bb 754, fo 6 vo, 8 août 1562.
82 Voir encore ADIV, 1 Bb 759, fo 18 vo, 13 avr. 1565 : conflit avec le gouverneur Martigues, lors de sa première entrée, à propos de l’enregistrement de l’édit de Roussillon.
83 ADIV, 1 Bb 809, fo 4, 9 août 1563.
84 BnR, Aut. 88, no 47 : mémoire d’Étampes, Nantes, 21 juill. 1562.
85 BnF, Fr. 3186, fo 103 : Étampes à Charles IX, Nantes, 26 avr. 1561.
86 ADIV, 1 Bb 809, fo 4, 9 août 1563.
87 ADIV, 1 Bb 810, fo 19 vo, 28 mars 1564.
88 ADCA, 1 E 3654 : César Perrin à Étampes, 28 janv. 1560 ; ADIV, 1 Bb 810, fo 19 vo, 28 mars 1564.
89 ADIV, 1 Bb 746, fo 5, 4 août 1558.
90 BnR, Aut. 88, no 19 : Étampes à Guise, Rennes, 5 août 1560.
91 BnF, Fr. 3186, fo 103 : Étampes à Charles IX, Nantes, 26 avr. 1561.
92 BnF, Fr. 15871, fo 153 : Bouillé à Guise, Rennes, 5 août 1560.
93 BnF, Fr. 3186, fo 35 : Étampes à Charles IX, Lamballe, 31 janv. 1562.
94 BnF, Fr. 15546, fo 170 : Bouillé à Catherine de Médicis, Rennes, 7 janv. 1568.
95 Arlette Jouanna, Le pouvoir absolu…, op. cit., p. 180-194.
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