Chapitre IV. Un gouverneur d’argent

p. 113-162


Texte intégral

1Pour mener à bien une politique provinciale, le duc d’Étampes est indéniablement amené à manier de l’argent, souvent en grande quantité. Sauf qu’en théorie, il ne dispose pas de budget alloué à sa charge, encore moins de rétribution. Ses grandes dépenses militaires sont assurées par les trésoreries royales prévues à cet effet, à savoir l’ordinaire et l’extraordinaire des guerres, et c’est à ce titre qu’il cultive un dialogue assidu avec les institutions financières de la province. À la fin du règne de François Ier, celles-ci sont désormais bien ancrées dans le paysage social et politique breton et sont autant d’outils d’intégration politique du duché au royaume1. Ainsi, en matière financière, le gouverneur est-il entièrement dépendant des institutions financières royales pour financer sa politique provinciale ou dispose-t-il de marges de manœuvre propres à son type de commandement ? Ici peut-être plus qu’ailleurs, la fracture des guerres de Religion vient redéfinir les compétences financières de chacun. Plus largement, la guerre pousse le gouverneur à prendre des initiatives, à se rapprocher de certains officiers de finance et à imaginer des expédients financiers efficaces.

Les formes de la rémunération royale

Des revenus annexes liés au gouvernement de Bretagne

2Le duc d’Étampes est un serviteur du roi au sens large du terme. Aussi cumule-t-il son état de gouverneur avec d’autres emplois au service de la monarchie, tous très liés les uns les autres. Un des premiers services qu’il remplit s’effectue au plus proche de la personne royale. Suite à son mariage en 1532, il est fait gentilhomme de la chambre du roi, titre avant tout honorifique – surtout dans le cas d’Étampes avec François Ier – mais qui rapporte 1 200 lt. par an2. La charge la plus intimement liée au service du gouvernement des provinces reste cependant celle de capitaine d’une compagnie de gendarmes, la plus commune aux gouverneurs et lieutenants généraux, qui disposent tous d’une compagnie, véritable vitrine de leur pouvoir exécutif local. Étampes est capitaine depuis 1536 et, à ce titre, reçoit régulièrement ses gages. Pour un trimestre (ou quartier), ils sont calculés selon l’étendue de sa troupe. Ainsi, en début de carrière, il ne reçoit en moyenne que 250 lt. par trimestre3. Quand la compagnie connait une crue, c’est-à-dire une augmentation du nombre de gendarmes, les gages suivent4. Ils sont ainsi plus importants en fin qu’en début de carrière : en 1559, ils s’élèvent désormais à 450 lt. par trimestre et atteignent jusqu’à 700 lt. quatre ans plus tard, ce qui sur une année de fin de carrière s’élève à 2 800 lt5. Par ailleurs, le duc reçoit ses gages de capitaine « et ce, oultre et par-dessus notre place d’homme d’armes que prenons en notredite compagnie », c’est-à-dire qu’il touche une cinquantaine de livres en plus pour son simple état de gendarme6. Ainsi, de 1536 à 1565, il reçoit entre 1000 et 3000 lt. annuels pour son état de capitaine des ordonnances7. Sa compagnie dispose d’un payeur régulier (René Fontenay puis Pierre Beautemps), qui reçoit l’argent du trésorier de l’épargne puis du trésorier de l’ordinaire8. Même si le délai entre la période soldée et la date de quittance peut être considérable, comme en avril 1546 où il est seulement payé du dernier trimestre de 1544, il fait partie des moins mal lotis des capitaines, puisque gouverneur de province. Enfin, une tout autre charge militaire rapporte beaucoup mais durant une période réduite : celle de colonel général des Suisses, qu’Étampes occupe entre 1542 et 1544. En plus d’être une dignité recherchée par la noblesse, elle rapporte gros. En tant que colonel, il touche 500 lt. par mois, soit 6 000 lt. annuels9. Si l’on considère qu’il est colonel au moins trois années consécutives (1542, 1543 et 1544), c’est au moins 18 000 lt. qu’il empoche en très peu de temps. Pour la monarchie, il s’agit de bien rémunérer un chef de troupes amené très régulièrement à leur faire des avances, normalement remboursées ensuite certes, mais avec retard10. Ces rentrées d’argent, importantes et ponctuelles ou plus modestes mais plus régulières, offrent au duc des revenus importants mais ne sont qu’une forme de gages pour un service. La véritable rémunération royale pour le gouvernement de la Bretagne réside dans les dons des États provinciaux ainsi que dans sa pension royale.

Les dons des États et la pension royale : la véritable rémunération

3La lettre de provision d’Étampes comme gouverneur demeure très vague sur ses pouvoirs mais s’avère étonnamment prolixe sur ses « gaiges et pension ». En 1543, ceux-ci doivent être versés par le receveur général des finances du duché11. Rapidement, gages et pension sont séparés, distinguant bien la double nature de la rémunération royale. Étampes touche deux types de revenus : des gages pour l’état de gouverneur de Bretagne, et sa pension au titre d’important personnage de la Couronne. Cette dernière est exclusivement réglée par le trésorier de l’épargne, tandis que l’état de gouverneur est récompensé soit par la monarchie, soit par les États provinciaux, la tradition voulant de plus en plus que ces derniers se chargent de cette dépense. Cependant, ces deux revenus ne sont pas complètement distincts. La pension à proprement parler est, elle aussi, liée au gouvernement de Bretagne. En 1561, elle s’élève ainsi à 16 200 lt., se situant dans la moyenne des gouverneurs de province sous François Ier et Henri II (entre 16 000 et 18 000 lt.)12. C’est en effet la somme de 16 000 lt. qui revient régulièrement, dont 6 000 lt. « pour le gouvernement » donc susceptible d’être pris en charge par les États provinciaux. Dès lors, c’est une double rémunération qui se met en place : l’une provenant de la recette générale, l’autre de la recette du trésorier des États. Ainsi, plusieurs quittances d’Étampes rendues à Jean Avril, trésorier des États, attestent d’un don régulier des États de Bretagne (6 000 lt. après 1559)13. Il s’agit de libéralités très normées votées par les États pour chaque année. Étampes a déjà reçu des sommes de ce type en Auvergne. Lors de son entrée en tant que gouverneur, il avait reçu un premier don de 3 000 lt. dit de « bienvenue » par les États provinciaux14. Puis les dons se sont faits réguliers et annualisés, entre 3000 et 5000 lt. (pour la seule année 1539)15. En Bretagne, les trois ordres assemblés prennent également l’habitude de lui voter un don important. Aux assemblées de 1555, des députés de la noblesse proposent ainsi de lui voter un don de 4 000 lt. ainsi qu’un autre de 3 000 lt. à son lieutenant Gyé, sommes censées les encourager à les favoriser à la cour16.

4Quant au trésorier de l’épargne, il lui verse une imposante somme qui désigne réellement sa pension. En 1538, il reçoit une pension de 6 000 lt. par an « pour son état de gouverneur » d’Auvergne17. Celle liée au gouvernement de Bretagne avoisine les 10 000 lt. annuels et fait ainsi partie des plus imposantes donations royales18. Sans compter que son neveu en reçoit une de 2000 lt19. Cependant, cette pension venue de l’épargne n’est pas des plus régulières mais s’effectue en grosses sommes : c’est le cas en 1559 où le duc reçoit 39 700 lt. qui représentent ses pensions impayées depuis plusieurs années20. De plus, si la pension est gérée par le trésorier de l’épargne, la provenance effective des deniers varie. En 1560, l’assignation pour sa pension repose sur le receveur général alternatif de Touraine, mais celui-ci « est tousjours absent et fugitif », ce qui entraîne d’évidents retards de paiements21. Pour l’année 1565, il reçoit 10 000 lt. par le trésorier de l’épargne, qui prélève la somme sur la recette générale de Bretagne calculée par… les États (bien qu’il ne s’agisse pas de la recette du trésorier des États)22. En réalité, c’est bien souvent la Bretagne qui rémunère son gouverneur dans une sorte de prélèvement à la source.

Les libéralités de la monarchie : des compensations financières

5Le gouverneur et ses lieutenants reçoivent également de la monarchie une quantité de dons numéraires et de libéralités qui rapportent gros. En Bretagne, une faveur royale fréquemment recherchée est la possibilité de faire fi des frontières douanières entre la province et le royaume, en particulier pour les vins qui transitent par la Loire. À plusieurs reprises, le roi permet au duc d’Étampes et au sr de Gyé d’importer des vins sans payer les droits de douane, non sans un certain contrôle23. Ainsi, en 1559, 1560 et 1562, le gouverneur fait passer gratuitement 200, 400 et 300 tonneaux de vin sur la Loire, étant « exempt24 ». Tout juste fait lieutenant général, Martigues obtient le même don25. Même constat pour les subordonnés que sont Bouillé, Sanzay et Sourdeval26. Éviter une taxe sur des quantités de vins aussi élevées n’est pas négligeable. À l’origine, il s’agit surtout d’approvisionner « la provision et despence de noz maisons », c’est-à-dire l’imposante table du gouverneur de Bretagne. Mais ce type de don est aussi pensé « pour l’aider à supporter la dépense » en province. Il s’agit donc d’un réel profit annexe lié à la proximité du pouvoir politique, profit qui est d’ailleurs demandé par le gouverneur lui-même : « Il plaira aussi à Sa Magesté d’ordonner quelque chose pour aider au duc d’Estampes à suporter la despence qu’il luy faut porter », écrit-il dans un mémoire adressé au roi27.

6Étampes et son lignage sont également propriétaires des « droits et sous-droits de rachat », une taxe qui pèse sur les transactions féodales28. Ces droits, censés revenir au roi, sont transportés du monarque à son serviteur pour bons services rendus. Son montant exact demeure cependant fort difficile à estimer. La sœur d’Étampes, Mme de Bressuire, reçoit quant à elle sa pension de demoiselle de la reine sur les billots de Bretagne29. La monarchie offre également au gouverneur des sommes reçues par la chambre des comptes de la province comme des amendes payées par certains grands seigneurs bretons. En 1563, il reçoit les 5 000 lt. que François de Monterfil, commissaire ordinaire des guerres et mortes-payes de Bretagne, devait verser en amende, probablement pour une erreur de gestion des deniers royaux30. Cependant, ces dons doivent être davantage perçus comme des compensations financières pour les sommes engagées personnellement, dans les frais d’une campagne militaire par exemple. Le roi devient en quelque sorte le débiteur de son gouverneur. Le don de l’amende de Monterfil est expliqué ainsi : « En considération des bons agréables et recommandables services que notredit cousin nous a cy devant faictz audit pais et faict et continue chacun jour et espérons qu’il nous fera cy après, et aussi pour luy ayder à la despence qu’il est contrainct de faire chachun jour, s’employans pour notre service. » Parfois, la dette royale est très clairement évoquée comme le montre un don fait de certains droits de rachat des biens de la famille Ruffec, dont le chef de lignée vient de rendre l’âme, « pour debte que luy doit le roy31 ». Dans une certaine mesure, il s’agit donc bien d’un crédit contraint d’un serviteur à son maître32. En outre, les dons après des décès ne sont pas rares. En 1556, Henri II offre à Étampes tous les biens meubles de Francisque de Vimercato, « Itallien décédé », profitant là du don ponctuel du droit d’aubaine d’un étranger possessionné en Bretagne – médecin du roi, il est abbé d’Issoudun et de Coatmalouen –, et le texte renvoie aux « continuelles charges et occupations esquelles le roy notredit seigneur l’a ordinairement employé33 ». Il reçoit d’autres dons sur des Italiens décédés comme ces 2 000 lt. reçus après la mort de Richard del Bene, sr de l’Espine et banquier parisien34.

7Le duc possède également d’importants droits sur le littoral qui viennent récompenser son pouvoir maritime, bien qu’il ne porte pas officiellement le titre d’amiral. En 1558, la monarchie lui donne ainsi raison dans un conflit l’opposant au capitaine de marine François de Montelles, sr de Montfort, au sujet de ses droits sur les prises faites par des navires du Ponant sur les Anglais35. En 1560 à nouveau, il reçoit 4 000 lt. du roi sur les fermes des ports et havres de Bretagne, quand Bouillé ne reçoit que 1 000 lt. par an pour son état de vice-amiral36. S’y ajoute surtout le droit de bris, c’est-à-dire le fait de recevoir la propriété des épaves et des cargaisons des navires échoués sur les côtes. En 1557, le duc se montre très intéressé à propos des « lettres en forme de don des biens apartenans aux angloys » échoués en sa province37. Cinq ans plus tard, son secrétaire, connaissant l’intérêt d’un tel don royal, l’informe :

« On dit qu’il y a vingt ans qu’il n’avoit fait de si grands et dangereux vents ; aussi bien, Monseigneur, faut-il que vous envoyez à Landerneau ou Chasteaulin, là où il me souvient qu’on dist y avoir eu l’année passée un bon bris, et par un mesmes est-il nécessaire que vous despechez à Brest et au Conquet où l’on m’a encore dit depuis huit jours que le Caresme dernier fut brizé un grand navire vénitien chargé de plusieurs marchandises prétieuses et de si grand valleur qu’elles méritent bien s’en enquérir, encores que le secrétaire de monsieur de Carné vous dist dernièrement en ceste ville qu’il n’y avoit que des vins d’Andalousie et autres ; mais il se pourroit bien trouver qu’il y avoit belle compagnie d’or et d’argent que je voudrois en vos mains38. »

8Le roi renouvelle à plusieurs reprises ce droit à Étampes qui en fait même profiter sa sœur, Mme de Bressuire, qui reçoit les bris de la juridiction de Lannion en 156039. Un an plus tard, les droits de bris comprennent les « naufraiges » mais désormais aussi les « adventures de mer » : ni plus ni moins les prises faites par les marins bretons sur les navires ennemis40. Le roi lui offre également les droits de lods et ventes, c’est-à-dire des taxes sur les transactions foncières. Ces dons viennent à propos « tant pour partie des fraiz extraordinaires par luy faictz pour le service dudit seigneur au gouvernement de cedit pais durant les guerres dernières que pour partie de ses pansions, gaiges et estatz des années précédantes ». Aussi, le don a vocation à rembourser les très importantes sommes personnelles engagées lors de la descente anglo-flamande de 1558. Tout n’est pas clairement séparé puisque, pour un même don, le roi le rembourse et en profite pour y inclure sa pension, très probablement retardée. La séparation stricte des sommes entre pension, état de gouverneur ou dons divers n’a pas lieu. Cela n’est pas rare car « dès l’an cinq cens cinquante neuf, il [Étampes] auroict esté assigné de la somme de 16 000 livres pour en avoir payement sur les restes des comptables de ce pays faisant le parfaict payement de la somme de 39 000 livres luy deue à cause de ses estatz et pensions » pour plusieurs années41. Cet imposant don de 39 000 lt. est offert « pour le récompenser tant des deniers par luy fraiés au service dudit sieur roy que pour reste de ses gaiges dudit gouvernement de Bretaigne42 ». Récompense et gages s’entremêlent ainsi bien souvent, le premier mot prenant souvent le sens de remboursement. Toujours est-il que la guerre maritime rapporte gros. En décembre 1558, Henri II lui fait « don de touz et chacuns les droictz, noms, raisons, marchandises et biens quelzconques appartenans et advoués aux anglois et subjectz de la royne d’Angleterre qui s’estoint trouvez et seront recellez en nosdits pais et duché […] à nouz appartenans et confisquez par droict de guerre ou aultrement en quelque faczon que ce feust43 ». Les navires anglais qui mouillent en Bretagne sont confisqués à son profit et viennent s’ajouter aux prises faites en mer. Une telle décision royale vient rembourser des dépenses faites pour repousser les Anglais quelques mois plus tôt et doit aussi l’encourager à promouvoir la guerre sur mer. Ainsi, en 1551, Henri II lui offre 5 000 lt. pour ses « bons services » tant du gouvernement de Bretagne qu’au fait des guerres et pour l’aider à « supporter les grans fraiz, mises et despenses que pouroient lors convenir et convient faire », c’est-à-dire dans le futur44. Ainsi, les libéralités « encouragent les élites, récompensent les fidèles serviteurs. Elles sont un instrument entre les mains du prince » et le don est un véritable « principe de gouvernement45 ».

9Sans oublier qu’il manque bien des montants, on peut estimer à plus d’un demi-million de livres tournois amassées pendant une carrière, et 20 000 lt. en moyenne par an, ce qui montre bien que sa grande fortune est éminemment liée au service du roi. Cela rapporte presque autant que ses revenus fonciers qui oscillent, selon les années, entre 20 000 et 30 000 lt./an. Une telle situation n’est pas rare, loin s’en faut46. Cela en ayant à l’esprit que les revenus globaux réels des gouverneurs dans les années 1540 ont doublé hors inflation par rapport à la fin du xve siècle47. Il s’agit assurément d’une rémunération pour bons services rendus et pour d’importantes sommes personnelles engagées au service de la monarchie. En réalité, ces pensions « versées aux hommes du roi n’apparaissent pas comme un simple moyen de les fidéliser, encore moins comme un “gaspillage” ostentatoire, mais comme un placement judicieux » censé permettre service et engagement financier48. À bien des égards, les gouverneurs de province sont « les dépanneurs-dépannés » de la monarchie49. Monarchie qui fait le choix judicieux de redistribuer une partie de ses recettes « au bénéfice principal des classes dominantes, qui sont aussi ses serviteurs et ses bailleurs de fonds volontaires ». Ainsi, « l’État dispense des honneurs, mais aussi des pouvoirs et les ressources qui en découlent50 ».

10Dans le cas d’Étampes, ces compensations viennent à propos et l’encouragent à dépenser ses deniers. Le don royal peut alors être perçu comme la concrétisation du « crédit » de la monarchie, car de nombreux dons invitent à des dépenses personnelles fréquentes et importantes. Il est significatif de voir Étampes demander au début des guerres de Religion – en période de carence financière de la monarchie – des remboursements précis plutôt que des dons compensatoires qu’il touche surtout dans les années 1550. Dès lors, ne peut-on pas penser que la fréquence du don royal atteste d’une bonne santé des finances royales ? Lorsque le duc exige des remboursements rapides, c’est qu’il connait l’ampleur de la dette d’État. C’est là le témoignage d’une tension palpable entre le service du roi, qui implique des avances conséquentes, et la pression que peut faire peser cette exigence sur la situation financière du serviteur. Dès lors, ce subtil équilibre entre avances personnelles et remboursement se maintient à travers la notion de crédit.

La bourse du gouverneur : un crédit provincial monétisé

11Auprès du roi, le duc d’Étampes évoque à plusieurs reprises l’utilisation de son argent personnel dans la défense de sa province. Il est pourtant impossible de savoir si celui-ci provient de ses ressources féodales ou de la rémunération royale et il faut par ailleurs bien distinguer fournitures à fonds perdus et argent avancé, et normalement remboursé, pratique alors très courante chez les serviteurs du roi. La formule que l’on retrouve souvent sous leur plume – « Je n’épargnerai ni ma vie, ni mon bien pour le service du roi » –, bien plus que de simples mots de courtoisie, est bien une réalité que l’on n’hésite pas à appliquer.

Des sommes personnelles engagées

12Au cours de sa longue carrière, Étampes a surtout dû mettre la main à la poche lors des moments de crise. Il est par ailleurs fréquent qu’un Grand s’estime engagé d’avancer de telles sommes puisqu’il s’agit véritablement de son honneur qui est mis en jeu dans le cas où une mission échouerai faute d’argent. En cela, être gouverneur n’est pas un métier à proprement parler mais plutôt un service ; un service de l’État embryonnaire qui fait inversement et peu à peu du souverain-suzerain un obligé envers ce type de serviteur-prêteur. En 1560, Étampes écrit ainsi à Guise :

« Je ne veulx oblier à vous dire que pour les menuz fraiz, je suys desja en advance de près de deux mil francz [Il a avancé l’argent avec ses fonds personnels] […] qui me faict vous supplier de faire ordonner au trésorier pour lesdictz fraiz, tant du passé que de l’advenir, et croire que si j’avois moien d’y satisfaire du mien, je n’y espargnerois mon bien non plus que je veulx faire ma vye, mais depuys que je suys en ce pais je n’ay cessé de despendre et d’estre par les champs51. »

13S’il a employé ses propres deniers, Étampes en espère bien un remboursement. Il ne s’agit pas ici d’un don gratuit offert à la monarchie, mais bien d’une avance destinée à être remboursée. C’est le sens d’une missive adressée à Catherine de Médicis l’année suivante et dans laquelle il lui rappelle :

« Avoir mémoire de la promesse qu’il vous a pleu me faire de me faire paier de tout ce qui m’est deu, qui monte (à mon advis) sans comprandre ceste année, trente deux ou trente trois mil francs, et vous me donnerez moyen de sortir d’une infinité d’affaires que j’ay et de myeulx servir le roy et vous, qui est la seulle occasion pourquoy je désire ma vye et mon bien. S’il vous plaisoit en faire autant pour environ quatre mil frans qui sont deuz à mon neveu, vous feriez grant aumosne et il en a gaigné quelque chose car me trouvant mal et estant empesché à chose qui vous importoit plus, il a tenu voz fermes où il a esté si bon mesnaiger qu’elle sont augmentées de près de trente mil frans52. »

14Ses derniers mots rappellent l’attitude de son neveu Martigues comme bon gestionnaire des possessions bretonnes de la reine. Le gouverneur et son neveu dépensent sans compter pour le gouvernement de Bretagne, quitte à s’endetter personnellement. Étampes évoque bien le remboursement promis par la reine qui devra lui permettre de régler des « affaires », peut-être féodales, donc de s’enrichir et ainsi pouvoir prêter encore plus à l’avenir. Enrichissement personnel et service du roi sont donc très liés et c’est dans ce cadre que l’engagement au service de la Couronne peut très fortement peser sur les dettes des grandes maisons aristocratiques53. Inversement, un investissement du gouverneur peut être des plus utiles au Prince car il s’agit là d’une sorte de prêt à taux zéro. Or, cinq ans après sa mort, la monarchie n’a toujours pas remboursé le duc de la totalité des avances qu’il a pu faire au cours de sa carrière. Ainsi, un acte royale précise que :

« Par l’un des articles du testament dudit feu duc d’Estempes, il nous supplioit d’entendre que lors qu’il estoit gouverneur et notre lieutenant general en noz pays et duché de Bretaigne, mesme au temps que les Angloys firent descente audit pays, et durant les premiers troubles, la nécessité des affaires y fut si grande et les hommes si mal aysez à recouvrer pour s’en servir au besoign qu’estoit lors que, sans les achepter bien chèrement on n’en pouvoit tirer ne mettre sus aulcunes forces audit pays tellement que pour gaigner les hommes, les entretenir et pour estre adverty de plusieurs endroictz, il auroit faict beaucoup de despence en espions et parties inoppinées par les menus et en dons et praticques partie icelles pour estre bien adverty, dont les deniers auroient esté distribuez par son commandement verbal tant par les mains de Mathurin Rouxel, l’un de ses secrétaires, par le sieur de Beauvoirs et aultres ses secrétaires jusques à la somme de dix ou douze mil livres tournois54. »

15Importante somme que ces 12 000 lt. en dépenses d’informations (au sens très large)55. Le même texte rapporte aussi qu’« il fut contraint vendre et allouer pour plus de trante mil livres de son bien », ce qui explique un peu mieux les importantes aliénations du comté de Penthièvre opérées dans les années 1560-1563, précisément au moment de la campagne normande, dans l’objectif de financer ses troupes56. Ce texte royal reprend très précisément un passage du testament du duc qui se justifiait ainsi à propos de ses dépenses d’environ 12 000 lt. en « praticques pour estre advertiz d’autres choses » en temps de guerre : « Si leurs majestez ont doubte que je les aye employez à mon proffict, ilz verront que aux mesmes années j’ay vendu pour plus de XXX [30] mil livres de mon bien57. » Car en réalité, Étampes avait demandé au roi un imposant prêt de 20 000 lt., prêt justement rendu possible par sa capacité à rembourser rapidement une aussi grosse somme. Ainsi, au moment de faire cette demande, il s’était justifié : « Je vous promectz que quant je deuvoys tout vendre et engaiger, il n’y aura point de faulte que je ne les rende58. » L’avancement personnel va donc très loin. Le gouverneur, à la fois créancier et débiteur, ne lésine pas à avancer du sien, parfois même jusqu’à s’endetter et à vendre ses biens personnels tels que des fiefs, qui sont justement la base de sa fortune foncière.

16Or, ses avances répétées posent parfois l’épineux problème de la confusion entre service du roi et intérêts personnels. En 1558, environ 340 Anglais et Flamands ont été capturés par ses troupes lors de la descente du Conquet, dont le vice-amiral de Flandres, le sr de Wacken qu’Étampes a rançonné : « Je vouldroys que vostre prise vous peult valoyr cinquante mille escuz », lui dit ainsi sa belle-mère59. Ayant entretenu les prisonniers à ses frais, il demande à l’adjoint de l’ambassadeur en Flandres qu’on lui rembourse « la despence des prisonniers depuis le temps de la composition de Bossuzen [François van Boschuysen, capitaine flamand capturé] pour quatre ou cinq cens escuz. Encores qu’elle monte à beaucoup davantage en quoy scoient compris les IIc [200] de monsieur l’ambassadeur60 ». Quant aux autres prisonniers, il les utilise comme pionniers pour améliorer les murailles de son château de Lamballe. Libéré et rentré en Hollande, Boschuysen revient sur l’affaire, dénonçant une confusion entre affaires privées et publiques. Et Étampes est contraint de rédiger un exposé à destination de l’ambassadeur français pour se justifier :

« Le duc d’Estampes dit que les prisonniers de guerre qu’il a eus par cy devant n’est point en qualité de gouverneur de Bretaigne, ny comme les ayans pris par le droit du roy comme semble que veille dire le sieur de Bossehuyssen, et aussy il est tout commun qu’il n’est point acoustumé d’en user ainsi sinon que ce fussent prisonnier de grande qualité et excedant dix mil francs. »

17Ainsi, mis à part les grands personnages pour lesquels le roi peut demander rançon, la foule des prisonniers est en droit d’être capturée par Étampes, qui procède à une distinction précise : il n’agissait pas en tant que gouverneur. Plus loin, il justifie son attitude par des raisons financières :

« Ledit duc, les prenant d’eux à ses despens, les a fait conduire et mener en ses maisons, et ne se trouvera qu’ils aient esté aucunement nourris aux despans du roy, ce qui ne se fust fait sy ledit duc d’Estampes les eust pris pour et au nom de Sa Majesté, mais les eust envoyez et départis par les prisons royalles pour les faire nourrir61. »

18Son exposé montre à quel point l’argument financier peut justifier la confusion entre la charge et l’individu privé. S’il ne s’en était pas chargé personnellement, tous ces prisonniers – dont le statut est encore très flou à cette époque – auraient coûté au roi. Certes, les prisonniers le servent pour ses travaux personnels, mais il s’agit là de dépenses en moins pour la Couronne. Fort heureusement pour le roi, son gouverneur de Bretagne est en capacité de nourrir plus de trois cents prisonniers à ses frais, ce qui, au passage rend encore inutile la mobilisation d’une coûteuse administration dédiée à ce sujet. Et en retour de ce service rendu, Étampes obtient de la main-d’œuvre non salariée : c’est donc un jeu gagnant-gagnant qui concerne le classique problème de ces prisonniers non « rançonnables », c’est-à-dire trop peu riches, ou dont les frais et les aléas pour monter une opération de rançon sont jugés trop importants et que l’on relâche d’ailleurs souvent, car leur entretien reste à la charge de celui qui capture.

19Ainsi, l’engagement des biens personnels du gouverneur de province est un réel atout pour le pouvoir central. On comprend également pourquoi les grandes provinces, celles où les dépenses militaires sont les plus élevées, sont l’apanage des plus puissantes familles, capables d’avancer rapidement de telles liquidités. Au xviie siècle, le changement d’échelle des recettes royales et la mise en place du système fisco-financier permettront de procéder autrement. Reste qu’à la Renaissance, des nobles d’un rang plus modeste seraient dans l’incapacité la plus totale d’avancer des sommes aussi conséquentes, ce qui les pousse plutôt à briguer des postes de commandement moins prestigieux. Là encore la dépense peut être importante et mal récompensée.

Les avances des subordonnés : le « crédit-relais » du gouverneur

20À l’échelle provinciale, le gouverneur est celui qui peut inciter les dépenses de ses subordonnés tels que les capitaines de places fortes et de gens de guerre. Plus grand est son crédit auprès de la monarchie, plus ces derniers avancent à leur tour des liquidités, ayant confiance en sa capacité à obtenir ensuite des remboursements, c’est-à-dire en son « crédit-relais », soit une confiance monétarisée62.

21Ainsi, en avril 1557, lorsque les Espagnols s’emparent de Belle-Île, Étampes ordonne au sr de Boisorcant, capitaine de Rennes, de lui délivrer deux pièces d’artillerie et, lui assure-t-il : « De tout de ce que se dépendra et de ladite artillerye, je vous en responds à mon propre et pryvé nom, ensemble de la despance qui se fera à conduyre tout audit Ploërmel, où je les feré rembourser63. » C’est bien son « propre et pryvé nom » qui incite à la dépense du capitaine et des habitants, ayant ainsi confiance en un futur remboursement. Fort de cette garantie, les bourgeois lui envoient deux de leurs meilleurs canons, soixante boulets et force poudre mais, précisent-ils :

« Soubz votre promesse et asseurance que l’affaire cessant incontynant, il vous plaira les nous fères renvoyer sans mise de notre part, vous supliant très humblement, Monseigneur, entandre que aultre foiz, en pareille nécessité, nous en prestames par le commandement de feu monsieur de Laval, lors lieutenant du roy en ce pays, qui ne nous a esté renvoié et est encore à présent cheix le sieur de Beaufort avecques lequel en avons eu bien long proceix64. »

22Le crédit du gouverneur est mis à l’épreuve dans la mesure où on le compare habilement à celui d’un prédécesseur aux commandes sous François Ier – Guy XVI de Laval a été lieutenant général (1517-1526) puis gouverneur de Bretagne (1526-1531). Au même moment, à Brest, Jérôme de Carné organise en hâte de coûteuses réparations pour sa place-forte. Étampes lui envoie 1 000 lt. par le commis du trésorier de la recette générale de Bretagne, Aignan de Cailly – dont le père avait été un prêteur pour lui dans les années 1530-154065. Ici, il s’agit du remboursement d’une « grande despence » qu’a faite le capitaine, qui demande au gouverneur d’avoir regard à la somme « de laquelle je ne pourroys estre remboursé sans avoir aultre mandement de vous, s’il vous plaist vous y aurez regard66 ». Cependant, le crédit-relais d’Étampes dépend toujours de l’état des finances royales. Même s’il peut plaider en cour la cause d’un subordonné, il ne peut rien face aux caisses vides et aux retards chroniques d’argent. C’est pourquoi, un an plus tard, Carné l’assure qu’il aidera de tout son possible le sr de Kersimon dans l’organisation de la défense des côtes face à la menace anglaise, mais précise-t-il, « sans me mectre en nécessité », possible signe d’avances déjà non remboursées par la Couronne67. En effet, Carné, impayé de ses gages depuis six ans et ayant déjà avancé près de 3 400 lt. pour l’entretien de sa place, n’a d’autre choix que celui d’utiliser son crédit auprès du gouverneur et de la monarchie pour inciter les prêts des Brestois. Entre 1558 et 1559, il emprunte ainsi 5 800 lt. auprès des habitants pour financer sa garnison, sans compter les 5 000 lt. pour « ung commissaire d’artillerie et six canonniers qui passèrent audit temps en Escosse, desquelles sommes, dit-il, je fus respondant ». Quatre ans plus tard, il demande à la reine mère que « lesdites despences soient paiées, dit-il, à ce que je puisse estre libéré de l’obligation où je suis constitué envers eulx [les habitants]68 ». Personnellement obligé, et quatre années après son emprunt, le capitaine n’est toujours par remboursé.

23À Saint-Malo, dans les années 1550, Bouillé peine lui aussi à recevoir l’argent du roi pour financer ses cent soldats. Il s’en ouvre à Étampes :

« Monseigneur, je suis bien empesché de contanter ceste compaignie de gens de pied que j’ay ici, car il leur est deu à ceste heure ung mois et demy [de solde] et ilz n’ont assignacion de leur payement que pour ung, et veullent que seur cela je responde à leurs hostes de leur dépence, qui ne leur veulent rien advancer sans mon asseurance, dont est chose où je crains bien de plus m’obliger car si le roy leur faisoit perdre partie du temps qu’ilz auroyent servy, je ne scauroys où m’en prendre et n’y auroit que moy qui y perdist […]. Ilz m’ont laissé leur trésorier pour payer leurs debtes, et partie d’eulx me ont habandonné69. »

24Plus tard, le capitaine note à propos de son lieutenant qui garde le fort du Bé et qui reste impayé d’un peu moins de deux années de gages : « Je l’ay tousjours entretenu de parolles et de tout ce que j’ays peu, espérant que ordonneriez qu’il fust payé. » Avec son « assurance » et ses « paroles », il joue désormais sur son propre crédit pour faire patienter ses hommes. Au duc de Guise, il ajoutait qu’il fallait bientôt arriver à leur paiement car : « Vous pourez penser quelle fiance peult avoir ung cappitaine à soldatz sy mal contens70. » Auprès d’Étampes, il déplorait encore : « Je n’ay pas le moyen de fournir à tout71. » Trois ans plus tard, les soldats ont dû recourir à tellement d’emprunts que le sr de Talvert, lieutenant de Bouillé, note qu’ils n’ont même plus « un verre d’eau à crédit72 ».

25La situation n’est pas meilleure à Nantes, où René de Sanzay rapporte à Étampes à propos de ses hommes : « Tous les jours sont après moy, me disant qu’ilz meurent de faim et de froid73. » Quelques années plus tard, en 1568, il évoquera même un problème de fond, celui du meilleur paiement des troupes de l’extraordinaire sur celles de l’ordinaire : ses soldats, dit-il, impayés depuis sept ans,

« ont mérité estre mieulx payés que ceulx que on ne congnoist si bien qui sont bien payés [les compagnies de l’extraordinaire]. Quant je commande ou mon lieutenant ausdits paouvres mortepayes aller à la garde, ilz disent : “faictes nous payer comme sont ceulx qui ont tenu les champs et qui n’ont tant fait de services que nous, ou à tout le moings, donnez nous à manger74 !” ».

26À Brest, Jérôme de Carné ajoute que « la plus part d’eulx ont esté contraints de vendre leurs arquebuzes75 ». Le retard du remboursement royal explique, en partie, les démarches de certains capitaines cherchant à se rembourser directement sur le menu peuple. Toujours en 1558, Étampes est ainsi commissionné par le roi pour enquêter à propos d’une requête de Jacques de Robien, capitaine du Croisic. Ce dernier rappelle que cela fait des années que sa pension de 500 lt. pour son état de capitaine reste impayée et qu’il ne compte plus les dépenses personnelles pour le service du roi76. Un an plus tôt, Étampes lui avait rappelé que ce service rendu impliquait la dépense : « Je suys bien marry, lui dit-il, que je n’ay le moien de vous pouvoir servir à vous aider à supporter la despence que vous faictes là, mais vous scavez qu’en la saison où nous sommes qu’il fault que chacun serve en quelque lieu77. » En effet, le secrétaire d’Étampes, Cornulier, et le notaire et secrétaire du roi et futur maître des comptes, Marc de Barberé, lui rapportent également à propos du paiement de ses gages qu’il « fault que cella vienne de puissance du Prince, qui malaisément l’accorderoit à présent veu qu’il casse plus de la moictié de ses officiers tant domestiques, cappitaines que aultres. Il fault que vous attendiez une meilleure saison qui pourra estre dedans cinq ou six mois78 ». Cette situation doit être d’autant plus pénible pour un petit capitaine de ville sans grande fortune et c’est pourquoi Robien évoque des émoluments qu’il pourrait prélever directement sur les habitants. Même dessein pour Sanzay à Nantes : en 1557-1559, face à la grande pauvreté de ses mortes-payes qui vont « à l’aumosne » faute de solde, il leur apporte « l’aide que je leur ai faite pour vivre, qui m’est tousjours rechargé de frais, et sans ce que aye jamais receu ung seul denier des guets79 ». Droit de guet qu’il aimerait bien toucher de lui-même pour le récompenser de ses avances et qui occasionne une nouvelle enquête du gouverneur80. Au Croisic comme à Nantes, les témoins auditionnés, dont certains sont aussi capitaines de villes comme Thibault du Bot à Auray ou Jacques de Nevet à Quimper, rejettent cette solution et rappellent qu’il est tout à fait normal et même souhaitable qu’un capitaine investisse de ses propres deniers pour le bien public et la moindre « foule » du peuple. Privé d’un possible droit de guet, Sanzay rappelle en 1560 ses impayés et qu’il a « tousjours servy à [s]es despens et faict de grandes mises81 ». Quelques mois plus tard, il écrit au roi :

« Sire, je avois puis peu de temps délibéré me retirer à ma pauvre maison encores que en ceste charge où je suys, y a plus de cincq ans que ne fuz paié de pension ne estat et que n’y ay heu nul proffit et que tousjours y ay faict mon debvoyr et servy à mes despens avecques grandz fraiz et mises comme ay faict toutte ma vye en aultres lieux, faisant debvoyr d’homme de bien82. »

27Le gentilhomme sollicite alors le canal du connétable de Montmorency, son supérieur direct à Nantes : « Je scay l’amytié que portez à monseigneur le connestable. » Ces demandes semblent inefficaces et il doit à nouveau se tourner vers son gouverneur, dont le crédit l’a aussi incité à avancer de l’argent : « J’y ai envoyé et envoyerai à mes despens, expérant que ferez moyen que en serai récompensé83 », lui dit-il. La proximité d’Étampes avec le pouvoir royal suscite presque tacitement les avances des capitaines locaux. C’est aussi la règle dans le service qu’eux-mêmes lui doivent et s’observe ainsi une cascade des pouvoirs qui fonctionne également pour les avances.

28Ainsi, toujours en 1558 – fort moment d’avances des dirigeants bretons –, Bouillé écrit à Étampes en réagissant au danger anglais qui plane sur Saint-Malo :

« Quand ce a esté à bailler argent, j’ay baillé le myen le premier, pensant qu’ilz [les bourgeois] me ensuyvroyent, ce qu’ilz n’ont faict, toutefois il y en a qui m’en ont bien voulu prester quelquez peu soubz mon obligation […]. Monseigneur, je ne scai si le Roy trouvera bon que j’aye emprunté de l’argent et que je y ays mins le myen pour employer à la seureté de ceste place sans commandement. Je vous supplie très humblement de le lui faire scavoir, afin que s’il ne le trouve bon, que je m’en retire plus tost que plus tard. Mais aussi, s’il l’a agréable, qu’il lui plaise me donner le moyen de garder mon crédit pour son service [le rembourser rapidement]84. »

29On assiste bien là à la subtilité du crédit qui peut parfois être très local. À dire vrai, le crédit du gouverneur est loin d’être isolé et s’appuie donc sur celui de ses subordonnés qui se doivent de ne pas être de trop petits personnages. Pourtant, leurs finances sont plus fragiles que celles d’un Grand seigneur, d’où leurs soucis récurrents de toucher leurs gages et pensions à temps85. En décembre 1560, Bouillé évoque ainsi le cas particulier d’un capitaine :

« J’ay faict faire la monstre de la compaignée du sieur de Kerallio, par ce que je ne les pouvois plus tenir. Il n’y a compaignée qui ne se ruyne à ne bouger ainsy des hosteleries. La votre s’en sentira bien. Je suis bien empesché pour ce que ledit sieur de Kerallyo n’a presque poinct d’estat, à cause qu’il fault qu’il appoincte beaucoup de braves soldatz et sa cornette et voy bien qu’il despend beaucoup. Il vous avoit pleu luy faire donner à ceste dernière monstre cent livres. S’il ne vous plaist luy faire encores ce bien, sera luy faire perdre le cueur [l’envie de servir]. Je vous supplie très humblement qu’il vous plaise d’en avoir souvenance, car c’est ung bien fort homme de bien et de bon service86 », dit-il.

30En effet, un remboursement déguisé en gages ou pensions contribue à entretenir les bonnes volontés et alimente les circuits du crédit local. En février, Bouillé avait demandé une ordonnance à délivrer au trésorier Cailly pour lui faire rembouser ses avances dépensées pour les fortifications de Saint-Malo :

« Puisque tout est bien vérifiée par les comptes dudit trésorier et par le toisage de St-Germain [Jean de L’Orme], que ladite somme que j’ai fait advancer a esté employée. Je vous supplie très humblement qu’il vous plaise de la lui vouloir bailler afin que je ne perde cela87. »

31Mais ce strict contrôle des remboursements entraîne parfois de préjudiciables délais. Bouillé rappelle ensuite à propos de ses 500 lt. dépensés :

« Vous scavez en quelle saison je le feiz et s’il estoit besoing ou non de se fortisfier à ceste heure là. Et ne feiz advance de chose que vous m’en eussiez ordonné environ d’autant à Cailly. Je scay bien que s’il vous plaist bailler certification de l’ordonnance verballe que vous en avez faicte que messieurs des comptes passeront cela sur le compte du feu trésorier Charron. Je vous supplie très humblement, Monseigneur, qu’il vous plaise me faire ce bien de voulloir bailler ladite certification. Je ne vouldroys pour rien vous supplier s’il n’estoit raisonnable. Je faiz tant de despence icy que l’estat que j’ay du Roy et mon bien n’y peuvent fournir. J’ay bien besoing de votre moyen en cela et aultres endroictz car il n’est possible sans votre ayde de durer si longuement88. »

32De même qu’à une échelle supérieure, le crédit-relais du gouverneur peut donc emprunter la forme de récompenses en dons, largesses fiscales ou honneurs. En 1560, Bouillé remercie ainsi Étampes du « don que le roy m’en a fait par votre moyen » et lui rappelle :

« Qu’il vous plaise escripre encores à la Royne et à monsieur de Gonnort [surintendant des finances] pour me faire avoir mon assignation des deux mil livres, que je scay bien que sa majesté ne m’eust ordonné synon que luy en avez peu remonstrer pour moy, et ne m’actendz pas aussy d’en rien avoir s’il ne vous plaist luy en escripre de rechef89. »

33Pour le gentilhomme, c’est donc bien la proximité du duc d’Étampes avec le souverain qui peut débloquer bon nombre de situations. De même, en 1560, lorsqu’il se rend aux États généraux d’Orléans, Bouillé en profite pour lui demander de parler au roi afin d’obtenir une compagnie d’ordonnance. Habilement, il rappelle :

« Monseigneur, vous avez esté toujours le premier auteur de tout le bien et advencement que j’ai […] et encores que le Roi ne m’en donne point, si me sera ce ung grand honneur que ung tel seigneur que vous ait si bonne estime de moi et me favorise tant que d’en parler pour moi90. »

34Subtil moyen de pousser à l’intercession que de rappeler que l’honneur reçu sera immense, même en cas d’échec. Ce faisant, Bouillé pointe une donnée majeure de l’intercession du gouverneur : son crédit. En effet, la perspective d’un échec pourrait très fortement le refroidir, car l’effet de sa parole auprès du monarque n’est pas illimité et son usage doit donc être mesuré. Plus tard, Bouillé lui rappelle encore :

« Je sçai bien que avez bien le moyen envers la Royne de lui faire considérer les grandes despenses que je suis contrainct faire en telles charges que ceste cy. Il m’est impossible de faire bon service au Roi ayant si mauvais traitement d’argent […]. Je vous suppli qu’il vous plaise me faire resantir du lieu que tenez auprès de Sa Majesté91. »

35Ce lieu tenu auprès du roi, ce pouvoir d’intercession est clairement évoqué et s’avère payant. L’année suivante, Étampes rappelle à Catherine de Médicis les grandes dépenses de son adjoint et songe à une récompense particulière, celle du collier de Saint-Michel. Il écrit à la reine :

« Je vous asseure qu’il est contrainct de faire de grandes despences et, s’il vous plaisoit, comme je vous ay tant de fois supplié, l’honorer de l’ordre, il en seroit bien myeux obey pour le service de voz magestez92. »

36Fort de son appui, Bouillé devient chevalier de l’ordre de Saint-Michel lors de la promotion suivante93. Par conséquent, sa promotion agit autant comme une compensation qu’un encouragement à continuer de servir : dans l’immédiat, sa compagnie d’ordonnance ne peut être levée mais elle le sera quelques années plus tard. Cette distinction, qui est un réel supplément de prestige et d’honneur pour le gentilhomme, reste un moyen efficace et peu coûteux pour la monarchie de récompenser ses sommes avancées, d’autant plus que l’argent est toujours très difficile à trouver en cette période de grande difficulté financière. Mais, remboursé sur un capital de prestige et non en argent comptant, Bouillé n’en reste pas moins dans une situation des plus délicates. En 1562, il concède au sr de Gonnord, surintendant des finances depuis 1561, qu’il dépense beaucoup trop rapidement l’argent qu’il reçoit de l’ordinaire des guerres et que ses mortes-payes ne reçoivent pas tous leurs gages : « Je n’ay que cent livres d’estat pour toute la garde de ce pays, qui est si peu que je vous asseure ma foy que je les despence en deux jours94. » Comme Étampes, il reçoit donc de ponctuels mais importants dons, à l’image de ces 3 600 lt. reçus pour « supporter les grands fraiz et despenses qu’il luy convient faire95 ». À Belle-Île, Sourdeval se distingue lui aussi par des avances personnelles et par le recours à un crédit auprès de ses soldats pour les faire patienter faute de solde96. Pour le récompenser, et à court d’argent, Étampes gagne pour lui de percevoir la fiscalité de son île. Le gentilhomme s’en ouvre : « Je vous suppli très humblement qu’il vous plaise me estre aidant pour me saulver ce qu’il vous pleut dernièrement me faire donner au feu Roi, qui est l’impost, billot et saicherie de Belleisle97. » C’est résolument le crédit curial du gouverneur qui joue. Et comme son supérieur, Sourdeval reçoit du roi des biens confisqués sur un condamné : les maisons et terres de feu Dom Pierre, prêtre, exécuté par justice à Vannes98. Plus tard, comme Bouillé, il obtient un don royal de 300 lt. pour lui « donner plus aisé moyen de supporter les fraiz et despences » qu’il a pu faire99. Quant à René de Sanzay à Nantes, il apparaît excédé dès 1568 et livre un long discours sur ses finances au jeune duc d’Anjou :

« Monseigneur, je ne suys nullement payé de mon estat et penssion et sers à mes despens et n’eu jamais aulcun bienfaict et y a plus de quarente et deux ans que ay commencé à porter les armes pour le service de ceste couronne sans discontinuer et y ay despendu près de deux cens mille escuz et en tout ma vie n’en receu mille cinq cens. Il avoit pleu aux feuz roys et au roy votre seigneur et frère me faire quelques dons pour me rescompencer de quelque partye qui tous m’ont esté empeschez et m’a beaucoupt cousté à les porchasser et jamais n’en ay peu avoir ung seul denier100. »

37Dans de telles conditions, c’est le système de crédit et de crédit-relais qui atteint parfois ses limites car le gouverneur de Bretagne ne peut pas indéfiniment avancer de l’argent à l’aveugle ou promettre des remboursements, en numéraire comme en dons, s’il est conscient que ceux-ci ont peu de chance de voir le jour.

« Si la bourse du Roy en est lasse, la mienne l’est encores plus » : les limites des avances personnelles

38En effet, les avances personnelles du gouverneur ne suffisent parfois plus. Les débuts des troubles religieux apparaissent en ce sens particulièrement difficiles. En 1560, Bouillé en appelle aux Guises à propos du paiement de ses arquebusiers à cheval :

« Je suis bien empesché par ce que le trésorier général de ce pais, à qui le roy avoit escript pour paier la compaignée de harquebusiers à cheval que j’ay ycy, m’a dict que le trésorier de l’espergne l’a tant contrainct de luy envoyer de l’argent qu’il avoit, qu’il n’a à ceste heure pas ung soult, et d’aultant que le moys est passé, ces soldatz ont sy grand peur que l’on leur face perdre leur temps que je ne les puis assurer, et suis contrainct de leur aider un peu de mon argent en attendant qu’il vous plaira d’y avoir pourveu où il vous plaira bientost de donner remède, car je n’ay pas moyen de leur en guères bailler, car je n’en heuz jamais moings101. »

39En 1561, Étampes rapporte qu’il engagera sa « puissance » pour payer ses troupes si l’argent du roi peinait à arriver. Mais le vocabulaire utilisé n’est désormais plus celui du dévouement aveugle et sans bornes car il s’estime plutôt « contrainct » d’avancer l’argent, solution qui ne pourra, au demeurant, pas durer bien longtemps. Au roi, il écrit :

« Bien tost que je n’eusse de voz nouvelles, encore que à mon grant regret, je n’aye que bien peu de moien pour faire l’advance ne pareillement pour les aultres menuz fraiz extraordinaires pour lesquelz il vous plaira ordonner à votre trésorier de ce pais de fournir argent, car je n’ay grant puissance de plus les porter102. »

40Sa puissance financière atteint là ses limites. En mai 1562, impayé de ce qui lui est dû, il avertit la reine :

« L’assignation m’a esté envoyée sur les deniers paiables au mois d’octobre à venir destinez ailleurs, qui seroit ung mauvais moyen, Madame, pour me nourrir. Cependant, par quoy je vous supplie très humblement, plus pour vostre service que pour ma nécessité, qu’il vous plaise m’en faire assigner sur deniers certains et promptz. Et quant au reste de ce qui m’est deu, il vous plaira aussi le m’assigner sur les deniers provenans de l’octroy de ce pays, paiables sur la fin de ceste année. Et vous supplie, Madame, vous souvenir de ce qu’il vous pleut m’en promettre quant je party de Sainct-Germain[-en-Laye], et de penser que vous n’avez homme en vostre roiaume qui ayt moins de besoing qu’on luy face rien perdre que moy, et que je ne le cuyde avoir en rien mérité. Je ne parle point, veu le temps où nous sommes que, combien que je pense qu’il y ayt peu de gouverneurs qui portent plus de despence que je faiz, il n’y en a point ayant moins d’estat et n’ayant que trente hommes d’armes, que moy. Tout cela, Madame, ne scauroit reffroidir l’affection que j’ay au service du roy et de vous, mais il me deplaist qu’il m’oste le moyen d’exécuter la volonté que j’y ay103. »

41En juillet, il use encore d’une belle formule auprès du roi de Navarre : « Vous pouvant bien asseurer que si la bourse du Roy en est lasse, la mienne l’est encores plus104. » Aussi, quand l’argent des soldes ne vient pas et qu’il n’est plus en mesure d’avancer les fonds faute de paiement de sa propre pension105, apparaît à nouveau la notion de crédit. Celui-ci évoque alors un engagement du gouverneur sur son honneur et sa parole de gentilhomme, argument moral de poids qui pourra faire patienter les soldats. En 1563, Étampes avoue ainsi au roi qu’il ne dispose plus que de ses propres gendarmes et de ceux de son neveu. Sans argent, il a trouvé des moyens plus ou moins viables à court terme :

« [Les gendarmes] que nous avons tant harassées depuis que nous sommes en ce pays, nous les avons presque tousjours mené par les osteleries, qu’il n’est pas possible qu’ils puissent continuer faisant si cher vivre, et en ung pays où on ne leur baille rien à crédit, de faczon que quelque rigueur que nous leur ayons peu tenir, il s’en est allé une partie sans congé106. »

42En juillet précédent, il déplorait déjà à propos d’eux : « Voians ne recevoir aucuns deniers, ilz se sont incontinant retirez107. » Et encore, s’agit-il de ses gendarmes, c’est-à-dire de ceux qui le connaissent bien et qui patientent le moins difficilement108. Lorsqu’il est aux prises avec les soldats de l’extraordinaire, aventuriers avides de soldes, son crédit apparaît bien plus fragile. À en croire un mémoire de 1562, les aventuriers sont des quasi-mercenaires capables de se vendre aux plus offrants, même aux huguenots : « Telles gens suivent l’escu109 », écrit-il. Constat partagé par Bouillé qui estime que les soldats impayés « s’en veullent aller rendre avec les huguenots pour piller et ne payer rien comme ils font, en sorte que je croy qu’en la fin je demourerai tout seul110 ».

43Le crédit du gouverneur avait déjà été mis à l’épreuve en 1558, lorsqu’il avait dû lever dans l’urgence des troupes pour résister aux descentes anglaises et en affirmant que l’argent ne tarderait pas à venir de Paris une fois les opérations menées. Sauf que l’argent tardait trop et il rapportait ainsi au roi que :

« La pluspart, pour n’avoir receu que une partie de l’argent, est sur mon crédit, que j’ay tellement perdu pour avoir esté rendu menteur en tout ce que je leur ay promis jusques à ceste heure que je n’ay pas espérance, s’il revient ung affaire, de pouvoir plus amasser111. »

44Menteur. Le mot est fort tant il s’agit d’une véritable infamie pour un homme de son rang. Dans ces conditions, on comprend bien que le crédit, au sens de confiance, est absolument central en vue d’en obtenir un autre, cette fois-ci au sens de dette financière. C’est bien l’honneur du gouverneur qui est en jeu… et avec lui sa capacité à mobiliser des fonds112. De la même manière, lorsque pour sa campagne de Normandie de 1562, il se fait prêter deux canons par les bourgeois de Rennes, il engage sa parole de gentilhomme et promet de les rapporter une fois les opérations terminées. Sauf que Jacques de Matignon, à qui il les a confiés, tarde ensuite à les rendre. C’est pourquoi Étampes lui écrit une quantité de lettres pour lui rappeler sa promesse. Depuis Rouen, il demande de rendre les pièces d’artillerie et écrit : « Puis que l’on n’en a que faire si je faillois à les rendre, je perderois mon crédict113. » Quelques jours plus tard, une nouvelle formule rappelle qu’il a engagé son honneur : « Je vous prie bien fort, afin que je ne perde mon crédict avec ceulx de Rennes, d’y faire renvoier ses deux canons114. » Excédé par les demandes répétées sans résultat115, il décide finalement d’utiliser sa position auprès de la reine pour obtenir satisfaction : « La royne a commandé à monsieur le maréchal de Brissac de regarder que notre artillerie de Bretaigne, qui estoit demourée à Saint-Lô, nous soit rendue116. » Son crédit de Grand réside aussi et surtout dans sa capacité à mobiliser le canal du pouvoir central. Si les Rennais lui ont si facilement accordé un prêt financier comme un prêt matériel, c’est parce qu’ils ont confiance en sa capacité à rembourser et à rendre. Fort de lettres royales, Étampes peut, in fine, confier la récupération de ses canons à un serviteur117. Mais l’affaire a trainé en longueur et a tout de même quelque peu entamé son crédit : « Je seroys bien mary que notre artillerie ne nous fust rendue avant l’hyver118 », confesse-t-il. Si bien qu’après sa mort, les canons ne sont toujours pas rendus et c’est son neveu qui doit prendre le relais auprès de Matignon, rappelant les lettres royales obtenues à cet effet par son oncle119.

45Certes, le gouverneur peut relayer les plaintes de ses subordonnés auprès du roi. Il le fait d’ailleurs en 1562 lorsqu’il déplore qu’il n’a rien reçu depuis deux ans pour l’entretien des places fortes et mortes-payes excepté « dix mil livres pour une année sur parties, dont l’on ne peult rien recevoir, d’aultant que les comptables ne veullent rien paier et encores moins ceulx des villes de leurs deniers communs120 ». En 1564, il relaye encore les demandes de Bouillé à propos des mortes-payes de Saint-Malo et écrit au roi : « Il seroit à craindre que la nécessité les contraignaist de faire quelque faulte en ceste place là, qui ne seroit pas aisé à réparer121. » Mais il ne demeure pas toujours l’autorité la plus compétente sur le sujet. Au capitaine Kerouan, en charge de Concarneau, qui se plaint plusieurs fois du mauvais traitement de ses soldats, il répond ainsi :

« Je vous promets qu’en celles qui sont de ma charge j’y feray ce que je pourray, mais il y en a beaucoup qui ne dépendent pas de moy, ains [mais] seullement de la volonté du Roy, comme les morte payes, les armes et l’artillerie avec les munitions, par quoy je suis d’avis que vous en escripviez à Monsieur le Connestable122. »

46S’ajoute donc à la gestion de l’argent provincial, la nécessaire collaboration avec les institutions financières proprement dites.

« Messieurs des finances » : l’entrée des officiers royaux dans le conseil du gouverneur

47Afin de payer l’armée, le gouverneur collabore étroitement avec le personnel de l’ordinaire et de l’extraordinaire des guerres. Car c’est bien de « Messieurs des finances », chargés de régler les dépenses militaires là où servent les troupes, que dépend le paiement quotidien des soldats123.

Des commissaires des guerres à la croisée des réseaux

48L’argent de l’ordinaire vient de la caisse du même nom. Les montres des troupes sont effectuées par un commissaire, le paiement par un trésorier de l’ordinaire assisté de payeurs pour les compagnies d’ordonnance124. Nommés par le connétable ou les maréchaux, chefs des armées, les commissaires ordinaires Gaillard de Forsans (1538-1553), puis son fils Jean (1553-1560), sont des clients du maréchal Claude d’Annebault. Louis d’Avaugour, sr de Kergrois (1548-1552), René du Cambout (1552-1553) puis François de Monterfil (1553-1563) sont ceux du connétable125. Ce dernier prend toutefois la peine d’informer Étampes de ses choix, car c’est par lui que sont décidés les lieux des montres :

« J’ay aussi faict bailler au sieur du Cambout la commission pour faire les monstres de Bretagne comme faisoit ledit sieur de Cargrois [Kergrois] dont, Monsieur, n’ay voullu faillir aussi vous advertir vous asseurant que le bien qu’il plaist au roy faire à mes serviteurs et amys de delà, veulx et entends qu’ilz le tiennent de vous et tout ainsi que je me vouldrois de bon cueur emploier pour les vostres126. »

49Sans compter que les commissaires sont tous vassaux d’Étampes et se retrouvent au cœur d’un réseau de clientèle croisé entre ce dernier et les favoris royaux. Ainsi, René du Cambout explique qu’il est obligé par ses multiples fidélités : « Je suys tant après à m’obliger pour grans seigneurs », dit-il à un parent dans une missive écrite depuis Châteaubriant, demeure de Montmorency, qu’il garde pour lui et dont il relaie les lettres en Bretagne127. Du temps d’Étampes, la charge de commissaire ordinaire, qui fonctionne en binôme, obéit à une certaine provincialisation. En effet, le tropisme breton est prégnant pour ce personnel : résolument hommes de guerre, ils sont aussi en charge de places-fortes locales. Les Forsans sont capitaines de Dinan, René du Cambout, du Gâvre, François de Monterfil, de Vannes128. Quant à Kergrois, il est conseiller au parlement de Bretagne. Cette origine locale, couplée à un manque criant de personnel, explique qu’ils disposent parfois d’une très grande liberté d’action. Monterfil et Jean de Forsans se passent ainsi de trésorier de l’ordinaire et procèdent parfois seuls aux montres129. Dans le même temps, Forsans devient le commissaire attitré pour les revues des troupes stationnées à Brest à destination de l’Écosse130. Or, à Jean de Forsans succède René de Boujardière, sr de Montausson131. D’une famille du pays Chartrain, il effectue toutes les montres bretonnes des premières guerres de Religion mais son extranéité accentue des retards de soldes déjà chroniques, précisément à un moment inopportun132. Étampes le souligne au duc de Guise dès août 1560 :

« J’ay advisé de vous envoier ma depesche par le seigneur de Couvette, enseigne de ma compaignye, qui n’a encores faict monstre pour ce que le commissaire n’est poinct encorres venu, par quoy s’il y trouvoit difficulté pour la sienne à cause qu’il n’y pourra estre, il vous plaira la luy faire, car je vous puis asseurer qu’il a icy ses armes et chevaulx comme le conterolleur a veu133. »

50Quant aux troupes de l’extraordinaire, Étampes dispose d’un vrai pouvoir : il établit les montres, assigne les paiements et désigne les commissaires et contrôleurs. Dans cette mesure, la noblesse locale fournit ponctuellement des commissaires extraordinaires choisis parmi ses subordonnés et ses réseaux, signe d’une certaine provincialisation des missions d’encadrement de l’armée royale. Ainsi, dans les années 1550, la garnison de Belle-Île est passée en revue par Jacques de Nevet, capitaine de Quimper, homme de guerre compétent et respecté aux États, fait commissaire extraordinaire des guerres « commis et ordonné par Monseigneur le duc d’Estampes », et secondé par Jehan Renard, « commis à faire le contrerolle par Monseigneur d’Estampes134 ». Puis, toujours à Belle-Île, le duc fait appel aux commissaires ordinaires Cambout et Monterfil, assistés par Louis Mallet, contrôleur extraordinaire et commis du trésorier de l’extraordinaire135. Ce recours aux commissaires ordinaires doit répondre à des impératifs d’urgence, comme lorsqu’est envoyé le commissaire Kergrois inspecter l’arrière-ban de Nantes en 1544136. Mais ces agents sont peu nombreux et déjà occupés par les troupes de l’ordinaire. C’est pourquoi, refont surface, surtout en temps de crise, les commissaires extraordinaires issus de la noblesse locale, assistés de contrôleurs locaux qui sont souvent des petits officiers de justice professionnels du droit et des écritures. Ainsi, en 1558, alors qu’il faut rapidement mobiliser les troupes face aux Anglais qui ont débarqué au Conquet, Étampes fait tenir des montres de cavaliers et piétons par Nicolas de Villeneuve, pensionnaire de Bretagne « expérimenté au faict des armes », en lui précisant : « Appellans avec vous le greffier du lieu de Sainct Renan ou ung notaire royal pour servir de contrerolle adce qu’il ne se commecte aulcun abbus137. » En 1560, Bouillé fait encore tenir la montre du sr de Keralio par :

« Le sieur de Nambu, huissier de la chambre du roy, affin qu’il vous en fist rapport de l’estat en quoi elle est, et qu’il en peust dire quelque chose à Monsieur de Guyse, et fera aussi Mallet, contrerolleur. Je leur ai ordonné autant comme j’ai toujours veu qu’on a accoustumé de faire pour ceux qui font les montres de toutes autres compaignées138. »

51En 1562, pour tenir la montre des cavaliers du sr de Goulaine et des piétons du sr de La Tour, Étampes commissionne encore un homme des États fort d’une bonne assise locale, Claude de Saint-Amadour, vicomte de Guignen et de Thouaré, assisté de Robert de Tours, « commis ordinaire de maistre Guillaume Gaudin, greffier d’office et criminel audit Nantes139 ». Même procédé l’année suivante pour rémunérer les cent soldats du sr de La Frudière en garnison à Nantes, le duc fait commissaires Guillaume Gaudin, greffier d’office de la ville, Geoffrey Drouet, miseur des deniers communs et Abel Giraud, receveur de la solde des francs-archers de l’évêché – témoignant là d’une probable utilisation de l’argent initialement prévu pour ces autres soldats140. Quant à la solde proprement dite, elle est tributaire de la caisse de l’extraordinaire des guerres.

Un commis de finances

52Pour payer les soldats de l’extraordinaire, Étampes est dépendant du trésorier de l’extraordinaire des guerres qui réside à Paris – Benoist Le Grant, Raoul Moreau puis Guillaume Brochet – et qui envoie ponctuellement un commis en Bretagne : Louis Mallet. Ce dernier fournit matériellement l’argent aux troupes, en plus d’assurer une mission de contrôle. À l’inverse des commissaires de l’ordinaire, « le greffier Mallet » est souvent décrié par Étampes, en particulier pour ses nombreux retards, quand ce n’est pas son absence, laissant également parfois son neveu s’occuper de ses affaires141. Ainsi, lors des descentes de 1558, le duc écrit au roi qu’il attend toujours l’argent du commis qui doit venir de la caisse de l’extraordinaire des guerres, basée à Poitiers, dont dépend la Bretagne142. Mallet est pourtant considéré comme primordial dans la bonne gestion d’une politique provinciale. Étampes correspond avec lui par l’intermédiaire de Gyé et l’envoie par exemple à Belle-Île solder la garnison d’André de Sourdeval143. En novembre 1558, en plein affrontement avec les Anglais, il déplore que le commis n’apporte pas, de Poitiers, assez d’argent avec lui et s’en ouvre au cardinal de Lorraine :

« Le commis du trésorier de l’extraordinaire est venu aujourd’huy avec seullement une partie de ce qui nous a esté ordonné qui n’est à beaucoup près de ce qu’il m’en failloit pour satisfaire à tout, mais je m’en aideray le mieulx que je pourray, attendant qu’il vous aura pleu, comme je vous ay supplié, en avoir escrit à Poitiers144. »

53En 1560, le roi assigne à Étampes 12 000 lt. sur la recette générale de Poitiers pour entretenir les soldats de Saint-Malo, Brest et Belle-Île. Le commis Mallet est encore décrié et Étampes obtient donc le pouvoir « de le haster, le menassent [sic] de le faire mectre en ung cul de fosse s’il ne faict dilligence, car il ne tient que à luy que lesdictz deniers ne soient en Bretagne145 ». Peut-être réellement inquiété par ses trop nombreux retards qui laissent planer, comme souvent, de possibles accusations de malversations, Louis Mallet se mue peu à peu en un agent-clé du bon fonctionnement du gouvernement de la province. Ainsi, il figure dans la suite d’Étampes lors des opérations normandes, particulièrement voraces en dépenses extraordinaires, bien plus que celles de 1558146. Car, entre descentes anglaises et danger huguenot, le gouverneur a plus que doublé les effectifs de garnison pour sa province, devenue véritable citadelle catholique à défendre147. En juin 1563, 500 soldats de l’extraordinaire se sont ajoutés aux 400 de l’ordinaire entretenus en 1558. Il s’agit là de ses volontés avalisées par le pouvoir royal puisqu’il déclare en mai 1562 : « Je suis contrainct de faire faire beaucoup plus grosse garde et tenir plus de gens icy148. » Les capitaines Sourdeval, Bouillé, Talvert, Carné, Sanzay, Boisorcant, Lezonnet ou Beaucé se retrouvent à la tête d’imposants effectifs pour une somme totale qui s’élève à 10 400 lt. par mois. À Rennes, Boisorcant commande désormais à 100 hommes et est secondé par quarante cavaliers du sr de Méjusseaume, situation inédite pour cette ville éloignée du littoral149. À Sourdeval qui se plaignait de ne pouvoir compter que sur 36 hommes de l’ordinaire pour garder Belle-Île et Le Croisic, Étampes lui envoie… 150 soldats de l’extraordinaire. Dès lors, émerge l’idée d’une proximité géographique entre le duc et le commis, ce qui améliorerait la qualité et la régularité des paiements. En 1562, le premier confesse à la reine vouloir que les 60 000 lt. de la recette générale de Poitiers attendus à Nantes demeurent près du commis, autrement dit… près de lui-même pour rapidement payer ses soldats :

« S’il vous plaisoit, Madame, qu’ilz fussent receuz par le commis du trésorier Brochet, qui est à ma suicte, nous gaignerions beaucoup de temps et les fraiz qu’il faudroit faire pour les aller quérir jusques audict Nantes150. »

54En 1558, il avait déjà opéré de même, Mallet lui rapportant : « J’ay escrit à Nantes que s’il a aucuns deniers venus dudit Poictiers, que l’on les vous porte audit Lamballe [sa résidence]151. » Si elle obéit à des impératifs pratiques et pragmatiques, la présence continue du commis aux côtés du gouverneur est aussi une forme de contrôle de ses actions. Dès lors, Mallet agit quasiment tel un intendant de finances avant l’heure, et fait partie du conseil du gouverneur tant son rôle financier est important. Ainsi, lors des multiples ordonnances financières rendues en 1562-1563, toujours pour financer sa campagne normande, le duc reçoit 28 000 lt. de Jean Avril, trésorier des États, qu’il confie à son secrétaire Mathurin Rouxel (2 000 lt.) mais surtout à Mallet (26 000 lt.)152. En Normandie, à son camp de Ducey, en août 1562, il commissionne encore les deux hommes, désignés « à [s]a suite », pour recevoir de l’argent de la ville de Rennes ou encore des États provinciaux153. Ainsi, dans le contexte exceptionnel de la guerre civile de 1562 et d’une expédition hors de Bretagne, et pour des raisons d’efficacité, on innove en confiant à un homme de finances royales (Mallet) et un proche domestique (Rouxel) la dépense de fonds venus des finances bretonnes (États, villes de Rennes, etc.) sous la forme de prêts. Étampes, qui dispose ainsi d’argent pour mener sa politique provinciale, veille bien à ce que celui-ci soit versé par Mallet. En 1564, Sanzay lui écrit :

« Monseigneur, j’ay esté contrainct secourir encores mon filz pour aller trouver le roy comme il luy a pleu luy faire honneur le luy commender, vous scavez les fraictz qu’il me commande faire et tant pour le service de leurdite magesté, je vous supplie très humblement qu’il vous plaize escripre à Mallet qu’il me paye les troys moys qui me restent de ce qu’il vous a pleu me ordonner154. »

55C’est donc sans surprise que commissaires et contrôleur des guerres, préposés aux dépenses, apparaissent fréquemment dans la correspondance du gouverneur, qui doit s’évertuer à ce que chacun soit bien payé et à temps. Les hommes de finances qui occupent des postes de recettes ne sont pas non plus en reste dans la bonne gestion financière de la province.

Le trésorier et receveur général

56La généralité de Nantes a l’avantage de correspondre exactement aux frontières du gouvernement de Bretagne, cas de géographie administrative qui est loin de se retrouver partout. Le trésorier et receveur général de Bretagne a pour tâche de collecter les impôts, à commencer par le fouage et les décimes. Une partie des fonds est dépensée sur place, une autre payée par assignations : l’extraordinaire des guerres est ainsi payé par assignation sur la recette générale de Poitiers. Étampes a successivement affaire à deux trésoriers aux parcours similaires : Florimond Le Charron puis Jacques Thévin, tous deux agents de Montmorency155. Dans les années 1530, Le Charron est aussi désigné comme « gérant le fait » d’Étampes, c’est-à-dire ses affaires, conciliant donc sa mission à la recette générale et le service d’un Grand156. Une telle attitude est loin d’être contradictoire et s’inscrit plus largement dans le phénomène de provincialisation des grands officiers de finance157.

57Pour le duc d’Étampes, il est évident que Le Charron détient un poste d’importance car en charge des dépenses des fortifications bretonnes. Ainsi, en 1557, il explique à Bouillé que l’argent qu’il lui a alloué pour l’amélioration des fortifications de Saint-Malo peine à venir car « il s’est trouvé faulte au calcul qui avoit esté fait des deniers des réparations et qu’il ne s’est trouvé de bon entre les mains du thrésorier » Le Charron158. Encore en 1560, l’ingénieur Pietro Fredance rapporte au duc son arrivée à Saint-Malo « avecques Gouedron, que Monsieur le Trésorier Charron avoit envoyé porter les deniers que avez ordonnez ceste présente année ez places de Brest, Saint-Malo et Conq159 ». Le gouverneur fixe donc les dépenses à ordonner quand le trésorier se charge du transport des sommes. Par ailleurs, depuis Saint-Malo, Bouillé correspond également avec Le Charron, pourvoyeur de liquidités160. Le Charron et Mallet travaillent aussi main dans la main : le commis de l’extraordinaire, lorsque la caisse de Poitiers est vide, trouve dans celle du trésorier et receveur général des deniers fort à propos. En 1548 et encore en 1556, sur demande d’Étampes, Le Charron récolte l’argent de la solde des gens de guerre bretons, mesures somme toute assez logiques puisqu’il faut bien trouver des assignations pour régler les dépenses de l’extraordinaire des guerres161.

58En temps de crise, le gouverneur peut même se faire directement délivrer des fonds de la recette générale. C’est ce que confirme Montmorency peu après la prise de Belle-Île par les Espagnols, en avril 1557 : « Je vous envoye l’ordonnance que vous demandez adressante au trésorier de Bretaigne pour fournyr des deniers de sa recepte généralle jusques à huys mil livres pour employer es lieux et ainsi que vous besognerez pour le faict audit Belle isle162. » Et en 1565, les arquebusiers de Bouillé sont encore soldés par l’argent que Thévin lève sur les bourgeois de Nantes163. Aussi, il n’est pas non plus rare que le trésorier intègre la suite du gouverneur afin de s’assurer des bons paiements, car la recette générale sert parfois à le rembourser de ses avances personnelles164. En 1561, Étampes doit ainsi puiser les 4 000 lt. que le roi lui a offerts dans les revenus des fouages perçus par Thévin165. Mais de telles opérations ne sont pas sans certains blocages ou confusions. En 1560, à la mort du trésorier Le Charron, la chambre des comptes relève ainsi une négligence financière qui n’est autre qu’un don royal fait à Étampes et pris par lui directement sur la recette générale166. Puis, en 1564, le trésorier Thévin refuse, pour des motifs peu clairs, de payer le reste d’un don que le roi a octroyé à Étampes dans le but de le défrayer de sa campagne de Normandie, qui n’aurait donc reçu que 4 500 lt. des 39 000 promis, le solde restant aux mains des « comptables167 ». Enfin, un autre grand agent de finances, le général, apparaît lui aussi, à bien des égards, comme un efficace collaborateur.

Le général des finances

59Lors du gouvernement d’Étampes, le poste de général des finances de Bretagne est occupé par Antoine Bullioud, Guy Arbaleste et Nicolas de Troyes, sr de Boisregnault, qui se distingue par sa longévité à ce poste puisqu’il meurt sous Henri III, âgé de près de 75 ans168. Originaire de Touraine (il est échevin de Tours en 1552), il réalise une longue carrière dans les finances royales – où il rencontre par ailleurs Étampes – avant d’atteindre, en 1553, l’apothéose de sa carrière en accédant au poste de général des finances de Bretagne169. Il s’y distingue d’ailleurs de ses prédécesseurs par sa résidence quasi continuelle dans la province. Aussi, nombreuses sont ses rencontres avec le gouverneur qui fait, dès 1558, le choix de l’appeler dans son conseil informel de gouvernement afin d’y superviser les questions financières170. C’est ainsi que, deux ans plus tard, il lui délègue le lourd travail d’étape lié aux expéditions d’Écosse171. Accompagné de Gilles de Commacre, le général des finances se rend à Brest et y dresse un état des trois grands navires du roi à approvisionner en vivres172. En septembre 1560, les deux hommes portent désormais le titre de « commissaires généraulx des vivres pour le roy en Bretaigne » et veillent au bon ravitaillement des forçats des galères de Nantes par l’intermédiaire d’un commis, René Touzelin173. Ce dernier est tour à tour commis du général des finances, du trésorier de l’extraordinaire des guerres en Bretagne, puis du trésorier des mortes-payes, le tout avant d’accéder à l’échevinage de Nantes. Ainsi, le duc d’Étampes a pu, pour des missions précises de ravitaillement des navires sous son autorité, s’appuyer sur ces commissaires aux vivres créés sur son initiative. Enfin, en août 1562, il appelle à nouveau le général des finances auprès de lui dans le but de taxer la province afin d’assurer les soldes de ses troupes lors de sa campagne normande. Averti des difficultés rencontrées, Nicolas de Troyes répond avoir bien reçu une demande de levée de 26 000 lt. sur les villes et confesse qu’il connaît

« la responce et remonstrance que avez faicte au Roy sur la difficulté qu’estes d’advis qu’il s’offre en l’exécution de telle commission (laquelle remonstrance, il me semble, Monseigneur, estre très bonne et très raisonnable et croy véritablement qu’il sera malaisé de pouvoir lever ceste somme sur lesdites villes cottisées selon l’estat et la commission qui vous en sont envoiez pour ceste effect174 ».

60Le général des finances demande aussi une nouvelle commission, plus à même de lever de l’argent sur les villes, car celle d’Étampes prévoyait de taxer uniquement les huguenots, pas assez nombreux et qui se dérobent à la venue des agents royaux. Surtout, il approuve sa remontrance faite au roi : en matière financière, les deux hommes marchent bien main dans la main. Si bien que quelques jours plus tard, Étampes commissionne le général pour mettre à exécution son plan financier et inciter les plus aisés des Bretons à lui prêter des liquidités175. C’est alors que Nicolas de Troyes confie l’argent récolté au commis Louis Mallet, qui le qualifie de « député et subdélégué » du gouverneur Étampes dans cette affaire176. La formule employée insiste ainsi sur la délégation des affaires financières, au niveau provincial, à un homme de confiance à la fois officier royal et membre du conseil du gouverneur.

61Ainsi, pour les officiers de finance, nul doute que la régionalisation des charges conjuguée à la fragilisation de leur position sous le règne de François Ier (réformes et poursuites royales) les a poussés à s’attacher à un patron provincial tel qu’un gouverneur, capable de promouvoir et de protéger avec efficacité – que l’on songe ici aux menaces qui pèsent un temps sur Louis Mallet177. C’est dans ces conditions que commissaires, contrôleurs, commis, trésoriers et généraux des finances, tous officiers royaux, intègrent et peuplent désormais le conseil provincial du gouverneur et préfigurent, d’une certaine manière, les intendants de finances du siècle suivant.

Les levées extraordinaires : un gouverneur de finances ?

62Il est certain qu’un gouverneur n’est pas un homme de finances au même titre qu’un officier ou un commis, dont le métier est précisément le maniement des deniers du roi. Seulement, à plusieurs reprises – et cela étonne moins, en période de crises – le duc d’Étampes se voit confier certaines compétences en matière financière. Il peut alors s’agir d’une demande bien précise de la monarchie ou, à l’inverse, d’un appel aux initiatives personnelles dans ce domaine. Ces compétences financières à l’échelle de la province concernent très majoritairement des levées extraordinaires, c’est-à-dire quand l’impôt habituel ne suffit plus à assurer les dépenses provinciales. À ces moments précis la monarchie fait appel à lui tant pour trouver des solutions locales que pour encadrer et contrôler la levée des fonds. C’est d’autant plus fréquent que les carences financières récurrentes de la monarchie permettent une telle attitude des souverains avec leurs agents. Qu’il nous soit ici permis de penser en parallèle aux futurs intendants de police, justice et finances qui seront les agents privilégiés du gouvernement au xviie siècle, précisément pour ces questions de l’extraordinaire. N’y a-t-il pas reprise ou inspiration, conscientes ou inconscientes, des pratiques effectuées par les gouverneurs au siècle précédent ?

Le département des emprunts

63Il n’est pas rare que le roi, pour les besoins de la guerre, sollicite ses provinces pour des prélèvements dits extraordinaires. Extraordinaire ne revient pas forcément à dire que la levée s’avère occasionnelle mais que, n’étant pas renouvelable automatiquement (comme l’est la taille), une procédure spécifique est nécessaire chaque année, d’où le recours à l’autorité d’un agent royal tel qu’un gouverneur. En effet, sa diplomatie comme son autorité sont très souvent requises pour faire accepter de nouveaux prélèvements. Étampes est ainsi commissionné en 1545, 1548, 1553, 1558 puis 1562, pour répartir d’imposants emprunts sur les villes afin de solder les troupes royales au lendemain de la trêve de Crépy-en-Laonnois, lors des expéditions d’Écosse ou de Luxembourg, lors du débarquement anglais en Bretagne et enfin, pendant la première guerre de Religion (respectivement 40 000, 20 000, 60 000, 50 000 puis 66 000 lt. « sur toutes les villes closes, gros bourgs et bourgades » de Bretagne)178. Ces levées sur les villes, destinées à financer la solde des gens de guerre, sont devenues des plus fréquentes sous Henri II comme, déjà, à la fin du règne de François Ier179. À titre d’exemple, les 60 000 lt. levées en Bretagne en 1553 sont une quote-part d’un emprunt s’élevant à 1,2 million de lt. sur l’ensemble du royaume.

64Les quotes-parts de chaque province décidées au Conseil des finances, le gouverneur doit ensuite procéder à la répartition locale de l’emprunt sur les villes de son ressort – on parle de département. Pour ce faire, la commission de 1553 précise qu’il devra recevoir auprès de lui les avocats et procureurs du roi ainsi que neuf élus des villes des neuf diocèses bretons afin de procéder au département, qui sera ensuite consigné sur un « rolle » signé par son secrétaire et remis au trésorier et receveur général180. Ce type de rencontres n’est pas exempte de résistances et d’âpres négociations. Ainsi, lors de l’emprunt de 1545, les bourgeois de Vitré s’estiment trop taxés eut égard à leur faible nombre et pauvreté, et leur procureur s’en plaint au roi. Dès lors, Étampes commissionne deux nobles locaux et serviteurs du comte de Laval, seigneur de Vitré, Guy d’Espinay, capitaine de l’arrière-ban de Rennes, et Guillaume de Porcon, sr de La Haye-Porcon, assistés d’un juriste, Étienne de Rosmadec, docteur ès droits, sénéchal de Ploërmel et conseiller aux Grands Jours, afin d’établir le montant juste et adapté de l’emprunt selon un principe de solidarité, « le fort devant soutenir le faible », puis de venir le lui exposer à son conseil de gouvernement181. En 1553, lors de la rencontre avec les procureurs des villes bretonnes, Étampes reçoit « plusieurs remonstrances, lesquelles ouyes », décide finalement d’abaisser l’emprunt du ressort de Rennes à 9 690 lt.182. Rennes elle-même devait être taxée à hauteur de 2 250 lt. Pour le sr de Boisorcant, capitaine de la ville, Étampes est bien celui qui pourra alléger la contribution au Conseil royal. Bien conscient que cet emprunt « est ung recentyment de la guerre », une conséquence directe, il note le rôle éminent du gouverneur et de son lieutenant général, qui, dit-il, ont « assez voullu empescher telle levée de deniers pour l’arrivée des Angloys183 ». Assurément, le duc est la figure qu’il faut approcher pour espérer un allègement de l’emprunt, emprunt qu’il a sans succès essayé de faire avorter. Ainsi, une requête que les députés des États de la province en 1557 lui adressent explique que le roi l’a commissionné en matière financière depuis 1553 pour départir l’emprunt. Le procureur des États appelle à sa bonté : « Qu’il vous plaise […] pourvoyr pour le bien et soulaigement dudit pais ainsi que voyrez estre bon et raisonnable184. » Certes, Étampes n’est pas seul dans ce rôle mais est bien souvent secondé par d’autres commissaires issus du monde des finances comme le président de la chambre des comptes ou le général des finances185. Mais c’est bien son secrétaire, Pierre Cornulier – compétent en la matière –, qui répond à la requête et assure que le gouverneur lève l’argent sur les communautés pour le paiement des 2 500 hommes de guerre nécessaires à la bonne défense du pays. Désormais, l’effort financier est justifié par la conservation de la province et non plus pour les levées de troupes dans tout le royaume. L’argument est le même en 1562, lors de la première guerre de Religion. Avec la conjoncture guerrière, les emprunts sont de moins en moins bien acceptés à mesure qu’ils se font plus réguliers, nombreux et élevés. Dès lors, le gouverneur a toujours besoin d’un fort pouvoir contraignant pour obtenir un consentement. Pour financer ses troupes, il reçoit donc une commission pour lever un emprunt de 40 000 lt. qu’il envoie « en quelques unes des principalles villes du pais ». Or, certains juristes et membres du haut-clergé, « voyans qu’il n’y avoit point de contraincte en ladicte commission, ont seullement dict qu’ilz n’avoient point d’argent ». Il ajoute à la reine :

« Par quoy j’ay esté contrainct de m’ayder de l’autre commission que vous m’avez envoyée pour lever XXVI mil livres. Mais, Madame, le département a esté si mal faict, que telle ville qu’ilz ont cottisée II mil livres ne poura pas porter deux ou trois cens livres, et en a esté laissé d’autres qui eussent bien peu paier quelque chose, aussi que celles de Rennes et de Nantes, qui sont taxées à dix mil livres, ne pouront rien paier, d’autant qu’ilz sont assez chargées de l’entretenement des compaignies qu’ilz tiennent pour la garde de leurs villes, de sorte que je ne pouray tirer qu’environ huict ou dix mil livres186. »

65C’est bien parce qu’il n’a pas été réalisé par ses soins que le département s’avère aussi mal réparti. Surtout, la pression fiscale sur les grandes villes pour solder leurs garnisons est telle que l’emprunt lui-même est remis en question. Aussi, les moments d’intense mobilisation armée sont assurément des épisodes de forts prélèvements : les deux pics de mobilisation correspondent bien aux pics financiers de 1558 et 1562. En particulier, l’exemple de la campagne normande est si bien documenté qu’il permet de saisir les logiques financières propres à la nouvelle conjoncture guerrière.

Au cœur de la guerre civile : entre pouvoir accru et méfiance

66Si le gouverneur de Bretagne doit veiller au bon département des sommes, il est ensuite le garant de leur transport vers les caisses centrales. À l’été 1562, il doit par exemple organiser l’escorte des deniers de la recette générale de Bretagne transportés de Nantes à Blois, où se tient l’armée royale187. À la reine, il déclare :

« Je donneray ordre que les XXX mil livres des décimes pour le paiement de voz Suysses partiront demain et pareillement celluy que le roy a envoyé pour quérir ce qu’il y avoit à la recepte généralle, où il ne s’est trouvé qu’environ quarante mil francz, et je leur feray la meilleure escorte que je pouray d’icy Angiers, d’où ceux qui sont pour monsieur de Montpencyer [gouverneur d’Anjou, Touraine et Maine] donneront ordre de les faire conduire et seurement passer188. »

67Mais devant également financer son armée, Étampes doit faire face à de nouvelles logiques financières. En juin, il rapporte à la reine qu’il a, sur son commandement, rencontré les États de Bretagne et rassemblé les gens de finances de la province pour leur faire connaître les intentions royales quant au financement de l’armée qu’il met sur pied. Aussi, la reine lui offre-t-elle de très grandes possibilités d’emprunts. Il écrit :

« Et quant à ce qu’il vous plaist aussi me mander de ceux de la ferme du trespas de Loyre, où je pense que vous entendez comprendre la traicte d’Ingrande, par ce que les deniers s’en recoivent audict lieu qui est hors mon gouvernement, j’ay seulement escript à ceux qui en ont la charge de me venir trouver pour leur en dire et faire entendre vostre volonté. Sur quoy ilz m’ont dict que monsieur le duc de Montpencier leur a ordonné porter tous les deniers qui en viennent à Angers, par quoy, Madame, j’ay pensé n’y devoir autrement toucher189. »

68La reine songe ici aux taxes touchées pour le transport des marchandises entre Anjou et Bretagne. Mais Étampes mobilise l’argument du bon respect de la géographie des gouvernements de chacun, n’osant donc pas se servir sur l’Anjou limitrophe du duc de Montpensier. Qu’à cela ne tienne, d’autres expédients sont vite trouvés : en réalité, l’essentiel des levées extraordinaires se fait durant les opérations normandes. En juillet, la reine lui commande ainsi de centraliser les 100 000 lt. de la recette bretonne à Nantes, tout en se servant 12 000 lt. pour le paiement de ses troupes190. À la fin du mois, après avoir essayé par tous les moyens d’obtenir d’autres liquidités, il ressent le besoin de justifier son action dans les finances. Au roi de Navarre, il écrit :

« Et si eusse trouvé moien que lesdit pais eust porté une tierce partie de la despence où je suis entré si avant que sans mettre ledit pais en proye, licentiant ce nombre d’hommes sans argent avec ce qu’il y en a d’autres, je ne me puis passer de leur faire faire une monstre. Et si pour l’advenir vous estes résolu que je les rompe, c’est raison que comme je veux faire en toutes choses jusques au bout de ma vie je vous y obéisse, mais par mesmes moien, je vous supplye que je soyes deschargé de ce qui poura survenir à l’advenir191. »

69Autrement dit, il ne saurait être tenu responsable de possibles débordements des troupes non soldées faute d’argent. Trois jours plus tard, il renouvelle son discours : « Je mettray peine d’en faire porter le tiers de la despence par ceux du pais […]. Je n’ay eu autre plaisir de despendre que par la contraincte des affaires192. » Puis, il envoie au roi de Navarre un long mémoire dans lequel il demande :

« qu’il luy soit donné pouvoir d’ordonner sur le reste [de l’argent] et vallider ce qu’il en a faict jusques à ceste heure, car la longueur et difficulté des trésoriers pouroit estre cause d’un inconvénient, et il mectra peine en ce faisant d’en user de sorte, que à la fin du jeu, l’on congnoistra qu’il n’a rien employé sans nécessité193 ».

70Dans ce contexte exceptionnel de première guerre de Religion, préparant sa campagne de Normandie qui débute à l’automne, le duc dénonce la lenteur administrative des trésoriers, alors que la guerre est imminente, tout en mobilisant sa réputation de bon gestionnaire des finances royales, pour demander expressément une liberté d’action dans sa politique financière. Puis, il écrit à la reine : « S’il vous plaist, comme vous me mandez, que je ne touche plus à voz deniers, c’est raison que je vous obéisse, comme je n’ay jamais pensé faillir », et se justifie plus amplement en réfutant les rumeurs à son sujet selon lesquelles manier l’argent du roi serait source d’enrichissement personnel :

« Et en ce qu’est de l’argent qu’il vous plaise qu’on demande, d’ailleurs il est aussi bien nécessaire d’avoir ung pouvoir bien ample (selon ce que j’en ay souvent et amplement escript à voz magestez), car de s’attendre à en pouvoir pareillement tirer par une simple lettre missive il est bien malaisé, veu que à peyne en peult l’on avoir une bonne commission et lettres patentes. Et ne me puis contenir de vous dire, Madame, qu’il semble qu’il y en ayt, qui ayent envye de m’empescher ou oster le moien de vous pouvoir faire le service que je vous désire, attandu que l’on n’espargne en cela du parchemyn, et si c’est que l’on m’estime le faire pour mon profict, il me semble que (à mon grant domaige), j’ay trop faict preuve du contraire194. »

71Ces justifications sont d’autant plus cruciales à mener que lors du règne précédent, des gouverneurs de provinces qui avaient bénéficié de pouvoirs financiers élargis avaient été inquiétés pour péculat – en 1540, l’amiral Brion, gouverneur de Bourgogne ; l’an 1546, le cardinal de Tournon, lieutenant général d’un grand sud-est du royaume en 1536 (le cardinal s’en tira en accordant un prêt de 25 000 écus au roi). En août, Étampes renouvelle donc son discours de transparence financière et dit se plier aux « validations » des deniers levés par la monarchie par la chambre des comptes tout en demandant qu’on lui envoie un « pouvoir général de lever » deniers « pour avoir afaire à des gens trop soubsonneulx ». Pourtant, en fin de missive, son ton se fait quelque peu amer quant à sa gestion de l’argent : « Et si vous vous déffiez de moy, me bailler vostre général de ce pais ou tel autre adjoinct qu’il vous plaira195 ». Le fait que, quelques jours plus tard, le général des finances Nicolas de Troyes devienne son subdélégué répond donc aussi à ce besoin de contrôle et de transparence financière, ou du moins à la publicisation d’une telle attitude.

72Pourtant, à court d’argent, Étampes a trouvé bien des solutions. En mai, il déclarait à la reine que le receveur général l’avait informé n’avoir « nul fons » mais que le général des finances lui avait dit pouvoir trouver quelques deniers, dont il avait envoyé un état aux intendants des finances à Paris :

« Et si s’en trouveroit encores d’autres, tant de la prévosté, portz, havres et autres fermes que des décimes (il est vray qu’ilz sont destinez à autres choses, mais je croy, Madame, que l’affaire que vous avez aujourd’huy est le principal), je vous supplie très humblement sur toutes choses, que les payemens ne me déffaillent point, car il seroit insupportable à ce pays ung tenement de champs [par les soldats] et nous pouroit amener plustost ung inconvéniant qu’un remède196. »

73En juillet, il imagine encore une avance sur les prélèvements du mois d’août : « Je mettray peine d’en faire advancer par les receveurs particuliers de ceux qui ne sont payable que à la my aoust197. » Rapidement, il décide aussi de piocher dans la solde initialement prévue pour les francs-archers, qui constituent habituellement l’essentiel de ses troupes de pied et dont la solde est financée par les fabriques des paroisses. Solution déjà testée en 1552, puis en 1560 à nouveau, dans l’évêché de Rennes, non sans quelques réticences des paroissiens :

« Quant à noz francz archiers, je doubte qu’il soict bien malaisé de lever aujourd’huy sur le peuple leur soulde, l’ayant essayé en l’évesché de Rennes seullement pour entretenir une cornette de trente harquebuziers à cheval, car ilz disent ne debvoir cela que pour la guerre et lorsque le pais est assailly ou en doubte de l’estre par les estrangiers198. »

74Deux ans plus tard, lorsque la guerre est bien là, il s’appuie à nouveau sur les fabriques, notamment pour financer les francs-archers de Vannes venus avec lui en Normandie. Le commissaire sr de Rulliac lui rapporte ainsi qu’il a commissionné un certain Vincent Baron qui « eust prins et levé la somme de six deniers tournoiz pour livre sur chacun desdits paroissiens pour sur icellui et ledit Baron estre paié de son debvoir de recepte, port d’icelle soulde à Nantes pour ses peines et vacations ainsy que de la manière qu’il vous plaira ordonner et le reste de ladite somme emploier en tel lieu que ordonnerez199 ». Ce faisant, une partie de l’argent des fabriques pourra financer d’autres troupes. En 1563, le duc finance à nouveau la garnison de Nantes par les deniers municipaux et par Abel Giraud, « recepveur de la soulde des francs archiers et esleus de l’evesché de Nantes200 ». La même année, il rappelle encore à la reine : « L’on me faict une extresme crierie de tous ces paouvres gens de guerre que nous avons en ce pais, où ilz sont contrainctz de faire paier et il leur est deu cinq à six mois. » Après en avoir licencié certains, il contente un temps le reste de ses troupes grâce à une assignation reçue sur le domaine royal, solution éphémère s’il en est puisqu’il faut ensuite se rabattre sur les deniers des réparations des places-fortes. Or, « celluy sur qui nous sommes assignez de noz réparations, nommé Loppin, est absent et m’a l’on dict qu’il a faict cession, et fault à cest heure avoir recours à ses pleiges que l’on dict n’estre obligez que pour deux mil francz201 ». Deux semaines plus tard, il obtient du surintendant des finances Gonnord une commission « pour la publication du bail des fermes202 ». Dès août, il organise donc aux États de Saint-Brieuc, « les enchères sur lesdites fermes », notamment celles des ports et havres de Bretagne qu’il offre « aux plus offrant et dereniers enchérisseurs203 ». Francs-archers, domaine, réparations, fermes : c’est donc bien l’urgence de la guerre qui a fait naître ces expédients financiers d’ordinaire utilisés à d’autres fins.

75L’argumentaire d’Étampes sur son utilisation des deniers est d’ailleurs à rapprocher de celui du duc de Guise qui désirait « laisser faire pareil mesnage par les provinces de ce royaulme, par ceulx mesmes qui y ont ordonné des despenses qui y ont esté faictes », c’est-à-dire avaliser les décisions financières des gouverneurs204. Or, si parmi la haute noblesse, de tels arguments sont partagés et font consensus, les financiers sont parfois plus réticents à leur laisser le champ libre. Ainsi du trésorier de l’épargne Raoul Moreau, sr de Grosbois, qui déclare à propos d’Étampes dans une première missive au surintendant Gonnord :

« Monsieur le duc d’Estampes a prins des deniers dont l’on avoit faict estat XXml [20 000 lt.] d’une part et XIIml [12 000 lt.] qu’il a prins pour rembourser semblable somme qu’il avoit prinse de monsieur le commis des deniers des décimes205. »

76Puis, dans une seconde missive, il écrit :

« J’ay assigné les trésoriers des guerres pour leur assignation du quartier de juillet sur les deniers de la recette généralle de Bretaigne comme estans les plus clairs et prompts deniers estans aux finances du Roy. Touttesfois, monsieur le duc d’Estampes me rompt toutes mes assignations, car il prent et se délibère de prendre par chacun des mois restans de ceste année Xml [10 000 lt.] outre et pardessus LIIml [52 000 lt.] qu’il a jà prins desdites finances, et encores il faict prendre lesdits deniers sans nul ordre et par les recipicez du clerc du trésorier de l’extraordinaire qui est par delà [Louis Mallet] comme il faict aussi les LXml [60 000 lt.] des cottisations des villes que l’on liève audit pais de Bretaigne et les XXs [20 sous] pour clocher, tellement que l’ordre des finances est bien fort perverty en cela. J’en ay parlé à la Royne, à laquelle ledit sieur d’Estampes en avoit jà parlé, qui a faict sa cause si bonne que n’en ay peu avoir raison206. »

77Étampes est résolument en bonne grâce auprès de la reine et, après la guerre, la monarchie validera toutes ses initiatives fiscales, à l’image de la « commutation » de la solde des francs-archers « au paiement d’autres gens de guerre » dont le texte royal précise que :

« Sentans notredit cousyn assez fortiffié, nous luy aurions mandé lever encores quelques autres gens de guerre tant de cheval que de pied et pour l’entretenement d’iceulx audit pais ordonné quelques deniers de l’ordinaire de notre recepte généralle establye à Nantes […] il en auroit faict prendre à diverses foiz par ledit trésorier de l’extraordinaire de noz guerre ou son commis audit pais [Louis Mallet] quelques partyes207. »

78L’initiative de piocher dans la recette générale de Nantes est finalement jugée utile malgré la critique d’une action effectuée « sans nul ordre » et avec le secours du commis Mallet. En janvier 1564, un nouveau texte royal « loue, approuve, baille, auctorise la commutation faicte par le sieur duc d’Estampes […] de la contribution des nobles et subjectz à l’arrière-ban de cedit pays et des francs-archers d’icelluy en la solde des aultres gens de guerre qu’il a emploié pour son service tant en cedit pays que celluy de la Basse Normandie et semblablement tous les contractz, ventes, alliénations par luy faictes pour recouvrir deniers pour sondit service208 ». Encore en juin, le duc confesse au roi qu’il a entretenu les arquebusiers à cheval de sa suite personnelle grâce aux deniers des francs-archers levés pendant la guerre. La paix revenue, et dans l’espoir de conserver une troupe nécessaire au maintien de l’ordre, il lui demande une nouvelle assignation de paiement ou une commission royale de levée des deniers car, dit-il : « Si je pensois tenir ces gens là sans les paier, ce seroit plustost pour troubler le repos que le tenir, comme je désire209. » Ce n’est là rien de moins qu’une demande de prolongation de son large pouvoir financier, ce qui ne manque pas de rencontrer certaines résistances locales, notamment de la part des gens des comptes, toujours enclins à contrôler tout maniement d’argent, qui, en juin 1564 demandent au roi de pouvoir auditionner les receveurs qui ont levé des deniers pour le gouverneur.

79Au reste, en Basse-Normandie, les subordonnés du lieutenant général Jacques de Matignon insistent tous sur la relative facilité avec laquelle Étampes parvient à fournir des fonds : ses troupes sont si bien payées qu’il peut en lever facilement des nouvelles, jouant là sur un crédit qui fonctionne admirablement bien. François du Breuil, capitaine de Granville, reconnaît ainsi que les hommes d’Étampes « sont paiés à jour nommé, qui luy fera trouver des hommes tant qu’il vouldra parce que luy mesme dispose des payemens210 ». Même opinion pour Louis de Rabodanges, bailli d’Alençon, qui s’émerveille de ses renforts de troupes, mais aussi et surtout, d’argent, alors même que les canaux normands du crédit semblent enrayés. Lui-même avait rechigné à avancer des deniers pour solder ses hommes car, se justifiait-il à Matignon : « Vous scavez comme je suis aujourd’huy aisé, après avoir marié ma fille, de faire telle advance, et encores aussy peu de trouver deniers par prest, d’autant que l’argent est si court en ce pays211. » Quant au duc d’Aumale, qui s’évertue à financer des troupes en Haute-Normandie, il confesse au surintendant des finances Gonnord ne pas se charger de la Basse-Normandie et des « forces de monsieur d’Estampes », ne sachant pas « au vray que elles sont, ny comment elles sont payées212 ». En définitive, le crédit de Matignon et de ses subordonnés bas-normands s’avère beaucoup plus fragile que celui du gouverneur Étampes. Or, pour beaucoup de Bretons, financer cette campagne de 1562, c’est payer la guerre que d’autres ont déclenchée. Étampes décrit ce sentiment naissant lorsqu’il affirme à Matignon ne plus pouvoir solder les quatre enseignes bretonnes laissées à Caen : « Car vous scavez que ceux de notre pays trouveront estrange qu’on gardast une autre province à leurs despens213. » Quelques mois plus tôt, il avait déjà prévenu le roi de Navarre : « De s’attendre au pais de porter la despence et veoir emporter ailleurs leurs deniers qui proviennent d’eulx, il y a peu d’espérance214. » Il s’agit là d’un argument géographico-fiscal qui avait déjà été mobilisé lors des guerres d’Italie et qui prendra progressivement de l’importance lors des troubles religieux215. Ajoutons à ces arguments le soupçon d’illégitimité qui frappe tout prélèvement fiscal en temps de paix. En 1560, Étampes expliquait déjà au duc de Guise qu’il lui était difficile de faire accepter des prélèvements pour financer ses troupes car « le Roy n’est poinct encores hors de doubte d’avoir la guerre » mais que « ceulx sur qui on lève les derniers se plaignent, disant que l’on n’a acoustumé de commuer lesdits deniers synon lors qu’il y avoit guerre216 ». Et en temps de guerre, les blocages et oppositions se font aussi jour, notamment pour des prélèvements controversés, à l’image de ceux effectués sur l’Église.

Les prélèvements sur l’Église

80Dans les années 1560, pour faire face aux carences financières de la monarchie et financer des guerres toujours plus coûteuses, le roi autorise les impositions sur l’Église, manne financière qui peut dépanner. Cette pratique n’est pas vraiment neuve, la fiscalité sur l’institution ecclésiastique s’étant déjà généralisée sous le règne de François Ier, mais le contexte des guerres de Religion accroît considérablement cette pression fiscale217. C’est ainsi que les États de Pontoise de 1561 font accepter l’idée d’un contrat avec l’Église qui prend la forme de décimes, impôts sur les biens du clergé, puis d’un don gratuit218. Dès les premiers troubles, on songe à utiliser ce type de fonds pour financer les armées, non sans débats au sein de la société politique, car une telle mesure n’est pas simplement financière mais revêt bien des aspects politico-religieux. Pour les plus radicaux des catholiques, la levée d’une décime représente un danger puisque cela équivaudrait à affaiblir l’Église pour laquelle ils se battent. Pour d’autres, il s’agit avant tout de combattre à armes égales avec les huguenots financés, eux, par leurs synodes provinciaux. Rapidement, Catherine de Médicis se rallie à l’idée de taxer les biens du clergé pour financer la guerre, le tout en optant pour deux modes de fourniture de fonds différents : une décime portant sur le clergé du royaume et sur les « argenteries » des églises, c’est-à-dire sur leurs biens en argent (reliquaires, argenteries, calices, etc.). Cette seconde mesure est aussi un moyen de priver les huguenots de ces revenus qu’ils obtenaient du pillage des lieux de culte. Pillage qui apparaît de plus en plus dans les craintes d’Étampes, par exemple en juin 1562, lorsqu’il apprend que des Angevins ont « délibéré de piller et voller quelques églises de mon gouvernement », confesse-t-il à la reine219. Bouillé l’avait en effet averti « qu’il y a des gentilshommes de ce pays qui font tout ce qu’ils peuvent pour chercher des soldats à mener avec eux, et promettent de leur bailler argent, armes et chevaux, et qu’ils les feront tous riches, et qu’ils pilleront toutes les églises et les richesses de France, et qu’après ils en viendront faire autant en Bretagne220 ». Plus tard, le lieutenant général préviendra le roi à propos d’une rumeur de surprise de Nantes : « Y a de bien fort grandes richesses et trésors, tant aux reliquaires des églises que aux maisons eclésiastiques221. »

81Dès lors, les ressources financières et agricoles des bénéfices ecclésiastiques sont des biens à contrôler et surveiller. Dès 1560, Étampes avait proposé au roi de nourrir ses garnisons avec « les fruictz des abbayes, priorez et cures plus prochaines desdites villes où les titullaires et détenteurs ne sont point résidens, lesquelz bledz et aultres fruictz ne demoureroient pas ainsi en proye à ceulx qui s’en vouldroient saisir et prévalloir contre le service du Roy et bien publicq222 ». Quant à s’aider des argenteries, il s’agit là d’une mesure d’exception, le roi de Navarre précisant bien en juillet 1562 que des prélèvements effectués sur le clergé, moitié « ès argenterie des églises […] ne peult faire sans en avoir une commission du Roy223 ». C’est précisément ce que demande Étampes à la reine mère quelques jours plus tard :

« Et s’il vous plaist, madame, lever ces argenteries, il fauldroit envoier quelques commissions aux evesques ou gens de justice, car sus une lettre missive il ne se feroit pas224. »

82Ce faisant, il pointe du doigt le statut des documents qui autorisent les levées. Dans un mémoire au roi, il demande encore qu’on lui envoie :

« Commission, comme il a tousjours demandé, pour en lever sur le pais de leur consentement et s’aider des argenteries et biens des églises de ceulx qui ne sont point résidens et mesmes des biens de ceulx qui ont porté les armes et les ont favorisez225. »

83Dans une missive à la reine mère, il s’explique davantage :

« Et encores que vostre magesté me mande que vous valliderez ce que je feray, si est ce que pour avoir afaire à des gens trop soubsonneulx, il seroit besoing de m’envoier pouvoir général de lever (pour emploier aux afères et despence du pais et de vostre service) ce que je pourray tant des églises que autrement226. »

84Le 13 août 1562, il reçoit enfin des lettres royales qu’il estime assez « précises pour saisir les argenteries des églises et les faire convertir en monnoie ». Le lendemain, il décide de charger Bouillé de cette mission mais fait le choix, comme la monarchie l’y incite, de « convertyr » la saisie en une taxe de 20 lt. par clocher, faisant ainsi un pas dans le dialogue avec les autorités religieuses tout en se simplifiant la tâche en récupérant directement des liquidités227. Le mémoire qu’il fait rédiger à cette occasion précise qu’il s’est pourtant réservé le droit de saisir les argenteries des plus importantes abbayes, à l’image de celle de Redon, trop riche pour la voir pillée – il dit « butiner » – par les huguenots. Cette décision rencontre très rapidement une vive hostilité des moines de l’abbaye. Le duc dénonce une manœuvre de leur part : les argenteries de la ville ont été « malignement recelées […] et substituées sans inventaire ne seureté » par les moines. C’est pourquoi il demande un nouveau texte lui permettant de les contraindre, « mesmement [par] emprisonnement de leurs personnes » car, conclut-il, « aux moynes de Redon et aultres qui en ont en nombre, ils n’y obéiront que à coups de fouet » ! Le conflit avec les moines de Redon s’eternise jusqu’en septembre. Pourtant, l’évêque de Vannes, Philippe du Bec, agit en véritable soutien du gouverneur en lui transmettant un premier inventaire des reliques de l’abbaye, ce qui lui permettra d’estimer la part cachée et dissimulée par les moines. C’est pourquoi il commissionne ensuite sur place le sr de Pinieuc afin de récupérer les reliques et argenteries puis les transporter à Rennes, qui semble être devenu un point sûr et commode de stockage. Après plusieurs jours de négociations, le gentilhomme essuie un nouveau refus des moines qui en appellent à leur évêque et au gouverneur228. L’absence de leur abbé, disent-ils, empêche toute prise de décision. Surtout, confisquer les reliques et les argenteries réduira considérablement la ferveur des habitants des environs. Cette ferveur religieuse des populations locales agit d’ailleurs parfois comme un frein aux prélèvements. Ainsi, alors qu’Étampes est félicité par la monarchie d’avoir pu payer une grande partie de ses garnisons et est incité à solder le reste de ses troupes avec « les denyers des argenteries des églises »229, il témoigne en retour que cette seconde mesure reste extrêmement difficile à faire appliquer, ayant « à faire à ung peuple si religieux et scrupuleux en ces choses là que s’ilz entendoient qu’on les voullus prendre pour battre et monnayer, ilz ne le pouroient (principallement ceux de la Basse-Bretagne) aisément endurer230 ». Aussi doit-il procéder avec une extrême prudence et rapporte encore à la reine :

« Je les faiz seullement assembler en chacune evesché par l’evesque et quelques autres, qui les mectent en la principalle ville ou place forte d’icelluy, soubz coulleur de les y retirer seullement pour y estre gardées en seureté et de peur que durant ces troubles elles ne fussent pillées, comme elles ont esté ailleurs, à la charge que pour ayder à les garder ilz me doyvent fournir chacune paroisse dix, quinze ou vingt livres selon leur puissance. De quoy, encores qu’il y en ayt quelques unes si pauvres qu’elles ne pouront rien paier, j’espère tirer dans la fin de l’autre mois quinze ou vingt mil livres. »

85Comme préconisé en août, il transforme la réquisition en taxe légitimée par une protection – ce qui présente aussi l’avantage de supprimer la longue étape du battage de monnaie des ateliers de Rennes et Nantes. Frappe monétaire qui, en outre, échappe à ses compétences puisqu’il s’agit là d’une prérogative éminente de souveraineté qui lui est explicitement interdite dans ses lettres de provision231. C’est alors que le haut clergé breton s’avère d’un grand secours, à l’image de Jacques Cadier, chanoine et grand vicaire de l’évêque de Rennes, qui informe Étampes en septembre que :

« Le clergé dudit Rennes avoit accordé la somme de 1500 lt., y compris l’aide des prestres aisez, pour secourir aux affaires de notre Sire le Roi. Depuis, ai receu vos lettres du 25 dudit mois d’aoust expédiées à Dol par lesquelles commandez lever une décime et le secours des prestres aisez et 20 livres par clocher, le fort portant le foible, et que les joyaux et argenteries des églises dudit diocèse soient apportées en ceste ville de Rennes en seureté232. »

86Le grand vicaire est un soutien de poids, d’autant plus qu’il est l’homme fort du diocèse puisque l’évêque Bernardin Bochetel est un prélat absent. Suite à des remontrances que les clercs lui font « ensemble en une feille de papier », il les contraint, grâce au sénéchal de la ville, d’obéir aux ordres du gouverneur. La mesure est contraignante mais ce dernier peut désormais compter sur certains cadres dirigeants de l’Église pour contraindre leurs clercs. Ailleurs, des blocages plus profonds nécessitent parfois de renoncer aux argenteries en préférant les seules décime et contribution des clercs aisés. Ainsi, dans une ordonnance d’Étampes relative au financement de l’armée de Normandie, la taxe de 20 lt. par clocher est confirmée, « au lieu de la fourniture des argenteries d’icelles églises, lesquelles Sa Majesté leur auroit demandées233 ». En compensation des argenteries perdues s’ajoute également un don gratuit de l’Église, « une décime de leurs bénéfices, et davantage pour chacun prestre aisé desdits diocèses la somme de dix sols pour l’effet dessusdit ». Cet emprunt, assez similaire à ceux levés sur les bourgeois aisés des villes, s’inscrit plus que jamais dans le dialogue que le gouverneur entretient avec le haut clergé breton234. Comprenant l’appui qu’il peut trouver parmi les évêques ou leurs vicaires, c’est ainsi qu’il organise, en décembre 1562, une rencontre avec le haut clergé de la province et obtient de lui la confirmation d’un profond soutien ainsi que l’offre d’une décime. En effet, un acte royal précise que « le duc d’Estampes gouverneur et notre lieutenant général en noz pais et duché de Bretaigne nous à en notre privé conseil remonstré que touz les evesques et clergé de sondit gouvernement luy ont par cy devant libérallement et voluntairement accordé pour la conservation dudit pays et entretenement de la religion catholicque une ayde d’une décime235 ». La décime avait été décidée pour l’ensemble du royaume et la part bretonne devait d’ailleurs être envoyée par Étampes au duc de Guise, chef des armées royales. Le gouverneur a donc souhaité associer le haut clergé de sa province à cette décision, préférant là le dialogue à la contrainte, dans l’optique de limiter les potentiels refus. Ainsi, décime, levée des argenteries, don gratuit, et enfin, levée sur les prêtres aisés, sont autant d’outils financiers mobilisés pour financer les garnisons bretonnes et les troupes destinées à la pacification de la Normandie. Dans l’esprit de certains clercs, à l’image du vicaire Jacques Cadier, il n’est pas non plus inconcevable ou illégitime d’apporter une contribution financière à la défense armée de la religion catholique. Toutefois, l’Église ne saurait être son seul contributeur et c’est plus largement auprès des trois ordres, c’est-à-dire auprès de l’ensemble du corps social, que le duc d’Étampes souhaite s’appuyer. En juillet 1562, il écrit en effet vouloir :

« Tirer secours de ceulx de l’Église, de la noblesse et des villes et remonstrera la responce qu’il a eue de ceulx à qui desja il en a parlé, sollicitant aussi qu’il luy soit envoyé pouvoir pour ordonner de faire lever et employer ce qu’il poura gratieusement tirer d’eulx, et avecq cela et les deniers extraordinaires il mectra peine de conserver le pais, sans toucher à la recepte generalle, sinon en ce qu’il luy sera ordonné par estat236. »

87Tirer secours de l’Église, certes, mais aussi des villes et plus généralement de leurs grands bourgeois issus du monde marchand, tel est le programme financier pour obtenir rapidement des fonds.

Emprunter aux villes et aux grands marchands

88En effet, si l’on se penche sur les modalités pratiques du paiement des troupes levées en 1558 et en 1562, c’est-à-dire dans un temps d’urgence de la guerre, le constat est celui d’une provincialisation. On l’a vu avec le recours de plus en plus fréquent à des commissaires extraordinaires cherchés sur place, on l’observe aussi et surtout au niveau des prélèvements et des paiements. En 1558, Étampes évoque la difficulté d’imposer sa province déjà pressurée par de trop nombreux prélèvements qu’expliquent les descentes ennemies. Au roi, il livre un fort discours sur la situation financière du duché :

« Tant que la vye me durera, je feray pour votre service mon debvoir, mais ce sera tout seul si je ne reçoy deniers pour paier les gens de pied. La noblesse et le peuple de ce pais ont bonne volonté mais comme je vous ay mandé (à la verité) ilz n’en peuvent plus et sont ruynez, n’ayans peu tout ce moins d’aougst vacquer à serrer leurs biens […] vous suppliant croire que si j’estois en pays où il se peust recouvrer deniers, que je n’espargnerois nulle chose que j’aye pour en recouvrer et vous soullaiger d’autant, mais je vous puis asseurer que j’en ay tiré et mys toute ma puissance237. »

89Quelques jours plus tard, Jean Baril, un serviteur devenu fermier et receveur général de la prévôté de Nantes, lui écrit au sujet de la solde des 150 francs-archers mis en garnison à Belle-Île. Il détient la solde et a reçu commission de lui afin de lever des deniers sur la juridiction de Guérande. Une telle tâche est d’autant mal aisée que Baril rapporte qu’il lui « a cousté beaucoup en fraiz et mises pour les debvoirs contraindre à payment238 ». On conçoit toute la difficulté de contraindre les habitants de la province à rémunérer l’armée levée à l’été 1558. En 1560, Étampes propose donc au roi, à propos des 300 soldats de la garnison de Nantes, « qu’on exemptast leurs maisons communes [des bourgeois] des deniers que sadicte majesté leur demande », imaginant ainsi un remboursement quasi immédiat des avances municipales, solution qui ne trouve pourtant pas écho auprès du souverain239. En 1562, le paiement des deux compagnies levées à Nantes est d’autant plus local que les cavaliers sont recrutés par Baudouin de Goulaine et les piétons par Guillaume Tempéran de La Tour, deux nobles locaux commissionnés par Étampes, qui signe d’ailleurs leurs états de solde240. Après maintes négociations avec les bourgeois de la ville, le duc obtient finalement d’eux qu’ils financent intégralement les troupes. Guillaume Tempéran est lui-même un capitaine bien connu des autorités de la ville mais la rémunération prévue pour ses hommes rencontre une telle opposition qu’il s’en ouvre au gouverneur : « De mode que si n’eust été le service et l’obligation que je vous dois, Monseigneur, et la crainte que avois de vous désobéir, je me serois deschargé de ladite compaignie241. » Étampes fait alors appel à la monarchie et obtient, en décembre, des lettres patentes qui contraignent les bourgeois à financer les deux compagnies levées242. Ici comme ailleurs, il faut un document monarchique de plus fort pouvoir contraignant pour faire aboutir un processus toujours très mal perçu par les autorités locales. C’est précisément ce que le gouverneur demandait deux ans plus tôt à propos du paiement des gens de guerre lorsqu’il déclarait qu’il

« ne peult ny ne vouldroit de son auctorité faire les taxes des levées de deniers pour le payement desdictz gens de guerre sans expresse commission et mandemant du Roy, qu’il plaira à sa majesté luy envoyer, à ce que contraignant ses subgectz au payement de ladicte subvention ayent occasion de demourer contens de mondict seigneur le duc d’Estampes, qui aultrement ne pourroit estre obéy pour le service de sa majesté243 ».

90Sans compter que sans leur solde, les gens de guerre quittent bien souvent leur place. À Rennes, Bouillé témoigne ainsi à propos des soldats du sr d’Olivet : « Je n’ai sceu jamais avoir moyen d’avoir de l’argent pour les faire payer, de sorte qu’ils s’en sont allez244. » Il faut finalement mobiliser le crédit du sénéchal Bertrand d’Argentré pour convaincre les clercs, les magistrats et les bourgeois de se cotiser pour « souldayer trois ou quatre cens hommes de pied245 ». À Saint-Malo, en 1558, alors que la ville est sous la menace directe d’un bombardement et d’un débarquement anglais, Bouillé est incapable d’armer la moindre barque, déplorant, amer, à propos des bourgeois : « Je m’attendoys que tous les habitans de ceste ville s’esmouveroyent pour faire quelques entreprise sur eux [les Anglais], mais je ne vey jamais gens plus froids. Voyant cela, je leur ay dict qu’il n’estoit pas temps d’estre ainsi nonchallans246. » Au Croisic, en 1563, le capitaine Sourdeval évoque lui aussi des difficultés : ne pouvant plus avancer la solde à ses soldats, il fait pourtant face aux réticences des bourgeois, qu’il appelle « villains », à prêter le moindre denier, et demande à Étampes de lui

« faire payer de ce qu’il m’est deu. Car je vous dirai la meschanceté qu’ils [les habitants] m’ont fait après qu’ils ont veu que les soldats ne pouvoient avoir argent et qu’il falloit retourner au crédit, ils ont fait fermer la porte de leur logis et chassez, tellement que je suis contraint leur faire faire admonition et les entretenir à mes despens. S’il ne vous plaist y donner ordre en brief, Monseigneur, et me faire délivrer argent, je vous promets que je suis contraint faire emprunter, estent pressé fournir argent à ung homme de Monsieur le cardinal de Chastillon [Odet de Coligny]247 ».

91Dans ce contexte de crédit toujours très difficile à obtenir, le recours aux emprunts particuliers est croissant. Trois ans plus tôt, Sourdeval s’était trouvé dans une situation similaire à Belle-Île : « Je suys contrainct, disait-il au duc de Guise, de leur faire la munition de toutes choses à mes despens, car d’avoir pour ung seul grant blanc de crédit en cest isle, il est hors de ma puissance à l’occasion des debtes qui sont deues. » Il demandait alors « d’escrire une lettre aux manans et habitans de cest isle et aux marchans voluntaires » pour avancer l’argent, solution imaginée plus tôt par Étampes lui-même248. Au début de 1562, dans l’impossibilité de pouvoir acheter des grains pour ses soldats, ce dernier se tourne donc désormais de plus en plus vers des prêteurs professionnels, majoritairement des Italiens issus du monde de la banque de Lyon, auprès duquel il est déjà personnellement un habitué. Il écrit ainsi à la reine à propos d’un banquier génois – Gênes a fait fortune dans la banque – installé à Lyon :

« Y’a ung homme icy de monsieur de Savoye [Emmanuel-Philibert, duc de Savoie], appellé Hannibal Cambi, qui avoit quelques deniers pour employer en bledz, lequel m’a dict en avoir encores six mil escuz de reste, dont je l’ay bien fort pryé ne se déffaire point, et m’a accordé, si on en a affaire pour le service de voz magestez, de les bailler, luy envoyant seureté de les faire délivrer à Lyon249. »

92Le recours à la banque de Lyon s’était déjà systématisé, pour les gouverneurs, dans les années 1540, mais c’était sans compter sur les dégâts de la guerre de 1562 qui bouchent très vite ce canal, d’autant plus que la ville est passée aux mains des huguenots. Quant aux grands marchands bretons, Étampes regrette auprès de la reine début août :

« De ce que vous avez accoustumé de tirer de ce pais, qui est l’ordinaire, et ne touchant point à l’extraordinaire, me laisser le moien pour recouvrer ce qui sera nécessaire pour continuer ladicte despence. Car quant aux emprunts particulliers, il ne s’i fault point attendre, veu que la pluspart de noz riches marchans sont destruictz par la perte de Lyon et Rouen [prises en 1562], où estoit leur commun trafficq, et n’y auroit nul moien sans les ruyner du tout de pouvoir lever ceste somme sur eulx, oultre ce qu’il fauldra doresnavant qu’ilz nous aident à souldoier les gens de guerre qui sont entretenuz pour la déffence et seuretté d’icelles villes250. »

93Sans compter qu’il faut ensuite rembourser ces imposants prêts, souvent sur les deniers levés en Bretagne, à l’image de ces 60 000 lt. prêtés en 1563 au roi par Jean-Baptiste de Gondi, maître d’hôtel de Catherine de Médicis, et au remboursement desquelles la chambre des comptes de Bretagne doit participer, non sans peine et difficultés, ou encore ces 50 000 lt. avancées par le riche marchand nantais d’origine espagnole, André Ruiz251. Dans la gestion financière de la guerre, Étampes n’est donc pas démuni d’outils. Les documents font également la part belle à une autre forme de crédit lié à la noblesse, celui des « pensionnaires » du roi. Rémunérés par le souverain, ces individus mettent bien souvent au service du gouverneur leurs deniers dans un subtil calcul d’enrichissement monétaire et de gain d’honneur.

Payer les pensionnaires des États : une politique financière provinciale

94De même qu’à l’échelle nationale les grands officiers de la Couronne sont pensionnés par la monarchie, à celle de la province les officiers bretons reçoivent des pensions destinées à entretenir leur fidélité. Instruments de conquête des élites politiques et sociales dès le règne de Charles VIII, les pensions que le roi entend libéralement octroyer aux Bretons qui méritent sa faveur tendent au fil du siècle à relever des États de Bretagne252. Cette institution, pas aussi puissante qu’en Languedoc ou en Dauphiné au début du siècle, s’affirme et confirme peu à peu un droit de consentement à l’impôt obtenu sous les ducs. L’assemblée s’estime alors le relais des préoccupations politiques et sociales du duché. Certes, c’est bien avant tout la faveur royale qui est récompensée par l’octroi des pensions provinciales, mais le gouverneur est loin d’être absent de leur gestion. Ainsi, en 1546, le Dauphin écrit à Étampes :

« J’ay […] veu […] ce que […] m’avez mandé touchant la desmission que désireroit vouluntiers faire soubz mon bon plaisir le sieur de la Provostière à son filz de trois cens livres de pension que je luy donne. Vous scavez l’entière confiance que j’ay en vous, non de celle seullement mais de toutes autres choses qui déppendent du faict de vostre gouvernement au moien de quoy je vous advise que après avoir entendu vostre déliberation et ouy parler mon cousin, monsieur de Gyé, icy présent, j’ay trouvé vostre advis et le déppartement qu’avez faict de ladicte pension très bon et ne scauroit, si me semble, estre meilleur pour le contentement que vous faictes à deux personnes, à l’ung pour ses mérites et à l’autre pour le faire ressentir des services que son père a faictz au Roy mon seigneur et père et à moy pareillement au faict de sa charge253. »

95Ce cas très précis de transmission d’une pension d’un père à son fils explique que les pensionnaires s’adressent en premier lieu au gouverneur pour une affaire qui concerne la faveur royale et/ou delphinale. Jean Moraud de La Provostière vient de quitter son poste de capitaine de Concarneau sans que son fils, trop jeune, puisse lui succéder. Comme le dit le Dauphin, assurer la transmission de la pension fait double emploi en récompensant le père de ses loyaux services et en encourageant le fils à faire de même à l’avenir. La lettre montre également à quel point Étampes, qui bénéficie d’une « entière confiance » de la part du dauphin Henri, jouit d’une très grande liberté d’action dans la gestion des pensions, même s’il est toujours tributaire de la validation royale. Cela revient donc aussi à lui confier une certaine influence sur les choix des pensionnaires et ainsi d’exercer pleinement une forme de faveur provinciale.

La nomination des pensionnaires : faveur du roi et faveur du gouverneur

96Depuis l’union du duché à la Couronne, la liste des pensionnaires de Bretagne est toujours établie par le gouverneur en personne. Les Grands du royaume ne s’y trompent pas lorsqu’il s’agit d’obtenir une pension bretonne en vue de récompenser un client. Ainsi de Montmorency qui écrit à Étampes en 1552 qu’il a appris le décès d’un de ses serviteurs, le sr de Kergrois, commissaire ordinaire des guerres en Bretagne, et qu’il a demandé à obtenir sa pension bretonne pour un autre fidèle, Courcon, utile à la garde de son château de Châteaubriant – il en sera ensuite capitaine – : « Qui est de présent résident audit pays dont, Monsieur, vous ay bien voulu advertir et prier le vouloir emploier dans le roolle desdictes pensions254. » Le gouverneur tient en effet le « roolle » ou l’état, c’est-à-dire la liste des pensionnaires. Dès lors, peut-il ajouter ou ôter des noms de la liste de ceux qui sont pensionnés par le roi, à condition toujours d’avoir son aval. Il en fixe également les montants qui peuvent varier d’un personnage à l’autre.

97Dans le cadre de cet exercice de faveur provinciale, certains personnages doivent donc parfois leur pension au bon vouloir du gouverneur, qui dispose en ce sens d’une réelle marge de manœuvre. Par ailleurs, lorsque Montmorency demande des pensions pour ses fidèles, il n’oublie pas d’assurer Étampes qu’il « veulx et entends qu’ilz le tiennent de vous », c’est-à-dire que les nouveaux promus identifient avec précision d’où vient la faveur255. C’est ainsi qu’Amaury Gouyon, sr de La Moussaye, qu’Étampes a présenté en cour, évoque sans ambages le rôle de son protecteur quant à la nomination des pensionnaires :

« Monseigneur, la bonne affection que de votre grâce me avez touzjours portée me faict vous supplier très umblement qu’il vous plaise avoir souvenance de me retenir et pourvoyr en votre état des pancionnaires de ce pays, voyant que en avez le moyen par le déceix de monsieur du Chastel. Cela sera cause de me augmenter le moyen de vous faire service, comme celuy qui ne prétand de sa vie plus grandeur que de demeurer près de vous et en votre bonne grâce, laquelle très umblement je sallue256. »

98Pour La Moussaye, le décès d’un pensionnaire, le lieutenant du roi Claude du Chastel, laisse une place vacante à saisir. Son appel à la faveur du gouverneur induit subtilement l’idée que la pension agira aussi comme un moyen financier de mieux le servir. Faveur et retour de faveur s’expriment donc pleinement dans l’attribution des pensions provinciales.

99Néanmoins, tout ne se fait pas sans l’aval de la monarchie, indispensable dans toute prise de décision, qu’il soit préalable ou a posteriori, explicite ou implicite. « Fault que cella vienne de puissance du Prince », dit le secrétaire royal Marc de Barberé à Jacques de Robien, capitaine du Croisic, qui demande depuis des années le paiement de sa pension257. Si certains cas peuvent être réglés dans l’urgence, le gouverneur Étampes doit le plus souvent recommander officiellement un candidat à une pension. En cela, les registres du Conseil privé du roi illustrent sa marge de manœuvre. En 1563, sans affirmer qu’il s’agit d’un fidèle ou d’un client, il demande ainsi au Conseil privé une pension pour le sr de Boisorcant, gouverneur de Rennes, « afin de [le] récompenser des services et despences qu’il a fait durant les troubles par quelque raisonable pension par an pour luy et son lieutenant258 ». La pension apparaît donc comme un efficace moyen de récompenser sinon des fidèles, du moins les hommes qui l’entourent dans la bonne administration de la province, outil qui fonctionne au moins en partie comme une redistribution de la faveur royale à l’échelon provincial.

100Car le duc est aussi celui qui maîtrise les paiements des pensions, ce qui lui confère un pouvoir non négligeable. Ainsi, du pensionnaire Joachim de Sévigné, sur lequel il s’appuie aux États et qui lui écrit en 1558 au sujet de ses procès pour lesquels il espère qu’il pourra le « favoriser », et n’hésite pas à lui demander très clairement le paiement de sa pension – qui devra être délivrée à Jean Avril, sr de Lormaye, trésorier des États :

« Je m’avanceré vous supplier aux affaires où je suis, si vouyez qu’il souet résonnable de me faire pouyer de la panssion qu’il vous a pleu m’ordonner. Je envoye un acquit à Lormaye, s’il vous plest, qu’elle lui souet délivrée259. »

101Le rôle financier du gouverneur est ici précisément énoncé. Les pensionnaires sont donc payés par le trésorier des États Jean Avril et les sommes s’échelonnent entre 100 et 300 lt., la pension d’un même personnage pouvant évoluer selon les années260. En 1562, ils sont 59 et la somme totale s’élève, comme en 1560, à 10 000 lt.261. Cette somme précise correspond à une ligne budgétaire précise, allouée pour les pensions dans les dépenses des États. Dès lors, avec une somme fixe, plus les pensionnaires sont nombreux et moins les pensions sont élevées. Dans l’entretien des fidélités, le gouverneur doit donc jouer entre promotion d’un nouveau pensionnaire et pensions suffisantes pour les anciens pensionnés.

102Si tous les grands officiers de la province sont pensionnés d’office, à l’image des capitaines de places fortes, de ceux de l’arrière-ban, des commissaires des guerres, etc., ainsi que les membres importants de la noblesse aux États, des individus sans charges royales se voient aussi attribuer une belle pension par le duc. C’est par exemple le cas de ses propres protégés, vassaux et officiers domestiques. Ainsi de son propre maître d’hôtel, François de Mars, sr de Saint-Agathe ; de Jacques de Lescouet, sr de La Moquelaye, vassal qui reçoit déjà des dons importants en Penthièvre ; du sr de Saint-Eloy, son surintendant des eaux et forêts du Penthièvre ; ou encore de son premier secrétaire, Pierre Cornulier262. Pour autant, ces domestiques et vassaux ne sont jamais très éloignés du service rendu à la province, et donc au roi. Il n’existe donc pas là un détournement des pensions vers la sphère exclusivement domestique. S’ajoutent enfin tous les capitaines de compagnies qu’Étampes a levées en 1562 pour la guerre en Normandie : Breuil, Champagné, Pontecroix, La Roche, Langan, Souleville, Méjusseaume, etc. Le gouverneur puise dans les rangs des pensionnaires pour les cadres de son armée, et inversement, récompense d’une pension ceux qui se distinguent dans ce service. En définitive, la pension sert autant comme un outil de faveur que d’obligation.

Du bon paiement des pensionnaires

103En plus d’une dignité recherchée – ils sont assis sur un banc qui leur est réservé aux États – les pensionnaires détiennent un fort rôle politico-financier en Bretagne. Dès 1558, Étampes explique ainsi qu’ils sont particulièrement précieux pour la défense de la province face aux descentes ennemies, surtout car ils avancent leurs propres deniers pour solder les troupes. Au cardinal de Lorraine, il écrit :

« Encores qu’il ayt pleu au Roy et à vous m’asseurer de l’assignation des deniers des pensionnaires que le trésorier m’a mandé qu’il ne l’a poinct encores eue ce qui viendroit mal à propoz. Car je vous puys asseurer qu’ilz ont beaucoup plus despendu ceste année que ne monte leur estat et qu’ilz ne sont demeurez inutilles263. »

104L’argent et les moyens mis au service du roi par ces individus sont ainsi considérés comme un excellent retour sur investissement. C’est dans ce sens que les gouverneurs prédécesseurs d’Étampes avançaient clairement l’idée qu’en rémunérant bien les pensionnaires bretons, le roi pouvait gagner plus qu’il n’investissait264. Ainsi, en 1558, à propos de Charles Bernier, sr du Latay, lieutenant général en la sénéchaussée de Rennes et aussi gendarme du duc placé avec des troupes dans Brest, Étampes déclare au roi :

« S’il vous plaist vous en servir, il est besoing qu’il vous plaise luy faire quelque bien, et pour le moings le faire payer de l’estat qu’il vous plaist luy bailler et voyant le temps de nos estatz s’aprocher où il peult beaucoup servir265. »

105« Beaucoup servir » signifie là rapporter gros, un pensionnaire pouvant entraîner une foule de gentilshommes dans son choix. Mais, de même que pour les garnisons, constant est le retard – pour ne pas dire mauvais paiement ou encore oubli (volontaire ?) – du paiement des pensions. Toujours en 1558, le duc peut déplorer qu’

« il y aura de grandes crieries spéciallement pour n’estre point payez les pensionnaires, qui sont ceulx qui peuvent aider à conduire les aultres, […] qui fera les rendre au désespoir, voyant la despence qu’ilz ont faite ceste année266 ».

106Bien souvent, aux dépenses personnelles des pensionnaires s’ajoute aussi un crédit local qui permet de pousser la noblesse à les suivre. Étampes reconnaît ainsi que c’est grâce à leurs actions que le reste de la noblesse a pu s’engager dans la guerre contre les Anglo-flamands. Ne rechignant pas à s’appuyer sur eux, il se fait même leur porte-parole à la cour lorsqu’il s’agit d’obtenir leur paiement : au cardinal de Lorraine, il use de mots forts en expliquant « qu’ilz méritoient plustost une recongnoissance du labeur et despence qu’ilz ont eut ceste année que de leur retarder leur payement267 ». Le prélat l’avait pourtant assuré que le trésorier de l’épargne à Paris avait veillé à ce que les pensionnaires bretons soient payés dans les temps, tant l’affaire était d’importance268. Finalement, le duc peut remercier le roi du paiement des pensions qui ont bien servi : « Ne voullant oublier à vous mercier, Sire, de ce qu’il vous a pleu faire pour vos pentionnaires, que je vous asseure, ont bien gaigné et despendu les deniers269. » Et en 1560 à nouveau, autre moment de crise, il rapporte au duc de Guise que le maintien de l’ordre dépend du rôle primordial de ces gentilshommes dévoués au roi. Presque las, il demande une nouvelle fois l’argent qui justifie en partie leur belle conduite :

« Je vous suplye, monsieur, n’oublier d’envoier à ces estatz l’assignation acoustumée, car c’est tout le moien que j’ay pour contenir les aultres où, à la verité, ilz font bon devoir, et de m’advertir de ce qu’ilz peuvent entendre270. »

107Informateurs locaux privilégiés, bon nombre de pensionnaires, sans charges royales de premier plan, forment le groupe le plus assidu aux États et sont régulièrement employés en tant que commissaires par le gouverneur. Ainsi, en 1543, les sieurs de Boiséon et de Tivarlen sont envoyés à Morlaix pour estimer les travaux nécessaires à la construction du château du Taureau. En 1554, le premier est encore envoyé garder Port-Blanc. En 1558, année marquée par la descente des Anglais au Conquet, Étampes a massivement recours aux pensionnaires : le sr du Pordo doit garder La Roche-Bernard, le sr de Coatrédrez fait de même à Perros-Guirec, le sr de Villeneuve est employé pour passer en revue des troupes près de Saint-Renan, le sr de Lezonnet procède à une enquête au Conquet après la descente des Anglais où il s’est distingué, quand les sieurs de Sévigné et de La Marzelière enquêtent eux aussi sur les francs-archers puis l’arrière-ban271. Dans les années 1550, le pensionnaire Jacques de Guengat est envoyé par Étampes dresser un état et un portrait de la place forte de Concarneau. Puis, en 1562, le sr de Pinieuc, pensionné car il est le capitaine général des francs-archers de Bretagne, est commissionné pour aller chercher les reliques de Redon, abbaye proche de ses seigneuries272. Quant au pensionnaire et commissaire ordinaire des guerres en Bretagne, François de Monterfil, il est envoyé à Nantes afin d’accorder les bourgeois et le capitaine Sanzay sur les visites des navires, puis sur le guet de la ville, et en profite pour inspecter l’artillerie de la ville, Étampes se justifiant de son choix, devant « commectre personne suffizante et entendue en faict de guerre273 ». Enfin, en 1557, après que le duc a négocié le rachat du convoi de Bretagne par les États à hauteur de 100 000 lt., des binômes de commissaires sont départis dans chaque évêché pour y procéder au bail des fermes : tous sont des pensionnaires forts d’une bonne assise locale274.

108Ainsi, Étampes les décrit au début des troubles de Religion comme de véritables piliers de sa politique de maintien de l’ordre, tant par leur capacité de relais d’informations que d’entretien des fidélités locales. Leur paiement s’avère donc primordial. Mais, peu à peu en manque d’argent, il fait avec Bouillé le choix de ne pensionner uniquement ceux qui ont fait acte de présence aux États, c’est-à-dire probablement les plus utiles. De 56 pensionnaires en 1560, ils ne sont plus que 19 l’année suivante. Le duc veille ainsi à leur bonne assiduité aux États : « S’ilz deffaillent à se trouver à ladite assemblée, l’on en pourveoira d’aultres en leurs places275 », dit-il aux officiers de Saint-Malo. Trois ans plus tard, les officiers de Rennes reçoivent le même discours : « Principallement les pansionnères, ausquelz vous ferez entendre qu’il leurs est expressément enjoint de n’y faillir sur paine de perdre leurs pansions et estre rayez de l’estat desdites pansions pour l’advenir276 », leur écrit-il. Jacques de Robien, capitaine du Croisic, vieux pensionnaire resté chez lui, à son manoir de Bodel, est loin d’être prioritaire dans l’ordre des paiements. Jean Avril, trésorier des États, lui résume bien la situation :

« Monsieur, je vous supplye de croyre que j’ay faict tout ce qui m’a esté possible pour vous faire payer de votre pansion, mays il n’a esté possible. Car il n’a esté payé que les présents et asistans aux Estats, que estoyent XIII seullement. Et m’a refusé monsieur de Bouillé pour vous, combien que je vous eusse employé et mys en l’estat. Il fist le semblable à monsieur le cappitaine Gué, qui me contanta ung peu. Aussy que pas ung n’a esté payé que lesdits XIII présents mays on m’a promys et asseuré que vous serez payé en janvier prochain, et ce pandant je garderay votre blanc pour toujours essayer de avoir votredit estat et pansion277. »

109Et en dépit d’importants retards de paiement, certains pensionnaires restent à la suite du gouverneur, s’en remettant alors à son crédit auprès du roi. Avril mentionne ainsi François du Gué, sr de Méjusseaume, capitaine de l’arrière-ban important à Rennes et Vitré, absent à cause de ses missions militaires et lui aussi privé dans l’immédiat de sa pension. C’est ainsi ce qu’Étampes explique au roi en octobre 1560 : sans moyens financiers immédiats, il jouit toujours d’un tel crédit que des gentilshommes pensionnés ne l’abandonnent pas278. Ce fort lien entre crédit provincial et argent est si fort que certains s’arment à leurs propres frais lors des premières guerres de Religion, à l’image du pensionnaire Guillaume de Montigny, capitaine de Suscinio, qui rejoint l’armée royale devant Rouen, où il n’épargne d’ailleurs pas de sa personne279.

110Enfin, figure dans l’état de 1560 un robin qui ne réside pas en Bretagne : Florimond Robertet, sr de Fresnes280. Secrétaire d’État, il est en charge, entre autres provinces, de la Bretagne – après Côme Clausse de Marchaumont et avant Claude Pinart281. C’est donc lui qui correspond depuis la cour avec la Bretagne282. Ainsi, pour ses services depuis la cour, les États le pensionnent, espérant ici de bonnes relations avec leur secrétaire d’État « de crainte qu’il ne vienne à égarer par inadvertance des missives importantes ou peut-être à retarder le moment d’apposer sa signature (obligatoire), bloquant ainsi l’exécution d’ordres royaux283 ». Cette relation privilégiée d’un gouverneur avec son secrétaire d’État, véritable point de liaison entre le central et le provincial, est particulièrement bien expliquée par une lettre missive de Georges Morin, un des secrétaires d’Étampes. Envoyé en cour, il écrit à son maître :

« Monsieur de Fresnes […] m’a parlé de sa pension de l’année passée, et demandé s’il n’en auroit jamais rien, à quoi je lui ay, comme vous m’avez commandé, dit que l’assignation n’en avoit esté baillé que sur les deniers extraordinaires, et que vous n’aviez encores point veu Mallet [Louis Mallet, commis du trésorier de l’extraordinaire en Bretagne] qui avoit manié ces deniers là depuis vostre retour en Bretaigne, mais que sitost qu’il vous seroit allé trouver, vous ne fauldriez de la lui envoyer. Je vous supplie très humblement, Monseigneur, d’en vouloir avoir souvenance, car vous scavez très bien que s’il n’est gratiffié en quelque chose, l’on n’en pourra pas tirer si aisément les dépesches qu’il faut ordinairement avoir de lui pour vous et vostre gouvernement, et lui sembleroit advis que cela ne tiendroit qu’en vous, pour ce que le commis du trésorier Thévyn [Jacques Thévin, trésorier et receveur général de Bretagne] estant en ceste court lui dist que s’il vous plaisoit en faire le commandement, elle lui seroit incontinent payée284. »

111À travers les mots de Morin apparaît l’étroite relation entre pension bretonne et obtention de dépêches primordiales pour la bonne gestion d’une province285. Quelques années plus tôt, au secrétaire Pierre Cornulier, envoyé lui aussi en cour, Étampes confessait déjà l’importance du secrétaire Côme Clausse dans l’obtention de documents royaux : « Je ne faictz poinct de doubte que monsieur de Marchaumont, aiant tant d’affaires, ne soict ung peu plus difficile, et trouve très bon le languaige que vous luy avez tenu286. »

112Lors des troubles religieux, l’octroi de pensions devient aussi un réel enjeu politique. Dans les années 1560, des pensions sont toujours allouées à des gentilshommes qui viennent pourtant de se convertir à la Réforme, à l’image de Christophe du Matz, sr du Brossay Saint-Gravé, de René de La Chapelle, sr de La Roche-Giffart, de Louis d’Acigné, sr de La Roche-Jagu, qui ont installé des temples chez eux, de François de Chamballan, de Julien de Brignac, élu député de la noblesse bretonne aux États généraux d’Orléans, de Bonaventure Chauvin, sr de La Musse, protecteur des huguenots de Nantes et député aux États de Pontoise en 1561, ou encore des frères René et Guy d’Avaugour, sieurs de Kergrois et de Vay, dont le premier est lui aussi député aux États généraux d’Orléans et de Pontoise et sera ensuite membre du conseil de la reine de Navarre tenu à La Rochelle en 1569. En 1560, il est encore bien tôt pour songer à des coupes brutales de pensions qui ajouteraient inutilement des tensions aux tensions. C’est pourtant bien ce que dénoncera un peu plus tard Bouillé à la reine :

« Tous vos bons subjectz et serviteurs sont fort mescontamps de quoy l’on laisse joir ceulx qui sont icy du party de voz ennemys de leurs bons estatz et gaiges par ce qu’ilz disent que chacun veoit bien qu’ilz emploient tout ce bien là à secourir leur camp d’argent qui revient à une beaucoup plus grande somme que je croy que voz majestez ne pensent, et que par ainsi ceste guerre si dangereuse pour votre estat n’aura jamais fin. Et me remonstrent que si voz majestez faisoyent suspendre ceulx qui sont icy de leurdit party de leurs estatz et saisir les biens, chasteaulx, abbayes, prieurez et maisons fortes où ilz font garde jour et nuict qu’il y en a grand nombre qui se retireroyent de leur religion, mais que voyant qu’il plaist au roy et à vous les traicter aussi bien que ceulx qui vous sont fidelz et les continuer en ces auctoritez, que cela croist le cœur à voz ennemyz de persévérer287. »

113Le lieutenant général conclut qu’il faudrait mieux « leur coupper les racines de tous costez », entendons bien en matière financière. Ainsi, par bien des aspects, la pension reçue du roi est un instrument financier au service de la politique du gouverneur. Comme les gages reçus par ses subordonnés, elle encourage les avances personnelles des pensionnaires et son crédit-relais prend alors tout son sens. Et force est de constater que le système fonctionne particulièrement bien en temps de crises, en 1558 comme en 1562.

Conclusion : les « finances qui ont passé par mes mains »

114Dans son testament, le duc d’Étampes revient sur son rôle financier bien plus que sur les autres aspects de son métier de gouverneur, attitude somme toute assez logique puisqu’il s’agit d’apurer tout possible contentieux afin que la confiance royale se prolonge post-mortem – car sa succession est en jeu. Dans un assez long passage, il supplie le roi et la reine mère :

« Me pardonner si je n’ay esté aussi soigneux et diligent que je debvoye et principallement de regarder de près aux finances qui ont passé par mes mains, mais la nécessité des troubles estoit si grande et les hommes se faisoient achapter si cher qu’il n’estoit pas aysé d’y donner tel ordre que l’on voulloit, mesmes en ce pays dont de si longtemps on n’avoit eu moyen de pouvoir tirer des gens, tellement que, à la vérité, je ne scauroys randre bon compte particulier d’environ dix ou douze mil francz distribuez par les menuz et par les mains de mon secrétaire Rouxel la plus grand part et quelque partye par le sieur de Beauvoir [Prigent Boterel, procureur du duc et receveur général du Penthièvre] et autres, il y a quelques temps lors que les Anglois vindrent en Bretaigne et durant les autres guerres288. »

115Assurément, une de ses préoccupations est de justifier l’emploi des sommes qu’il a gérées lorsqu’il évoque les « finances qui ont passé par mes mains ». Pour autant, il n’est pas un homme de finances mais un de ceux qui manie finances. La nuance est d’importance tant la haute noblesse, à laquelle il appartient, tient souvent en mépris ces avares « comptables » de financiers. L’argent est pour lui le moyen d’une politique provinciale, une nécessité d’action, non une fin en soi. Si ses gages de gouverneur, combinés aux dons de la monarchie, sont plus que confortables, ils viennent tout à la fois récompenser et encourager ses nombreuses avances personnelles d’argent et rémunérer un service qui doit profiter matériellement à celui qui sert. Il apparaît alors que le métier de gouverneur est bien souvent une vocation qui peut rapporter gros, à condition que l’intéressé ne lésine pas sur la dépense. Celle-ci est le fondement d’un crédit local tel qu’il permet et encourage les avances des subordonnés. Et c’est dans les moments les plus délicats que ce crédit provincial est rendu concret par la capacité à mobiliser des fonds sur la promesse d’un futur paiement. Pour entretenir ces circulations, la politique des pensions provinciales s’avère ainsi des plus précieuses puisque les pensionnaires pourront, s’il le faut, mobiliser des troupes et des fonds. D’autre part, la fonction première du gouverneur étant la guerre, financer ses troupes lui impose de travailler avec les institutions financières du duché, alors solidement établies et fixées depuis un demi-siècle. C’est donc surtout en cas d’urgence que les cartes de chacun en matières financières sont redistribuées à son profit. La situation critique de 1558 et surtout celle de 1562, l’obligent ainsi à agir rapidement et c’est bien cet argument d’urgence qui est mobilisé pour justifier d’imposantes dépenses, notamment dans son testament, où il apparaît bien comme un garant essentiel des « deux piliers de l’État moderne – l’impôt, l’armée – [qui] étaient justifiés l’un par l’autre289 ». C’est pourquoi le commis de l’extraordinaire des guerres, jadis décrié pour ses retards fréquents, se tient désormais à sa suite avec l’argent qui ne le quitte plus. De telles levées extraordinaires, qui déplaisent fortement à la chambre des comptes, tout de même contrainte de les valider, font du gouverneur de Bretagne résolument un homme d’argent, à défaut d’en être un de finances.

Notes de bas de page

1 Dominique Le Page, Finances et politique en Bretagne au début des temps modernes, 1491-1547, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1997, 750 p.

2 BnF, Fr. 2953, fo 4, 31 ; Fr. 21450, fo 3, 19, 35, 51 vo, 67, 81, 96, 109, 130 vo. Il est gent. de la chambre jusqu’en 1546-1547, date à laquelle il entre au Conseil privé d’Henri II.

3 BnF, Clair. 645, fo138, quitt., 7 juill. 1537 ; BnF, PO 502 (Brosse), no 54, quitt., 8 mars 1540 (220 lt.) ; no 57, quitt., 12 avr. 1546 (250 lt.).

4 Mais pas toujours la solde. En juillet 1563, il se plaint que « de la creue qui ne recoit poinct d’argent il est malaisé de les faire servir et paier en ce pais » (BnF, Fr. 15881, fo 189 : Étampes à Catherine de Médicis, Saint-Malo, 14 juill. 1563). Sa compagnie oscille entre 30 et 60 lances, c’est-à-dire 60 hommes d’armes pour 90 archers selon la règle alors en vigueur d’un archer et demi pour un gendarme.

5 BnF, PO 502 (Brosse), no 64, 67, 71 : quittances, 24 août 1559, 5 août 1561, 17 janv. 1562 ; BnF, Clair. 123, no 98, quitt., 25 janv. 1560 ; BnF, PO 502 (Brosse), no 58, quitt., 18 fév. 1563 ; BnF, Clair. 123, no 97 : quitt., 12 juill. 1563.

6 BnF, Clair. 123, no 97, quitt., 12 juill. 1563.

7 De 1536 à 1559 il reçoit 1 200 lt./an ; de 1559 à 1563, 2 000 lt./an ; de 1563 à 1565, 3 000 lt./an. Ce qui revient à un total de 44 600 lt. en 29 ans de carrière de capitaine.

8 CAF, t. 3, p. 298, 483, 755 ; t. 4, p. 233, 241 (mandements à Fontenay) ; BnF, PO 502 (Brosse), no 61, 7 oct. 1553.

9 BnF, PO 502 (Brosse), no 55 et 56 : gages de colonel des Suisses, 1542 et 30 sept. 1543.

10 Philippe Hamon, L’argent du roi…, op. cit., p. 225-228.

11 ADIV, 1 Bv, fo 79-80.

12 ADLA, B 582, fo 93, 7 mai 1561 ; Robert Harding, Anatomy of a power elite…, op. cit., p. 139, souligne toutefois que ces imposantes sommes se font peu à peu grignoter par la hausse des prix à partir de la fin des années 1550.

13 ADIV, C 2877-2879 (compte, 1559, Dinan, 1563), ADIV, C 2859 (1560), ADIV, C 2861 (quitt., Dinan, 23 sept. 1563), ADIV, C 2862 (quitt., 1er juill. 1564).

14 CAF, t. 3, p. 765 : abbaye de Vauluisant, 12 avr. 1539.

15 BnF, NAF 3645 bis, no 1385, quitt., 31 oct. 1539 ; BnF, Clair., 645, fo 139, quitt., 31 oct. 1539 ; fo 140, 31 juill. 1539 ; BnF, Fr. 21542, fo 41, quitt., 31 avr. 1539.

16 ADIV, C 2876.

17 CAF, t. 7, p. 738 ; BnF, Clair. 86, fo 6779 : quitt. d’Anne de Pisseleu au nom d’Étampes, 16 mai 1539.

18 BnF, Fr. 3132, fo 31 vo : état des pensions, Saint-Germain-en-Laye, 8 fév. 1549 ; BnF, Clair. 232, fo 2039 ; fo 2083 : registre de l’épargne pour 1561-1562.

19 BnF, PO 1779 (Luxembourg), no 208 : quitt. de Martigues, 15 nov. 1560 (2 500 lt. pour sa pension de 1560) ; BnF, Fr. 6211, fo 458 : quitt. de Martigues, 22 nov. 1564 (2 000 lt. sur la recette générale de Poitiers).

20 ADLA, B 54, fo 346 vo.

21 BnR, Aut. 88, no 11 : Étampes au cardinal de Lorraine, Broons, 18 juin 1560. Très habile, il mobilise l’argument de la pension comme utile à secourir son neveu Martigues en Écosse, et ainsi faire le jeu des Guises…

22 ADIV, C 2865 : commission de Charles IX à Jean Avril, trésorier des États, Bois-de-Vincennes, 20 juin 1568. Notons que sa pension de 1565 n’est versée qu’en 1568, trois ans après sa mort.

23 En 1557, le fermier des ports et havres de Bretagne est fait prisonnier par le trésorier de la province en lien avec 300 tonneaux de vin passés pour Étampes (ADLA, B 706 : René Chevallier, fermier des ports et havres de Bretagne, à Nicolas de Troyes, Nantes, 27 déc. 1557).

24 ADIV, C 3208 : quitt. d’Étampes, 25 janv. [1559] ; ADLA, B 582, fo 16 : don de François II à Étampes, Marchenoir, 12 fév. 1560 ; BnF, PO 502 (Brosse), no 70 : quitt. d’Étampes, 31 déc. 1562.

25 BnF, PO 1779 (Luxembourg), no 207 : certificat de Martigues, Lamballe, 24 fév. 1561 (200 tnx).

26 BnF, PO 550 (Bueil), no 171 : quitt. de Bouillé, avant 1555 (100 tnx de vin) ; ADIV, C 2978 : idem (100 tnx de vin), 20 juill. 1558 ; BnF, PO 2631 (Sanzay), no 4 : quitt. de Sanzay, Nantes, 15 avr. 1562 (100 tnx) ; ADLA, B 706 : le fermier des ports et havres de Bretagne à Nicolas de Troyes, Nantes, 27 déc. 1557.

27 BnR, Aut. 88, no 34 : mémoire d’Étampes, fin juill.-août 1560.

28 Quelques jours avant la mort d’Étampes, le roi perpétue ce don à Martigues (ADLA, B 55, fo 144 : Toulouse, 23 fév. 1565). À noter que le don retombe sur toute la famille Penthièvre puisque la dame de Royan, nièce d’Étampes, est mentionnée dans l’acte comme pouvant prétendre à une part des droits.

29 BnF, Clair. 22, fo 1523 : quittances de Jeanne de Bressuire, Saint-Maur-des-Fossés, 1er et 12 nov. 1566.

30 ADLA, B 55, fo 109 : don de Charles IX, Melun, 25 sept. 1563.

31 ADLA, B 583, fo 128 vo, séance du 22 avr. 1564.

32 Philippe Hamon, L’argent du roi…, op. cit., p. 223 et suiv.

33 ADLA, B 580, fo19 vo, séance du 27 avr. 1556 ; ADLA, B 577, fo 161.

34 AN, MC, XIX, 175, 16 juill. 1548.

35 ADLA, B 54, fo 272 : don d’Henri II à Étampes, Paris, 27 déc. 1558.

36 ADLA, B 582, fo 84 : don de Charles IX, Fontainebleau, 7 avr. 1561 ; BnF, PO 550 (Bueil), no 178 : quitt. de Bouillé pour l’année 1558, Rennes, 18 sept. 1561 ; no 181 : pour l’année 1566, Bouillé, 25 mai 1567.

37 ADCA, 1 E 3655 : mémoire d’Étampes à Cornulier, 28 mars 1557.

38 Morice, col. 1323 : Pierre Cornulier à Étampes, Nantes, 23 oct. 1562.

39 ADLA, B 582, fo 63 : don de Charles IX, Orléans, 17 déc. 1560. Ce don est peut-être demandé de vive voix au roi puisqu’Étampes est aussi à Orléans, aux États généraux, au même moment.

40 ADLA, B 582, fo 143-143 vo : don de Charles IX, Saint-Germain-en-Laye, 4 août 1561.

41 ADLA, B 583, fo 124.

42 ADLA, B 583, fo 101 vo, requête d’Étampes à la chambre des comptes, 16 mars 1564.

43 ADLA, B 54, fo 272 : don d’Henri II pour Étampes, Paris, 27 déc. 1558.

44 BnF, PO 502 (Brosse), no 59 : don d’Henri II, Paris, 8 avr. 1551.

45 Alain Guéry, « Le roi dépensier : le don, la contrainte et l’origine du système financier de la monarchie française d’Ancien Régime », Annales. Économies, sociétés, civilisations, no 6, 1984, p. 1250.

46 Mark Greengrass, « Property and politics in Sixteenth-Century France : the Landed Fortune of Constable Anne de Montmorency », French History, t. 2, no 4, 1988, p. 380. Même chose pour Claude d’Annebault (François Nawrocki, L’amiral Claude d’Annebault…, op. cit., p. 446).

47 William Weary, « La maison de La Trémoïlle pendant la Renaissance : une seigneurie agrandie », in Bernard Chevalier (éd.), La France de la fin du xve siècle : renouveau et apogée, Paris, CNRS Éditions, 1985, p. 187-212.

48 Philippe Hamon, L’argent du roi…, op. cit., p. 228.

49 Emmanuel Le Roy Ladurie, cité par Arlette Jouanna, La France du xvie siècle, 1483-1598, Paris, PUF, 2012, p. 225.

50 Robert Descimon, « Les élites du pouvoir et le prince : l’État comme entreprise », art. cité, p. 147.

51 BnR, Aut. 88, no 41 : Étampes à Guise, Lamballe, 15 sept. 1560.

52 BnF, Fr. 15875, fo 320 : Étampes à Catherine de Médicis, Nantes, 3 oct. 1561.

53 Marjorie Meiss-Even, Les Guise et leur paraître, Rennes/Tours, PUR/PUFR, 2013, p. 212 ; Denis Crouzet, « Recherches sur la crise de l’aristocratie en France au xvie siècle ; les dettes de la Maison de Nevers », Histoire, économie et société, no 1-1, 1982, p. 7-50.

54 ADLA, B 57, fo 32 : mandement de Charles IX, Angers, 14 fév. 1570.

55 « Il fauldra, s’il vous plaist, que vous regardez qui fera ces mises de envoyer quelques gens ou espions pour scavoir des nouvelles, car cela ne se faict pas sans coust » dit Bouillé à Étampes en 1560 (ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Étampes, Nantes, 7 déc. [1560]).

56 ADCA, 1 E 6 : ventes de seigneuries sous Guingamp.

57 BnF, Clair. 355, fo 21 : testament d’Étampes, chambre du duc, château de Lamballe, 25 janv. 1565.

58 BnR, Aut. 88, no 2 : Étampes à Catherine de Médicis, Avranches, 2 sep. 1562.

59 BnF, Fr. 20510, fo 68 : Jeanne de Gruffy à Étampes, Les Essarts, s. d.

60 BnF, Colbert 394, fo 6 : Étampes à Saint-Julien, Saint-Main-de-Guer, 18 juin 1560.

61 BnF, Fr. 22310, fo 350 : exposé d’Étampes.

62 Philippe Hamon, L’argent du roi…, op. cit., p. 228.

63 AMR, BB 466, fo 63 : Étampes à Boisorcant, Lamballe, 18 avr. 1557. Boisorcant pourra également contraindre des marchands à avancer des poudres s’il en trouve.

64 AMR, BB 466, fo 64 : les bourgeois de Rennes à Étampes, Rennes, 21 avr. 1557.

65 AN, MC, XIX, 151, 8 mars 1539 ; 166, 28 déc. 1544. Dans les années 1550, Cailly est « trésorier de Bretagne » et est un vassal de… Montmorency (AN, MC, III, 235, 15 oct. 1555). Il porte le titre de trésorier et receveur général alternatif (ADLA, B 581, fo 53).

66 BnF, Fr. 20510, fo 66 : Jérôme de Carné à Étampes, Brest, 21 juill. 1557. Le commis a « mal entendue » une lettre du gouverneur car il demande quittance de l’argent apporté alors que, dit Carné : « Je ne le pouroys faire d’autant que je signoye les quictances de l’argent qui estoit distribué par mes ordonnances. » Au reste, Cailly entre en conflit avec l’architecte Jean de L’Orme au sujet des deniers des fortifications (ADLA, B 584, fo 17) et Jérôme de Carné reçoit 600 lt. en récompense de ses nombreuses avances (ADLA, B 586, fo 210).

67 BnF, Fr. 20510, fo 81 : Jérôme de Carné à Étampes, Brest, 26 août 1558.

68 BnF, Fr. 3210, fo 77 : Jérôme de Carné à Catherine de Médicis, Brest, 15 fév. 1562 : « Que je sois paié de six années finies le dernier jour de decembre dernier passé qui me sont deues de l’estat qu’il plaist au Roy et vous, Madame, me donner pour la charge de ladite place. » Il réitère sa demande dans un mémoire envoyé au roi le même jour (BnF, Fr. 3186, fo 46). Selon lui, il a entretenu les armes de sa garnison à hauteur de 1 000 lt. depuis cinq ans « à raison de l’humidité que apporte l’air de la marine ».

69 BnF, Fr. 20510, fo 118 : Bouillé à Étampes, Saint-Malo, 15 août.

70 BnF, Fr. 15871, fo 153 : Bouillé à Guise, Rennes, 5 août 1560.

71 ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Étampes, Saint-Malo, 5 mai [1558].

72 ADCA, 1 E 3654 : Talvert à Étampes, Saint-Malo, 28 août 1563.

73 BnF, Fr. 22310, fo 167 : Sanzay à Étampes, Nantes, 22 déc. 1562.

74 BnF, Fr. 15547, fo 265 : Sanzay à Catherine de Médicis, Nantes, 15 août 1568.

75 ADCA, 1 E 3654 : Jérôme de Carné à Étampes, Brest, 21 avr. 1560. Voir, quatre ans plus tard, une requête des mortes-payes de Brest aux gens des comptes (ADLA, B 583, fo 70 : Brest, 22 janv. 1564).

76 ADIV, 1 F 1978 : requête de Robien au roi, 16 juin 1558 ; mandement d’Étampes, Lamballe, 6 oct. 1558.

77 ADIV, 1F 1978, 6e liasse, no 3 : Étampes à Jacques de Robien, Châteauneuf, 7 juill. 1557.

78 ADIV, 1F 1978, 6e liasse : Marc de Barberé à Jacques de Robien, Blois, 10 janv. 1560. Barberé contresigne encore l’acte de Charles IX qui commissionne Martigues après Étampes sur cette affaire (Ibid., 11e liasse). Voir son rôle dans le dialogue avec les États (ADIV, C 2640).

79 ADCA, 1 E 3654 : Sanzay à Étampes, Nantes, 31 déc. 1557.

80 AMN, EE 244 : 1559.

81 BnF, Fr. 15879, fo 165 : Sanzay à Guise, Nantes, 14 juill. 1560.

82 BnF, Fr. 15871, fo 60 : Sanzay à Charles IX, Nantes, 13 déc. 1560.

83 ADCA, 1 E 3654 : Sanzay à Étampes, Nantes, 8 déc. 1561.

84 ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Étampes, Saint-Malo, mai 1558.

85 Philippe Hamon, L’argent du roi…, op. cit., p. 228.

86 ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Étampes, Nantes, 7 déc. [1560].

87 Morice, col. 1269 : Bouillé à Étampes, Nantes, 25 fév. 1560.

88 ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Étampes, Rennes, 11 mai [1560].

89 ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Étampes, Bouillé, 21 juill. [1560] ; Morice, col. 1250 : Saint-Malo, 14 juill. 1560.

90 Morice, col. 1260 : Bouillé à Étampes, Nantes, 11 nov. 1560.

91 ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Étampes, Guergelin [Languidic], 22 août 1561.

92 BnR, Aut. 88, no 2 : Étampes à Catherine de Médicis, Avranches, 2 sept. 1562.

93 BnF, Fr. 10193, fo 263 vo : promotion de 1563.

94 BnF, Fr. 3216, fo 76 : Bouillé à Gonnord, Antrain, 6 oct. 1562.

95 AN, K 94, no 27 : don de Charles IX à Bouillé, Fontainebleau, 10 avr. 1567. En 1565, pour payer ses soldats à sa suite, il atteste encore qu’« ilz ont esté paiez par mon récépissé et de quoy j’ay faict ma propre debte et ainsi que monsieur le trésorier Thévyn » peut témoigner, et qu’il faudra espérer un remboursement des bourgeois de Nantes (AMN, AA, 43, fo 1 : Bouillé aux bourgeois de Nantes, Ponsal [Plougoumelen], 11 fév. 1565).

96 BnF, Fr. 20510, fo 69 : Henri II à Étampes, Saint-Germain-en-Laye, 1er déc. 1557 ; ADCA, 1 E 3654 : Mallet à Étampes, Vannes, 31 août 1558.

97 ADCA, 1 E 3654 : Sourdeval à Étampes, Auray, 22 déc. 1560. En 1572, il fait une très bonne opération en revendant sa capitainerie de Belle-Île et ses droits fiscaux (impôts, billots, sécheries et droits de pêcherie) à Albert de Gondi, devenu seigneur des lieux, pour 4 500 écus soleil (AN, MC, XXXVI, 23, 1er nov. 1572 ; 4 nov. 1572, quitt. de 3 000 écus soleil). En 1577, Gondi explique au gouverneur Montpensier, insatisfait de la défense de l’île qui a été prise par Montgomery en 1573, que le roi, dit-il, « trouva bon que je prisse la charge qu’y avoyt Sourdeval, que j’ay très bien payée […] et aussi que je y avoyt grand interest à luy bien servyr estans ladite ysle ma propre maison » (BnF, Fr. 3344, fo 4 : Gondi à Montpensier, du camp, 18 juin 1577).

98 AN, MC, XXXVI, 23, 1er nov. 1572. Biens qu’il vend aussi à Gondi.

99 BnF, Clair. 204, no 116 : quitt. de Sourdeval, 16 mars 1568.

100 BnF, Fr. 15546, fo 47 : Sanzay au duc d’Anjou, Nantes, 17 mai 1568. « Et depuys peu de troys ans n’en receu que quatre cens livres de mondit estat, je suys icy en ung pays où il fait fort cher vivre et où il me fault despandre pour y avoir l’amityé des gens du pays pour votredit service », ajoute-t-il (BnF, Fr. 15547, fo 265 : Sanzay à Catherine de Médicis, Nantes, 15 août 1568).

101 BnF, Colbert, 27, fo 208 : Bouillé à Guise et au cardinal de Lorraine, Nantes, nov. 1560.

102 BnF, Fr. 3186, fo 88 : Étampes à Charles IX, Lamballe, 18 avr. 1561.

103 BnR, Aut. 88, no 10 : Étampes à Catherine de Médicis, Nantes, 1er mai 1562.

104 BnR, Aut. 88, no 45 : Étampes à Navarre, Nantes, 27 juill. 1562.

105 En 1578, le gouverneur Montpensier se plaint du général des finances de Bretagne qui ne lui verse pas sa pension, ce qui le rend « desnué d’argent et tellement mis en arriéré » (BnF, Ms. Fr. 15905, fo 23 : Montpensier au surintendant des finances Bellièvre, Rennes, 13 mars 1578). En 1627, le maréchal de Thémines, nouveau gouverneur de Bretagne, déclare lui aussi un retard de paiement de sa pension de 36 000 lt. par le surintendant des finances Effiat, ce qui l’empêche, dit-il, de « supporter les grandes despenses qu’il me faut faire, sy bien qu’avec ce qu’il plaist au Roy me donner et ce que j’ay de mon bien je n’y puis atteindre » (Pierre Grillon (éd.), Les papiers de Richelieu…, t. 2, op. cit., p. 94 : Thémines à Richelieu, Redon, 23 fév. 1627).

106 Morice, col. 1336 : Étampes à Charles IX, Moncontour, 10 sept. 1563.

107 BnF, Fr. 15881, fo 189 : Étampes à Catherine de Médicis, Saint-Malo, 14 juill. 1563.

108 Sur la gendarmerie comme troupe qui ne suit pas uniquement l’argent mais aussi le devoir du roi ou d’un Grand, voir Philippe Hamon, L’argent du roi…, op. cit., p. 24.

109 BnR, Aut. 88, no 47 : instruction d’Étampes au vicomte d’Avenel, Nantes, 21 juill. 1562.

110 ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Étampes, Saint-Malo, 21 déc. 1561. « Le sieur de Lesonnet m’escript de quelques menasses que font aucuns de ses soldatz de faire surprandre son chasteau [Ancenis] par desespoir qu’ilz ne sont payez », dit-il en 1562 (ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Étampes, Saint-Malo, 21 déc. 1562.

111 BnF, Fr. 20646, fo 101 : Étampes à Henri II, Morlaix, 20 sept. 1558.

112 Arlette Jouanna, « Recherches sur la notion d’honneur au xvie siècle », art. cité, p. 597-623.

113 APPM, J 122, fo 222 : Étampes à Matignon, Rouen, 7 nov. 1562.

114 APPM, J 122, fo 290 : Étampes à Matignon, Vincennes, 19 nov. 1562.

115 APPM, J 138, fo 123vo-124 : Étampes à Matignon, Vincennes, 20 nov. 1562.

116 APPM, J 121, fo 197 : Étampes à Matignon, Amboise, 6 avr. 1563.

117 APPM, J 123, fo 269 : Étampes à Matignon, Lamballe, 14 juill. 1563 : « Je vous prye d’aviser les moyens de la tirer de Sainct Lo pour la mener à Grandville et en advertir monsieur du Breil qui donnera ordre à me la faire tenir delà » ; ADIV, 71 J 2 : commission d’Étampes à François du Breuil, Lamballe, 23 juill. 1563. BnF, Nouveau d’Hozier, 66, fo 47 : Charles IX à François du Breuil, 23 janv. 1565.

118 Ibid.

119 APPM, J 124, fo 217 : Martigues à Matignon, Lamballe, 27 mai 1565.

120 BnR, Aut. 88, no 47 : mémoire d’Étampes à Navarre, Nantes, 21 juill. 1562.

121 BnF, Fr. 15880, fo 168 : Étampes à Charles IX, Lamballe, 7 juin 1564.

122 ADCA, 1 E 3654 : Étampes à Alain de Kerouan, Lamballe, 14 mars 1557.

123 Philippe Hamon, « Messieurs des finances », Les grands officiers de finance dans la France de la Renaissance, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999, 506 p.

124 Sur les changements du système sous François Ier, voir Philippe Hamon, L’argent du roi…, op. cit., p. 278-279.

125 BnF, PO 152 (Avaugour), no 25 : commission de Montmorency à Kergrois, Nemours, 4 fév. [1548]. Kergrois est nouvellement nommé en raison de l’absence de commissaire ordinaire en Bretagne. Il porte le titre de contrôleur ordinaire et doit passer en revue les compagnies d’Étampes à Dol et de Rohan à Pouancé. Dans la montre de Rohan, il porte également le titre de commissaire extraordinaire, témoignage des contours flous de sa charge (BnF, Clair. 255, fo 1347, Pouancé, 16 fév. 1548).

126 BnF, Fr. 20510, fo 33 : Montmorency à Étampes, Villers-Cotterêts, 10 sept. 1552.

127 AD Maine-et-Loire, E 2414 : René du Cambout à Guy d’Espinay, Châteaubriant, 3 avr. [après 1543].

128 AN, MC, XIX, 179, 9 nov. 1549 ; CAH, t. 5, p. 21.

129 BnF, NAF 8623, fo 13 : montre de la compagnie d’Étampes, Lesneven, 26 juill. 1554.

130 BnF, Carrés d’Hozier, 267, fo 152 : Henri II à Gaillard de Forsans, Villeneuve, 18 avr. 1548.

131 BnF, PO 445/2 (Boujardière), p. 2, 3 : quittances de René de Boujardière, sr de Montausson, 28 janv. 1560, 30 janv. 1565. Il achète des habits pour des archers des ordonnances (AN, MC, IX, 188, 2 oct. 1562).

132 En 1560, il passe en revue les compagnies d’Étampes en Bretagne et de Longueville en pays Chartrain (BnF, Fr. 3243, fo 45). En 1563, son département ne recouvre plus que la Bretagne (BnF, Fr. 3185, fo 74 vo).

133 BnR, Aut. 88, no 19 : Étampes à Guise, Rennes, 5 août 1560.

134 BnF, Fr. 25794, fo 89 : montre de la garnison de Belle-Île par Nevet et Renard, Belle-Île, 30 janv. 1550 (120 aventuriers) ; BnF, PO 2104 (Nevet), no 1 : quitt. de Jacques de Nevet, 9 avr. 1551 (120 aventuriers).

135 Archives du bibliophile, Paris, 1866, p. 2-3 : quitt. de Cambout et Mallet, 19 sept. 1552 ; BnF, PO 576 (Cambout), no 51 : quitt. de Cambout et Mallet, 30 mars 1553 ; BnF, Fr. 25798, fo 406 : montre de la garnison de Belle-Île par Monterfil et Mallet, Belle-Île, 15 nov. 1554 ; ADCA, 1 E 3654 : Mallet à Étampes, Vannes, 31 août 1558. En 1578, Henri III créera un contrôleur général et provincial des guerres de Bretagne (ADLA, B 138).

136 BnF, Fr. 22326, fo 299 : montre de l’arrière-ban de Nantes par Kergrois, Machecoul, 5 août 1544.

137 ADF, 1 E 1015 : commission d’Étampes à Nicolas de Villeneuve, Morlaix, 19 sept. 1558.

138 ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Étampes, Nantes, 7 déc. [1560]. André de Nambu est huissier de la chambre et maître des comptes à Blois (BnF, Dupuy 852, fo10 vo). Il sera ensuite commissaire ordinaire des guerres et cap. de Blois (AD Loir-et-Cher, 1 J 367 ; PO 2088).

139 AMN, EE 197 : montre de la compagnie de Baudouin de Goulaine, Nantes, 17 août 1562.

140 BnF, Fr. 22310, fo 175 : garnison de Nantes, 22 oct. 1563.

141 ADM, 34 J 4, Ms. 144 : Étampes à La Caunelaye, Saint-Méen, 1er avr. 1562.

142 BnF, Fr. 20624, fo 44 : Étampes au roi, Lesneven, 31 août 1558.

143 ADCA, 1 E 3654 : Gyé à Mallet, Lamballe, 30 août 1558 ; Mallet à Étampes, Vannes, 31 août 1558.

144 BnF, Fr. 20646, fo 104 : Étampes au cardinal de Lorraine, Morlaix, 20 sept. 1558.

145 BnF, NAF 1234, fo 105 : réponse de François II à Étampes, mai 1560.

146 BnR, Aut. 88, no 2 : Étampes à Catherine de Médicis, Avranches, 2 sept. 1562. « Le commis du trésorier Brochet, qui est à ma suicte. » Mêmes mots employés dans AMR, AA 12, no 34 : commission d’Étampes pour Mallet, camp de Ducey, 30 août 1562.

147 BnF, Fr. 15881, fo 342 : état des troupes d’Étampes, 1558-1562 ; BnF, Fr. 22310, fo 175 : 20 juin 1563.

148 BnR, Aut. 88, no 9 : Étampes à Charles IX, Nantes, 16 mai 1562.

149 Compagnie toujours sur pied en 1569 (AN, K 98, no 14 : montre de Méjusseaume, Rennes, 5 nov. 1569).

150 BnR, Aut. 88, no 2 : Étampes à Catherine de Médicis, Avranches, 2 sept. 1562.

151 ADCA, 1 E 3654 : Mallet à Étampes, Vannes, 31 août 1558.

152 ADIV, C 2860, acte de Charles IX au parlement de Bretagne, ratifiant les ordonnances d’Étampes, Blois, 18 fév. 1562 [1563] ; mandements d’Étampes à Jean Avril, trésorier des États, Nantes, 18 mai, 28 juin, 15 et 25 juill. 1562 ; quittances de Mallet.

153 AMR, AA 12, no 34 : commission d’Étampes pour Mallet, camp de Ducé, 30 août 1562 ; AMR, CC 204, commission d’Étampes pour Rouxel, camp de Ducé, 30 août 1562 ; ADIV, C 2860, quitt. de Mallet, 1562.

154 ADCA, 1 E 3654 : Sanzay à Étampes, Nantes, 18 avr. 1564.

155 Ils gèrent pour Montmorency sa baronnie de Châteaubriant (Antoine Pacault, La Baronnie de Châteaubriant aux xvie et xviie siècles, Histoire et patrimoine du pays de Châteaubriant, 2015, p. 77 : Thévin à Montmorency, Nantes, 15 fév. 1562 ; le même au même, Nantes, 10 juin 1563).

156 Dominique Le Page, Finances et politique…, op. cit., p. 415. Un parent Claude Le Charron, avocat au parlement de Paris, est un prêteur d’Étampes (AN, MC, XXXIII, 42, fo 338 vo, 11 déc. 1546, 200 écus d’or soleil.

157 Philippe Hamon, L’argent du roi…, op. cit, p. 356-358 et « Messieurs des finances », art. cité, p. 352 et 361.

158 Morice, col. 1183-1184 : Étampes à Bouillé, Nantes, 18 avr. 1557.

159 Morice, col. 1261 : Pietro Fredance à Étampes, Saint-Malo, 29 nov. 1560.

160 ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Florimond Le Charron, Saint-Malo, 21 mars.

161 AMR, CC 273 : quitt. de Florimond Le Charron, 18 juin 1543 (fouages de la sénéchaussée de Rennes) ; EE 168, 12 avr. 1556 (paiement de 2 500 hommes de guerre stationnés en Bretagne).

162 Arch. russes d’État des actes anciens, Moscou, coll. Lamoignon, t. 4, fo 148 : Montmorency à Étampes, [Villers-Cotterêts], 23 avr. 1557.

163 AMN, AA 43, fo 1 : Bouillé aux bourgeois de Nantes, Ponsal [Plougoumelen], 11 fév. 1565.

164 AMR, AA 12, no 11, 1er juill. 1544.

165 BnF, Clair. 232, fo 2039 : 2 mars 1561.

166 ADLA, B 583, Fo 38 vo : Étampes à la chambre des comptes de Bretagne, Bois-de-Vincennes, 3 juin 1563. Don sur le domaine congéable, dont Le Charron avait en effet été commissaire en 1557 (BnF, PO 576).

167 ADLA, B 583, fo 101 vo : « luy a faict reffuz de le paier ».

168 Philippe Hamon, « Messieurs des finances », art. cité, p. 46.

169 BnF, Clair. 645, fo 140 : quitt. d’Étampes, 15 juill. 1546 ; ADLA, B 578, fo 81 vo : 21 oct. 1553.

170 ADLA, B 706, fo 185.

171 BnR, Aut. 88, no 34 : mémoire d’Étampes, fin juill.-août 1560.

172 BnF, Fr. 15871, fo 183 : Nicolas de Troyes et Gilles de Commacre à Guise, Brest, 3 mai 1560 ; BnF, Fr. 15871, fo 169 vo : achats de vivres par Nicolas de Troyes et Gilles de Commacre, Vannes, 10 juill. 1560.

173 BnF, NAF 21095, fo 101 : commission de Chabot, gouv. de La Rochelle, à René Touzelin, 17 sept. 1560.

174 ADCA, 1 E 3654 : Nicolas de Troyes à Étampes, Nantes, 9 août 1562.

175 ADIV, C 3210 : commission d’Étampes à Nicolas de Troyes, Dol, 25 août 1562 ; commission de Charles IX à Étampes, Viaron, 18 août 1562.

176 ADIV, C 3210 : quitt. de Louis Mallet, 1562.

177 Philippe Hamon, « Une monarchie de la Renaissance ? 1515-1559 », in Joël Cornette (dir.), La monarchie. Entre Renaissance et Révolution, 1515-1792, Paris, Seuil, 2000, p. 41.

178 ADIV, 1 Bv, fo 242 : commission de François Ier pour Étampes, Chambord, 10 mars [1545] ; AMR, AA 6, no 56 : commission d’Henri II, Vauluisant, 2 mai 1548 ; ADIV, 1 Ba, fo 164 : commission d’Henri II pour Étampes, Villers-Cotterêts, 31 oct. 1553 ; AMR, AA 6, no 62 : id., Chantilly, 13 nov. 1553.

179 Philippe Hamon, L’argent du roi…, op. cit., p. 98.

180 Dans la missive qui accompagne sa commission, le roi précise bien l’ordre de la procédure : « Le recepveur général de mes finances estably en la ville de Nantes ne peult faire recepte certaine ne user de contrainte pour ladite contribution sans avoir le département que vous en ferez » (Morice, col. 1100 : Henri II à Étampes, Chantilly, 13 nov. 1553). Procédure identique en 1548 (AMR, CC 273 : quitt. de Florimon Le Charron, 18 juin 1548) et en 1558 (ADCA, 1 E 3654 : département par Étampes, Rennes, 3 janv. 1558). En 1554, Étampes demande ainsi aux Malouins d’envoyer un député à Rennes pour établir l’assiette des 60 000 lt. de la solde des gens de guerre (ADIV, 4 B 14/16 : Étampes aux officiers de Saint-Malo, Cerizay, 29 déc. 1554).

181 ADIV, 1 Bv, fo 243vo : commission d’Étampes à Espinay, Rosmadec et La Haye-Porcon, Romorantin, 21 avr. 1545. Sept jours plus tard, le roi commissionne Charles de Chanteclerc, conseiller au parlement de Paris, pour faire la levée de l’emprunt et des décimes et dons gratuits prélevés sur l’Église en Bretagne (CAF, t. 6, p. 786-787 ; Romorantin, 30 avr. 1545).

182 AMR, AA 6, no 56 : commission d’Étampes à Bertrand d’Argentré, sénéchal de Rennes, Nantes, 2 janv. 1554. Il précise que les terres de Jugon, Lamballe et Moncontour, de son comté de Penthièvre, sont comprises dans le ressort de Rennes. Voir aussi AMR, CC 203 : mandement d’Étampes, Les Essarts, 2 mars 1553.

183 AMR, BB 466, fo 48 : Boisorcant à Michel Champion, sr de Chartres, procureur des bourgeois de Rennes, Boisorcant, [30 nov.] (jour de la Saint-André), [1554].

184 ADLA, C 413 : requête d’Arthus Le Fourbeur à Étampes, Morlaix, 27 sept. 1557.

185 BnF, Fr. 20510, fo 3 : François Ier à Étampes, Marolles, 18 juill. 1543.

186 BnR, Aut. 88, no 2 : Étampes à Catherine de Médicis, Avranches, 2 sept. 1562.

187 BnR, Aut. 88, no 44 : Étampes à Navarre, Nantes, 26 juill. 1562 ; La Ferrière, t. 1, p. 369 : Catherine de Médicis à Étampes, Bois-de-Vincennes, 4 août 1562. Voir BnF, Colbert 491, fo 89 : règlement pour la conduite des deniers de la recette générale de Bretagne établie à Nantes.

188 BnR, Aut. 88, no 33 : Étampes à Catherine de Médicis, Nantes, 29 juill. 1562.

189 BnR, Aut. 88, no 5 : Étampes à Catherine de Médicis, Nantes, 17-19 juin 1562.

190 La Ferrière, t. 1, p. 345 : Catherine de Médicis à Étampes, Tallesy, [1er] juill. 1562.

191 BnF, Fr. 15876, fo 293 : Étampes à Navarre, Nantes, 19 juill. 1562.

192 BnR, Aut. 88, no 48 : Étampes à Navarre, Nantes, 21 juill. 1562.

193 BnR, Aut. 88, no 47 : mémoire d’Étampes à Navarre, Nantes, 21 juill. 1562.

194 BnR, Aut. 88, no 33 : Étampes à Catherine de Médicis, Nantes, 29 juill. 1562. En 1627, le gouverneur Thémines se défendra également de confondre dépenses pour le service du roi et enrichissement féodal personnel : « Je ne fais icy nulle despense que pour l’honneur de la charge. […] Je vous assure, Monseigneur [Richelieu], qu’avec tout le bien qu’il plaira me faire, je ne crois pas que je doive ni puisse ici bastir une grande baronnie » (Pierre Grillon (éd.), Les papiers de Richelieu…, t. 2, op. cit., p. 94 : Thémines à Richelieu, Redon, 23 fév. 1627).

195 BnR, Aut. 88, no 3 : Étampes à Catherine de Médicis, Rennes, 7 août 1562.

196 BnR, Aut. 88, no 10 : Étampes à Catherine de Médicis, Nantes, 1er mai 1562.

197 BnR, Aut. 88, no 46 : Étampes à Navarre, Nantes, 29 juill. 1562.

198 BnR, Aut. 88, no 41 : Étampes à Guise, Lamballe, 15 sept. 1560 ; CAH, t. 6, p. 197, Offémont, 31 juill. 1552.

199 ADIV, C 3735 : Jean d’Arz, sr de Rulliac, à Étampes, avr. 1562.

200 BnF, Fr. 22310, fo 182-184 : montre de cent arquebusiers à pied en garnison à Nantes, 1563.

201 BnF, Fr. 15881, fo 189 : Étampes à Catherine de Médicis, Saint-Malo, 14 juill. 1563. Même solution de s’approvisionner sur les deniers des réparations des places fortes choisie en 1564 (BnR, Aut. 88, no 37 : Étampes à Catherine de Médicis, Nantes, 6 oct. 1564 : « Ce que je vous supplie très humblement ne trouver mauvais car sans grande nécessité je ne l’eusse pas faict »).

202 Morice, col. 1335 : Georges Morin à Étampes, Sainte-Adresse près Le Havre, 30 juill. 1563.

203 ADIV, 4 B 14/20, 4e vol. : Étampes aux officiers de Saint-Malo, Guingamp, 15 août 1563.

204 BnF, Fr. 3216, fo 25 : Ferey à Gonnord, camp de Messas, 9 janv. 1563.

205 BnF, Fr. 3219, fo 78 : Raoul Moreau, trésorier de l’épargne, à Gonnord, Bonneval, 9 août 1562.

206 BnF, Fr. 3216, fo 84 : Raoul Moreau, trésorier de l’épargne, à Gonnord, Rouen, 6 nov. 1562.

207 ADLA, B 55, fo 51 : validation des deniers d’Étampes, 1563.

208 ADLA, B 582, fo 72 : lettres patentes de Charles IX à Étampes, 28 janv. 1564.

209 BnF, Fr. 15880, fo 168 : Étampes à Charles IX, Lamballe, 7 juin 1564.

210 APPM, J 121, fo 334 : François du Breuil à Matignon, Granville, 20 juill. 1562.

211 BnF, Fr. 3190, fo 125 : Louis de Rabodanges à Matignon, château d’Alençon, 22 sept. 1562.

212 BnF, Fr. 3219, fo 101 : Aumale à Gonnord, Louviers, 20 sept. 1562.

213 APPM, J 122, fo 272 : Étampes à Matignon, Rouen, 5 nov. 1562.

214 BnF, Fr. 15876, fo 293 : Étampes à Navarre, Nantes, 19 juill. 1562.

215 Philippe Hamon, « L’Italie finance-t-elle les guerres d’Italie ? », in Jean Balsamo (dir.), Passer les monts. Français en Italie – l’Italie en France (1494-1525), Paris, Honoré Champion, 1998, p. 25-37.

216 BnR, Aut. 88, no 39 : Étampes à Guise, Dinan, 29 mai 1560.

217 Philippe Hamon, L’argent du roi…, op. cit., p. 86-96.

218 Claude Michaud, L’Église et l’argent sous l’Ancien Régime : les receveurs généraux du clergé de France aux xvie-xviie siècles, Paris, Fayard, 1991, 804 p.

219 BnR, Aut. 88, no 5 : Étampes à Catherine de Médicis, Nantes, 17-19 juin 1562.

220 ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Étampes, Rennes, 15 avr. [1560].

221 BnF, Fr. 15880, fo 290 : Bouillé à Charles IX, Nantes, 23 oct. 1564.

222 BnF, Fr. 15881, fo 323 : mémoire d’Étampes, 1560.

223 BnF, NAF 21603, fo 75 : Navarre à Catherine de Médicis, camp de Blois, 22 juill. 1562.

224 BnR, Aut. 88, no 33 : Étampes à Catherine de Médicis, Nantes, 29 juill. 1562. Même discours à Navarre : « En adresser la commission […] aux evesques et gens de justice qui seront plus propres à la executer que moy » (no 46).

225 BnF, Fr. 15876, fo 365 : mémoire d’Étampes, 1562.

226 BnR, Aut. 88, no 3 : Étampes à Catherine de Médicis, Rennes, 7 août 1562.

227 BnF, Fr. 22310, fo 349 : mémoire d’Étampes sur les argenteries des églises, août 1562.

228 Morice, col. 1322 : réponse des moines de Redon à Pinieuc, Redon, 17 sept. puis 8 oct. 1562.

229 La Ferrière, t. 1, p. 377-378 : Catherine à Étampes, Blois, août 1562.

230 BnR, Aut. 88, no 2 : Étampes à Catherine de Médicis, Avranches, 2 sept. 1562.

231 Que Mercœur batte des monnaies de la Ligue à Nantes et à Dinan dès 1589 illustre bien un certain message politique d’une prise locale de pouvoir.

232 Morice, col. 1319 : Jacques Cadier, chanoine et grand vicaire de Rennes, à Étampes, Rennes, 3 sept. 1562.

233 Morice, col. 1321 : ordonnance d’Étampes, Rennes, 30 sept. 1562.

234 Philippe Hamon, L’argent du roi…, op. cit., p. 189-190.

235 ADIV, 1 Ba 4, fo 173 : ordonnance de Charles IX, château de Bois-de-Vincennes, 10 déc. 1562. En 1567, Martigues demande encore des décimes et une taxe de 20 sous sur chaque prêtre pour financer les troupes (ADM, 84 G 2 : Martigues à Jean Le Feuvre, évêque de Vannes, Rennes, 18 oct. 1567).

236 BnR, Aut. 88, no 47 : mémoire d’Étampes, Nantes, 21 juill. 1562.

237 BnF, Fr. 20624, fo 44 : Étampes à Henri II, Lesneven, 31 août 1558.

238 ADCA, 1 E 3654 : Jean Baril à Étampes, Nantes, 18 oct. 1558. Baril, procureur en la cour de Nantes, est procureur d’Étampes pour un achat de seigneuries (ADCA, 1 E 373 : acte d’Étampes, Lamballe, 18 oct. 1561). Il a épousé la sœur de Pierre Cornulier, secrétaire du duc. Il est échevin de Nantes en 1568-1569.

239 BnF, Fr. 15881, fo 323 : mémoire d’Étampes, 1560 : « le roy ne peult toucher aux deniers communs ès ville ».

240 AMN, EE 197, fo 3 : commission d’Étampes pour Goulaine, de lever 100 cavaliers, Nantes, 25 juill. 1562 ; fo 9 : commission d’Étampes au sr de Thouairé et Guillaume Gaudin, sr de La Chauvinière, pour passer en revue la compagnie de La Tour, Rennes, 7 août 1562 ; fo 4 : état de la compagnie de 200 arquebusiers à pied de La Tour, Nantes, 25 juill. 1562 ; fo 5 : état de la compagnie de Goulaine, Nantes, 29 juill. 1562.

241 ADCA, 1 E 3654 : Guillaume Tempéran, sr de La Tour, à Étampes, Nantes, 7 août 1562.

242 AMN, AA 23/21 : acte de Charles IX, Vincennes, 7 déc. 1562 (levée de 15 300 lt. sur les Nantais).

243 BnF, Fr. 15881, fo 323 : mémoire d’Étampes, 1560.

244 Morice, col. 1236 : Bouillé à Étampes, Rennes, 16 avr. [1560].

245 Morice, col. 1233 : Bouillé à Étampes, Rennes, 11 avr. [1560].

246 ADCA, 1 E 3654 : Bouillé à Étampes, Saint-Malo, 24 août [1558].

247 ADCA, 1 E 3654 : Sourdeval à Étampes, Le Croisic, 8 oct. 1563.

248 BnF, Fr. 15871, fo 161 : Sourdeval à Guise, Belle-Île, 22 juill. [1560].

249 BnR, Aut. 88, no 10 : Étampes à Catherine de Médicis, Nantes, 1er mai 1562. Hannibal Cambi, Génois installé à Fourvières, à Lyon, contribue à financer la garnison lyonnaise en 1571 (AM Lyon, CC 150).

250 BnR, Aut. 88, no 3 : Étampes à Catherine de Médicis, Rennes, 7 août 1562.

251 ADLA, B 582, fo 63, 10 janv. 1564 ; ADIV, C 3225 (13 812 lt. remboursées en 1565).

252 Parfois, la somme provient encore de la recette générale. Un exemple en 1552 (CAH, t. 6, p. 334, no 12298).

253 BnF, Fr. 20510, fo 16 : le dauphin Henri à Étampes, Saint-Arnoult, 17 mars 1546.

254 BnF, Fr. 20510, fo 33 : Montmorency à Étampes, Villers-Cotterêts, 10 sept. 1552.

255 BnF, Fr. 20510, fo 33 : Montmorency à Étampes, Villers-Cotterêts, 10 sept. 1552.

256 ADCA, 1 E 3654 : Amaury Gouyon de La Moussaye à Étampes, La Rivière [Sévignac], 11 mai 1557.

257 ADIV, 1F 1978, 6e liasse : Marc de Barberé à Jacques de Robien, Blois, 10 janv. 1560.

258 BnF, Fr. 18156, fo 3 vo : Conseil privé, [Paris], 10 janv. 1563.

259 ADCA, 1 E 3654 : Joachim de Sévigné à Étampes, Paris, 18 sept. 1558.

260 ADIV, C 2861 : état des pensionnaires par Bouillé, Rennes, 30 oct. 1562 (Étampes est absent).

261 ADIV, C 2861 : état des pensionnaires par Étampes, Rennes, 25 juin 1563.

262 ADCA, 1 E 553 : Étampes à son receveur de Lamballe, Lamballe, 7 sept. 1553 ; ADIV, C 2862 : quitt. (100 lt.) avec lettre attachée à Jacques Thévin, Lamballe, 8 avr. 1564.

263 BnF, Fr. 20458, fo 95 : Étampes et Gyé au cardinal de Lorraine, Lamballe, 21 août 1558.

264 Philippe Hamon, L’argent du roi…, op. cit., p. 485. En 1536-1537, le gouverneur Jean de Laval-Châteaubriant demandait au chancelier du Bourg les 10 000 lt. des pensionnaires de Bretagne « avant le terme de l’assignation desdits estatz pour contenter […] les principaulx, car ceste petite somme sera cause que le Roy en aura libérallement une bien grosse » (AN, J 966, no 28). Gilles de Commacre disait de même : « Le consentement d’eulx [les pensionnaires] baillé, le surplus suyvra leur oppinion, et fiz ainsi quand lesdits estatz donnèrent trante soulz par feu » (AN, J 967, no 62). En 1568, Martigues dit encore au roi qu’il faudrait « commander l’assignation de voz pentionaires, desquelz vous pouvez trop plus tirer de service sans comparaison que la despence n’en scauroit monter », et qu’il ne faut plus « oblier à les en faire payer comme l’on a tousjours accoustumé » (BnR, Aut. 98/3, no 52 : Martigues à Charles IX, Nantes, 29 juill. 1568). En 1578, Montpensier demande encore au roi de payer à temps les pensionnaires « affin de les contenter et couper chemin à touttes les courvées qu’ilz font » (BnF, Fr. 3952, fo 17 vo : Montpensier à Henri III, Rennes, 12 mars 1578).

265 BnF, Fr. 20646, fo 101 : Étampes à Henri II, Morlaix, 20 sept. 1558. Latay avait déjà bien servi le gouverneur, en particulier pour encadrer les troupes envoyées en Écosse depuis la Bretagne. En 1551, il reçoit le « reste » des deniers levés en Bretagne pour les étapes des troupes d’Écosse (BnF, Fr. 5128, p. 119-121).

266 BnF, Fr. 20646, fo 101 : Étampes à Henri II, Morlaix, 20 sept. 1558.

267 BnF, Fr. 20646, fo 104 : Étampes au cardinal de Lorraine, Morlaix, 20 sept. 1558.

268 BnF, Fr. 20510, fo 84 : le cardinal de Lorraine à Étampes, Amiens, 6 sept. 1558.

269 BnF, Fr. 3151, fo 45 : Étampes à Henri II, Lesneven, 13 sept. 1558.

270 BnR, Aut. 88, no 19 : Étampes à Guise, Rennes, 5 août 1560 ; no 43 : Étampes à François II, Lamballe, 15 sept. 1560 ; no 41 : Étampes à Guise, Lamballe, 15 sept. 1560.

271 Morice, col. 1115, 1184 et 1225 ; BnF, Fr. 22310, fo 113 ; ADF, 1 E 1015.

272 Morice, col. 1322 : requête des moines de Redon à Pinieuc, Redon, 8 oct. 1562.

273 AMN, EE 244, no 4 : commission d’Henri II, Paris, 3 mai 1556 ; ADIV, 1 Ba, fo 203 : commission d’Étampes pour François de Monterfil, Lamballe, 24 janv. [1557] ; AMN, BB 4, fo 50 : assemblée du 2 fév. [1557].

274 ADIV, 4 B 14/19, 2e vol. : acte des États de Bretagne, Vannes, 17 sept. 1554. Les sieurs de Saint-Amadour et La Marzelière à Rennes, Pordo et Vieillevigne à Nantes, Brignac, Pinieuc et Rochay à Vannes, Tivarlen et Nevet en Cornouaille, Lezonnet et La Provostière à Saint-Malo, Cambout et Souleville à Saint-Brieuc, Guémadeuc et Beaufort à Dol, Boiséon et La Roche-Jagu à Tréguier, Coetnisan et Kersimon en Léon.

275 ADIV, 4 B 14/20, 2e vol. : Étampes aux officiers de Saint-Malo, Nantes, 26 fév. 1561.

276 ADIV, 4 B 14/226, 2e vol. : Étampes aux officiers de Rennes, Nantes, 26 sept. 1564.

277 ADIV, 1 F 1978 : Jean Avril, sr de Lormaye, à Jacques de Robien, Rennes, 1er nov. [1560-1562]. Dans sa lettre datée de Rennes du 28 sept. 1562, Avril réaffirme à Robien : « Et quant est pour votre pansion, on ne scayt encores sy les pansionnaires seront payez ou non, pour le moyns. Le trésorier n’an a encores son acquect. Mays d’une chose vous puis-je bien asseurer, monsieur, c’est que personne ne sera payé sy vous ne l’estes. Jé retenu votre quictance, la quelle je vous renderoy ou l’argent contenu en icelle et à l’yssue des estatz vous feroy certain de tout (Ibid.). »

278 BnF, Colbert 27, fo 122 : Étampes à François II, Nantes, 28 oct. 1560.

279 ADM, 93 J 56, no 4 : Guillaume de Montigny à René de Francheville, procureur du roi en Rhuys, Rouen, 1er déc. [1562]. Il est, certes, gentilhomme du duc d’Aumale, l’autre libérateur de la Normandie. Il écrit : « Je suys deboult, sain et dispotz, de la plus grande blesseure que homme receut oncques sans mort. »

280 ADIV, C 2861 : état des pensionnaires de Bretagne par Étampes, Rennes, 25 juin 1561.

281 Nicola M. Sutherland, The French Secretaries of State in the Age of Catherine de Medicis, Londres, Athlone Press, 1962, p. 121.

282 Une seule lettre d’Étampes à Fresnes a été retrouvée (ADIV, C 3208) mais il ne fait nul doute que les deux hommes s’écrivaient régulièrement. C’est ce que laisse suggérer une lettre de Morin qui rapporte à Étampes : « Monsieur de Fresnes […] vous supplie l’excuser s’il ne vous escript par la dépesche qu’il vous a faite à ceste heure » (Morice, col. 1335). Martigues fait de même et lui demande de l’« ayder a obtenir les provisions et depesches » car, dit-il : « Il me deplaist bien fort d’en importuner si souvent leurs majestez » (BnR, Aut. 98/3 : Martigues à Fresnes, Les Essarts, 1er nov. 1566).

283 James Collins, La Bretagne dans l’État royal. Classes sociales, États provinciaux et ordre public de l’Édit d’Union à la révolte des Bonnets rouges, Rennes, PUR, 2006, p. 219.

284 Morice, col. 1335 : Morin à Étampes, Sainte-Adresse près Le Havre, 30 juill. 1563.

285 Robert Harding insiste sur ce rôle du secrétaire d’État (Robert Harding, Anatomy of a power elite…, op. cit., p. 32-36).

286 ADCA, 1 E 3655 : mémoire d’Étampes à Cornulier, 28 mars 1557.

287 BnF, Fr. 15546, fo 170 : Bouillé à Catherine de Médicis, Rennes, 7 janv. 1568.

288 BnF, Clair. 365, fo 19 : testament d’Étampes, chambre du duc, château de Lamballe, 25 janv. 1565.

289 Joël Cornette, « La révolution militaire et l’État moderne », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 41, no 4, 1994, p. 696-709 (p. 697). Combinaison de l’armée permanente et de l’impôt qu’analyse John Brewer à travers sa notion d’« État militaro-fiscal » pour la Grande-Bretagne du xviiie siècle (John Brewer, The Sinews of Power. War, Money and the English State, 1688-1783, Londres, Unwin Hyman, rééd. Routledge, 1994 [1989], 289 p.).


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