Introduction

p. 15-26


Texte intégral

1« Jehan de Bretaigne, duc d’Estampes, comte de Penthièvre, chevalier de l’ordre, gouverneur et lieutenant général pour le Roy en Bretaigne, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, Salut. » Cette suscription, adresse et salut, éléments connus de diplomatique, sont propres à des actes très normés que l’on peut souvent croiser dans les archives bretonnes du xvie siècle. Il s’agit d’ordonnances provinciales rédigées par le service de plume du gouverneur de Bretagne et signées par lui. Ainsi, de tels documents questionnent le pouvoir territorialisé exercé par un individu au service de la monarchie française à la Renaissance, d’autant plus que les gouverneurs de province du temps des derniers Valois restent, malgré une ancienne historiographie, d’énigmatiques figures1.

Préambule historiographique : une institution « mal connue » et « mal jugée »

2Les historiens de la IIIe République, au premier rang desquels figure Ernest Lavisse, très hostiles aux gouverneurs, ont vu en eux des commissaires militaires très fortunés, naturellement enclins à la révolte car au service de leurs propres ambitions plutôt qu’à celui d’un État centralisateur incarné par l’absolutisme de Richelieu, puis de Louis XIV, qui auraient voulu les supprimer et les remplacer par les intendants2. C’était là penser l’évolution de l’État par le prisme de la centralisation, une figure d’administrateurs territoriaux devant nécessairement en remplacer une autre et, peu à peu, améliorer les rouages étatiques. Ainsi, dans cette forme d’histoire-progrès hégélienne liée à la recherche de la construction de l’État dit moderne, se succèderaient, pour l’espace français, les principautés des xive et xve siècles, les gouverneurs du xvie siècle, puis les intendants des xviie et xviiie siècles, les représentants en mission de la Révolution française et enfin les préfets d’Empire et du xixe siècle. L’âge d’or des gouverneurs se situerait donc entre celui des Princes et celui des intendants, peu ou prou entre la fin du Moyen Âge et le règne de Louis XIV. Dans les années 1930, des travaux se penchent plus sérieusement sur eux mais se concentrent encore sur leurs révoltes, par exemple pendant la Ligue, moment où leur pouvoir semble être à son zénith3. En 1939, Gaston Zeller affirmait ainsi que « l’institution a eu plusieurs périodes de splendeur, d’abord pendant la guerre de Cent Ans, puis au temps des guerres de Religion. C’est la faiblesse du pouvoir central qui, à deux reprises, a fait la puissance des gouverneurs : lorsque l’autorité royale s’est ressaisie, ils ont perdu la possibilité de jouer aux souverains4 ». « Jouer aux souverains » : voici l’autre fréquent poncif employé à propos des gouverneurs, comme si la délégation des pouvoirs du Prince n’était, en somme, qu’une accaparation de ceux-ci à son détriment, quasiment une perte de souveraineté liée à la faiblesse de l’État royal5.

3Après-guerre, Georges Livet remet pourtant en question la problématique dualité gouverneurs/intendants et fait, à partir de l’exemple alsacien du xviie siècle, ressortir davantage de collaborations que d’oppositions entre ces deux types d’agents royaux6. Outre-Manche, des travaux se penchent sur la question mais il faut attendre 1978 et la tentative de synthèse de l’historien américain Robert Harding pour voir l’institution réévaluée7. Son grand mérite est de se pencher sur une longue première modernité (fin du xve siècle-milieu du xviie siècle), moment d’apogée des gouverneurs, et de saisir la pluralité des situations, l’origine historique de l’institution aussi bien que les aspects du groupe social constitué par ses titulaires : âge moyen de recrutement, origine sociale des recrutés, sommes perçues, alliance matrimoniales, fortunes privées, cumul des provinces, attitude vis-à-vis du pouvoir royal, etc. Cette tentative de synthèse est plus qu’utile pour qui désire comparer un cas particulier aux constantes qu’il révèle. Cependant, il est regrettable que les provinces, ces vastes territoires qui sont le fondement même de la délégation de pouvoir, restent encore seulement appréhendées comme bases d’action des grands gouverneurs turbulents et rebelles. Laissées de côté, c’est avec elles tout un pan d’histoire politique qui s’en trouve délaissé, soit toute la complexité des relations sociales qui existent entre gouvernants et gouvernés, entre administrateurs et administrés, entre dominants et dominés, etc.

4L’historien qui semble avoir le mieux compris le temps des gouverneurs reste Michel Antoine. En 1981, dans son compte rendu du livre de R. Harding, il félicite son homologue américain de s’être penché sur « un sujet aussi important que plein d’obscurités : les gouverneurs de provinces. Les études sérieuses sur ces personnages sont très rares et la documentation qui les concerne est fragmentaire et surtout très dispersée. Il faut donc louer la pertinence et le courage avec lesquels M. Harding les a étudiés pour la période 1515-1650, qui est probablement celle où leurs fonctions ont connu le plus de puissance et d’éclat ». Mais M. Antoine regrette également que R. Harding ne se soit pas plus attaqué aux lettres de provision des gouverneurs, laissant toujours le doute planer sur la nature même de leurs pouvoirs, et affirme qu’il faudrait procéder à « des recherches systématiques sur les gouverneurs, surtout aux xvie et xviie siècles, recherches indispensables pour une meilleure connaissance des relations entre le Roi et ses sujets, entre pouvoir central et pouvoirs locaux sous l’Ancien Régime8 ». Surtout, le livre de R. Harding intéresse l’historien car « par là s’éclairerait mieux le rôle des intendants, que l’on croit souvent connaître, mais qui, comme l’a bien senti M. Harding, ne se peut vraiment comprendre sans référence constance à celui des gouverneurs ». L’année suivante, c’est conforté par cette idée qu’il démontre, archives à l’appui, que les intendants sont majoritairement issus des conseils de gouvernement des gouverneurs9. En 1986, ses lectures l’amènent ainsi à écrire un article de référence dans lequel il appelle de ses vœux une étude systématique des gouverneurs de province avant 1570, en vue d’une meilleure compréhension de l’histoire de l’État au début de l’époque moderne10. Car bien des gouverneurs, à défaut d’être des ligueurs ou des frondeurs en herbe, ont été plus qu’utiles à la monarchie, tant en temps de guerre qu’en période de paix. Et beaucoup ont eu pour unique fonction le gouvernement d’une seule province : ils sont donc plus à même de renseigner sur la nature de leurs pouvoirs que leurs homologues qui cumulent les charges et sont davantage enclins à l’absentéisme.

5C’est dans les années 1980 que ce nouveau regard porté sur l’institution trouve d’heureux échos. Alors que M. Antoine souhaitait saisir l’origine institutionnelle des intendants, le médiéviste Bernard Chevalier remonte le temps pour essayer de mieux définir celle des gouverneurs. Dans un article paru en 1980, il fait ainsi l’utile constat d’une institution « mal connue » et « mal jugée11 ». Plus récemment, les travaux de David Potter sur la Picardie et ses gouverneurs sont désormais des modèles d’analyse sur le fonctionnement de cette institution, remontant avant 1570 et se détachant des aimants de la Ligue et de la Fronde12.

6Peu à peu, de bienvenus éclairages émergent sur des figures particulières de gouverneurs ou lieutenants généraux, même si les grandes personnalités de gouverneurs rebelles fascinent encore et toujours. Ainsi, de l’abondante historiographie consacrée à Henri de Montmorency-Damville, qui peut en partie s’expliquer par le destin hors-normes de ce gouverneur du Languedoc, qui louvoya entre parti huguenot, politiques et Philippe II d’Espagne, non sans un désir de s’approprier certains pouvoirs régaliens en province13. La Bretagne n’échappe pas à ce constat : l’historiographie s’est essentiellement focalisée sur la figure désormais bien connue du duc de Mercœur, gouverneur du temps de la Ligue (1582-1598). Cependant, au-delà de son seul rôle politique pendant ces temps troublés, son action en tant que gouverneur a récemment été quelque peu éclairée14. Pour la période antérieure, les travaux restent bien rares15, à l’inverse – et c’est un paradoxe – des études sur les gouverneurs des Lumières, désormais mieux connus16. Dès lors, et dans le prolongement de ce préambule historiographique, il s’agit de proposer au lecteur d’interroger l’institution à nouveaux frais.

Réflexions sur une institution de gouvernement délégué et territorialisé

7Au xvie siècle, et depuis les intégrations successives au royaume de France de plusieurs grandes principautés à la fin du xve siècle, les gouverneurs de province gouvernent pour le roi ces vastes espaces tombés sous sa souveraineté. Il s’agit d’une institution ancienne qui date du xiiie siècle et qui s’est généralisée lors de la guerre de Cent Ans, moment où il a fallu nommer des représentants du pouvoir royal afin d’administrer des territoires et représenter le roi là où il ne pouvait être présent en personne17. Le titre exact est – dans l’exemple précis du duc d’Étampes – celui de « gouverneur et notre lieutenant général en nos pays et duché de Bretagne » et il faut comprendre la dénomination de lieutenant au sens propre de tenant lieu, selon la locution latine, un locum tenens. Ainsi, le gouverneur de province est celui qui tient lieu de roi quelque part et qui le rend présent. Il est, au sens large, un représentant du roi en province, un alter ego du Prince, et, par un phénomène de délégation, concentre et représente en sa personne bien des pouvoirs régaliens. Ainsi détient-il une part de ce que l’on appelle l’auctoritas regia, l’autorité déléguée du Prince. Il est par ailleurs fréquent que le souverain insiste sur cet aspect de la délégation et de la représentation lorsqu’il enjoint ses sujets à obéir à leur gouverneur « comme si c’estoit notre propre personne ». Ce type de formule, que l’on rencontre dès la lettre de provision qui définit les pouvoirs d’un gouverneur, est largement associé à la doctrine de l’alter nos, l’« autre nous » du Prince, qui insiste sur la fiction étatique du dédoublement de la personne royale. Doctrine renforcée par de solides liens personnels entre le Prince et son serviteur, tels les liens de sang et de lignage, sans cesse rappelés, car un oncle, un frère, ou un cousin, même très éloigné – tel le duc d’Étampes, toujours appelé « Mon cousin » par le roi –, partagent le sang du Prince. La place conséquente des Princes du sang dans le gouvernement des plus importantes provinces du royaume est en cela éclairant : le sang partagé concrétise aux yeux de tous le dédoublement corporel du monarque. De tels liens domestiques sont d’ailleurs parfois renforcés par un parrainage qui fait porter le même prénom au roi et à son représentant18. Ce mimétisme politique, domestique mais aussi et surtout symbolique, cette identification au pouvoir que l’on incarne, a pu faire se rapprocher certains contemporains d’une conception organiciste du pouvoir qui passe par le sang mais aussi par les parties du corps humain : yeux, oreilles, épaules, cœur, front, bras – souvent armés – du souverain sont autant de qualificatifs mobilisés pour désigner et identifier les lieutenants du Prince19. En 1611, les habitants de Condom déclarent ainsi au prince de Condé, gouverneur de Guyenne : « Vous portez, en somme, Monseigneur, sur vos épaules augustes, l’honneur de la France, l’autorité du roi sur le front, en votre cœur son obéissance, et entre vos bras sa personne, laquelle vous promenez par la France20. » Certains contemporains ont même pu présenter les gouverneurs « comme les “vraies images et pourtraicts” du roi, de la même façon que le souverain est sur terre “la vraie image de Dieu”21 ». Quant au poète et mémorialiste huguenot Agrippa d’Aubigné, il pouvait affirmer qu’« un gouverneur estoit un morceau de roi22 ». Morceaux de roi qui bénéficient par ailleurs d’emprunts aux cérémonies royales (dais présentés lors de leurs entrées solennelles en ville, catafalques et parfois effigies lors de leurs funérailles), les gouverneurs représentent en somme la majesté royale en province, une forme de « majesté subalterne23 », un « air de royauté », dit Madame de Sévigné en 168024. Dès lors, c’est toute la critique du jeu de ce mimétisme royal qui peut se déployer dans les esprits des contemporains, notamment lors des périodes de troubles politiques.

8Entre délégation et représentation politique, il s’agit donc de mesurer précisément l’étendue des pouvoirs d’un gouverneur, et pas uniquement son pouvoir dans le domaine militaire, comme le laissait entendre Ernest Lavisse. En effet, « dès l’origine, toutes sortes d’activités leur étaient confiées, fonctions administratives, diplomatiques ou judiciaires, en plus de leur rôle militaire25 ». Le mot général, accolé à celui de lieutenant insiste par ailleurs sur l’étendue d’un tel pouvoir de représentation, qui se doit d’être général et non pas circonscrit à des domaines précis, c’est-à-dire un pouvoir exercé aussi bien dans le domaine militaire (la conduite des armées), les finances, la justice (établir des enquêtes, recevoir des requêtes) que dans la « police », terme renvoyant alors à un maintien de l’ordre élargi.

9Par ailleurs, le mot de lieutenant devint si populaire qu’il émergea peu à peu dans les représentations politiques, culturelles et religieuses du temps. En la matière, la figure privilégiée à laquelle sont renvoyés les lieutenants généraux des Princes est celle de l’archange Saint-Michel, souvent assimilé à un « lieutenant général de Dieu », un « Vice-Dieu » ou encore un « ambassadeur de Dieu26 ». C’est dans cette mesure que l’on peut songer à un certain message politique et/ou symbolique adressé à ses lieutenants lorsque Louis XI crée en 1469 son ordre de chevalerie dédié à Saint-Michel, saint patron du royaume de France mais aussi célèbre et efficace modèle liturgique de représentation et de délégation politique. En France, le thème de la représentation politique qui s’étend jusqu’aux sphères des mentalités religieuses favorise l’émergence de l’image d’un roi lui-même « lieutenant de Dieu sur terre », faisant par extension, d’un lieutenant du roi un sous-lieutenant de Dieu, ce qui n’est pas rien. Inversement, l’on n’hésite pas à dénoncer le « lieutenant de Lucifer sur terre », comme dans la Bourgogne de la fin du xve siècle27. Cette représentation d’un pouvoir divin est d’autant plus forte qu’elle s’inscrit dans le contexte d’un xvie siècle où l’on cite et discute abondamment de saint Paul et de son Épître aux Romains, 1, 13, qui rappelle que « Tout pouvoir vient de Dieu ».

10Ailleurs, et notamment pour représenter Charles Quint dans ses différents royaumes formant sa « monarchie composite28 », l’on parle davantage de vice-roi, terme jamais usité pour les provinces françaises, qui ne sont pas des royaumes mais parfois repris métaphoriquement par les historiens29 – l’on envoie toutefois des vice-rois dans les royaumes d’Écosse, de Navarre ou encore en Catalogne. Dans les Pays-Bas bourguignons puis espagnols, ce sont les mots de stathouder (lieutenant) et de stathoudérat (lieutenance) qui se sont imposés. Et dans le monde britannique, le « King’s Lieutenant » d’Aquitaine puis le « Lord Lieutenant » d’Irlande comptent parmi les individus les plus puissants de la monarchie30. De même, dans les États du Pape, les sept provinces sont gouvernées depuis le xive siècle par sept gouverneurs-recteurs qui représentent les pouvoirs temporels du Saint-Père. Les femmes peuvent aussi occuper le rôle de lieutenant31. Ces gouvernantes sont généralement de sang royal et veuves, libres de se consacrer à ce type de charge, à l’image de Marguerite d’Autriche aux Pays-Bas ou plus tard d’Anne d’Autriche pour la Bretagne. Récemment, la démarche comparatiste a fait ressortir des différences et des points communs entre les différentes puissances européennes dans leur utilisation des lieutenants provinciaux, car leurs pouvoirs en disent souvent beaucoup sur l’organisation spatiale des États. En 1996, Robert Descimon notait ainsi avec justesse ce phénomène : « Il n’est pas surprenant que le monarque puisse se faire représenter (au sens fort) par des hommes qui deviennent ainsi d’autres lui-même : le vice-roi des monarchies espagnoles, le gouverneur des provinces françaises, le stadhouder des Pays-Bas avant la Révolte des Provinces-Unies, le légat pontifical32… »

11Dans le royaume de France, dès le xive siècle, apparaît le mot de gouverneur, littéralement celui qui tient le gouvernail, qui se substitue peu à peu au seul titre de lieutenant. Quant au mot de province, il s’agit d’une référence aux provinciae romaines, gouvernées par des proconsuls et des propréteurs, d’autant plus que la passion pour l’Antiquité s’étend désormais jusqu’aux institutions : ainsi des parlements du royaume qui se plaisent à se rapprocher du sénat romain, rapprochement qui recouvre aussi une revendication d’un rôle politique. En réalité, seule une douzaine de grandes provinces offrent à leurs titulaires le prestigieux titre de gouverneur, toujours accolé à celui de lieutenant général. Les lieutenants de territoires plus restreints se contentent donc du seul titre de lieutenant général. S’y ajoutent également les adjoints des gouverneurs qui portent aussi ce titre en l’absence des premiers. En plus d’un idéal de représentation, apparaît donc, avec l’emploi du mot gouverneur, un objectif de gouvernement et d’administration quotidienne des hommes dans des territoires précis : ce sont les gouvernements et les lieutenances, dont la géographie n’est, au reste, jamais figée. Si un gouverneur de province s’avère donc être un alter ego du Prince, il est aussi désormais un gouvernant au sens large, un agent autant qu’un relais du pouvoir et une partie prenante de ce « maitre collectif du royaume » composé d’un petit groupe de grands seigneurs qui occupent les hautes charges de la Couronne (connétablie, amirauté, maréchalat, etc.) et le gouvernement des provinces33. La dignité de gouverneur est donc réservée à un nombre restreint d’individus, des grands seigneurs qui trouvent là l’occasion d’exercer de larges pouvoirs, certes délégués, mais qui leur permettent de tenir rangs et honneurs. Il s’agira donc également d’écrire une page d’histoire de la haute noblesse et des élites politiques34.

12Le statut exact d’un gouverneur reste pour autant des plus mal définis, les ordonnances royales étant finalement trop peu précises35. On ne saurait d’ailleurs s’appuyer uniquement sur ces textes normatifs dans l’espoir de dégager une pratique. M. Antoine a bien souligné le flou juridique qui plane sur l’institution : une lettre de provision de gouverneur n’est ni une commission ni une lettre de provision d’office36. Toujours enregistrée par un parlement ou une chambre des comptes, à l’inverse d’une commission, elle n’est pour autant pas créée par un édit, comme l’est un office. Théoriquement, les gouverneurs peuvent être démis de leurs fonctions par le roi, comme tout commissaire. Mais l’immense majorité d’entre eux cesse d’exercer avec leur propre mort et peut transmettre leur charge par hérédité à leur successeur grâce à ce qu’on appelle la survivance de la charge, ce qui les rapproche cette fois-ci de l’office. Il n’est pas non plus rare qu’un parent soit lieutenant puis succède à un gouverneur après sa mort. Mais cette pratique de la survivance progressive peut être rapprochée d’usages similaires que l’on constate dans le monde des offices comme au sein de l’Église (pensons ici aux coadjuteurs), et n’est donc pas seulement propre aux officiers. À dire vrai, la survivance est une possibilité envisageable – et de fait une pratique largement répandue qui favorise l’apparition de véritables « dynasties » de gouverneurs à l’image des Lorraine-Guise en Champagne et Bourgogne ou des Montmorency en Languedoc –, mais n’est pas une perspective systématique, encore moins un droit à proprement parler.

13Alors commission ou office ? Pour sortir de ce débat qu’on ne peut trancher, il est préférable de suivre les mots que les gouverneurs et leurs contemporains utilisent eux-mêmes pour qualifier la fonction comme « charge », « dignité » ou « état » – et parfois, il est vrai, « office ». Ainsi, en 1543, la lettre de provision du duc d’Étampes évoque « l’estat et office de lieutenant général et gouverneur du pays de Bretaigne37 ». Cependant, le flou demeure quant à la nomination : est-ce un choix, une désignation, une élection, ou un don ? Sa provision parle bien d’une « élection », mais le duc évoque parfois lui-même le « don qu’il a pleu audit Seigneur nous faire dudit estat de Gouverneur38 ». Ce mot laisse entendre que la charge est viagère, qu’il s’agit quasiment d’un bien, d’une possession personnelle, voire patrimoniale, que l’on n’est susceptible de perdre qu’en cas de très grave faute. Ainsi, en 1572, Guy Chabot de Jarnac, gouverneur de La Rochelle, Aunis et Saintonge, se défend alors que la monarchie pense à le destituer – il est protestant et son autorité semble affaiblie – et n’hésite pas à affirmer avec vigueur qu’un gouvernement est « ung estat comme de judicature que l’on ne peult perdre sans avoir faict cryme de lèze majesté », soulignant là son caractère presque inamovible39. Il faut dire que les destitutions par le pouvoir royal sont rares car perçues comme des affronts à l’honneur des gentilshommes et de leurs lignages. Il est donc finalement vain de chercher à ranger la charge de gouverneur dans des cases – commission ou office – qui simplifient à l’excès la compréhension des institutions de la France de la première modernité. En la matière, il est préférable d’admettre sa complexité et sa diversité pour tenter de mieux comprendre le fonctionnement de l’État dit moderne40.

À l’origine d’une démarche : le « métier » de gouverneur

14Le duc d’Étampes offre la figure d’un gouverneur bien présent dans sa province, fidèle aux Valois et non rebelle – en somme, l’exact opposé des dénonciations de Lavisse. La démarche retenue ici est donc moins l’approche biographique que l’étude approfondie de son quotidien de gouverneur. Précisément, il s’agit de connaître « la vie d’un gouverneur dans sa province – un domaine encore mal connu41 ». Dans cette perspective, c’est véritablement le « mestier » de gouverneur que nous souhaitons questionner42. Ce mot, applicable aussi bien aux gouverneurs romains, aux intendants des Lumières, aux préfets d’Empire qu’au souverain lui-même, en passant par les cardinaux, interroge le quotidien43. Étude du quotidien routinier – car même la routine a une histoire – qui permet, selon Denis Richet, de se dégager des « pièges de l’histoire institutionnelle », trop souvent appuyée sur les sources normatives et qui ne reflètent pas toujours la réalité des pratiques, ici celles du gouverneur « au travail44 ».

15C’est donc au ras des sources et des manuscrits que l’on peut pleinement saisir le quotidien d’un gouverneur dans sa province. Une étude de groupe, si elle se veut à la fois complète et précise, relève davantage de l’enquête collective. Ici, l’objectif est plutôt d’approcher au plus près des détails signifiants du métier de gouverneur, de les analyser et de leur donner toute leur portée, détails qu’une synthèse comme celle de Robert Harding ne pouvait qu’effleurer ou postuler. Dès lors, le duc d’Étampes s’impose comme un candidat idéal puisqu’il s’agit d’« évoquer un destin individuel qui est, comme toujours, à la fois singulier (voire exceptionnel) et représentatif45 ». Destin individuel plus que jamais lié à un espace, comme Henri Drouot pouvait déjà le relever par le titre novateur de son ouvrage intitulé Mayenne et la Bourgogne, véritable analyse des liens sociaux, des contacts, des réseaux d’un gouverneur dans sa province. Ainsi, Le duc d’Étampes et la Bretagne ambitionne d’envisager le gouvernement d’un individu singulier sur une population de près d’un million et demi de Bretons – en clin d’œil au célèbre livre de Pierre Goubert46, nous aurions aussi pu dire : Le duc d’Étampes et un million et demi de Bretons à la Renaissance.

16Dans cette perspective, il s’agit également d’une histoire de l’État. État dit moderne qui est « un mixte de formes prébureaucratiques et de formes traditionnelles liées à la nature dynastique du régime », c’est-à-dire évoluant dans une société qui n’est pas encore dominée par des logiques étatiques47. Une avancée non négligeable de l’historiographie réside en effet dans la réévaluation du rôle des gouverneurs dans le dialogue entre le monarque et ses sujets. Cette notion centrale de dialogue relève d’ailleurs de formes réglées au sein de ce que l’on peut déjà appeler une « société politique48 ». Ainsi, écrire l’histoire des gouverneurs, qui occupent une situation d’intermédiaires et participant au dialogue toujours très actif entre gouvernants et gouvernés, c’est aussi écrire les rapports entre l’État royal et la province, entre le centre politique, la cour – même si, à la Renaissance, celle-ci est largement itinérante et que l’on observe donc un polycentrisme du pouvoir – et la périphérie49. C’est donc écrire une histoire de l’État quelque peu décentrée, c’est-à-dire pas uniquement perçue depuis le centre politique et les cabinets des secrétaires d’État, ce qu’Yves-Marie Bercé appelle « l’inévitable myopie parisienne », mais aussi depuis la périphérie50.

17En 1962, Roland Mousnier désignait déjà les gouverneurs, censés être l’image et la parole du roi en province, comme des « agents d’administration » de l’État royal51. Mais plutôt que d’administrateurs, les contemporains parlent, quant à eux, davantage de serviteurs du roi, de la Couronne, sinon de l’État52. Individu à mi-chemin entre la Couronne et la province, un gouverneur doit savoir alterner avec subtilité entre son supérieur et ses subordonnés. C’est une tâche quotidienne dont certains individus s’accommodent mieux que d’autres, « surtout à une époque où les prérogatives des agents du roi sont mal définies et où les hommes contribuent largement à délimiter leurs attributions53 ». C’est donc toute l’influence de l’individu sur l’institution qu’il représente qu’il convient de mesurer, surtout dans la mesure où l’un et l’autre se nourrissent mutuellement. Dès lors, la figure largement populaire du gentil et bon gouverneur, à l’écoute de chacun et œuvrant au bien commun de la res publica, s’oppose souvent à celle du gouverneur autoritaire, ambitieux, avare et égoïste. Reste que le service rendu au Prince prend tout son sens dans la notion de dévouement aveugle et désintéressé. Être lieutenant du roi s’avère bien plus qu’une mission, il s’agit d’une vocation, presque d’un sacerdoce tant la tâche peut parfois être lourde. Philippe Contamine souligne cette notion de dévouement quasi religieux de la charge en rappelant qu’« un serviteur de l’État est censé avoir le sens de l’État, il doit se montrer plus encore dévoué que soumis, il doit consacrer à l’État l’essentiel de ses forces, en s’y investissant à fond, sans souci de fortune sinon de carrière, au-delà bien sûr de son intérêt privé et des autres intérêts particuliers […]. En un sens, le service de l’État implique une démarche religieuse, comme le service de Dieu54 ». Mais « en raison de la conception dynastique de l’État […], les élites politiques se considéraient au service d’un prince, plutôt que d’un État55 ». Ph. Contamine fait d’ailleurs le lien entre barons, gouverneurs et intendants par cette notion de service au Prince : « Il est vrai, dit-il, que ce grand féodal [Raoul de Valois] ne fut pas un préfet de la Troisième République, mais la distance est-elle nécessairement plus grande entre ce baron du xiie siècle et un gouverneur de province au xve siècle qu’entre ce dernier et un intendant du temps de Louis XV56 ? » Un gouverneur, ce type de serviteur du roi particulièrement mal connu, nourrit donc des questionnements sur la nature même du système monarchique français du xvie siècle, sur un « État de la Renaissance » et sa définition plus large appelée société politique57.

18Ainsi, les limites chronologiques de cette histoire sociale et culturelle du pouvoir (1543-1565) correspondent au temps de gouvernement de la Bretagne par le duc d’Étampes. Long de près de vingt-deux ans, il est assez conséquent pour pouvoir pleinement saisir bien des modalités d’exercice du pouvoir. En cela, il s’agit d’un bon exemple de longévité en fonction, ce qui peut permettre de dégager tout à la fois permanences et mutations, continuités et ruptures. Cet exercice du pouvoir provincial, entre 1543 et 1565, est d’autant plus intéressant qu’il répond là aussi parfaitement aux vœux de Michel Antoine : bien loin de se focaliser sur la Ligue ou la Fronde, il s’agira plutôt d’observer un gouverneur de province depuis la fin du règne de François Ier jusqu’aux premières guerres de Religion, entre récente union d’une province au royaume des Valois et épreuves conflictuelles des guerres civiles. Dans ce contexte particulier d’intégration progressive au royaume, conjugué à un moment d’affirmation de l’État royal et de transformation des rapports de pouvoir entre la cour et la périphérie, le duc d’Étampes fait ainsi la transition entre les anciens lieutenants généraux du duc et les gouverneurs du roi en Bretagne. Il est d’ailleurs tout à la fois l’un et l’autre entre 1543 et 1547 et se place sous autorité conjointe du roi et du duc, son héritier. Sa propre carrière témoigne donc de cette progressive intégration politique au royaume de France dont il est lui-même un utile agent. Elle est également précieuse pour interroger le moment 1559-1561 qui fait plonger le royaume dans les troubles religieux et redéfinit en profondeur les pratiques du pouvoir, en particulier provincial58. L’enjeu est donc aussi de questionner les conséquences des guerres civiles sur la pratique d’un pouvoir territorialisé et délégué et, en creux, de mieux saisir les dérives plus tardives de la Ligue. Deux grands moments de mutations donc, de part et d’autre de ce long gouvernement de milieu de siècle.

19Pour ce faire, une grande diversité de sources sera mise à contribution. En premier lieu, les documents qui émanent du gouverneur lui-même : ainsi, une quantité importante de lettres retrouvées forment le corpus de sa correspondance active. Sa correspondance passive est également conséquente. Son grand mérite est qu’elle permet de lire et d’entendre les voix des subordonnés et administrés : c’est là le moyen offert de ne pas écrire une histoire complètement égocentrée. Dans ce même objectif, il faut aussi chercher trace du gouverneur dans d’autres fonds : ainsi des minutes notariales qui font suivre ses transactions, des montres de gens d’armes, des archives familiales diverses, des archives municipales, de celles des États de Bretagne, du Parlement, de la Chambre des comptes, de la chancellerie de Bretagne, etc.

20Ces précisions lexicales et documentaires expliquent un plan d’ouvrage davantage thématique que chronologique. Ainsi, mis à part le nécessaire premier chapitre qui rappelle les origines et le parcours politique du duc d’Étampes jusqu’en 1543, les développements sont organisés autour des thèmes qui donnent à voir l’exercice du métier de gouverneur dans toute sa diversité. La gestion des armées et de la guerre reste à n’en pas douter la première de ses compétences (chap. ii). Dans le cas de la Bretagne, elle est éminemment liée à la mer et au monde maritime (chap. iii). Là où Ernest Lavisse et ses disciples y voyaient l’essentiel, nous essaierons de comprendre le rôle du gouverneur dans trois autres domaines : les finances (chap. iv), la justice (chap. v) et la police, notamment lors du difficile établissement d’une concorde provinciale (chap. vi). Puis, nous reviendrons sur les moyens humains dont le duc d’Étampes dispose pour gouverner une si vaste province que la sienne, et ce à travers l’étude de sa maison (chap. vii). Deux réflexions, largement complémentaires l’une de l’autre sont ensuite proposées : la première se penche sur la dimension épistolaire de l’exercice d’un pouvoir provincial (chap. viii), la seconde décortique l’utilisation politique des voyages et de la mobilité comme pratique de gouvernement (chap. ix). Enfin, vient le temps d’une réflexion d’ensemble sur la dimension arbitrale du pouvoir d’un gouverneur dans sa province (chap. x). Quant à l’épilogue, il se propose d’analyser les enjeux de l’évocation de la mémoire du duc d’Étampes après sa mort, ainsi que l’héritage légué à sa province.

Notes de bas de page

1 Pour un point très complet des travaux et de l’historiographie consacrée aux gouverneurs de province en France jusque dans les années 1970, voir le point effectué par Robert Harding en début d’ouvrage (Robert Harding, Anatomy of a power elite. The provincial governors of early modern France, New Haven/Londres, Yale University Press, 1978, 310 p.).

2 Ernest Lavisse, Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution, t. I, Paris, Hachette, 1906, p. 165.

3 Henri Drouot, Mayenne et la Bourgogne : étude sur la Ligue (1587-1596), Paris, Picard, 1937, 2 t. ; voir aussi Jean Hippolythe Mariéjol, Charles-Emmanuel de Savoie, duc de Nemours, gouverneur du Lyonnais, Beaujolais et Forez, 1567-1595, Paris, Hachette, 1938, 288 p.

4 Gaston Zeller, « Les gouverneurs de province au xvie siècle », Revue historique, t. 185, 1939, p. 225.

5 Lucien Romier parle encore de « jouer au prince » pour le gouverneur de Bourbonnais-Auvergne-Marche-Lyonnais Jacques d’Albon de Saint-André (Lucien Romier, La carrière d’un favori. Jacques d’Albon de Saint-André, maréchal de France (1512-1562), Paris, Perrin, 1909, p. 227).

6 Georges Livet, Le duc Mazarin gouverneur d’Alsace, Strasbourg/Paris, F.-X. Le Roux, 1954, 205 p. ; L’intendance d’Alsace sous Louis XIV, 1648-1715, Strasbourg/Paris, Presses de l’université de Strasbourg, 1956, 1 084 p.

7 Robert Harding, Anatomy of a power elite…, op. cit. ; Richard Tait, The King’s Lieutenants in Guyenne (1580-1610), thèse d’histoire, Oxford University, 1977.

8 Michel Antoine, « Robert Harding, Anatomy of a power elite. The provincial governors of early modern France », Bibliothèque de l’école des chartes, vol. 139-2, 1981, p. 299-301.

9 Michel Antoine, « Institutions françaises en Italie sous le règne de Henri II : gouverneurs et intendants (1547-1559) », Mélanges de l’École française de Rome, vol. 94, no 2, 1982, p. 759-818 ; « Genèse de l’institution des intendants », Journal des savants, vol. 3, no 1, 1982, p. 283-317.

10 Michel Antoine, « Les gouverneurs de province en France, xvie-xviiie siècle », in Françoise Autrand (dir.), Prosopographie et genèse de l’État moderne, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 1986, p. 185-194.

11 Bernard Chevalier, « Gouverneurs et gouvernements en France entre 1450 et 1520 », in Werner Paravicini et Karl Ferdinand Werner (dir.), Histoire comparée de l’administration (ive-xviiie siècle), Münich, Artemis Verlag, 1980, p. 291.

12 David Potter, Un homme de guerre au temps de la Renaissance : la vie et les lettres d’Oudart du Biez, maréchal de France, gouverneur de Boulogne et de Picardie (vers 1475-1553), Arras, Artois Presses Université, 2001, 328 p.

13 Franklin Charles Palm, Politics and Religion in Sixteenth-Century France. A Study of the Career of Henry of Montmorency-Damville Uncrowned King of the South, Boston, Ginn and Company, 1927, 302 p. ; Joan Davis, Languedoc and its Governor, Henri de Montmorency-Damville, 1563-1589, PhD, University of London, 1974 ; Mark Greengrass, War, politics and religion during the government of Montmorency-Damville, 1574-1610, PhD, University of Oxford, 1979 ; Arlette Jouanna, « Protection des fidèles et fidélité au roi : l’exemple de Henri Ier de Montmorency-Damville », in Yves Durand (dir.), Hommage à Roland Mousnier. Clientèles et fidélités en Europe à l’époque moderne, Paris, PUF, 1981, p. 279-296 ; Claude Tiévant, Le Gouverneur de Languedoc pendant les premières guerres de religion (1559-1574), Henri de Montmorency-Damville, Paris, Publisud, 1993, 372 p.

14 Ariane Boltanski et Philippe Hamon, « Le duc de Mercœur gouverneur de province : entre statut, Ligue et Bretagne (1589-1598) », in Emmanuel Buron et Bruno Méniel (dir.), Le duc de Mercœur, les armes et les lettres (1558-1602), Rennes, PUR, 2009, p. 75-97.

15 La thèse d’histoire du droit de Fanny Laschon (Gouverneurs et gouvernement en Bretagne au xvie siècle [1492-1589], thèse sous la direction de Christiane Plessix-Buisset et Jean-Pierre Brancourt, université Rennes 1, 2006, 563 p.) s’intéresse exclusivement à la dimension juridique de la charge en s’appuyant essentiellement sur les lettres de provision des gouverneurs de Bretagne.

16 Guillaume Lasconjarias, Un air de majesté. Gouverneurs et commandants militaires dans l’est de la France au xviiie siècle, Paris, CTHS, 2010, 378 p. ; Stéphane Pannekoucke, Des princes en Bourgogne : les Condé gouverneurs au xviiie siècle, Paris, CTHS, 2010, 338 p.

17 Kenneth Fowler, « Les lieutenants du roi d’Angleterre en France à la fin du Moyen Âge », Les serviteurs de l’État au Moyen Âge, Paris, PUPS, 1999, p. 193-205.

18 Ainsi, Olivia Carpi parle d’un « héros de substitution, un ersatz du souverain qui lui a donné son nom et sa charge, le digne fils spirituel de son illustre et irremplaçable parrain, Henri le Grand » à propos d’Henri d’Orléans, duc de Longueville et gouverneur de Picardie (Olivia Carpi, « La quête de l’âge d’or. La vie municipale à Amiens dans le premier tiers du xviie siècle (vers 1597-vers 1636) », Revue du Nord, no 377, 2008/4, p. 803).

19 En 1583, lors de l’entrée à Rouen du gouverneur de Normandie, le favori Anne de Joyeuse « était assimilé à l’un de ses [le roi] organes les plus nobles, l’œil » (Nicolas Le Roux, Le roi, la cour, l’État, de la Renaissance à l’absolutisme, Seyssel, Champ Vallon, 2013, p. 85).

20 Abbé Goussard, « Entrée solennelle du prince Henri II de Condé à Condom », Bulletin du comité d’histoire et d’archéologie de la province écclésiastique d’Auch, Paris/Auch, t. 2, 1861, p. XII.

21 Nicolas Le Roux, Le roi, la cour, l’État…, op. cit., p. 86, propos tenus lors de l’entrée à Caen du gouverneur Épernon en 1588.

22 Daniel Aznar, « “Un morceau de roi”. La imagen del gobernador de provincia en la Francia barroca », in Daniel Aznar, Guillaume Hanotin et Niels F. May (dir.), À la place du roi. Vice-rois, gouverneurs et ambassadeurs dans les monarchies française et espagnole (xvie-xviiie siècles), Madrid, Casa de Velazquez, coll. « de la Casa de Velazquez », 2014, p. 151-180. Robert Descimon rappelle que François Hotman, dans sa Francogallia (1574), note que les officiers sont « comme de petits rois » (« Les élites du pouvoir et le prince : l’État comme entreprise », Wolfgang Reinhard (dir.), Les Élites du pouvoir et la construction de l’État en Europe, Paris, PUF, 1996, p. 136).

23 Ibid., p. 179.

24 Madame de Sévigné, Correspondance, Roger Duchêne (éd.), t. 2, Paris, Gallimard, 1974, p. 1038-1039 : « Je suis assurée que je vous manderai le plus grand dîner, le plus grand souper et toujours la même chose : du bruit, des trompettes, des violons, un air de royauté, et enfin vous en conclurez que c’est un fort beau gouvernement que celui de Bretagne » (Mme de Sévigné à Mme de Grignan, sa fille, 6 août 1680).

25 Kenneth Fowler, art. cité, p. 193.

26 Daniel Aznar, Guillaume Hanotin et Niels F. May (éd.), À la place du roi…, op. cit., p. 1-2.

27 Bertrand Schnerb, « Quand le diable prend la plume. Une lettre de Lucifer à son lieutenant ès parties d’Occident », in Bruno Dumézil et Laurent Vissière (dir.), Épistolaire politique. II, Authentiques et autographes, Paris, PUPS, 2016, p. 185-196.

28 John H. Elliott, « A Europe of Composite Monarchies », Past & Present, no 137, 1992, p. 48-71.

29 Lucien Romier, La carrière d’un favori…, op. cit., p. 214-215.

30 Kenneth Fowler, The King’s lieutenant: Henry of Grosmont, First Duke of Lancaster, 1310-1361, New-York, Barnes and Noble, 1969, 312 p. ; « Les lieutenants du roi d’Angleterre… », art. cité.

31 Theresa Earenfight, The King’s Other Body: Maria of Castile and the Crown of Aragon, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2009, 240 p.

32 Robert Descimon, « Les élites du pouvoir et le prince… », art. cité, p. 136.

33 Mikhaël Harsgor, « Maîtres d’un royaume. Le groupe dirigeant français à la fin du xve siècle », in Bernard Chevalier, Philippe Contamine (dir.), La France de la fin du xve siècle, Paris, CNRS Éditions, 1985, p. 135.

34 Wolfgang Reinhard (dir.), Les Élites du pouvoir…, op. cit.

35 Gaston Zeller, « Les gouverneurs de provinces au xvie siècle », Revue historique, t. 185, 1939, p. 233. En particulier les ordonnances de 1498, 1507, 1560, 1566 et 1579.

36 Michel Antoine, « Les gouverneurs de province en France (xvie-xviiie siècles) », art. cité, p. 185-194.

37 ADIV, 1 Bv fo 89-90 : acte de François Ier, 27 fév. 1543.

38 BnF, Fr. 22340, fo 200 vo : commission d’Étampes à Julien du Breuil, Rennes, 4 avr. 1562.

39 Jules Lépicier, « Documents », Archives historiques du département de la Gironde, 1877, p. 340 : Guy Chabot de Jarnac à Charles IX, Jarnac, 28 mai 1572.

40 Philippe Hamon, Les Renaissances, 1453-1559, Paris, Belin, 2009, p. 599.

41 Laurent Vissière, « Sans poinct sortir hors de l’ornière ». Louis II de La Trémoille (1460-1525), Paris, Honoré Champion, coll. « Études d’histoire médiévale », 2008, p. 326.

42 Georges Livet, Le duc Mazarin gouverneur d’Alsace, Strasbourg/Paris, F.-X. Le Roux, 1954, 205 p.

43 Agnès Bérenger, Le métier de gouverneur dans l’empire romain, Paris, De Boccard, 2014, 530 p. ; Marie-Ève Ouellet, Le métier d’intendant en France et en Nouvelle-France au xviiie siècle, Québec, Septentrion, 2018, 400 p. ; Pierre Karila-Cohen, « Maupas, ou le métier de préfet. Réflexion sur le fonds 607 AP », Histoire, économie et société, 2015/2, p. 42-54 ; Michel Antoine, Le dur métier de roi, études sur la civilisation politique de la France d’Ancien Régime, préface de Pierre Chaunu, Paris, PUF, 1986, 345 p.

44 Denis Richet, La France moderne : l’esprit des institutions, Paris, Flammarion, 1973, p. 67.

45 Philippe Hamon, « Gilles de Gouberville officier. Activités “professionnelles” et relations sociales », Les Cahiers du centre de recherches historiques, Officiers « moyens » (1), no 23, octobre 1999, p. 90.

46 Pierre Goubert, Louis XIV et vingt millions de Français, Paris, Fayard, 1966, 254 p.

47 Robert Descimon, « Les élites du pouvoir et le prince… », art. cité, p. 139.

48 Philippe Hamon, Les Renaissances, 1453-1559, op. cit., p. 268-272.

49 Claude Michaud, « Centre et périphérie (I), du hameau à la région et de la province au royaume », L’Administration territoriale de la France (1750-1940), actes du colloque d’Orléans, 30 septembre-2 octobre 1993, Orléans, Presses universitaires d’Orléans, 1998, p. 62 ; Philippe Hamon, « “Voyez aux Provinces esloignées de la Cour…” Enjeux spatiaux de la construction monarchique française (xvie-xviiie siècles) », in Brigitte Caulier et Yvan Rousseau (dir.), Temps, espace et modernités. Mélanges offerts à Serge Courville et Normand Seguin, Québec, Presses de l’université Laval, 2009, p. 323-333.

50 Yves-Marie Bercé, La naissance dramatique de l’absolutisme (1598-1661), Paris, Seuil, 1992, p. 9.

51 Roland Mousnier, « Les rapports entre gouverneurs de province et les intendants dans la première moitié du xviie siècle », Revue historique, no 464, 1962, p. 345.

52 Philippe Contamine, « Le Moyen Âge occidental a-t-il connu des “serviteurs de l’État”? », Les serviteurs de l’État au Moyen Âge, Paris, PUPS, 1999, p. 9-20. Mêmes conclusions dans Wolfgang Reinhard (dir.), Les Élites du pouvoir…, op. cit., p. 105.

53 Dominique Le Page, « Noblesse et pouvoir royal en Bretagne (1480-1540) », in Jean Kerhervé (dir.), Noblesses de Bretagne du Moyen Âge à nos jours, Rennes, PUR, 1999, p. 145.

54 Philippe Contamine, « Le Moyen Âge occidental a-t-il connu des “serviteurs de l’État”? », art. cité, p. 9-10.

55 Anna Maria Rao et Steinar Supphellen, « Les élites du pouvoir et les territoires dépendants », in Wolfgang Reinhard (dir.), Les Élites du pouvoir…, op. cit., p. 105.

56 Philippe Contamine, « Le Moyen Âge occidental a-t-il connu des “serviteurs de l’État”? », art. cité, p. 14.

57 Philippe Hamon, Les Renaissances, 1453-1559, op. cit., p. 599.

58 Arlette Jouanna, Le Pouvoir absolu. Naissance de l’imaginaire politique de la royauté, Paris, Gallimard, 2013, 612 p. ; Nicolas Le Roux, Le roi, la cour, l’État…, op. cit. ; Laurent Bourquin, Noblesse seconde et pouvoir en Champagne, aux xvie et xviie siècles, Paris, PUPS, 1994, 333 p. ; Les nobles, la ville et le roi. L’autorité nobiliaire en Anjou pendant les guerres de Religion (1560-1598), Paris, Belin, 2001, 314 p.


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