Le regard des inspecteurs sur les directrices de lycée de jeunes filles des années de fondation à la décennie 1960
p. 273-290
Texte intégral
1Un décret du 28 juillet 1881 relatif aux établissements secondaires de jeunes filles, précise que les directrices sont nommées par le ministre, sur la proposition des recteurs, « après entente avec l’administration locale ». Elles sont donc placées sous l’autorité des inspecteurs généraux, sous celle des recteurs et des inspecteurs d’académie1. Les supérieurs hiérarchiques relevant de ces trois niveaux de responsabilité, visitent fréquemment les lycées et les collèges. Ils rédigent un rapport où sont consignées toutes les observations qu’ils jugent bon de formuler sur la manière dont la directrice s’acquitte de sa tâche. Ces documents, conservés aux Archives nationales, apparaissent comme une source précieuse pour mettre au jour les normes qui sous-tendent la fonction de direction exercée par des femmes, en relation avec les objectifs du pouvoir politique et de l’institution scolaire, au cours d’une période déterminée. Notre objectif ici est bien d’interroger « les attendus du rôle », pour reprendre une notion utilisée au masculin neutre dans un article récent sur la valeur du fonctionnaire2, mais nous nous demandons dans quelle mesure ces attendus sont marqués par des inflexions significatives quand l’inspection concerne une fonctionnaire de l’enseignement féminin.
2Certes, l’étude et l’interprétation des rapports soulèvent plusieurs difficultés, dont celle qui tient à la relation entre les discours et les pratiques. Comme le souligne Séverine Sofio dans un article sous-titré « Genre et professions artistiques au xixe siècle3 », « le terrain historique reste caractérisé, pour celui ou celle qui l’étudie dans une perspective sociologique, par la prégnance absolue du discours. Les pratiques ne peuvent être alors appréhendées qu’à travers les discours eux-mêmes » et non par l’usage conjoint d’autres matériaux, témoignages oraux ou observations ; « pourtant chacun de ces discours, de la littérature aux archives judiciaires, en passant par les correspondances ou les actes notariés, donne à voir une parcelle de la réalité plus ou moins reconstruite ou normative ». Dans le cas qui nous intéresse, la dimension normative est évidente, les inspecteurs sont mandatés pour vérifier que le comportement de leurs subordonnées est conforme aux règles en vigueur4. Toutefois, le contact avec une certaine réalité est indéniable : leur démarche est celle d’un enquêteur puisqu’ils visitent l’établissement dans toutes ses parties (s’ils le souhaitent) et se renseignent auprès de témoins considérés comme fiables sur l’attitude de la directrice dans diverses circonstances. Ces témoins seraient-ils mal intentionnés, leur parole, telle qu’elle est rapportée, n’en est pas moins révélatrice des difficultés inhérentes à la fonction et au contexte dans lequel elle s’exerce.
3Dans notre perspective, les données objectives, par exemple la stagnation du nombre des élèves dans un établissement susceptible d’être imputée à la directrice, sont inséparables des représentations véhiculées et des idéaux mis en avant dans les rapports. Ils ont des conséquences pratiques car leurs auteurs n’ont pas seulement pour mission de guider, remettre dans le droit chemin ou encourager les personnels, ils doivent aussi éclairer les décisions concernant les carrières et la vie des établissements. D’autres pièces versées au dossier jouent comme complément et contrepoint, à savoir les lettres adressées par les intéressées elles-mêmes, qui formulent des vœux et des réclamations. Enfin, le travail d’interprétation exige, selon nous, de tenir compte des deux dimensions de l’espace et du temps : si une relation est établie entre les caractéristiques de l’établissement et les qualités (ou les défauts) de la directrice en titre, ou pressentie pour le poste, les exigences sont-elles les mêmes au cours des premières décennies du secondaire féminin et dans les années 1920-1930, où il accueille une population plus nombreuse ? Peut-on parler de continuité après 1945 et dans les années 1960, qui précèdent la généralisation de la mixité ? Notre exposé se divise en trois parties, en fonction de ces repères chronologiques5, mais l’étude des thèmes traités et des termes utilisés par les inspecteurs, permettra de préciser ces repères et de les mettre à l’épreuve.
Les directrices et leurs maisons avant 1914 : veiller au bon déroulement de la vie scolaire, inspirer confiance aux familles, représenter l’institution
Un dévouement sans bornes…
4Un arrêté de 1884 permet de mesurer l’étendue des tâches et des devoirs de la directrice. Elle n’est pas assistée d’un censeur, à la différence de ce qui existe dans les lycées de garçons, elle doit « surveiller par un contrôle régulier et personnel, l’exécution des mesures prescrites par les règlements, la conduite et le travail des élèves, la marche et la bonne direction des études6 ». Les inspecteurs sont tenus de faire appliquer ces dispositions, toutefois, leur rôle est aussi celui d’un médiateur, qui tient compte des personnes et de leur environnement, soit des possibilités effectives de réaliser les ambitions portées par les textes officiels.
5Le dévouement leur apparaît alors comme la qualité première de celle qui préside aux destinées d’un lycée féminin, aucune limite n’étant fixée à ses prérogatives comme à ses devoirs. Certes, elle est aidée par une économe pour la gestion du budget et par une surveillante générale pour « le maintien de l’ordre7 », mais ces dernières n’ont pas de pouvoir décisionnel. La directrice qui « ne néglige aucun soin pour se rendre un compte exact des progrès des élèves et de la valeur des professeurs » selon les mots de l’inspecteur d’académie en 1893 à propos de Mlle Küss8, est créditée d’un « dévouement absolu » ; elle est « toute à ses devoirs », elle se consacre entièrement à sa « maison », sans se laisser distraire par d’autres intérêts, publics ou privés. De fait, cette vertu cardinale est incarnée ici par une femme célibataire qui précise, lorsqu’elle demande un poste de direction en 1887, que « la présence de (sa) mère qui l’accompagne dans toutes (ses) résidences, pourra, à bien des égards, rendre (sa) situation plus facile ». Cette cohabitation est un gage de respectabilité.
6Le poids des responsabilités, cumulé avec celui des conventions sociales, semble avoir pour effet d’assigner la directrice à l’intérieur du lycée ou du collège, avec pour seule préoccupation le bien-être et la bonne conduite des élèves. On reproche à Mme Desparmet-Ruello9 tout au long de sa carrière (passée au lycée de jeunes filles de Lyon de 1882 à 1908) de cultiver des intérêts et des engagements militants à l’extérieur (dont la création d’une université populaire)10, qui s’ajoutent aux soucis de son ménage (l’inspecteur général Manuel parle d’« embarras » lié à une prochaine maternité survenant alors que la directrice atteint la quarantaine). Ce comportement aurait des conséquences fâcheuses sur le recrutement des élèves, très inférieur à ce qu’il devrait être dans une grande ville.
7Néanmoins, le partage entre préoccupations recommandées et répréhensibles ne correspond pas trait pour trait à l’opposition classique entre le dedans et le dehors. L’intérieur mérite toute l’attention de la directrice quand il revêt une dimension publique, il est suspecté d’entrer en concurrence avec le service de l’État quand il désigne le lieu de l’intimité familiale, de la vie privée. En même temps, les directrices qui mènent une vie de famille incarnent, aux yeux des élèves et de leurs parents, la femme instruite qui n’a pas perdu, pour autant, sa féminité. Deux observations à propos de Mme Lavaud11, l’une en 1904 alors qu’elle demande une direction, l’autre en 1922, alors qu’elle occupe au lycée Montgrand de Marseille son troisième poste, sont révélatrices de ces sentiments partagés : dans un premier temps, l’IA (inspecteur d’académie), attentif à ce qui se passe et se dit au niveau local, note qu’« elle paraît un peu absorbée par sa situation de jeune mère » ; en 1922, l’IG (inspecteur général) en visite dans l’académie d’Aix célèbre « une dignité de vie partagée entre ses devoirs de famille et ceux de ses fonctions sans que les uns aient à souffrir des soins qu’elle donne aux autres, une aisance aimable à porter cette double charge, qui font d’elle un modèle vivant pour ses élèves et la meilleure des cautions aux yeux des familles pour la maison qu’elle dirige ».
8Mais, s’il éprouve le besoin de noter avec une certaine emphase que dans le cas de Mme L., mère de trois enfants, la double charge ne nuit pas à l’accomplissement des obligations professionnelles, c’est qu’il ne juge pas évidente la compatibilité entre ces dernières et ce qu’il appelle les devoirs de famille. En outre, la remarque sur l’aisance avec laquelle la directrice accomplit une telle performance, reflète les attentes des hommes et des supérieurs à son égard, à savoir qu’elle dissimule les tensions inhérentes à cette situation.
9Une deuxième contradiction mettant en jeu l’intérieur et l’extérieur, se fait jour à la lecture des rapports. En effet, aussi occupée soit-elle par la surveillance des faits et gestes dans son établissement, la directrice a un rôle à jouer dans la société locale. Un grief de plus envers Mme Desparmet c’est qu’elle est « peu sympathique aux familles » ; Mlle Lacharrière à Niort en 1890 n’inspire pas davantage la sympathie selon les inspecteurs (« elle ne connaît pas le principe de bonne grâce et d’amabilité, la parole est sèche et railleuse »). Pour eux, l’urbanité des responsables, alliée à la fermeté et aux qualités morales, explique la prospérité des lycées de Tournon (Mlle Dziedzic accueille 150 élèves en 1898) et de Besançon (200 élèves en 1893)12. Aussi les relations avec les édiles locaux et plus largement avec ceux qui peuvent représenter un soutien, ou un danger pour le nouvel enseignement, sont-elles un enjeu important. Mlle Küss a su « se concilier à Besançon les sympathies et le respect des personnes les moins favorables à l’Université » souligne l’IG. De même, le lycée de jeunes filles de Niort, qui a connu des vicissitudes, entre dans une nouvelle ère à partir de 1892, quand on nomme une troisième directrice, qui se distingue de ses prédécesseures par sa capacité à désarmer les oppositions locales. Le maire écrit au préfet des Deux-Sèvres en 1897, à l’occasion de l’inauguration du nouveau lycée avenue de Limoges :
« Je crois que cette inauguration est tout indiquée pour reconnaître le mérite de Mlle Duponchel13, la sympathique directrice de notre lycée. Il est unanimement reconnu que la prospérité du lycée de jeunes filles, et par suite la construction du nouvel établissement, est due à son zèle et à son dévouement14. »
10Le maire demande au préfet d’intervenir auprès du ministre pour que la directrice soit faite officier de l’Instruction publique (OI), la requête est transmise à l’IA avec un avis favorable.
11Toutefois, les mondanités doivent être limitées au strict nécessaire. On met en garde les intéressées contre le risque d’être vues comme faisant partie d’une coterie15. Ainsi, Mme Kantzer, à Lorient, souhaite voir transformé le collège en lycée. Elle met en avant le fait que l’Évêché profitera du manque d’offre d’enseignement pour les filles. On la complimente de « se montrer dans les salons de la ville », ce à quoi « elle s’astreint », « malgré ses trois enfants », note l’IA16. La fréquentation des salons est présentée comme une obligation et non un plaisir. On souligne que Mme K., qui fait bonne figure dans cette société grâce à son élégance naturelle, préfère la vie de famille et celle d’éducatrice professionnelle. D’une façon générale, les discours analysés donnent l’impression qu’il faut tenir, ou retenir les femmes, qu’elles soient célibataires ou mariées, par rapport aux excès qu’elles pourraient commettre : trop distantes vis-à-vis de l’extérieur pour certaines, trop proches pour d’autres à l’aise en société, trop occupées par les soins domestiques ou pire encore par la défense d’une cause (Mme Desparmet est traitée de « féministe exaltée » en raison des conférences qu’elle donne, sur L’histoire de la femme notamment).
12En définitive, la disposition à servir l’institution, au prix d’un renoncement à d’autres intérêts, ou de la subordination de ces intérêts à une mission plus élevée, est unanimement célébrée, avec les contradictions soulignées plus haut, mais c’est une qualité nécessaire et non suffisante. Pour que l’action de la directrice soit étendue et profitable, cette disposition doit être couplée avec d’autres qualités et capacités d’ordre personnel, moral et intellectuel.
Savoir être et savoir faire
13La directrice exerce une fonction d’autorité, ce qui implique de fixer des objectifs et d’imposer des règles, elle représente en même temps une institution en quête de légitimité. Il s’agit donc de se montrer ferme et zélée, mais avec tact. Les rapports sur des directrices considérées comme un exemple, ou un repoussoir, permettent d’appréhender un jeu d’équilibre complexe entre l’affirmation d’un pouvoir et la capacité à faire accepter une tutelle susceptible de rencontrer des oppositions.
14Au regard de cette exigence, Mlle Lacharrière et Mme Desparmet concentrent tous les traits de la mauvaise directrice selon les recteurs de Poitiers et de Lyon qui font obstacle à leurs vœux, le premier en demandant un déplacement d’office, le second en se montrant défavorable à une mutation pour Paris. L’IG, plus sensible à la valeur intellectuelle de femmes qui font partie des rares diplômées à la fin du xixe siècle (Mme D.-R. a obtenu une licence en 1880, Mlle L. l’agrégation des sciences après un séjour à Sèvres en 1883), souligne qu’elles sont intelligentes et instruites et font preuve d’autorité. Au cours des premières années d’exercice, Mlle L. n’est pas rendue responsable du petit nombre d’élèves fréquentant le lycée de Niort (65) ; cela relève de la municipalité qui devrait ouvrir un internat. L’IA appuie sa demande pour Lyon, ville dont elle est issue. La solliciteuse espère que sa collègue obtiendra son changement et qu’elle-même la remplacera. Mais l’autorité, telle qu’elle est exercée par Mme Desparmet, ne convient pas pour un lycée féminin. Le recteur réitère en 1906 ses critiques, en utilisant des termes qui ne laissent aucun doute sur sa conception genrée de la fonction : « (son autorité) n’est pas l’autorité aimable, maternelle d’une directrice de lycée de jeunes filles, elle ferait beaucoup mieux à la tête d’un lycée de garçons ! Ce n’est pas le moyen d’attirer les mères de famille que de les recevoir avec tant de hauteur derrière son bureau ministériel ». Autrement dit, la cheffe s’arroge les emblèmes du pouvoir masculin (la description relève de la caricature), comme elle se consacre à l’extérieur à des activités qui doivent rester l’apanage des hommes. La réserve est un comportement attendu du fonctionnaire, mais lorsqu’il s’agit d’une femme, le mot change de sens : la réserve va de pair avec la modestie, si ce n’est la pudeur, elle fait partie des codes de la féminité et atteste de la soumission à la domination masculine. Sans surprise, les directrices accusées d’une trop grande confiance en elles se voient reprocher, simultanément, de ne pas informer le recteur de ce qui se passe dans leur maison17.
15En effet, la déférence, la droiture et la loyauté envers les chefs ont une importance capitale car il faut pouvoir faire confiance à la directrice, reine dans son royaume, mais aussi être mis au courant de toutes ses démarches, afin de la conseiller, voire de la retenir si ces initiatives sont jugées maladroites ou intempestives. Ainsi, l’action et l’efficacité en tant qu’administratrice, la capacité à prendre et assumer des responsabilités, va de pair avec la prudence, la sagesse, le discernement. Sur ce point, les attentes vis-à-vis des proviseurs et des principaux sont les mêmes puisque, comme le rappelle Fabrice Larat, les vertus fondamentales des agents de l’administration publique sont, depuis le xvie siècle, la prudence, la tempérance, la force ou le courage et le sens de la justice18. Toutefois, chez un homme, la brusquerie, si elle est désapprouvée, n’est pas ressentie comme une transgression des normes de genre ; elle est vue comme un défaut de caractère. De même un principal complimenté pour son action « ferme et douce » n’est pas considéré comme efféminé19 alors que la « virilité dans le caractère et les idées » comme « dans les traits du visage » a besoin d’être contrebalancée (et corrigée) par « des sentiments délicats » aux yeux d’un président de jury d’agrégation. Mlle Duponchel, dont il est question ici, fait preuve de distinction, jugement qui n’est pas fondé a priori sur le physique. En effet, quand elle dirige le collège d’Alais en 1891 et sollicite une mutation, l’IA, qui la regrettera, ne fait pas assaut de galanterie : « sans aucun avantage extérieur, Mlle D. plaît tout d’abord par la distinction de ses manières et par l’élévation de son esprit ». Elle a « le don de l’autorité » tout en restant affable.
16En résumé, la sévérité est encouragée, d’autant plus si les parents n’appartiennent pas aux couches les plus élevées de la société. Mais on doit y mettre les formes. Quand Mlle Küss dirige le lycée Victor-Hugo à Paris en 1899, on la complimente pour son attitude de fermeté à l’égard des élèves et des familles (« Ne craint pas d’éclairer les familles au risque de leur déplaire. Fait d’ailleurs plus souvent accepter la sévérité de ses conseils par la courtoisie de ses procédés »). Le quartier du Marais est considéré par l’IA comme « réfractaire à l’éducation du lycée », sans doute trop éloignée d’une formation qui déboucherait sur un emploi. La directrice a une mission d’éducation, ou de rééducation, en plus de l’instruction des filles, dont il n’est pas toujours facile de s’acquitter. Le sens de la justice doit guider tout propos et toute mesure, il permet au fonctionnaire, non seulement de conférer à ses actes une valeur morale, mais encore d’éviter les conflits. Mlle Lacharrière va se perdre définitivement en commettant des injustices, alors qu’on lui a donné une seconde chance au Puy, après son éviction de Niort et deux ans de professorat à Toulouse. Le maire se plaint auprès de l’IA qu’elle aurait fait preuve de partialité dans l’attribution des prix en fin d’année. L’inspecteur demande des explications écrites en invoquant la circulaire ministérielle du 27 février 1894 relative au déplacement des professeurs de lycées et de collèges. Dans une lettre du 20 août de la même année, le professeur, qui a compris qu’elle devra quitter un lycée « à la prospérité duquel (elle a) consacré toute son activité et toute son énergie », présente sa démission au ministre. Il semble qu’elle soit arrivée au Puy comme à Niort dans une ville où la création du lycée de filles a suscité des polémiques. L’IA plaide en faveur de la nomination d’une directrice qui sera à la hauteur « des luttes et des espoirs » des Républicains de la Haute-Loire. Cet échec incite à réévaluer le rôle des diplômes et des qualités intellectuelles dans la réussite d’une carrière.
Les qualités intellectuelles et l’action pédagogique
17Cette thématique est bien présente dans les rapports, mais le champ lexical qui la sous-tend est plus restreint que ceux évoqués précédemment. Trois termes ou expressions reviennent fréquemment sous la plume des inspecteurs, l’intelligence de la personne visitée, l’instruction dont elle fait preuve et sa culture d’esprit. Ces appréciations ne sont pas davantage précisées ou, si elles le sont, c’est pour mettre en valeur l’usage pratique des qualités intellectuelles dans l’accomplissement des différentes missions. Le titre d’agrégée confère une autorité sur les enseignantes, même en collège où il n’est pas exigé, l’intelligence est un gage de clairvoyance, elle doit éclairer le jugement et la conduite dans tous les domaines de la vie de l’établissement. Une intelligence exercée, une instruction et une culture développées permettront de juger les professeurs et de les conseiller, d’évaluer les progrès des élèves et de réfléchir à ce qui peut être amélioré dans la manière dont l’enseignement est dispensé.
18On félicite Mlle Küss pour les succès des élèves, à Besançon, aux concours de Sèvres et de Fontenay. L’IG pense qu’elle est un « excellent professeur… ce qui ne peut rien gâter pour la direction d’un lycée ». C’est seulement en mai 1904, alors qu’elle dirige le lycée Victor-Hugo à Paris, que le recteur émet le souhait de la voir déchargée de tout enseignement. Elle-même lui écrit en juin qu’elle souffre d’anémie et d’une fatigue persistante. L’idée d’une division du travail plus poussée dans les lycées de filles fait son chemin20, l’IA suggère en 1914 de donner une sous-directrice à Mlle Küss quand elle dirige le lycée Fénelon, doté d’une annexe. Au cours des années qui précèdent la guerre, marquées par des interrogations sur les objectifs d’un enseignement qui fête ses vingt-cinq ans en 1907, on attend des cheffes d’établissement qu’elles exercent une influence sur leurs collaboratrices en se montrant sensibles aux innovations. Ainsi la directrice de Victor Hugo sollicite-t-elle un congé en 1911 pour effectuer une mission d’étude avec une institutrice primaire du lycée : il s’agit de visiter des écoles enfantines à Londres.
19Les considérations sur l’« esprit » de la cheffe d’établissement sont déclinées selon plusieurs versions qui tendent pour certaines à inclure les qualités morales. En effet, lorsqu’on met en avant les « qualités d’esprit et de cœur », on n’est plus dans le registre des aptitudes intellectuelles et du savoir spécialisé.
Les qualités et les préoccupations morales
20Ce qu’on entend par qualités morales dans les rapports correspond au respect des conventions sociales d’une part, à des dispositions personnelles, d’autre part, qui à la fois servent la profession et la transcendent, comme l’expriment avec force les conseils dispensés aux Sévriennes par Mme Jules Favre : « Les dons de l’intelligence sont inappréciables, mais c’est plus encore par vos qualités morales que vous contribuerez au triomphe de la belle cause qui est entre vos mains21. » Ces dispositions personnelles, acquises dans un milieu familial et scolaire (l’alliance des deux est soulignée quand les parents sont eux-mêmes fonctionnaires), apparaissent aussi comme le fruit d’un effort, voire d’une ascèse individuelle.
21La première acception prévaut dans un questionnaire rempli par l’IG en 1888. Ce document est intitulé « renseignements généraux sur la conduite, le caractère, la considération personnelle et les services ». La directrice concernée est célibataire, on lui reconnaît « une moralité irréprochable », une « conduite des plus correctes », « des relations honorables et très restreintes22 ». En d’autres termes, elle s’en tient à ce qui est autorisé pour une jeune femme seule, dans une ville où elle doit inspirer la confiance et le respect. Sur le plan de la morale chrétienne, Mlle Lacharrière est protestante et se trouve à Niort, où une minorité d’habitants fréquentent le temple. Chez les supérieurs, l’attachement à la laïcité va de pair avec la prudence en matière de religion. Une directrice qui se marie civilement, c’est le cas de Mlle Duponchel en 1905, pourrait choquer. L’IA rassure le recteur en 1906, ce mariage « n’a pas nui au recrutement du lycée (de Niort) qui a continué à suivre sa marche ascendante » ; il appuie la demande de mutation parce qu’« il est désirable… qu’elle puisse être réunie à M. Marcourt à Paris ou dans le voisinage ». Ce mari, professeur au collège Rollin, n’a pas gêné la carrière de sa femme, ce qui n’est pas le cas de M. Desparmet, sans situation bien définie, trop présent dans le lycée. L’obligation de moralité, au sens de la conformité aux règles sociales, vaut donc, aussi, pour le partenaire conjugal.
22En second lieu, la valeur morale de la directrice se mesure à l’influence qu’elle exerce sur ses collègues, sur les élèves, et parfois sur leurs parents. Grâce à son « ascendant moral », à l’exemple qu’elle donne, de dignité, de droiture, d’« énergie morale » (c’est la capacité à résister à l’adversité en raison de convictions intériorisées et d’une volonté à toute épreuve), elle va inciter les autres à l’imiter. Il ne s’agit plus, ou plus seulement, de respecter des règles de bienséance, sujettes à variations et ne réclamant qu’une adhésion superficielle, mais d’incarner des principes et des objectifs : la responsable d’un lycée ou d’un collège s’appuie non sur des dogmes, mais sur l’exercice de la raison et de la réflexion pour amener les élèves non seulement à respecter les lois de leur pays (adoptées au nom de tous les citoyens dans une république), mais à acquérir cette « force intérieure » dont parle le Dictionnaire de pédagogie, « régissant non seulement les actes, mais les pensées, les sentiments, les intentions, toute la direction de la vie23 ».
23Ce socle de vertus, tel que nous l’avons appréhendé jusqu’à maintenant, connaît-il des changements, ou des évolutions, à mesure que l’institution se développe ? La périodisation ici est un exercice délicat, en effet, il est difficile de délimiter strictement plusieurs époques du secondaire féminin et de son personnel. Les thèmes identifiés jusqu’à maintenant sont repérables dans les dossiers de directrices recrutées dans les années 1920-1930 et au-delà. Par ailleurs, des directrices achèvent leur carrière quand des changements se produisent (l’assimilation à l’enseignement masculin par le décret Bérard en 1924), d’autres la poursuivent ou occupent un premier poste dans ce contexte nouveau.
Une directrice « à sa place » : un enjeu crucial quand l’enseignement secondaire féminin séduit un public plus large et prépare au baccalauréat
Dévouée, mais pas seulement…
24Au fil des décennies, la notion de dévouement reste opératoire, mais elle peut être utilisée en creux, pour signifier que cette vertu, si elle est nécessaire, ne suffit pas à mesure qu’une population plus nombreuse fréquente les lycées et collèges de jeunes filles24. En outre, les établissements étant hiérarchisés, la directrice dévouée qui ne possède pas de façon affirmée d’autres qualités jugées essentielles dans cette phase d’expansion (« activité », « prestige », capacité d’adaptation rapide « à des situations nouvelles et imprévues ») sera cantonnée à un établissement de moindre importance et, si cet établissement gagne en effectifs et en renommée, il faudra trouver une autre responsable.
25Mlle Brincourt25, directrice du collège (1937) puis du lycée de Roubaix (1939), est mutée à Chartres, ce qui permet à l’administration de faire d’une pierre deux coups : ce poste la rapproche de Paris, qu’elle demande sans l’obtenir, « le lycée de Roubaix », par ailleurs, « doit devenir un grand établissement classique : il lui faudra alors une autre directrice », écrit l’IA, « Mlle B. n’a ni prestige, ni envergure ».
26Faire appliquer les programmes de 1925 calqués sur l’enseignement des garçons, au sens où le latin et le grec font leur entrée dans les classes de filles, gérer les conséquences de cette réforme sur la qualification et les services des professeurs, c’est la feuille de route de Mlle Chabrat26, directrice du collège d’Arras. L’IG qui lui rend visite en 1926 juge « le niveau des études… plutôt supérieur à la moyenne » dans cet établissement27. Étant donné les enjeux du moment, il recommande d’attacher un soin et une importance particulière à la tenue des conseils de classe et d’enseignement, ce qui signifie plus de collégialité dans les décisions. Les qualités intellectuelles, le sens pédagogique et le goût des innovations, s’ils ne sont pas des thèmes nouveaux, sont davantage mis en avant. Toutefois, la modération reste souhaitable, Mlle Hartmann28 a voulu sans doute « trop réformer » à Nîmes en 1929-1930 et elle s’est attiré quelques inimitiés.
Active, mais pas trop…
27Mme Käntzer, dont l’entregent est salué car il fait avancer la cause de l’enseignement public, fait preuve d’une activité qui confine à l’activisme aux yeux de l’IA qui l’inspecte à Lorient au début des années 1920. Elle a créé au collège de Louhans, son poste précédent, un cours de sténodactylographie, auquel s’ajoutent des cours de latin à partir de 1917-1918, donnés par un professeur du collège de garçons. Elle ne se fait pas faute d’énumérer dans son curriculum vitae toutes ses initiatives et activités, dont les œuvres sociales. En arrivant au collège de Lorient, elle prend en charge l’installation d’un internat qui affiche complet « dès les premiers jours29 ». La directrice assure en outre l’enseignement littéraire en 6e année, la chaire n’étant pas encore pourvue.
28Les remarques de l’IA sur le fait que ses « entreprises » « excèdent ses forces, au détriment des tâches secondaires », soit les tâches administratives, rappellent un discours classique adressé aux femmes : « c’est trop pour toi, c’est trop pour vous » ; elle a fait l’objet d’« observations fermes, presque sévères », qu’elle « a entendues dans le meilleur esprit ». Prend-elle trop d’initiatives, pour lesquelles elle n’attend pas toujours le feu vert des supérieurs ? Malgré les efforts déployés, le collège n’est pas transformé en lycée et Mme K. demande sa mutation. Elle est nommée au lycée de Rennes en 1923, l’IG Gastinel estime qu’elle a la jeunesse (41 ans) et le sens pratique nécessaires pour mener à bien les travaux d’agrandissement. Ce thème devient de plus en plus prégnant au cours de la décennie 1920-1930. Mais les nouvelles compétences n’éclipsent pas les vertus traditionnelles. L’IA en 1926 se félicite des résultats obtenus à Rennes sur le plan des effectifs. Ils prouvent, selon lui, que « dans ce milieu plutôt réfractaire » où le lycée est implanté, « avec une directrice prudente, sachant garder la mesure, et se mêler à la population » on parvient à contrer l’influence des établissements catholiques30. Le recteur rejoint l’IA en parlant d’« élégance sobre » et d’attention soutenue à l’éducation des élèves (« fait la guerre aux tentations discutables de coquetterie, ces fards par exemple »). Le lycée accueille autant d’élèves que l’espace disponible le lui permet.
29La confiance en elle de Mme K. séduit et dérange tout à la fois. Le lien de subordination est menacé alors même que l’on a besoin de maîtresses femmes capables de négocier avec des partenaires parfois difficiles, sans se départir de leur calme. Ainsi l’IG émet l’hypothèse que ses réserves à l’égard de cette directrice ont pu lui être suggérées, paradoxalement, par « l’égalité paisible avec laquelle (elle) se conduit en toutes circonstances ». « Ce serait alors », ajoute-t-il, « sa maîtrise même qui m’aurait trompé ». Refusant d’abjurer l’une de ses critiques, il termine en mentionnant qu’il connaît « d’autres directrices dont la maîtrise est certaine et dont l’action spirituelle est autrement évidente ». C’est donc bien sur cette action que porte la critique. On accuse Mme Kantzer de ne pas avoir une influence morale suffisante sur sa maison, de ne pas y créer un « esprit » qui conserverait sa singularité à l’enseignement secondaire féminin et le mettrait encore mieux en mesure de lutter contre ses ennemis.
30Néanmoins, puisqu’elle fait régner l’ordre à l’intérieur du lycée et s’intéresse à l’éducation des jeunes filles, et pas seulement à leur instruction, c’est une directrice supérieure ; il pressent qu’il pourrait l’élever au rang de grande directrice. Mais il lui manque quelque chose, le don total de soi (et il cite pour comparaison une collègue célibataire à Brest) : « mais elle a un mari qu’elle aime et trois enfants. L’épouse et la mère ne peuvent pas s’effacer tout à fait » (3 avril 1926). La capacité à assumer ce double rôle suscite de l’admiration, mais aussi de la crainte car elle est de nature à faire tomber les préventions par rapport à l’accès des femmes mariées aux professions supérieures. Un avis favorable est donné pour une nomination à Paris, sachant que le mari de Mme K. ne formule pas d’exigences en matière de poste. Elle est nommée en 1930 à Victor-Hugo, un lycée qui n’est pas situé au faîte de la hiérarchie. L’IA en 1934 reconnaît qu’elle a fort à faire dans un établissement dont les effectifs dépassent les capacités d’accueil. Son crédit auprès du personnel et des familles est attesté par la sympathie exprimée lors d’une cérémonie de remise de la Légion d’honneur en 1933. Le recteur la juge « tout à fait à sa place dans ses fonctions ».
31En 1936, l’IG prend acte de la demande de mutation de Mme K. qui convoite Victor-Duruy ; elle fait valoir son ancienneté dans la fonction et le fait qu’elle réside à Victor-Hugo depuis six ans. Elle a pu y mener une action constructive. Sa situation personnelle entre aussi en jeu, son mari (licencié, rappelle l’IG), fait l’aller-retour Paris-Amiens deux fois par semaine et la famille, de cinq personnes, habite un logement « étroit et surtout fort sombre dans cet humide quartier du Marais », de l’aveu même de l’inspecteur. En outre, la distinction de Mme K. la désigne pour occuper un poste dans les beaux quartiers. Seule difficulté, Victor Duruy n’est pas sans éveiller les convoitises. À la rentrée 1937, elle y entame la dernière étape de sa carrière (elle prend sa retraite en 1941). Le recteur apprécie son expérience, mais aussi « les projets d’avenir pour une maison dont les besoins augmentent chaque jour ». L’aptitude à élaborer des projets (le terme est promis à un bel avenir dans l’Éducation nationale), s’impose comme une compétence recherchée lorsqu’il s’agit de promouvoir une cheffe d’établissement.
32C’est l’époque où des innovations pédagogiques sont introduites dans le second degré par le ministre Jean Zay, tels les loisirs dirigés et les jeux de plein air31. Mlle Hartmann, alors en poste à Marseille, est félicitée par l’IA en 1938 pour avoir « remarquablement organisé » l’après-midi consacré à chacune de ces activités. Le lycée Montgrand accueille 1 400 élèves en 1942. L’IA ajoute, cette année-là, qu’« elle exerce sa fonction comme un sacerdoce, avec un don total d’elle-même », ce qui atteste d’une continuité malgré les changements.
33Pour autant, on félicite les directrices non plus de s’intéresser aux seuls « progrès des élèves », mais au « progrès des études et de la discipline », le but étant désormais de préparer au baccalauréat32 et d’empêcher les comportements déviants dans une collectivité plus hétérogène qu’elle ne l’était auparavant33. La « parfaite compréhension de la psychologie des élèves comme de celle des professeurs » dont Mme M. est créditée, apparaît comme une qualité précieuse pour orienter l’activité des unes et des autres. Une observation dans le dossier laisse deviner que les supérieurs reconnaissent en elle une collaboratrice qui pourrait se voir confier des missions dépassant le cadre de son établissement : « ses rapports très étudiés sont remplis de remarques judicieuses qui dénotent un esprit solidement équilibré et très clairvoyant » selon le recteur Gidel en 1943. Il loue, outre son autorité calme et sa distinction, son intérêt pour les questions pédagogiques et « une saine compréhension de l’éducation des enfants », ce qui mériterait d’être analysé en référence à la politique de Vichy34. Mme M. est une « femme et directrice remarquable », les deux restent indissociables (elle est mariée avec un inspecteur primaire, le couple a accepté un éloignement géographique en raison des opportunités de carrière de l’un et de l’autre)35.
34La figure de la réalisatrice qui a une vision de l’avenir, de l’administratrice capable d’instaurer une synergie entre les différents services dans un gros établissement, va-t-elle éclipser définitivement celle de la femme distinguée, bienveillante mais ferme, attentive à l’éducation des jeunes filles ? L’éloge de Mlle Hartmann, proche de la retraite, par Mme Brunschwig en 1952, sonne comme un adieu à une époque glorieuse, mais révolue :
« Mlle H. approche sans faiblesse de la fin d’une belle carrière. La dignité un peu austère, son autorité ne souffre guère de résistances ni de restrictions. Elle est cependant très humaine et sa bonté sait être efficace autant que discrète… On pourrait la souhaiter parfois plus conciliante. Mais elle a gardé les grandes traditions des premières éducatrices de notre enseignement secondaire féminin : il n’est point d’éloge, à mon avis, qui surpasse celui-là36. »
Des maîtresses femmes pour des établissements en pleine expansion : les dernières décennies du lycée de jeunes filles
35Une analyse thématique des rapports rédigés dans l’immédiat après-guerre et les années 1950, montre que le triptyque « capacité de faire des propositions bien étudiées », « favoriser la renaissance de l’établissement » (quand il y a des problèmes) et « activité », obtiennent des scores particulièrement élevés, la supériorité intellectuelle et l’autorité étant mises au service de l’action qui a pour cible l’établissement dans toutes ses composantes. L’administration centrale attend des directrices qu’elles s’investissent dans les travaux de construction de nouveaux locaux comme dans la rénovation pédagogique et l’encadrement des élèves et du personnel. Ces tendances s’affirment au cours de la décennie 1960, où s’amorce, de façon surprenante à première vue, la baisse du nombre des femmes chez les chefs d’établissement de second degré37.
Des cheffes de travaux à l’extérieur
36Si l’action touchant aux conditions matérielles de vie dans l’établissement et aux démarches à effectuer auprès des pouvoirs locaux ne sont pas des thèmes nouveaux, les modalités et les contextes évoluent comme le cadre législatif. Il ne s’agit plus de rallier une clientèle, ou d’inscrire des élèves au prorata de l’espace disponible, mais de garantir une place à toutes celles qui désirent poursuivre des études secondaires (1 150 élèves fréquentent le lycée Racine à Paris au début des années 1950 : « il est fâcheux que les locaux du lycée soient insuffisants pour accueillir toutes les élèves, dont le nombre augmente chaque année, qui y sollicitent leur admission »)38. Une circulaire de 1953 confie officiellement le suivi des travaux aux chefs d’établissement39.
37Ainsi Mme V. est-elle maintenue à Marseille en 1957-1958 (elle sera mutée l’année suivante) car l’IA souhaite la garder « pour réaliser les plans d’extension qu’elle a conçus40 ». Quant à Mme S.-G., nommée dans la banlieue ouest de Paris en 1955, elle est d’abord chargée des fonctions de censeur « du groupe féminin », sous l’autorité du proviseur du lycée de garçons41. Cette ancienne directrice d’un établissement d’une grande ville revendique l’autonomie du lycée de jeunes filles. Elle se plaint en 1956 qu’un professeur (homme), promu censeur à titre provisoire, remplace le proviseur, malade, dans ses fonctions d’ordonnateur, alors qu’elle-même n’a pas été sollicitée. Elle exprime « la profonde peine que (lui a causée) la décision prise », vécue comme un camouflet. Le directeur de l’enseignement secondaire se défend de toute discrimination à son égard, il plaide le caractère momentané de cette mesure, qui interroge sur la place réservée aux femmes dans les futurs établissements mixtes. La construction d’un nouveau lycée est décidée en 1958, Mme D.-S. « étudie l’utilisation rationnelle des nouveaux locaux », selon l’IA, qui lui manifeste toute sa confiance en vantant son énergie et son intelligence, le recteur soulignant de son côté sa « parfaite distinction ». Elle n’attend pas que les constructions soient achevées pour les inaugurer, entre 1959 et 196142.
38Il faut assumer, de surcroît, les conséquences des décisions politiques prises pendant la guerre, notamment la suppression des écoles primaires supérieures (EPS) qui fusionnent avec les collèges modernes, qui seront eux-mêmes absorbés par les lycées. Certaines directrices sont alors considérées comme un obstacle à la mise en œuvre des réformes, telle Mlle C. L. (née en 1905), dont on souhaite le déplacement43 :
« Son départ (du lycée) de Roanne […] serait souhaitable en vue de faciliter la fusion qu’on pourrait réaliser assez aisément à R. entre les deux établissements féminins et dont elle se montre que peu disposée à comprendre l’intérêt en s’attachant à des considérations d’effectifs assez périmées » (IA, 1947).
39L’IG se contente de déplorer qu’« elle se refuse à admettre l’utilité du groupement des élèves du 1er cycle dans une seule maison sous autorité unique » (1947). Il pose des conditions à l’obtention d’un poste plus valorisé car Mlle C. L., certes agrégée et sévrienne, « n’a point cette personnalité forte et rayonnante qui n’hésite pas à affronter les grandes difficultés, qui anime, crée, transforme ». En résumé, elle est sommée de se moderniser, comme l’institution qu’elle sert. Les capacités énumérées sont requises pour les grands lycées qu’elle demande, bien différents du sien, où l’« on regrette que la vie… soit si tiède et traditionnelle ». Après s’être adaptée à la nouvelle situation qui lui est faite à Roanne, elle sera mise à l’épreuve à partir de 1953 au lycée de Bourges doté d’un internat séparé de l’externat, ce qui complique la tâche.
Des cheffes d’équipe à l’intérieur
40Le travail administratif devient donc plus lourd au prorata de la dimension des établissements, il faut gérer la nouvelle division du travail, étant donné la dispersion des locaux, la nomination de dames censeurs après 1945 et de plusieurs surveillantes générales. En 1958, une circulaire qui actualise celle de 1920, précise la répartition des tâches entre les différentes catégories de personnels44. Quand Mme Brunschwig inspecte Mlle C. L. en 1958 à Bourges, elle trace le portrait d’une directrice qui sait travailler en équipe, pour reprendre une expression qui a fait florès depuis, tout en perpétuant l’esprit du secondaire féminin.
« … elle met tous ses soins à employer les ressources de la maison pour enrichir la culture des élèves, et assurer, affiner, leur éducation. Le censeur, l’intendante, les surveillantes générales l’y aidant, car il règne au lycée un bon esprit d’équipe… Il en est de même à l’externat… une bonne organisation pédagogique, un contrôle précis, régulier, personnel de la présence et du travail des élèves prouvent aussi que Mlle C. L. mérite entière confiance et pourrait diriger avec succès un établissement plus important encore que B. ».
41L’intéressée accède en 1961 à la direction du lycée de Nantes, un gros établissement où elle se montre à la hauteur, selon l’IA : « elle possède à fond son métier ; elle s’y donne avec conscience, elle assure à chacun de bonnes conditions de travail et le climat moral du lycée est sain ». En revanche, Mlle C. L. n’est toujours pas considérée comme une directrice « qui cherche beaucoup à se renouveler » ; « elle se consacre à l’essentiel : les classes, les examens, la bonne hygiène et même le confort de l’internat. Les activités péri ou parascolaires l’intéressent moins, on le regrette un peu ».
42On demande à des femmes d’âge mûr, étant donné le temps nécessaire pour obtenir les postes les mieux classés, d’être à la fois « au sommet et au cœur de l’animation de la vie scolaire dans l’établissement ». Ces compliments adressés à Mme C. A., aux commandes d’un lycée de la banlieue parisienne, révèlent la pluralité des objectifs : « aimant ses élèves et s’intéressant à toutes les formes de culture, Mme C. A. fait naître dans le lycée un nombre important de clubs très actifs ». En même temps, « (il) conserve un caractère de maison où l’éducation n’est pas anonyme » (1962)45.
43Les supérieurs apprécient que la tradition soit maintenue en matière d’éducation des filles, l’IG note que Mlle C. H. à Tours impose « l’uniforme quasi militaire », les blouses roses ou bleues, qui distinguent, ici, les externes et les pensionnaires46. Cette remarque n’est pas exempte d’une pointe d’ironie, heureusement la directrice sait se mettre au diapason dans d’autres domaines.
44En effet, comme l’analyse Ludivine Bantigny47, les lycées des années 1950 entrent dans une ère de modernité, perceptible à travers les préoccupations concernant les jeunes et leur intégration dans la société ainsi que l’ouverture des établissements sur l’extérieur. L’action pédagogique est associée, nous l’avons vu, à l’intérêt pour des savoirs spécialisés comme la psychologie de l’enfant, et plus généralement à la réflexion sur les questions d’éducation. Il faut « faire vivre » selon les mots d’un IG, les nouvelles dispositions pédagogiques comme les classes nouvelles48. Les responsables de lycée doivent donc faire pression sur les enseignant·e·s pour qu’elles, et ils, accueillent favorablement ces dispositifs. Une nouvelle catégorie de personnel, féminin et plus proche du travail social, pourrait les épauler s’agissant des élèves dont la conformité laisse à désirer : « J’ai été vivement intéressé », écrit un autre inspecteur au début des années 1960, « par les solutions humaines [que Mme V.] a pu trouver aux délicats problèmes sociaux et éducatifs qui se posent pour certaines élèves. Ses suggestions concernant l’utilisation d’éducatrices permanentes, au cœur généreux, en provenance de milieux divers, appelées à se pencher sur les cas les plus difficiles, doivent être examinées avec la plus grande attention. Je serais très favorable à la réalisation d’expériences qui pourraient être tentées dans ce domaine par Mme la directrice du lycée H. ». L’effectif en 1966 dépasse 2000 élèves, ce lycée de province est réputé en raison des succès rencontrés par les élèves des classes préparatoires.
45La continuité du service, préoccupation constante pour l’Éducation nationale, revêt, dans ce contexte, une importance cruciale. Le recteur en 1955 enjoint à la directrice d’un établissement parisien de mobiliser les adjointes d’enseignement et des surveillantes pour éviter « la suppression des cours et le renvoi des élèves chez leurs parents (qui) font la plus déplorable impression sur les familles ». Elle doit veiller sur tous les niveaux, « sans négliger les classes pilotes49 ». Mme L. a du mal à s’adapter aux nouvelles pratiques, dont le partage du pouvoir et la gestion d’un personnel aux attributions mal définies, qui vont de pair avec la démocratisation des études. Le verdict du recteur est sans appel en 1961 : « Quelle que soit son ancienneté… il n’est pas possible de considérer Madame L. comme une bonne directrice… Il a fallu, en maintes occasions, lui reprocher des erreurs et des fautes dont j’ai dû faire état dans des rapports spéciaux. » On lui fait grief d’un conflit avec sa collègue censeur qui ne veut plus mettre les pieds dans le bureau directorial et d’avoir refusé des élèves en classe de philosophie, sous prétexte que les classes sont surchargées.
Au service de l’État… sans servilité
46Les directrices d’élite, dont la carrière progresse régulièrement pour se terminer dans un lycée de Paris ou de la proche banlieue, maîtrisent tous les aspects de la fonction, plusieurs ont commencé leur carrière administrative comme censeur. La ténacité n’exclut pas la pondération, les femmes étant toujours suspectées de nervosité excessive. Enfin, solliciter des conseils et se conformer aux avis des inspecteurs reste un comportement apprécié. Ces derniers, ou ces dernières50, préconisent de ne pas limiter l’usage des compétences à la direction d’établissement et à la formation des élèves. Mme Brunschwig propose en 1967, de façon prémonitoire, d’« ouvrir un champ plus large à la combativité, parfois redoutée ou discutée, bien sûr, mais féconde, de Mlle C. H. », ajoutant qu’« elle est capable de former les éducateurs et les cadres dont l’Éducation nationale a besoin ». Le champ de la formation initiale et continue va concerner, en effet, tous les métiers de l’Éducation nationale, les dispositifs évoluant au fil des décennies, depuis le stage ponctuel jusqu’à la formation étalée sur plusieurs années51. L’encadrement du stage des maîtresses et maîtres d’internat, le soutien apporté aux IG dans les centres pédagogiques régionaux (CPR), sont autant de services rendus qui suscitent les éloges et les remerciements des autorités.
47Mais l’obéissance n’exclut pas la protestation, nous l’avons déjà observé. La combativité des directrices s’exprime encore dans les réponses très étayées qu’elles adressent au ministère si elles s’estiment victimes d’une injustice ou d’un reproche immérité, qu’il s’agisse de l’attribution des postes, de la gestion du personnel (un maître auxiliaire aurait été renvoyé trop tôt et une titulaire en congé maladie réintégrée trop vite)52, de l’inscription des élèves (lorsqu’une admission hors délai est demandée par une famille qui a l’oreille du recteur)53. Enfin, les associations de parents et les élus peuvent être une source d’ennuis. Mme G., est en bute en 1957-1958 aux observations d’un député qui l’accuse de tolérer que des affiches à caractère politique soient apposées sur les murs du lycée Victor-Duruy54. Il fait état de sa propre expérience comme proviseur et lui conseille d’avertir la police. En réponse, Mme G. lui fait remarquer qu’une démarche directe auprès d’elle eût été plus courtoise et qu’il ne lui a « rien appris », vu les nombreuses interventions d’un agent (« enlevé à grand-peine du service général ») pour « faire disparaître… affiches et graffitis ». La plainte sur l’insuffisance des moyens dont disposent les chefs d’établissement se lit en filigrane. Mme S.-G. s’attire en 1968, alors qu’elle dirige le lycée Camille-Sée, les foudres des notables du 15e arrondissement. Elle a fait état auprès des parents d’élèves d’une circulaire parue au Bulletin officiel du 10-10-1968, « qui réduit le nombre d’heures de Service de surveillance d’externat d’environ 25 % et [celles] consacrées aux écritures pédagogiques » ; elle dénonce l’autosurveillance comme un palliatif et prévient les familles qu’elle ne pourra garantir la sécurité des élèves et l’enregistrement des notes. Elle engage les destinataires à faire connaître leur avis. Le ministère n’envisage pas de sanction contre elle car, outre son ancienneté, la directrice n’est pas isolée, le syndicat des chefs d’établissement a engagé des pourparlers avec l’administration. Cette dernière exhorte les personnels à garder le silence sur ces tractations, sans s’écarter toutefois de la ligne fixée dans le Bulletin officiel : les proviseurs, principaux et directrices (elles sont mentionnées en dernier !), résoudront « les problèmes délicats posés par (la) réforme de (la) vie scolaire et (la) surveillance55 ».
48Dans l’établissement de création récente dirigé par Mme C. A. dans les années 1960, situé à la périphérie de la capitale, trois censeurs ont été nommés, deux femmes et un homme. Cette mixité fait problème aux yeux de la directrice, étant donné la jalousie qui se manifeste au sein du trio. Elle propose de leur confier les mêmes tâches en alternance et sollicite le feu vert du ministère qui répond dans les termes suivants : « M. V. seul censeur homme de cet établissement doit être considéré comme le premier des adjoints de la directrice… cette mesure se justifie d’autant plus que M. V. a précédemment été chargé de la direction d’un établissement en Algérie. » Le premier argument est révélateur de la place reconnue au censeur homme dans les rapports de genre, le second n’a pas été utilisé s’agissant de la directrice du groupe féminin de Saint-Cloud, mise sous la tutelle du censeur (faisant fonction) du lycée de garçons. On trouve là des indices d’une reconfiguration de la participation des femmes et des hommes aux fonctions de direction, dont certains aspects méritent d’être approfondis, tout spécialement le rôle de l’administration et des décideurs, en lien avec le marché des postes.
⁂
49Malgré l’évolution des politiques scolaires et le changement d’échelle des lycées de filles, des constantes apparaissent du point de vue des attentes exprimées à l’égard des directrices. Bien qu’on leur ait confié une fonction d’autorité dont l’enjeu et les pratiques dépassent, sous des formes variées selon la période, le périmètre de l’établissement et les activités qu’il héberge, une arrière-pensée subsiste. En effet, tout se passe comme si les femmes qui atteignent ce niveau de responsabilité devaient faire oublier, d’une façon ou d’une autre, la transgression qu’elles incarnent. Ces deux termes, « femme et directrice », sont fréquemment utilisés de concert et l’on s’empresse de souligner que l’on porte un jugement positif (ou négatif) sur l’une comme sur l’autre. D’où l’insistance sur la correction de la tenue, la discrétion et la modestie dans le comportement, le contrôle de soi, alors même que les fortes personnalités sont appréciées. La vie personnelle est donc un enjeu, que la directrice soit célibataire ou mariée. Les supérieurs, au cours des premières décennies de l’enseignement féminin, voient le célibat d’un bon œil (ou l’état de veuve) car il permet une entière disponibilité pour exercer la fonction sur le mode prescrit. En même temps, la figure de la femme instruite mariée et mère de famille, est présentée comme un idéal, à condition qu’elle limite son investissement dans la vie domestique. Le rapprochement de conjoint, s’il est pris en compte, passe après les nécessités du service. Les maris moins diplômés que leurs épouses ne sont pas des obstacles à la carrière féminine, mais ce déséquilibre, peu conforme aux relations traditionnelles, suscite des commentaires quelque peu méprisants.
50Dans le champ de l’enseignement féminin qui leur est concédé, les directrices font feu de tout bois quand il s’agit de leur trajectoire géographique et de la possibilité d’effectuer une promotion. Elles font valoir à la fois des mérites d’ordre professionnel et des raisons familiales, comme la charge de parents âgés ou les études de leurs enfants. À mesure que le processus de démocratisation du second degré s’accélère, quelques-unes sont promues à des postes inaccessibles dans une époque antérieure, comme ceux d’inspectrice générale et d’inspectrice d’académie à Paris. Mais ces promotions constituent également un moyen de gérer des situations délicates créées par la guerre, ou une fin de carrière, la hiérarchie souhaitant rajeunir les cadres, relativement s’entend. Là encore, dans le contexte d’élargissement des missions du chef d’établissement, une tension est observable entre la marge d’initiative laissée aux directrices et l’autonomie qui leur est consentie. Les remarques sur la personne véhiculent toujours des préjugés sur la nature féminine, plus prompte à s’enflammer. Ils s’expriment notamment lorsque des femmes protestent contre l’iniquité d’une décision qui remet en cause leur statut. On les veut toujours souriantes et détendues, alors que, simultanément, la forte autorité est plus que jamais valorisée. Si on les interprète à la lumière d’une sociologie du genre, les réserves qui demeurent dans les rapports les plus élogieux donnent à penser que ceux qui les rédigent voudraient enfermer les directrices dans leur identité de femme. N’avouent-ils pas, par là même, que ces dernières, du moins les plus « remarquables » d’entre elles, sont capables d’exercer leur autorité sur des hommes dans les établissements mixtes, voire dans l’encadrement supérieur ?
Notes de bas de page
1 Décret du 28 juillet 1881, articles 16 et 19, signé Jules Grévy, président de la République et Jules Ferry, président du Conseil, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Dans Savoie Philippe, Les enseignants du secondaire, xixe-xxe siècles. Le corps, le métier, les carrières. Textes officiels, 1802-1914, t. 1, Paris, INRP, 2000, p. 488-490.Selon Mayeur Françoise, L’enseignement secondaire des jeunes filles sous la Troisième République, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977, p. 311, le recteur et les autorités municipales étaient, dans un premier temps, associés au choix des directrices, mais l’administration centrale a vite abandonné cette procédure pour garder la haute main sur ces nominations.
2 Karila-Cohen Pierre et Le-Bihan Jean (dir.), « La valeur du fonctionnaire », Genèses, no 113, 2018, p. 11-38.
3 Sofio Séverine, « Des discours aux pratiques, comment approcher la réalité des rapports de sexe ? Genre et professions artistiques au xixe siècle », Sociétés & Représentations, no 24, 2007, p. 177-193.
4 Condette Jean-François (dir.), Les personnels d’inspection. Contrôler, évaluer, conseiller les enseignants. Retour sur une histoire, France-Europe (xviie-xxe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.
5 Nous nous appuyons sur un échantillon construit de cinquante dossiers de directrices, douze d’entre elles ont achevé leur carrière au plus tard en 1934, seize ont pris leur retraite entre 1937 et 1959, dix-huit entre 1961 et 1971 ; quatre directrices ont vu leur carrière interrompue pendant la dernière guerre. Nous avons consulté certains dossiers en bénéficiant d’une dérogation, aussi les noms de ces personnes ne seront pas cités. Ont été retenus jusqu’à maintenant des dossiers de directrices qui se sont succédé dans un même lycée de province ou de Paris (Niort, Poitiers, Tours, Bourges, Le Puy, Lyon, Marseille et plusieurs lycées parisiens), sachant qu’un nombre plus important de lycées et de collèges sont représentés en raison de la mobilité géographique de ces fonctionnaires.
6 AN, F17 22830. Le directeur de l’enseignement secondaire s’adresse au recteur de l’académie de Poitiers le 29 janvier 1891 pour signaler que l’IA en résidence à Niort « dans son bulletin mensuel des visites faites au lycée de jeunes filles pendant le mois de décembre a signalé le défaut de surveillance à l’arrivée des élèves qui restent abandonnées à elles-mêmes au moment de leur entrée au lycée ». Il demande qu’un avertissement soit adressé à Mlle Lacharrière afin de « lui rappeler que conformément à l’article 4 du règlement du 28 juillet 1884, elle doit surveiller “par un contrôle régulier et personnel l’exécution des mesures prescrites par les règlements”. “Se faire rendre un compte exact de la situation et m’adresser à ce sujet un rapport et s’il y a lieu des propositions” », ajoute le haut fonctionnaire.
7 Arrêté du 28 juillet 1884, Titre 1er, Article 27.
8 AN, F17 22621 B.
9 AN, F17 22067.
10 Voir Fabre Mélanie, « Éduquer pour la République. Jeanne Desparmet-Ruello, une intellectuelle au temps de Jaurès », Cahiers Jaurès, no 235-236, 2020, p. 111-139.
11 AN, F17 24515.
12 AN, F17 22034.
13 AN, F17 23709.
14 Ludovic Martin-Bastard (1935-1915) est maire de Niort de 1884 à 1904, puis de 1908 à 1912. La première pierre du lycée Jean-Macé fut posée en 1896 en présence d’Émile Combes, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts.
15 AN, F17 23 563 A. Mme Bernard-Bret, directrice du collège de Rochefort, a su se concilier à la fois la municipalité et le sous-préfet ; l’IG s’en réjouit dans un rapport de janvier 1913, tout en soulignant qu’elle ne « devra pas perde de vue les difficultés de la politique locale », dont « le conflit latent entre la ville et l’administration préfectorale ». En fréquentant le sous-préfet et son épouse « qui viennent volontiers au collège », elle risque d’apparaître comme trop proche de cet administrateur.
16 AN, F17 24891. Mme Kantzer née Tillet, sévrienne et agrégée dans l’ordre des lettres, est mariée avec un professeur d’histoire. Les conjoins appartiennent à un milieu protestant.
17 Voir Marchand Philippe, « Le recteur Georges Lyon et l’enseignement secondaire féminin dans l’académie de Lille (1903-1924) », dans Condette Jean-François (dir.), Les recteurs. Deux siècles d’engagement pour l’École (1808-2008), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 101-116.
18 Larat Fabrice, « Quelle place pour les vertus dans l’administration publique ? Le rôle de la formation dans le développement d’une culture éthique chez les hauts fonctionnaires », Éthique publique, vol. 15, no 2, 2013. Mis en ligne le 1er mai 2014.
19 AN, F17 24718, dossier Georges Brotier.
20 Mayeur Françoise, op. cit., p. 321. Les directrices en 1907 n’élèvent pas de protestation auprès de la commission extra-parlementaire par rapport à l’obligation d’enseigner et considèrent comme un privilège d’assurer le cours de morale à travers lequel elles peuvent exercer une forte influence sur les élèves.
21 Bulletin trimestriel de l’Association des élèves de Sèvres, mai 1896, discours de Mme Jules Favre lors de la première réunion de l’Association, cité par Mainguy Erwann, Madame Jules Favre née Velten, moraliste et pédagogue. Approche herméneutique de la vie et des écrits de Julie Favre, thèse de doctorat sous la direction de Didier Moreau et Michel Fabre, université de Nantes, 2016, p. 50.
22 AN, F17 22930. À propos de ces questionnaires, voir Genèses, no 113, « La valeur du fonctionnaire », 2018/4.
23 Buisson Ferdinand, Nouveau Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, 1911, article « Morale », édition électronique (2007), IFE-ENS Lyon.
24 Les effectifs de filles ont doublé dans le secondaire en classe de 6e entre 1913 et 1920, ils ont triplé entre 1913 et 1927. Voir Chapoulie Jean-Michel, L’école d’État conquiert la France. Deux siècles de politique scolaire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 192. Pour les années 1930, Prost Antoine, « Morphologie et sociologie des lycées et collèges (1930-1938) », Histoire de l’éducation, no 146, 2016, p. 53-110. « De 1929 à 1938, les effectifs totaux du secondaire public ont augmenté de 62,2 %, avec une croissance plus rapide pour l’enseignement féminin (70,3 %) que pour l’enseignement masculin (58,4 %). »
25 AN, F17 27070. Elle terminera sa carrière comme censeur au lycée Claude-Monet, ravalée au rang de loyale collaboratrice de la directrice.
26 AN, F17 24991. L’IG Vial souligne dans son rapport du 19 décembre 1922 que Mlle Chabrat « sait faire face aux difficultés de la reconstruction du collège », elle a su recréer une ambiance de travail et remettre à l’honneur des principes d’éducation après les dégâts matériels et moraux causés par la guerre.
27 Lucette Lejeune qui enseigne les lettres à Arras dans les années 1930, écrit que la directrice, Mlle Chabrat, souhaite disposer d’un « personnel calé » et encourage les enseignantes à préparer l’agrégation. Lettres aimablement communiquées par Martine Sonnet, qui ont inspiré le documentaire de Bonnefoi Stéphane et Samouiloff Véronique présenté sur France-Culture dans l’émission La Fabrique de l’Histoire le 26 mars 2013, avec Sonnet Martine, Cacouault Marlaine, Chervel André.
28 AN, F17 25507 A. Le recteur reproche à Mlle H. en 1930 d’avoir « engagé des pourparlers avec la Municipalité en vue d’une création d’emploi à l’internat municipal » sans concertation préalable. Elle l’aurait mis devant le fait accompli pour que son action ne soit pas entravée par les « réserves » de son chef. Le fait d’agir de façon trop indépendante lui sera reproché tout au long de sa carrière qui s’achève en 1952.
29 L’internat est un facteur de démocratisation, voir Prost Antoine, « Morphologie et sociologie des lycées et collèges (1930-1938) », art. cité.
30 Voir Gicquel Samuel, « L’académie de Rennes, un bastion de l’enseignement secondaire catholique (xixe-xxe siècle) », Carrefours de l’éducation, no 49, 2020, p. 211-224.
31 Condette Jean François, « Les loisirs dirigés dans les collèges et les lycées (1937-1939). Stimuler l’innovation pédagogique en attendant la réforme éducative », Histoire de l’éducation, no 129, 2011, p. 5-38.
32 Héry Évelyne, « Quand le baccalauréat devient mixte », Clio. Histoire, femmes et sociétés, no 18, 2003, p. 77-90.
33 AN, F17 27869. À propos du lycée Longchamp à Marseille dirigé par Mme M. (née en 1891, agrégée en 1921), l’IG écrit en 1934 dans son rapport que « la paix n’est plus menacée. Les dissensions ont disparu, les clans se sont dispersés. Des élèves sont parties, c’est une bonne chose (elles ne trouvaient plus les facilités auxquelles elles étaient habituées) ». Malgré la croissance des effectifs, la sélection demeure, un examen d’entrée en sixième est instauré en 1933.
34 Condette Jean-François, « Les recteurs du Maréchal. Administrer l’Éducation nationale dans les années noires de la Seconde Guerre mondiale (1940-1944) », dans Condette Jean-François (dir.), Les écoles dans la guerre. Acteurs et institutions éducatives dans les tourmentes guerrières xviie siècle-xxe siècle, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2014, p. 471-525. Gilbert Gidel est évoqué p. 485.
35 Elle sera nommée IG en 1945 et dirigera une ENS de jeunes filles de 1948 à 1961.
36 AN, F17 27345.
37 Voir Cacouault-Bitaud Marlaine, La direction des collèges et des lycées : une affaire d’hommes ? Genre et inégalités dans l’Éducation nationale, Paris, L’Harmattan, 2008, tableaux p. 226-227.
38 AN, F17 26847, rapport de l’IA.
39 Circulaire du 16 février 1953, Bulletin officiel de l’Éducation nationale (BOEN) no 9 du 26 février 1953.
40 AN, F17 30436 B.
41 AN F17 30172 B et AJ16 6018. Dans sa lettre envoyée au directeur général de l’enseignement du second degré le 14 septembre 1956, Mme S.-G. rappelle son statut : « en tant que directrice de lycée chargée des fonctions de censeur (termes de ma nomination) dans l’ensemble des deux lycées, assumant en fait la direction administrative et pédagogique du groupe féminin, je me permets de penser que seule je pouvais assurer la suppléance de Proviseur ordonnateur ».
42 AN, F17 30172 B.
43 AN, F17 28871.
44 BOEN, no 17 du 24 avril 1958 ; pour la circulaire de 1920 : Cros et Devèze, t. I, p. 1246. Citées par Pelage Agnès, Devenir proviseur, thèse de doctorat sous la direction de Claude Dubar, université de Saint-Quentin-en-Yvelines, 1996, p. 46.
45 AN, AJ16 8942. L’IA reconnaît de « brillantes qualités » à cette directrice, mais les juge « ternies par… un caractère impulsif et versatile aux conséquences bien fâcheuses dans cette maison difficile à organiser ».
46 AN, AJ16 8942, rapport de l’IG Voisin en 1953. Ces blouses, portées en alternance une semaine sur deux dans la plupart des lycées de filles, perdurent jusqu’en 1968.
47 Bantigny Ludivine, « De la modernité dans les lycées des années 1950. L’adaptation de la culture lycéenne au “monde moderne” », dans Caspard Pierre, Luc Jean-Noël et Savoie Philippe (dir.), Lycées, lycéens, lycéennes, deux siècles d’histoire, Paris, Institut national de la recherche pédagogique, 2005, p. 269-281.
48 Les classes nouvelles (1946-1952) mises en place dans le premier cycle sous l’égide de Gustave Monod comptaient 25 élèves et plusieurs professeurs étaient incités à pratiquer une pédagogie active.
49 AN, AJ16 6049. Les classes pilotes font suite aux classes nouvelles, voir Bantigny Ludivine, « De la modernité dans les lycées des années 1950. L’adaptation de la culture lycéenne au “monde moderne” », art. cité, p. 270-271. Des directrices sont convoquées (le terme est significatif) à des stages organisés au lycée pilote de Sèvres.
50 Dans les dossiers examinés de directrices en activité dans les années 1960, ce type de suggestion émane des inspectrices, Mmes Brunschwig et Courtin. Nous ne saurions tirer de conclusion en l’absence d’une étude plus large, mais il est intéressant de le noter.
51 AN, AJ16 6159. La directrice d’un lycée parisien qui demande la nomination d’une surveillante générale qu’elle connaît déjà, se voit rappeler sèchement en 1966 que les surveillants généraux ou les surveillantes générales sont choisi·e·s parmi les candidat·e·s inscrit·e·s sur une liste d’aptitude et « titularisés à l’expiration d’un stage de deux ans ». Réponse du directeur des personnels d’enseignement, général, technique et professionnel.
52 AN, AJ16 6159, Mme S., lycée parisien, 1957-1958.
53 Porcher Pierre évoque cette question pour les années 1930, au lycée Jules-Ferry, dans son mémoire de master 2, Naissance et prospérité d’un lycée parisien de jeunes filles. Administrer, éduquer et travailler, 1912-1940, Paris-Sorbonne, 2013, p. 225-226. Des échanges de courriers indiquent qu’elle reste d’actualité dans les années 1950-1960.
54 AN, F17 28483. Mme G. prend sa retraite en 1965, elle a demandé une prolongation d’un an parce qu’elle a élevé trois enfants.
55 Télex du directeur des personnels, 4 novembre 1968.
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