« L’inspectorat en jupons et en chapeau à plumes1 ». La difficile affirmation des inspectrices primaires (1891-1914)
p. 227-258
Texte intégral
« Madame l’inspectrice se prononcera sur la valeur d’une institutrice et en connaissance de cause. Car on sait sa science, sa supériorité. Elle a son certificat. Un parchemin, c’est chose sacro-sainte […]. Il prouve aussi l’existence de ces qualités intérieures : la délicatesse, la vivacité d’analyse, la sûreté du coup d’œil, la pénétration d’esprit, la bonté, la tendresse de cœur nécessaires à qui contrôle la vie intellectuelle et morale de ses semblables […]. On a toutes sortes de garanties contre la rédaction d’un rapport où Madame l’inspectrice impute à crime l’application de principes mal compris par elle. L’amour du détail, la recherche de la petite bête, le désir de tatillonner, la manie d’étaler son savoir, l’excès d’irritabilité nerveuse : madame l’Inspectrice est à l’abri de tous ces défauts. Il est entendu qu’elle est impeccable. Il ne peut pas se faire qu’elle transforme l’inspection féminine en féminine taquinerie, peut-être même en despotisme féminin – le pire de tous. Du jour où Madame l’inspectrice aura sa nomination en poche, dare-dare, dans son cerveau, le sentiment cédera la place à la raison, la passion au sang-froid… C’est un charme. C’est un ensorcellement. Madame l’inspectrice, aussitôt choisie, prend de l’ascendant, de l’autorité morale sur les institutrices2. »
1C’est le futur inspecteur général Édouard Petit3, cheville-ouvrière de la relance de l’éducation populaire républicaine entre 1896 et 1914 qui, dans L’École moderne (1892), dénonce de manière ironique l’accès des femmes à l’inspection primaire, un an après la nomination de la première inspectrice, Jeanne Dejean de la Bâtie, en Seine-et-Oise en 1891. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, elles ne sont jamais plus de cinq à exercer ces fonctions en même temps alors que le corps compte plus de 450 inspecteurs primaires. Dès 1888 d’ailleurs, le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, dans la série d’articles consacrés aux inspections, notait dans celui consacré aux inspectrices primaires que théoriquement, « on ne voit pas pourquoi ce serait nécessairement à des inspecteurs hommes que devrait appartenir à tout jamais, le contrôle de l’enseignement des filles. En supposant que des femmes se présentent aux examens de certificat d’aptitude à l’inspection primaire, on ne voit pas de quel droit ce titre, si elles le conquièrent à l’examen, pourrait leur être refusé4 ». Mais l’auteur prévoit des difficultés pratiques, « d’abord et essentiellement la nouveauté de l’institution qui effraie, ou tout du moins qui surprend et alarme ; on se demande comment se ferait le départ des attributions entre l’inspecteur de l’arrondissement et l’inspectrice, si elle existait à côté de lui ou au même titre que lui ». Des questions de « convenance5 » se posent aussi dans un métier ambulant, l’inspecteur parcourant villes et campagnes sans cesse, alors que l’on revient aussi sur les possibles difficultés de ces pionnières à établir le contact avec les autorités locales pour les affaires administratives, elles qui ne sont pas citoyennes. Si l’historienne Linda L. Clark a déjà travaillé sur les premières inspectrices primaires à la fois dans un ouvrage6 et dans un article de la revue French Historical Studies7, nous proposons ici de revenir sur cette difficile apparition des femmes dans la profession d’inspecteur primaire entre 1891 et 1914. Par l’étude des dossiers de carrière des huit titulaires avant 1914, nous dégagerons ensuite leurs principales caractéristiques avant d’insister sur l’importance des oppositions rencontrées dans la profession même, ces « pionnières » devant faire leurs preuves dans leur métier au quotidien. Pour ce qui est de leur possible engagement dans les combats féministes et dans la vie de la cité, nous renvoyons aux travaux de Linda L. Clark.
L’inspection primaire, une fonction longtemps interdite aux femmes
2Dans le lent processus d’affirmation d’une École d’État8, à partir de la fondation des lycées en 1802 puis de la création de l’Université impériale en 1806-1808, donnant naissance à une administration de l’Instruction publique fondée sur le découpage en académies, dirigées par un recteur9 aidé par des inspecteurs d’académie qui sont départementalisés en 185410, l’enseignement secondaire est longtemps privilégié. Les inspecteurs généraux, nés en même temps que les lycées (1802)11, pour être « en quelque sorte l’œil du gouvernement toujours ouvert dans les écoles », selon les propos de Fourcroy, inspectent, stimulent et surveillent les collèges et les lycées alors que les chefs d’établissement, localement, sont des relais majeurs des volontés centrales12.
L’école primaire aux hommes, la maternelle aux femmes
3Si l’école primaire est constamment placée dans une position d’interface entre le local et le central, par le pouvoir important confié aux municipalités, aux comités et notables locaux, on assiste également au cours du xixe siècle à l’affirmation progressive des prérogatives de l’État sur la filière primaire. « Le temps des pouvoirs locaux13 » est peu à peu contrarié par l’imposition d’un cadre plus uniforme qui espère mettre en place une école plus efficace. Les grandes lois scolaires viennent imposer des obligations croissantes aux familles et aux communes (loi Guizot du 28 juin 1833 ; loi Falloux du 15 mars 1850 ; loi Duruy du 10 avril 1867 ; lois Ferry du 16 juin 1881 et du 28 mars 1882 ; loi Goblet du 30 octobre 1886). Dans le même temps, par de multiples textes, les programmes sont mieux définis, les méthodes pédagogiques plus explicitées14 alors que l’on règlemente aussi les constructions scolaires, les normes d’hygiène mais aussi les règles disciplinaires. L’effort est le même dans les modalités de recrutement puis de formation des maîtres et des maîtresses par l’imposition progressive des écoles normales primaires comme outil de formation et de normalisation des savoirs, des méthodes et des croyances15. La gestion des carrières est, de même, encadrée. Les valeurs qui animent les enseignantes et enseignants sont aussi précisément définies16.
4Pour vérifier l’application locale des décisions nationales, pour évaluer les maîtres et les maîtresses du primaire mais aussi pour les conseiller et les défendre face aux possibles cabales locales, la monarchie de Juillet crée le corps des inspecteurs primaires par l’ordonnance du 26 février 1835 qui établit dans chaque département, un « inspecteur spécial de l’instruction primaire17 ». L’ordonnance du 13 novembre 1837 crée ensuite des postes de sous-inspecteurs, recrutés parmi les régents et principaux de collèges ou parmi les instituteurs dotés du brevet supérieur, pour épauler cet inspecteur bien trop seul dans son département alors que celle du 18 novembre 1845 s’attache à organiser la carrière de l’inspecteur primaire et organise les modalités de son recrutement par un examen spécial18. La fonction est ouverte aux sous-inspecteurs et aux directeurs d’école normale. L’arrêté du 12 mai 1846 relève que l’examen comprend une épreuve reposant sur un rapport écrit concernant une affaire d’école et sur des questions orales sur la pédagogie et l’administration. La loi Falloux du 15 mars 1850 décide ensuite qu’il y aura un inspecteur primaire par arrondissement.
5Le décret et l’arrêté du 5 juin 1880 réorganisent ensuite le recrutement des inspecteurs primaires et décident de la création d’un certificat d’aptitude à l’inspection primaire (CAIP) et à la direction des écoles normales, reposant sur deux épreuves écrites et, après détermination de la liste des admissibles, sur deux épreuves orales accompagnées d’une épreuve pratique de visite de classe. Le décret et l’arrêté du 18 janvier 1887 modifient quelque peu l’examen en gardant la même philosophie des épreuves19. Certaines facultés proposent des préparations à ces certifications comme Georges Lefèvre, professeur de la science de l’éducation à Lille au sein de son institut de pédagogie à partir de 189920. Une revue apparaît également, L’Inspection primaire. Organe de préparation professionnelle, fondée en janvier 190721, et qui propose tous les deux mois, un bulletin contenant des « conseils aux candidats », des sujets à réaliser, des sujets corrigés, des fiches de lecture en fonction de « la liste des auteurs à expliquer à l’examen22 ». On y trouve des extraits de Jean-Jacques Rousseau (Émile), de madame Necker de Saussure (L’éducation progressive), de Pestalozzi (Comment Gertrude instruit ses enfants), de Kant (Traité de pédagogie), de Fichte (Discours à la nation allemande), d’Alexander Bain (La science de l’éducation), d’Herbert Spencer (De l’éducation), d’Octave Gréard (Éducation et instruction) ou d’Émile Boutroux (Questions de morale et d’éducation), grands classiques de la formation dans les écoles normales. On y publie également la liste des admissibles et des admis. Le numéro de janvier-février 1909 indique par exemple les résultats de la session d’examen d’octobre 1908 et relève 49 hommes et 6 femmes admissibles pour 32 hommes et 4 femmes admises23. Les admises n’ont donc pas toutes un poste car aucun des noms n’est dans la liste des huit titulaires avant 1914.
6Les femmes sont, dès la monarchie de Juillet, en charge de l’inspectorat des salles d’asile, qui deviennent en 1881 les écoles maternelles et personne ne conteste leur rôle sur la petite enfance, la fonction de maîtresse de maternelle tenant beaucoup du rôle de mère24. Par l’ordonnance du 22 décembre 1837, sous le nom de « dames déléguées spéciales » ou « déléguées générales des salles d’asile », ce sont en effet des femmes qui inspectent ces structures de la petite enfance qui sont longtemps d’immenses garderies abritant les enfants des familles ouvrières. En 1837, madame Chevreau-Lemercier est ainsi nommée déléguée générale des salles d’asile25, comme l’est ensuite Henriette Doubet puis Marie-Pape-Carpantier26. Le décret du 2 août 1881 relatif « à l’enseignement, au personnel et à l’inspection des écoles maternelles » crée pour surveiller, contrôler et dynamiser le nouvel enseignement maternel, les fonctions d’inspectrices générales et d’inspectrices départementales des écoles maternelles (article 6)27. Les inspectrices générales doivent avoir au moins 35 ans, disposer de cinq ans de service dans l’enseignement public ou libre et être pourvues du brevet supérieur, du certificat d’aptitude à la direction des écoles maternelles et du certificat d’aptitude à l’inspection des écoles maternelles. Les inspectrices départementales (article 8) doivent être âgées d’au moins 30 ans, disposer de trois ans d’enseignement dans l’enseignement public ou libre et être dotées du brevet supérieur ou du brevet élémentaire et du certificat d’aptitude pédagogique, du certificat d’aptitude à la direction des écoles maternelles et du certificat d’aptitude à l’inspection des écoles maternelles. Ce certificat d’aptitude est redéfini par l’article 9 autour d’une composition écrite sur un sujet de pédagogie appliquée aux écoles maternelles et sur une épreuve orale portant sur des questions de législation et d’administration concernant ce niveau scolaire ainsi que d’une épreuve pratique d’inspection avec rédaction d’un rapport. Le décret du 23 décembre 1882 vient ensuite imposer la possession du certificat d’aptitude à l’inspection primaire et à la direction des écoles normales pour les candidates à l’inspection maternelle avant que la loi Goblet (1886) ne rétablisse le certificat d’aptitude à l’inspection des écoles maternelles. Pauline Kergomard, déléguée générale des salles d’asile (1879-1881), devient la première femme inspectrice générale des écoles maternelles (1881-1917)28. En 1884, elles sont quatre, tout comme en 1912.
L’ouverture républicaine de l’inspectorat primaire aux femmes
7L’enjeu n’est pas le même dès qu’il s’agit de concurrencer les hommes dans le champ de l’enseignement primaire, entre 6 et 13 ans, dont l’inspection n’est confiée qu’à des hommes depuis 1835. L’ouverture aux inspectrices est tardive, prudente et difficile. Dans la séance du 13 mars 1879 à la Chambre des députés, le député de l’Ardèche Arthur Chalamet propose, au nom de la Commission de l’instruction primaire de l’Assemblée nationale, de créer des inspectrices en nombre égal à celui des inspecteurs, dédoublant ainsi chaque poste entre écoles de garçons et écoles de filles. Les femmes peuvent théoriquement entrer dans la fonction inspectorale en vertu de l’article 4 du décret du 23 décembre 1882. Leur est réservée l’inspection spéciale des écoles de filles et des écoles maternelles. Il n’y a pas, cependant de mouvement de nomination de femmes. La loi organique du 30 octobre 1886 ne mentionne que des inspecteurs (article 10). Le titre II du décret du 18 janvier 1887 « ayant pour objet l’exécution de la loi organique de l’enseignement primaire » du 30 octobre 1886 s’intéresse aux titres nécessaires pour exercer dans le primaire29. L’article 110 relève ainsi que
« les aspirants au certificat d’aptitude à l’inspection des écoles primaires et à la direction des écoles normales doivent être âgés de 25 ans révolus au moment de leur inscription, justifier de cinq ans d’exercice au moins dans les établissements publics d’enseignement supérieur, secondaire ou primaire et être pourvus d’un des titres suivants : certificat d’aptitude au professorat, licence ès lettres ou es sciences, certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire spécial, baccalauréat ès lettres et baccalauréat ès sciences, ou à défaut de ce dernier, baccalauréat de l’enseignement secondaire spécial. Les aspirantes à la direction des écoles normales doivent remplir les mêmes conditions que les aspirants30 ».
8L’article 129 fixe les missions de l’inspecteur :
« Ils inspectent les écoles primaires publiques et privées de leur circonscription. Ils assistent avec voix délibérative aux réunions des délégués cantonaux […]. Ils font partie de droit de toutes les commissions scolaires de leur circonscription […]. Ils président les conférences cantonales d’instituteurs et les commissions d’examen […] ; ils instruisent toutes les affaires relatives à la création ou à la construction des écoles publiques, à l’ouverture des écoles privées, des classes d’adultes ou d’apprentis, à l’établissement des caisses des écoles, aux demandes formées par les instituteurs publics et aux déclarations faites par les instituteurs privés à l’effet d’ouvrir un pensionnat primaire. Ils donnent leur avis sur la nomination et l’avancement des instituteurs et des institutrices des écoles publiques, sur les récompenses à accorder ou les peines disciplinaires à infliger au personnel enseignant31. »
9Les femmes n’apparaissent spécifiquement que pour les écoles maternelles et demeurent, sinon, comprises dans le terme générique d’« inspecteur ». Dans son article 22, la loi sur « les dépenses ordinaires de l’instruction primaire publique et les traitements du personnel de ce service » du 19 juillet 1889 relève que « des inspectrices primaires pourront désormais être nommées aux mêmes conditions et dans les mêmes formes que les inspecteurs32 ». Mais il n’y a pas de nomination de femmes.
10Dès lors, le ministre Léon Bourgeois, devant tant de résistance, fait signer au président de la République Sadi Carnot, le décret du 17 janvier 1891 qui réaffirme la nécessité de nommer des femmes aux postes d’inspection primaire mais qui, dans le même temps réduit les compétences des inspectrices primaires33. Elles sont exclues de l’inspection des écoles de garçons (les hommes, eux, continuent à pouvoir inspecter les écoles de filles) ; les affaires relatives à la création des écoles publiques, à l’ouverture des écoles privées, des classes d’adultes ou d’apprentis, les demandes d’ouverture de pensionnats primaires restent dans la main des hommes. Elles n’obtiennent ici que les affaires pédagogiques et la gestion des carrières des institutrices. Comme le note Léon Bourgeois dans son rapport au président de la République, « pour pouvoir faire passer cette disposition législative dans la pratique, deux conditions étaient nécessaires : il fallait déterminer les garanties de capacité qui donneraient accès aux fonctions d’inspectrice primaire et ensuite régler les attributions qui leur seraient conférées34 ». Il n’est pas question de créer un emploi d’inspectrice par arrondissement ou par département. « Dans certains cas à déterminer, la suppression d’un des postes d’inspecteur du département et son remplacement par un poste d’inspectrice » sera envisagée. Un cadrage spécifique de la fonction pour les femmes est mis en place :
« Le rôle de l’inspectrice ne pourra être en tout point identique à celui de l’inspecteur. Là où sera nommée une inspectrice, il importe que son champ d’action et son mode d’action soient exactement déterminés de manière à prévenir autant que possible entre elle et les inspecteurs primaires tout conflit d’attributions. Le Conseil supérieur a estimé que la circonscription des inspectrices devrait être fixée par le ministre et que si les attributions pédagogiques sont d’une manière générale les mêmes que celles des inspecteurs, il conviendrait de laisser aux inspecteurs seuls les questions contentieuses et administratives ayant trait soit à l’ouverture des écoles privées, soit aux créations des écoles, soit aux constructions et réparations d’immeubles scolaires et, en général, aux relations de l’autorité universitaire avec les municipalités. Le principal effort de l’inspectrice devra porter sur la partie pédagogique de sa tâche, sur l’organisation et la surveillance des travaux manuels dans les écoles de filles, sur les principes d’éducation morale et, accessoirement, sur toutes les études et toutes les enquêtes ou informations spéciales dont le recteur ou l’inspecteur d’académie pourra la charger dans les établissements publics et privés d’instruction primaire et professionnelles de jeunes filles35. »
11Dès lors, le décret du 17 janvier 1891 décide, dans son article 3 que
« les inspectrices primaires inspectent les écoles de filles, les écoles mixtes et les écoles maternelles, tant publiques que privées de leur circonscription. Elles assistent avec voix délibératives aux réunions des délégués cantonaux. Elles dirigent les enquêtes et instruisent les affaires dont elles sont chargées par l’inspecteur d’académie. Elles donnent leur avis sur la nomination et l’avancement des institutrices ainsi que sur les récompenses à accorder ou les peines disciplinaires à infliger au personnel des écoles de filles et des écoles maternelles36 ».
12En 1911, mademoiselle Ginier, inspectrice primaire à Paris, publie un article dans la Revue pédagogique qui réfute les arguments que l’on oppose à la nomination des femmes dans les postes d’inspectorat, tout en exigeant de l’État un effort37. Elle réclame le recrutement de nombreuses inspectrices départementales des écoles maternelles. « La besogne est grosse. L’inspection féminine des écoles maternelles n’existe encore que dans quatre départements : la Seine, la Seine Inférieure, l’Isère et le Gard. » Elle en vient alors à l’inspection féminine des écoles primaires de filles. Elle note qu’en 1911, les inspectrices primaires sont quatre : trois dans la Seine et une en Seine-et-Oise.
« Le fait conquiert depuis quelque temps l’attention de membres du Parlement, de membres des commissions du budget de la Chambre des députés et du Sénat. Dans son remarquable rapport sur le budget de 1909, le sénateur Maurice Faure, après avoir rappelé le paragraphe 3 de l’article 22 précité a écrit : “il est inutile d’insister sur la portée morale et sociale de cet article. L’inspection d’une école de filles est extrêmement délicate ; elle exige la culture intellectuelle nécessaire à tout inspecteur ; elle implique en outre la connaissance profonde et vécue des exigences de la santé physique et morale des jeunes écolières. Des femmes sont spécialement aptes à remplir une pareille tâche”. […] Pourquoi les femmes, spécialement aptes à l’inspection des écoles des filles ne sont-elles pas plus vite chargées de cette tâche ? Pourquoi l’inspection primaire féminine demeure-t-elle à l’état embryonnaire ? […] La force d’une tradition, vieille comme le monde, qui réserve aux hommes les fonctions d’autorité. Eux-mêmes estiment qu’elles leur appartiennent de naissance et ils s’emploient avec énergie à se les conserver sans exception ; quant à leurs subordonnées, elles sont en majorité loin de désirer passer sous l’autorité d’inspectrices qui leur sont représentées, on ne sait pourquoi, ou plutôt si, on le sait, comme dépourvues d’indulgence et d’esprit de justice, sans fermeté, sans compréhension, tatillonnes, de jugement étroite et mesquin […]. Autre cause, la situation générale de la femme qui la condamne à attendre patiemment et longtemps l’action des pouvoirs publics au lieu d’en provoquer l’initiative et d’en hâter les effets. Les femmes n’ayant pas le droit de suffrage, ne peuvent demander avec autorité, elles ne peuvent que recevoir avec reconnaissance38. »
13Marguerite Ginier liste alors l’ensemble des idées avancées par les inspecteurs pour contrer la promotion des femmes dans la fonction. Ils argumentent sur la nécessité de sauvegarder l’unité du primaire, leur inspection permettant d’avoir une idée globale du système alors que si l’enseignement primaire féminin est confié aux femmes, on le scinde en deux filières. Elle combat alors ces idées, usant d’arguments genrés. « Il nous faudrait de vraies écoles de filles, une éducation vraiment féminine, conforme à la nature de la femme, profondément conçue et réalisée en vue de son rôle dans la famille et dans la société39. » Elle relève que les femmes sont très bien placées pour donner des conseils et évaluer les résultats d’un certain nombre d’enseignements qui sont constitutifs des écoles de filles comme les travaux d’aiguille et l’enseignement ménager mais aussi l’enseignement moral et « les délicates questions de la conduite proprement féminine […], de l’avertissement à donner au moment de la puberté40 ».
« Au point de vue du personnel enseignant, l’administration des femmes ne serait-elle pas aussi préférable à celle des hommes ? Ne serait-il pas infiniment utile que ce fût une inspectrice qui visitât les institutrices isolées dans les postes ruraux ? La causerie qui suit la visite de la classe pourrait atteindre un degré de confiance, d’une part, de cordialité d’autre part, que la différence des sexes ne saurait permettre […]. Que les institutrices soient jeunes ou d’âge mûr, jolies ou mal favorisées de la nature, aimables dans leurs mouvements ou gauches, il importe peu. Ce qui importe, c’est l’œuvre faite, la bonne volonté sérieuse et éclairée qu’on y dépense avec zèle. Devant un inspecteur, quelques institutrices croient pouvoir mobiliser leur beauté, leur grâce, la séduction de leurs minauderies comme moyens d’être mieux notées. Et elles jouent de tout cela avec ou sans succès. Cette comédie n’aurait plus sa raison d’être avec une inspectrice41. »
14À mots couverts, elle aborde ici les possibles pressions exercées par un supérieur hiérarchique homme sur ces institutrices isolées et dépendantes. Il est aussi plus sain qu’une femme conseille une autre femme sur « les maux du corps », sur « l’organisation de leur vie double et triple, de fonctionnaire, de femme et de mère ».
Mesure d’une faible ouverture (1891-1922)
15Le travail sur les Annuaires de l’Instruction publique, pour trois années (1900, 1913 et 1922), montre le faible degré d’ouverture de la fonction aux femmes avant la Première Guerre mondiale, en indiquant, département par département, la liste des titulaires. Les femmes sont 3 sur 455 postes en 1900 (0,65 %), 5 sur 462 postes en 1913 (1,08 %) et 10 sur 483 postes d’inspection primaire (2,07 %) en 1922 selon cette source. Selon Linda L. Clark, elles étaient 15 en 1915, la Première Guerre mondiale ayant rendu impossible le passage du certificat d’aptitude pour les hommes, ces derniers étant très fortement mobilisés dans les armées, comme les inspecteurs primaires en poste d’ailleurs (un tiers environ). Dès 1919 cependant, 5 d’entre elles repartent vers la direction d’école normale et elles ne sont de nouveau 15 qu’en 1929 puis 27 à la veille de la Seconde Guerre mondiale42.
16Avant 1914, les Annuaires montrent l’implantation différentielle des postes d’inspection primaire, très liée à la densité de population et donc d’écoles des départements concernés. De très nombreux départements ont de 3 à 7 postes d’inspection primaire. La Seine en possède 20 en 1900 et 22 en 1913 comme en 1922. La Seine-Inférieure en à 8 en 1900 puis 7 en 1913 et 1922. Le département du Nord en compte 10 en 1900 et 11 en 1922, le Pas-de-Calais en ayant tout au long de ces années 9, pour 8 dans la Somme. Pour l’année 1922, il faut noter le retour des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin au sein d’une nouvelle académie de Strasbourg, avec respectivement 10 et 11 postes.
17L’implantation géographique des premières inspectrices est très ciblée avec deux départements concernés : la Seine-et-Oise et la Seine où elles sont quelque peu noyées dans la masse (20 à 22 postes d’inspection primaire dans la Seine et 7 en Seine-et-Oise). Il faut attendre l’Annuaire de 1922 pour voir apparaître des inspectrices en province. Les « Parisiennes » sont alors 3 (mesdames Potel, Ginier et Leloutre) alors que l’on trouve 7 « provinciales » : mademoiselle Anglès (Bouches-du-Rhône, Marseille), madame Auriol (Gironde, Bordeaux 1re), mademoiselle Benquet (Landes, Saint-Sever), madame Preux (Ardennes, Sedan), madame Goby (Loire, Montbrison), mademoiselle Roug (Charente-Inférieure, Marennes) et madame Chenon-Thivet (Ille-et-Vilaine, Vitré). La moitié des inspectrices nommées avant 1914 sont nées dans la Seine, à Paris.
18Si la première inspectrice est nommée en février 1891 en Seine-et-Oise, elles ne sont jamais plus de 5 à exercer en même temps avant la Première Guerre mondiale alors que l’on compte plus de 450 inspecteurs primaires. Si l’on synthétise les données, nous avons 8 femmes inspectrices primaires entre 1891 et 1914 dont les postes se répartissent ainsi :
Tableau 1. – Les huit nominations de femmes à un poste d’inspection primaire avant 1914.
Prénoms et nom | Date de naissance | Postes successifs d’inspectrice primaire |
Dejean de la Bâtie Jeanne Adèle | Née le 10 janvier 1858 à Ivry (Seine) | Seine et Oise à 33 ans (février-1891-mai 1896) ; Seine (mai 1896-octobre 1897) |
Ginier Marguerite | Née le 27 juillet 1861 à Paris (Seine) | Seine (18 septembre 1904-1922) à 43 ans |
Kieffer Marie Eugénie | Née le 2 janvier 1858 à Paris (Seine) | Seine et Oise (1er octobre 1905) à 47 ans ; Seine (30 mars 1912-1915) |
Leloutre Laure Élise | Née le 11 septembre 1863 à Mulhouse (Haut-Rhin) | Seine et Oise (30 mars 1912) à 49 ans ; Seine (30 mai 1919-mai 1925) |
Merlet Louise Charlotte | Née le 7 août 1845 à Valence (Drôme) | Seine et Oise (1er juin 1894-1905) à 49 ans |
Potel Jeanne Marie | Née 18 avril 1867 à Limoges | Seine (1909-1929) à 42 ans |
Rauber Marie | Née le 23 avril 1857 à Paris (Seine) | Seine-et-Oise (10 novembre 1892) à 35 ans ; Seine (20 février 1895-1909) |
Saffroy Lucie | Née le 26 octobre 1855 à Auxerre (Yonne) | Seine (1897-1920) à 42 ans |
19La première nomination, en 1891, de Jeanne, Adèle, Dejean de la Bâtie est fortement observée et son insertion sur le terrain préparée par la haute administration43. Louis Liard, directeur de l’enseignement supérieur, écrit au ministre le 6 mars 1891 : « vous m’avez invité à vous adresser des propositions pour déterminer la circonscription qu’il y aurait lieu d’attribuer à madame Dejean de la Bâtie, nommée inspectrice primaire à Versailles44 ». Il relève alors : « La nomination de madame Dejean de la Bâtie a soulevé quelque émotion et provoqué des inquiétudes dans le personnel des inspecteurs de Seine-et-Oise. On n’est pas encore familiarisé avec l’initiative. La création d’une circonscription particulière pourrait provoquer des conflits. Pour laisser aux esprits le temps de se calmer, je serais d’avis de charger madame Dejean d’une mission d’inspection dans un certain nombre des écoles de filles des trois départements circonvoisins de la Seine : Oise, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne. »
20Mais cette solution n’est pas retenue et, dans une nouvelle lettre de Louis Liard au ministre le 1er avril 1891, après discussion avec l’inspecteur d’académie de Seine-et-Oise, il propose une solution, autorisant aussi l’inspectrice à continuer à résider à Paris car elle s’est engagée à aller à Versailles toutes les fois que les besoins du service l’exigeront. Les circonscriptions de Seine-et-Oise les plus voisines de Paris sont les plus chargées en écoles45.
Tableau 2. – Les effectifs de classes à inspecter pour la Seine-et-Oise selon les circonscriptions.
Classes | Dont publiques | |
Versailles 1 | 569 | 300 |
Versailles 2 | 494 | 250 |
Pontoise | 470 | 297 |
Corbeil | 405 | 240 |
Rambouillet | 275 | 207 |
Mantes | 229 | 172 |
Étampes | 182 | 132 |
21Louis Liard propose de la faire intervenir dans les circonscriptions de Versailles 1, de Pontoise et de Versailles 2. Il affine encore son analyse ensuite, en accord avec l’inspecteur d’académie et propose « d’attribuer à madame l’inspectrice les écoles de filles, les écoles mixtes dirigées par des institutrices et les écoles maternelles des cinq cantons suivants » :
Tableau 3. – Les effectifs de classes à inspecter pour madame Dejean de la Bâtie.
Cantons | Classes publiques | Classes privées | Total | |
Circonscription de Pontoise | Montmorency | 38 | 61 | 99 |
Écouen | 17 | 27 | 44 | |
Circonscription de Versailles 1 | Sèvres | 25 | 53 | 78 |
Marly | 25 | 24 | 49 | |
Circonscription de Versailles 2 | Gonesse | 7 | 12 | 19 |
Total | 112 | 177 | 289 |
22Les enjeux sont donc forts pour que le vice-recteur de l’académie de Paris en personne, intervienne en liaison directe avec le ministre, afin de répartir au mieux les espaces dans lesquels la première inspectrice primaire va travailler.
Parcours de vie et parcours professionnels des premières inspectrices primaires
23Ces huit premières inspectrices primaires sont des enseignantes mais aussi, le plus souvent, des administratrices confirmées, ayant dirigé des structures éducatives, en particulier des écoles normales ou des écoles primaires supérieures. Elles sont aussi fortement diplômées mais essentiellement au sein de la filière primaire.
Des femmes très diplômées issues de la filière primaire
24Le décret et l’arrêté du 5 juin 1880 réorganisent le recrutement des inspecteurs primaires et décident de la création du certificat d’aptitude à l’inspection primaire (CAIP) et à la direction des écoles normales, reposant sur deux épreuves écrites et, après détermination de la liste des admissibles, sur deux épreuves orales accompagnées d’une troisième épreuve qui est une épreuve pratique de visite de classe. Le décret et l’arrêté du 18 janvier 1887 ensuite, réorganisent ce certificat d’aptitude en gardant la même philosophie. Le rapport de Léon Bourgeois au président de la République, qui accompagne le décret du 17 janvier 1891, prend le temps de redéfinir les conditions d’accès à la fonction. Il est d’avis d’appliquer aux inspectrices « le régime actuellement en vigueur pour les inspecteurs, c’est-à-dire d’exiger un seul et même titre, soit pour l’inspection des écoles primaires soit pour la direction des écoles normales ». Il faut ou « le titre de professeur d’école normale (ou une licence reconnue équivalente) pour être admise à se présenter aux fonctions d’inspecteur ou d’inspectrice, où à celles de directeur ou directrice d’école normale46 ». Le décret du 17 janvier 1891 dès lors impose aux aspirantes aux fonctions d’inspectrices de l’enseignement primaire, la possession du certificat d’aptitude à l’inspection primaire et à la direction des écoles normales institué par l’article 106 du décret du 18 janvier 1887. Le décret du 31 juillet 1897 double ensuite le temps de pratique de l’enseignement nécessaire le faisant passer de cinq à dix ans (tableau 4).
25Les huit inspectrices ont parcouru l’ensemble du cursus diplômant de la filière primaire. Elles sont toutes titulaires du brevet élémentaire puis du brevet supérieur ainsi que du certificat d’aptitude permettant d’enseigner dans le primaire. Elles sont toutes aussi lauréates du certificat d’aptitude à l’enseignement dans les écoles normales et cinq d’entre elles (Ginier, Kieffer, Leloutre, Potel et Saffroy) sont passées par les formations de la nouvelle École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses ouverte en 1880 (décret du 13 juillet 1880)47, madame Dejean de la Bâtie en devenant la directrice mais sans y avoir été formée. Toutes ont aussi réussi le certificat d’aptitude à la direction des écoles normales et à l’inspection primaire. Ces cursus solides sont cependant marqués par un cloisonnement au sein de la filière primaire avec peu ou pas de contact avec les études secondaires et encore moins supérieures. Elles sont cependant trois à avoir une certification secondaire. Jeanne Dejean de la Bâtie a complété son cursus par l’obtention du certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire des jeunes filles en lettres (1883) puis par la réussite à l’agrégation des lettres (1885). Jeanne, Marie Potel possède le certificat d’aptitude à l’enseignement de l’anglais dans les lycées et collèges (1896). Lucie Saffroy est la seule bachelière qui a aussi suivi des études à l’université y obtenant sa licence en 1909.
Tableau 4. – Le cursus diplômant des inspectrices primaires (1891-1914).
Prénoms et nom | Diplômes, certificats obtenus |
Dejean de la Bâtie Jeanne | Brevet supérieur (1879) ; certificat pour l’enseignement de la coupe (1879) ; certificat d’aptitude pour l’enseignement des lettres dans les écoles normales (1879) ; certificat d’aptitude à la direction des écoles normales et à l’inspection primaire (1883) ; certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire des jeunes filles en lettres (1883) ; agrégation des lettres (1885). |
Ginier Marguerite | Brevet élémentaire (1878) ; brevet supérieur (1880) ; école normale supérieure de Sèvres ; certificat d’aptitude au professorat dans les écoles normales en lettres (juillet 1883) ; certificat d’aptitude à la direction des EN et à l’inspection des écoles primaires (juillet 1886). |
Kieffer Marie Eugénie | Brevet élémentaire (1881), brevet supérieur (1883) ; certificat d’aptitude pédagogique (1884) ; élève à l’école Pape-Carpantier de Sceaux (janvier 1885-juillet 1885) ; élève de l’ENS de Fontenay-aux-Roses (juillet 1885-juillet 1887) ; certificat d’aptitude au professorat des écoles normales en lettres (1887) ; certificat d’aptitude à la direction des EN et à l’inspection des écoles primaires (1889). |
Leloutre, Laure Élise | Brevet élémentaire (1879) ; brevet supérieur (1882) ; certificat d’aptitude pédagogique (1883) ; élève de l’école normale supérieure de Fontenay-aux-Roses (septembre 1883-juillet 1885) ; certificat d’aptitude au professorat des écoles normales en sciences (1885) ; certificat d’aptitude à la direction des écoles normales et à l’inspection des écoles primaires (1892). |
Merlet Louise Charlotte | Brevet élémentaire ; brevet supérieur (1865) ; certificat d’aptitude pédagogique (1881), certificat d’aptitude à l’inspection des écoles maternelles (1881) ; certificat d’aptitude au professorat des écoles normales (décembre 1893) ; certificat d’aptitude à la direction des écoles normales et à l’inspection primaire (2 octobre 1893). |
Potel Jeanne Marie | Brevet élémentaire (1883) ; brevet supérieur (1886) ; certificat d’aptitude pédagogique (1887) ; élève de l’ENS de Fontenay-aux-Roses (1890-1892) certificat d’aptitude au professorat des écoles normales en lettres (1892) ; certificat d’aptitude à l’enseignement de l’anglais dans les EN et les EPS (1894) ; certificat d’aptitude à l’enseignement de l’anglais dans les lycées et collèges (1896) ; certificat d’aptitude à la direction des EN et à l’inspection primaire (1902). |
Rauber Marie | Brevet élémentaire (1873) ; brevet supérieur (1876) ; certificat d’aptitude à la coupe et à l’assemblage des vêtements (1881) ; certificat d’aptitude au professorat des écoles normales (1881) ; certificat d’aptitude à la direction des écoles normales et à l’inspection des écoles primaires (juillet 1881). |
Saffroy Lucie | Brevet élémentaire (1874) ; brevet supérieur (1875) ; certificat au professorat des lettres (1880) ; boursière à l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses (25 mars-1er août 1881) ; certificat d’aptitude à l’inspection primaire et à la direction des EN (1881) ; certificat d’aptitude à l’inspection des écoles maternelles (1882) ; baccalauréat (1901), licence (1909). |
26La plupart des dossiers de retraite contiennent encore les sujets et les copies du passage du concours du certificat d’aptitude à la direction des écoles normales et à l’inspection des écoles primaires. Pour Louise Merlet, les examens se déroulent le 2 octobre 1893 alors qu’elle dirige l’école primaire supérieure de Lille48 :
Tableau 5. – Les sujets de l’examen de Louise Merlet (1893).
Écrits | Composition sur un sujet de pédagogie : « Fénelon a dit : la curiosité des enfants est un penchant de la nature qui va comme au-devant de l’instruction ; ne manquez pas d’en profiter. » Expliquer cette pensée, l’apprécier et l’appliquer particulièrement aux divers degrés de l’enseignement primaire. | 17 |
Composition sur un sujet d’administration scolaire : « Le président d’une des délégations cantonales de votre circonscription d’inspection, ami zélé de l’instruction populaire, très désireux de propager l’habitude des bonnes lectures, vous consulte sur la fondation au chef-lieu de canton d’une bibliothèque pédagogique et dans toutes les communes d’une bibliothèque scolaire. Il vous demande de le renseigner sur les principales prescriptions, règlementations relatives à l’organisation de ces bibliothèques et de l’aider de vos conseils. Répondez-lui, guidez-le. » | 12 | |
Oraux | Explication du passage pris dans les auteurs désignés : Rollin, « la lecture des comédies ». | 14 |
Exposé verbal d’une question relative à un des points du programme : le conseil d’administration de l’école normale ; sa composition, ses attributions. | 12 | |
Pratique | Inspection d’une école et compte rendu verbal. | 14 |
27Le jury note à propos de la composition de pédagogie : « du fond et de la finesse. Expérience consommée. Beaucoup de simplicité et de précisions. Esprit pénétrant et bienveillant49 ». Le dossier de Jeanne, Marie Potel, pour le concours d’octobre 1902, donne également ses notes et les épreuves passées ainsi que les copies50.
Tableau 6. – Les sujets de l’examen de Jeanne Marie Potel (1902).
Écrits | Composition sur un sujet de pédagogie : « De la part qu’il convient d’attribuer à l’éducation physique dans l’enseignement primaire. » | 12 |
Composition sur un sujet d’administration scolaire : « Exposer les attributions contentieuses et disciplinaires du conseil départemental. » | 08 | |
Oraux | Explication du passage pris dans les auteurs désignés : « Lettre de Jules Ferry sur l’enseignement moral et civique. » | 15 |
Exposé verbal d’une question relative à un des points du programme : « Des rapports de l’institutrice avec les familles à l’école maternelle, à l’école primaire élémentaire et dans les EPS. » | 17 | |
Pratique | Inspection d’une école et compte rendu verbal. | 18 |
28Le jury relève « une grande distinction », de bonnes épreuves orales même si la composition écrite sur une question d’administration scolaire est moins bonne, « le candidat ne connaît pas suffisamment la question ; de là des lacunes, des erreurs et plusieurs affirmations hasardeuses. Cependant, ce dernier offre des passages intéressants et bien écrits ». Ces femmes très certifiées sont aussi des femmes d’expérience.
Des femmes aux riches parcours professionnels
29La nomination comme inspectrice primaire intervient au terme d’une carrière bien remplie. Parmi les 75 inspecteurs primaires ayant exercé dans la Seine et la Seine-et-Oise entre 1889 et 1914, Linda L. Clark relève que 67 % des hommes deviennent inspecteur avant l’âge de 33 ans, 77 % avant 35 ans51. Pour les huit premières inspectrices, elles ne sont que deux à le devenir avant l’âge de 35 ans, les six autres ayant plus de 40 ans lors de leur première nomination.
Tableau 7. – Le cursus professionnel des huit inspectrices primaires (1891-1914).
Prénoms et nom | Postes successifs |
Dejean de la Bâtie Jeanne Adèle | Adjointe au cours d’adultes et de coupe à Paris (14e) [1876-1879] ; adjointe à l’école communale rue Fontaine à Paris (1879) ; maîtresse-adjointe à l’EN de Tours (septembre 1879) ; économe de la dite école normale (14 septembre 1881) ; professeure à l’EN de Tours (23 septembre 1882) ; professeure à l’EN de Niort (29 septembre 1882), chargée des fonctions d’économe (16 octobre 1882) ; suppléante puis professeure à l’EN de Versailles (23 avril 1883) ; directrice de l’EN d’Agen (27 septembre 1889), directrice de l’EN de Toulouse (25 septembre 1885) ; en congé un an (20 juillet 1889), inspectrice primaire à Versailles (11 février 1891) ; en congé (23 avril 1892, reconduit jusqu’en mai 1896) ; inspectrice primaire à Paris (9 mai 1896), directrice de l’ENS de Fontenay (7 octobre 1897) ; retraite (arrêté du 13 octobre 1917). |
Ginier Marguerite | Professeur d’EN à Melun (29 août 1883), chargée par intérim de la direction de l’EN de Perpignan (14 août 1885) ; directrice de l’EN de Perpignan (28 juin 1886) ; directrice de l’EN de Bourges (12 août 1887), directrice de l’EN de Tarbes (1er août 1891), en congé (15 décembre 1891-novembre 1892 : bronchopneumonie) ; chargée de la direction de l’EN de Troyes (16 novembre 1892), directrice de l’EN d’Agen (17 mars 1893) ; directrice de l’EN de Besançon (15 septembre 1897) ; inspectrice primaire de la Seine (arrêté du 18 janvier 1904) ; retraite (arrêté du 19 mai 1922). |
Kieffer Marie Eugénie | Institutrice à Boufarik (20 juin 1882) ; maître-adjointe chargée de la direction de l’école annexe de l’EN d’Alger à Miliana (22 novembre 1884) ; professeur d’école normale et direction par intérim à l’EN d’Aurillac (26 septembre 1887) ; directrice de l’EN d’Albertville (7 août 1889) ; directrice de l’EN de Montpellier (19 août 1889) ; directrice de l’EN de Douai (18 avril 1894) ; inspectrice primaire à Versailles (31 juillet 1905) ; inspectrice primaire de la Seine (30 mars 1912) ; divers congés pour problèmes de santé en 1914 ; retraite (1er février 1915). |
Leloutre Laure Élise | Professeure à l’EN d’Agen (septembre 1885) ; professeur à l’EN de Versailles (septembre 1885) ; maîtresse-répétitrice à l’ENS de Fontenay-aux-Roses (25 septembre 1886) ; directrice de l’EPS de Lille (24 août 1894) ; directrice de l’EN de Bourg (10 septembre 1896) mais refus et reste à l’EPS de Lille (1er octobre 1896) ; directrice de l’EN de Nîmes (15 janvier 1897), directrice de l’EN de Bourges (2 décembre 1901 mais refus et reste à Nîmes avec appui du recteur d’académie, 11 décembre 1901) ; directrice de l’EN du Mans (25 juillet 1910) ; inspectrice primaire à Versailles (30 mars 1912) ; inspectrice primaire de la Seine (30 mai 1919) ; retraite le 1er mai 1925 (arrêté du 25 avril 1925). |
Merlet Louise Charlotte | Institutrice-adjointe à Paris (1876-1880), directrice de l’EPS de Bône (5 novembre 1880-1er octobre 1882) ; directrice de l’EPS de Marseille (octobre 1882-1er novembre 1886) ; directrice du collège de jeunes filles de Marseille (1er novembre 1886-10 décembre 1887) ; en congé d’inactivité pour suivre son mari (décembre 1887-30 juillet 1888) ; inspectrice des écoles maternelles du Nord (octobre 1888-mars 1889) ; directrice de l’EPS de Lille (25 mars 1889-1er juin 1894) ; inspectrice primaire en Seine-et-Oise (1er juin 1894) ; retraite en octobre 1905. |
Potel Jeanne Marie | Institutrice primaire en Haute-Vienne (1886-1890) ; élève à l’ENS de Fontenay-aux-Roses (1890-1892) ; bourse d’État à Oxford (Angleterre, 1892-1894) ; professeur de lettres et d’anglais à l’EN du Mans (septembre 1894) ; professeur de lettres et d’anglais à l’école Sophie-Germain de Paris (9 juillet 1896) ; inspectrice primaire dans la Seine (29 juin 1909) ; retraite le 1er juin 1929. |
Rauber Marie | Institutrice communale adjointe à Paris (1er avril 1876) ; professeure à l’EPS Sophie-Germain de Paris (11 août 1887) ; en congé d’inactivité à demi-traitement (16 mars 1892) ; professeure à l’EPS Sophie-Germain de Paris (15 mars 1882-septembre 1892) ; inspectrice primaire en Seine-et-Oise (10 novembre 1892) ; déléguée comme directrice de l’EN de la Seine (21 mai 1894) ; en congé (11 octobre 1894) ; mise à la disposition de Monsieur le directeur de l’enseignement primaire de la Seine (10 février 1895) ; chargée de l’inspection primaire des écoles de filles de la dixième circonscription (1er arrondissement) [17 novembre 1896] ; chargée de l’inspection primaire des écoles de filles dans la troisième circonscription (3e arrondissement) [29 janvier 1904] ; retraite (arrêté du 29 juin 1909). |
Saffroy Lucie | Institutrice-adjointe à Saint-Fargeau (Yonne) [20 septembre 1875], à Charensenay (24 avril 1876), à Joigny (1er septembre 1878) ; élève de l’ENS de Fontenay (boursière) [mars 1881-août 1881] ; directrice de l’EN d’Aurillac (septembre 1881) ; directrice de l’EN d’Auxerre (22 novembre 1881) ; directrice de l’EN de Bourges (24 juillet 1883), directrice de l’EN de Rouen (5 novembre 1883), déléguée dans les fonctions de direction à l’ENS de Fontenay (15 octobre 1890), directrice de l’ENS de Fontenay (13 mai 1891) ; inspectrice primaire de la Seine (7 octobre 1897-1er septembre 1920) ; retraite en 1920. |
306 des 8 inspectrices ont commencé leur carrière comme institutrices dans une école primaire ou une école primaire supérieure ; 2 ont été directrices d’une école primaire supérieure (Leloutre et Merlet) ; 5 ont été professeures dans une école normale (La Bâtie, Ginier, Kieffer, Leloutre et Potel) et 5 ont été directrices d’une école normale primaire (La Bâtie, Ginier, Kieffer, Leloutre et Saffroy). 2 sur les 8 n’ont pas le vécu d’enseignante en école normale : Louise Merlet et Marie Rauber, longtemps professeures ou directrices d’une école primaire supérieure. Lucie Saffroy a un vécu plus riche encore puisqu’elle a dirigé, de 1891 à 1897, l’ENS de Fontenay-aux-Roses avant de devenir inspectrice. Louise Merlet a aussi un parcours professionnel original, elle qui suit l’évolution de la carrière de son mari ; longtemps directrice d’EPS, elle est aussi un temps directrice du collège de jeunes filles de Marseille (1er novembre 1886-10 décembre 1887) et inspectrice des écoles maternelles du Nord (octobre 1888-mars 1889). Elle est la seule à avoir une expérience de la filière secondaire ; Jeanne Dejean de la Bâtie, malgré ses diplômes du secondaire (certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire des jeunes filles en lettres en 1883 ; agrégation des lettres en 1885) ne semble jamais avoir enseigné à ce niveau. Chez les inspecteurs, le recrutement au sein du secondaire apparaît plus important. Dans sa contribution sur les inspecteurs primaires de la Seine à la fin du xixe siècle, Jérôme Krop relève que sur les 41 dossiers de fonctionnaires dépouillés de 1860 à 1914, 27 ont commencé comme instituteurs (un tiers d’entre eux ont aussi été professeurs d’école normale) et que 16 sont issus de l’enseignement secondaire, donc le plus souvent licenciés (3 agrégés). Aucune des 8 inspectrices primaires ne devient inspectrice directement après avoir été institutrice alors que les cas existent plus fréquemment pour les hommes.
Identités familiales et appuis personnels
31La moitié des inspectrices primaires sont mariées mais elles ne sont que deux à avoir des enfants. Dans le corpus étudié par Linda L. Clark, les 75 hommes nommés entre 1888 et 1914 dans les deux départements sont mariés et 61 sont pères52. La carrière féminine est encore fortement marquée par un idéal de « sacerdoce » qui oblige au sacrifice de sa vie personnelle. Les quatre maris sont tous dans l’éducation : deux travaillent dans l’enseignement secondaire avant d’accéder à d’importantes fonctions administratives, un est inspecteur primaire et le dernier est directeur d’une école privée.
Tableau 8. – La situation familiale de l’inspectrice primaire.
Prénoms et nom | Mariage | Profession du mari | Enfants |
Dejean de la Bâtie Jeanne Adèle née née Lacoste | Mariée en 1888 | Enseignant du secondaire, proviseur, professeur au collège Rollin | 3 enfants |
Ginier Marguerite | Célibataire | – | Pas d’enfant |
Kieffer Marie Eugénie | Célibataire | – | Pas d’enfant |
Leloutre Laure Élise | Célibataire | – | Pas d’enfant |
Merlet Louise Charlotte née Guernier | Mariée en 1881 | Inspecteur primaire à Roubaix puis à Versailles | Pas d’enfant |
Potel Jeanne Marie, née Delhomme | Mariée en 1903 | Inspecteur général du secondaire | 1 enfant |
Rauber Marie, née Bourgaisse | Mariée puis veuve (1900) | Chef d’une école privée à Paris | Pas d’enfant |
Saffroy Lucie | Célibataire | – | Pas d’enfant |
32Les étapes successives de la carrière du mari viennent exiger des déplacements ou des mises à disposition pour l’épouse. C’est ainsi que Jeanne Adèle Dejean de la Bâtie, qui se marie en août 1888, demande assez souvent des « mises en congé avec traitement d’inactivité » pour suivre son mari. C’est le cas entre le 1er octobre 1889 et le 2 février 1891 où il quitte le lycée de Toulouse pour être nommé au lycée Charlemagne de Paris. Il en va de même, alors qu’elle est juste nommée inspectrice primaire à Versailles, entre le 25 avril 1891 et le 9 mai 1896, quand son mari est nommé proviseur du lycée de Saint-Denis de la Réunion53. Le mari est parfois un argument mis en avant dans la demande d’une promotion ou d’une mutation. Jeanne-Marie Potel écrit ainsi au ministre le 8 février 1909 :
« J’ai l’honneur de solliciter de votre haute bienveillance le poste d’inspectrice primaire qui va se trouver vacant à Paris par suite du départ à la retraite de Madame Rauber. Veuillez me permettre, Monsieur le Ministre, d’appeler votre bienveillante attention sur la situation exceptionnelle que j’occupe dans l’Université. Mon mari a été nommé en 1906 inspecteur général de l’enseignement secondaire ; j’ai dû, pour sauvegarder mes intérêts professionnels et mes intérêts privés, conserver mon poste de professeur à l’école municipale supérieure Sophie-Germain ; mais avec l’espoir que vous voudriez bien mettre un terme, dès qu’une occasion se présenterait, à l’incompatibilité qui existait désormais entre les fonctions de mon mari et les miennes. Cette occasion, attendue trois ans, se présente aujourd’hui54. »
33Les dossiers attestent également d’actifs réseaux de soutien mais dont les interventions, par lettres de recommandation ne fonctionnent pas toujours et pas immédiatement. Marie Rauber semble avoir le soutien de Ferdinand Buisson ; son mari, Jean-Baptiste Rauber, chef d’une école privée à Paris, a accompagné en 1876 Buisson dans un voyage à Philadelphie et le lien semble maintenu55. Le dossier de Jeanne Marie Potel contient encore une lettre de recommandation du député André Lebon (Deux-Sèvres) et quelques mots d’appui de Louis Liard. Lorsqu’en 1896, un poste d’inspectrice primaire semble se libérer dans la Seine, Jeanne Adèle Dejean de la Bâtie écrit à Louis Liard début février 1896 et demande son appui. « Je compte absolument sur vous pour cette circonstance, quelles que puissent être les concurrentes […]. Monsieur Gréard que j’ai vu l’autre jour à la Commission des livres, m’a dit qu’il vous parlerait de moi à ce sujet. J’espère qu’il l’aura fait en ma faveur et que je retrouverai auprès de vous, en cette circonstance, toute la bienveillance que vous me témoigniez autrefois56. » Ce dernier sert bien de relais et écrit le 17 février 1896 au ministre pour appuyer la candidature : « elle est active, dévouée, distinguée et réunit toutes les aptitudes pour l’emploi qu’elle sollicite ; elle l’a déjà exercé à Versailles avec autorité et succès57 ». Dans le dossier de mademoiselle Leloutre, se retrouve à partir de 1915, diverses lettres dont celles du ministre des Colonies (lettre du 11 mars 1915 à son collègue de l’Instruction publique) pour sa mutation à l’inspection primaire de la Seine. Louis liard appuie aussi la demande le 5 mai 191558.
Des caractères bien trempés : le sens de l’autorité
34Ces huit pionnières ont aussi des caractères bien trempés et des indices assez nombreux, dans leur dossier, témoignent de moments complexes dans leur carrière où elles affirment leur autorité et leurs exigences face à la routine de l’institution. Jeanne-Adèle Dejean de la Bâtie, alors mademoiselle Lacoste, nommée suppléante à l’école normale de Versailles, est assez mal perçue par la directrice le 25 juin 1883 :
« Mademoiselle Lacoste a beaucoup de titres et a subi beaucoup d’examens avec succès. Elle est passée par tous les degrés de l’enseignement. Elle sait beaucoup et expose bien, et quand la maturité lui sera venue, avec les années, elle fera un excellent professeur. Pour le moment, elle fait ses débuts à Versailles avec le désir d’être appelée bientôt à Paris à un titre quelconque afin d’être tout à fait auprès de sa mère. Quelques moments de mauvaise humeur ont donné à penser que son caractère était un peu celui d’une enfant gâtée et volontaire, n’admettant pas volontiers les observations. Ces petites misères tomberont, on peut l’espérer, avec l’âge et l’expérience de la vie59. »
35Lucie Saffroy, avant d’être nommé inspectrice primaire (1897), dirige l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, d’abord comme déléguée à titre provisoire (15 octobre 1890) après la mort de madame de Friedberg, puis comme directrice effective (arrêté du 13 mai 1891). Elle s’attire les rancœurs d’un certain nombre d’acteurs de l’institution par son caractère entier et son refus de partager le pouvoir. Un brouillon de lettre du 7 octobre 1897 écrit par le directeur de l’enseignement primaire, s’intéresse au « désaccord de vues qui existe entre vous et Monsieur Steeg, inspecteur général chargé de la direction des études ». Il lui apparaît que « cette situation ne pouvait se prolonger sans compromettre gravement les intérêts de l’École. Afin d’y mettre un terme, mais de vous assurer un emploi équivalent à celui qu’il ne m’est plus possible de vous conserver, j’ai décidé de vous nommer inspectrice primaire de la Seine60 ». Un mot manuscrit de mademoiselle Saffroy, daté du 6 octobre et adressé à la direction de l’enseignement primaire indiquait « je n’ai reçu que ce matin le télégramme ci-joint […]. Je me trouve dans l’impossibilité matérielle de me rendre à votre convocation […]. Je suis retenue jusqu’au 10 en Bourgogne par des nécessités de famille61 ». Le télégramme, signé Charles Bayet62, signalait qu’elle était attendue mercredi à 4 heures au ministère. Un long rapport de Charles Bayet, directeur de l’enseignement primaire au ministre, en mai 1897, précise l’affaire.
« Le désaccord était à prévoir. Il existait déjà entre Monsieur Pécaut et Mademoiselle Saffroy. Lors du départ de Monsieur Pécaut, Mademoiselle Saffroy désirait qu’il ne fût pas remplacé. Elle ne peut s’accommoder du rôle prépondérant nécessairement attribué à l’inspecteur général chargé de la direction des études. Si Mademoiselle Saffroy a tenu les propos qui lui ont été attribués, elle a commis une faute grave. J’ai l’honneur de proposer à Monsieur le ministre, de l’interroger à ce sujet. Cette situation est très grave. Elle ne peut se prolonger sans compromettre l’avenir de l’École de Fontenay. D’autre part, si Mademoiselle Saffroy est plus virile que féminine, si son désir d’exercer une autorité prépondérante a pu l’entraîner à des maladresses, elle a des qualités réelles, elle est membre du Conseil supérieur ; elle a droit à des ménagements63. »
36La lettre de Jules Steeg, datée du 25 avril 1897 est très accusatrice : la directrice aurait tenu des propos aux élèves ayant échoué aux examens en leur disant que les enseignants étaient des incapables et que ces mêmes élèves devraient faire une troisième année en faisant leurs correspondances en cours et en travaillant le concours par ailleurs. « Il faut l’unité d’action, l’unité d’influence, l’unité de tendance. Il faut l’accord des esprits et des volontés64. » Elle a certes de « grandes et remarquables qualités, une forte intelligence, un savoir étendu, un caractère viril ; elle pourrait utilement les utiliser dans une direction d’école normale ou dans quelque autre situation importante » mais elle doit partir de l’ENS. « Il faut qu’elle y reste seule maîtresse avec un personnel nouveau ou qu’elle soit remplacée par une directrice comprenant ses devoirs d’une autre manière. » Déjà en 1882, alors qu’elle dirigeait l’école normale d’Auxerre, un article de La Bourgogne s’attaquait à la jeune directrice. « Mademoiselle Lucie est intelligente, seulement elle le sait un peu trop ; de là, Monsieur l’inspecteur, ces airs de commande, cette tenue qui sied mieux au sexe barbu, ce lorgnon qui pose mal, de là en un mot, cet esprit de pédantisme qui se traduit jusque dans les cahiers de ses élèves65. »
37Marguerite Ginier doit, elle aussi, en 1899 passer du temps à se justifier. Elle écrit une lettre au ministre le 15 octobre 1899 pour faire part de sa tristesse devant des « reproches injustes66 » émis par l’inspecteur général Jacoulet et que le ministre lui a transmis dans une lettre du 12 octobre. On lui reproche « d’avoir une certaine tendance à traiter avec mes chefs d’égal à égal et à en prendre avec eux un peu trop à mon aise ». Lors d’une inspection à l’école normale de Besançon, elle a laissé l’inspecteur général et l’inspecteur d’académie commencer leur visite sans se présenter de suite à eux, ayant aussi négligé de les reconduire jusqu’à la porte de l’école à la fin de la visite. Les horaires de la venue de l’inspecteur n’étaient pas annoncés et il s’est présenté à 7 h 45. « À 7 h 45, quoique souffrant de la grippe, j’étais levée mais ma toilette n’était pas achevée ; je l’ai terminée en une dizaine de minutes, quinze au plus. » En fin de visite, très souffrante, ils se sont serrés la main et elle a compris qu’elle n’avait pas à le raccompagner jusqu’à la porte. En 1903 encore, alors qu’elle est directrice de l’école normale de Besançon, l’inspecteur général la note assez sévèrement. Son cours de psychologie en première année montre « un enseignement solide, substantiel ; la parole est quelquefois très stricte et pénible, mais précise et nette. L’hésitation semble venir du souci de la précision. Esprit discipliné qui cherche à discipliner celui des élèves ; malgré certaines apparences viriles, Mademoiselle Ginier doit sa grande autorité autant à sa bienveillance affectueuse qu’à la fermeté de son caractère. Grande droiture et grande sûreté de jugement67 ».
38Marie Rauber rencontre, elle aussi, alors qu’elle est enseignante à l’EPS Sophie-Germain de Paris des difficultés relationnelles. Le 3 juin 1889, elle écrit une lettre au directeur de l’enseignement primaire pour s’expliquer sur « l’incident survenu entre Madame la directrice et moi et qui intéresse particulièrement la liberté d’action du professeur68 ».
« Le 27 mai 1889, Madame Chegaray me faisait remettre par Mademoiselle Fidry, sa secrétaire, en m’invitant à les corriger, cinq relations du dernier voyage scolaire. Je ne crus pas devoir accepter cette tâche et je présentai à Madame la directrice les raisons suivantes : – que n’ayant pas pris part au voyage, je ne pouvais juger exactement ni des faits, ni des impressions recueillies par les élèves ; – que j’étais même exposée à contredire les indications données par les personnes qui l’avaient conduit ; – qu’au surplus, je m’étonnais de me voir confier une partie de la besogne attribuée tout d’abord à Mademoiselle Fibry, l’auxiliaire accoutumée de Madame la directrice dans ces excursions scolaires. Madame Cheragay se prévalut alors de son autorité pour m’imposer la correction de ces travaux d’élèves “comme de tous les sujets de devoir qu’il lui convient de donner dans les classes”. Je lui demandai, et j’en appelle ici à vos conseils à votre équité, Monsieur, ce qu’il adviendrait de la liberté du professeur s’il n’est plus maître de choisir les exercices d’application de son cours, s’il doit les attendre du directeur qui les introduit où et quand il lui plaît69. »
39Le 10 octobre 1889, l’inspecteur primaire écrit au directeur de l’enseignement primaire pour lui signaler de nouvelles tensions avec madame Rauber, déléguée par ses collègues aux conférences pédagogiques. Elle a demandé à la directrice une salle de l’établissement pour rendre compte de sa délégation. Celle-ci a refusé et madame Rauber est passée outre, invitant les collègues chez elle70. La directrice rédige un rapport très dur le 20 février 1891 :
« Service régulier ; enseignement méthodique préparé avec soin. Débit froid et quelque peu terne. Ton bref. Madame Rauber, très intelligente, très solidement instruite, a beaucoup de capacités mais elle pêche par l’étroitesse de ses vues, le manque d’élévation, la sécheresse. Elle comprend plus qu’elle ne sent en littérature, et ne saurait faire vibrer une classe à la lecture d’une belle page […]. Les résultats obtenus sont en somme assez médiocres […]. La causticité des observations de ce professeur déconcerte d’ailleurs les élèves timides et nuit beaucoup à la libre expression de leurs idées ou de leur sentiment littéraire. La haute opinion qu’a Madame Rauber sur sa propre valeur et le ton d’insolence qui lui est habituel rendent toute observation à la fois inutile et impossible. L’attitude prise par Madame Rauber depuis quelques années est tout à fait répréhensible. Son esprit est déplorable, la malveillance, l’intrigue, la révolte systématique caractérisent sa conduite. À tout propos, elle s’insurge et excite ses collègues71. »
40L’inspecteur général, dans son rapport du 28 février 1891, atténue l’affaire, insiste sur les désaccords entre les deux femmes, mais note quand même : « conduite très honorable, considération sans réserve ; caractère assez difficile ; n’accepte pas les observations ni les conseils ; se croit volontiers méconnue et insuffisamment récompensée72 ». Une nouvelle inspection, le 28 février, n’est pas très satisfaisante non plus ; on relève son enseignement froid et mécanique. « Elle paraît très fière de la possession de ses titres qui par malheur lui font illusion sur sa valeur […]. Comme professeur, madame Rauber est au-dessous du médiocre. À l’école Sophie-Germain, elle est chargée des classes de français et de littérature en seconde, troisième et quatrième années. Son enseignement n’a rien de littéraire ni d’éducatif. C’est un enseignement de formules et de mots, monotone et stérile73. » Elle doit mieux réussir dans l’enseignement grammatical que dans l’enseignement littéraire qui est « vraiment déplorable ». « Madame Rauber a un caractère vraiment détestable ; elle est depuis des années en guerre ouverte avec la directrice de l’école. » Elle conserve cependant le soutien du vice-recteur et du directeur de l’enseignement primaire, Ferdinand Buisson.
41La carrière de Laure, Élise Leloutre connait aussi des moments de tensions. En septembre 1896 déjà, elle refuse sa nomination à la tête de l’école normale de Bourg-en-Bresse (10 septembre 1896) pour raisons personnelles et reste à la tête de l’EPS de Lille. En décembre 1901, alors qu’elle dirige l’école normale de Nîmes depuis 1897, elle refuse sa nomination à la tête de celle de Bourges avec l’appui d’ailleurs du recteur de l’académie de Montpellier. Son père est décédé l’année précédente et sa mère est venue s’installer à ses côtés à Nîmes. Elle envoie, le 7 décembre, un télégramme à Charles Bayet, directeur de l’enseignement primaire : « regrets de ne pouvoir accepter poste Bourges. Ma mère infirme paralysée ne peut voyager et se déplacer sans courir danger mortel74 ». Une lettre du lendemain dit la même chose au ministre75. En 1910-1911, alors qu’elle est toujours directrice de l’école normale de Nîmes, des querelles internes agitent les enseignantes, alors que sa direction est aussi critiquée. L’affaire semble se focaliser sur l’exclusion d’une élève-maîtresse. Sur sa fiche de notation de l’année 1910, l’inspecteur d’académie du Gard note : « Depuis les récents incidents de l’école normale, je suis fort embarrassé pour noter Mademoiselle Leloutre à qui je reproche d’avoir manqué de confiance en moi ainsi que de sang-froid et de jugement. Toutefois, ceci n’enlève rien à ses qualités d’énergie et d’intelligence qui demeurent entières76. » Le recteur Charles Benoist, le 29 mars 1910 confirme : « cette affaire a mis en pleine lumière les qualités et les défauts de Mademoiselle Leloutre : d’une part une énergie indomptable, de l’autre un entêtement qui la rend à peu près incapable de reconnaître qu’elle peut se tromper77 ». Elle est alors nommée contre son gré à la tête de l’école normale du Mans (25 juillet 1910) mais y reste à peine deux ans avant de devenir inspectrice. Une lettre au directeur de l’enseignement primaire, le 26 août 1910, témoigne de sa colère : « Par une lettre du 17 août, vous me mettez en demeure d’accepter soit la direction de l’école normale du Mans, soit celle de Quimper sous peine d’une mise en congé. Je m’étonne d’être ainsi menacée d’une sanction administrative78. » Elle doit, cette fois, s’exécuter.
Faire ses preuves face aux oppositions et aux difficultés du quotidien
42Ces huit femmes inspectrices primaires doivent faire face à une forte opposition d’une partie des cadres de l’Instruction publique, en particulier de leurs collègues inspecteurs qui voient en elles des concurrentes. Elles sont, dès lors, très surveillées et doivent « faire leurs preuves », au quotidien sur le terrain, s’engageant corps et âme dans leur nouvelle fonction.
Une vaste campagne d’opposition : l’importance des stéréotypes sexistes
43Chez les acteurs éducatifs eux-mêmes, de fortes oppositions se font sentir. On les perçoit nettement chez Édouard Petit (1858-1917), pourtant chargé de développer, entre 1895 et 1915, l’éducation populaire en France. Enseignant du secondaire, il est ensuite nommé inspecteur général hors cadre de l’enseignement primaire (1898) puis inspecteur général de l’enseignement primaire (1900). Outre ses rapports annuels sur l’éducation des adolescents et des adultes, Édouard Petit écrit de nombreux ouvrages qui montrent la nécessité de développer l’éducation postscolaire. Il s’y montre un militant convaincu du développement de l’enseignement moderne en prise avec le siècle. Pour les filles, il demeure cependant très conservateur. Il dénonce ainsi dans L’école moderne79, la « brevetomanie80 » qui est une maladie nationale, « une monomanie endémique qui sévit depuis combien d’années déjà sur la gent féminine en France. Obtenir son brevet : c’est à quoi rêvent les jeunes filles. Les amener à obtenir le brevet, c’est à quoi rêvent les mères81 ». Il semblerait que les femmes « dont le rôle paraît surtout de rendre un mari heureux, d’élever des enfants après les avoir mis au monde […] eussent dû échapper à la contagion » de cette « diplômite aiguë », mais ce n’est pas le cas. Nous avons désormais en France « nos agrégées82 », qui bien souvent s’usent la santé pour devenir professeurs de lycées, maîtrisant de nombreux savoirs mais n’ayant pas la fibre pédagogique, « la femme examinatrice83 », qui interroge désormais au certificat d’études primaires (depuis 1890). Les sombres jurys vont désormais intégrer des « corsages plus gais ». Mais Édouard Petit demande que l’on n’accepte pas les femmes dans les jurys des brevets élémentaires et supérieurs. « Ce que j’en dis, c’est par peur de voir mes craintes se réaliser. Il y a comme un vent de puissance féminine qui passe sur nous84. »
« Et puis, croit-on qu’il suffise d’avoir soi-même un brevet pour en octroyer à autrui ? Il faut être bien au-dessus d’un diplôme pour se permettre de poser la plus mince question sur le programme que représente le parchemin ! Il est nécessaire de beaucoup, beaucoup, savoir pour apprendre à ses semblables, et de savoir encore bien davantage pour avoir le droit de constater jusqu’où va leur science et surtout leur ignorance. Est-ce que pour conférer le baccalauréat à un jeune homme, on le met en présence de simples bacheliers qui peuvent avoir oublié les connaissances acquises au temps jadis85 ? »
44Arrivera-t-on ensuite à s’entendre dans les jurys entre examinatrices et examinateurs ? « Il y aura d’incessantes chicanes, des zizanies à n’en plus finir. » Édouard Petit est alors convaincu que l’élève qui tombera sur une femme en grammaire, en histoire, en géographie, aura beaucoup moins de chance que si c’est un examinateur. « Ce sera un flux de menues questions sur les cas embarrassants de la syntaxe, sur les verbes difficiles, sur les modes et sur les temps hirsutes et revêches ! Ce sera un entassement de pièges insidieux où l’on essaiera de prendre de pauvres créatures qui auront à débiter des dates, des noms de batailles, des détails que j’espère bien ne pas retenir avant ma mort86. » Il n’y aura pas de vues d’ensemble ; on se noiera dans le détail. « Car l’on ne saura jamais combien un encéphale féminin peut amasser dans ses circonvolutions de notions et de sous-notions sans portée. »
45Il y a aussi, désormais, depuis 1891, « Madame l’inspectrice87 », « l’inspectorat en jupons et en chapeau à plumes88 ». Il écrit, avec un ton humoristique :
« Madame l’inspectrice se prononcera sur la valeur d’une institutrice et en connaissance de cause. Car on sait sa science, sa supériorité. Elle a son certificat. Un parchemin, c’est chose sacro-sainte. Qui ne respecte la vertu d’un parchemin officiel ? Un parchemin prouve que la théorie est sue de mémoire et peut-être récitée tout d’une haleine. Il prouve qu’à la théorie se joint la pratique. Il prouve aussi l’existence de ces qualités intérieures : la délicatesse, la vivacité d’analyse, la sûreté du coup d’œil, la pénétration d’esprit, la bonté, la tendresse de cœur nécessaires à qui contrôle la vie intellectuelle et morale de ses semblables […] ; on a toutes sortes de garanties contre la rédaction d’un rapport où Madame l’inspectrice impute à crime l’application de principes mal compris par elle. L’amour du détail, la recherche de la petite bête, le désir de tatillonner, la manie d’étaler son savoir, l’excès d’irritabilité nerveuse : madame l’Inspectrice est à l’abri de tous ces défauts. Il est entendu qu’elle est impeccable. Il ne peut pas se faire qu’elle transforme l’inspection féminine en féminine taquinerie, peut-être même en despotisme féminin – le pire de tous. Du jour où Madame l’inspectrice aura sa nomination en poche, dare-dare, dans son cerveau, le sentiment cédera la place à la raison, la passion au sang-froid […]. Madame l’inspectrice, aussitôt choisie, prend de l’ascendant, de l’autorité morale sur les institutrices. Elle exerce une influence sérieuse sur les municipalités. Elle a du prestige auprès des populations, surtout des populations rurales qui ont toujours été habituées au gouvernement de la femme […]. Mais c’est surtout l’administration et les finances, le contentieux, si aisés, si accessibles, qui mettront en pleine lumière les aptitudes et les capacités étonnantes de madame l’Inspectrice. Elle maniera les affaires avec la dextérité d’un procureur. Elle sera au courant de la législation en notre pays et en notre temps si peu paperassiers, comme si elle avait discuté et voté toutes les lois depuis le commencement du siècle. Elle se décidera, sans parti pris, sans précipitation, avec ce calme que l’on puise dans les résolutions dûment et fortement motivées […] ; il y a bien toujours ces opposants, ces mécontents, qui me soufflent à l’oreille : “Voyez-vous Madame l’inspectrice courant à chaque instant les grandes routes, passant sa vie sur les banquettes des wagons pour surveiller sa circonscription ! Ce n’est pas là besogne féminine. Sa place est au foyer. Sera-t-elle suivie, dans ses tournées, de son mari, de ses enfants ? Nourrira-t-elle en route son dernier né ? À moins que Madame l’inspectrice ne fasse vœu de célibat ?” »
46En 1911, dans une réponse virulente à l’article de la Revue pédagogique publié par Marguerite Ginier qui défendait la nomination des femmes dans la fonction d’inspectrice, nous l’avons vu, E. Dodeman, inspecteur primaire à Périgueux, tente de détruire les arguments mis en avant par sa collègue89. Il veut, par son texte « faire ressortir le préjudice indiscutable que subiraient les inspecteurs si les conditions de notre aimable collègue étaient adoptées et appliquées par l’autorité supérieure90 ». « En premier lieu, est-il bien certain que les femmes soient spécialement aptes à l’inspection des écoles de filles ? Très sincèrement, je ne le pense pas ; pas plus que je ne crois que les hommes aient une aptitude spéciale pour l’inspection des écoles de garçons91. » Il faut du tact, de la fermeté, de la perspicacité, un jugement droit et on trouve ses qualités aussi « communément chez l’homme que chez la femme et ne sont pas l’apanage exclusif d’un sexe ». Les hommes sont aussi capables de juger de l’enseignement ménager, de la formation du jugement et de la conduite morale. Est-ce vraiment à l’institutrice de traiter de ce qui fait l’honnête fille au moment de la puberté ? C’est le rôle de la mère et les visites épisodiques de l’inspectrice n’y pourront pas changer grand-chose. De même, il n’est pas vrai que la majorité des institutrices attendent de passer sous la tutelle des inspectrices, qui sont réputées moins conciliantes. C’est que « le plus souvent l’homme juge avec raison, la femme avec ses nerfs92 ». Quel pourra enfin être l’influence de l’inspectrice auprès des municipalités et des élus du peuple « en l’état actuel de nos mœurs » ? Il soupçonne enfin mademoiselle Ginier et les candidates à la fonction de miser sur les postes des grandes villes. « D’un geste gracieux, elle tire à elle la bonne et chaude couverture et nous laisse littéralement les pieds dans la boue et la neige ! Ce n’est pas l’égalité qu’elle réclame, c’est un privilège exorbitant, inacceptable pour les inspecteurs93. » Ces arguments sont repris dans de nombreux textes de revues (dont le Bulletin de l’Association des inspecteurs primaires et directeurs d’école normale en 1911)94 mais nous ne les analysons pas ici, le travail ayant déjà été réalisé par Linda L. Clark95. Apparaissent six arguments masculins majeurs qui s’opposent à cette venue des femmes dans l’inspection primaire.
Il y a tout d’abord le fait que les femmes ne font pas d’études secondaires les menant au baccalauréat et, pour la plupart, aucune étude supérieure. À la différence des hommes, elles se contentent donc de brevets délivrés par l’enseignement primaire et du certificat d’aptitude à la direction des écoles normales et à l’inspection primaire. C’est insuffisant car cela ne garantit pas une maitrise suffisante des savoirs, la possession d’un réel esprit de synthèse. Elles possèdent, dès lors, une culture trop superficielle qui risque de se perdre dans les détails.
Il y a ensuite la reprise permanente d’un certain nombre de stéréotypes sur le sexe féminin, sur sa « relative faiblesse » et sur ses traits de caractères. Ces femmes, devenues inspectrices, vont vouloir régler des comptes avec les autres femmes, imposer leur autorité ; elles seront pinailleuses. Il est aussi fait allusion à « l’excès d’irritabilité nerveuse » des femmes qui maîtrisent moins leurs nerfs, à l’idée aussi que leur cerveau ne fonctionne pas comme celui des hommes, est moins « raisonnable », enregistre plus le détail que le général, fonctionne plus avec la passion qu’avec la raison.
La question de leur mode de vie est aussi mobilisée. L’inspecteur est en permanence sur les routes, été comme hiver, dans les trains, les diligences, prenant ses repas et dormant à l’hôtel dans ses longues tournées. Est-ce-là le rôle d’une femme, à moins qu’elle ne demeure célibataire ? Ce qui n’est pas un bien car elle ne connaîtra pas alors, la vraie vie des femmes et les questions majeures liées à la maternité, à l’éducation des enfants, à la gestion de la vie domestique, autrement que dans les livres, ce qui ne leur permettra pas de comprendre les institutrices qu’elles inspectent.
Il y a également le fait qu’elles sont mineures politiquement, non pourvues du droit de vote et ne participent pas aux affaires politiques de la nation. Or, en tant qu’inspectrices, elles vont devoir faire appliquer les lois scolaires mais aussi s’imposer face aux maires, aux conseils municipaux dans tout ce qui peut être lié aux bâtiments scolaires, à la fréquentation scolaire des enfants, aux moyens accordés aux maîtresses. Elles vont devoir agir lorsque des conflits se produiront entre les maîtresses et les équipes municipales. À ce niveau, elles sont forcément inexpérimentées et inférieures juridiquement.
L’état de la société française, également, va leur poser des problèmes lorsqu’il s’agira d’aller rencontrer les parents – et les pères en particulier – dans certains milieux sociaux, en particulier dans le monde rural où la place des femmes n’est pas aussi favorisée.
On trouve enfin l’idée d’une nouvelle concurrence faite aux hommes. Il ne s’agit pas en effet de doubler chaque poste d’inspecteur, dans chaque circonscription, d’un poste nouveau d’inspectrice pour mettre en place un double réseau généralisé, mais bien de prendre un poste autrefois masculin pour l’attribuer à une femme. Dès lors, trois peurs se font jour chez les inspecteurs : un moindre accès à la fonction et des mouvements par mutation plus difficiles ; un partage du travail à opérer entre inspecteurs et inspectrices dans la circonscription qui sera complexe à mener avec l’appréhension que l’inspectrice se réserve les activités les moins pénibles ; la crainte enfin de voir se concentrer ces postes féminins dans les villes – et en particulier dans la Capitale – où les conditions de travail et de déplacement sont les plus faciles. Or ce sont ces postes qui sont aussi les plus convoités par les hommes, le cadre de Paris étant aussi celui qui rémunère le plus.
Affirmer au quotidien ses compétences d’inspectrices : faire ses preuves
47Les rapports d’inspection et de notation sur les inspectrices insistent sur les compétences de ces pionnières qui s’usent au travail. La première inspectrice, madame Dejean de la Bâtie, est ainsi évaluée par Louis Liard le 1er mai 1897 alors qu’elle prend son poste d’inspectrice de la Seine après un long congé pour suivre son mari à la Réunion. « Intelligente, ouverte, active et fine. De la fermeté et du tact. A tout ce qu’il faut pour faire réussir l’inspection féminine96. » La visite de l’inspecteur général, en janvier 1897 se passe bien et ce dernier la suit dans ses inspections dans le 20e arrondissement :
« Le personnel scolaire de cet arrondissement est bien intentionné mais les directions lui ont, trop longtemps, fait défaut. Madame Dejean de la Bâtie m’a exposé son programme de travail ; elle propose de voir successivement les cours élémentaires, puis les cours moyens et enfin les cours supérieurs de ses établissements. Elle réunira ensuite, par services, le personnel de chacun des trois cours pour lui communiquer ses observations et leur adresser ses conseils. Cette méthode me paraît bonne. Madame Dejean de la Bâtie joint aux facultés de travail et d’assimilation qui lui ont permis d’acquérir une instruction très étendue, un esprit sage et pondéré. Elle comprend l’enseignement primaire. Je la crois disposée à s’y attacher sérieusement. Elle pourra faire beaucoup de bien dans cet arrondissement populeux et prouver que l’inspection féminine, s’il est difficile de la généraliser, a tout le moins son utilité dans les grandes agglomérations urbaines97. »
48L’inspecteur général, en février 1897, note à propos de Louise Merlet :
« Madame Merlet est une femme d’expérience. Son caractère inspire plus le respect que la sympathie. Elle a su cependant, et ce n’est pas un moindre mérite, s’imposer à ses collègues de l’inspection et obtenir d’eux les égards qui lui sont dus. Elle connaît bien les écoles et ses directives pédagogiques, sans être très élevées, sont sages et pratiques. J’ai visité avec elle une école de filles et une école maternelle. Son inspection a été sérieuse et attentive. Elle sait parler aux maîtresses et ses conseils sont à la fois fermes et bienveillants. Les rapports d’inspection sont assez pâles mais il semble qu’elle voit les choses d’assez près. Son autorité est bien établie dans le personnel des institutrices98. »
49Le 25 mars 1899, il écrit après son inspection :
« Madame Merlet est chargée de l’inspection des écoles maternelles et d’une notable partie des écoles de filles du département. Sa tâche est donc fort lourde. Elle s’en acquitte avec activité, intelligence et dévouement, inspecte bien les classes et dirige le personnel avec une autorité bienveillante et douce. La réputation même du service, par suite de l’introduction d’une inspectrice dans le monde de l’inspection primaire de Seine-et-Oise, et des attributions spéciales qui lui ont été assignées, amène des lenteurs dans l’expédition des affaires, dans la visite des écoles et une augmentation des frais de tournées. Tel inspecteur, en effet, qui se trouve dans une commune de sa circonscription pourvue de deux écoles, ne visite que celle des garçons, l’autre dépendant de l’inspectrice qui est obligée de s’y rendre de Versailles. Aussi paraîtrait-il préférable, quand Madame Merlet se retirera, de ne pas la remplacer par une autre inspectrice et de réorganiser l’inspection primaire de Seine-et-Oise sur des bases nouvelles99. »
50En mars 1901, l’inspecteur général note à propos de mademoiselle Saffroy :
« J’ai visité avec beaucoup d’intérêt quelques écoles du 20e arrondissement en compagnie de Mademoiselle Saffroy. C’est plaisir de voir avec quelle bonne volonté, quelle ardeur on y travaille. Rien de routinier. Sous l’impulsion de l’inspectrice, on s’efforce à l’envi de trouver, d’appliquer des procédés ingénieux et des méthodes actives ; résultats remarquables pour l’enseignement du français et du calcul. Mademoiselle Saffroy, qui se dépense beaucoup, obtient aussi beaucoup de son personnel ; son enthousiasme est communicatif100. »
51Le rapport de l’inspecteur général qui vient les 9 et 10 décembre 1905 voir Marguerite Ginier, récemment nommée inspectrice de la Seine, en janvier 1904, insiste sur sa méthode et sa rigueur. « Son action, dès lors, semble y avoir été très assidue et très énergique101. » Ses premières inspections lui causent une « surprise pénible » sur deux points : l’absence de toute idée directrice dans la plupart des organisations pédagogiques, les organisations variant sans motifs plausibles d’une école à une autre ; le complet oubli des programmes officiels de 1887. Son bilan est alors assez noir : « emploi du temps mal conçu, enseignement verbeux, fatiguant l’attention de l’enfant sans l’habituer à observer ni réfléchir, action de procédés mécaniques, dans la dictée notamment, employée presque exclusivement pour l’enseignement de la langue maternelle au détriment d’exercices infiniment plus éducatifs tels l’étude du vocabulaire, l’explication de textes bien choisis, les exercices d’invention et de composition102 ».
52Elle a donc passé un an à beaucoup circuler pour faire connaître et expliquer les programmes et les instructions de 1882 et 1887, a consacré du temps à réformer les emplois du temps et à répartir les matières sur la journée et la semaine, militant aussi pour les méthodes actives. Elle a multiplié les conférences générales réunissant l’ensemble du personnel d’un arrondissement, tout en diffusant aussi des instructions écrites et des observations à chaque maîtresse à la fin de chaque inspection. Il a fallu rompre les routines alors que beaucoup avait perdu « l’habitude de l’effort ». Il relève la grande sévérité parfois de ses appréciations qui portent la marque d’un caractère un peu entier. Elle a pris sa tâche à cœur et « ne s’est pas cantonnée comme certains de ses prédécesseurs dans un optimisme indulgent plus favorable au repos de l’inspecteur qu’au progrès de l’enseignement ». Mademoiselle Ginier fait donc beaucoup de bien à sa circonscription et peut ainsi « fournir de très sérieux arguments aux défenseurs de l’inspection féminine ». Dix ans plus tard, le rapport de l’inspecteur général, après sa venue de deux jours, les 24 et 25 janvier 1916, insiste toujours sur l’importance de son travail, elle qui « inspecte à peu près 200 classes par an et passe souvent dans les classes sans procéder à une inspection proprement dite ».
« Elle est très active de tempérament ; elle a le goût de la direction et de l’autorité ainsi qu’il arrive pour la plupart des femmes qui exercent des fonctions administratives […]. Elle guide et conseille ses institutrices pour toutes les parties de leur enseignement, particulièrement soucieuse de l’enseignement du français, pour lequel elle a beaucoup fait. Il est bien devenu, dans ses écoles, l’enseignement central. Il a été débarrassé de la tyrannie de la dictée, mais une exigence constante en matière d’orthographe a été toujours réclamée. Le choix des livres de grammaire et exercices a été bien guidé […]. La voyant dans ses écoles, observant la manière dont elle est écoutée, il y aurait intérêt à développer l’inspection féminine de nos écoles. Le personnel féminin serait-il de cet avis ? C’est une autre affaire103. »
53Dans son rapport du 1er février 1916, l’inspecteur général insiste sur le travail de mademoiselle Leloutre :
« La subdivision de l’inspection de Versailles entre un inspecteur et une inspectrice charge bien plus celle-ci que celui-là : aux écoles de filles s’ajoutent écoles mixtes et écoles maternelles. L’inspectrice de Versailles a 300 classes à visiter. Mademoiselle Leloutre avait besoin, avant la guerre, de plus d’une année scolaire pour voir tout son monde. Très active d’esprit et de tempérament, donnant libéralement son temps et sa peine, un peu gênée par des incommodités de santé pour aller et venir autant qu’elle le voudrait à travers la circonscription. Ce service est véritablement dur pour une femme de son âge et de sa santé. Mais elle y dépense une énergie morale et un zèle de l’éducation bien remarquables. Elle demande beaucoup à son personnel ; je remarque à l’occasion de Mademoiselle Leloutre, comme de Mademoiselle Ginier, comme inspectrices, une conception et une pratique de l’autorité plus nette et plus exigeante que la moyenne des inspecteurs […]. Elle a obtenu des résultats heureux dans sa lutte contre une indifférence par trop répandue à l’égard du chant et des exercices physiques ; elle a introduit des exercices respiratoires dans la pratique quotidienne de ses écoles de filles [l’inspecteur note aussi son souci des apprentissages fondamentaux : langue française, calcul, etc.]. La partie administrative du service est sûrement en aussi bonnes mains que si la circonscription avait pour chef un bon inspecteur. Relations très suivies avec les municipalités auxquelles Mademoiselle Leloutre demande beaucoup pour ses écoles ; elle obtient des améliorations104. »
54Les engagements de ces premières inspectrices sont donc intenses par convictions personnelles et volonté de promouvoir un enseignement primaire féminin de qualité alors qu’il s’agit aussi de « faire ses preuves » et de tordre le cou aux arguments stéréotypés des adversaires de leur présence dans le corps inspectoral.
L’accès à une certaine aisance financière
55Ces premières inspectrices primaires, au regard des correspondances conservées dans leur dossier de carrière, rencontrent des obstacles nombreux dans la gestion de leur traitement et de leurs indemnités liées à leurs frais de tournées. Les réalités sont les mêmes dans le décompte des années effectuées dans leur reclassement dans la fonction inspectorale. Il ne s’agit pas là cependant d’une forme de sexisme du ministère envers les carrières féminines mais d’une règle générale pour les personnels de l’Instruction publique, ces difficultés et réclamations étant aussi très nombreuses chez les hommes. Dans la loi du 19 juillet 1889 sur les traitements des personnels de l’enseignement primaire, l’inégalité entre les hommes et les femmes demeure flagrante105. L’organisation des traitements par classe et par sexe est la suivante.
Tableau 9. – Traitements des personnels de l’enseignement primaire en 1889.
Instituteur | Institutrice | Inspecteur | |
5e classe | 1 000 francs | 1 000 francs | 3 000 francs |
4e classe | 1 200 francs | 1 200 francs | 3 500 francs |
3e classe | 1 500 francs | 1 400 francs | 4 000 francs |
2e classe | 1 800 francs | 1 500 francs | 4 500 francs |
1re classe | 2 000 francs | 1 600 francs | 5 000 francs |
56Si, pour les instituteurs et les institutrices, les premières classes sont identiques, on assiste à partir de la troisième classe à un décrochage financier qui se creuse pour atteindre 400 francs en première classe. La fonction d’inspecteur à ce niveau apparaît très attractive financièrement pour un membre de la filière primaire, le traitement de base étant trois fois plus élevé en début de carrière à la fois pour un homme et pour une femme et 2,5 fois plus élevé en fin de carrière (pour un homme en première classe), 3,1 fois pour une femme elle aussi en première classe. Il n’y a pas de plus de différence entre les deux sexes.
57Il faut aussi tenir compte du cadre spécifique d’exercice de la plupart de ces inspectrices primaires, qui est celui du département de la Seine où les salaires sont les plus élevés. Un inspecteur de base gagnant entre 3 000 et 5 000 francs par an en province, en gagne 6 000 à 8 000 francs à Paris. En 1904, Louise Merlet gagne 5 000 francs de traitement (1re classe) et reçoit aussi 300 francs du département106. Lucie Saffroy en 1912, gagne 8 000 francs de traitement auxquels s’ajoutent 1 800 francs d’allocation départementale107. Jeanne-Marie Potel, en 1913, a un traitement de 6 000 francs ainsi qu’une allocation départementale de 1 800 francs et des frais de tournée de 500 francs ce qui fait un total de 8 300 francs108. Marguerite Ginier en 1913, a un traitement de 8 100 francs ; elle bénéficie de 1 800 francs de prime départementale et de 500 francs de frais de tournées, soit un total annuel de 10 400 francs109. On est donc bien au-dessus des salaires des enseignants du primaire.
⁂
58L’ouverture de la fonction d’inspecteur primaire aux femmes est donc limitée entre 1882 et 1914 puisque seules huit femmes réussissent à occuper cette fonction, au sein d’un espace géographique particulier puisque ces nominations se concentrent dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise. Elles restent ainsi très proches de la tutelle centrale parisienne qui les observe attentivement, fixe leur périmètre d’activités, alors que le poids démographique de ces espaces et la densité du réseau scolaire masculin et féminin permettent aussi une division des rôles assez facile. Ces inspectrices primaires ont été formées par la filière primaire et possèdent l’ensemble des titres nécessaires, voire plus pour certaines, et ont derrière elle une longue carrière professionnelle qui passe le plus souvent par la direction d’une école primaire supérieure ou d’une école normale. Diplômées, rompues aux fonctions de formation de la filière primaire, elles sont aussi des femmes de caractère qui, à un moment ou à un autre de leur carrière, ont fait preuve d’une forme d’indépendance, osant braver les usages administratifs du temps. Leur accès à l’inspection primaire n’est pas cependant sans susciter de fortes oppositions au sein du corps même des inspecteurs primaires, qui voit le nombre de postes ainsi décroître pour les hommes, de nombreux textes venant alors, dans une lecture genrée de la fonction, dénoncer cette féminisation jugée abusive. De leur côté, ces femmes, animées d’une volonté forte de réussir, travaillent énormément et imposent peu à peu leur présence et leurs compétences. Elles font progressivement leurs preuves dans le métier. Nombreuses sont aussi celles qui s’engagent dans les combats plus larges de l’égalité entre les sexes, même si nous ne développons pas ici cette dimension, déjà analysée par Linda Clark110. La féminisation de l’inspection primaire devait être très lente au cours du xxe siècle. Les femmes inspectrices primaires sont 0,06 % du corps en 1913, 7 % en 1939 et 8,8 % en 1970 (88 femmes sur 1 000 postes) selon Jean Ferrier111. En 1989, la distinction entre inspectrices des écoles maternelles et inspecteurs-inspectrices de l’enseignement primaire est supprimée. En 1994, sur les 1 450 membres du corps, 30 % sont des femmes ; en 2011, les femmes représentent 46 % des 1 581 postes d’inspection du premier degré et 48 % en 2015112 alors que 82,6 % des enseignants du premier degré sont des femmes. Dans le second degré, les femmes représentent 47,8 % des personnels de direction mais le plus souvent comme adjointes113. L’accès aux postes de responsabilités au sein de l’Éducation nationale, au-delà des discours, demeure encore inégalitaire, même si d’importants progrès s’opèrent depuis quelques années.
Notes de bas de page
1 Petit Édouard, L’École moderne, Paris, Delaplane, 1892, « Madame l’inspectrice », p. 254 et suiv.
2 Ibid.
3 Condette Jean-François, « De l’école au régiment. Le réveil de l’éducation populaire républicaine (1894-1897) », dans Christen Carole et Besse Laurent (dir.), Histoire de l’éducation populaire (1815-1945). Perspectives françaises et internationales, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017, p. 221-236 ; Palluau Nicolas, « Les “professeurs du peuple”. Instituteurs et encadrement de l’éducation populaire (1896-1914) », ibid., p. 237-252.
4 Buisson Ferdinand (dir.), Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, 1re partie, t. 2, Paris, Hachette, 1888, « Inspection », p. 1339-1357.
5 Ibid., p. 1356.
6 Clark Linda L., The Rise of Professional Women in France. Gender and Public Administration since 1830, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.
7 Clark Linda L., « A Battle of the Sexes in a Professional Setting: The Introduction of Inspectrices Primaires (1889-1914) », French Historical Studies, vol. 16, Spring 1989, p. 96-125.
8 Nique Christian, Comment l’école devint une affaire d’État, Paris, Nathan, 1990 ; Chapoulie Jean-Michel, L’École d’État conquiert la France. Deux siècles de politique scolaire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.
9 Condette Jean-François, Les recteurs d’académie en France de 1808 à 1940, t. 1 : La formation d’une élite administrative au service de l’Instruction publique, Lyon, INRP, 2006, t. 3 : Le recteur d’académie, l’école, la nation (1808-1940), Lyon, INRP, 2009 ; Condette Jean-François (dir.), Le recteur d’académie. Deux siècles d’engagements pour l’École, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.
10 Effroy Jacques, L’inspecteur d’académie en résidence départementale. Hier, aujourd’hui, demain, Paris, thèse de doctorat sous la direction de Josette Poinssac, université Paris XIII, 1985 ; Lerch Dominique et Petreault Gilles (dir.), L’inspecteur d’académie, deux siècles au service de l’éducation, Paris, SCÉREN, coll. « Documents », 2008.
11 Caplat Guy, Havelange Isabelle, Huguet Françoise et Lebedeff Bernadette (dir.), Les inspecteurs généraux de l’Instruction publique : dictionnaire biographique (1802-1914), Paris, CNRS-INRP, 1986 ; Caplat Guy, L’inspection générale de l’instruction publique au xxe siècle. Dictionnaire biographique (1914-1939), Paris, CNRS-INRP, 1997 ; Rioux Jean Pierre (dir.), Deux cents ans d’inspection générale, Paris, Fayard, 2002.
12 Condette Jean-François (dir.), Les chefs d’établissement. Diriger une institution scolaire ou universitaire (xviie-xxe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015 ; Clavé Yannick, Les proviseurs de lycée au xixe siècle (1802-1914). Diriger un établissement scolaire, servir l’État, former la jeunesse, doctorat en histoire contemporaine sous la direction de Jean-François Condette, laboratoire CREHS (EA 4027) de l’université d’Artois, 2018, 3 tomes.
13 Ferrier Jean, Les inspecteurs d’écoles primaires (1835-1995). Ils ont construit l’école publique, Paris, L’Harmattan, 1997, 2 tomes, t. 1, p. 25.
14 On peut penser ici au déclin de l’usage de la méthode mutuelle sous la monarchie de Juillet, voulu par François Guizot et relayé par les inspecteurs primaires. Voir Tronchot Raymond, L’enseignement mutuel en France de 1815 à 1833, thèse sous la direction de Louis Girard, Paris 1, 1972, ANRT, 1973, trois tomes ; Chalopin Michel, L’enseignement mutuel en Bretagne. Quand les écoliers bretons faisaient la classe, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
15 Grandière Marcel, La formation des maîtres en France (1792-1914), Lyon, INRP, 2006 ; Grandière Marcel, Paris Rémi et Galloyer Daniel, La formation des maîtres en France (1792-1914). Recueil des textes officiels, Lyon, INRP, 2007 ; Condette Jean-François, Histoire de la formation des enseignants en France aux xixe et xxe siècles, Paris, L’Harmattan, 2007.
16 Ognier Pierre, Une école sans Dieu (1880-1895). L’invention d’une morale laïque sous la Troisième République, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2008 ; Mercier Delphine, L’inspection primaire, l’enseignement de l’histoire, de l’instruction morale et civique (1880-1914), thèse sous la direction de Françoise Mayeur, Paris IV, 2002, 4 volumes, 830 p. ; Mercier Delphine, « L’enseignement de la morale au quotidien : le rôle des inspecteurs primaires (1880-1914) », Histoire de l’éducation, no 105, 2005, p. 45-66.
17 Condette Jean-François, « Les personnels d’inspection en France au xixe siècle (1802-1914). Entre affirmation des prérogatives de l’État et prise en compte des réalités scolaires locales »/« The inspection Staff in France in the Nineteenth Century (1802-1914): Between Affirmation of the State’s Prerogatives and Local Scholastic Contex », Rivista di Storia dell’Educazione, « “Il campanile scolastico” : ripensando la dimensione locale nella ricerca storico-educativa » (« repenser la dimension locale dans la recherche historique en éducation »), numéro spécial dirigé par Meda Juri, Ghizzoni Carla-Francesca et Barausse Alberto, 2018-1.
18 Ravier Joël, La mise en place et le développement de l’inspection primaire dans le département du Nord de la loi Guizot à la loi Falloux (1833-1850), thèse de doctorat sous la direction de Françoise Mayeur, Paris IV, 1995 ; Roux Christian, L’inspection primaire au xixe siècle, Marseille, CRDP d’Aix-Marseille, 1997.
19 Condette Jean-François (dir.), Les personnels d’inspection. Contrôler, évaluer, conseiller les enseignants. Entre terrain local et logiques d’État. Retour sur une histoire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.
20 Voir Condette Jean-François, « La promotion de la recherche dans les facultés des lettres sous la Troisième République : l’exemple de la géographie et de la science de l’éducation dans la France septentrionale », dans Poucet Bruno (dir.), Histoire de l’enseignement supérieur en Picardie (1804-1970), Amiens, Encrage, 2015, p. 277-306.
21 Bibliothèque de l’INSPE de l’académie de Lille-Hauts-de-France, L’Inspection primaire. Organe de préparation professionnelle, no 7, janvier-février 1908, « Ce bulletin existe depuis un an ».
22 L’Inspection primaire. Organe de préparation professionnelle, no 3, mai-juin 1909, « Arrêté du 28 janvier 1909 qui fixe pour trois ans, à partir de 1910, les auteurs à expliquer à l’examen du certificat d’aptitude à l’inspection primaire », p. 49.
23 L’Inspection primaire. Organe de préparation professionnelle, no 1, janvier-février 1909, p. 24.
24 Voir Luc Jean-Noël, La petite enfance à l’école, xixe-xxe siècles. Textes officiels relatifs aux salles d’asile et aux écoles maternelles, présentés et publiés, Paris, Economica-INRP, 1982 ; Luc Jean-Noël, L’invention du jeune enfant au xixe siècle. De la salle d’asile à l’école maternelle, Paris, Belin, 1999.
25 Clark Linda L., op. cit., chap. 1 : « Public Roles for Maternal Authority: The Introduction of Inspectresses, 1830-1870 », p. 11-39.
26 Cosnier Colette, Marie Pape-Carpantier, fondatrice de l’école maternelle, Paris, Fayard, 2003.
27 Luc Jean-Noël, La petite enfance à l’école, xixe-xxe siècles. Textes officiels…, op. cit., p. 149-157.
28 Luc Jean-Noël (avec Huguet Françoise), « L’inspection générale des salles d’asile et des écoles maternelles (1837-1939) », dans Rioux Jean-Pierre (dir.), Deux cents ans d’inspection générale, Paris, Fayard, 2002, p. 155-173 ; Luc Jean-Noël, « Pauline Kergomard (1838-1925), inspectrice générale des écoles maternelles et femme d’action », introduction à Kergomard Geneviève et Alain, Pauline Kergomard, Rodez, Le Fil d’Ariane, 2000, p. 8-37.
29 Bulletin administratif du ministère de l’Instruction publique, année 1887, t. 1, « Décret du 18 janvier 1887 ayant pour objet l’exécution de la loi organique de l’enseignement primaire », p. 97-121.
30 Ibid., p. 119-120.
31 Ibid., p. 121.
32 Bulletin administratif du ministère de l’Instruction publique, année 1889, t. 2, « Loi sur les dépenses ordinaires de l’instruction primaire publique et les traitements du personnel de ce service » du 19 juillet 1889, p. 99-113.
33 Voir Revue pédagogique, 15 juin 1891, « Les inspections des écoles primaires », p. 566 et suiv. (explique le décret).
34 Bulletin administratif du ministère de l’Instruction publique, t. 1891-1, décret du 17 janvier 1891, « Rapport adressé au président de la République par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, suivi d’un décret relatif au certificat d’aptitude aux fonctions d’inspectrice primaire », p. 109-111 (p. 109).
35 Ibid., p. 110-111.
36 Bulletin administratif du ministère de l’Instruction publique, t. 1891-1, décret du 17 janvier 1891, p. 111.
37 Mademoiselle Ginier, « L’inspection féminine des écoles maternelles et des écoles de filles », Revue pédagogique, 15 mars 1911, p. 217-229.
38 Ibid., p. 219-221.
39 Ibid., p. 224.
40 Ibid., p. 227.
41 Ibid., p. 227.
42 Clark Linda L., « A Battle of the Sexes in a Professional Setting: The Introduction of Inspectrices Primaires (1889-1914) », art. cité, p. 124.
43 AN, F17 22316 B, dossier Jeanne, Adèle, Dejean de la Bâtie, lettre de Louis Liard au ministre, 6 mars 1891.
44 Ibid.
45 Ibid., lettre de Louis Liard au ministre, 1er avril 1891.
46 Bulletin administratif du ministère de l’Instruction publique, t. 1891-1, décret du 17 janvier 1891, rapport adressé au président de la République par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, suivi d’un décret relatif au certificat d’aptitude aux fonctions d’inspectrice primaire, p. 109-111.
47 Clark Linda L., « A Battle of the Sexes in a Professional Setting: The Introduction of Inspectrices Primaires (1889-1914) », art. cité, p. 109 (sur les 45 hommes nommés inspecteurs primaires après 1888, seuls 8 sont passés par l’ENS de Saint-Cloud).
48 AN, F17 21982, dossier Louise Merlet, dossier complet sur l’examen d’octobre 1893.
49 Ibid., remarque du jury sur la composition de pédagogie.
50 AN, F17 24098 B, dossier Jeanne Marie Potel, dossier complet sur l’examen d’octobre 1902.
51 Clark Linda L., « A Battle of the Sexes in a Professional Setting: The Introduction of Inspectrices Primaires (1889-1914) », art. cité, p. 108 et suiv.
52 Clark Linda L., « A Battle of the Sexes in a Professional Setting: The Introduction of Inspectrices Primaires (1889-1914) », art. cité, p. 111.
53 AN, F17 22316 B, dossier Jeanne Adèle Dejean de la Bâtie, courriers divers.
54 AN, F17 24098 B, dossier Jeanne Marie Potel, lettre au ministre, 8 février 1909.
55 Clark Linda L., « A Battle of the Sexes in a Professional Setting: The Introduction of Inspectrices Primaires (1889-1914) », art. cité, p. 115.
56 AN, F17 22316 B, dossier Jeanne Adèle Dejean de la Bâtie, lettre à Louis Liard, début février 1896.
57 Ibid., note manuscrite de Louis Liard au ministre de l’Instruction publique, 17 février 1896.
58 AN, F17 23778, dossier Leloutre, lettres d’appuis.
59 AN, F17 22316 B, dossier Dejean de la Bâtie, rapport de notation, 23 juin 1883.
60 AN, F17 22543 A, dossier Saffroy, lettre du directeur de l’enseignement primaire, 7 octobre 1797.
61 Ibid.
62 Sur Charles Bayet, voir Condette Jean-François, « Un universitaire de “combat” : Charles Bayet, recteur d’académie puis directeur au ministère (1849-1918) », dans Condette Jean-François (dir.), Le recteur d’académie. Deux siècles d’engagement pour l’École, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 133-169.
63 AN, F17 22543 A, dossier Saffroy, rapport de Charles Bayet au ministre, mai 1897.
64 Ibid., lettre de l’inspecteur général Jules Steeg, 25 avril 1897.
65 Ibid., La Bourgogne, « Lettre à l’inspecteur », 26 mai 1882.
66 AN, F17 22616 B, dossier Marguerite Ginier, lettre au ministre, 15 octobre 1899.
67 Ibid., rapport de l’inspecteur général, année 1903.
68 AN, F17 22118 A, dossier Marie Rauber, lettre au ministre datée du 3 juin 1889.
69 Ibid., lettre au ministre du 3 juin 1889.
70 Ibid., lettre de l’inspecteur primaire au directeur de l’enseignement primaire, 10 octobre 1889.
71 AN, F17 22118 A, dossier Rauber, note de la directrice de l’EPS au ministre, 20 février 1891.
72 Ibid., rapport de l’inspecteur général, 28 février 1891.
73 Ibid., rapport de l’inspecteur général, 28 février 1892.
74 AN, F17 23778, dossier Leloutre, télégramme au directeur de l’enseignement primaire, 7 décembre 1901.
75 Ibid., lettre de mademoiselle Leloutre au ministre de l’Instruction publique, 8 décembre 1901.
76 Ibid., avis de notation de l’inspecteur d’académie du Gard, 10 mars 1910.
77 Ibid., avis de notation du recteur Charles Benoist, 29 mars 1910.
78 Ibid., lettre de mademoiselle Leloutre au directeur de l’enseignement primaire, 26 août 1910.
79 Petit Édouard, L’École moderne, Paris, Delaplane, 1892, 420 p.
80 Ibid., « Pédagogie féminine », p. 198 et suiv.
81 Ibid., p. 198.
82 Ibid., « Nos agrégées », p. 217 et suiv.
83 Ibid., « La femme examinatrice », p. 249 et suiv.
84 Ibid., p. 250.
85 Ibid., p. 250-251.
86 Ibid., p. 251-252.
87 Ibid., « Madame l’inspectrice », p. 253-258.
88 Ibid., p. 254.
89 Dodeman E., « L’inspection féminine dans les écoles de filles », Revue pédagogique, juillet-décembre 1911, p. 66-71.
90 Ibid., p. 66.
91 Ibid., p. 67.
92 Ibid., p. 69 (fait parler une institutrice).
93 Ibid., p. 70.
94 Bulletin de l’Association des inspecteurs primaires et directeurs d’école normale, année 1911, no 20, p. 167-173 ; no 21, p. 278-288.
95 Voir Clark Linda L., « A Battle of the Sexes in a Professional Setting: The Introduction of Inspectrices Primaires (1889-1914) », art. cité, p. 104 et suiv. (Manuel général de l’instruction primaire, journal hebdomadaire des instituteurs et des institutrices) ; Clark Linda L., op. cit., chap. 2 : « Educating a New Democraty: School Inspectresses and the Third Républic », p. 40-75 (textes des revues, p. 56 et suiv.).
96 AN, F17 22316 B, dossier Dejean de la Bâtie, évaluation du vice-recteur Louis Liard, 1er mai 1897.
97 Ibid., rapport de l’inspecteur général, janvier 1897.
98 AN, F17, dossier Merlet, rapport de l’inspecteur général, février 1897.
99 Ibid., rapport de l’inspecteur général, 25 mars 1899.
100 AN, F17 22543 A, dossier Saffroy, rapport de l’inspecteur général, mars 1901.
101 AN, F17 22616 B, dossier Ginier, rapport de l’inspecteur général, 9 et 10 décembre 1905.
102 Ibid.
103 Ibid., rapport de l’inspecteur général, 24-25 janvier 1916.
104 AN, F17 23778, dossier Leloutre, rapport de l’inspecteur général, 1er février 1916.
105 Bulletin administratif du ministère de l’Instruction publique, année 1889, t. 2, « Loi sur les dépenses ordinaires de l’instruction primaire publique et les traitements du personnel de ce service » du 19 juillet 1889, p. 99-113.
106 AN, F17 21982, dossier Merlet, fiche de notation, année 1904.
107 AN, F17 22543 A, dossier Saffroy, fiche de renseignement et de notation 1912.
108 AN, F17 24098 B, dossier Potel, fiche de renseignement année 1913.
109 AN, F17 22616 B, dossier Ginier, document, fiche 1913.
110 Clark Linda L., « A Battle of the Sexes in a Professional Setting: The Introduction of Inspectrices Primaires (1889-1914) », art. cité, p. 96-125. Cinq des huit inspectrices rejoignent Pauline Kergomard dans le Comité des dames de la ligue de l’enseignement qui adhère au Conseil national des femmes françaises (CNFF) fondé en 1901 ; Marguerite Ginier et Marie Kieffer sont dans le comité central du groupe parisien de l’Union française pour le suffrage des femmes (UFSF) alors que Jeanne Dejean de la Bâtie est membre honoraire.
111 Ferrier Jean, Les inspecteurs d’écoles primaires (1835-1995). Ils ont construit l’école publique, Paris, L’Harmattan, 1997, t. 1, p. 325.
112 Combaz Gilles, « L’inspection dans l’enseignement primaire. Une voie professionnelle qui favorise l’égalité entre les femmes et les hommes ? », Éducation & Formations, no 97, septembre 2018, p. 93-112.
113 Ibid., p. 95.
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