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    Plan détaillé Texte intégral Deux réajustements européens contradictoires La stagnation du dialogue de défense franco-britannique Conclusion Notes de bas de page

    Le schisme franco-britannique

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre IV. L’Europe des Six au cœur du différend franco-britannique (été 1960-été 1961)

    p. 193-226

    Texte intégral Deux réajustements européens contradictoires De Gaulle engage la « politisation » de l’Europe des Six Le « grand dessein » euro-atlantique de Macmillan Quel avenir pour le duo Paris-Londres ? Les plans sur la comète de janvier 1961 Rebond franco-allemand et veto de Kennedy La stagnation du dialogue de défense franco-britannique L’impossible concertation face aux projets américains de force nucléaire OTAN Whitehall à la croisée des chemins La relance avortée du dialogue de défense franco-britannique Conclusion Notes de bas de page

    Texte intégral

    1L’avenir de l’Europe et de l’Occident, à l’été 1960, paraissait incertain : l’échec du sommet de Paris en mai 1960 avait marqué la fin des espoirs de détente Est-Ouest et l’on pressentait que la crise berlinoise, entrée dans une phase de latence, allait rebondir. L’URSS de Khrouchtchev paraissait sûre d’elle-même, en plein essor technologique, économique et stratégique ; à l’inverse, le camp occidental semblait inquiet de lui-même et de son unité. La perspective des élections présidentielles de novembre aux États-Unis affaiblissait considérablement l’autorité d’Eisenhower. Surtout, la crainte d’un découplage entre l’Europe et l’Amérique, suscitée par la perspective de la parité stratégique soviéto-américaine donnait l’impression d’une « Alliance à la dérive1 ».

    2C’est dans ce contexte d’incertitude que de Gaulle, puis quelque six mois plus tard Macmillan, infléchirent leur politique étrangère respective et placèrent tous deux au cœur de leur vision l’Europe des Six. Celle-ci acquit alors une place sans précédent dans le jeu diplomatique des deux pays. Toutefois, cette évolution vers l’Europe ne fut en aucun cas source d’harmonie entre Paris et Londres. Au contraire, la logique de rivalité qui s’était installée sur ce terrain depuis l’échec de la ZLE en 1958 s’exacerba. Les deux Europe qu’avaient en tête de Gaulle et Macmillan étaient en fait parfaitement incompatibles.

    Deux réajustements européens contradictoires

    De Gaulle engage la « politisation » de l’Europe des Six

    3Entre mai et septembre 1960, la politique étrangère de De Gaulle connut une inflexion majeure : d’un premier moment « tripartite », dont le moteur aurait dû être « occidental », fondé sur l’entente avec les deux alliés « anglo-saxons », de Gaulle passa à un deuxième moment, centré sur l’Europe des Six, qu’il appelait à former « un groupement politique, économique, culturel et humain, organisé pour l’action, le progrès, la défense2 ». En s’appuyant sur l’entente approfondie entre la France et l’Allemagne, il s’agissait désormais d’amener l’Europe des Six à se « politiser » et à s’occuper par elle-même de sa propre défense. Dans la manière dont s’effectua le passage du tripartisme à « l’Europe européenne », on observe une forme de « tuilage » : en effet, de Gaulle prévint Adenauer dès le 14 mai 1960, juste avant que ne s’ouvre le sommet de Paris avec Khrouchtchev, de son intention de s’entretenir avec lui à propos de la défense de l’Europe3 ; or, on sait aussi que de Gaulle accepta de participer à une nouvelle relance du tripartisme le 18 mai, à l’issue du sommet avorté, et qu’au cours de l’été, il réclama l’organisation d’un sommet à trois, en vain d’ailleurs.

    4Il n’y avait pas là d’incohérence ou de machiavélisme de la part du chef de l’État français, mais la manifestation d’une politique étrangère fondamentalement dynamique, capable d’anticiper sur l’échec du tripartisme, pour passer sans volte-face à un jeu plus européen et franco-allemand4. En aucun cas, en donnant la priorité à l’édification d’une entité européenne autonome, de Gaulle n’abandonnait l’espoir de parvenir à une réforme en profondeur de l’Alliance atlantique, visant à davantage d’égalité entre Américains et Européens5. Partant du constat de l’impossibilité d’obtenir une relation d’égal à égal avec Washington par la négociation (comme le prouvait l’échec du tripartisme), de Gaulle chercha à parvenir au même résultat par une voie différente : l’édification d’un ensemble européen assez puissant pour contraindre l’Amérique (et l’Angleterre), à coopérer sur un pied d’égalité avec l’Europe continentale6. Au-delà de ses avatars successifs et du changement de priorité entre ses dimensions européenne et transatlantique, la cohérence et l’ambition de la vision gaullienne demeuraient.

    5C’est lors de la rencontre de Rambouillet avec le chancelier Adenauer, les 29 et 30 juillet 1960, que de Gaulle donna le coup d’envoi à son entreprise d’« organisation de l’Europe » au plan politico-stratégique7. Les tensions s’étaient pourtant accumulées entre la France et l’Allemagne depuis quelques mois. La récente relance du tripartisme et les propos de Michel Debré devant l’Assemblée nationale expliquant, pour justifier l’entreprise nucléaire française, que les pays ne possédant pas l’arme nucléaire étaient condamnés à n’être que des « satellites », avaient profondément indisposé le chancelier8. De Gaulle commença donc par rassurer le chancelier, arguant d’une part de l’échec définitif du tripartisme qu’il anticipait, et maintenant d’autre part ouverte la perspective d’une nucléarisation de l’Allemagne à long terme, ce qui permettait habilement d’atténuer l’inégalité de statut stratégique entre Paris et Bonn, qu’accentuait l’émergence de la « force de frappe9 ». Adenauer s’avança alors fort loin dans le sens des thèses de De Gaulle. Au plan européen, il ne contredit pas son interlocuteur lorsque celui-ci affirma qu’il fallait s’appuyer sur la « coopération organisée entre nos États », en créant de nouveaux organismes strictement intergouvernementaux, compétents dans les « domaines politique, économique et culturel et dans celui de la défense », et du même mouvement, « mettre au pas les “communautés européennes” ». Quant aux matières atlantiques, les deux hommes avaient été d’accord pour dire que la crédibilité de la garantie nucléaire américaine était fort affaiblie et qu’il fallait aller vers une autonomie stratégique accrue de l’Europe par rapport aux États-Unis. Le chancelier n’alla-t-il pas jusqu’à « admettre que les Américains ne puissent être les seuls à posséder l’arme atomique », ce qui était indirectement reconnaître la légitimité de l’effort nucléaire français ? Enfin, sur la place à réserver à la Grande-Bretagne dans le nouveau dispositif européen, les deux hommes furent immédiatement d’accord sur la primauté à accorder au lien franco-allemand par rapport à leur relation avec Londres.

    6Ainsi, le chancelier donna l’impression à Rambouillet de s’être laissé convaincre par son interlocuteur, qu’il s’agisse de la nécessité de réaffirmer l’Europe des États face aux communautés ou de l’autonomie stratégique de l’Europe face à l’Amérique. Certes il avait précisé qu’il fallait éviter de donner « l’impression que la France et l’Allemagne cherch[aient] à se séparer des États-Unis », mais de Gaulle n’interpréta pas ceci comme un désaccord véritable10. En fait, il existait bien une « opposition de phase11 » entre les deux hommes à propos de la réforme de l’Alliance, ce qui allait conduire la RFA à prendre ses distances à l’égard de la position agréée à Rambouillet. Le point particulièrement intéressant pour nous, c’est que cela allait se manifester d’abord par la réintroduction dans le jeu européen du facteur « Grande-Bretagne ».

    7Rambouillet avait placé ipso facto Adenauer au cœur du débat transatlantique et européen, dans une configuration où il se retrouvait en position d’arbitre dans deux querelles bien distinctes, l’une sur l’Europe, opposant la Grande-Bretagne et la France, et l’autre sur l’OTAN, opposant les États-Unis et la France. Le chancelier nous paraît avoir joué avec maestria de cette position centrale, au cœur de deux triangles géopolitiques – France-RFA-Royaume-Uni et France-RFA-États-Unis – qu’il sut articuler, pour mieux défendre les intérêts fondamentaux de sécurité de son pays. À l’inverse du Général qui croyait pouvoir accélérer juste après Rambouillet12, Bonn chercha à temporiser13. Avec la visite de Macmillan à Bonn les 10 et 11 août, la temporisation prit même l’allure d’une volte-face14. Comme pour faire contrepoids à la conjonction franco-allemande de Rambouillet, Adenauer prit l’initiative d’inviter Macmillan et orchestra une étonnante « réconciliation » germano-britannique15. Le Premier ministre fut d’ailleurs le premier surpris de la réception chaleureuse que lui réserva Adenauer16. Contre toute évidence, le chancelier semblait vouloir croire en un renoncement définitif de Macmillan à sa politique de médiation entre Occidentaux et Soviétiques, en se fondant sur une lettre au ton très ferme que Macmillan avait envoyée à Khrouchtchev en juillet17. Adenauer prit même l’initiative de rouvrir le dossier des relations entre la CEE et l’AELE et donna le jour même le coup d’envoi à des réunions d’experts germano-britanniques à ce sujet.

    8L’ambassadeur Seydoux livre deux éléments d’explication du « changement d’état d’esprit » d’Adenauer18. Tout d’abord, le chancelier avait à composer avec un service diplomatique nettement plus réticent que lui face aux orientations de De Gaulle, ainsi qu’avec un fort courant anglophile autour d’Erhard. Plus profondément, Adenauer ne fut sans doute pas fâché de pouvoir mettre fin à la polémique anglo-allemande, et ainsi « supprimer l’une des causes d’infériorité de la politique allemande » par rapport à la France. Seydoux note en effet que « durant ces derniers mois, les dirigeants allemands sont devenus avides d’égalité avec nous ; leur susceptibilité est à fleur de peau ». Dès lors, la « réconciliation anglo-allemande » paraît être avant tout un mouvement tactique d’Adenauer, au service du jeu principal, engagé avec la France. Bonn rappelait en quelque sorte à Paris qu’il faudrait tenir compte des positions allemandes pour définir les modalités de la nouvelle coopération politique européenne, à moins de voir Bonn peser à nouveau en faveur du rapprochement des Six et des Sept. La manœuvre du chancelier, subtilement dosée, contribuait à créer une incertitude chez les Français quant à ses intentions vis-à-vis de la Grande-Bretagne19, sans aller jusqu’à répudier le cœur de l’entente de Rambouillet (dont Adenauer dissimula l’essentiel à Macmillan)20.

    9C’est toutefois en intégrant le facteur principal que l’on parvient à une compréhension complète du jeu tactique d’Adenauer : ce qui inquiétait le plus le chancelier était la remise en cause radicale par de Gaulle de l’intégration otanienne et les implications que cela pouvait avoir pour les rapports de l’Europe avec l’Amérique. À Rambouillet, de Gaulle avait exposé sa vision d’une Alliance fondée non sur l’intégration sous commandement américain, mais sur la coopération entre les grands États-nations de l’Alliance, qui devaient conserver chacun leur autonomie, leurs spécificités et leur personnalité stratégique21. Dès la mi-août, Adenauer écrivit à de Gaulle qu’il lui semblait impossible de s’avancer vers une réforme de l’OTAN sans connaître le successeur d’Eisenhower22. À partir de la conférence de presse du 5 septembre, au cours de laquelle de Gaulle avait critiqué ouvertement l’OTAN, provoquant dès lors un surcroît d’inquiétudes américaines23, le jeu triangulaire initié par Bonn au mois d’août avec Londres sur la question européenne se doubla bientôt d’un second schéma à trois, cette fois-ci avec Washington, et d’une importance politico-stratégique tout à fait centrale.

    10La Grande-Bretagne fut alors un pion dans une partie qui se joua à ses dépens et dont l’enjeu dépassait de loin la question des Six et des Sept, qui était pourtant en train de devenir l’obsession du Premier ministre britannique24. Aussi, à l’automne 1960, le « coup de froid » brutal que connurent les relations franco-allemandes eut clairement pour motivation essentielle l’OTAN, même s’il s’était d’abord manifesté par la « réconciliation » germano-britannique25. Soumis de la part de Washington à la fois à des avances en matière nucléaire (avec la relance du projet de force nucléaire de l’OTAN) et à de vigoureuses pressions26, Adenauer fut à ce moment-là le meilleur allié de Washington dans la défense de l’intégration contre de Gaulle (beaucoup plus d’ailleurs que Macmillan). Adenauer prit donc un net virage atlantiste à la fin de l’année 1960 et de Gaulle dut temporiser à son tour, reconnaissant une erreur tactique : « Je regrette […] d’avoir parlé naguère [de la réforme atlantique] aussi franchement que je l’ai fait au chancelier Adenauer. Je le croyais plus vraiment européen que, sans doute, il ne l’est en réalité27. »

    11L’initiative gaullienne de Rambouillet déboucha donc sur une phase de flottement de la RFA, ostensiblement mise en scène par Adenauer entre France d’une part, Grande-Bretagne et États-Unis d’autre part. Dans l’immédiat, la diplomatie britannique en tira profit : le dossier du « règlement de la question des Six et des Sept » fut bel et bien rouvert à partir d’août 1960. Mais Macmillan surinterpréta cette évolution et en vint à spéculer de nouveau sur la possibilité de relancer ses idées européennes originelles, sur fond de mésentente franco-allemande. À la mi-septembre, Macmillan ne cachait pas une certaine « Schadenfreude » (joie maligne) à la lecture des télégrammes de Roberts lui rapportant les tensions croissantes entre la France et ses partenaires européens au sein de l’OTAN :

    « Les Six sont sur le point d’avoir une bagarre du tonnerre de Dieu [a God-Almighty row]. À mon avis, nous ne devrions rien faire pour les en décourager. Si les Six commencent à se disputer, il y a une chance pour que les Sept ne s’en portent pas moins bien. […] Les Six ont organisé un complot pour nous nuire et n’en cherchent pas moins à nous obliger à les défendre, ce qui nous coûte extrêmement cher. […] C’est seulement depuis qu’ils ont commencé à se quereller qu’il a été question de satisfaire le point de vue de la Grande-Bretagne et de l’AELE28. »

    12La discorde entre pays du continent était donc encore, aux yeux de Macmillan, le meilleur moyen pour les Britanniques de promouvoir leurs intérêts. Il croyait toujours à une « solution politique » au problème du rapport de la Grande-Bretagne avec le Marché commun, permettant de contourner la difficulté économique.

    13Pourtant, sur un plan structurel et systémique, si la fin 1960 fut un moment de fluidité et d’incertitude dans les rapports entre les quatre principales puissances de l’aire euro-atlantique, plusieurs signes laissaient transparaître une tendance qui s’affirmerait pour culminer en 1963 : la mise à l’écart de la Grande-Bretagne dans le débat stratégique fondamental sur l’avenir de l’Alliance. D’abord, on l’a vu, pour Adenauer, le rapport avec la Grande-Bretagne était avant tout un vecteur d’influence vis-à-vis de la France gaullienne, dans un jeu qui visait en premier lieu à retenir le Général de radicaliser sa posture vis-à-vis de l’OTAN et des États-Unis. Autrement dit, la bonne volonté d’Adenauer vis-à-vis des Sept relevait avant tout d’une préoccupation politico-stratégique qui n’avait que peu à voir avec le problème du commerce intra-européen, au centre de l’attention de Macmillan. Au total, la réponse que fit Adenauer à l’offre de Rambouillet eut pour résultat de majorer l’importance du triangle France-RFA-États-Unis, tout en minimisant celle du triangle France-RFA-Royaume-Uni. En outre, pour de Gaulle, Londres ne figurait plus désormais au sein du moteur privilégié pour agir au plan politico-stratégique. Alors que la relation franco-britannique aurait pu avoir une grande importance pour construire un tripartisme équilibré, la vision gaullienne de « l’Europe européenne » exposée à Rambouillet, concrétisait le passage au second plan de la Grande-Bretagne dans l’ordre des priorités stratégiques de la France. Enfin, après Rambouillet, la Grande-Bretagne et les États-Unis s’étaient placés sur des terrains tout à fait différents pour contrer l’offensive de De Gaulle : d’un côté, l’Amérique ne voyait guère d’un bon œil la relance du débat sur un arrangement pan-européen entre les Six et les Sept29, susceptible pour elle d’aboutir à de nouvelles discriminations commerciales ; de l’autre, la Grande-Bretagne n’appréciait guère les propositions américaines de force nucléaire OTAN, relancées à l’automne 1960 comme un moyen de détourner le chancelier d’une alliance trop exclusive avec la France. De ce fait, les manœuvres que les deux gouvernements engagèrent vis-à-vis d’Adenauer ne purent être articulées l’une à l’autre, nouveau symptôme d’une forme de déconnexion de Macmillan par rapport au jeu central qui avait commencé à se jouer entre Bonn, Washington et Paris, sous l’effet de l’impulsion nouvelle donnée par de Gaulle au débat transatlantique à Rambouillet.

    Le « grand dessein » euro-atlantique de Macmillan

    14Le réajustement européen de Macmillan débuta près de six mois après la réunion franco-allemande de Rambouillet. Après deux tentatives infructueuses à l’automne 1959 et en juillet 1960, la troisième tentative fut la bonne pour Macmillan : à la fin 1960, il rédigea un long document bientôt appelé son « grand dessein », qui finit par aboutir à la première candidature de la Grande-Bretagne à l’adhésion à la CEE, officialisée le 31 juillet 1961 par Macmillan devant le Parlement britannique.

    15Un important débat d’interprétation a divisé les historiens à propos des motivations de cette première candidature. Pour les uns, le réajustement européen de Macmillan de 1961 doit s’interpréter comme la reconduction de la priorité atlantiste par d’autres moyens. Ainsi, selon Wolfram Kaiser, rejoindre les Six devait permettre à Macmillan de se conformer aux préférences américaines en matière d’intégration européenne, avec pour objectif premier de convaincre Washington de maintenir la « relation spéciale30 ». À cette thèse de « l’apaisement atlantiste » s’oppose une seconde interprétation, qui insiste sur la réalité du recentrage de la politique étrangère britannique vers l’Europe. Nigel Ashton souligne ainsi que c’est la déception de Macmillan à l’égard de la « relation spéciale » à l’issue du sommet avorté de mai 1960, qui le poussa vers l’Europe. Après ce tournant décisif, l’objectif de Macmillan aurait été de « construire une base de puissance alternative pour les Britanniques en tant que leaders de l’Europe », qui puisse « fournir une protection contre la non-fiabilité de l’influence britannique sur les États-Unis, démontrée par les événements de Paris31 ». Dans un article stimulant centré sur le concept de power-by-proxy (exercice de la puissance par substitution), Kevin Ruane et James Ellison ajoutent qu’« avec la première candidature à la CEE, l’exercice de la puissance par substitution fut transformé. Un nouveau substitut, l’Europe, devait servir à partir de là d’assurance contre les vicissitudes et les limitations de la relation anglo-américaine32 ». Il s’agissait de s’appuyer non plus seulement sur le « proxy » américain, mais sur un « amalgame » entre ce dernier et le « proxy » européen. C’est à la lumière de ce débat historiographique que nous analyserons le « grand dessein » de Macmillan.

    16Le Premier ministre britannique gardait une approche éminemment politique de la question européenne, attribuant à ses aspects économiques une place secondaire. Ainsi, dans un document de réflexion préparatoire33, il s’interrogeait d’abord sur l’avenir du deterrent britannique et du partenariat nucléaire avec les États-Unis, sur la stratégie de l’OTAN, ainsi que sur l’ambition nucléaire de la France, tout cela avant d’en venir enfin à l’Europe. En fait, le problème européen était entièrement subsumé dans celui du rapport avec les États-Unis :

    « Comment nous (et les Américains) allons-nous travailler avec la France aujourd’hui – et avec l’Allemagne demain ? [s’interrogeait Macmillan]. Peuvent-ils être maintenus à l’intérieur d’une communauté atlantique telle qu’on l’a conçue jusqu’ici ? L’entité politique des Six n’allait-elle pas briser ce concept ? Ce danger serait-il évité par l’émergence d’une unité économique plus vaste en Europe ? Si tel est le cas, pouvons-nous persuader les Américains de donner un soutien plus actif à un tel développement ? »

    17On le voit, le cadre général de réflexion demeurait indéniablement atlantiste dans ses présupposés.

    18C’est tout autant le cas dans le « grand dessein » lui-même34, où Macmillan exprimait son attachement à la vocation mondiale de la Grande-Bretagne : en dépit de sa puissance déclinante, l’objectif principal restait d’être capable de mener la guerre froide au côté de Washington. Quant au modus operandi, Macmillan proclamait à nouveau sa foi absolue en « l’interdépendance35 », mais il estimait aussi que les Britanniques auraient « peut-être à recourir à la menace de devenir isolationnistes pour générer une prise de conscience chez les autres nations du monde libre et ainsi favoriser un plus haut degré de coopération ». Nous avons déjà vu à quel point cette méthode s’était révélée contre-productive avec de Gaulle et Adenauer. Ajoutons que la dichotomie interdépendance/isolationnisme mettait d’emblée Macmillan en porte-à-faux avec la vision gaullienne exposée à Rambouillet d’une Alliance fondée sur la coopération entre grands États-nations indépendants, formant chacun un pilier autonome de l’édifice commun (une alliance « multipolaire » en quelque sorte). Dans le cadre conceptuel de Macmillan, l’indépendance nationale à la de Gaulle ne pouvait être qu’assimilée à la voie de l’isolationnisme, d’où ce jugement étrange et récurrent dans la bouche de Macmillan sur la politique de De Gaulle qualifiée d’« insulaire36 » !

    19En fait, l’élément le plus novateur du « grand dessein » était la réponse que Macmillan tâchait d’apporter au problème européen et la place prépondérante qu’il accordait à la France gaullienne – onze pages y étaient consacrées (un tiers du document) à comparer aux quatre pages consacrées en tout et pour tout aux États-Unis et à la RFA. Visiblement, le Premier ministre ne croyait plus dans la tactique mise en œuvre à partir d’août 1960 – parvenir à un accord CEE-AELE, en entamant des discussions bilatérales avec la RFA puis l’Italie et en contournant de Gaulle. Il souhaitait désormais accomplir « un suprême effort pour se mettre d’accord avec de Gaulle », en organisant un grand marchandage franco-britannique dans lequel un règlement satisfaisant de la question européenne serait échangé contre une reconnaissance de la France comme grande puissance, à égalité avec le Royaume-Uni. Cette reconnaissance comprenait deux dimensions. Premièrement, la diplomatie britannique devrait obtenir de Washington l’établissement effectif d’un tripartisme franco-anglo-américain. Il faudrait donc convaincre les Américains de réformer l’OTAN en prenant en compte les critiques gaulliennes, dont certaines étaient justifiées aux yeux du dirigeant britannique – Macmillan parlait de revitaliser le Groupe permanent, critiquait l’accaparement de la planification militaire par le SACEUR et plaidait en faveur d’une simplification drastique de la structure des commandements. Deuxièmement, et c’était là que Macmillan prenait une position qui s’écartait du paradigme atlantiste qu’il avait lui-même mis en vigueur en 1957, Londres devrait désormais faciliter l’accomplissement des ambitions nucléaires françaises. Autrement dit, au marchandage euro-tripartite déjà envisagé dès 1958, s’ajoutait désormais un marchandage euro-nucléaire. Macmillan envisageait de demander l’accord de Kennedy pour que les Britanniques puissent fournir aux Français des technologies et savoir-faire nucléaires, voire les armes elles-mêmes. Il proposait aussi que la France et la Grande-Bretagne constituent ensemble une force nucléaire pour l’Europe et soient reconnues comme « mandataires européens pour l’OTAN » (« European trustees for NATO »). La coopération franco-britannique pourrait consister en un partage des coûts, un contrôle politique conjoint des armes et un accord de consultation préalable avant emploi. En contrepartie, la France devrait donner son accord à un rapprochement de la Grande-Bretagne avec les Six pour surmonter ce que Macmillan appelait « la division politique » de l’Europe.

    20Ce qui frappe dans le raisonnement du Premier ministre britannique est le flou du cadre institutionnel dans lequel se situe son entreprise de « règlement européen » : Macmillan a-t-il toujours en tête un accord à Six plus Sept, ou bien une démarche à Six plus Un, entre la Grande-Bretagne et la CEE ? Le « grand dessein » ne choisit pas clairement. D’un côté, Macmillan ne se réfère jamais explicitement à une adhésion pleine et entière au traité de Rome. De l’autre, il présente le rapprochement avec la CEE comme inéluctable : « L’exclusion du groupe économique le plus puissant dans le monde civilisé ne peut que nous nuire. » Il explique aussi qu’il faudrait obtenir de De Gaulle des dérogations aux règles du traité de Rome pour les relations commerciales avec le Commonwealth et pour l’agriculture. Le langage reste toutefois ambigu : au fond, le « grand dessein » constitue davantage une réflexion sur le côté politico-stratégique du marchandage envisagé avec la France que sur le côté européen et économique, où Macmillan paraît encore incertain de ce qu’il compte demander.

    21Un second point marquant du document est la présence d’une forte critique de l’OTAN, qui fait largement écho aux thèses de De Gaulle. Depuis la fin juin 1960, Macmillan avait en effet adopté une attitude de plus en plus sceptique à l’égard de l’OTAN, à mesure qu’il penchait du côté de l’idée tripartite gaullienne. Plusieurs fois, il avait jugé que Frank Roberts, qui était à l’inverse très hostile aux conceptions gaulliennes, était « plus royaliste que le roi » [sic] dans sa défense de l’OTAN37. La « dérive anti-OTAN » de Macmillan atteignit de telles proportions qu’elle déclencha une réaction en forme d’avertissement de la part des dirigeants du Foreign Office, qui durent rappeler les piliers de la doctrine otanienne traditionnelle de la Grande-Bretagne : « L’OTAN n’est pas une institution que nous pouvons soutenir ou décourager selon les besoins de la situation européenne. Pas d’OTAN, pas de participation américaine à notre défense. Pas de participation américaine à notre défense, pas de défense38. » Certes, les chefs du Foreign Office parvinrent à contenir les vacillations de la foi otanienne de leur Premier ministre, mais l’atlantisme de Macmillan n’était plus aussi univoque qu’il l’avait été, sous l’effet conjugué du facteur européen et du poids pris par de Gaulle dans son esprit.

    22Un troisième élément remarquable dans le « grand dessein » est l’absence complète de prise en compte des intérêts de la RFA, à l’écart du tripartisme proposé par Macmillan. L’acrimonie des expressions employées révèle à nouveau une forte germanophobie39 : Macmillan envisage ainsi de se mettre d’accord avec les Américains pour « forcer les Allemands à dégorger », et soutenir la livre et le dollar, le surplus de la balance commerciale allemande étant vu comme la source des déficits britannique et américain.

    23Enfin, dernier point fondamental, le « grand dessein » ne rompt pas avec l’idée de maintenir la « relation spéciale » avec Washington. C’est là une contradiction flagrante qui entachait la démarche audacieuse de Macmillan : tant sur le tripartisme que sur la question nucléaire, le chemin vers Paris passait par Washington. Le cœur du « grand dessein » (le marchandage euro-nucléaire) était conçu pour être d’abord présenté à Kennedy, et ensuite seulement à de Gaulle, une fois qu’il aurait reçu le feu vert américain. L’assentiment de Washington restait donc la condition sine qua non du grand dessein de Macmillan. De plus, la médiation britannique aurait pour objectif d’installer une espèce de deuxième « relation spéciale », franco-américaine, un peu en deçà de celle qui liait traditionnellement et historiquement Londres et Washington, et dont Macmillan pourrait tirer profit pour régler ses difficultés européennes.

    24L’innovation que représente le « grand dessein » doit donc être relativisée : si la politique de Macmillan est clairement recentrée sur l’Europe, ou pour être plus précis, sur le rapport franco-britannique qui devient une obsession, le moteur primordial de l’action diplomatique britannique n’en demeure pas moins anglo-américain. Le mouvement qu’effectue Macmillan dans le sens des idées gaulliennes, sur le tripartisme, sur l’OTAN, sur l’ambition nucléaire française, reste d’une ampleur limitée. En aucun cas, le rapport franco-britannique n’est mis sur le même plan que le rapport anglo-américain. Par ailleurs, et nous rejoignons là-dessus Kaiser40, Macmillan ne renonce absolument pas à l’ambition de maintenir une position de surplomb vis-à-vis des Européens du continent, y compris la France. La Grande-Bretagne se maintiendrait dans une position unique, liée à son rôle d’intermédiaire indispensable entre l’Amérique d’une part, et la France et l’Europe d’autre part, tandis que la participation britannique à la CEE lui permettrait de la mener de l’intérieur en vue de maintenir la cohésion transatlantique. En ce sens, le « grand dessein » ne correspondait pas du tout à une normalisation européenne du statut stratégique britannique.

    Quel avenir pour le duo Paris-Londres ? Les plans sur la comète de janvier 1961

    25Par-delà un apparent parallélisme, les deux réajustements de Macmillan et de De Gaulle vers l’Europe des Six étaient en réalité contradictoires. Le rehaussement de la France dans la pensée stratégique de Macmillan et son ralliement à l’idée tripartite s’effectuaient à contretemps par rapport à de Gaulle, qui plus que jamais donnait priorité à son entente avec Adenauer et à l’Europe des Six. De plus, le paradigme de la médiation demeurait au cœur des conceptions géopolitiques de Macmillan, à l’encontre d’une tendance tout aussi profonde chez de Gaulle à promouvoir des rapports directs et sans intermédiaire entre grands alliés. Les recentrages européens de Macmillan et de Gaulle se faisaient donc sur des bases fondamentalement différentes.

    26Aussi est-ce peu dire que le sommet franco-britannique de Rambouillet des 28 et 29 janvier 1961 ne se déroula pas sous les meilleurs auspices, tant s’étaient durcis les échanges bilatéraux à propos de l’Europe. Du côté britannique, comme l’expliquait Home à l’ambassadeur Pierson Dixon, « nous n’avons que peu de choses à offrir par nous-mêmes ; ce que nous faisons doit dépendre des Américains et c’est la principale raison pour laquelle nous devons pour le moment être prudents. Je suis content que le Premier ministre puisse avoir une bonne discussion avec vous avant de voir de Gaulle41 ». Autrement dit, le Foreign Office veillait au grain, avec un nouvel ambassadeur à Paris bien plus orthodoxe que Jebb, et chargé d’encadrer les initiatives d’un Macmillan à l’atlantisme vacillant. Du côté français, le souhait de De Gaulle s’était affirmé d’avancer vers la coopération politique entre Européens et sans la Grande-Bretagne dans un premier temps. Le Général s’en était expliqué franchement face aux Luxembourgeois Schaus et Werner : « Jusqu’ici, il faut bien reconnaître que la Grande-Bretagne ne vient pas à nous. Les Anglais se méfient de l’Europe. Ils ont tendance à s’exagérer l’importance du Commonwealth. De plus, ils croient qu’il est pour eux de bonne politique de “coller” aux Américains. » Et de conclure : « Il n’y a qu’un moyen de nous faire désirer par les Anglais, c’est d’exister en tant qu’Européens42. » De Gaulle prenait ici le contrepied de ce qui deviendrait plus tard l’argument néerlandais du « préalable anglais », que l’on pourrait résumer ainsi : il ne saurait y avoir d’Europe à l’anglaise (intergouvernementale) sans les Anglais ; au contraire, de Gaulle expliquait qu’on ne devait pas attendre les Britanniques pour construire l’Europe politique, et même qu’il fallait d’abord faire l’Europe politique, avant de se poser la question de la participation britannique43. Il y a là quelque chose de typique de la deuxième phase de la politique étrangère gaulliste : il ne s’agissait plus de chercher à modifier l’architecture du système euro-atlantique par l’entente préalable avec Londres et Washington, mais bel et bien de les mettre devant le fait accompli, par l’émergence d’un pôle européen autonome, capable d’imposer de facto une meilleure prise en compte des intérêts spécifiquement européens. De Gaulle en exposait ici la déclinaison britannique. En fait, la méfiance des responsables français à l’égard des intentions britanniques vis-à-vis de l’Europe des Six était désormais ancrée en profondeur : qu’il s’agisse de Couve de Murville44, de Wormser45 ou de Chauvel46, ils insistaient tous sur la rémanence à Londres d’un espoir d’« enlisement du Marché commun » et sur l’immobilisme du gouvernement, pour qui il restait hors de question d’« entrer dans le Marché commun tel qu’il [était] ». D’après Chauvel, la politique européenne du Royaume-Uni restait « incertaine de ses moyens, inquiète et cauteleuse dans ses approches, plus négative que positive dans son objet ».

    27En dépit de leur ton affable et non conflictuel, les échanges de la fin janvier 1961 laissèrent paraître les visions divergentes des deux dirigeants concernant l’avenir de la relation franco-britannique et prirent un tour irréel47. De Gaulle avait une idée assez claire de ce que pourrait être une relation franco-britannique dynamique et utile : dans l’immédiat, le rapprochement entre Paris et Londres devait compenser la politique « plus étroitement américaine qu’occidentale » que Kennedy ne manquerait pas d’adopter, d’après de Gaulle. Cela exigeait deux préalables : d’abord, parvenir à un modus vivendi sur l’Europe en dépassant le contentieux de l’automne 1958 ; ensuite, se mettre d’accord sur la relation qu’il fallait entretenir avec les Américains. Le domaine où s’exercerait alors l’action conjointe franco-britannique serait les questions mondiales, à savoir la décolonisation, les problèmes atomiques et de sécurité, les relations Est-Ouest, la Chine. En d’autres termes, il s’agit ici de la dimension franco-britannique du tripartisme tel que de Gaulle l’avait proposé en 1958. Certes, en 1961, de Gaulle tenait désormais pour acquis le refus américain à l’égard du mémorandum : comment « ce qui n’a[vait] pas été possible avec Eisenhower le deviendrait[-il] avec Kennedy », s’interrogeait-il48 ? Il décrivait donc ce qui pouvait rester du tripartisme au niveau franco-britannique, indépendamment de Washington.

    28Macmillan, en exposant sa propre vision du duo franco-britannique, déploya une rhétorique à la fois pro-européenne et gaulliste, tactique qu’il reconduirait de plus en plus ouvertement lors de ses rencontres de 1961-1962 avec de Gaulle. Il reprit tout d’abord à son compte le schéma tripartite : la France et le Royaume-Uni devaient « s’entendre comme puissances européennes et mondiales et parler au Nouveau Monde comme représentants réels de l’ancien ». Au plan européen, il proposait un arrangement entre les Six et les Sept, mais estimait aussi que « l’Angleterre pourrait s’associer à ce que le Marché commun comporte de fondamental, à savoir le tarif extérieur, sous réserve de certaines dérogations » concernant les importations agricoles et le Commonwealth. Macmillan se déclarait prêt à obtenir des Anglais et des membres du Commonwealth « des concessions et même des sacrifices ». Enfin, concernant l’armement nucléaire, Macmillan minimisa l’importance de la « relation spéciale », et au grand dam du Foreign Office49, évoqua à demi-mot les idées du « grand dessein » :

    « Quelque arrangement pourrait peut-être prévoir que la Grande-Bretagne et la France mettent aussi à la disposition de l’OTAN un armement atomique pour la défense de l’Europe et qu’un système de consultations, ne comportant pas de formules par trop juridiques, fasse des trois puissances comme les “mandataires” de la force de frappe et donc de l’indépendance du monde libre. »

    29Grâce aux bons offices de Londres, peut-être dépasserait-on le blocage de la négociation nucléaire franco-américaine et parviendrait-on à une entente entre les trois.

    30Macmillan se heurta toutefois au scepticisme de De Gaulle. Pour ce dernier, la vision de l’Occident tripartite à laquelle le Premier ministre s’était rallié pouvait, dans le nouveau contexte de janvier 1961, s’avérer contreproductive. En effet, il était douteux que les Américains s’y intéressent. Au contraire, ce que craignait de Gaulle, c’est de voir les Américains céder de plus en plus à la tentation de la bipolarité, à savoir une gestion de la guerre froide par un dialogue direct avec Moscou, sans participation européenne. En outre, le tripartisme, en excluant les Allemands, pouvait les pousser dans la voie du neutralisme, voire d’une négociation directe avec Moscou, s’ils se sentaient abandonnés de leurs alliés occidentaux. Ainsi, l’échange de janvier 1961 illustrait-il la manière dont la politique étrangère gaullienne avait fait sa mue entre son moment tripartite et son moment européen, en mettant en lumière deux éléments cruciaux : l’anticipation d’une évolution américaine vers la bipolarité et la volonté de resserrer l’entente entre Européens autour de l’axe franco-allemand (et avec les Britanniques s’ils le souhaitaient). Impossible désormais de donner l’impression de laisser Bonn de côté, comme le mémorandum avait pu le faire à l’automne 1958.

    31Les projets de Macmillan et de De Gaulle pour le duo franco-britannique entraient donc bel et bien en contradiction manifeste sur un point crucial : le sort réservé à la RFA. Macmillan voulut donner l’impression qu’il se ralliait aux thèses du mémorandum. De Gaulle y opposa la nécessité d’une coopération avec l’Allemagne, strictement européenne et continentale, pour faire face ensemble à l’Amérique et à l’URSS. L’entretien de janvier 1961 nous paraît donc receler une nouvelle preuve de l’importance du facteur allemand dans le jugement que de Gaulle portait sur le caractère européen de la politique britannique : alors même que Macmillan tentait de donner des gages d’« européisme », il négligeait les intérêts de sécurité de la RFA. Or, pour de Gaulle, la solidarité stratégique avec l’Allemagne était incontournable. Dans les rêves néo-tripartites de Macmillan, il vit donc une preuve de la superficialité de la « conversion » européenne de son interlocuteur. Il le lui dit d’ailleurs, en doutant que Londres puisse longtemps « continuer à conduire une politique liée à celle des États-Unis et, en même temps, une politique plus européenne50 ». Au fond, le tripartisme à la Macmillan était bien différent de la proposition originelle de De Gaulle, dont l’objectif avait été d’aller vers des relations d’égal à égal entre Amérique et France et d’assurer ainsi une meilleure prise en compte des intérêts stratégiques des Continentaux. Pour Macmillan, le tripartisme était un moyen d’éviter le choix entre Europe et Amérique et le facteur ouest-allemand n’y était pas intégré.

    32Après l’entrevue de janvier 1961, le Général comprit que sa vision d’un duo franco-britannique apte à compenser la nouvelle politique américaine ne se concrétiserait pas à court terme. Il en conclut que l’Europe devait se rendre la moins dépendante possible de la Grande-Bretagne en attendant que celle-ci se résolût à choisir entre Europe et Amérique. La relation avec Londres devint dès lors franchement secondaire pour de Gaulle. Au contraire, la relation avec Paris croissait en importance pour Macmillan, car il estimait avoir absolument besoin de lever l’obstacle français pour se rapprocher des Six. Cette dissymétrie dans l’importance accordée au rapport franco-britannique de part et d’autre de la Manche allait créer une difficulté supplémentaire, que les paisibles échanges de janvier ne purent juguler. Tandis que Macmillan allait s’engager dans une manœuvre fort risquée auprès de Kennedy, pour dégager une marge de négociation avec de Gaulle, au contraire, ce dernier travaillait au niveau franco-allemand, pour assurer la solidité de l’ensemble européen et écarter les approches britanniques, jugées contradictoires avec son objectif d’Europe européenne.

    Rebond franco-allemand et veto de Kennedy

    33Début 1961, tant l’entente franco-allemande que la « relation spéciale » paraissaient promises à un avenir incertain, et la plus grande confusion régnait dans les rapports entre les quatre principaux « piliers » de l’Alliance atlantique. Le premier semestre de l’année 1961 allait toutefois permettre une première clarification, réservant un sort bien différent au « grand dessein » de Macmillan et au projet d’Europe politique de De Gaulle.

    34Le dialogue franco-allemand connut un vigoureux redémarrage à partir de la rencontre Adenauer-de Gaulle de février 196151. Indéniablement, le facteur primordial qui poussa le chancelier à relancer avec de Gaulle le projet de coopération politique européenne fut l’arrivée au pouvoir de Kennedy dont les orientations stratégiques ne laissaient pas de l’inquiéter. Mais de manière symétrique à ce qui s’était passé en août 1960, le facteur britannique servit à nouveau d’élément de transaction dans ce rapprochement entre Bonn et Paris. En quelques mois, Adenauer mit fin à la valse-hésitation initiée en août 1960 au sein du triangle franco-germano-britannique : alors qu’en février 1961, il avait encore tenté une médiation en faveur d’un accord CEE-AELE, proposant à de Gaulle des rencontres d’experts quadripartites, entre Italiens, Allemands, Français et Britanniques, et se heurtant à une fin de non-recevoir52, c’en était bel et bien terminé lorsque les deux hommes se retrouvèrent le 20 mai en Allemagne53. Adenauer était peu à peu tombé d’accord avec de Gaulle sur le principe selon lequel toute ingérence britannique dans les affaires franco-allemandes et européennes devait être évitée. L’ordre de préférence de Bonn entre Paris et Londres, exprimé une première fois à Bad-Kreuznach, fut donc réaffirmé sans ambiguïté au printemps 1961, avec pour objet cette fois d’aller vers une Europe politique, à Six si possible, à Deux si nécessaire.

    35Entre-temps, un élément nouveau avait mis un terme définitif au jeu de balancier d’Adenauer entre France et Grande-Bretagne : la diplomatie conciliante de Londres envers Moscou à propos de Berlin s’était à nouveau manifestée avec éclat, lors d’une réunion quadripartite à Oslo, le 9 mai. L’opposition avait alors été frontale entre Home et von Brentano, soutenu par Couve de Murville, tandis que le secrétaire d’État américain Rusk s’en tenait à une position intermédiaire peu claire54. Dans ce contexte inquiétant de résurgence de l’affaire berlinoise, et alors que Kennedy avait accepté de rencontrer Khrouchtchev à Vienne début juin, l’hypothèque britannique fut définitivement levée : Adenauer retira ses dernières réserves envers la coopération politique européenne à Six proposée par de Gaulle depuis près d’un an. Il accepta d’aller de l’avant avec le Général, y compris contre les objections des petits pays ; il donna son accord pour discuter de la défense de l’Europe, entre Européens et hors de l’OTAN ; enfin, on vit émerger un jugement conjoint entre de Gaulle, Adenauer et von Brentano à propos de l’ambiguïté de la position britannique dans le jeu euro-atlantique55. Ainsi, par contraste avec la divergence de jugement qui subsistait à propos de Kennedy – à l’inverse de De Gaulle, le chancelier voulait encore croire dans l’engagement américain pour la défense de l’Europe –, la convergence à propos de la Grande-Bretagne permettait de concrétiser la primauté d’un dialogue direct entre Paris et Bonn, sans médiation britannique ou autre.

    36De Gaulle s’était donc mis en position de force, à la faveur de l’entente renouvelée avec Adenauer, pour affirmer une posture clairement négative sur le rapport entre la Grande-Bretagne et la CEE, alors même que les rumeurs concernant une prochaine demande d’adhésion de la Grande-Bretagne se faisaient de plus en plus insistantes. Se lançant dans une véritable campagne de démystification durant les quelques mois qui précédèrent la première candidature britannique, il ne fit aucun mystère de ses doutes quant à la capacité britannique à faire vraiment le choix d’une adhésion pleine et entière à l’Europe56. Ainsi, la dynamique franco-allemande issue de la réunion de Rambouillet de juillet 1960 finissait par se concrétiser, aux dépens du Royaume-Uni. L’objectif visé, créer une Europe politique autonome, avec en son cœur l’entente franco-allemande, et la méthode, le dialogue direct avec Adenauer, étaient en cohérence. Tel n’était pas le cas du « grand dessein » de Macmillan : si le but était de dégager la voie pour un marchandage politique et stratégique avec Paris, l’exécution passait d’abord par Washington. Cette contradiction entre l’objectif visé, franco-britannique, et la méthode, strictement anglo-américaine dans un premier temps, allait condamner le « grand dessein » à un échec immédiat.

    37Macmillan fit part de son plan à Kennedy lors de sa visite à Washington, début avril 196157. Il présenta la question du rapport de la Grande-Bretagne avec la France gaullienne et l’Europe des Six comme le nouveau « problème central de l’univers », à travers lequel se jouaient rien moins que l’avenir et l’unité du monde libre. Tels étaient en effet les éléments de langage suggérés par de Zulueta58 :

    « Les Français, tels qu’ils étaient représentés par de Gaulle, sont la clé, et la Grande-Bretagne est la charnière [lynch-pin]. L’Europe de De Gaulle n’est pas assez forte pour être une troisième force sans la Grande-Bretagne. Il veut bien nous laisser entrer, mais seulement après que nous aurons “choisi l’Europe” au lieu des États-Unis. Nous devons le persuader que cette idée du choix est fausse et dépassée. L’unité est la seule voie possible. »

    38La levée de l’obstacle « de Gaulle » par l’effort de persuasion britannique, dans le but de rapprocher la Grande-Bretagne et l’Europe des Six, était le seul moyen de « réunifier l’Ouest sous la direction américaine59 ». En tant qu’« élément stabilisant qui empêcherait soit la France soit l’Allemagne de dominer l’Europe », en tant que « pont entre l’Europe et l’Amérique du Nord », la Grande-Bretagne restait un allié incontournable pour Washington. Toute cette rhétorique présentait la politique européenne de Macmillan sous un jour parfaitement atlantiste pour susciter le soutien de Washington.

    Fig. 6. – Synchronisation des montres lors de la première rencontre entre le Premier ministre britannique Macmillan et le président américain Kennedy, à Key West, en mars 1961.

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    © Don Pinder, Florida Keys Public Libraries. Licence Creative Commons Attribution 2.0 Generic.

    39Quant à l’autre élément clef du marchandage envisagé par Macmillan, l’offre de coopération nucléaire à la France, on savait qu’elle serait bien plus délicate à faire passer à Washington. Le premier jour de sa visite, le 5 avril, Macmillan resta vague et fut confronté à l’exposé contrariant pour lui d’Acheson sur la nouvelle politique américaine vis-à-vis de l’OTAN – elle donnait priorité au renforcement des capacités conventionnelles européennes (y compris britanniques), au détriment des forces nucléaires. Macmillan réagit en insistant sur le caractère structurel du problème posé par l’ambition nucléaire de la France gaullienne. On ne devait guère sous-estimer le « malaise » de l’Alliance, dont la cause profonde était le redressement de l’Europe. Les Européens n’accepteraient plus à l’avenir un statut qu’ils estimaient inférieur à celui des Anglo-Saxons et demanderaient un plus grand contrôle sur la force nucléaire occidentale. Une solution possible pouvait être que le Royaume-Uni partage ses armes nucléaires avec les alliés ; on pouvait aussi laisser la France développer sa force de dissuasion, car tant qu’on ne lui aurait pas reconnu un statut de puissance mondiale, de Gaulle ferait de l’obstruction. Le 6 avril, Macmillan se fit plus précis et suggéra à Kennedy de « permettre aux Britanniques de donner ou des têtes nucléaires ou des informations aux Français60 ». D’après le Premier ministre lui-même, son exposé n’eut pas l’impact espéré61 : Kennedy ne se prononça pas vraiment et ce fut sans doute avec une certaine appréhension que le Premier ministre apprit peu après que Kennedy se rendrait en visite officielle en France, moins de deux mois plus tard62.

    40À défaut d’autre chose, c’est donc dans la perspective de cette rencontre des deux présidents que Macmillan dévoila entièrement son jeu à Kennedy : adoptant résolument la position de conseiller diplomatique du président des États-Unis, il lui envoya une lettre le 28 avril 1961, accompagnée d’un long mémorandum rédigé à la première personne, comme si Macmillan se trouvait à la place de Kennedy, avec quatre annexes63, portant sur « l’OTAN », « l’Europe », « le nucléaire » et « le tripartisme ». Cet étrange envoi avait fait l’objet de la plus grande attention parmi les proches du Premier ministre (de Zulueta, Brook, Bishop ou encore le diplomate Shuckburgh), et visait clairement d’une part à dégager la voie pour un marchandage euro-nucléaire avec de Gaulle, d’autre part à user du levier américain pour persuader ce dernier de lever ses objections au rapprochement de la Grande-Bretagne avec l’Europe des Six64. L’annexe sur le « nucléaire », la plus importante, contenait les propositions suivantes : 1. les arrangements anglo-américains déjà existants en matière d’emploi des forces stratégiques en soutien à l’Alliance occidentale pourraient être étendus à la France, qu’il s’agisse du ciblage ou de l’engagement à la consultation préalable avant emploi ; 2. les Français accepteraient d’allouer l’ensemble de leurs armes nucléaires tactiques à l’OTAN, comme les Britanniques ; 3. les Américains pourraient accorder à la France une aide nucléaire, soit technique, soit sous forme de têtes nucléaires, de manière à rendre superflus de nouveaux essais nucléaires français (et à permettre du même coup à la France de prendre part à un éventuel accord d’interdiction des expériences nucléaires) ; 4. le Royaume-Uni envisagerait de coopérer avec la France pour une production conjointe des vecteurs de l’arme nucléaire.

    41La réponse américaine fut sans équivoque : le 8 mai, Kennedy indiquait qu’il lui paraissait « indésirable d’assister les efforts de la France pour créer une capacité nucléaire65 ». Selon le président, une aide au programme nucléaire français aurait un impact majeur sur la RFA et pourrait amener les Allemands à souhaiter se doter eux aussi d’armes nucléaires. Bundy mentionnait aussi la forte hostilité du Congrès à la politique gaulliste et indiquait que du point de vue américain, il était encore possible et utile de contrer l’ambition nucléaire française. Par ailleurs, outre le « veto », le message du 8 mai contenait un autre élément fort troublant pour les Britanniques : ayant relevé le propos de Macmillan déclarant concevoir la capacité nucléaire britannique comme « une contribution à la dissuasion occidentale dans son ensemble », Kennedy proposait du coup que le Royaume-Uni engageât l’ensemble de ses forces nucléaires stratégiques au sein de l’OTAN. Cette extrapolation, faite en passant par Kennedy, provoqua une vive inquiétude à Londres car elle pouvait remettre en cause l’indépendance du « deterrent66 ». Ainsi, loin de vouloir lâcher du lest au plan nucléaire vis-à-vis de la France gaullienne, l’administration Kennedy paraissait tentée de « normaliser » la relation nucléaire anglo-américaine (en proposant ici une intégration au sein de l’OTAN du deterrent britannique). Finalement, à travers le problème « de Gaulle », Macmillan et Kennedy finissaient par parler sans le dire de l’avenir de la « relation spéciale », et les augures ne semblaient guère favorables pour Macmillan.

    42À travers la divergence qui s’était fait jour concernant la France, les Britanniques commençaient en effet à percevoir une politique américaine nettement moins favorable que sous Eisenhower. De fait, dès avril 1961, un document du National Security Council, approuvé par le président Kennedy, expliquait qu’il fallait

    « éliminer le statut privilégié des Britanniques. En matière nucléaire, la route vers Paris pourrait bel et bien passer par Londres […] il serait préférable que les Britanniques, à long terme, sortent progressivement [to phase out] de la dissuasion nucléaire, puisque leurs activités en ce domaine constituent une provocation permanente pour les Français67. »

    43Cette hostilité aux forces nucléaires nationales faisait partie d’une conception d’ensemble, définie par un document crucial, le rapport Acheson, qui fut approuvé par le président le 21 avril 1961, et marqua une étape décisive de l’évolution des États-Unis vers une stratégie de flexible response68 (riposte graduée) : cette stratégie visait à pouvoir faire face à des scénarios d’agression limitée (à Berlin par exemple), et à éviter l’alternative entre le tout ou rien, grâce à un renforcement des moyens conventionnels en Europe. Il s’agissait d’être en mesure de marquer une pause, avant une éventuelle escalade nucléaire. Cette stratégie, plus subtile que les représailles massives, exigeait aussi une plus grande centralisation de la prise de décision nucléaire, autrement dit une américanisation du contrôle des forces nucléaires, ce dont les Britanniques furent très vite conscients69. On se dirigeait donc vers une formalisation d’un partage des tâches inégal au sein de l’Alliance, entre d’un côté les États-Unis assumant la dissuasion nucléaire, et de l’autre les Européens qui devraient renforcer leurs forces conventionnelles. Cela entrait en contradiction avec l’ambition bientôt proclamée par Kennedy d’établir une « communauté atlantique », fondée sur un rapport d’égalité entre l’Amérique et ses alliés européens70.

    44Confrontés à ce « veto » américain qui ne laissait aucune marge de manœuvre pour inclure le facteur nucléaire dans la négociation avec de Gaulle, plusieurs proches de Macmillan exprimèrent en interne leur frustration. De Zulueta réfuta l’argumentaire de Bundy selon lequel la France n’était pas et ne serait jamais une puissance nucléaire opérationnelle, en expliquant que « les armes nucléaires étaient de toute façon si puissantes que les raffinements étaient d’une valeur douteuse » en ce domaine71. Il en vint rapidement à suggérer une démarche directe auprès de De Gaulle72. Cette idée avait également le soutien du ministre de l’Aviation Thorneycroft, qui avait suggéré dès le 4 mai une prise de contact avec les Français sous la forme d’une visite du Bomber Command par le général Stehlin, chef d’état-major de l’armée de l’air à l’époque73. Tout cela resta lettre morte, et la réaction de Macmillan au brutal refus de Kennedy demeura d’une grande retenue74. Jamais Macmillan ne s’engagea dans un dialogue nucléaire direct avec de Gaulle. Il obtint certes en lot de consolation une timide relance du tripartisme confiée à Rusk75, mais celle-ci presque immédiatement « se noy[a] dans le maquis des services américains », selon le constat de De Gaulle, qui en conclut que « l’attitude américaine changer[ait] seulement quand nous [les Français] aur[ions] la bombe76 ».

    45Le « grand dessein » de Macmillan eut donc un résultat dérisoire et ne modifia en aucun cas les données du jeu européen tel qu’il s’engagea à partir du moment où la candidature de la Grande-Bretagne à l’entrée dans la CEE fut officielle, à la fin juillet 1961. L’écart qui séparait les positions américaines et françaises avait empêché une réalisation satisfaisante du plan de Macmillan. D’un côté, il n’avait pu convaincre les Américains d’adopter comme Londres une attitude pragmatique par rapport à l’ambition nucléaire française. De l’autre, lorsque Kennedy avait évoqué à Paris la question du rapport entre la Grande-Bretagne et la CEE, de Gaulle s’était montré inflexible. D’après Macmillan, le seul point positif de cette séquence diplomatique peu réussie était qu’il avait renoué le dialogue avec Washington à propos de l’Europe, à l’origine de tant de malentendus et tensions au cours des années 1959-196077. Macmillan pensait désormais pouvoir compter sur le soutien des Américains pour sa tentative d’adhésion à la CEE. Le « grand dessein » n’en avait pas moins totalement échoué dans sa partie nucléaire et Macmillan se retrouvait avec bien peu de cartes pour convaincre de Gaulle de la légitimité de son pari européen. Notons pour finir ce simple fait qui en dit long : de Gaulle n’entendit tout simplement jamais parler du « grand dessein » de Macmillan alors qu’il en était le point central d’application. Indéniablement, les contraintes de la « relation spéciale » étaient plus lourdes que jamais pour Londres, à la veille de la première candidature de la Grande-Bretagne à l’adhésion à la CEE.

    La stagnation du dialogue de défense franco-britannique

    46À ce moment charnière qui précéda la candidature européenne de Macmillan, le domaine de la défense constitue un cas limite et offre une démonstration par l’absurde de l’impossibilité pour les deux pays de coopérer de manière fructueuse à l’orée de la décennie 1960. En effet, plusieurs intérêts convergents auraient pu faire du dialogue de défense le vecteur d’un renouvellement de l’entente franco-britannique, qu’il s’agisse de la volonté de préserver une base industrielle nationale pour la production d’armements face à la rude concurrence américaine, ou encore de la similarité croissante du statut stratégique « objectif » de la Grande-Bretagne et de la France, en tant que puissances dotées de l’arme nucléaire. Or, la coopération bilatérale resta un tabou sur les sujets les plus sensibles (technologie nucléaire, stratégie occidentale, diplomatie nucléaire au sein de l’OTAN). Face à une France qui était à la fois ouverte à une collaboration de défense ambitieuse avec le Royaume-Uni et peu disposée à se contenter d’offres limitées et sans portée politique, le Royaume-Uni était de plus en plus gêné aux entournures par les contraintes que lui imposait sa relation privilégiée avec Washington, mais n’était nullement prêt pour autant à les contourner.

    L’impossible concertation face aux projets américains de force nucléaire OTAN

    47L’équipement en armes nucléaires de l’OTAN est une question qui agita les chancelleries occidentales tout au long de l’année 1960 et qui illustre avec le plus de clarté les limites étroites auxquelles était réduit l’échange entre Paris et Londres, en matière de diplomatie militaire. Pour répondre aux inquiétudes exprimées par les Continentaux à propos de l’affaiblissement de la garantie nucléaire américaine, Eisenhower avait pris l’engagement en décembre 1957 de développer une politique de partage nucléaire : des missiles de moyenne portée seraient mis à la disposition des Européens. Par deux fois en 1960, Eisenhower s’efforça de relancer cette politique, en proposant la création d’une force nucléaire, placée sous le contrôle de l’OTAN et constituée de MRBM (Medium-Range Ballistic Missiles) – elle serait bientôt désignée par l’acronyme MLF (Multilateral Force) : en avril, le ministre de la Défense américain Gates fit une première offre78, puis en décembre, c’était au tour du secrétaire d’État Herter79. L’affaire était complexe car s’y trouvaient mêlés tous les fils de l’écheveau nucléaire euro-atlantique : le rôle des armes nucléaires dans la stratégie de l’OTAN, le contrôle politique de ces armes, l’avenir de la « relation spéciale » anglo-américaine et de l’appareil de dissuasion britannique, le statut nucléaire des autres grands alliés, France et RFA80. Mais ce dossier fut aussi un révélateur des postures stratégiques respectives de la France et de la Grande-Bretagne.

    48Dès le départ, l’hostilité britannique au plan Gates fut quasi unanime81, mais aussi très retenue dans son expression diplomatique82. C’étaient en effet le degré unique de coopération nucléaire rétabli en 1957-1958 entre Américains et Britanniques et le statut stratégique tout à fait particulier que Macmillan avait réussi à négocier pour Londres qui semblaient remis en cause. Une constante de l’attitude britannique allait donc être de sanctuariser le bilatéralisme anglo-américain en l’écartant de toute interaction avec le multilatéralisme OTAN – il s’agissait au fond d’éviter une normalisation de la « relation spéciale ». Pourtant, les Britanniques ne pouvaient pas non plus prendre la tête de l’opposition au plan Gates, car ils étaient au même moment engagés dans une négociation délicate avec Washington, qui visait à obtenir le missile américain Skybolt (voire le Polaris, encore plus sophistiqué), indispensable pour prolonger la crédibilité du deterrent britannique83 – pour rappel, Londres avait décidé en février 1960 d’interrompre son propre programme de missile Blue Streak qui rencontrait d’importantes difficultés techniques. Une véritable partie d’échecs se joua alors entre Britanniques et Américains, dans laquelle le facteur français fut loin d’être négligeable.

    49En effet, la situation contradictoire des Britanniques imposait un véritable numéro d’équilibriste : sans s’opposer ouvertement au plan Gates, il fallait pourtant en minimiser la portée et éviter toute implication britannique. Aussi, ce fut avec soulagement que le ministre de la Défense britannique Watkinson constata la position négative de son collègue français Messmer le 30 mars 196084. La France n’était intéressée par l’offre américaine que si certains MRBM pouvaient être mis à la disposition de la France, pour une utilisation purement nationale, ce que Washington refusa. Dès lors, la tactique britannique consista à laisser les Français tuer dans l’œuf l’offre Gates, tout en évitant de dévoiler aux Américains à quel point ils étaient eux-mêmes opposés au plan multilatéral85, et aux Français à quel point leur politique rejoignait la leur86. Dès la fin mai, la France afficha clairement son hostilité au plan américain87. Cela fut une aubaine pour les Britanniques : non seulement la France exprimait tout haut ce que le Royaume-Uni pensait tout bas, mais elle dégageait aussi, en minimisant les chances de succès du plan Gates, une marge de manœuvre supplémentaire dans le complexe marchandage bilatéral qui se jouait au même moment entre Britanniques et Américains sur les missiles. En mars 1960, à Camp David, Macmillan avait obtenu d’Eisenhower le Skybolt, « sans contraintes » multilatérales concernant le dispositif de contrôle (without strings), en échange de l’installation d’une base en Écosse pour les sous-marins nucléaires américains. En juin, les Britanniques firent monter les enchères et demandèrent, dans les mêmes conditions (without strings) le Polaris (missiles et sous-marins) qui était alors le plus sophistiqué des vecteurs disponibles88. La coïncidence chronologique entre le fait que la « menace multilatérale » du plan Gates semblait écartée à cause de l’opposition française et le durcissement des exigences britanniques laisse à penser que le premier fait ne fut pas sans impact sur le second. Eisenhower n’en opposa pas moins une fin de non-recevoir à l’idée d’un accord bilatéral « base contre Polaris89 ». Du point de vue américain, si la vente du Skybolt était encore possible sur une base bilatérale, celle du Polaris était en revanche impossible en dehors d’un cadre multilatéral, indispensable pour garantir une égalité de traitement entre alliés. À nouveau les Américains semblaient saisis de la crainte de paraître excessivement liés aux Britanniques. Une différence de traitement entre la France et la Grande-Bretagne par trop visible fragiliserait leur position à l’OTAN90. La négociation anglo-américaine en resta donc à l’échange « base contre Skybolt » prévu initialement.

    50Le facteur « France » finissait par être défavorable à la position de négociation britannique. Si l’hostilité française au plan Gates put être utilisée tactiquement par Londres pour neutraliser les aspects déplaisants de la politique américaine, le souverainisme nucléaire gaullien constituait surtout un facteur de déstabilisation pour la « relation spéciale ». Il plaçait Macmillan face à un dilemme, bien résumé par de Zulueta91 : d’une part, les Britanniques devaient apaiser les Américains s’ils souhaitaient obtenir des Polaris sous contrôle britannique indépendant, « quand bien même ce serait déguisé de quelque vêtement OTAN » – il fallait du coup éviter une trop évidente critique du plan Gates ; d’autre part, si on se montrait trop complaisant avec l’OTAN, alors c’étaient les Français qui seraient irrités et cela contribuerait à diminuer les chances de parvenir à un règlement de la question européenne. Notons bien que sur le fond des choses, à l’été 1960, Macmillan rejoignait tout à fait de Gaulle dans son analyse du plan multilatéral, expliquant sur un ton ironique qu’il était parfaitement compréhensible que les Américains fussent enthousiastes sur un projet qui revenait à organiser l’achat par les Européens de missiles américains dont le contrôle serait assuré par le SACEUR, c’est-à-dire en réalité le président américain92 ! En outre, son conseiller de Zulueta ne jugea-t-il pas que le plan de force nucléaire OTAN donnait « aux États-Unis un degré de pouvoir sur l’Europe dangereux et sans contrepoids93 » ? Cette démystification toute gaullienne du plan multilatéral ne déboucha toutefois pas, loin s’en faut, sur un partenariat diplomatique avec la France, car une priorité absolue était donnée à la négociation anglo-américaine pour l’obtention d’un nouveau vecteur. Aussi fallait-il éviter tout contact compromettant avec la France gaullienne, même si la franchise de cette dernière était bien utile pour la Grande-Bretagne.

    Whitehall à la croisée des chemins

    51Les démêlés nucléaires de 1960 au sein de l’OTAN et avec Washington n’en laissaient pas moins un goût amer aux Britanniques : les deux piliers de la politique de Macmillan paraissaient menacés. L’indépendance du deterrent tout d’abord : certes le Skybolt serait livré sur une base bilatérale, mais les Britanniques n’avaient pas obtenu des Américains qu’ils s’engagent formellement à mener jusqu’à son terme ce programme qui rencontra d’inquiétantes difficultés techniques à la fin 196094. La « relation spéciale » ensuite : Londres avait dû constater l’influence grandissante chez les Américains de l’idée « multilatérale », dont la logique contredisait les prémisses mêmes de l’alliance nucléaire « spéciale » entre Londres et Washington. Ne devait-on pas alors repenser le schéma d’alliance nucléaire intra-occidental ? De Gaulle, dont le programme nucléaire « indépendant » commençait à porter ses premiers fruits, ne pouvait-il pas être un soutien pour la défense de l’indépendance britannique face à la tendance « multilatérale » américaine ? Ou bien fallait-il renoncer à l’indépendance nucléaire et tout mettre au service de la cohésion de l’OTAN, y compris contre ou sans la France de De Gaulle ? On le voit, la réponse donnée au dilemme nucléaire britannique avait un impact majeur sur le rapport avec la France. Cela donna lieu à une intense controverse interne à Whitehall. Deux lignes politiques contradictoires émergèrent à partir de janvier 1961 autour de la réunion ministérielle des Chequers où fut discuté le « grand dessein » de Macmillan95.

    52La première tendance était résolument atlantiste et otanienne, et fortement dominante au Foreign Office. Son point de départ était qu’il fallait, pour maintenir l’entente avec Washington, renoncer au deterrent britannique indépendant qui était de toute façon « un atout qui perdait de sa valeur » (« a wasting asset »). Corollairement, Londres devait accepter l’intégration des armes nucléaires britanniques au sein d’un dispositif OTAN multilatéral. Parmi les partisans de cette option « multilatérale » figuraient les diplomates Evelyn Shuckburgh, Hoyer-Millar et le secrétaire d’État Home, ainsi que Norman Brook et Frank Roberts, en poste à l’OTAN, qui en fut le précurseur dès décembre 195996. En décembre 1960-janvier 1961, les représentants de cette tendance donnaient une réponse tranchée, mais cohérente, à trois grands dilemmes97. Sur l’Europe tout d’abord, il fallait aider Washington à consolider « la loyauté européenne envers l’Alliance atlantique et à prévenir l’émergence des tendances “troisième force” sur le continent ». Cela impliquait d’adhérer à la fois à la CEE et au mécanisme de consultation intergouvernementale proposé par de Gaulle. Cette double adhésion à l’Europe des Six devrait se faire le plus rapidement possible, sans chercher à négocier de statuts dérogatoires pour le Commonwealth, tant il était important désormais, pour des raisons politiques, de se mettre en mesure d’influencer l’Europe de l’intérieur. Sur le nucléaire ensuite, il fallait « user de la possession d’une capacité nucléaire indépendante de manière à prévenir l’émergence de nouvelles puissances nucléaires ». Autrement dit, l’option « multilatérale » permettrait d’éliminer le deterrent britannique comme facteur de justification du programme nucléaire indépendant de la France ; elle permettrait aussi, en donnant l’exemple, de renforcer la pression qui s’exercerait sur la France pour qu’elle intègre elle aussi le dispositif multilatéral et interrompe ses essais nucléaires. Sur le choix entre Paris et Washington enfin, cette tendance misait tout sur l’entente avec les États-Unis pour avancer à la fois vers l’adhésion à la CEE et vers l’option multilatérale à l’OTAN ; tout cela devait avoir lieu sans grand marchandage avec la France gaullienne.

    53Pour la seconde tendance, à l’inverse, la Grande-Bretagne ne devait en aucun cas renoncer à deux oripeaux essentiels de son statut de puissance mondiale : les liens avec le Commonwealth (condamnés par une adhésion au traité de Rome sans statuts dérogatoires) et l’indépendance nucléaire (condamnée par l’option multilatérale)98. Cette seconde école de pensée était en effet beaucoup plus souverainiste que la première. Dans le but de préserver l’indépendance du deterrent national, on devait jouer la carte française et édifier un directoire tripartite franco-anglo-américain, en dehors de l’OTAN, et non pas s’engager dans un surcroît d’intégration otanienne. Watkinson fut le principal défenseur de cette ligne aux Chequers en janvier 196199 et devint la bête noire des diplomates, car il fut actif dans la promotion de ses idées alternatives, avec le soutien de certains des plus proches conseillers de Macmillan (de Zulueta, Bishop)100. En fait, Macmillan lui-même semble avoir largement inspiré ces idées, même s’il avança masqué pour se protéger de l’hostilité du très puissant camp atlantiste. Vis-à-vis de la France, la ligne « Watkinson-Macmillan » prévoyait une politique bien plus positive que le camp atlantiste : il s’agissait de prendre acte de la détermination française à devenir une puissance nucléaire indépendante, voire de lui fournir une aide, et d’établir un système de consultations entre les trois puissances nucléaires occidentales. Souverainisme nucléaire, rapprochement avec de Gaulle, critique de l’OTAN et refus de l’idée multilatérale allaient de pair. En un mot, il fallait viser une égalité de statut nucléaire entre la France et la Grande-Bretagne, non pas via un nivellement par le bas et un renoncement à l’indépendance britannique (ligne « Shuckburgh »), mais plutôt en hissant la France au niveau du statut nucléaire actuel de la Grande-Bretagne. Enfin, toute cette réflexion sur la préservation de l’indépendance nucléaire allait de pair avec l’idée que la Grande-Bretagne ne pouvait pas simplement « se fondre » dans « l’Europe des Institutions », pour reprendre la terminologie de De Zulueta. Il fallait au contraire marchander l’adhésion britannique à la CEE et obtenir des conditions spéciales. C’était là l’une des clefs du « grand dessein » de Macmillan, qui revenait à imaginer les conditions d’un accord avec de Gaulle permettant que la France et la Grande-Bretagne se reconnaissent mutuellement un statut « spécial », au-dessus de la mêlée européenne, avec la bénédiction de Washington. L’une resterait une puissance globale, en renouvelant la vision churchillienne des trois cercles, grâce à une adhésion à la CEE selon des « termes spéciaux » ; l’autre aurait une influence prépondérante (mais non exclusive) en Europe continentale, grâce à l’arme nucléaire et au statut tripartite.

    54Pour récapituler, la ligne défendue par les diplomates poussait jusqu’à son terme la logique atlantiste adoptée en 1957 après Suez. Elle admettait la primauté absolue de l’entente avec Washington, y compris si cela aboutissait à devoir abandonner l’indépendance nucléaire et les liens avec le Commonwealth. Il fallait assumer toutes les implications du statut de « junior partner » des États-Unis et adhérer au traité de Rome sans statuts dérogatoires. À l’inverse, au sein de la tendance « Macmillan-Watkinson », l’atlantisme se voyait tempéré, au prix d’une certaine incohérence, de plusieurs limites : tout d’abord, une forme de souverainisme nucléaire fit que le Premier ministre allait rester attaché jusqu’au bout au maintien d’une dissuasion britannique indépendante, au moins « nominalement » ; ensuite, une forme de « gaullisme virtuel » le fit pencher plusieurs fois sincèrement en faveur des thèses françaises et lui donna la tentation d’aller plus loin dans ses offres à de Gaulle que ne le voulaient ses diplomates. Ce cadre de pensée restait toutefois dans un entre-deux incohérent, car une autre constante de la pratique diplomatique de Macmillan était son attachement jamais démenti à la proximité anglo-américaine. La profondeur du conflit entre les deux lignes ne saurait être sous-estimée101. Certes les diplomates parvinrent à imposer une attitude prudente au Premier ministre lors de son voyage en France à la fin janvier 1961 ou pendant la rencontre avec Kennedy en avril. La primauté du lien avec Washington était de facto préservée. Toutefois, une diplomatie parallèle émergea discrètement, conduite par Watkinson en direction de la France, fondée sur les idées « souverainistes » et anti-multilatérales décrites plus haut.

    La relance avortée du dialogue de défense franco-britannique

    55Au printemps 1960 déjà, les Français avaient exprimé le souhait d’établir une coopération de défense plus substantielle avec les Britanniques. Sur la question nucléaire, rappelons la rencontre (peu fructueuse) de Rambouillet entre Macmillan et de Gaulle en mars 1960. Quant à Messmer, il avait insisté en mai sur la nécessité de lancer quelques projets conjoints d’armements ambitieux102. Les Français paraissaient demandeurs face à des Britanniques plutôt réticents103. À la fin 1960, on constatait néanmoins à Londres que les activités de coopération franco-britanniques étaient « peu dynamiques » et qu’il n’y avait « guère d’appétence française » pour les développer104, à quelques exceptions près105. En fait, en préparant la nouvelle rencontre entre Messmer et Watkinson d’avril 1961, les Britanniques prirent conscience que le rapport des forces s’était inversé : « Il n’y avait plus rien de britannique dont les Français eussent réellement besoin106. » Que faire face à cette tendance inquiétante ? La note prônait une tactique prudente avec Messmer : « Avant que nous ayons progressé davantage avec les Américains, il n’y avait aucune nouvelle initiative qui pouvait être prise avec les Français. » Ainsi, l’intérêt du ministère de la Défense pour le lien franco-britannique était réel, mais conditionné à ce qui se passerait au niveau anglo-américain.

    56En fait, Watkinson fut beaucoup plus audacieux que ne le laissaient augurer ces conseils de prudence. Sa visite à Paris en avril 1961 représenta un tournant : pour la première fois, un membre du gouvernement britannique prit formellement acte du caractère irrévocable de la décision française de disposer à terme d’une force de frappe indépendante107. D’après le compte rendu français, assez différent une fois encore des comptes rendus britanniques108, Watkinson fit d’importantes propositions (conversations d’état-major, nouveaux projets communs d’armements, préparation de positions communes à l’OTAN). En matière nucléaire, il avança même plusieurs idées « personnelles », reflet des thèses exposées depuis janvier 1961 : dès que la France aurait « une bombe et un avion capable de la transporter », il faudrait des conversations franco-britanniques sur la doctrine d’emploi ; il faudrait aussi agir auprès des alliés de l’OTAN pour qu’un trusteeship soit confié aux trois puissances nucléaires occidentales, qui seraient chargées d’assurer « la protection de l’Europe contre tout chantage nucléaire soviétique ». Ces avances explicites n’apparaissent guère dans le compte rendu britannique, ni dans la lettre qu’écrivit Watkinson à Macmillan à son retour de Paris109 : à l’évidence, la lutte bureaucratique entre la tendance multilatérale otanienne et le clan tripartite imposait une certaine discrétion au ministre. Ce dernier n’en indiquait pas moins que les Français étaient ouverts à la discussion avec les Britanniques sur les questions de stratégie atomique et de ciblage, ce à quoi il se déclarait favorable. En effet, cette « association lâche » avec la France, qui n’avait rien à voir avec le partage des secrets nucléaires, représentait selon lui « le plus petit prix que [les Britanniques] devaient payer pour avoir un contrôle sur la position française » au niveau nucléaire. Watkinson semble donc avoir poursuivi un double objectif lors de la visite d’avril : au plan interne, mettre en évidence une intransigeance nucléaire française et marquer des points face aux partisans de la solution « multilatérale » en montrant à quel point cette dernière susciterait l’hostilité française ; au plan diplomatique, attiser le désir des Français pour une coopération nucléaire avec les Britanniques et évaluer les chances de succès du « grand dessein ».

    57Confronté à ce ton nouveau de la part des Britanniques, le ministère des Armées français mit en œuvre la méthode de clarification des intentions britanniques que nous avions déjà remarquée en 1960. Le général Olié, chef d’état-major de la défense nationale, envoya le 21 mai 1961 un mémorandum à son homologue britannique, Lord Mountbatten, proposant que le sujet de la « coopération entre les forces de frappe anglaise et française » figurât à l’ordre du jour de la première session de conversations d’état-major, prévue pour l’été suite à la décision des deux ministres en avril 1961110. Il s’agissait d’évoquer le ciblage ainsi qu’un éventuel droit d’usage réciproque des bases de lancement d’armes nucléaires. La demande française suscita les atermoiements habituels du côté britannique : encore une fois, Londres redoutait les troubles qu’une telle concertation ne manquerait d’entraîner au sein des rapports étroits établis entre le Bomber Command britannique et le Strategic Air Command américain111. Lord Mountbatten répondit donc par un refus tout à fait clair112. Lors de la rencontre ultérieure des deux ministres en juillet 1961113, Messmer n’en mit pas moins les pieds dans le plat et insista : expliquant ses doutes quant à la volonté américaine de partager avec quelque allié que ce soit la prise de décision nucléaire, il qualifia par contraste la coopération franco-britannique de domaine potentiellement « le plus fructueux » pour l’avenir. Il proposa de discuter entre états-majors du rôle des armes nucléaires et d’éventuels programmes conjoints de recherche et développement dans une perspective de long terme, à horizon 1970. Watkinson botta alors en touche en suggérant à Messmer d’en parler avec McNamara, le secrétaire à la Défense américain. À nouveau, les Français pouvaient mesurer à quel point le sujet nucléaire ne pouvait être discuté avec les Britanniques sans les Américains.

    58En définitive, Watkinson, inquiet de la dépendance excessive des Britanniques envers les Américains à l’issue des péripéties de 1960, avait donc mis en œuvre entre avril et juillet 1961 une diplomatie active envers Messmer, en conformité avec le « grand dessein » de Macmillan et avec son plan de marchandage euro-nucléaire avec la France. Pourtant, à l’évidence, la décision d’engager des discussions substantielles en matière de stratégie nucléaire avec la France n’avait pas été prise. Les Français s’en rendirent vite compte en poussant les Britanniques dans leurs retranchements. Le contraste était donc flagrant avec les conversations d’état-major franco-allemandes qui, au même moment, produisaient d’importantes convergences114 : au contraire des Britanniques, les Allemands acceptaient en 1961 l’idée qu’il fût nécessaire de discuter de stratégie avec les Français en dehors de l’OTAN115. Ainsi, se matérialisait au niveau politico-stratégique la primauté du franco-allemand. Quelques jours seulement avant que Macmillan n’officialisât la candidature britannique à l’adhésion à la CEE, les Français avaient pu constater l’évanescence des avances nucléaires faites en avril.

    Conclusion

    59Afin d’élucider le différend conceptuel qui séparait les deux réajustements européens de De Gaulle et de Macmillan, revenons pour conclure au débat historiographique déjà évoqué entre Kaiser d’une part et Ashton, Ellison et Ruane d’autre part. Kaiser nous paraît décrire parfaitement la ligne du Foreign Office : un atlantisme pur et dur, où effectivement l’adhésion à la CEE, sans grand marchandage avec de Gaulle, ni négociation de statuts dérogatoires, apparaît comme un instrument au service d’une coopération renouvelée avec Washington. Toutefois, cette interprétation de la politique britannique ne rend pas compte des limites certes ténues, mais néanmoins persistantes, de l’atlantisme de Macmillan, qui expliquent son opposition à la « ligne Shuckburgh ». Ashton, Ellison et Ruane, à l’inverse, en soulignant la volonté de Macmillan d’opérer un rééquilibrage vers l’Europe, prennent en compte ces limites. Mais ils n’insistent pas assez, selon nous, sur le fait que les deux « proxies » européen et américain que Macmillan aurait cherché à amalgamer pour consolider la vocation mondiale de la Grande-Bretagne, ne furent jamais placés sur un plan d’égalité. En définitive, Macmillan laissa toujours le camp atlantiste limiter ses initiatives lorsqu’elles penchaient trop du côté de De Gaulle. Il y eut donc toujours un fossé entre ses projets « pro-français » et leur mise en œuvre, beaucoup moins audacieuse.

    60Au fond, Kaiser, en simplifiant la position de Macmillan, paraît rejoindre le point de vue de De Gaulle à l’époque, pour qui la foi en l’interdépendance de Macmillan n’était que le camouflage d’une politique profondément atlantiste. La position d’intermédiaire que tâchait de définir Macmillan était un leurre selon de Gaulle, car il était impossible de ne pas choisir entre indépendance et dépendance, entre Europe et Amérique, entre « gaullisme » et atlantisme. Face à une Amérique à l’hégémonisme résurgent sous Kennedy, il n’était plus temps pour de Gaulle d’entrer dans les ambiguïtés compliquées de l’interdépendance à la Macmillan. Sciemment il refusait l’idée d’un continuum entre indépendance et dépendance. Cela l’amenait à négliger l’élément d’autonomie que Londres s’efforçait de préserver dans sa relation déséquilibrée avec Washington. Cette opération de simplification dichotomique, c’était le sens même de l’action de De Gaulle qui l’exigeait pour affirmer l’autonomie stratégique française et européenne.

    61Symétriquement, Ruane et Ellison, en défendant la thèse d’une authentique européanisation de la politique étrangère de Macmillan à partir de l’été 1960, utilisent pour ce faire des catégories conceptuelles typiques de l’approche britannique vis-à-vis de la question transatlantique : la notion de « proxy » déjà, mais aussi celle d’une « indépendance poursuivie en deçà du seuil de la confrontation » qui serait au cœur de la diplomatie de Macmillan, par contraste avec l’« hyper-indépendance » (« over-independence ») pratiquée par Eden à l’époque de la crise de Suez. Ces notions, dans un cadre de pensée gaulliste, sont des contradictions logiques.

    62Ainsi, le cadre conceptuel posé par chacune des deux interprétations nous paraît recouper dans une large mesure les paradigmes respectifs au cœur de la diplomatie de nos deux personnages. Ce débat historiographique est donc révélateur de la profondeur du différend qui opposait Macmillan et de Gaulle, un différend ancré dans la longue durée, dans l’histoire de la construction des États et des identités nationales française et britannique et qui dépasse l’idiosyncrasie de ces deux dirigeants. À travers le conflit qui se faisait jour progressivement entre Macmillan et de Gaulle depuis 1958, se jouait l’opposition de deux conceptions profondément différentes de la souveraineté et du rôle de l’État-nation dans les relations internationales.

    Notes de bas de page

    1 Trachtenberg Marc, A Constructed Peace: The Making of the European Settlement, 1945-1963, Princeton, Princeton University Press, 1999, p. 201-247.

    2 DG-DM, vol. III, p. 217-221, allocution radiodiffusée et télévisée du 31 mai 1960.

    3 DDF, 1960-I, no 221, partie I, conversation Adenauer/de Gaulle à Paris, 14 mai.

    4 Bozo Frédéric, entrée « Dynamique de la politique étrangère (1958-1969) », in Claire Andrieu, Philippe Braud et Guillaume Piketty (dir.), Dictionnaire de Gaulle, Paris, R. Laffont, 2006, p. 930-933.

    5 Lire la note manuscrite « Au sujet de l’organisation de l’Europe » remise à Adenauer le 30 juillet, où apparaît la double dimension européenne et atlantique du dessein gaullien de l’été 1960, DG-LNC, p. 255-256.

    6 « Ce n’est qu’ensemble que “nous ferons le poids” et que les Américains nous écouteront », explique-t-il à Adenauer, le 29 juillet 1960 (DDF, 1960-II, no 54, II, entretiens franco-allemands de Rambouillet).

    7 DDF, 1960-II, no 54, entretiens franco-allemands de Rambouillet, 29-30 juillet. Dans cette partie, lorsque nous ferons référence à « Rambouillet » sans autre précision, il s’agira toujours de désigner cette réunion cruciale. Voir Soutou Georges-Henri, L’alliance incertaine : les rapports politico-stratégiques franco-allemands, 1954-1996, Paris, Fayard, 1996, p. 158-166 ; Giauque Jeffrey, Grand Designs and Visions of Unity: The Atlantic Powers and the Reorganization of Western Europe, 1955-1963, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2002, p. 130-138.

    8 Voir DDF, 1960-II, p. 164, note de Maurice Vaïsse.

    9 De Gaulle fit par deux fois allusion à la perspective que l’Allemagne « un jour » disposerait elle aussi de ces armes (DDF, 1960-II, no 54, partie I, p. 165-166).

    10 Adenauer avait tout de même souligné par deux fois sa réticence par rapport à l’alinéa 4 de la note manuscrite que le Général lui avait donnée le 30 juillet (DG-LNC, p. 255-256). Cet alinéa appelait à « mettre un terme à “l’intégration” américaine en quoi consiste présentement l’Alliance atlantique et qui est contradictoire avec l’existence d’une Europe ayant au point de vue international sa personnalité et sa responsabilité. L’Alliance doit être fondée sur de nouvelles bases. C’est à l’Europe de les proposer ».

    11 Expression de Bozo Frédéric, Deux stratégies pour l’Europe, op. cit., p. 66.

    12 DG-LNC, p. 256-257, note à Maurice Couve de Murville, 1er août 1960, où le Général suggérait de « battre le fer de l’organisation de l’Europe, car ce fer est chaud ».

    13 DDF, 1960-II, no 67, note de la DAEF du 8 août, « entretiens du 6 août avec M. van Scherpenberg ».

    14 UKNA, PREM 11/2993, comptes rendus de la visite à Bonn de Macmillan et de Home, 10-11 août 1960.

    15 La mise en scène allemande autour de cette visite étonna les Britanniques (UKNA, PREM 11/2993, message de Russell à Tomkins, 3 août 1960).

    16 HMD, vol. II, p. 322-324, entrée du 10 août 1960. Macmillan interpréta tout d’abord en mauvaise part cet accueil, l’attribuant à la joie maligne éprouvée par Adenauer à propos de l’échec de sa politique de détente envers l’Est.

    17 UKNA, PREM 11/2993, Steel (Bonn) à Hoyer-Millar, 22 juillet 1960 ; Steel au FO, no 719-720, 2 août (rencontre avec Adenauer) : Steel indique avoir cherché (en vain) à détromper le chancelier.

    18 DDF, 1960-II, no 86, Seydoux (Bonn) à Couve de Murville, 28 août.

    19 DDF, 1960-II, no 94, Bousquet (Bruxelles) à Couve de Murville, 2 septembre ; no 112, note sur les conversations franco-allemandes des 9-10 septembre ; no 241, note de la direction d’Europe, 30 novembre.

    20 Il alla même jusqu’au mensonge en niant le fait qu’avaient été abordés avec de Gaulle l’idée d’un secrétariat politique pour les Six ou les rapports du Royaume-Uni avec l’Europe des Six (UKNA, PREM 11/2993, Steel au FO, no 719-720, 2 août [rencontre avec Adenauer] ; HMD, vol. II, p. 322-324, entrée du 10 août 1960).

    21 Lire là-dessus Gloriant Frédéric, « De Gaulle’s Nuclear Policy, West Germany and the Second Berlin Crisis: A Historiographical Reappraisal, 1958-1963 », in Nicolas Badalassi et Frédéric Gloriant (dir.), France, Germany and Nuclear Deterrence: Quarrels and Convergences during the Cold War and Beyond, New York, Berghahn, 2022, p. 90-117 (en particulier p. 93-96).

    22 PA AA, B130, Bd. 8413A, lettre d’Adenauer à de Gaulle, 15 août 1960.

    23 UKNA, PREM 11/3334, Roberts au FO, no 217, 12 septembre 1960 (échange avec le représentant permanent américain auprès de l’OTAN Burgess).

    24 Critiquant les positions excessivement favorables à l’OTAN et antigaullistes du diplomate Frank Roberts, Macmillan alla jusqu’à dire que ce dernier devait comprendre que « nous [étions] un pays pour qui rien ne compt[ait] plus en ce moment que notre commerce », commerce dont l’avenir dépendait de la résolution du problème des Six et des Sept (UKNA, PREM 11/3334, Macmillan à Bligh, 16 septembre 1960).

    25 La tension culmina avec la visite de Debré et de Couve de Murville à Bonn les 7 et 8 octobre qui donna lieu à un violent coup de colère d’Adenauer à propos de la politique nucléaire de la France et de son opposition à l’OTAN (DDF, 1960-II, no 162). Voir aussi no 184, note de Couve de Murville, 25 octobre : ce dernier, ayant convoqué Blankenhorn, réclama une clarification des positions allemandes.

    26 Voir FRUS, 1958-60, vol. VII-1, no 271, p. 645-647, lettre d’Eisenhower à Adenauer, 5 octobre 1960 : les « lignes rouges » américaines y étaient fermement réaffirmées auprès du chancelier, juste avant la visite de Debré et de Couve de Murville. Si l’intégration était remise en cause, alors la présence des troupes américaines en Europe le serait aussi ; très hostile à la formation d’un « bloc des six nations » au sein de l’OTAN, le président américain appelait Adenauer à s’opposer aux idées de De Gaulle.

    27 DG-LNC, p. 267-268, « Directives pour Michel Debré », 30 septembre 1960 et « note sur l’organisation politique des Six du Marché commun », 6 octobre 1960.

    28 UKNA, PREM 11/3334, Macmillan à Bligh, 16 septembre 1960.

    29 Voir DDF, 1960-II, no 148, Alphand à Couve de Murville, 29 septembre (rencontre Wormser/Dillon) : la convergence franco-américaine pour défendre la CEE jouait toujours. Voir aussi PA AA, B130, Bd. 8444A, van Scherpenberg à l’ambassade de Washington, 18 août 1960 : suite à la rencontre des 10-11 août, le département d’État américain avait visiblement fait part aux Allemands de sa crainte que le rapprochement germano-britannique ne nuise à l’intégrité du traité de Rome, ce que l’Auswärtiges Amt s’attacha à réfuter.

    30 Kaiser Wolfram, Using Europe, Abusing the Europeans: Britain and European Integration, 1945-63, Londres, Macmillan, 1996, p. 129-135. On trouve un argument similaire chez Bange Oliver, The EEC Crisis of 1963: Kennedy, Macmillan, de Gaulle and Adenauer in Conflict, Londres, Macmillan Press, 2000, p. 10-19 et 30-36.

    31 Ashton Nigel, Kennedy, Macmillan, and the Cold War: The Irony of Interdependence, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2002, p. 131-133.

    32 Ruane Kevin et Ellison James, « Managing the Americans: Anthony Eden, Harold Macmillan and the Pursuit of “Power-by-Proxy” in the 1950s », Contemporary British History, vol. 18, no 3, 2004, p. 147-167.

    33 UKNA, PREM 11/3325, f. 95-96, Macmillan à Home, M436/60, 22 décembre 1960.

    34 UKNA, PREM 11/3325, f. 57-88, mémorandum du Premier ministre, surnommé le « grand dessein », écrit entre le 29 décembre 1960 et le 3 janvier 1961.

    35 Il demeurait, disait-il, un « adepte impénitent de “l’interdépendance” » (ibid.).

    36 UKNA, PREM 11/3311, f. 46-47, Macmillan à Caccia, no 3234, 9 mai 1961 (instructions du Premier ministre sur le message à transmettre à Bundy) ; f. 5-6, FO à Caccia, no 3383, lettre de Macmillan à Kennedy, 15 mai.

    37 UKNA, PREM 11/3334, de Zulueta à Thomson (FO), 12 juillet 1960 ; Macmillan à Bligh, 16 septembre.

    38 UKNA, PREM 11/3334, lettre de Shuckburgh à Hoyer-Millar (commentée par ce dernier et transmise à Macmillan), 16 septembre 1960.

    39 Macmillan écrit par exemple que « les Allemands en particulier ne cèdent jamais à la force des arguments, mais seulement à l’argument de la force » (UKNA, PREM 11/3325, « grand dessein », §15).

    40 Kaiser Wolfram, « The Bomb and Europe: Britain, France and the EEC Entry Negotiations, 1961-1963 », Journal of European Integration History, 1/1, 1995, p. 65-85.

    41 UKNA, PREM 11/3325, f. 38-41, Home à Pierson Dixon (Paris), non daté, compte rendu de la réunion des Chequers du 22 janvier 1961.

    42 DDF, 1960-II, no 128, conversations franco-luxembourgeoises à l’Élysée, 17 septembre.

    43 C’est un argument qu’il allait répéter à Adenauer, le 20 mai 1961 (DDF, 1961-I, no 249, II, Bonn).

    44 Voir le ton cassant adopté face à Edward Heath, ministre en charge des Affaires européennes (DDF, 1960-II, no 157, visite de Heath, Lord du Sceau Privé, à Paris, 3-5 octobre).

    45 DDF, 1960-II, no 167 et 242, notes de la DAEF (Wormser), 12 octobre et 30 novembre (analyses de la position britannique au sujet du problème des Six et des Sept).

    46 DDF, 1960-II, no 176, Chauvel à Couve de Murville, 22 octobre (entrevue avec Heath) ; no 252, Chauvel à Couve de Murville, 2 décembre (sur les entretiens d’experts germano-britanniques des 28-29 novembre) ; no 288, dépêche de Chauvel à Couve de Murville, 22 décembre.

    47 DDF, 1961-I, no 42, entretien de Gaulle/Macmillan de Rambouillet du 28 janvier ; AN, 5 AG 1, carton 685, entretien du 29 janvier ; UKNA, PREM 11/3322, pour les comptes rendus britanniques.

    48 AN, 5 AG 1, carton 685, entretien du 29 janvier 1961, à Rambouillet.

    49 UKNA, FO 371/159668, Ramsbotham à Shuckburgh, 8 février 1961.

    50 AN, 5 AG 1, carton 685, entretien du 29 janvier 1961, à Rambouillet.

    51 DDF, 1961-I, no 59, entretiens de Gaulle/Adenauer de Paris, 9 février (la veille du sommet des Six).

    52 DDF, 1961-I, no 124, échange de lettres entre Adenauer et de Gaulle, 27 février et 9 mars.

    53 DDF, 1961-I, no 249, entretiens de Gaulle/Adenauer à Rhöndorf et Bonn, 20 mai.

    54 DDF, 1961-I, no 239, entretien entre les quatre MAE occidentaux, Oslo, 9 mai.

    55 DDF, 1961-I, no 249, II.

    56 Voir les propos tenus devant le Danois Krag (MAE du Danemark), devant Adenauer ou encore Kennedy (respectivement DDF, 1961-I, no 201, 20 avril ; no 249, partie II, 20 mai ; no 265, partie VII, 31 mai-2 juin).

    57 UKNA, CAB 129/105/4, conférence de Washington, 5-8 avril 1961.

    58 UKNA, PREM 11/3311, f. 176 et 183, de Zulueta à Macmillan, version courte du grand dessein, 3 avril 1961.

    59 UKNA, CAB 129/105/4, doc. no 1, plénière du 5 avril 1961.

    60 UKNA, PREM 11/3780, f. 80-82, « suite de la note du Premier ministre sur sa conversation avec le président Kennedy, jeudi 6 avril, 14 h 45 » (durant la conférence de Washington).

    61 Ibid. : Kennedy « sembla prendre tout cela d’une manière plutôt détachée ».

    62 HMD, vol. II, p. 372-373, entrée du 8 avril 1961.

    63 UKNA, PREM 11/3311, f. 74-95, Macmillan à Kennedy (lettre, mémorandum et annexes), 28 avril 1961.

    64 Sur ce stratagème et son échec, lire Deighton Anne, « Großbritannien und der Wiener Gipfel 1961 » in Stefan Karner (dir.), Der Wiener Gipfel 1961: Kennedy – Chruschtschow, Innsbruck, Studien-Verl., 2011, p. 165-184.

    65 UKNA, PREM 11/3311, f. 67-69, Caccia à Macmillan, no 1159, 4 mai 1961 (entrevue avec Bundy, à propos de l’envoi du 28 avril) ; f. 50-52, Kennedy à Macmillan, 8 mai 1961 (réponse formelle de Kennedy).

    66 Dans une seconde lettre, Macmillan jugea d’ailleurs nécessaire d’exprimer des doutes quant à cette idée de confier au SACEUR les forces nucléaires stratégiques britanniques, voir UKNA, PREM 11/3311, f. 5-6, FO à Caccia, no 3383, lettre de Macmillan à Kennedy, 15 mai 1961, §5.

    67 Owen à Bundy, 21 avril 1961, cité par Clark Ian, Nuclear Diplomacy and the Special Relationship, op. cit., p. 299.

    68 Voir Trachtenberg Marc, A Constructed Peace, op. cit., p. 302-321 ; Bozo Frédéric, Deux stratégies pour l’Europe, op. cit., p. 69-74 ; Clark Ian, Nuclear Diplomacy and the Special Relationship, op. cit., p. 297-337.

    69 Ashton Nigel, Kennedy, Macmillan and the Cold War, op. cit., p. 156 (voir n. 16) : Watkinson et Home évoquent le 1er mai 1961 « un plus grand accent porté sur le contrôle américain ».

    70 Sur l’hégémonisme de la politique de Kennedy, lire Costigliola Frank, « The Pursuit of Atlantic Community: Nuclear Arms, Dollars, and Berlin », in Thomas G. Paterson (dir.), Kennedy’s Quest for Victory: American Foreign Policy, 1961-1963, New York, Oxford University Press, 1989, p. 24-56.

    71 Il défendait du même coup le principe de l’indépendance nucléaire britannique, contre le raisonnement de Bundy, dont les implications étaient finalement que nulle force nucléaire opérationnelle n’était possible en dehors de l’aide technologique fournie par les États-Unis.

    72 UKNA, PREM 11/3311, f. 58-60, de Zulueta à Macmillan, 5 mai 1961 ; CAB 21/5556, de Zulueta à Macmillan, 10 juin 1961.

    73 UKNA, PREM 11/3311, f. 65-66, Thorneycroft à Macmillan, 4 mai 1961.

    74 UKNA, PREM 11/3311, f. 5-6, FO à Caccia, no 3383, lettre de Macmillan à Kennedy, 15 mai 1961.

    75 DDF, 1961-I, no 265, entretiens de Gaulle/Kennedy, 31 mai-2 juin, parties III et V-VII.

    76 DG-LNC, p. 373, note au sujet d’un projet américain de consultations tripartites à MM. Debré et Couve de Murville, 13 juin 1961.

    77 HMD, vol. II, p. 389-392, entrée du 11 juin 1961.

    78 Les Américains se proposaient soit de vendre des MRBM aux alliés européens, soit d’aider les Européens à établir une filière de production de MRBM en Europe. Dans les deux cas, le contrôle et la décision d’emploi de la force nucléaire de l’OTAN resteraient aux mains du SACEUR.

    79 Le plan Herter comportait trois éléments : 1. la mise à la disposition du SACEUR de cinq sous-marins américains, équipés de 80 missiles Polaris, dès la fin 1963 ; 2. l’engagement des États-Unis de laisser en Europe des stocks d’armes nucléaires aussi longtemps que nécessaire ; 3. la formation, à terme, d’une force multilatérale OTAN permanente, commandée par le SACEUR, et constituée des cinq sous-marins américains auxquels s’ajouteraient 100 MRBM que les Européens achèteraient aux Américains et qui seraient déployés en mer.

    80 Sur les différents avatars de l’offre de force nucléaire OTAN, voir Trachtenberg Marc, A Constructed Peace, op. cit., p. 201-247 ; Schrafstetter Susanna et Twigge Stephen, Avoiding Armageddon: Europe, the United States, and the Struggle for Nuclear Nonproliferation, 1945-1970, Londres, Praeger, 2004, p. 133-162.

    81 UKNA, PREM 11/3713, instructions du Chief of Defence Staff Mountbatten (chef d’état-major des armées) au Air Chief Marshall Mills (représentant britannique au sein du Groupe permanent de l’OTAN, à Washington), 12 avril 1960 ; lettre de Watkinson à Macmillan, 12 mai.

    82 Cette attitude avait été définie au cours d’une réunion du Cabinet, le 25 mars 1960 (UKNA, PREM 11/3713, Watkinson à Macmillan, fin mars ; Bligh à Macmillan, 24 mai).

    83 Voir l’étude détaillée de Clark Ian, Nuclear Diplomacy and the Special Relationship, op. cit., p. 251-296.

    84 UKNA, DEFE 13/138, Roberts au FO, no 113, 31 mars 1960, rencontre Messmer/Watkinson du 30 mars.

    85 UKNA, PREM 11/3713, Roberts au FO, no 149, 24 mai 1960 (entretien avec l’Américain Burgess).

    86 UKNA, PREM 11/3713, Roberts au FO, no 150, 27 mai 1960 (entretien avec le Français de Leusse).

    87 Ce fut fait au cours de deux rencontres, entre de Gaulle et Spaak et entre Messmer et Gates (UKNA, PREM 11/3713, Roberts au FO, no 148 et 149, 24 mai 1960).

    88 UKNA, PREM 11/3713, Bligh à Macmillan, 24 mai 1960 ; lettre de Macmillan à Eisenhower du 24 juin.

    89 UKNA, PREM 11/3713, échange de lettres entre Macmillan et Eisenhower, 24 et 30 juin 1960. Voir aussi Clark Ian, op. cit., p. 276-277.

    90 Voir UKNA, PREM 11/3713, Roberts au FO, no 213, 5 juillet 1960, §4 (entretien avec l’Américain Nolting, où celui-ci appela Roberts à la plus extrême discrétion sur le fait qu’une livraison de Polaris à la Grande-Bretagne avait été évoquée début juin par Watkinson et Gates, à Washington).

    91 UKNA, PREM 11/3713, de Zulueta, projet de directive sur la force OTAN de MRBM, début juillet 1960, §5.

    92 UKNA, PREM 11/3713, réunion de Birch Grove du 13 juin 1960 (Macmillan, Watkinson, Solly Zuckerman, Dean, Bligh).

    93 UKNA, PREM 11/3713, de Zulueta, projet de directive sur la force OTAN de MRBM, début juillet 1960.

    94 UKNA, PREM 11/3261, Watkinson à Macmillan, 21 octobre 1960 ; échange de messages entre Macmillan et Eisenhower, à propos du Skybolt, 26 et 31 octobre ; HMD, vol. II, p. 339-340, entrée du 1er décembre 1960 : « “Skybolt” – les Américains vont-ils nous laisser tomber, et (si c’est le cas) que pouvons-nous faire ? »

    95 UKNA, FO 371/159668, ZP 5/7, note de Shuckburgh, 20 février 1961. Ce document à usage interne pour les membres de la Planning Section du FO offre une analyse éclairante de cette controverse.

    96 UKNA, PREM 11/3002, rapport de Roberts pour Selwyn Lloyd, 3 décembre 1959, « attitude du général de Gaulle envers l’OTAN ». Il fut aussi l’un des rares Britanniques à se prononcer en faveur de l’offre Gates (PREM 11/3713, dépêche de Roberts à Lloyd, no 39, « le problème des MRBM européens », 29 juin 1960).

    97 On en trouve un exposé particulièrement frappant dans UKNA, PREM 11/3325, f. 25-29, lettre de Shuckburgh à Brook, 26 décembre 1960.

    98 UKNA, PREM 11/3325, f. 47-50, mémorandum préparé par de Zulueta, sur instruction du Premier ministre, 17 janvier 1961, contenant une critique de la lettre de Shuckburgh du 26 décembre 1960.

    99 Il résuma ses idées dans une note diffusée quelques jours après la réunion aux Chequers (UKNA, PREM 11/3325, f. 34-35, Watkinson à Macmillan, « développement et contrôle des forces nucléaires de l’Ouest », 25 janvier 1961).

    100 UKNA, FO 371/159668, note de Shuckburgh, 20 février 1961 ; sur les idées hétérodoxes de De Zulueta, voir PREM 11/3713, de Zulueta à Bishop, « Europe and the Deterrent », 7 juin 1960, où il propose une forme d’arrangement nucléaire tripartite ; sur celles de Bishop, voir PREM 11/3311, f. 169-170, Bishop à de Zulueta, 10 avril 1961, où Bishop exprime son refus de « laisser le nucléaire aux Américains » et son désir de maintenir une défense avant tout nucléaire de l’Europe, face aux tendances contraires s’affirmant à Washington.

    101 Voir UKNA, FO 371/159668, Shuckburgh à Mottershead (Deputy Permanent Under-Secretary, ministère de la Défense), 25 janvier 1961 ; Shuckburgh à Hoyer-Millar, 9 février ; Playfair (Permanent Under-Secretary, ministère de la Défense) à Brook, 6 mars.

    102 UKNA, DEFE 13/138, compte rendu de la réunion Messmer/Watkinson, à Londres, 11 mai 1960.

    103 Le ministère de la Défense britannique avait réagi avec inquiétude, durant l’été 1960, lorsque Macmillan avait paru tenté par l’idée du tripartisme stratégique avec la France.

    104 UKNA, DEFE 13/138, note sur la coopération franco-britannique, accompagnée d’un bilan d’avancement des projets coopératifs, novembre 1960.

    105 La coopération était excellente entre les deux marines et des perspectives intéressantes existaient pour les équipements électroniques de défense anti-aérienne et pour certains types de missiles. En revanche, la coopération était quasi inexistante au niveau terrestre tandis que dans l’aéronautique, les Français s’étaient désintéressés du projet britannique d’avion à décollage vertical P1127 et avaient lancé leur propre projet, le Mirage III V, en août 1960 (UKNA, DEFE 13/138, passim).

    106 UKNA, DEFE 13/138, note de Shilver pour Watkinson, « Interdependence with the French », 11 avril 1961.

    107 DDF, 1961-I, no 185, entretiens de M. Harold Watkinson, ministre de la Défense britannique à Paris (12-13 avril), avec Debré et Messmer.

    108 UKNA, DEFE 13/138, MM 26-29/61, visite de Watkinson à Paris, échanges du 13 avril 1961 avec Messmer.

    109 UKNA, PREM 11/4224, Watkinson à Macmillan, 14 avril 1961.

    110 UKNA, DEFE 13/138, Watkinson à Messmer, 19 juin 1961 ; note pour le ministre, « French proposal for cooperation between the English and French “forces de frappe” », non datée.

    111 UKNA, DEFE 13/138, note en vue de la visite de M. Messmer à Londres, 19 juillet 1961, « force de frappe française ».

    112 UKNA, DEFE 13/138, Lord Mountbatten au général Olié, 12 juin 1961.

    113 UKNA, DEFE 13/138, réunion Watkinson/Messmer, Londres, 25 juillet 1961.

    114 À noter que la première session de conversations d’état-major que les Britanniques proposaient d’organiser en juillet fut repoussée à plus tard par les Français, sous prétexte qu’une consultation du même type était prévue avec les Allemands à ce moment-là. Ainsi, la priorité du dialogue stratégique franco-allemand se matérialisait chronologiquement, alors que Londres venait de signifier son refus de discuter de stratégie nucléaire avec Paris.

    115 Voir Soutou Georges-Henri, L’alliance incertaine, op. cit., p. 166-168, 179-183, 195-197.

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    1 Trachtenberg Marc, A Constructed Peace: The Making of the European Settlement, 1945-1963, Princeton, Princeton University Press, 1999, p. 201-247.

    2 DG-DM, vol. III, p. 217-221, allocution radiodiffusée et télévisée du 31 mai 1960.

    3 DDF, 1960-I, no 221, partie I, conversation Adenauer/de Gaulle à Paris, 14 mai.

    4 Bozo Frédéric, entrée « Dynamique de la politique étrangère (1958-1969) », in Claire Andrieu, Philippe Braud et Guillaume Piketty (dir.), Dictionnaire de Gaulle, Paris, R. Laffont, 2006, p. 930-933.

    5 Lire la note manuscrite « Au sujet de l’organisation de l’Europe » remise à Adenauer le 30 juillet, où apparaît la double dimension européenne et atlantique du dessein gaullien de l’été 1960, DG-LNC, p. 255-256.

    6 « Ce n’est qu’ensemble que “nous ferons le poids” et que les Américains nous écouteront », explique-t-il à Adenauer, le 29 juillet 1960 (DDF, 1960-II, no 54, II, entretiens franco-allemands de Rambouillet).

    7 DDF, 1960-II, no 54, entretiens franco-allemands de Rambouillet, 29-30 juillet. Dans cette partie, lorsque nous ferons référence à « Rambouillet » sans autre précision, il s’agira toujours de désigner cette réunion cruciale. Voir Soutou Georges-Henri, L’alliance incertaine : les rapports politico-stratégiques franco-allemands, 1954-1996, Paris, Fayard, 1996, p. 158-166 ; Giauque Jeffrey, Grand Designs and Visions of Unity: The Atlantic Powers and the Reorganization of Western Europe, 1955-1963, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2002, p. 130-138.

    8 Voir DDF, 1960-II, p. 164, note de Maurice Vaïsse.

    9 De Gaulle fit par deux fois allusion à la perspective que l’Allemagne « un jour » disposerait elle aussi de ces armes (DDF, 1960-II, no 54, partie I, p. 165-166).

    10 Adenauer avait tout de même souligné par deux fois sa réticence par rapport à l’alinéa 4 de la note manuscrite que le Général lui avait donnée le 30 juillet (DG-LNC, p. 255-256). Cet alinéa appelait à « mettre un terme à “l’intégration” américaine en quoi consiste présentement l’Alliance atlantique et qui est contradictoire avec l’existence d’une Europe ayant au point de vue international sa personnalité et sa responsabilité. L’Alliance doit être fondée sur de nouvelles bases. C’est à l’Europe de les proposer ».

    11 Expression de Bozo Frédéric, Deux stratégies pour l’Europe, op. cit., p. 66.

    12 DG-LNC, p. 256-257, note à Maurice Couve de Murville, 1er août 1960, où le Général suggérait de « battre le fer de l’organisation de l’Europe, car ce fer est chaud ».

    13 DDF, 1960-II, no 67, note de la DAEF du 8 août, « entretiens du 6 août avec M. van Scherpenberg ».

    14 UKNA, PREM 11/2993, comptes rendus de la visite à Bonn de Macmillan et de Home, 10-11 août 1960.

    15 La mise en scène allemande autour de cette visite étonna les Britanniques (UKNA, PREM 11/2993, message de Russell à Tomkins, 3 août 1960).

    16 HMD, vol. II, p. 322-324, entrée du 10 août 1960. Macmillan interpréta tout d’abord en mauvaise part cet accueil, l’attribuant à la joie maligne éprouvée par Adenauer à propos de l’échec de sa politique de détente envers l’Est.

    17 UKNA, PREM 11/2993, Steel (Bonn) à Hoyer-Millar, 22 juillet 1960 ; Steel au FO, no 719-720, 2 août (rencontre avec Adenauer) : Steel indique avoir cherché (en vain) à détromper le chancelier.

    18 DDF, 1960-II, no 86, Seydoux (Bonn) à Couve de Murville, 28 août.

    19 DDF, 1960-II, no 94, Bousquet (Bruxelles) à Couve de Murville, 2 septembre ; no 112, note sur les conversations franco-allemandes des 9-10 septembre ; no 241, note de la direction d’Europe, 30 novembre.

    20 Il alla même jusqu’au mensonge en niant le fait qu’avaient été abordés avec de Gaulle l’idée d’un secrétariat politique pour les Six ou les rapports du Royaume-Uni avec l’Europe des Six (UKNA, PREM 11/2993, Steel au FO, no 719-720, 2 août [rencontre avec Adenauer] ; HMD, vol. II, p. 322-324, entrée du 10 août 1960).

    21 Lire là-dessus Gloriant Frédéric, « De Gaulle’s Nuclear Policy, West Germany and the Second Berlin Crisis: A Historiographical Reappraisal, 1958-1963 », in Nicolas Badalassi et Frédéric Gloriant (dir.), France, Germany and Nuclear Deterrence: Quarrels and Convergences during the Cold War and Beyond, New York, Berghahn, 2022, p. 90-117 (en particulier p. 93-96).

    22 PA AA, B130, Bd. 8413A, lettre d’Adenauer à de Gaulle, 15 août 1960.

    23 UKNA, PREM 11/3334, Roberts au FO, no 217, 12 septembre 1960 (échange avec le représentant permanent américain auprès de l’OTAN Burgess).

    24 Critiquant les positions excessivement favorables à l’OTAN et antigaullistes du diplomate Frank Roberts, Macmillan alla jusqu’à dire que ce dernier devait comprendre que « nous [étions] un pays pour qui rien ne compt[ait] plus en ce moment que notre commerce », commerce dont l’avenir dépendait de la résolution du problème des Six et des Sept (UKNA, PREM 11/3334, Macmillan à Bligh, 16 septembre 1960).

    25 La tension culmina avec la visite de Debré et de Couve de Murville à Bonn les 7 et 8 octobre qui donna lieu à un violent coup de colère d’Adenauer à propos de la politique nucléaire de la France et de son opposition à l’OTAN (DDF, 1960-II, no 162). Voir aussi no 184, note de Couve de Murville, 25 octobre : ce dernier, ayant convoqué Blankenhorn, réclama une clarification des positions allemandes.

    26 Voir FRUS, 1958-60, vol. VII-1, no 271, p. 645-647, lettre d’Eisenhower à Adenauer, 5 octobre 1960 : les « lignes rouges » américaines y étaient fermement réaffirmées auprès du chancelier, juste avant la visite de Debré et de Couve de Murville. Si l’intégration était remise en cause, alors la présence des troupes américaines en Europe le serait aussi ; très hostile à la formation d’un « bloc des six nations » au sein de l’OTAN, le président américain appelait Adenauer à s’opposer aux idées de De Gaulle.

    27 DG-LNC, p. 267-268, « Directives pour Michel Debré », 30 septembre 1960 et « note sur l’organisation politique des Six du Marché commun », 6 octobre 1960.

    28 UKNA, PREM 11/3334, Macmillan à Bligh, 16 septembre 1960.

    29 Voir DDF, 1960-II, no 148, Alphand à Couve de Murville, 29 septembre (rencontre Wormser/Dillon) : la convergence franco-américaine pour défendre la CEE jouait toujours. Voir aussi PA AA, B130, Bd. 8444A, van Scherpenberg à l’ambassade de Washington, 18 août 1960 : suite à la rencontre des 10-11 août, le département d’État américain avait visiblement fait part aux Allemands de sa crainte que le rapprochement germano-britannique ne nuise à l’intégrité du traité de Rome, ce que l’Auswärtiges Amt s’attacha à réfuter.

    30 Kaiser Wolfram, Using Europe, Abusing the Europeans: Britain and European Integration, 1945-63, Londres, Macmillan, 1996, p. 129-135. On trouve un argument similaire chez Bange Oliver, The EEC Crisis of 1963: Kennedy, Macmillan, de Gaulle and Adenauer in Conflict, Londres, Macmillan Press, 2000, p. 10-19 et 30-36.

    31 Ashton Nigel, Kennedy, Macmillan, and the Cold War: The Irony of Interdependence, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2002, p. 131-133.

    32 Ruane Kevin et Ellison James, « Managing the Americans: Anthony Eden, Harold Macmillan and the Pursuit of “Power-by-Proxy” in the 1950s », Contemporary British History, vol. 18, no 3, 2004, p. 147-167.

    33 UKNA, PREM 11/3325, f. 95-96, Macmillan à Home, M436/60, 22 décembre 1960.

    34 UKNA, PREM 11/3325, f. 57-88, mémorandum du Premier ministre, surnommé le « grand dessein », écrit entre le 29 décembre 1960 et le 3 janvier 1961.

    35 Il demeurait, disait-il, un « adepte impénitent de “l’interdépendance” » (ibid.).

    36 UKNA, PREM 11/3311, f. 46-47, Macmillan à Caccia, no 3234, 9 mai 1961 (instructions du Premier ministre sur le message à transmettre à Bundy) ; f. 5-6, FO à Caccia, no 3383, lettre de Macmillan à Kennedy, 15 mai.

    37 UKNA, PREM 11/3334, de Zulueta à Thomson (FO), 12 juillet 1960 ; Macmillan à Bligh, 16 septembre.

    38 UKNA, PREM 11/3334, lettre de Shuckburgh à Hoyer-Millar (commentée par ce dernier et transmise à Macmillan), 16 septembre 1960.

    39 Macmillan écrit par exemple que « les Allemands en particulier ne cèdent jamais à la force des arguments, mais seulement à l’argument de la force » (UKNA, PREM 11/3325, « grand dessein », §15).

    40 Kaiser Wolfram, « The Bomb and Europe: Britain, France and the EEC Entry Negotiations, 1961-1963 », Journal of European Integration History, 1/1, 1995, p. 65-85.

    41 UKNA, PREM 11/3325, f. 38-41, Home à Pierson Dixon (Paris), non daté, compte rendu de la réunion des Chequers du 22 janvier 1961.

    42 DDF, 1960-II, no 128, conversations franco-luxembourgeoises à l’Élysée, 17 septembre.

    43 C’est un argument qu’il allait répéter à Adenauer, le 20 mai 1961 (DDF, 1961-I, no 249, II, Bonn).

    44 Voir le ton cassant adopté face à Edward Heath, ministre en charge des Affaires européennes (DDF, 1960-II, no 157, visite de Heath, Lord du Sceau Privé, à Paris, 3-5 octobre).

    45 DDF, 1960-II, no 167 et 242, notes de la DAEF (Wormser), 12 octobre et 30 novembre (analyses de la position britannique au sujet du problème des Six et des Sept).

    46 DDF, 1960-II, no 176, Chauvel à Couve de Murville, 22 octobre (entrevue avec Heath) ; no 252, Chauvel à Couve de Murville, 2 décembre (sur les entretiens d’experts germano-britanniques des 28-29 novembre) ; no 288, dépêche de Chauvel à Couve de Murville, 22 décembre.

    47 DDF, 1961-I, no 42, entretien de Gaulle/Macmillan de Rambouillet du 28 janvier ; AN, 5 AG 1, carton 685, entretien du 29 janvier ; UKNA, PREM 11/3322, pour les comptes rendus britanniques.

    48 AN, 5 AG 1, carton 685, entretien du 29 janvier 1961, à Rambouillet.

    49 UKNA, FO 371/159668, Ramsbotham à Shuckburgh, 8 février 1961.

    50 AN, 5 AG 1, carton 685, entretien du 29 janvier 1961, à Rambouillet.

    51 DDF, 1961-I, no 59, entretiens de Gaulle/Adenauer de Paris, 9 février (la veille du sommet des Six).

    52 DDF, 1961-I, no 124, échange de lettres entre Adenauer et de Gaulle, 27 février et 9 mars.

    53 DDF, 1961-I, no 249, entretiens de Gaulle/Adenauer à Rhöndorf et Bonn, 20 mai.

    54 DDF, 1961-I, no 239, entretien entre les quatre MAE occidentaux, Oslo, 9 mai.

    55 DDF, 1961-I, no 249, II.

    56 Voir les propos tenus devant le Danois Krag (MAE du Danemark), devant Adenauer ou encore Kennedy (respectivement DDF, 1961-I, no 201, 20 avril ; no 249, partie II, 20 mai ; no 265, partie VII, 31 mai-2 juin).

    57 UKNA, CAB 129/105/4, conférence de Washington, 5-8 avril 1961.

    58 UKNA, PREM 11/3311, f. 176 et 183, de Zulueta à Macmillan, version courte du grand dessein, 3 avril 1961.

    59 UKNA, CAB 129/105/4, doc. no 1, plénière du 5 avril 1961.

    60 UKNA, PREM 11/3780, f. 80-82, « suite de la note du Premier ministre sur sa conversation avec le président Kennedy, jeudi 6 avril, 14 h 45 » (durant la conférence de Washington).

    61 Ibid. : Kennedy « sembla prendre tout cela d’une manière plutôt détachée ».

    62 HMD, vol. II, p. 372-373, entrée du 8 avril 1961.

    63 UKNA, PREM 11/3311, f. 74-95, Macmillan à Kennedy (lettre, mémorandum et annexes), 28 avril 1961.

    64 Sur ce stratagème et son échec, lire Deighton Anne, « Großbritannien und der Wiener Gipfel 1961 » in Stefan Karner (dir.), Der Wiener Gipfel 1961: Kennedy – Chruschtschow, Innsbruck, Studien-Verl., 2011, p. 165-184.

    65 UKNA, PREM 11/3311, f. 67-69, Caccia à Macmillan, no 1159, 4 mai 1961 (entrevue avec Bundy, à propos de l’envoi du 28 avril) ; f. 50-52, Kennedy à Macmillan, 8 mai 1961 (réponse formelle de Kennedy).

    66 Dans une seconde lettre, Macmillan jugea d’ailleurs nécessaire d’exprimer des doutes quant à cette idée de confier au SACEUR les forces nucléaires stratégiques britanniques, voir UKNA, PREM 11/3311, f. 5-6, FO à Caccia, no 3383, lettre de Macmillan à Kennedy, 15 mai 1961, §5.

    67 Owen à Bundy, 21 avril 1961, cité par Clark Ian, Nuclear Diplomacy and the Special Relationship, op. cit., p. 299.

    68 Voir Trachtenberg Marc, A Constructed Peace, op. cit., p. 302-321 ; Bozo Frédéric, Deux stratégies pour l’Europe, op. cit., p. 69-74 ; Clark Ian, Nuclear Diplomacy and the Special Relationship, op. cit., p. 297-337.

    69 Ashton Nigel, Kennedy, Macmillan and the Cold War, op. cit., p. 156 (voir n. 16) : Watkinson et Home évoquent le 1er mai 1961 « un plus grand accent porté sur le contrôle américain ».

    70 Sur l’hégémonisme de la politique de Kennedy, lire Costigliola Frank, « The Pursuit of Atlantic Community: Nuclear Arms, Dollars, and Berlin », in Thomas G. Paterson (dir.), Kennedy’s Quest for Victory: American Foreign Policy, 1961-1963, New York, Oxford University Press, 1989, p. 24-56.

    71 Il défendait du même coup le principe de l’indépendance nucléaire britannique, contre le raisonnement de Bundy, dont les implications étaient finalement que nulle force nucléaire opérationnelle n’était possible en dehors de l’aide technologique fournie par les États-Unis.

    72 UKNA, PREM 11/3311, f. 58-60, de Zulueta à Macmillan, 5 mai 1961 ; CAB 21/5556, de Zulueta à Macmillan, 10 juin 1961.

    73 UKNA, PREM 11/3311, f. 65-66, Thorneycroft à Macmillan, 4 mai 1961.

    74 UKNA, PREM 11/3311, f. 5-6, FO à Caccia, no 3383, lettre de Macmillan à Kennedy, 15 mai 1961.

    75 DDF, 1961-I, no 265, entretiens de Gaulle/Kennedy, 31 mai-2 juin, parties III et V-VII.

    76 DG-LNC, p. 373, note au sujet d’un projet américain de consultations tripartites à MM. Debré et Couve de Murville, 13 juin 1961.

    77 HMD, vol. II, p. 389-392, entrée du 11 juin 1961.

    78 Les Américains se proposaient soit de vendre des MRBM aux alliés européens, soit d’aider les Européens à établir une filière de production de MRBM en Europe. Dans les deux cas, le contrôle et la décision d’emploi de la force nucléaire de l’OTAN resteraient aux mains du SACEUR.

    79 Le plan Herter comportait trois éléments : 1. la mise à la disposition du SACEUR de cinq sous-marins américains, équipés de 80 missiles Polaris, dès la fin 1963 ; 2. l’engagement des États-Unis de laisser en Europe des stocks d’armes nucléaires aussi longtemps que nécessaire ; 3. la formation, à terme, d’une force multilatérale OTAN permanente, commandée par le SACEUR, et constituée des cinq sous-marins américains auxquels s’ajouteraient 100 MRBM que les Européens achèteraient aux Américains et qui seraient déployés en mer.

    80 Sur les différents avatars de l’offre de force nucléaire OTAN, voir Trachtenberg Marc, A Constructed Peace, op. cit., p. 201-247 ; Schrafstetter Susanna et Twigge Stephen, Avoiding Armageddon: Europe, the United States, and the Struggle for Nuclear Nonproliferation, 1945-1970, Londres, Praeger, 2004, p. 133-162.

    81 UKNA, PREM 11/3713, instructions du Chief of Defence Staff Mountbatten (chef d’état-major des armées) au Air Chief Marshall Mills (représentant britannique au sein du Groupe permanent de l’OTAN, à Washington), 12 avril 1960 ; lettre de Watkinson à Macmillan, 12 mai.

    82 Cette attitude avait été définie au cours d’une réunion du Cabinet, le 25 mars 1960 (UKNA, PREM 11/3713, Watkinson à Macmillan, fin mars ; Bligh à Macmillan, 24 mai).

    83 Voir l’étude détaillée de Clark Ian, Nuclear Diplomacy and the Special Relationship, op. cit., p. 251-296.

    84 UKNA, DEFE 13/138, Roberts au FO, no 113, 31 mars 1960, rencontre Messmer/Watkinson du 30 mars.

    85 UKNA, PREM 11/3713, Roberts au FO, no 149, 24 mai 1960 (entretien avec l’Américain Burgess).

    86 UKNA, PREM 11/3713, Roberts au FO, no 150, 27 mai 1960 (entretien avec le Français de Leusse).

    87 Ce fut fait au cours de deux rencontres, entre de Gaulle et Spaak et entre Messmer et Gates (UKNA, PREM 11/3713, Roberts au FO, no 148 et 149, 24 mai 1960).

    88 UKNA, PREM 11/3713, Bligh à Macmillan, 24 mai 1960 ; lettre de Macmillan à Eisenhower du 24 juin.

    89 UKNA, PREM 11/3713, échange de lettres entre Macmillan et Eisenhower, 24 et 30 juin 1960. Voir aussi Clark Ian, op. cit., p. 276-277.

    90 Voir UKNA, PREM 11/3713, Roberts au FO, no 213, 5 juillet 1960, §4 (entretien avec l’Américain Nolting, où celui-ci appela Roberts à la plus extrême discrétion sur le fait qu’une livraison de Polaris à la Grande-Bretagne avait été évoquée début juin par Watkinson et Gates, à Washington).

    91 UKNA, PREM 11/3713, de Zulueta, projet de directive sur la force OTAN de MRBM, début juillet 1960, §5.

    92 UKNA, PREM 11/3713, réunion de Birch Grove du 13 juin 1960 (Macmillan, Watkinson, Solly Zuckerman, Dean, Bligh).

    93 UKNA, PREM 11/3713, de Zulueta, projet de directive sur la force OTAN de MRBM, début juillet 1960.

    94 UKNA, PREM 11/3261, Watkinson à Macmillan, 21 octobre 1960 ; échange de messages entre Macmillan et Eisenhower, à propos du Skybolt, 26 et 31 octobre ; HMD, vol. II, p. 339-340, entrée du 1er décembre 1960 : « “Skybolt” – les Américains vont-ils nous laisser tomber, et (si c’est le cas) que pouvons-nous faire ? »

    95 UKNA, FO 371/159668, ZP 5/7, note de Shuckburgh, 20 février 1961. Ce document à usage interne pour les membres de la Planning Section du FO offre une analyse éclairante de cette controverse.

    96 UKNA, PREM 11/3002, rapport de Roberts pour Selwyn Lloyd, 3 décembre 1959, « attitude du général de Gaulle envers l’OTAN ». Il fut aussi l’un des rares Britanniques à se prononcer en faveur de l’offre Gates (PREM 11/3713, dépêche de Roberts à Lloyd, no 39, « le problème des MRBM européens », 29 juin 1960).

    97 On en trouve un exposé particulièrement frappant dans UKNA, PREM 11/3325, f. 25-29, lettre de Shuckburgh à Brook, 26 décembre 1960.

    98 UKNA, PREM 11/3325, f. 47-50, mémorandum préparé par de Zulueta, sur instruction du Premier ministre, 17 janvier 1961, contenant une critique de la lettre de Shuckburgh du 26 décembre 1960.

    99 Il résuma ses idées dans une note diffusée quelques jours après la réunion aux Chequers (UKNA, PREM 11/3325, f. 34-35, Watkinson à Macmillan, « développement et contrôle des forces nucléaires de l’Ouest », 25 janvier 1961).

    100 UKNA, FO 371/159668, note de Shuckburgh, 20 février 1961 ; sur les idées hétérodoxes de De Zulueta, voir PREM 11/3713, de Zulueta à Bishop, « Europe and the Deterrent », 7 juin 1960, où il propose une forme d’arrangement nucléaire tripartite ; sur celles de Bishop, voir PREM 11/3311, f. 169-170, Bishop à de Zulueta, 10 avril 1961, où Bishop exprime son refus de « laisser le nucléaire aux Américains » et son désir de maintenir une défense avant tout nucléaire de l’Europe, face aux tendances contraires s’affirmant à Washington.

    101 Voir UKNA, FO 371/159668, Shuckburgh à Mottershead (Deputy Permanent Under-Secretary, ministère de la Défense), 25 janvier 1961 ; Shuckburgh à Hoyer-Millar, 9 février ; Playfair (Permanent Under-Secretary, ministère de la Défense) à Brook, 6 mars.

    102 UKNA, DEFE 13/138, compte rendu de la réunion Messmer/Watkinson, à Londres, 11 mai 1960.

    103 Le ministère de la Défense britannique avait réagi avec inquiétude, durant l’été 1960, lorsque Macmillan avait paru tenté par l’idée du tripartisme stratégique avec la France.

    104 UKNA, DEFE 13/138, note sur la coopération franco-britannique, accompagnée d’un bilan d’avancement des projets coopératifs, novembre 1960.

    105 La coopération était excellente entre les deux marines et des perspectives intéressantes existaient pour les équipements électroniques de défense anti-aérienne et pour certains types de missiles. En revanche, la coopération était quasi inexistante au niveau terrestre tandis que dans l’aéronautique, les Français s’étaient désintéressés du projet britannique d’avion à décollage vertical P1127 et avaient lancé leur propre projet, le Mirage III V, en août 1960 (UKNA, DEFE 13/138, passim).

    106 UKNA, DEFE 13/138, note de Shilver pour Watkinson, « Interdependence with the French », 11 avril 1961.

    107 DDF, 1961-I, no 185, entretiens de M. Harold Watkinson, ministre de la Défense britannique à Paris (12-13 avril), avec Debré et Messmer.

    108 UKNA, DEFE 13/138, MM 26-29/61, visite de Watkinson à Paris, échanges du 13 avril 1961 avec Messmer.

    109 UKNA, PREM 11/4224, Watkinson à Macmillan, 14 avril 1961.

    110 UKNA, DEFE 13/138, Watkinson à Messmer, 19 juin 1961 ; note pour le ministre, « French proposal for cooperation between the English and French “forces de frappe” », non datée.

    111 UKNA, DEFE 13/138, note en vue de la visite de M. Messmer à Londres, 19 juillet 1961, « force de frappe française ».

    112 UKNA, DEFE 13/138, Lord Mountbatten au général Olié, 12 juin 1961.

    113 UKNA, DEFE 13/138, réunion Watkinson/Messmer, Londres, 25 juillet 1961.

    114 À noter que la première session de conversations d’état-major que les Britanniques proposaient d’organiser en juillet fut repoussée à plus tard par les Français, sous prétexte qu’une consultation du même type était prévue avec les Allemands à ce moment-là. Ainsi, la priorité du dialogue stratégique franco-allemand se matérialisait chronologiquement, alors que Londres venait de signifier son refus de discuter de stratégie nucléaire avec Paris.

    115 Voir Soutou Georges-Henri, L’alliance incertaine, op. cit., p. 166-168, 179-183, 195-197.

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    Gloriant, Frédéric. « Chapitre IV. L’Europe des Six au cœur du différend franco-britannique (été 1960-été 1961) ». In Le schisme franco-britannique. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2023. https://doi.org/10.4000/books.pur.190670.
    Gloriant, Frédéric. « Chapitre IV. L’Europe des Six au cœur du différend franco-britannique (été 1960-été 1961) ». Le schisme franco-britannique, Presses universitaires de Rennes, 2023, https://doi.org/10.4000/books.pur.190670.

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